Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Virginia McRaeJackson; Jacoline Shepard,

plaignantes,

et

Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-Canada),

intimé,

et

Air Canada Jazz (Air Canada Régional Inc.),

employeur.

Dossier du Conseil: 23726-C

Edwin F. Snow,

plaignant,

et

Syndicat international des marins canadiens,

intimé,

et

Seabase Limited,

employeur.

Dossier du Conseil: 24142-C

CITÉ: Virginia McRaeJackson et autres

Décision no 290

le 12 octobre 2004


Plaintes déposées en vertu du paragraphe 97(1) du Code canadien du travail, Partie I.

Devoir de représentation juste - Article 37 - Principes pertinents - Fardeau de la preuve - Respect des délais - Obligations - Redressements - Le Conseil procède à l’examen de deux affaires dans la présente décision - Le Conseil effectue une étude exhaustive de sa jurisprudence relativement aux plaintes de manquement au devoir de représentation juste déposées en vertu de l’article 37 du Code - La décision clarifie le devoir de représentation juste, les obligations et responsabilités des plaignants et des syndicats en vertu du Code, la responsabilité de l’employeur dans les plaintes fondées sur l’article 37, les violations découlant de négociations entre le syndicat et l’employeur, le rôle du Conseil dans l’examen des plaintes de manquement au devoir de représentation juste, les redressements offerts et la question du droit à une audience - Ce sont les faits dans chaque affaire qui sont déterminants pour qu’on puisse conclure que la conduite du syndicat ne satisfait pas aux normes que le Conseil juge acceptables - La représentation des employés par les syndicats repose sur les droits reconnus par la convention collective, ce qui signifie qu’ils disposent d’une grande discrétion pour déterminer comment ces droits doivent être appliqués - Comme ces deux affaires le montrent, dans la mesure où le syndicat a étudié un grief présenté ou une proposition de grief, qu’il a cherché à déterminer leur bien-fondé en se fondant sur toutes les circonstances et qu’il est arrivé à une conclusion raisonnée sur les résultats éventuels, le Conseil n’a aucune raison d’intervenir.

Devoir de représentation juste - Poste relevant des services de sécurité - Mise en disponibilité - Droits de supplantation - Convention collective précédente - Ancienne convention collective - Grief - Pouvoir discrétionnaire du syndicat - Groupe d’employés - Dans la première affaire, les plaignantes ont été mises en disponibilité et elles ont invoqué leurs droits de supplantation dans des postes d’agents des services à la clientèle - La nouvelle convention collective ne prévoit pas de droits de supplantation entre divisions - Les plaignantes se sont fait dire par le syndicat qu’il n’y avait pas matière à grief en vertu de la nouvelle convention collective - Les plaignantes allèguent que le syndicat a fait preuve de discrimination à leur endroit - Le Conseil déclare que ce n’est pas parce que le syndicat a pris une position pouvant être défavorable à un groupe d’employés que ses actions doivent être jugées discriminatoires - Il est impossible de faire respecter des droits fondés sur une ancienne convention collective et un grief qui les invoque est voué à l’échec d’emblée - La décision du syndicat de ne pas présenter des griefs était raisonnable dans les circonstances - La plainte est rejetée parce que non fondée.

Devoir de représentation juste - Fardeau de la preuve - Conduite du syndicat - Mise en disponibilité - Dans la deuxième affaire, le plaignant a été mis en disponibilité conformément aux dispositions sur l’ancienneté de la convention collective, puis rappelé pour une autre affectation - Le jour de son rappel, il a informé le syndicat que, selon lui, l’employeur ne s’était pas conformé aux modalités d’un protocole d’entente et a demandé au syndicat de lui fournir les conseils d’un avocat - Le syndicat a présenté un grief en son nom - Le syndicat a ensuite demandé au plaignant de lui présenter des preuves mais comme il n’a pas répondu, le syndicat lui a indiqué qu’il allait fermer son dossier - Le syndicat a ensuite retiré le grief - Le plaignant n’a pas établi, à première vue, que le syndicat s’était conduit de façon à enfreindre le Code - Non seulement le plaignant a mal compris les motifs pouvant justifier une plainte fondée sur l’article 37, mais il a aussi réclamé un redressement ne découlant pas de ce qu’il allègue dans sa plainte - La plainte est rejetée faute d’être fondée.


Le banc du Conseil était composé de Me Michele A. Pineau, Vice-présidente, siégeant seule en vertu de l’alinéa 14(3)c) du Code canadien du travail (Partie I - Relations du travail) (le Code).

I - Introduction

[1] Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) reçoit de nombreuses plaintes d’employés alléguant que leur syndicat a manqué à son devoir de représentation juste. Chaque année, ces plaintes représentent près de cinquante pour cent de toutes celles dénonçant des pratiques déloyales de travail dont le Conseil est saisi; elles accaparent une grande partie de ses ressources, sans contribuer nettement à la réalisation des objectifs de la Partie I du Code, que le Conseil a pour mission d’interpréter et d’appliquer. En effet, la plus grande partie d’entre elles sont rejetées parce que les faits ne démontrent pas qu’il existe des motifs suffisants pour les juger fondées.

[2] La charge de travail qui en résulte pour les syndicats, le Conseil et le système des relations du travail dans son ensemble, dont les ressources sont limitées, a incité le Conseil à repenser son approche à l’égard de ces plaintes, tout en se conformant aux principes de justice naturelle qui régissent tous les tribunaux administratifs et en donnant aux plaignants la possibilité de faire entendre leurs plaintes.

[3] L’analyse de ces nombreuses plaintes nous a permis de dégager une constatation générale: la plupart des plaignants ne comprennent pas clairement la nature du devoir de représentation juste imposé par le Code.

[4] Par conséquent, pour la gouverne de tous les plaignants, le Conseil a décidé de dissiper les malentendus relatifs à la portée du devoir de représentation juste des syndicats dans une décision à laquelle les parties pourraient se reporter et sur laquelle il pourrait lui-même fonder ses décisions d’accueillir ou de rejeter les plaintes de ce genre.

[5] Les principes qui suivent reflètent les plus importants aspects du pouvoir du Conseil de trancher les plaintes fondées sur l’article 37 du Code. Les décisions invoquées à leur appui concernent pour la plupart des affaires tranchées par le Conseil depuis les modifications apportées au Code en 1999 et la nomination du nouveau Conseil canadien des relations industrielles, ainsi que d’importantes affaires sur lesquelles la Cour suprême du Canada et la Cour d’appel fédérale se sont prononcées. Ensemble, elles constituent un échantillon exhaustif de la jurisprudence. Pour la jurisprudence découlant des décisions de l’ancien Conseil canadien des relations du travail ou les autres décisions rapportées, on pourra consulter deux importants recueils de la jurisprudence du Conseil (Ronald M. Snyder, The 2003-2004 Annotated Canada Labour Code, Toronto, Thomson-Carswell, 2003 et Graham J. Clarke, Clarke’s Canada Industrial Relations Board, vol. 2, Aurora, Canada Law Book, 2004), de même que les décisions publiées par le Conseil lui-même.

II - Le devoir de représentation juste

[6] Le devoir de représentation juste est le pendant du pouvoir exclusif du syndicat de se charger des griefs en vertu de la convention collective.

[7] Quand le Conseil accrédite un syndicat, celui-ci devient le représentant exclusif d’une unité d’employés dans sa relation avec l’employeur. L’alinéa 36(1)a) du Code le précise ainsi:

36.(1) L’accréditation d’un syndicat à titre d’agent négociateur emporte:

a) droit exclusif de négocier collectivement au nom des employés de l’unité de négociation représentée...

[8] Cette relation englobe la négociation et la signature d’une convention collective. Toutes les conventions collectives négociées en vertu du Code doivent contenir une clause de règlement définitif des différends qu’on appelle aussi la procédure de règlement des griefs (article 57 du Code). Les syndicats appliquent la convention collective en présentant des griefs alléguant que l’employeur ne s’est pas conformé à ses dispositions. Ils disposent d’une grande latitude à l’égard des griefs. Ils peuvent les régler, les retirer, ou encore décider de ne pas les porter à l’arbitrage, même si l’employé concerné n’est pas d’accord (voir Fred Blacklock et autres, [2001] CCRI no 139).

[9] Le pouvoir du syndicat en matière de griefs est compensé par l’obligation que le Code lui impose de traiter équitablement tous les membres de l’unité de négociation. C’est ce qu’on appelle le devoir de représentation juste, que le Code décrit en ces termes:

37. Il est interdit au syndicat, ainsi qu’à ses représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l’égard des employés de l’unité de négociation dans l’exercice des droits reconnus à ceux-ci par la convention collective.

[10] Le devoir de représentation juste est un élément fondamental de la législation canadienne sur les relations du travail dans toutes les compétences, sauf au Nouveau-Brunswick; en outre, il fait depuis longtemps l’objet d’une interprétation uniforme non seulement par les commissions des relations de travail, mais aussi par les tribunaux. Les principes qui régissent cette obligation du syndicat sont enchâssés dans l’extrait suivant de l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Guilde de la marine marchande du Canada c. Guy Gagnon et autre, [1984] 1 R.C.S. 509:

1. Le pouvoir exclusif reconnu à un syndicat d’agir à titre de porte-parole des employés faisant partie d’une unité de négociation comporte en contrepartie l’obligation de la part du syndicat d’une juste représentation de tous les salariés compris dans l’unité.

2. Lorsque, comme en l’espèce et comme c’est généralement le cas, le droit de porter un grief à l’arbitrage est réservé au syndicat, le salarié n’a pas un droit absolu à l’arbitrage et le syndicat jouit d’une discrétion appréciable.

3. Cette discrétion doit être exercée de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du grief et du dossier, tout en tenant compte de l’importance du grief et des conséquences pour le salarié, d’une part, et des intérêts légitimes du syndicat d’autre part.

4. La décision du syndicat ne doit pas être arbitraire, capricieuse, discriminatoire, ni abusive.

5. La représentation par le syndicat doit être juste, réelle et non pas seulement apparente, faite avec intégrité et compétence, sans négligence grave ou majeure, et sans hostilité envers le salarié.

(page 527)

[11] On applique ces critères pour décider si le syndicat s’est prévalu à juste titre de son pouvoir discrétionnaire de renvoyer le grief d’un employé ou d’un ancien employé à l’arbitrage. Conformément à ces critères, le Conseil analyse la conduite du syndicat dans le contexte de sa gestion du grief de l’employé (voir Vergel Bugay et autres, [1999] CCRI no 45; 57 CLRBR (2d) 182; et 2000 CLLC 220-034). Il n’examine pas en appel la décision du syndicat de ne pas porter un grief à l’arbitrage, mais évalue plutôt sa manière de traiter le grief (voir John Presseault, [2001] CCRI no 138; et Robert Adams, [2000] CCRI no 95; et 73 CLRBR (2d) 132, confirmée dans Canadian Council of Railway Operating Unions c. Robert Adams et autres, jugement prononcé à l’audience, dossier no A-719-00, 13 février 2002 (C.A.F.)). Bref, le Conseil se prononce sur le processus décisionnel du syndicat et non sur le bien-fondé du grief du plaignant (voir Gaétan Coulombe, [1999] CCRI no 25).

[12] Cela dit, même si le Conseil ne se prononce pas sur le bien-fondé du grief de l’employé, il peut analyser les faits pour déterminer si l’enquête menée par le syndicat reflétait la valeur et le sérieux de son cas (voir Raynald Pinel, [1999] CCRI no 19; et Robert Adams, précitée).

III - Obligations et responsabilités des plaignants en vertu du Code

[13] Dans une plainte fondée sur l’article 37, c’est l’employé qui a la responsabilité (ou le fardeau de la preuve) de présenter des faits suffisants pour soulever une présomption que le syndicat a manqué à son devoir de représentation juste. Le fardeau de la preuve est aussi décrit comme l’obligation d’établir le bien-fondé apparent de la plainte, autrement dit de produire assez de faits pertinents pour établir l’existence d’une violation du Code. Le syndicat a le droit de réfuter les allégations du plaignant (voir Terry Griffiths, [2002] CCRI no 208; et 89 CLRBR (2d) 135).

[14] Si le Conseil conclut que le syndicat a manqué à son devoir de représentation juste, il peut ordonner divers redressements décrits à l’article 99 du Code, qui peuvent comprendre par exemple une prolongation du délai de recevabilité des griefs ou une décision déclaratoire que le syndicat a manqué à son devoir ou une ordonnance de verser des dommages-intérêts. L’affaire qui fait jurisprudence sur la question des redressements est Royal Oak Mines Inc. c. Canada (Conseil des relations du travail), [1996] 1 R.C.S. 369, décision analysée et appliquée dans Via Rail Canada Inc. v. Cairns (2004), 241 D.L.R. (4th) 700 (C.A.F., no A-273-03); Via Rail Canada Inc. c. Cairns, [2003] A.C.F. no 1256 (QL); Via Rail Canada Inc. c. Cairns, [2003] A.C.F. no 1167 (QL); Fraternité internationale des ingénieurs de locomotive c. Cairns, [2002] A.C.F. no 585 (QL); International Brotherhood of Locomotive Engineers v. Cairns et al. (2000), 252 N.R. 160 (C.A.F.); et VIA Rail Canada Inc. v. Cairns et al. (2000), 261 N.R. 24 (C.A.F.).

[15] Le devoir de représentation juste du syndicat suppose que les employés fassent le nécessaire pour protéger leurs propres intérêts. Ils doivent informer le syndicat des possibilités de griefs et lui demander d’agir en leur nom dans les délais prévus par la convention collective. Ils doivent coopérer avec le syndicat durant toute la procédure de règlement des griefs, par exemple en lui fournissant les renseignements nécessaires à son enquête sur le grief ainsi qu’en se soumettant à tous les examens médicaux ou autres qu’il leur demande de subir.

[16] Les employés doivent aussi se conformer aux conseils du syndicat sur la façon de se comporter durant la procédure de règlement des griefs. En outre, ils doivent s’efforcer de minimiser leurs pertes, par exemple en cherchant un nouvel emploi s’ils ont été renvoyés, ou en suivant des cours si cela peut augmenter leurs chances de trouver un nouvel emploi.

[17] Si l’employé est négligent à l’un ou l’autre de ces égards, la plainte dont il saisit le Conseil sera vraisemblablement rejetée (voir Jacques Lecavalier (1983), 54 di 100 (CCRT no 443)).

[18] Habituellement, le Conseil n’accueille pas la plainte lorsque le syndicat a obtenu un règlement raisonnable que le plaignant a rejeté ultérieurement (voir Yvonne Misiura, [2000] CCRI no 63; et 59 CLRBR (2d) 305). Toutefois, le règlement doit respecter les droits légitimes de l’employé reconnus par la convention collective (voir Clive Winston Henderson, [1999] CCRI no 29; et 2000 CLLC 220-006).

[19] Dans la plupart des conventions collectives, les employés n’ont pas le droit absolu de faire porter leurs griefs à l’arbitrage (voir Garry Little, [2001] CCRI no 114), même s’ils ont subi de dures sanctions disciplinaires ou s’ils ont été licenciés (voir Yvonne Misiura, précitée), voire contraints à démissionner (voir Tadele Lemi, [1999] CCRI no 24). Là encore, le rôle du Conseil consiste à se prononcer sur l’approche décisionnelle du syndicat (voir Ghislaine Gagné, [1999] CCRI no 18).

IV - Obligations et responsabilités du syndicat en vertu du Code

[20] Le Code donne au syndicat accrédité le pouvoir exclusif de négocier et d’administrer la convention collective parce que cela fait partie de son rôle de porte-parole efficace qui représente les membres de l’unité de négociation dans son ensemble. Le pouvoir du syndicat dans sa relation avec l’employeur est dérivé du fait qu’il représente les employés comme une seule entité, de sorte qu’il est en mesure de prendre des engagements auxquels l’employeur peut se fier. Pour obtenir quelque chose en échange de ces engagements, le syndicat doit tenir compte de l’intérêt de l’ensemble du groupe des employés, en plus des besoins de chacun d’eux.

[21] Il est essentiel aussi que le syndicat soit en mesure de répartir ses ressources pour en maximiser l’efficacité. Dans Judd and C.E.P., Local 2000 (2003), 91 CLRBR (2d) 33, la Commission des relations de travail de la Colombie-Britannique a exprimé l’opinion suivante, une opinion partagée par le Conseil:

36. Le syndicat doit aussi être en mesure de déployer ses ressources pour en maximiser l’effet. Ses ressources sont en effet limitées. Par exemple, si l’employé pouvait insister pour que le grief contestant son renvoi soit porté à l’arbitrage même si l’on pourrait raisonnablement prédire qu’il n’a aucune chance d’être accueilli, le syndicat risquerait de gaspiller des dizaines de milliers de dollars de ses ressources, qu’il tire des cotisations des employés.

37. En contrôlant ses ressources, le syndicat peut s’en servir de façon à obtenir un maximum de résultats pour un minimum de dépenses. L’employeur sait que le syndicat pourrait porter n’importe quelle affaire à l’arbitrage s’il le souhaitait; il sait aussi que le syndicat est disposé à accepter un règlement raisonnable, s’il lui est offert. Dans une relation de ce genre, l’employeur peut être incité à faire des offres raisonnables pour régler certaines affaires par une entente sans plaider dans tous les cas. De cette façon, les employés obtiennent le maximum pour un minimum de dépenses. Par contre, si chaque employé pouvait porter chaque grief à l’arbitrage chaque fois qu’il le voulait, les frais de litige en milieu de travail se multiplieraient, et les employés constateraient bien vite l’épuisement de leurs ressources collectives. Une situation comme celle-là serait mauvaise pour le milieu de travail et son coût serait prohibitif pour les employés et pour le syndicat. Elle risquerait aussi d’imposer à l’employeur des charges excessives affectant son entreprise globalement.

38. Qui plus est, le syndicat doit pouvoir prendre lui-même des décisions puisque ce qui est bon pour un des membres de l’unité de négociation peut être mauvais pour d’autres. Un exemple évident est lorsqu’il y a un poste vacant et que le libellé de la convention collective n’est pas clair. Selon une interprétation, tel membre de l’unité de négociation devrait avoir le poste, alors qu’avec une autre interprétation, c’est un autre membre qui devrait l’obtenir. Bien entendu, le syndicat ne peut pas représenter les deux membres en optant chaque fois pour une interprétation différente. Il doit être libre de choisir l’interprétation qu’il estime être dans l’intérêt de l’ensemble de l’unité de négociation.

39. C’est notamment pour ces raisons que les syndicats doivent agir comme une seule entité pour pouvoir représenter efficacement les employés. Ils doivent être en mesure de prendre des décisions qui risquent de ne pas convenir à certains des membres de l’unité de négociation. En fait, ils sont capables d’exercer leur pouvoir collectif parce que les employés ne peuvent pas faire ce qu’ils veulent individuellement. C’est cette caractéristique qui donne aux syndicats leur pouvoir de négocier au nom des employés.

40. Pour leur part, les employés choisissent de se syndiquer ou non, et ils choisissent typiquement les dirigeants de la section locale de leur syndicat. Les syndicats sont donc un exemple de démocratie en milieu de travail. À l’instar de toutes les démocraties, on ne s’attend pas qu’ils soient parfaits, ni que tout le monde soit toujours d’accord. En fait, quand on pense au genre de décisions que les syndicats doivent constamment prendre, par exemple s’il vaut la peine de consacrer une partie de leurs ressources au grief d’un employé donné ou s’ils doivent adopter une position plutôt qu’une autre quand les intérêts de certains des employés diffèrent de ceux des autres, il est inévitable que des employés ne soient pas d’accord. Néanmoins, pris collectivement, les employés peuvent décider de continuer d’être représentés par leur syndicat et par ses dirigeants actuels. S’ils le font, ce n’est pas parce qu’ils croient que le syndicat soit parfait ou qu’il ait toujours raison, mais parce qu’ils sont convaincus que c’est le meilleur choix possible, globalement.

(pages 43-45; traduction)

[22] Lorsqu’un syndicat décide de présenter un grief ou non, ou de le porter ou non à l’arbitrage, le syndicat fait son travail: il représente les employés. À cette fin, il doit déterminer les conditions en milieu de travail ayant mené à ce que l’employé considère comme un manquement à la convention collective, l’interprétation qu’il faut donner à cette convention collective, en fonction de l’expérience de ses contacts avec l’employeur, et les répercussions pour les autres membres de l’unité de négociation s’il réussit à faire accueillir le grief. Dans la mesure où cette analyse est fondée sur des facteurs pertinents pour le milieu de travail, le syndicat est libre de choisir sa stratégie optimale dans des circonstances données.

[23] Le devoir de représentation juste commence dès qu’il y a possibilité de sanction disciplinaire et s’applique durant toute la procédure de règlement des griefs, jusqu’à sa conclusion définitive (voir Anne Marie St. Jean, [1999] CCRI no 33; et Brian L. Eamor (1996), 101 di 76; 39 CLRBR (2d) 14; et 96 CLLC 220-039 (CCRT no 1162), confirmée dans C.A.L.P.A. v. Eamor (1997), 39 CLRBR (2d) 52). Le devoir est le même, que l’agent négociateur soit reconnu volontairement par l’employeur ou accrédité. Cela dit, normalement, il ne s’applique pas en l’absence d’une convention collective (voir Gérald M. Massicotte (1980), 40 di 11; [1980] 1 Can LRBR 427; et 80 CLLC 16,014 (CCRT no 234), confirmée dans Le Syndicat des camionneurs, section locale 938 c. Massicotte, [1982] 1 C.F. 216, appel rejeté dans Pollock c. R., [1982] 1 C.F. 710).

[24] Généralement, le devoir de représentation juste ne vaut que pour les membres de l’unité de négociation, bien qu’il puisse dans certaines circonstances s’étendre à d’anciens membres de l’unité (voir Serge Bouchard et autres, [2003] CCRI no 259; et Tremblay c. Syndicat des employées et employés professionnels-les et de bureau, section locale 57, [2002] 2 R.C.S. 627). Si l’employé n’est pas membre d’une unité de négociation, on ne peut pas reprocher au syndicat de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour l’y faire inclure (voir Esper Powell, [2000] CCRI no 97).

[25] Le règlement d’un grief entre le syndicat et l’employeur, qu’il prenne la forme d’un règlement ou d’une ordonnance sur consentement, est soumis au pouvoir du Conseil d’examiner de quelle manière le syndicat a traité le grief pour en arriver à ce règlement (voir Anne Marie St. Jean, précitée).

[26] Il n’existe pas de liste exhaustive des facteurs dont le syndicat doit tenir compte lorsqu’il décide de porter un grief à l’arbitrage ou non. Cela dit, quelques principes généraux sont incontournables.

[27] Le syndicat ne doit pas agir de mauvaise foi, autrement dit dans un but illégitime. Il le ferait par exemple si les sentiments personnels de ses agents influaient sur sa décision de donner suite au grief ou non, s’il conspirait avec l’employeur pour faire imposer des sanctions à un employé ou pour le faire licencier, ou encore s’il laissait les ambitions d’un groupe d’employés qui appuient ses représentants l’emporter sur les intérêts d’un autre employé.

[28] Le syndicat ne doit pas faire de discrimination fondée sur l’âge, la race, la religion, le sexe ou l’état de santé. Chaque membre a droit à un traitement individuel, et seuls des facteurs pertinents et légaux doivent influencer la décision de porter un grief à l’arbitrage ou non. Il devrait être souligné qu’un traitement différent n’est pas toujours considéré comme de la discrimination. Par exemple, il n’y a pas discrimination si le syndicat décide de porter le grief d’un employé à l’arbitrage et de ne pas en faire autant pour celui d’un autre employé, s’il y a des raisons pertinentes pour justifier cette distinction. Le syndicat ne se rend pas coupable de discrimination lorsqu’il s’entend avec l’employeur pour qu’un groupe d’employés aient des conditions de travail différentes ou meilleures que les autres, pour des raisons liées à leur milieu de travail (voir Mario Soulière et autres, [2002] CCRI no 205; et 94 CLRBR (2d) 307).

[29] Le syndicat ne doit pas agir arbitrairement, en somme ne pas agir sans être capable d’expliquer ce qu’il a fait de façon objective ou raisonnable, en croyant aveuglément les arguments de l’employeur ou en ne déterminant pas si les questions soulevées par ses membres sont fondées en fait ou en droit (voir John Presseault, précitée, mais voir aussi Orna Monica Sheobaran, [1999] CCRI no 10, décision dans laquelle le Conseil a accueilli une plainte dans une affaire où le syndicat avait renvoyé l’employée à l’employeur plutôt que de lui venir en aide; et Clive Winston Henderson, précitée, où la décision du syndicat avait sapé l’ancienneté du plaignant).

[30] Il est arbitraire aussi de ne tenir compte que superficiellement des faits ou du bien-fondé d’une affaire, de même que de prendre une décision en faisant fi des intérêts légitimes de l’employé. Ne pas enquêter pour savoir quelles étaient les circonstances entourant le grief est également arbitraire, et ne pas évaluer raisonnablement l’affaire peut équivaloir aussi à une conduite arbitraire du syndicat (voir Nicholas Mikedis (1995), 98 di 72 (CCRT no 1126), appel à la C.A.F. rejeté dans Seafarers’ International Union of Canada c. Nicholas Mikedis et autres, jugement prononcé à l’audience, dossier no A-461-95, 11 janvier 1996 (C.A.F.)). On peut aussi considérer comme arbitraire une attitude non concernée quant aux intérêts de l’employé (voir Vergel Bugay et autres, précitée), de même qu’une négligence grave et un mépris souverain à cet égard (voir William Campbell, [1999] CCRI no 8).

[31] Le devoir du syndicat implique que l’examen de sa conduite est plus poussé dans les cas de congédiement, de sanction disciplinaire grave sapant les gains de l’employé ou d’invalidité exigeant une adaptation de l’employeur aux besoins de l’intéressé. Cela dit, les griefs ne justifient pas tous une enquête du syndicat, qui peut déjà avoir les renseignements pertinents dans certaines circonstances. Lorsque les preuves dont il dispose laissent clairement entendre que le grief n’a guère de chance d’être accueilli, il peut être déraisonnable, dans certaines conditions, de s’attendre que le syndicat fasse enquête sur de nouveaux éléments de preuve soumis par l’employé (voir International Longshore and Warehouse Union, Ship and Dock Foremen, section locale 514 c. Empire International Stevedores Ltd., [2000] A.C.F. no 1929 (QL), renversant les décisions du Conseil William Bill Harris, 3 avril 2000 (CCRI LD 209); et William (Bill) Harris, [1999] CCRI no 43; et 57 CLRBR (2d) 216, demande d’autorisation d’en appeler à la C.S.C. rejetée).

[32] Les représentants syndicaux peuvent aussi se tromper de bonne foi. La preuve qu’un syndicat s’est montré négligent dans son traitement d’un grief ou d’une plainte n’équivaut pas nécessairement à un constat de conduite arbitraire. Le syndicat peut même faire erreur dans son évaluation d’un grief sans agir arbitrairement pour autant. Par exemple, il n’est pas nécessairement exceptionnel qu’un syndicat porte tardivement à l’arbitrage un grief contestant un renvoi quand il a un arriéré de griefs à traiter (voir Ghislaine Gagné, précitée). Enfin, si le syndicat n’obtient pas intégralement le redressement réclamé par le plaignant, cela ne rend pas sa conduite arbitraire, discriminatoire ni de mauvaise foi (voir Yvonne Misiura, précitée).

[33] Le syndicat peut s’acquitter de son devoir de représentation juste en abordant le grief de façon raisonnable, en tenant compte de tous les faits qui l’entourent, en enquêtant sur la situation, en pesant les intérêts contradictoires de l’employé compte tenu des siens, puis en concluant après mûre réflexion qu’il vaut la peine de donner suite au grief ou pas. C’est ce qu’on entend par peser les circonstances d’une affaire en fonction de la décision à prendre. Par exemple, le syndicat peut tenir compte à juste titre du libellé de la convention collective et des pratiques dans le secteur d’activité ou le milieu de travail, ou encore des décisions rendues sur des questions analogues. Il est aussi légitime qu’il tienne compte de la crédibilité de l’employé en cause, de la présence - ou de l’absence - de témoins pouvant confirmer sa version des événements, du fait que la sanction disciplinaire est raisonnable ou non, ainsi que des décisions arbitrales en pareilles circonstances.

[34] Le syndicat peut s’être fondé aussi sur d’autres facteurs légitimes que les intérêts de l’employé. Par exemple, il peut s’être entendu avec l’employeur sur une interprétation particulière de la convention collective à la table de négociation, ou n’avoir pas eu gain de cause à l’arbitrage dans une affaire analogue. Il peut craindre qu’une décision d’accueillir le grief n’ait des conséquences néfastes pour d’autres membres de l’unité. Il peut décider que le coût du règlement du grief est trop élevé, vu l’enjeu en question. Bref, il doit peser équitablement tous ces facteurs, d’une part, et les désirs de l’employé, d’autre part.

[35] Il peut arriver que les intérêts d’un employé et ceux de l’unité de négociation dans son ensemble soient incompatibles. Par exemple, le syndicat et l’employeur peuvent s’entendre sur un grief en échange de concessions à la table de négociation. Dans certains cas, cela peut toutefois équivaloir à une injustice si le grief conteste de lourdes sanctions disciplinaires ou un renvoi (voir Centre hospitalier Régina Ltée c. Tribunal du travail, [1990] 1 R.C.S. 1330; et Herman Durette, 20 novembre 2003 (CCRI LD 957)).

[36] De plus, les droits qu’un employé veut faire respecter peuvent être incompatibles avec ceux d’autres membres de l’unité de négociation dans des affaires concernant les droits d’ancienneté au moment d’une promotion ou d’une mise en disponibilité, ainsi que dans des affaires de réintégration entraînant la supplantation d’un autre employé. Lorsqu’il décide de porter un grief donné à l’arbitrage ou pas, le syndicat doit agir équitablement. Tant qu’il a dûment tenu compte des intérêts de chaque partie, il n’est pas tenu de représenter chaque employé lésé.

[37] Par conséquent, le Conseil juge normalement que le syndicat s’est acquitté de son devoir de représentation juste s’il a: a) fait enquête sur le grief et obtenu tous les détails relatifs à l’affaire, y compris la version de l’employé, b) déterminé si le grief était fondé, c) tiré des conclusions réfléchies quant aux résultats envisageables du grief et d) informé l’employé des raisons de sa décision de ne pas donner suite au grief ou de ne pas le renvoyer à l’arbitrage.

[38] Les syndicats établis ont habituellement du personnel expérimenté pour faire enquête, évaluer les griefs et décider de les présenter ou non. Bien qu’ils puissent décider de retenir les services d’un procureur, rien ne les oblige à obtenir un avis juridique avant de décider de l’opportunité de porter un grief à l’arbitrage. Le Conseil n’accueillera pas une plainte simplement parce que le syndicat n’a pas obtenu d’avis juridique avant de décider de ne pas porter un grief à l’arbitrage, ou qu’il ne s’est pas conformé à l’avis d’un procureur.

[39] La règle générale est que le syndicat informe les employés des audiences à venir ou leur dise pourquoi ils devraient s’y présenter ou non (voir Robert Adams, précitée). Certains syndicats vont à l’arbitrage avec des observations écrites ou selon une procédure expéditive excluant la participation des employés visés. Les employés peuvent aussi avoir leur propre représentant, si l’arbitre y consent. Le syndicat n’est pas tenu de leur offrir les services d’un représentant, ni de payer les services des représentants qu’ils choisissent eux-mêmes.

[40] Le syndicat a la charge du grief; il n’a pas besoin d’en parler avec l’employé à toutes les étapes de la procédure de règlement des griefs, bien qu’il puisse être préférable de communiquer avec lui si une réunion d’examen du grief ou une audience d’arbitrage sont reportées, afin d’éviter le dépôt d’une plainte fondée sur l’article 37 (voir Ghislaine Gagné, précitée). En soi, le manque de communication ne constitue pas un manquement au Code, sauf s’il porte préjudice au plaignant (voir Crewdson (1992), 93 CLLC 16,014 (décision du CCRT no 977) (motifs subséquemment annulés après une entente intervenue entre les parties); William Campbell, précitée; et Robert Adams, précitée).

[41] La convention collective n’est pas le seul facteur déterminant de la relation du syndicat avec les employés qu’il représente. Les employés peuvent avoir des droits découlant des statuts, des règlements ou des règles du syndicat, ainsi que de lois ou dispositions législatives du travail, comme les parties II et III du Code, auxquels le devoir de représentation juste que le Code impose s’applique (voir Richard Connolly et autres (1998), 107 di 120; et 45 CLRBR (2d) 161 (CCRT no 1235), pages 143; et 185). Le Conseil a aussi conclu qu’il ne peut y avoir violation de l’article 37 sans convention collective (voir Eugene Kalwa (1995), 96 di 157 (CCRT no1106), page 160; et Adonica Huggins et Donna Green, 11 novembre 2000 (CCRI LD 357)).

[42] C’est le cas pour les règles applicables aux bureaux d’embauchage dans l’industrie du débardage. À moins que ces règles ne soient intégrées à la convention collective, le devoir de représentation juste ne s’applique pas lorsqu’on ne les respecte pas. Il faut toutefois préciser que l’article 68 du Code dispose qu’une convention collective peut exiger, comme condition d’emploi, l’adhésion à un syndicat déterminé, ou donner la préférence en matière d’emploi aux membres d’un syndicat déterminé.

[43] Les plaintes contestant des sanctions imposées par le syndicat ou l’équité de l’application de ses règles sont un autre exemple. Les plaintes de pratique déloyale de travail contre un syndicat en pareil cas sont présentées en vertu des alinéas 95f) à 95i) et non de l’article 37 du Code.

[44] Les lois provinciales sur les accidents du travail donnent des droits aux employés, mais ces droits ne font normalement pas partie des conventions collectives. La plupart des syndicats viennent en aide à leurs membres désireux d’obtenir des indemnités pour accidents de travail. Ils ne sont toutefois pas tenus de le faire et leurs actions dans ce contexte ne peuvent pas être soumises à un examen par le Conseil à moins que la convention collective ne le prévoie (voir Yves Dumontier, [2002] CCRI no 165; et 92 CLRBR (2d) 94, demande de réexamen rejetée dans Yves Dumontier, 25 juillet 2002 (CCRI LD 692)).

[45] Un syndicat n’est pas tenu de présenter des griefs sur des questions qui ne sont pas prévues dans une convention collective (traitement contre la toxicomanie, dans Judah (Joe) Zegman (1996), 100 di 25 (CCRT no 1151) ou dans le contrôle judiciaire d’une décision arbitrale (voir John Presseault, précitée). Les syndicats ne sont pas tenus de payer les honoraires d’un procureur représentant les employés faisant l’objet d’accusations criminelles, de poursuites liées à leur emploi, de procédures disciplinaires d’une association professionnelle ou d’enquêtes médico-légales.

[46] Le devoir de représentation juste prévu par l’article 37 ne s’applique pas aux conflits syndicaux internes, quant au droit d’assister aux assemblées syndicales, par exemple (Yves Dumontier, précitée).

V - Rôle de l’employeur dans les plaintes fondées sur l’article 37

[47] L’employeur n’est pas une partie principale dans les procédures fondées sur l’article 37. Ses actions ne sont pas en cause, et il n’a rien à défendre. Dans la pratique, on l’ajoute à la liste des parties comme partie visée, puisque le résultat de la plainte (autrement dit le redressement imposé par le Conseil s’il l’accueille) peut avoir des répercussions sur ses intérêts. C’est pour cette raison que le Conseil donne à l’employeur la possibilité de présenter ses observations sur la question du redressement. L’employeur n’est qu’un observateur en ce qui concerne le bien-fondé de la plainte.

VI - Violations découlant de négociations entre le syndicat et l’employeur

[48] Le syndicat a le mandat de négocier au nom des employés membres de l’unité de négociation. Il a le droit de décider quelles revendications présenter et quelles stratégies de négociation employer pour promouvoir les intérêts de l’unité de négociation. Il peut ne pas tenir compte des désirs de membres particuliers ou de groupes minoritaires de membres et laisser tomber des revendications, par exemple en renonçant à des griefs individuels ou en acceptant des conditions jouant au détriment d’employés donnés ou de certains groupes d’employés. Néanmoins, il doit prendre ces décisions rationnellement et reconnaître et considérer les intérêts rivaux de tous les membres de l’unité de négociation. (Voir, par exemple, Vergel Bugay et autres, précitée; et Mario Soulière et autres, précitée, dans lesquelles le Conseil a rejeté les plaintes; et George Cairns et autres, [1999] CCRI no 35; et 2000 CLLC 220-012, où il a au contraire donné gain de cause aux plaignants.)

VII- Rôle du Conseil dans l’examen des plaintes de manquement au devoir de représentation juste

[49] Le Conseil est un organisme indépendant, doté d’un pouvoir décisionnel et dont le rôle est de déterminer si l’on a enfreint le Code. Ce n’est pas un organisme d’enquête, même si le Code l’investit de grands pouvoirs d’instruction de toutes les affaires dont il est saisi. Il n’a donc pas le mandat de se lancer à la recherche des faits pour le plaignant, d’entendre des plaintes dénonçant un mauvais service du syndicat, d’enquêter sur la direction du syndicat ou sur des plaintes contre l’employeur parce qu’on aurait été victime de fautes qui lui seraient imputables en milieu de travail. Les employés qui allèguent que leur syndicat a enfreint le Code et veulent obtenir un redressement en conséquence doivent présenter de solides arguments convaincants pour étayer leurs plaintes.

[50] Il ne suffit pas d’exposer ce que l’on considère comme une injustice dans une plainte; il faut aussi préciser les faits sur lesquels on se fonde pour prouver ce qu’on avance au Conseil. Une plainte va plus loin qu’une simple allégation que le syndicat a agi «de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi». Elle doit avancer par écrit des faits sérieux, avec une chronologie des événements, les heures, les dates et les noms de tous les témoins. Le plaignant devrait aussi produire des copies de tous les documents pertinents, y compris les lettres du syndicat justifiant ses actions ou sa décision, pour étayer ses allégations.

[51] Il est important de se rappeler que toutes les plaintes doivent être déposées au plus tard 90 jours après la date à laquelle le plaignant a eu - ou aurait dû avoir - connaissance de l’incident ayant donné lieu à la plainte (paragraphe 97(2) du Code). En outre, la présentation de la plainte devant la mauvaise instance ne suspend pas ce délai (voir Winfield Porter, [2002] CCRI no 176; et 81 CLRBR (2d) 48). Si le Code impose un délai de présentation des plaintes, c’est pour qu’on puisse mettre un terme aux différends parce qu’il est important, dans le monde des relations industrielles, de poursuivre la relation de négociation en réglant les affaires plutôt qu’en les laissant s’empoisonner longtemps (voir Anil Kumar Luthra, 10 août 2000 (CCRI LD 273); Capitaine Brian Woodley et autres, [2000] CCRI no 85; et 69 CLRBR (2d) 161; et Marie Laperrière, 13 mars 2003 (CCRI LD 821)).

[52] Lorsqu’une plainte est déposée à l’extérieur du délai de 90 jours, le plaignant doit avancer des raisons convaincantes pour justifier qu’on l’entende tout de même. Le Conseil décide au cas par cas si le délai de présentation de la plainte est raisonnable. (Nota: Le délai de présentation d’une plainte contre un syndicat pour contester un traitement discriminatoire et une sanction disciplinaire imposés à ses membres en vertu des alinéas 95f) ou 95g) diffère de la période de 90 jours fixée au paragraphe 97(2) du Code, conformément aux paragraphes 97(4) et 97(5).)

[53] Dans la plupart des cas où les plaintes sont rejetées, le plaignant a été incapable d’établir des faits sur lesquels le Conseil pourrait se fonder pour rendre une décision en sa faveur. C’est souvent le cas parce que les plaignants ne comprennent pas bien le rôle du Conseil, qu’ils le considèrent comme un organisme d’appel en dernier recours de la décision du syndicat de ne pas présenter leurs griefs ou de ne pas les porter à l’arbitrage. Par contre, les plaintes accueillies sont étayées par les intéressés de faits détaillés et des raisons pour lesquelles ils ont des raisons de croire que la décision du syndicat était fondée sur des facteurs ou des motifs inacceptables. Le redressement réclamé est aussi un bon indicateur de la compréhension qu’a l’employé de la procédure de plainte prévue à l’article 37 du Code.

[54] En définitive, si le syndicat s’est penché sur la plainte de l’employé, s’il a recueilli les renseignements pertinents avant de prendre sa décision, s’il a tenté de régler le problème et s’il s’est prévalu raisonnablement de son pouvoir discrétionnaire de ne pas présenter un grief ou de ne pas le porter à l’arbitrage, conformément aux critères décrits dans les pages qui précèdent, et s’il a informé l’employé des raisons de sa décision, ce dernier n’a guère de raisons de porter plainte.

VIII - Droit à une audience

[55] Depuis que le Code a été modifié, en 1999, le Conseil a l’entière discrétion de trancher une plainte en vertu de l’article 37 sans tenir d’audience publique. L’article 16.1 du Code et l’alinéa 10g) du Règlement de 2001 sur le Conseil canadien des relations industrielles (le Règlement) prévoient que le Conseil peut trancher ces plaintes en se fondant sur les documents au dossier, à moins qu’il estime n’avoir pas suffisamment d’information pour rendre une décision et juge qu’il faudrait donner aux parties la possibilité de faire valoir leurs positions respectives dans une audience. L’une ou l’autre des parties peut réclamer une audience, mais le Conseil n’est pas tenu d’accéder à leurs demandes.

[56] Rien n’oblige non plus le Conseil à informer les parties de son intention de ne pas tenir d’audience (voir Nav Canada, 5 avril 2000 (CCRI LD 213), confirmée dans NAV Canada v. International Brotherhood of Electrical Workers, Local 2228 (2001), 267 N.R. 125 (C.A.F.); et Raymond et al. v. Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (2004), 318 N.R. 319 (C.A.F.)). La règle audi alteram partem, autrement dit l’obligation d’entendre les arguments des deux parties, n’exige pas la tenue d’une audience dans toutes les affaires. Les tribunaux chargés du contrôle judiciaire ont clairement déclaré que le Conseil est tenu seulement de donner aux parties la possibilité de présenter leurs arguments, que ce soit dans des observations écrites, des documents produits ou en réponse à ses propres demandes de renseignements (voir Commission des Relations de Travail du Québec c. Canadian Ingersoll-Rand Company Limited et al., [1968] R.C.S. 695; Anne Marie St. Jean, précitée; Boulos c. Canada (Conseil des relations du travail), [1994] A.C.F. no 1854 (QL); et Nav Canada, précitée, sur le pouvoir discrétionnaire du Conseil).

[57] Les principes d’examen des plaintes fondées sur l’article 37 par le Conseil ne sont pas nouveaux. La situation suivante, tirée de Stephen Jenkins et autres, 9 juin 2004 (CCRI LD 1102), résume bien le rôle du Conseil à l’égard de ces plaintes et montre comment il est souvent mal compris par les plaignants:

Le Conseil reconnaît que les plaignants seront vraisemblablement amèrement déçus de la présente décision. En sa qualité d’organisme créé par une loi, le Code, qu’il est chargé de faire respecter, ses pouvoirs d’examen et de redressement sont limités. Dans cette affaire, il est incapable d’intervenir autrement qu’en s’efforçant de faire un examen clair et complet du cas des plaignants. Le passage suivant, tiré de Michael Tremblay (1989), 76 di 201, (CCRT no 728), est un exposé aussi judicieux qu’instructif à offrir aux plaignants. Le Vice-président Eberlee y décrit les limites du pouvoir dont le Conseil est investi en vertu de l’article 37 du Code et s’emploie à démystifier ce que des plaignants déçus et désillusionnés considèrent souvent comme une décision déroutante et difficile à accepter:

«Dans la majorité des affaires en vertu de l’article 37, les plaignants ne sont pas représentés ni assistés par un avocat, et tel a également été le cas en l’espèce. Il arrive souvent que ceux-ci ne comprennent pas parfaitement ce que le Conseil peut faire pour eux en vertu de la loi, à supposer qu’il y ait quelque chose à faire. Lorsque la question en jeu porte sur un litige qui a surgi entre une personne et son syndicat par suite de la décision de ce dernier d’abandonner un grief ou de ne pas y donner suite, le plaignant s’imagine souvent que le Conseil sera en mesure de se prononcer sur le bien-fondé même du grief, c’est-à-dire qu’il pourra déterminer si la suspension ou quelque autre mesure disciplinaire qui lui a été infligée était justifiée et, dans la négative, l’annuler ou la modifier.

Par conséquent, le Conseil s’assure bien de rappeler aux parties, au début de l’audience, qu’il a seulement pour rôle de statuer sur la façon dont le syndicat s’est occupé du grief, c’est-à-dire de déterminer si, ce faisant, il a agi de manière «arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi», et non pas de se prononcer sur le bien-fondé du grief. Par conséquent, il s’attardera principalement aux éléments de preuve portant sur les agissements du syndicat. Et cela, il l’a fait avant que M. Tremblay et le syndicat ne présentent leurs arguments.

...

... Le Conseil tente de dissuader les parties de présenter des éléments de preuve sur le bien-fondé du grief mais ceux-ci se glissent immanquablement dans les témoignages portant sur le contexte de la plainte. Toutefois, il ne faut pas oublier que, même s’il entend ces témoignages et qu’il en rend parfois compte dans ses motifs de décision lorsqu’ils permettent de clarifier les faits, le Conseil en l’espèce - tout comme dans d’autres affaires antérieures, nous semble-t-il - ne fonde pas sa décision sur ce qu’il pense du bien-fondé du grief ou de quoi que ce soit d’autre y ayant trait. Le Conseil n’est pas un conseil d’arbitrage.

Il est possible que les observateurs qui ne sont pas réellement au courant de l’objet réel de l’article 37 se méprennent sur l’issue des affaires où il est allégué que cet article a été violé. Par exemple, il se peut que les faits exposés dans les motifs d’une décision montrent manifestement que le grief n’est pour ainsi dire pas fondé mais que le Conseil juge que le syndicat a violé l’article 37 en l’abandonnant. Ou encore, dans une affaire où les faits prouvent de façon accablante que l’employeur a eu tort d’infliger à l’employé la mesure qui a donné lieu au grief, le Conseil conclut que le syndicat n’a pas enfreint l’article 37...

En deuxième lieu, malgré ce que lui-même ou d’autres personnes peuvent penser au sujet du bien-fondé du grief, le Conseil, lorsqu’il tranche une plainte déposée en vertu de l’article 37, peut mettre en doute et modifier la décision du syndicat uniquement s’il conclut que les moyens que celui-ci a pris pour en arriver à sa décision, ou la décision elle-même, étaient arbitraires, discriminatoires ou fondés sur la mauvaise foi. Autrement dit, il est possible que le syndicat prenne une mauvaise décision sans pour autant violer l’article 37...»

(pages 39-40)

[58] Compte tenu de ces principes, la soussignée examine dans les pages qui suivent deux affaires dont elle a été saisie.

Dossier du Conseil no 23726-C - Mme Virginia McRaeJackson et Mme Jacoline Shepard

Ont comparu
Mme Virginia McRaeJackson et Mme Jacoline Shepard, en leur propre nom;
Mme Sue Szczawinska, pour le Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-Canada);
M. Colin Copp, pour Air Canada Jazz (Air Canada Régional Inc.).

[59] Après avoir pris connaissance des observations des parties et du rapport de l’agent enquêteur, le Conseil est convaincu que l’affaire peut être tranchée sans la tenue d’une audience, conformément à l’article 16.1 du Code.

[60] Mmes Virginia McRaeJackson et Jacoline Shepard (les plaignantes) ont présenté le 26 mai 2003 une plainte alléguant que le Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada, section locale 2002 (TCA-Canada ou le syndicat) avait enfreint l’article 37 du Code en refusant de donner suite à leurs griefs.

[61] Les plaignantes travaillaient pour les services de sécurité de l’aéroport de Prince Rupert, dont les postes étaient assujettis à l’époque où elles avaient été embauchées, à une convention collective conclue entre Air Canada Régional (ACR) et le TCA-Canada. Une nouvelle convention collective entre le TCA-Canada et JAZZ Air Inc. a été signée et ratifiée en juillet 2002. Cette nouvelle convention collective ne prorogeait pas la lettre d’entente de l’ancienne convention, qui prévoyait des droits de supplantation entre classifications et entre divisions.

[62] Les plaignantes ont été mises en disponibilité en février 2003; elles ont invoqué leurs droits de supplantation dans des postes d’agents des services à la clientèle (ASC). L’employeur a rejeté leur démarche en se fondant sur les dispositions de la nouvelle convention collective, qui ne prévoit pas de droits de supplantation entre divisions. Les plaignantes se sont adressées au syndicat pour se plaindre de ce déni de leurs droits de supplantation, mais elles se sont fait répondre qu’il n’y avait pas matière à grief en vertu de la nouvelle convention collective.

[63] La plainte que les intéressées ont adressée au Conseil s’appuie sur les droits décrits dans la lettre d’entente qui figurait dans la convention collective entre l’ACR et le TCA-Canada; elle allègue que le syndicat a fait preuve de discrimination à leur endroit. Il ne s’agit pas en l’occurrence de leur première plainte, mais les faits invoqués dans les précédentes ne sont pas pertinents en l’espèce.

[64] L’analyse qui précède du droit applicable ne révèle aucune raison pour qu’on puisse conclure à de la discrimination. Il y a discrimination quand la décision du syndicat de ne pas présenter un grief est fondée sur des facteurs illégitimes, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

[65] Le syndicat assume la responsabilité de la négociation collective et du contenu de la convention collective pour le compte de tous les membres de l’unité de négociation. Comme on l’a vu plus tôt, ce n’est pas parce qu’il a pris une position pouvant être défavorable à un groupe d’employés que ses actions doivent être jugées discriminatoires. Il est impossible de faire respecter des droits fondés sur une ancienne convention collective: un grief qui les invoque est voué à l’échec d’emblée. Le syndicat pouvait donc facilement prévoir qu’une décision arbitrale serait défavorable aux plaignantes, et c’est pourquoi sa décision de ne pas présenter des griefs était raisonnable dans les circonstances. Le Conseil ne voit aucune raison de s’ingérer dans le processus décisionnel du syndicat en l’espèce.

[66] La plainte est par conséquent rejetée parce que non fondée.

Dossier du Conseil no 24142-C - M. Edwin F. Snow

Ont comparu
M. Edwin F. Snow, en son propre nom;
Me Gary Waxman, pour le Syndicat international des marins canadiens;
Me Augustus G. Lilly, c.r., pour Seabase Limited.

[67] Après avoir pris connaissance des observations des parties et du rapport de l’agent enquêteur, le Conseil est convaincu que cette affaire peut être tranchée sans la tenue d’une audience, conformément à l’article 16.1 du Code.

[68] Le 24 décembre 2003, M. Edwin Snow a présenté une plainte alléguant que le Syndicat international des marins canadiens (le SIMC ou le syndicat) avait enfreint l’article 37 du Code. La plainte ne précise pas quel comportement du syndicat ou de ses représentants constitue une violation du Code; il s’agit plutôt du dépôt d’une longue liste de documents concernant les états de service de M. Snow ainsi que des documents relatifs à l’entente conclue entre le syndicat et l’employeur.

[69] M. Snow est un membre d’équipage polyvalent au service de Seabase Limited, un agent de recrutement d’équipages pour A.P. Moller-Maersk A/S depuis 1998. Le 4 septembre 2003, il a été mis en disponibilité conformément aux dispositions sur l’ancienneté de la convention collective, puis rappelé pour une autre affectation le 9 septembre 2003. Le jour de son rappel au travail, il a informé le SIMC que, selon lui, l’employeur ne s’était pas conformé aux modalités d’un protocole d’entente daté du 19 décembre 2002, en demandant par conséquent au syndicat de «[lui] fournir immédiatement les conseils d’un avocat compétent» (traduction).

[70] Le SIMC a réagi à cette lettre en présentant un grief au nom de M. Snow afin que le délai de présentation d’un grief soit respecté pendant son enquête sur la question. L’employeur a rejeté le grief. Le syndicat a écrit à M. Snow, le 19 septembre 2003, pour lui demander des preuves du non-respect du protocole d’entente. Le 6 octobre 2003, il lui a récrit pour l’informer que, comme sa lettre précédente était restée sans réponse, il allait fermer son dossier. M. Snow n’a pas réagi avant le 10 octobre 2003, quand il a redemandé au syndicat de lui fournir les services d’un avocat compétent. Le syndicat a répliqué que l’employeur n’avait pas contrevenu aux dispositions de la convention collective et qu’il retirait le grief. M. Snow a déposé sa plainte le 24 décembre 2003.

[71] Pour situer l’affaire dans son contexte, précisons que M. Snow avait été licencié en septembre 2002, puis réintégré par suite du règlement de son grief. Dans les réponses qu’il a données à sa plainte, le Conseil a appris que M. Snow allègue que l’employeur ne s’est pas conformé aux dispositions sur l’ancienneté du protocole d’entente quand il l’a mis en disponibilité pour ensuite le rappeler au travail, en septembre 2003. Le seul redressement qu’il réclame est que le syndicat se fasse ordonner de lui fournir les services d’un avocat compétent sur «cette question».

[72] Le syndicat a fait valoir que M. Snow a été réintégré dans un poste à plein temps conformément à son ancienneté en janvier 2003 ainsi qu’au protocole d’entente dont les modalités avaient été fixées de concert avec lui. Par la suite, son emploi continuait d’être assujetti aux dispositions de la convention collective. Les listes d’ancienneté, révisées annuellement, peuvent être consultées dans les bureaux du syndicat; elles sont aussi affichées dans les navires de l’employeur.

[73] D’après le syndicat, les documents déposés à l’appui de la plainte démontrent qu’il a dûment tenu compte de tous les aspects de la situation de M. Snow avant d’arriver à la conclusion que le grief n’était pas fondé. Le syndicat soutient que rien dans la preuve ne laisse entendre qu’il ait agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi et demande que la plainte soit rejetée.

[74] L’employeur a déposé des observations sur l’historique de la plainte qui ont aidé le Conseil à la déchiffrer pour en comprendre la nature, mais dont il n’a pas besoin de tenir compte dans sa décision.

[75] Dans cette affaire, le plaignant n’a pas établi, à première vue, que le syndicat s’était conduit de façon à enfreindre le Code. Il s’agit plutôt, en l’occurrence, de ce que le plaignant interprète comme un non-respect des conditions de sa réintégration par l’employeur. Par conséquent, on ne peut pas se fonder sur cela pour démontrer qu’il y a eu manquement au devoir de représentation juste prévu par l’article 37 du Code. Non seulement le plaignant a mal compris les motifs pouvant justifier une plainte fondée sur cet article, mais il a aussi réclamé un redressement ne découlant pas de ce qu’il allègue dans sa plainte.

[76] Le plaignant avait accepté les conditions de sa réintégration que le syndicat avait négociées avec l’employeur en janvier 2003. Toute plainte alléguant maintenant que ces conditions étaient insatisfaisantes est clairement irrecevable parce que tardive. Comme rien d’autre n’est décrit ni allégué qui puisse constituer un manquement du syndicat, il n’y a donc pas de faits pertinents sur lesquels fonder l’examen de cette plainte alléguant violation de l’article 37 du Code.

[77] La plainte est donc rejetée faute d’être fondée.

IX - Conclusion

[78] Pour conclure, ce sont les faits dans chaque affaire qui sont déterminants pour qu’on puisse conclure que la conduite du syndicat ne satisfait pas aux normes que le Conseil juge acceptables. La représentation des employés par les syndicats repose sur les droits reconnus par la convention collective, ce qui signifie qu’ils disposent d’une grande discrétion pour déterminer comment ces droits doivent être appliqués.

[79] Comme ces deux affaires le montrent, dans la mesure où le syndicat a étudié un grief présenté ou une proposition de grief, qu’il a cherché à déterminer leur bien-fondé en se fondant sur toutes les circonstances et qu’il est arrivé à une conclusion raisonnée sur les résultats éventuels, le Conseil n’a aucune raison d’intervenir.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.