Code canadien du travail, Parties I, II et III

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Motifs de décision

Section locale 938 de la Fraternité internationale des Teamsters,

requérante,

et

Mackie Moving Systems Corporation,

employeur nommé,

et

Adams Services (Division de 1083859 Ontario Ltd.), The Administrative Edge Inc., Advantage Personnel, Excel Highway Support Inc., Interim Personnel, Professional Personnel Ltd., 1269763 Ontario Limited, 113146 Ontario Limited,

parties intéressées,

et

Direct Driver Personnel, Selective Staffing Services,

parties intéressés.

CITÉ: Mackie Moving Systems Corporation

Dossier du Conseil: 20266-C

Décision no 156
le 23 janvier 2002


Demande d’accréditation fondée sur l’article 24 du Code canadien du travail, Partie I.

Accréditation - Compétence constitutionnelle - La section locale 938 de la Fraternité internationale des Teamsters (le syndicat) a présenté une demande d’accréditation pour représenter une unité composée des employés de Mackie Moving Systems Corporation (l’employeur) - L’employeur a soutenu que certaines de ses activités étaient régies par les lois du travail provinciales et ne relevaient pas de la compétence constitutionnelle du Conseil - Dans une décision antérieure, le Conseil avait statué que deux éléments de l’entreprise de l’employeur étaient dissociables et relevaient de la compétence provinciale - Le Conseil a conclu que les activités de Mackie, généralement parlant, constituaient une entreprise unique, intégrée et coordonnée - La structure organisationnelle de l’employeur est composée d’éléments intégrés et interreliés qui font que, sur le plan des relations du travail, l’employeur devrait être considéré comme une entreprise unique indissociable qui assure un service de transport intraprovincial et extraprovincial de marchandises, et dont les relations du travail sont régies par le Code.

Accréditation - Employeur - Définition - L’employeur a soutenu que les chauffeurs que lui recommandent les agences de placement ne devaient pas être inclus dans l’unité de négociation parce que ce sont les agences de placement qui sont leurs employeurs - Le Conseil a conclu que l’employeur établissait le salaire maximal que les agences pouvaient payer aux chauffeurs et que tous les chauffeurs d’agence recevaient le même taux de rémunération peu importe l’agence à laquelle ils étaient rattachés - L’employeur exerçait un contrôle fondamental sur le choix des chauffeurs d’agence et sur leurs conditions de travail par la suite - L’employeur exerçait un contrôle important sur les conditions de travail et sur l’exécution du travail des employés des agences - Pour l’application du Code, il est tout à fait légitime de considérer les employés d’agence comme des employés de Mackie.

Accréditation - Entrepreneur dépendant - Définition - Habilité à négocier collectivement - Communauté d’intérêts avec les autres - L’employeur a soutenu que les courtiers et leurs employés ne devaient pas être inclus dans l’unité de négociation - Le Conseil a conclu que les courtiers qui ont conclu un contrat directement avec l’employeur, qui travaillent de façon continue pour la seule entreprise de l’employeur et qui n’emploient pas d’autres chauffeurs ont le droit de négocier collectivement à titre d’entrepreneurs dépendants - Les courtiers qui ne conduisent pas eux-mêmes les camions et dont les employés ne conduisent généralement pas des camions pour l’employeur ne sont pas des employés de Mackie - Le Conseil a conclu que les courtiers qui emploient des chauffeurs et qui conduisent aussi à plein temps des camions pour l’employeur, qui est leur unique source de revenu, sont non seulement visés par la définition d’«entrepreneur dépendant» énoncée dans le Code, mais sont aussi placés sous la dépendance économique de l’employeur dans les faits et sont assujettis à tous les éléments du contrôle quotidien exercé par l’employeur - Le Conseil a conclu que certains des chauffeurs désignés par les entrepreneurs indépendants pour conduire des camions pour l’employeur étaient des employés, mais qu’ils étaient exclus de l’unité de négociation parce que leur communauté d’intérêts était quelque peu différente.


Le Conseil se composait de Me J. Paul Lordon, c.r., Président. Une audience a été tenue les 22, 24, 25 et 26 novembre 1999, les 17, 21 et 22 décembre 1999, les 10 et 11 janvier 2000, le 16 février 2000, les 7, 8 et 9 mars 2000, 1es 12, 14 et 17 avril 2000 ainsi que le 17 mai 2000, à Toronto (Ontario).

Ont comparu
Mes Anthony F. Dale et Norman L. Jesin, pour la section locale 938 de la Fraternité internationale des Teamsters;
Mes Arthur P. Tarasuk, Michael Watson et William J. McNaughton, pour Mackie Moving Systems Corporation;
Me Allen V. Craig, pour Adams Services (Division de 1083859 Ontario Ltd.);
M. Frank Stewart, pour The Administrative Edge Inc.;
M. Larry Bertuzzi, pour Advantage Personnel;
M. Bruce Henderson, pour Excel Highway Support Services Inc.;
Me David M. Chondon, pour Interim Personnel;
M. Alan Brabender, pour Professional Personnel Ltd.;
M. Todd Bennett et Me Allen V. Craig, pour Selective Staffing Services;
Me Marilee Marcotte, pour le compte de certains courtiers indépendants et de certains chauffeurs du Québec;
Me Michael G. Horan, pour deux courtiers indépendants.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me J. Paul Lordon, c.r., Président.

[1] L’affaire dont le Conseil est saisi en l’instance résulte d’une demande d’accréditation datée du 7 avril 1999 présentée par la section locale 938 de la Fraternité internationale des Teamsters (la section locale 938 des Teamsters). La demande soumise au Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil ou le CCRI) est fondée sur l’article 24 du Code canadien du travail (Partie I - Relations du travail) (le Code) et la requérante y sollicite l’accréditation de l’unité de négociation suivante:

Tous les employés de Mackie Moving Systems Corporation qui travaillent à partir de la province de l’Ontario; y compris, mais non exclusivement, les chauffeurs de la compagnie, les propriétaires-exploitants,* les personnes travaillant comme chauffeur pour des propriétaires-exploitants, les personnes recrutées et(ou) payées par des agences de placement qui ont une relation d’emploi continue avec Mackie Moving Systems Corporation et qui sont par ailleurs assujetties à des conditions d’emploi faisant de Mackie Moving Systems Corporation leur véritable employeur, à l’exclusion des répartiteurs, des superviseurs et des personnes occupant des postes de niveau supérieur, du personnel administratif et des préposés aux ventes, ainsi que des propriétaires-exploitants qui ne sont pas des chauffeurs.

(traduction; astérisque ajouté ici; c’est nous qui soulignons)

[2] Quelques mois plus tard, soit le 3 septembre 1999, la requérante a modifié la description de l’unité de négociation afin d’y inclure une autre exclusion à l’endroit désigné par l’astérisque dans la description qui précède. Cette exclusion est ainsi libellée «à l’exclusion des propriétaires-exploitants affectés à la division du déménagement des articles de ménage de l’employeur.» (traduction)

[3] Les activités de Moving Systems Corporation (Mackie) sont décrites en grande partie dans le rapport d’enquête, daté du 14 septembre 1999, de l’agent principal des relations du travail du CCRI, M. Gordon MacIsaac.

[4] Dans le rapport en question, M. MacIsaac donne des précisions sur la nature générale des activités de Mackie, qu’il décrit comme une entreprise qui effectue le transport de divers types de marchandises par camion. À cette fin, Mackie fait appel à plusieurs types de chauffeurs; certains sont employés directement par elle, certains sont issus d’agences et d’autres conduisent leur propre camion ou des camions appartenant à des courtiers auxquels ils fournissent leurs services.

5. NATURE GÉNÉRALE DE L’ENTREPRISE DE L’EMPLOYEUR (NOMMÉ)

Mackie Moving Systems (ci-après appelée «Mackie» ou «l’employeur (nommé)» est une entreprise de camionnage qui effectue le transport de marchandises dans les limites et à l’extérieur de plusieurs provinces canadiennes et états américains. Mackie compte deux (2) divisions, l’une du fret, chargée du transport de pièces d’automobiles, qui tient pour environ quatre-vingt-dix pour cent (90 %) du fret transporté pour le compte principalement de General Motors ou de fournisseurs de General Motors (le reste est composé de marchandises diverses), et une division du déménagement, chargée du transport de trois (3) catégories d’articles, soit des automobiles, des produits de grande valeur (ordinateurs, photocopieurs et accessoires fixes), et des articles de ménage.

Les employés de l’employeur (nommé) et(ou) les personnes assurant des services à Mackie entrent dans l’une ou l’autre des catégories suivantes:

a) Les employés de Mackie travaillant directement pour Mackie qui ne sont ni des courtiers ni des chauffeurs-courtiers ni des employés d’agence

i Division du déménagement (Ontario)

ii Division du déménagement (interprovinciale et(ou) internationale)

iii Division du fret (Ontario)

iv Division du fret (interprovinciale et(ou) internationale)

v Personnel de l’entrepôt, chefs d’équipe et superviseurs

b) Les courtiers n’ayant pas de chauffeurs

i Division du déménagement (Ontario)

ii Division du déménagement (interprovinciale et(ou) internationale)

iii Division du fret (Ontario)

iv Division du fret (interprovinciale et(ou) internationale)

c) Les courtiers ayant des chauffeurs (qui ne sont pas nécessairement des chauffeurs) et leurs chauffeurs

i Division du déménagement (Ontario)

ii Division du déménagement (interprovinciale et(ou) internationale)

iii Division du fret (Ontario)

iv Division du fret (interprovinciale et(ou) internationale)

d) Les chauffeurs provenant d’une agence de placement externe

(traduction)

[5] Le rapport initial de l’agent d’enquête fournit une profusion de détails au sujet des personnes qui fournissent des services à Mackie. Il a été complété par de nombreux témoignages, dont la plupart seront examinés un peu plus loin. Le rapport initial de l’agent d’enquête indique que Mackie compte seulement deux divisions, l’une du fret et l’autre du déménagement. Il précise également que 104 personnes au total travaillaient directement pour Mackie à plein temps ou à temps partiel en date de la présentation de la demande d’accréditation [catégorie a) qui précède], soit pour la division du fret, soit pour celle du déménagement. Certains d’entre eux travaillent dans les limites et à l’extérieur de l’Ontario alors que d’autres travaillaient exclusivement en Ontario. Il a généralement été admis que ces personnes sont des employées de Mackie, bien qu’on ait soutenu qu’un certain nombre relève de la compétence de la province plutôt que de celle du Conseil.

[6] L’agent d’enquête fait également état dans son rapport de l’existence d’une deuxième catégorie de personnes qui fournissent des services à Mackie, soit les «courtiers n’ayant pas de chauffeurs» [catégorie b) qui précède]. Il indique qu’en date de la présentation de la demande d’accréditation il y avait 59 courtiers sans chauffeurs; il s’agit de particuliers qui sont propriétaires de leurs véhicules. Mackie et certains des tiers intéressés ont soutenu de façon générale qu’ils sont des travailleurs autonomes et non des employés de Mackie. Le terme «propriétaires-exploitants» est aussi utilisé pour désigner les «courtiers».

[7] La troisième catégorie de chauffeurs mentionnée dans le rapport est celle des «courtiers ayant des chauffeurs (qui ne sont pas nécessairement des chauffeurs) et leurs chauffeurs» [catégorie c) qui précède]. Cette catégorie comprend des courtiers qui sont aussi des chauffeurs et d’autres, qui fournissent des camions et des chauffeurs à Mackie, mais qui ne sont pas eux-mêmes des chauffeurs. Ce groupe englobait 33 personnes. À nouveau, on a prétendu que ces courtiers n’étaient pas des employés de Mackie au sens des dispositions du Code, qu’ils étaient des travailleurs autonomes et des entrepreneurs indépendants, ou encore des employés des courtiers.

[8] La dernière catégorie décrite est celle des «chauffeurs provenant d’une agence de placement externe» [catégorie d) qui précède] qui sont embauchés par l’intermédiaire d’agences de placement externes. Mackie et les agences en question soutiennent que ces chauffeurs sont des employés des agences, non des employés de Mackie. Huit agences sont mentionnées dans le rapport de l’agent d’enquête. L’une d’elles, Advantage Personnel (Advantage), fournit du personnel à Mackie dans deux localités où elle a des bureaux, soit Oshawa (Ontario) et Saint John (Nouveau-Brunswick). Dans le rapport de l’agent d’enquête, les deux bureaux d’Advantage sont considérés comme deux agences distinctes. La requérante n’a pas inclus les chauffeurs provenant du bureau de Saint John dans l’unité de négociation dont elle sollicite l’accréditation en l’espèce. Pour des raisons de commodité, la liste des agences et le nombre de chauffeurs adressés à Mackie en date de la demande d’accréditation sont indiqués dans le tableau qui suit:

Chauffeurs adressés à Mackie par les agences de placement

AGENCE PLEIN
TEMPS
TEMPS PARTIEL TOTAL
1. Adams Services 65 1 66
2. The Administrative Edge Inc. 3 1 4
3. Advantage Personnel - Oshawa (Ont.) 1 2 3
4. Advantage Personnel - Saint John (N.-B.) 4 1 5
5. Direct Driver Personnel 0 0 0
6. Excel Highway Support Inc. 0 2 2
7. Interim Personnel 13 5 18
8. Professional Personnel Ltd. 6 6 12
9. Selective Staffing Services 0 5 5

[9] Il convient ici de donner certaines précisions concernant les chauffeurs provenant des agences. Le 15 avril 1999, le Conseil a reçu une lettre de l’avocat de Mackie indiquant que «toutes les personnes employées par des agences de placement indépendantes sont des employés de ces agences, non des employés de Mackie et qu’elles ne devraient pas être incluses dans l’unité de négociation.» (traduction)

[10] Le Conseil a subséquemment fait parvenir une copie de la demande d’accréditation aux agences de placement externes mentionnées pour qu’elles lui communiquent leur réponse, ce qu’ont fait Advantage Personnel, Interim Personnel, Professional Personnel et Adams Services (Division de 1083859 Ontario Ltd.).

[11] En plus des catégories mentionnées précédemment et des chauffeurs recommandés par le bureau d’Advantage Personnel situé à Saint John (Nouveau-Brunswick), il y avait un certain nombre d’employés qui auraient pu être visés par la description de l’unité de négociation mais qui ont été exclus soit par suite d’une entente conclue entre les parties concernées, soit parce que la requérante a expressément demandé leur exclusion (pour diverses raisons). Il s’agit plus particulièrement des employés de la division du contrat avec Pitney Bowes, qui, les parties ont-elles convenu, constituent une unité distincte relevant de la compétence de la province. Ainsi qu’il est indiqué ci-après (voir les paragraphes 20 et 21), il a également été déterminé qu’un second groupe d’employés relevait aussi de la compétence de la province. Ce groupe se compose des employés fournis par Adams Services (1083859 Ontario Ltd.) qui sont affectés au contrat conclu avec Lear Seating. La requérante a aussi admis que toutes les personnes travaillant comme chauffeur pour les tiers intéressés 1269763 Ontario Limited et 113146 Ontario Limited devaient elles aussi être exclues de l’unité de négociation dont elle sollicite l’accréditation. Ce groupe englobait de 16 à 18 chauffeurs qui conduisent des camions appartenant à Art Pomeroy. Par ailleurs, ainsi qu’il a déjà été précisé, la requérante et Advantage Personnel ont convenu que les cinq personnes affectées par l’agence au transport interprovincial des automobiles ne devaient pas être incluses dans l’unité de négociation parce qu’elles ne «travaillent pas à partir de la province de l’Ontario» (traduction). La requérante demande également l’exclusion d’un autre groupe de particuliers, qui, aux dires de l’employeur, font partie du groupe «A» de la division du transport international ou interprovincial des articles de ménage et le Conseil accède à cette demande pour les motifs exposés ci-après. Enfin, et encore une fois pour les motifs exposés ci-après, le Conseil est d’avis qu’il existe suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que d’autres employés des propriétaires-exploitants ou des courtiers qui ne fournissent pas personnellement leurs services à Mackie comme chauffeurs doivent être exclus de l’unité de négociation pour des raisons définitionnelles parce qu’ils ont une communauté d’intérêts quelque peu différente de celle du groupe dont le syndicat sollicite l’accréditation en l’espèce.

[12] L’agent d’enquête a déterminé que l’unité de négociation dont la requérante sollicite l’accréditation englobe 283 personnes. Dans le rapport confidentiel soumis au Conseil, il indique que la requérante représentait la vaste majorité de ces 283 personnes en date de la présentation de la demande d’accréditation. À la suite de la décision du Conseil d’exclure les employés affectés aux contrats de Pitney Bowes et de Lear Seating (les employés d’Adams), les chauffeurs recommandés par le bureau d’Advantage situé au Nouveau-Brunswick, ainsi que les propriétaires-exploitants ayant une communauté d’intérêts différente, le Conseil a procédé à une nouvelle vérification du nombre d’employés représentés par la requérante et a conclu qu’ils constituaient la grande majorité des membres de l’unité de négociation jugée habile à négocier collectivement.

[13] Un examen des dossiers du Conseil a révélé que la section locale 938 des Teamsters est un syndicat reconnu par le Conseil.

[14] Cependant, le Conseil doit maintenant se pencher sur les interrogations et les problèmes que soulève la demande d’accréditation et qui ont été décrits précédemment ainsi que sur les autres questions qui lui ont été soumises.

[15] En premier lie, Mackie prétend, ainsi qu’il a été mentionné précédemment, qu’elle n’est pas l’employeur des «personnes recommandées et(ou) payées par les agences de placement» (traduction), qui sont plutôt des employés de ces agences et, par voie de conséquence, que ces personnes ne devraient pas être incluses dans l’unité de négociation. En second lieu, Mackie affirme que les personnes employées par elle qui travaillent seulement en Ontario ou dans une autre province ne sont pas régies par le Code canadien du travail, qu’elles relèvent plutôt de la compétence de la province où elles travaillent. À cet égard, l’employeur affirme que les activités strictement provinciales sont dissociables des activités interprovinciales ou internationales et qu’elles ne relèvent pas non plus de la compétence du gouvernement fédéral. En troisième lieu, Mackie soutient que les courtiers et(ou) les chauffeurs-courtiers ne sont pas des employés de l’entreprise et qu’ils ne devaient pas être inclus dans l’unité de négociation. Il y a aussi des groupes d’employés que le syndicat requérant ne souhaite pas inclure dans l’unité de négociation parce qu’ils n’ont pas de communauté d’intérêts avec les autres employés; par exemple, les employés dont la localité d’attache est située à l’extérieur de la province de l’Ontario et les chauffeurs-courtiers affectés à division du déménagement des articles de ménage.

[16] Quelques-unes des agences mentionnées précédemment, qui appuient la position de Mackie, ont soumis des observations au Conseil dans lesquelles elles indiquent qu’elles sont les véritables employeurs des chauffeurs fournis à Mackie et qu’il convient donc de les exclure de l’unité de négociation proposée. De même, l’un des courtiers, M. Art Pomeroy, a soumis des observations dans lesquelles il indique que les entreprises que lui-même ou son épouse exploitent sont des courtiers indépendants, non des entrepreneurs dépendants, et que les chauffeurs qu’elles fournissent à Mackie sont leurs employés, non ceux de Mackie. Ainsi qu’il a été mentionné, l’agent négociateur n’a pas contesté cette position. Deux autres groupes de chauffeurs-courtiers ont soumis des observations à peu près semblables, l’un était composé de six chauffeurs du Québec et l’autre de deux chauffeurs. De façon générale, les chauffeurs-courtiers ont indiqué qu’ils étaient des hommes d’affaires indépendants et qu’à ce titre ils n’étaient pas visés par la définition d’«employé» énoncée dans le Code.

[17] Sur la question de la compétence constitutionnelle du Conseil, Mackie admet que, si des éléments de l’entreprise relèvent à l’évidence de la compétence du gouvernement fédéral, il y en a d’autres avec lesquels il n’y a aucune interaction et qui se trouvent de ce fait à être assujettis aux lois provinciales, d’où la nécessité de les exclure de l’unité de négociation.

[18] Dans un document soumis au Conseil le 19 novembre 1999, qui brosse un tableau très différent des opérations décrites dans le rapport de l’agent d’enquête daté du 14 septembre 1999, lequel indiquait que l’employeur avait deux divisions actives, Mackie fait valoir ce qui suit:

1. Mackie Moving Systems est constituée de neuf unités commerciales indépendantes. Ces unités sont les suivantes:

a) division de l’entreposage;

b) division (intraprovinciale) des articles de ménage;

c) division (interprovinciale ou internationale) des articles de ménage;

d) division intraprovinciale du fret (contrat Lear Seating);

e) division (interprovinciale ou internationale) du fret;

f) division des produits de grande valeur;

g) division (interprovinciale ou internationale) du transport des automobiles;

h) division du transport des automobiles des provinces Maritimes;

i) division (intraprovinciale) du contrat Pitney Bowes.

(traduction)

[19] On a soutenu que certaines de ces «unités commerciales indépendantes» relevaient de la compétence provinciale et que les employés qui y sont affectés ne devaient pas être inclus dans l’unité de négociation dont le syndicat sollicite l’accréditation au niveau fédéral.

[20] Les parties se sont ensuite mises d’accord pour que le Conseil se prononce sur les questions constitutionnelles après avoir entendu une partie de la preuve orale. Le 7 janvier 2000, le Conseil a rendu une décision partielle (Mackie Moving Systems Corporation, 7 janvier 2000 (CCRI LD 168)). S’appuyant sur la prépondérance de la preuve fondée sur les témoignages et les observations dont il disposait à l’époque, le Conseil a conclu que la division (intraprovinciale) du contrat Pitney Bowes, ainsi qu’on l’avait affirmé, était bel et bien dissociable des autres activités de Mackie, aux fins de l’exercice de la compétence constitutionnelle du Conseil. Le Conseil a également conclu que la situation de la division intraprovinciale du fret (contrat Lear Seating) était essentiellement identique à celle de la division du contrat Pitney Bowes et qu’elle relevait elle aussi de la compétence provinciale. Le Conseil a statué que les prétendues divisions suivantes relevaient sans contredit de sa compétence constitutionnelle:

c) division (interprovinciale ou internationale) des articles de ménage;

e) division (interprovinciale ou internationale) du fret;

f) division des produits de grande valeur;

g) division (interprovinciale ou internationale) du transport des automobiles;

h) division du transport des automobiles des provinces Maritimes.

[21] Il reste maintenant à trancher la question de la compétence constitutionnelle du Conseil en ce qui concerne a) la division de l’entreposage et b) la division (intraprovinciale) des articles de ménage. À cet égard, il convient de rappeler certaines des observations qui ont été formulées dans l’affaire Mackie Moving Systems Corporation, précitée:

Dans ces circonstances, il importe de constater que, à première vue, il n’est pas du tout évident que les opérations de Mackie sont en réalité distinctes et dissociables. À cet égard, il faut se rappeler que le rapport initial de l’agent d’enquête a relevé seulement deux divisions, une division du fret et une division du déménagement. Même si l’on soutient qu’il existe en réalité neuf divisions, aucune des unités n’est un employeur distinct ou extérieurement reconnu comme étant distinct de Mackie. Il n’existe aucun contrat distinct ou autres modalités avec les divisions mentionnées. Elles sont toutes sous les auspices de Mackie. Elles sont essentiellement toutes gérées à partir du même endroit, le 933, rue Bloor. Chacune des deux opérations maintenant définies comme étant constitutionnellement dissociables est associée à une opération ou une division reconnue comme étant de compétence fédérale aux fins des profits et pertes.

Toutefois, la preuve dans la présente affaire montre qu’il existe des différences réelles entre les deux « divisions » considérées comme étant de compétence provinciale et les autres.

(i) Le requérant lui-même reconnaît la dissociabilité de l’une des deux divisions jugées dissociables de l’aspect fédéral des opérations de Mackie.

(ii) Le requérant a adopté la position selon laquelle l’unité de négociation appropriée ne devrait pas inclure les deux divisions relevées, soit la division h), division du transport des automobiles des provinces Maritimes, et la division c), division (interprovinciale ou internationale) des articles de ménage. Si certaines divisions sont suffisamment distinctes pour ne pas être incluses dans une unité de négociation appropriée, il devrait à tout le moins exister une certaine indication que l’ensemble est constitutionnellement dissociable.

(iii) Même s’il existe une certaine similitude entre les opérations de l’une des divisions, en ce sens qu’elles visent toutes le transport de marchandises, aucune des deux divisions susmentionnées reconnues comme étant de compétence provinciale n’a jamais desservi une clientèle autre que celle de la province d’Ontario.

(iv) Chacune de ces divisions fonctionne de façon indépendante au sens opérationnel, quoique du point de vue administratif en ce qui a trait aux modalités contractuelles des conducteurs de Mackie, le certificat d’enregistrement de conducteur de véhicule utilitaire en vertu duquel elles fonctionnent et les autres questions de finances, de budget, d’assurance, de rémunération et d’avantages sociaux renferment une certaine communité et unité.

v) Quant aux contrats Pitney Bowes et Lear, la nature du travail et l’endroit où il est exécuté sont dissociables et différents des autres divisions. Dans les deux cas, il s’agit d’entreprises locales qui effectuent un travail spécialisé au moyen d’un matériel spécialisé pour un seul client local.

(vi) Il existe une preuve claire de la séparation opérationnelle des deux unités, et il n’y a aucune interdépendance ni intégration opérationnelle entre ces unités et tout autre élément des opérations de Mackie.

(vii) Le travail et le personnel de ces unités ne sont pas cohérents avec le travail des autres unités de Mackie, quoiqu’il puisse y avoir à l’occasion des échanges de personnel. Par exemple, ces opérations possèdent leur propre effectif et systèmes d’aiguillage spécialisés. Leur matériel est spécialisé et unique dans le contexte opérationnel de Mackie.

(viii) La gestion de ces deux unités est intégrée à la gestion de Mackie uniquement aux niveaux supérieurs. La gestion du contrat Lear est externe à Mackie et ne figure même pas sur l’organigramme de Mackie.

(ix) À l’exclusion des fonctions de gestion de niveaux supérieurs et de certaines questions administratives, il n’existe aucune intégration opérationnelle entre ces divisions et le reste de l’entreprise de Mackie.

En ce qui a trait aux deux divisions restantes, la division a) de l’entreposage et la division [b] des articles de ménage, la situation n’est pas aussi concluante et les circonstances factuelles sont plus incertaines. À cause de l’importance du contexte factuel précis dans une telle situation, le Conseil estime qu’il ne convient pas à l’heure actuelle de se prononcer sur sa compétence constitutionnelle à l’égard de ces divisions. Il juge plus approprié de reporter cet aspect de sa décision jusqu’à ce que toute la preuve dans cette affaire ait été présentée. Le Conseil précisera davantage son raisonnement juridique concernant la question de sa compétence constitutionnelle lorsqu’il rendra sa décision définitive dans cette affaire.

(pages 5-6)

[22] C’est ainsi que, dans le cadre des procédures entamées aux fins de trancher les autres différends qui opposent les parties, le Conseil s’est penché sur la question de sa compétence constitutionnelle en ce qui concerne les divisions de l’entreposage et des articles de ménage de Mackie.

[23] Le Conseil s’est également penché sur la situation des courtiers, des chauffeurs-courtiers et des chauffeurs d’agence, ainsi que sur des questions connexes liées à la définition de l’unité de négociation.

[24] Par souci de clarté et de commodité, le Conseil entend examiner et trancher chacune de ces quatre questions dans la présente décision. Pour des raisons d’ordre pratique, la première question est divisée en deux parties; le Conseil se prononcera d’abord sur la question de sa compétence constitutionnelle en ce qui concerne la division de l’entreposage et la division (intraprovinciale) des articles de ménage, puis sur la question de leur dissociabilité.

I - Compétence constitutionnelle - division de l’entreposage et division (intraprovinciale) des articles de ménage

[25] Le témoignage de M. Scott Sullivan, qui représente l’employeur, a été complété à deux autres occasions par le témoignage de M. Phil Meagher, directeur des opérations chez Mackie. Aux dires de M. Sullivan, le déménagement des articles de ménage est l’activité première de Mackie, qui est une franchisée de North American Van Lines depuis une quarantaine d’années. Au fil des ans, Mackie a étendu ses activités, ce qui l’a amenée à mettre sur pied les autres divisions décrites aux paragraphes précédents et suivants. La division de l’entreposage a été créée à l’origine pour remiser les articles de ménage pendant les déménagements, mais, aujourd’hui, Mackie s’en sert aussi pour entreposer d’autres articles.

[26] L’entrepôt est situé au 933, rue Bloor à Oshawa (Ontario) et mesure 120 000 pieds carrés environ. Les bureaux de la direction sont situés à l’avant de l’immeuble. Bien que les divisions du transport aient, dans une certaine mesure, leur propre service de répartition, tous les répartiteurs travaillent dans l’immeuble de la rue Bloor. M. Scott a indiqué que la division de l’entreposage compte de huit à dix travailleurs à plein temps et de six à douze travailleurs à temps partiel, qui sont employés directement par Mackie; leur nombre varie selon les saisons, mais ils sont plus nombreux pendant l’été, qui est la période de prédilection pour les déménagements domiciliaires. L’enquête du Conseil a révélé qu’en date de la présentation de la demande d’accréditation Mackie employait dix entreposeurs (six à plein temps et quatre à temps partiel), et un superviseur de l’entrepôt; le syndicat demande que les entreposeurs soient inclus dans l’unité de négociation, à l’exclusion du superviseur.

[27] Aux dires de M. Sullivan, les employés de l’entrepôt manutentionnent à l’occasion des marchandises qui sont en transit interprovincial ou international, mais cette activité ne les occupe que 4 % du temps, le reste (96 %) étant consacré à des activités d’entreposage reliées au déménagement interprovincial d’articles de ménage. La division de l’entrepôt est une opération rentable et Mackie a produit en preuve un état des résultats distincts pour l’entrepôt (voir la pièce 1, page 7).

[28] L’entrepôt n’est pas une activité essentielle à la survie des autres unités commerciales de Mackie. Cependant, la preuve soumise par Mackie indique également que l’entrepôt est utilisé de temps à autre pour remiser des articles transportés par la division des produits de grande valeur, ce qui représente de 1 % à 2 % de l’utilisation de l’entrepôt. La division des produits de grande valeur transporte des marchandises à l’extérieur de la province et le Conseil a déjà conclu qu’elle relève de la compétence du gouvernement fédéral.

[29] La division (intraprovinciale) des articles de ménage utilise également les locaux du 933, rue Bloor à Oshawa. Elle comprend de 10 à 14 groupes composés de 15 à 25 ou 28 travailleurs directement employés par Mackie. L’agent d’enquête a déterminé qu’en date de la présentation de la demande d’accréditation la division comptait 11 chauffeurs à plein temps, quatre aides à plein temps et deux à temps partiel, deux empaqueteurs à plein temps et un à temps partiel, pour un total de 20 employés, en excluant les courtiers et les chauffeurs d’agence. L’organigramme produit par l’employeur indique que le répartiteur de la division des articles de ménage est M. Cory Salter, qui relève de M. Keith Dalton, le superviseur des opérations (déménagement). Le superviseur de la division des produits de grande valeur (PGV) et celui de la division du transport des automobiles relèvent aussi de M. Dalton; les chauffeurs de la compagnie sont regroupés ensemble sur l’organigramme, sans aucune indication de l’unité commerciale à laquelle ils sont affectés, tout comme les aides et les empaqueteurs.

[30] M. Sullivan a précisé que la division des articles de ménage utilise des remorques à suspension pneumatique de 48 à 53 pieds de longueur munies de portes sur les côtés et à l’arrière pour les déménagements. Ces remorques sont aussi utilisées à l’occasion pour transporter des produits de grande valeur (PGV), bien que la division PGV utilise surtout des camions porteurs, c’est-à-dire des camions dont la cabine est rattachée au conteneur. Ces camions sont aussi utilisés par la division des articles de ménage (AM); il y a donc double utilisation des véhicules par les divisions des AM et des PGV.

[31] La page 1 de la pièce 1 est un état des résultats des activités intraprovinciales et internationales de la division PGV; il n’y a qu’un seul état des résultats pour les deux activités. En ce qui concerne les activités internationales de déménagement, Mackie est une franchisée de North American Van Lines, dont le siège social est situé à Fort Wayne, Indiana.

[32] M. Sullivan a précisé que les répartiteurs des opérations de déménagement international (AM), de déménagement local (AM), et de transport des produits de grande valeur (PGV) sont interchangeables, même si, en théorie, les trois divisions sont exploitées indépendamment l’une de l’autre et que les résultats de la division PGV sont consignés séparément.

[33] M. Sullivan a indiqué que les véhicules utilitaires de Mackie sont immatriculés au nom de Mackie plutôt qu’au nom de chacune des divisions, et que Mackie paie la totalité des primes d’assurance des véhicules, y compris celles des véhicules fournis par les courtiers et les agences, bien que, dans ce dernier cas, ces frais lui soient généralement remboursés. En contre-interrogatoire, M. Sullivan a également précisé que Mackie n’avait qu’un seul compte bancaire et qu’il servait à payer toutes les dépenses, y compris les montants versés aux courtiers, aux agences, aux employés, etc., peu importe leur division d’attache. De façon générale, les employés de bureau et les gestionnaires sont des employés en titre de Mackie et ils ne sont affectés à aucune division particulière. Aucune des divisions n’a de système comptable et les états financiers sont dressés pour l’ensemble de l’entreprise bien qu’on ait soutenu que chaque division avait son propre état des résultats.

[34] En contre-interrogatoire, M. Sullivan a affirmé qu’aucune des neuf unités commerciales «indépendantes» n’a de numéro d’employeur distinct à Revenu Canada ou à la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail, ou aux fins des régimes de soins de santé et de soins dentaires; il n’y a qu’un employeur inscrit et c’est le groupe Mackie. On a demandé à M. Sullivan pourquoi la pièce 1 ne contenait que sept états des résultats, alors que Mackie prétend avoir neuf divisions actives. Il a répondu que les résultats de la division du contrat Lear Seating avaient été inclus avec ceux de la division du fret, que l’état des résultats de la division des articles de ménage englobait les déménagements à l’intérieur comme à l’extérieur de la province et que les résultats de la division du transport extraprovincial et intraprovincial des produits de grande valeur sont aussi consignés séparément.

[35] En contre-interrogatoire toujours, M. Sullivan a précisé que les employés peuvent passer d’une division à l’autre sans perte d’ancienneté sur le plan des avantages sociaux et des vacances, notamment. Cependant, il n’est pas tenu compte de l’ancienneté acquise dans une autre division aux fins de l’attribution des parcours, qui est fondée uniquement sur l’ancienneté dans la division même. On a montré à M. Sullivan les noms de personnes qui avaient ainsi été mutées dans une autre division et on lui a demandé de confirmer si elles avaient conservé leur ancienneté aux fins de l’obtention de parcours, et il a répondu qu’il ne le savait pas. On lui a aussi demandé s’il savait que des employés travaillaient régulièrement pour plusieurs divisions à la fois, et il a répondu que cela arrivait à l’occasion, car le premier souci de Mackie est de satisfaire sa clientèle. Il arrive que les chauffeurs transportent des marchandises pour une autre division au retour. Dans ces cas-là, le travail est attribué à la division qui est à l’origine du parcours initial. Si les articles transportés à l’aller sont des produits de grande valeur, par exemple, et qu’il est plus rentable de ne pas faire le voyage de retour allège, le chauffeur accepte n’importe quel chargement proposé, y compris du fret. Il est donc possible qu’un chauffeur ayant effectué une livraison pour une division donnée ramène des articles pour une autre division, peu importe la vocation de chacune.

[36] Au sujet des répartiteurs, qui sont les superviseurs immédiats des chauffeurs, M. Sullivan a confirmé qu’il leur arrive de changer de division. Il a confirmé que M. Tim Hickie, entre autres, avait quitté la division des produits de grande valeur pour aller travailler à la division du fret. Il a admis que les répartiteurs travaillent tous ensemble dans le même bureau et que, même s’ils sont rattachés à un moment ou à un autre à une division particulière, ils sont considérés, «dans l’ensemble», comme des employés de Mackie Moving Systems Corporation, non comme des employés de la division qu’ils supervisent.

[37] Au sujet d’un contrat avec Lear Corporation, qui a été signé par le président de Mackie et non par le directeur du centre de profit de la division du contrat Lear, M. Sullivan a précisé que les centres de profit ne signent pas de contrat et que Mackie n’en conclut pas non plus pour leur compte car elles n’ont pas qualité pour agir. À la question de savoir qui épongerait le déficit d’une division qui subit une perte dans une année, il a répondu que ce serait la famille Mackie car c’est elle qui est propriétaire de l’entreprise et qui l’exploite; les bénéfices des autres divisions seraient probablement utilisés pour combler la perte d’une division, mais si cette perte excède les bénéfices, c’est la famille qui épongerait le déficit.

[38] Au sujet des chauffeurs qui transportent des articles pour le compte de plusieurs divisions, M. Sullivan a confirmé qu’il s’agit là d’une situation inhabituelle. Par exemple, a-t-il indiqué, durant une grève chez General Motors (GM), le principal client de la division du fret, Mackie a invité par écrit les chauffeurs de cette division à accepter du travail à temps partiel dans les autres divisions pour la durée de la fermeture de GM.

[39] M. Phil Meagher, directeur des opérations de Mackie, a témoigné à deux reprises. Parce qu’il était malade lors de son premier témoignage, Mackie a demandé l’autorisation de le rappeler à la barre une seconde fois pour obtenir des précisions sur certains points. Au cours de l’interrogatoire principal, il a indiqué qu’il dirigeait les opérations quotidiennes de toutes les divisions de Mackie ayant des contrats de «déménagement», y compris les groupes «A» et «B» de la division des AM (voir ci-après), la division PGV, la division du transport des automobiles dans des camions-fourgons, la division du transport des automobiles dans des véhicules plate-forme, la division du contrat Pitney Bowes, etc. Il a aussi dirigé les opérations de la division de l’entreposage jusqu’à l’automne 1998 ou au printemps 1999. Une partie de son témoignage a porté sur les activités de la division extraprovinciale du transport des articles de ménage (AM), souvent appelée le groupe «A» de la division AM, que Mackie exploite à titre de franchisée de North American Van Lines. Une partie des renseignements fournis à cet égard se rapportaient à la question de savoir si la division intraprovinciale des articles de ménage (groupe «B» de la division des AM) est indépendante et dissociable du groupe «B» de la division extraprovinciale AM et du reste des opérations de Mackie.

[40] À ce propos, il convient de préciser qu’au début de la procédure la requérante a modifié sa demande initiale pour exclure les huit propriétaires-exploitants affectés à la division extraprovinciale des articles de ménage, pour le motif qu’un certain nombre d’entre eux réside et travaille à l’extérieur de la province de l’Ontario, qu’aucun n’obtient du travail et n’est rémunéré de la même manière que les courtiers des autres divisions de Mackie et qu’ils ont une communauté d’intérêts différente. Ces courtiers, qui forment le groupe «A» de la division des AM, reçoivent leurs instructions de North American Van Lines (NAVL), située à Fort Wayne, Indiana, qui les emploie comme chauffeurs, non du service de répartition d’Oshawa. Bien que les Teamsters demandent que ce groupe soit exclu de l’unité de négociation, elle souhaite inclure le groupe «B», dont les activités, aux dires de Mackie, sont strictement circonscrites à la province.

[41] En ce qui concerne le groupe «B» de la division des AM, M. Meagher a témoigné qu’il est chargé du déménagement des articles de ménage à l’intérieur de la province de l’Ontario et que les chauffeurs-courtiers qui en font partie ne sont pas des employés d’une entreprise externe comme NAVL ni ne fournissent de services à une entreprise du genre; ils travaillent exclusivement pour Mackie. Des déménagements leur sont attribués par un répartiteur attitré de Mackie à Oshawa. Il arrive toutefois que ces répartiteurs s’occupent d’autres divisions pendant de courtes périodes, par exemple, quand l’un de leurs collègues assiste à une réunion, mais ils sont habituellement rattachés à une seule division. L’équipement utilisé par la division des AM est différent de celui dont se servent les autres divisions; il arrive que la division des produits de grande valeur (PGV) utilise cet équipement, mais c’est assez rare, car Mackie possède des remorques qui servent expressément au transport des produits de grande valeur. Afin d’illustrer le recoupement des activités entre les divisions, M. Meagher a précisé qu’à une occasion au moins on avait utilisé un camion-fourgon qui sert normalement au transport des automobiles pour le déménagement d’articles de ménage parce que le chauffeur ramenait une automobile au retour; on se trouve ainsi à avoir fait l’économie d’un voyage et d’une remorque.

[42] M. Meagher a aussi fourni des précisions au sujet des activités de la division de l’entreposage. Les préposés à l’entrepôt prêtent main-forte à l’occasion au personnel de la division du fret pour recharger des remorques, assez rarement toutefois, et ils traitent aussi avec le personnel de la division PGV car Mackie utilise l’entrepôt pour remiser temporairement des produits de grande valeur. M. Meagher a commencé par affirmer que les tâches accomplies pour le compte des divisions de Mackie qui relèvent de la compétence du gouvernement fédéral représentaient jusqu’à 10 % de la charge de travail de la division de l’entreposage, mais il a révisé son estimation à la baisse au cours de son deuxième témoignage.

[43] M. Meagher a fourni des renseignements au sujet du «tableau d’affichage» utilisé par Mackie pour offrir des parcours occasionnels. Lorsque des employés ne se présentent pas au travail, que des clients n’ayant pas de parcours régulier adressent une demande à Mackie, ou encore que d’autres trajets de courte durée sont proposés, les parcours sont affichés au «tableau d’affichage». En contre-interrogatoire, M. Meagher a indiqué que les chauffeurs du groupe «B» de la division des AM ont le droit de consulter le tableau d’affichage et de proposer leurs services pour effectuer les parcours internationaux et interprovinciaux qu’y affiche la division du fret quand il n’y a pas suffisamment de chauffeurs. En fait, tous les chauffeurs de Mackie peuvent consulter le tableau d’affichage pour obtenir du travail, peu importe leur division d’attache. Le principal souci de Mackie Moving Systems Corporation est de satisfaire sa clientèle. M. Meagher a également confirmé que les chauffeurs du groupe «B» de la division des AM effectuent parfois des livraisons au Québec et au Michigan même si leur travail est surtout circonscrit à la province de l’Ontario. Mackie prend les commandes et confie le travail au groupe «A» ou au groupe «B», selon le cas. M. Meagher a admis que les chauffeurs du groupe «B» ne travaillent pas strictement en Ontario, qu’ils font régulièrement des livraisons dans d’autres provinces et à l’étranger.

[44] M. Meagher a notamment révélé pendant son témoignage que M. Dave Gilbank, un courtier du groupe «B» de la division des AM, avait effectué 19 voyages à l’extérieur de la province de l’Ontario l’année précédente, à destination de Détroit (Michigan) ou de Sainte-Thérèse (Québec) généralement. Selon Meagher, ces voyages représentent moins de 2 % des parcours effectués par les chauffeurs du groupe «B» de la division des AM. Il n’a toutefois donné aucune précision au Conseil au sujet des parcours qui pourraient avoir été attribués à d’autres chauffeurs du groupe «B». M. Meagher a affirmé que les parcours avaient probablement été effectués pour le compte des clients principaux, comme General Motors, et qu’ils n’indiquent pas, selon l’entreprise, que le groupe «B» de la division des AM assure un service de nature interprovinciale.

[45] M. Meagher a aussi témoigné au sujet d’une lettre soumise au Conseil le 17 janvier 2000, dans laquelle la requérante fournit des précisions sur la mobilité des employés et des courtiers affectés aux divisions extraprovinciale et intraprovinciale des AM, ainsi que sur les mouvements de personnel entre chacune de ces deux divisions. La lettre des Teamsters renferme en fait une analyse d’un document déposé par Mackie - le recueil no 1 portant sur la compétence constitutionnelle du Conseil -, dans lequel il est dit que les courtiers, les chauffeurs d’agence et les employés relèvent de la compétence du gouvernement provincial, et d’une annexe (annexe 2) jointe aux observations formulées par l’employeur en réponse à la demande d’accréditation du syndicat. Est reproduit ci-après le passage de la lettre des Teamsters datée du 17 janvier 2000 qui porte sur les deux divisions (intraprovinciale et extraprovinciale) des AM:

3) Le deuxième groupe de documents sur lequel la requérante s’est penchée depuis l’ajournement de l’audience est composé des annexes jointes aux observations formulées par l’employeur en réponse à la demande d’accréditation du syndicat. On y trouve la liste des employés de la compagnie, des courtiers, des chauffeurs-courtiers et des chauffeurs d’agence. La requérante s’est penchée sur l’annexe 2, dans laquelle figure la liste des personnes qui, Mackie admet-elle, sont des employées de l’entreprise. À côté du nom et du poste de chacun d’eux, on peut lire les mots «Ontario», «interprovincial» ou «international», qui indiquent le secteur géographique d’activités de chaque chauffeur, aide ou empaqueteur. Dans ses observations datées du 15 avril 1999 (la lettre adressée par M. Tarasuk à l’agent principal des relations du travail, Gordon MacIsaac), l’employeur soutient que les employés qui travaillent strictement dans la province de l’Ontario ne relèvent pas de la compétence du Conseil.

4) La preuve produite jusqu’à maintenant par l’employeur fournit des renseignements contradictoires sur la relation ou les différences qui existent entre les prétendues divisions intraprovinciale des AM et interprovinciale ou internationale des AM. Dans le cadre de son témoignage, Scott Sullivan a affirmé que toutes les activités liées au transport extraprovincial des articles de ménage sont entrées dans le système de NAVL et qu’elles sont la responsabilité de cette division. Phil Meagher a tenu des propos différents. Il a soutenu que la division intraprovinciale des AM effectuait bel et bien des déménagements au Québec et au Michigan pour des entreprises clientes de Mackie, dont General Motors, Ontario Hydro et Royal LePage.

5) La requérante estime que, dans les faits, il n’existe aucune différence entre les deux divisions concernées. Dans sa plaidoirie, la requérante a insisté, entre autres choses, sur le fait que les résultats des deux divisions sont rapportés dans le même état des résultats.

6) Dans la liste des employés qui constitue l’annexe 2 de la réponse de l’employeur, il est indiqué que la division du «déménagement» englobe environ 28 aides et empaqueteurs. La division intraprovinciale compte 12 aides et quatre empaqueteurs et la division interprovinciale ou internationale, 12 empaqueteurs. La requérante est d’avis que ce document fournit la preuve que ces aides et empaqueteurs accomplissent suffisamment de travail pour la division extraprovinciale que l’employeur considère, pour ses propres besoins, qu’ils y sont rattachés. Ainsi qu’il est indiqué ci-après, les aides affectés à la division interprovinciale ou internationale s’occupent aussi de déménagements intraprovinciaux. La requérante estime que cette preuve confirme sa prétention selon laquelle l’entreprise de l’employeur ne compte qu’une seule division du déménagement des articles de ménage. Cette division fait donc partie intégrante d’une entreprise extraprovinciale qui relève de la compétence du Conseil.

7) La requérante exhorte également le Conseil à se pencher sur les questions additionnelles ou connexes suivantes:

a) À l’onglet 2 du recueil no 1 de l’employeur, il est question de documents se rapportant aux employés affectés à la division du déménagement local. Le premier document, qui compte quatre pages, est une fiche de planification des contrats de déménagement que la division des AM doit exécuter le 9 avril 1999, ainsi qu’il est indiqué sur la première page.

i) La première inscription se rapporte à un déménagement de Port Hope (Ontario) à Surrey (C.-B.) avec, dans la colonne de droite, la mention NAVL.

ii) Un autre déménagement, de Markham (Ontario) à Vancouver (C.-B.) est accompagné d’une mention analogue.

iii) Il en est de même d’un troisième déménagement, de Winnipeg (Manitoba) à Calgary (Alberta).

iv) La quatrième inscription est un déménagement au centre-ville de Toronto attribué à Ed Pratt, Steve Levigne et Scott Renney. Il s’agit manifestement d’un déménagement intraprovincial. À l’annexe 2, il est indiqué que M. Pratt est un chauffeur interprovincial affecté à la division du transport des produits de grande valeur. L’annexe 2 indique seulement que M. Levigne est un aide et qu’il travaille à la division du «déménagement», sans fournir de précision sur sa désignation géographique. M. Renney est un aide interprovincial affecté à la division du «déménagement». On peut donc en conclure qu’un chauffeur interprovincial de la division du transport des PGV (M. Pratt) a effectué un déménagement avec le concours de deux personnes, dont l’un, selon les renseignements fournis par l’employeur, est un aide interprovincial (M. Renney).

v) La cinquième inscription est un déménagement résidentiel de Whitby (Ontario) à Orion Township au Michigan. Le travail a été attribué à Bob Fraser. Selon l’annexe 4 de la réponse de l’employeur, M. Fraser est un courtier international affecté à la division AM. Il semble que ce déménagement extraprovincial ait été consigné comme un déménagement de Mackie au lieu d’être entré dans le système de NAVL. Les données sur ce déménagement diffèrent de celles fournies aux alinéas (i),(ii) et (iii) qui précèdent. Cet élément de preuve montre bien que Mackie n’entre pas nécessairement tous les déménagements extraprovinciaux dans le système de NAVL et qu’elle les traite dans les faits comme des déménagements intraprovinciaux aux fins du calcul des résultats et des rapports.

vi) La sixième inscription est un déménagement entre la Saskatchewan et l’Alberta qui est attribué à NAVL.

vii) La septième inscription est un déménagement local dans la Région du Grand Toronto attribué à Tony Becker, Michael Dell, Jamie Crawford et Terry Glover. À l’annexe 2, il est indiqué que M. Becker est un chauffeur de l’Ontario affecté à la division du déménagement des articles de ménage et que MM. Dell, Crawford et Glover sont des aides interprovinciaux travaillant dans la division des AM. Le déménagement intraprovincial a été effectué par un chauffeur intraprovincial de la division des AM (M. Becker) et trois aides interprovinciaux (M. Dell, Crawford et Glover). Le reste des documents qui se trouvent à l’onglet 2 se rapporte à ce déménagement.

viii) La huitième inscription est un autre déménagement local effectué en Ontario. Le travail a été attribué à Michael Hawley et Kevin Grindrod. À l’annexe 2, il est indiqué que M. Hawley est un chauffeur international affecté à la division des AM et que M. Grindrod est un chauffeur de l’Ontario travaillant dans la même division. Le déménagement intraprovincial se trouve donc à avoir été effectué par un chauffeur international de la division des AM (M. Hawley) avec l’aide d’un chauffeur intraprovincial de la division des AM (M. Grindrod).

ix) La requérante ne formule aucune observation au sujet des autres déménagements inscrits sur la fiche de planification des activités de la division des AM pour le 9 avril 1999.

b) Il est manifeste que la fiche de planification s’applique aux deux divisions des AM prétendument distinctes et indépendantes. Il y est question de déménagements intraprovinciaux effectués par Mackie, de déménagements interprovinciaux inscrits dans le système de NAVL mais effectués par Mackie et de déménagements internationaux effectués par Mackie mais non inscrits dans le système de NAVL.

...

8) La preuve résumée ci-dessus indique ce qui suit:

(1) des déménagements intraprovinciaux peuvent être effectués par des employés interprovinciaux et internationaux, selon les renseignements fournis dans la réponse de l’employeur (p. ex. MM. Dell, Crawford et Glover et les autres);

(2) des déménagements interprovinciaux peuvent être effectués par des employés internationaux, selon les renseignements fournis dans la réponse de l’employeur (MM. Smith et Edwards);

(3) le travail de la division des AM peut être effectué par le personnel de la division PGV (p. ex. M. Pratt);

(4) le travail de la division PGV peut être effectué par le personnel de la division des AM (p. ex. M. Gallant);

(5) le personnel de la division PGV peut être appelé à transporter du fret (p. ex. M. Chambers);

(6) dans les faits, il est impossible de faire la différence entre le travail de la division intraprovinciale AM qui est effectué par la division interprovinciale AM (le groupe B) ou par la division interprovinciale ou internationale des AM (le groupe A). Par exemple:

(i) les aides interprovinciaux et internationaux s’occupent de déménagements intraprovinciaux;

(ii) les chauffeurs internationaux effectuent à l’occasion des déménagements intraprovinciaux;

(iii) les déménagements internationaux ou interprovinciaux de la division des AM ne sont pas nécessairement inscrits dans le système de NAVL.

(traduction)

[46] Au cours de son interrogatoire principal, M. Meagher a précisé que le déménagement décrit à l’alinéa 7iv) du document qui précède concernait le transport de produits de grande valeur et que la division PGV ne faisait aucune distinction entre le transport local et le transport extraprovincial. Au sujet du déménagement décrit à l’alinéa 7vii), M. Meagher a dit qu’il pouvait s’agir d’une commande de dernière minute qui avait probablement posé des problèmes. Si le groupe «B» de la division intraprovinciale des PGV a fait appel à des aides du groupe «A» de la division extraprovinciale des PGV, c’est probablement parce qu’elle manquait de personnel. Au sujet de l’exemple donné à l’alinéa 7viii) qui précède, M. Meagher a affirmé que c’était en fait un déménagement international pour une compagnie de transport international appelée Victoria International. Il a aussi dit que c’était un déménagement effectué par le groupe «B», ou un déménagement intraprovincial de la division des AM. Toutefois, considérée dans son ensemble, cette preuve montre que les chauffeurs et le personnel de soutien du groupe «B» de la division des AM sont utilisés de façon régulière par les autres divisions de Mackie pour effectuer du transport interprovincial quand le besoin s’en fait sentir.

[47] Au cours de son second témoignage, M. Meagher a fourni des renseignements supplémentaires au sujet de la division de l’entreposage. Il a déclaré que l’entrepôt a une superficie de 100 000 pieds carrés environ, dont 35 000 sont loués au Productivity Improvement Centre (PIC), qui est un locataire de Mackie. Des 65 000 pieds carrés qui restent, 35 000 sont utilisés par la division PGV. M. Meagher s’est dit incapable de préciser quel pourcentage du temps est consacré à la manutention des articles provenant des diverses divisions de Mackie, parce qu’à sa connaissance l’entrepôt ne facture pas ses services aux autres divisions et que les employés ne consignent pas de données à ce sujet. Selon ses estimations, l’emploi du temps du personnel de l’entrepôt est le suivant: 40 % pour la division des AM, 30 % pour la division du PGV, le reste étant consacré à d’autres tâches comme le nettoyage, le transbordement, le chargement et le déchargement des remorques du PIC ainsi qu’à la préparation des plateaux roulants, des couvertures, des sangles, des boîtes, etc. en prévision des déménagements du lendemain. Pendant l’été, la division de l’entrepôt s’occupe de deux ou trois déménagements par semaine pour le compte de North American Van Lines (le groupe «A» de la division extraprovinciale des PGV). Le personnel de l’entrepôt remplit aussi des conteneurs pour Martin Steven, une entreprise de transport international qui appartient en partie à Mackie et à laquelle celle-ci ne facture pas ses services.

[48] En réinterrogatoire, M. Meagher a affirmé que 70 % des articles entreposés à la demande de la division des produits de grande valeur sont destinés au transport intraprovincial, 20 % au transport interprovincial et le reste, au transport international. Les préposés à l’entrepôt prêtent leur concours pour le transbordement et le chargement de ces produits. Le Conseil a déjà statué que la division des PGV relève de la compétence du gouvernement fédéral.

[49] Dans la pièce 2 soumise au Conseil le 22 novembre 1999, Mackie fournit des données au sujet de la division de l’entreposage, dont une ventilation des heures de main-d’oeuvre. Il est indiqué que 2 % de ces heures sont consacrées à la manutention de marchandises qui sont en transit extraprovincial, les produits industriels et commerciaux comptant pour 0,7 % et les articles de ménage, pour 1,2 %; le reste du temps est consacré à la manutention de marchandises destinées au transport intraprovincial. Ces estimations, qui ont été préparées par l’employeur, contredisent en quelque sorte le témoignage initial de M. Meagher ainsi que la première estimation de 4 % fournie par M. Sullivan, de même que certains éléments anecdotiques du témoignage. Si l’on tient compte du témoignage relatif à l’appui fourni au groupe «B» de la division des AM, la totalité de la preuve indique que la proportion des heures de main-d’oeuvre consacrées aux éléments de l’entreprise de l’employeur qui relèvent de la compétence fédérale est probablement très élevée.

[50] Il devient donc nécessaire de déterminer de quelle compétence relève le travail accompli par la division de l’entreposage et le groupe «B» de la division des AM. De nombreux précédents ont été invoqués pour aider le Conseil à trancher la question constitutionnelle, mais, compte tenu des faits et des circonstances de l’espèce, il n’est pas nécessaire de tous les examiner. Commençons par le groupe «B» de la division des AM, ou la division (intraprovinciale) des articles de ménage; la preuve soumise au Conseil révèle que cette division effectue régulièrement des déménagements extraprovinciaux. Bien que cette activité ne représente qu’un faible pourcentage des activités de cette division, M. Meagher a affirmé, dans le cadre de son témoignage, que le premier souci de l’entreprise est de satisfaire aux besoins de sa clientèle et que l’employeur n’hésitera habituellement pas à faire appel au groupe «B» de la division des AM pour effectuer des déménagements extraprovinciaux. La preuve a également révélé qu’il existait une certaine intégration fonctionnelle entre les divisions du fait que le groupe «B» effectue parfois des livraisons pour le compte de la division des produits de grande valeur, laquelle relève de la compétence du gouvernement fédéral parce que ses activités sont en grande partie de nature extraprovinciale. À cet égard, il convient également de mentionner à nouveau que M. Gilbank, un courtier du groupe «B», a effectué 19 voyages à l’extérieur de la province au cours de l’année écoulée, lesquels, soutient l’employeur, représentent moins de 2 % des voyages attribués à ce groupe.

[51] Le Conseil s’est penché bien des fois sur l’utilisation du critère de la «régularité» et de la «continuité» pour déterminer si une entreprise de transport relève de la compétence fédérale ou de la compétence provinciale. En l’espèce, Mackie soutient que les voyages extraprovinciaux effectués par le groupe «B» représentent une portion négligeable de leur travail et qu’ils s’inscrivent dans un contexte d’irrégularité par rapport aux activités continues ou régulières.

[52] Le passage de la décision rendue dans l’affaire Acadian Lines Limited (1994), 96 di 41 (CCRT no 1094) reproduit ci-après fournit quelques indications sur la manière dont le critère de la régularité et de la continuité a été appliqué par le Conseil et les tribunaux ces dernières années:

Le principal facteur dont il faut tenir compte, facteur qui a été défini plus en détail dans les principales affaires qui font jurisprudence, consiste à savoir si les activités interprovinciales de transport qui relient des provinces ou qui vont au-delà des limites d’une province au sens de l’alinéa 92(10)a) sont régulières et continues. Les affaires clés démontrent clairement que le critère à appliquer pour déterminer si les activités extraprovinciales de l’entreprise sont régulières et continues est celui de la qualité plutôt que de la quantité. Par exemple, dans Re Ottawa-Carleton Regional Transit Commission and Amalgamated Transit Union, Local 279 et al. (1983), 44 O.R. (2d) 560; 4 D.L.R. (4th) 452; et 84 CLLC 14,006 (C.A.), le juge Cory (comme il était à l’époque) a dit ceci:

«Les décisions concernant le secteur du camionnage sont nombreuses. Dans ce domaine, la jurisprudence rejette l’approche quantitative selon laquelle les résultats seraient fondés sur une comparaison de l’importance des activités extraprovinciales avec celle des activités de l’entreprise visée dans la province où elle est basée. Les décisions ont été plutôt fondées sur la continuité et la régularité des activités extraprovinciales des entreprises. Si ces activités sont jugées continues et régulières, l’entreprise est réputée relier des provinces. À mon avis, je n’ai aucune raison de m’écarter de cette approche qui prévaut depuis des années à l’égard du secteur du transport. Le critère retenu dans la jurisprudence est raisonnable et facile à appliquer.

(pages 569; 460-461; et 12,030; traduction)»

L’affaire Regina v. Cooksville Magistrate’s Court, Ex parte Liquid Cargo Lines Ltd., [1965] 1 O.R. 84; et (1964), 46 D.L.R. (2d) 700 (H.C.J.), est très utile pour ce qui est de savoir comment appliquer ce critère lorsque les voyages ne sont pas effectués à des heures fixes selon un horaire prédéterminé. On peut y lire ce qui suit:

«À mon avis, le fait qu’un grand nombre des voyages extraprovinciaux de la requérante n’ont pas eu lieu à heure fixe, conformément à un horaire prédéterminé, n’aboutit pas nécessairement à la conclusion que son activité à cet égard n’est pas continue et régulière. Du point de vue de l’entreprise requérante, il est manifeste que les clients bénéficient d’un service extraprovincial constant et ininterrompu chaque fois qu’ils le lui demandent. La requérante est toujours prête à se livrer à des activités de transport à l’extérieur des limites de la province de l’Ontario, à la demande de n’importe quel de ses clients; à cette fin, elle a pris la peine d’acquérir des permis et des licences de transport auprès de plusieurs autorités compétentes et d’en assumer le coût. En outre, la preuve démontre clairement que la requérante a fréquemment fait des voyages de ce genre pendant la période pour laquelle on a fourni des statistiques.

(pages 88-89; et 704-705; traduction)»

Selon nous, le critère de la proportion des activités préconisé dans Re Windsor Airline Limousine Services Ltd., supra, a été complètement discrédité dans Re Ottawa-Carleton Regional Transit Commission, supra. Si le critère du pourcentage doit être utilisé, il ne pourrait servir qu’à déterminer si le trafic est régulier et continu. Ce n’est pas un test en soi. De plus, nous estimons que ce critère n’est utile que lorsqu’il n’est pas possible de déterminer autrement si le trafic est régulier et continu. Or ce n’est pas le cas en l’espèce.

Dans la présente affaire, l’employeur s’annonce au public comme étant prêt, disposé et apte à assurer un service d’autocars nolisés dans tout le Canada et aux États-Unis. Il détient des permis d’exploitation extraprovinciaux de la Nova Scotia Utilitiy and Review Board, qui l’autorisent à transporter passagers et colis. Il exploite un service d’autocars nolisés spéciaux à destination de localités au Canada et aux États-Unis; il détient un permis d’exploitation délivré par la Interstate Commerce Commission à l’égard de 13 états de la côte est des États-Unis. Bien que les voyages extraprovinciaux ne soient effectués que sur demande seulement, la preuve démontre que lorsqu’un tel voyage est demandé, il est effectué. Ainsi, la portion extraprovinciale des activités de l’employeur qui est intégrée dans l’ensemble des activités nous semble être régulière et continue au point de faire d’Acadian une entreprise fédérale au sens de l’alinéa 92(10)a) de la Loi constitutionnelle de 1867 plutôt qu’une entreprise provinciale. Nous jugeons qu’il s’agit d’une entreprise fédérale.

(pages 45-47; c’est nous qui soulignons)

[53] Les activités décrites au paragraphe précédent ressemblent beaucoup à celles de la division (intraprovinciale) des articles de ménage de Mackie, aussi appelée le groupe «B».

[54] Même si les activités extraprovinciales de la division intraprovinciale ne représentent qu’un faible pourcentage de ses autres activités, elles n’en sont pas moins exécutées de manière régulière, périodique et continue aux fins de répondre aux besoins de la clientèle, et on ne saurait les qualifier d’«occasionnelles ou exceptionnelles» car elles constituent plutôt des «activités normales ou habituelles de l’affaire» (voir l’arrêt Northern Telecom Limitée c. Travailleurs en communication du Canada et autres, [1980] 1 R.C.S. 115, page 132). La preuve indique que le premier souci de Mackie est de satisfaire aux besoins de sa clientèle et qu’elle n’hésite aucunement à faire appel au groupe «B» pour exécuter des contrats de transport extraprovincial lorsque le besoin s’en fait sentir. Le fait qu’un chauffeur ait effectué à lui seul 19 voyages du genre au cours d’une année ne saurait être considéré comme un indice d’irrégularité.

[55] Avant même de se pencher sur la question de savoir si les divisions de Mackie sont dissociables ou si elles constituent une entité indivisible aux fins de la détermination de la compétence constitutionnelle, le Conseil conclut que la division (intraprovinciale) des articles de ménage de Mackie est une entreprise fédérale aux termes de l’alinéa 2b) du Code, et que ses relations de travail sont régies par le Code.

[56] Venons-en maintenant à la division de l’entreposage. L’employeur a indiqué que l’entrepôt a été aménagé à l’origine pour remiser les articles de ménage durant les déménagements. S’il en est aussi venu à être utilisé à d’autres fins, dont certaines procurent des revenus externes à Mackie, il sert encore, en grande partie, à l’entreposage des articles en transit. Une partie de l’entrepôt, soit le tiers de la superficie totale environ, est loué à une autre entreprise, et le Conseil n’y accorde aucun intérêt. Pour déterminer de quelle compétence relèvent les relations de travail de la division de l’entreposage, il est essentiel de trancher la question de savoir si les employés de l’entrepôt manutentionnent des articles destinés au transport extraprovincial de manière régulière et continue.

[57] Si l’employeur soutient que la division de l’entreposage se rattache exclusivement à la division (intraprovinciale) des articles de ménage (voir le paragraphe [14a] qui précède), le Conseil a entendu divers témoignages selon lesquels les employés de l’entrepôt consacrent 2 %, 4 % ou peut-être même 10 % de leur temps à la manutention d’articles destinés au transport extraprovincial (voir également le paragraphe [21]). L’entrepôt est aussi utilisé pour remiser ou transférer des articles de la division du fret et de la division des produits de grande valeur, dont les activités ont été qualifiées d’extraprovinciales par l’employeur, et qui relèvent toutes deux de la compétence du gouvernement fédéral, ainsi qu’en a conclu le Conseil. Rappelons que M. Meagher a affirmé initialement que la manutention de ces articles pouvait représenter jusqu’à 10 % du travail accompli par le personnel de l’entrepôt, et celle des produits de grande valeur, jusqu’à 40 %, bien qu’il ait subséquemment ramené ce dernier pourcentage à 10 %. La division de l’entreposage s’occupe aussi de deux ou trois déménagements par semaine pendant l’été pour le compte de North American Van Lines, dont Mackie est une franchisée (et à laquelle la division (extraprovinciale) des articles de ménage est rattachée). Ce travail est accompli de façon régulière et il se rapporte sans contredit aux activités relevant de la compétence du gouvernement fédéral. Les préposés à l’entrepôt s’occupent aussi, à l’occasion du moins, du chargement des conteneurs de Martin Steven, une compagnie de transport international appartenant en partie à Mackie. Si cette dernière exige un loyer des entreprises externes auxquelles elle loue une partie de son entrepôt, la division de l’entreposage fournit ses services sans frais aux autres divisions de Mackie ainsi qu’à Martin Steven. C’est là un indice que la division de l’entreposage est intégrée à l’entreprise de Mackie.

[58] L’employeur a toutefois soutenu dans le cadre de sa plaidoirie que l’entrepôt n’assure aucun service essentiel au reste des opérations de Mackie et qu’il est totalement dissociable de l’entreprise aux fins de trancher la question de la compétence fédérale. Cependant, sur la foi des témoignages entendus, le Conseil en arrive à la conclusion que l’ensemble des divisions de Mackie mentionnées précédemment ont un besoin régulier, quoique occasionnel, d’installations et de services d’entreposage, lesquels constituent un élément essentiel de leurs activités de transport. Il est aussi nécessaire de prendre en considération la totalité du témoignage de Mackie en ce qui concerne la fréquence d’utilisation de l’entrepôt par les diverses divisions de l’entreprise. En conséquence, il faut examiner l’estimation initiale de M. Meagher, selon laquelle la division du fret, qui relève de la compétence fédérale, utilise 10 % de la superficie de l’entrepôt, en tenant compte des autres éléments de preuve. Il ressort de cet examen global de la preuve produite par l’employeur que les divisions relevant de la compétence fédérale utilisent l’entrepôt plus souvent que l’employeur a bien voulu l’admettre dans sa plaidoirie. En outre, si Mackie n’avait pas d’entrepôt, il lui faudrait nécessairement utiliser des installations ailleurs pour être en mesure d’assurer le transport (extraprovincial et intraprovincial) des articles qui doivent être entreposés avant d’atteindre leur destination finale. Or, nul n’a mentionné que Mackie utilisait des installations d’entreposage ailleurs.

[59] La preuve de l’intégration de la division de l’entreposage avec les opérations relevant de la compétence fédérale doit être examinée attentivement en tenant compte des observations formulées par Mackie. Les observations écrites soumises initialement par l’employeur au sujet des neuf unités commerciales indépendantes ont été complétées par les témoignages oraux, particulièrement celui du président, M. Scott Sullivan, qui a fourni des renseignements sur l’évolution de l’entreprise et les liens qui existent entre les diverses opérations. Il a insisté sur le fait qu’aux fins du calcul des résultats les neuf unités commerciales prétendument indépendantes fonctionnent comme des centres indépendants. Le Conseil doit aussi tenir compte des observations soumises par la requérante le 20 septembre 1999 au sujet de la compétence constitutionnelle du Conseil. Il convient en l’espèce de reproduire une partie de ces observations, car elles soulèvent un certain nombre de questions générales qui ont aussi un rapport avec les questions constitutionnelles.

QUESTION 1 - LA COMPÉTENCE CONSTITUTIONNELLE

1) L’employeur a soutenu que son entreprise n’est pas assujettie au Code, en partie, sinon en totalité. À ce nous croyons comprendre, Mackie prétend que les éléments de son entreprise dont les activités sont limitées exclusivement à la province sont dissociables des éléments à vocation interprovinciale et internationale et qu’il n’existe aucune interdépendance entre elles.

Position de la requérante

2) La requérante soutient pour sa part qu’à l’exclusion de la division qui est chargée du contrat avec Pitney Bowes, l’entreprise de l’employeur est une entreprise fédérale unique intégrée pour l’application de l’article 4 du Code et que les relations de travail de l’entreprise de l’employeur sont régies par le Code.

Le critère applicable

3) Le critère à appliquer pour déterminer si une entreprise de transport routier ou autre relève de la compétence fédérale a été énoncé par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Re Ottawa-Carleton Regional Transit Commission and Amalgamated Transit Union, Local 729 (1983), 44 O.R. (2d)560. Le passage reproduit ci-après (à la page 569, et mis en relief par le Conseil) a été cité avec approbation par le Conseil canadien des relations du travail dans l’affaire Chatham Coach Lines, 89 C.L.L.C. 16,018 (CCRT no 73), à la page 14,187:

«Les secteurs du camionnage et du transport font depuis longtemps l’objet de nombreuses décisions. Ces décisions rejettent la méthode quantitative selon laquelle le résultat est obtenu en comparant le taux d’activités à l’extérieur de la province avec celui à l’intérieur de la province. Les décisions sont plutôt axées sur la conclusion voulant que les activités à l’extérieur de la province soient de nature continue et régulière. Si l’on juge que les activités menées à l’extérieur de la province sont continues et régulières, on conclut que l’entreprise relie des provinces. À mon avis, il n’y a aucune raison de déroger à cette jurisprudence qui régit le secteur du transport depuis plusieurs années. Le critère utilisé dans lesdites décisions est raisonnable et il s’applique aisément.»

4) Le critère applicable est celui qui consiste à déterminer si Mackie exploite une entreprise de transport interprovincial ou international de manière régulière et continue.

Les faits constitutionnels pertinents

5) Mackie exploite une entreprise de transport d’articles et de produits, plus particulièrement de pièces et de composantes d’automobiles, d’articles de ménage, de produits de grande valeur et d’automobiles.

6) L’entreprise de transport de Mackie comprend à tout le moins deux grandes divisions: la division du fret et la division du déménagement. Cette dernière se compose pour sa part de la division des articles de ménage («AM»), de la division des produits de grande valeur («PGV») et de la division du transport des automobiles.

7) Les chauffeurs affectés à chacune des divisions de Mackie et les aides de la division du déménagement transportent du fret, des articles de ménage, des produits de grande valeur et des automobiles en Ontario, dans d’autres provinces et aux États-Unis, et vice versa. Dans chacune de ces divisions, les volets interprovinciaux et internationaux des activités sont exploités de manière régulière et continue.

8) Mackie emploie également des empaqueteurs, des préposés et des chefs d’équipe à l’entrepôt d’Oshawa. Ils sont chargés de la manutention, du traitement, de l’entreposage et du chargement d’articles de ménage surtout, qui sont transportés et(ou) entreposés par Mackie pour le compte de ses clients. Une partie des articles proviennent des États-Unis ou d’autres provinces ou y seront transportés ultérieurement par les chauffeurs de Mackie utilisant les remorques de cette dernière. Cette division de l’entreprise de Mackie fait partie intégrante de l’entreprise de transport, dont elle est indissociable.

9) La dernière division de l’entreprise de Mackie est composée de 14 courtiers et chauffeurs-courtiers qui sont affectés à l’exécution d’un contrat conclu avec Pitney Bowes. La requérante croit comprendre que ces 14 personnes travaillent dans un entrepôt de Pitney Bowes situé à Pickering. Ils livrent des photocopieurs et d’autres produits semblables de Pitney Bowes aux clients de cette compagnie dans la Grande Région de Toronto. Ces personnes ne sont pas intégrées à un autre élément de Mackie; elles font partie intégrante de l’entreprise de Pitney Bowes. Pour les motifs exposés précédemment, la requérante convient qu’il n’y a pas lieu de les inclure dans l’unité de négociation dont elle sollicite l’accréditation.

10) Pour avoir une idée de la régularité et de la continuité des voyages interprovinciaux et internationaux effectués par les employés de Mackie, il suffit de jeter un coup d’oeil à la répartition des contrats de transport intraprovincial et de transport interprovincial et international de la division du fret:

i) Sont annexés aux présentes observations deux documents se rapportant à deux parcours proposés par la division du fret le 12 avril 1999.

«Voir l’onglet 2.»

ii) Le premier document est constitué d’une série de «règles et règlements», et le deuxième, de tableaux indiquant les «parcours» offerts par la division. Chaque parcours correspond à une affectation ou à un emploi régulier que les chauffeurs (de la compagnie, les courtiers ou chauffeurs d’agence) pouvaient postuler en fonction de leur ancienneté. Quatre catégories sont mentionnées:

  • chauffeurs de la compagnie ou d’agence - parcours locaux;
  • chauffeurs de la compagnie ou d’agence - longs parcours;
  • chauffeurs-courtiers (seuls) - longs parcours;
  • chauffeurs-courtiers (équipes) - longs parcours.

iii) La requérante formule les observations suivantes au sujet des documents se rapportant aux parcours offerts par la division du fret.

a) Seule la première catégorie de parcours (c.-à-d. les «parcours locaux») est circonscrite à la province.

b) Dans la deuxième catégorie, 15 des 18 longs parcours offerts aux chauffeurs de la compagnie et aux chauffeurs d’agence supposent des voyages à l’extérieur de la province ou à l’étranger.

c) Dans la troisième catégorie, la totalité des 39 longs parcours proposés aux courtiers travaillant seuls supposent des voyages à l’extérieur de la province ou à l’étranger.

d) Dans la quatrième catégorie, la totalité des 18 longs parcours offerts aux courtiers travaillant en équipe supposent des voyages à l’extérieur de la province ou à l’étranger.

iv) Même si le critère déterminant est la régularité et la continuité et non pas le nombre de voyages effectués à l’extérieur de la province, les voyages extraprovinciaux et internationaux représentent un pourcentage élevé des voyages effectués par les employés de la division du fret de Mackie. Les tableaux indiquent que la division du fret effectue à elle seule plus de 100 voyages par semaine à l’extérieur de la province ou à l’étranger.

v) Le caractère régulier et continu des voyages à l’extérieur ou à l’étranger ressort clairement à l’examen de la colonne réservée aux observations dans chacun des tableaux, qui portent sur une période de 52 semaines. Y sont indiqués, pour chacun des parcours offerts, les dates auxquelles des voyages devront être effectués. Dans la majorité des cas, il s’agit de parcours quotidiens. Peu de parcours nécessitent moins de trois jours de travail par semaine.

11) On trouve également d’autres exemples de la régularité et de la continuité des voyages interprovinciaux et internationaux dans les recueils de documents que l’employeur a annexés à sa réponse. Les onglets 3, 4, 5, 6, 9, 11, 12 et 13 du premier recueil donnent des précisions sur les voyages que les chauffeurs de la compagnie, les courtiers et les chauffeurs d’agence affectés aux divisions du fret, du déménagement des articles de ménage et du transport des automobiles ont effectué à l’extérieur de la province et à l’étranger.

12) Les termes utilisés par Mackie pour décrire les activités de chacun des chauffeurs de la compagnie dans les listes d’employés soumises au Conseil fournissent une autre preuve de la régularité de la continuité des voyages interprovinciaux et internationaux (voir l’annexe 2 de la réponse de Mackie). Mackie a utilisé les désignations «interprovincial» ou «international», plutôt que la désignation «Ontario», pour indiquer la zone de travail de la majorité de ces chauffeurs.

(traduction)

[60] Il ressort de ces observations que les activités de Mackie, généralement parlant, constituent une entreprise unique, intégrée et coordonnée, ce que confirment la preuve reproduite au paragraphe précédent et l’ensemble des éléments de preuve soumis au Conseil. En ce qui concerne les divisions des contrats Pitney Bowes et Lear Seating, le Conseil a déjà statué, en s’appuyant sur la preuve dont il disposait, que ces divisions constituent des éléments distincts. Il ne semble toutefois pas possible d’établir de distinction semblable dans le cas de la division de l’entreposage et du groupe «B» de la division (intraprovinciale) des AM, qui sont davantage intégrés à l’entreprise générale de Mackie. Le Conseil en arrive donc à la conclusion que la division de l’entreposage constitue un service essentiel pour les divisions de Mackie qui utilisent les installations d’entreposage, à savoir la division (intraprovinciale) des AM, la division (extraprovinciale) des AM, la division du fret ainsi que la division des PGV, dont elle fait partie intégrante, et que ces divisions sont toute comprises dans l’entreprise intégrée de Mackie. La preuve établit de manière incontestable que l’entrepôt n’est pas utilisé à des fins de remisage et de transfert des articles destinés au transport extraprovincial de manière occasionnelle ou exceptionnelle, mais plutôt de manière courante et qu’il fait partie intégrante de l’entreprise active de Mackie. Étant donné que la division de l’entreposage participe, avec les autres divisions, aux activités de transport extraprovincial de l’entreprise active de Mackie, le Conseil conclut, en s’appuyant sur les critères qualitatifs énoncés dans la décision Acadian Lines Limited, précitée, que la division de l’entreposage relève de la compétence fédérale aux fins des relations du travail.

II - Les divisions actives de Mackie sont-elles distinctes et dissociables?

[61] S’il est manifeste, à l’examen des activités de Mackie que les deux divisions sur lesquelles le Conseil s’est penché, à avoir la division de l’entreposage et le groupe «B» de la division des AM sont intégrées, un certain nombre d’autres facteurs et éléments entrent en ligne de compte pour trancher la question de savoir si elles devraient être considérées comme dissociables. Exception faite de la division du contrat Lear Seating et de la division du contrat Pitney Bowes, dont la situation a été examinée précédemment, la totalité des divisions actives de Mackie relèvent de la compétence fédérale, ainsi qu’en a conclu le Conseil. L’examen de la preuve relative au lieu de travail, à l’organisation, à la gestion et aux opérations de l’entreprise révèle qu’il existe des motifs additionnels de conclure que les divisions concernées font partie intégrante d’une entreprise unique coordonnée.

[62] Le Conseil a déjà passé en revue la preuve particulière qui a été produite à cet égard lorsqu’il s’est penché sur la situation de la division de l’entrepôt et de la division (intraprovinciale) des AM. L’argumentation de l’employeur repose sur la prémisse que chacune des divisions de Mackie est un centre de profit qui peut être exploité de manière indépendante, qui peut être dissocié des autres divisions et qui peut aussi survivre sans leur aide (voir le paragraphe 14 qui précède). Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, le Conseil a déjà accepté de reconnaître le caractère dissociable de deux divisions, à savoir la division du transport intraprovincial du fret (contrat Lear Seating) et la division du contrat Pitney Bowes. Le Conseil a en effet conclu qu’elles étaient capables de fonctionner de manière autonome, et qu’elles le font dans une certaine mesure dans les faits, d’après les renseignements fournis précédemment, et qu’elles peuvent, à toutes fins utiles, être considérées comme des opérations indépendantes des autres opérations de Mackie, bien qu’elles ne le soient pas complètement. Il faut toutefois se rappeler que, même si ces divisions sont considérées comme indépendantes parce que leurs activités sont distinctes et qu’elles sont administrées séparément, elles sont elles aussi intégrées, dans une certaine mesure, à l’entreprise générale de Mackie.

[63] Sur le plan strictement opérationnel, la preuve générale concernant le lieu de travail, la gestion, l’organisation et les opérations révèle qu’il y a interdépendance et interrelation entre les divisions de l’entreposage et les quatre autres divisions de Mackie. Les activités du groupe «B» de la division des AM sont axées sur le transport extraprovincial et international et sont interreliées avec celles de l’entrepôt et des autres divisions de Mackie.

[64] En plus de ces considérations d’ordre opérationnel, d’autres facteurs et éléments, qui sont ressortis durant l’instance, semblent indiquer, de manière générale, que les divisions de l’entreposage et le groupe «B» de la division des AM ne sont pas des opérations autonomes. Pour tirer une conclusion à cet égard, il convient de se pencher sur les aspects organisationnels, administratifs, et financiers de ces divisions, ainsi que sur leur cadre de gestion et de supervision et d’autres facteurs connexes.

Supervision et gestion communes

[65] L’organigramme de Mackie qui a été fourni au Conseil indique que les deux divisions des AM réunies (intraprovinciale et extraprovinciale) se partagent le même répartiteur, M. Corey Salter. Les répartiteurs des divisions des PGV et des AM ainsi que de la division du transport des automobiles relèvent tous deux du superviseur des opérations, M. Keith Dalton, qui est en charge du volet déménagement de l’entreprise. À la division du transport du fret, les répartiteurs relèvent tous du même superviseur des opérations, M. Marcel Bélanger. Ces deux superviseurs rendent compte pour leur part au directeur des opérations, M. Phil Meagher, lequel, avec le directeur de l’entrepôt, relève du vice-président des opérations. Jusqu’au printemps 1999, la division de l’entreposage relevait directement du directeur des opérations, M. Phil Meagher. Il n’a pas été possible d’établir avec certitude si la modification de la relation de subordination à la division de l’entrepôt s’est produite avant ou après le dépôt de la demande d’accréditation.

[66] Il y a un comité de gestion, dont les membres sont issus des divers secteurs de l’organisation. Il est composé notamment des directeurs des opérations, des ressources humaines, de la comptabilité et de l’entrepôt, du directeur commercial, des vice-présidents des opérations, des relations publiques, des finances et des ventes et du marketing, ainsi que du président. Trois des vice-présidents sont des membres de la famille Mackie.

[67] Le niveau le plus élevé de supervision et(ou) de gestion dans chacune des divisions actives est celui de répartiteur, ce qui ne concorde pas avec l’existence d’une opération autonome. Les répartiteurs ne siègent pas au comité de gestion et leurs supérieurs immédiats ne sont pas des gestionnaires, mais des superviseurs, qui ne siègent pas non plus au comité de gestion, exception faite du directeur de l’entrepôt.

[68] En ce qui concerne les centres de profit, les résultats de certaines des divisions prétendument autonomes sont regroupées dans un état des résultats commun, et plusieurs centres de profit relèvent d’un même gestionnaire.

Mobilité des employés

[69] Les répartiteurs sont interchangeables, dans une certaine mesure, et il leur arrive de se remplacer l’un l’autre. Les chauffeurs peuvent changer de division sans perdre leur ancienneté générale aux fins des avantages sociaux et des vacances; l’ancienneté acquise dans une autre division n’entre toutefois pas en ligne de compte pour l’attribution des parcours dans le cadre du système de postulation. L’employeur peut leur attribuer du travail à l’extérieur de leur division «d’attache» pour satisfaire aux besoins du service et de la clientèle. Les préposés à l’entrepôt prêtent main-forte aux employés de la division du fret pour charger les remorques. Dans l’organigramme de l’entreprise, les chauffeurs sont groupés ensemble, peu importe leur division d’attache. Les chauffeurs peuvent tous consulter le tableau d’affichage pour décrocher du travail.

Utilisation commune de l’équipement

[70] Il arrive que les chauffeurs transportent des articles d’une division à l’aller (p. ex. la division des PGV) et d’une autre division au retour (p. ex. la division du fret). Les divisions des PGV et des AM utilisent les mêmes véhicules de temps à autre.

Contrôle financier et organisationnel commun

[71] Les véhicules utilitaires sont immatriculés au nom de l’entreprise de Mackie, plutôt qu’au nom de chacune des divisions. Mackie prend en charge la totalité des primes d’assurance des véhicules; les dépenses sont toutes payées à même l’unique compte bancaire que possède l’entreprise. Aucune des divisions de Mackie n’est inscrite comme employeur à Revenu Canada ou à la Commission de la sécurité et de l’assurance contre les accidents du travail, et les régimes de soins de santé et de soins dentaires sont administrés pour l’ensemble de l’entreprise. Les contrats conclus entre Mackie et ses clients sont signés non pas par les centres de profit, mais par le président, et les divisions actives ne sont pas habilitées à conclure de tels contrats. Les bénéfices d’une division servent à éponger les déficits ou les pertes des autres divisions; si les pertes excèdent les bénéfices, c’est la famille Mackie qui comble la différence.

Services de soutien administratif commun

[72] Les employés affectés à des tâches administratives sont généralement des employés de Mackie. Il n’y a qu’un système comptable et qu’un service des ressources humaines pour l’ensemble de l’entreprise. Les états financiers ainsi que les registres financiers sont conservés par les services centraux.

Emplacement commun

[73] Règle générale, les employés de Mackie pointent tous au même endroit à Oshawa, à l’exception du personnel des deux divisions que le Conseil a déjà jugées dissociables aux fins de trancher la questions de sa compétence constitutionnelle, et de la division du ransport des automobiles des provinces Maritimes. Il faut aussi ajouter les chauffeurs du groupe «A» de la division (extraprovinciale) des PGV, qui reçoivent la plupart du temps leurs instructions de North American Van Lines, dont les bureaux sont situés à Fort Wayne, Indiana.

[74] Dans la jurisprudence établie, la supervision et le contrôle communs sont considérés comme les facteurs dont il faut tenir compte pour trancher la question de la compétence constitutionnelle. Il existe de nombreuses similitudes entre la structure organisationnelle de Mackie et celle de l’entreprise en cause dans l’affaire Arnone Transport Limited précitée (1998), 106 di 59; et 39 CLRBR (2d) 193 (CCRT no 1220), bien que Mackie compte davantage de divisions actives. Dans cette affaire, le Conseil en est arrivé à la conclusion suivante:

L’entreprise de l’employeur comprend trois divisions: le service de transport qui assure le transport de marchandises localement et, sur une base régulière, entre les provinces; un garage dont les employés entretiennent le matériel de Arnone Transport; et un terminal d’entreposage qui s’occupe principalement d’entreposage et de transferts ferroviaires et routiers.

La preuve révèle que toutes les divisions travaillent main dans la main afin de mener à bien les activités de l’entreprise de transport. La direction et la coordination sont centralisées au niveau de la gestion. Le contrôleur, le directeur de l’entretien, le directeur du marketing, le directeur du transport et le directeur du terminal se rencontrent régulièrement pour discuter des opérations globales de Arnone Transport et veiller à ce que toutes les opérations tendent vers un but commun. À ces réunions, on discute en particulier des dépenses en immobilisation et d’autres questions financières, ainsi que l’embauchage, la formation, les salaires, les avantages sociaux, les horaires et les questions disciplinaires, et ce, pour toutes les divisions. De plus, c’est à partir d’un bureau central qu’on administre Arnone Transport Limited ainsi que son service à la clientèle.

Compte tenu de ce qui précède et en particulier de la centralisation des pouvoirs décisionnels de la compagnie, de l’administration et de la prestation du service à la clientèle, le Conseil juge que Arnone Transport fonctionne comme une entreprise de camionnage intégrée unique. Étant donné que la compagnie assure un service de transport interprovincial régulier, le Conseil conclut qu’elle constitue une entreprise fédérale au sens de l’alinéa 2b) du Code. Par conséquent, la division du terminal d’entreposage ainsi que ses relations de travail, puisqu’elles sont indissociables du reste des opérations de l’employeur, relèvent de la compétence fédérale.

(pages 62; et 195-196)

[75] Pour en revenir à Mackie, le Conseil est d’avis que sa structure organisationnelle est composée d’éléments intégrés et interreliés qui font que, sur le plan des relations du travail, l’employeur (sous réserve des exceptions déjà mentionnées) devrait être considéré comme une entreprise unique indissociable qui assure un service de transport intraprovincial et extraprovincial de marchandises, et dont les relations du travail sont régies par le Code canadien du travail. Cette conclusion corrobore la décision du Conseil selon laquelle toutes les divisions qui n’ont pas déjà été exclues relèvent de sa compétence constitutionnelle. Elle entre aussi en ligne de compte en l’espèce aux fins de définir l’unité de négociation habile à négocier collectivement dans les circonstances, ainsi qu’on le verra plus loin. Par ailleurs, l’unicité organisationnelle de l’entreprise se trouve à étayer la qualification constitutionnelle de ses opérations en l’espèce, outre qu’elle correspond à la réalité de l’entreprise de Mackie. En d’autres termes, il y a centralisation du contrôle, de la gestion et de l’administration de l’entreprise, sans égard à la division à laquelle le travail est attribué aux fins du calcul des résultats. La fragmentation de l’entreprise aux fins du calcul des résultats ne devrait pas faire oublier cette réalité pour ce qui est de trancher la question de la compétence du Conseil. Ainsi que la Cour suprême du Canada l’a fait observer dans l’arrêt Alberta Government Telephones c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), [1989] 2 R.C.S. 225:

À la base de plusieurs arguments se trouve l’hypothèse injustifiée selon laquelle en choisissant une forme particulière de constitution en personne morale les divers intervenants sont en mesure de prévoir la réponse à la question constitutionnelle. La Cour a clairement affirmé dans ce domaine du droit constitutionnel que ce sont les faits de l’espèce qui sont déterminants et non la structure commerciale que revêtent les identités visées...

(page 263; c’est nous qui soulignons)

III - Les chauffeurs des agences de placement

[76] Comme il est indiqué dans le rapport de l’agent de l’enquête, Mackie fait appel à des chauffeurs de neuf agences de placement différentes. Il est donc nécessaire de déterminer, de façon générale, si ces chauffeurs sont des employés des agences de placement ou des employés de Mackie, et d’établir lesquels des chauffeurs d’agence doivent être inclus dans l’unité de négociation. Les agences en question sont les suivantes:

Nombre de chauffeurs
Agence plein T T partiel
Adams Services 65 1
The Administrative Edge Inc. 3 1
Advantage Personnel - Oshawa 1 2
Advantage Personnel - Saint John 4 1
Direct Driver Personnel - -
Excel Highway Support Inc. - 2
Interim Personnel 13 5
Professional Personnel Ltd. 6 6
Selective Staffing Services - 6
TOTAL 92 23
TOTAL GÉNÉRAL   115

[77] L’agent d’enquête du CCRI n’a pas priscertains chauffeurs en compte parce qu’ils avaient déjà quitté leur emploi ou qu’ils n’avaient pas travaillé de façon assez régulière pendant les quelques mois qui ont précédé la présentation de la demande d’accréditation ou encore, parce que l’agence concernée avait cessé de recommander des employés à Mackie. En conséquence, l’agent d’enquête a déterminé qu’en date de la présentation de la demande Mackie utilisait les services de 99 chauffeurs d’agence (voir le rapport de l’agent d’enquête). Ainsi qu’il a été indiqué précédemment, les chauffeurs d’Adams Services affectés au contrat de Lear Seating n’ont pas été inclus dans ce groupe parce qu’il a été établi que la division en cause relevait de la compétence de la province.

[78] Des témoignages qu’il a entendus au sujet de ce groupe de chauffeurs, le Conseil retient les éléments suivants, qu’il juge les plus utiles pour trancher la question dont il est saisi.

[79] L’expérience de M. Paul Nelson est assez représentative de celle des chauffeurs d’agence. M. Nelson a été recommandé à Mackie par The Administrative Edge Inc. (Administrative). Il conduit des remorques pour Mackie depuis janvier 1999. Avant cela, il a travaillé pendant 20 ans pour Canada Bread, mais il a perdu son emploi lorsque l’entreprise a fermé ses portes et a imparti son service de transport. Il avait déjà travaillé pour Frank Stewart d’Administrative, qui lui avait dit de l’appeler s’il avait besoin de travail un jour.

[80] M. Nelson dit qu’il a appelé M. Stewart et qu’Administrative lui a fait subir des tests de connaissances générales et de connaissance du transport, de la sécurité et des matières dangereuses, ainsi qu’un test de dépistage des drogues. Administrative a aussi examiné son dossier de conducteur, son certificat d’immatriculation d’utilisateur de véhicule utilitaire, ainsi que son casier judiciaire. L’agence a pris des dispositions avec M. Cal Murray, un employé de Mackie, pour lui faire subir un examen de conduite, après quoi, il a été embauché par Mackie. (Nota: dans l’organigramme de Mackie, il est indiqué que M. Murray est le coordonnateur de la sécurité organisationnelle et qu’il relève de M. Marcel Bélanger, le superviseur des opérations de la division du fret.) Mackie a également fait le nécessaire pour que M. Nelson suive des cours de formation sur le transport des matières dangereuses et le SIMDUT au Collège Durham. M. Nelson a aussi participé à une séance de formation au cours de laquelle une employée de Mackie a fourni des précisions sur les documents exigés par Mackie, par le fournisseur principal de services de logistique, Ryder, et par GM; y participaient aussi d’autres chauffeurs, des courtiers et des chauffeurs de la compagnie. (Il convient de préciser ici que plusieurs des chauffeurs de Mackie affectés à la division du «fret» sont chargés du transport de pièces d’automobiles qu’ils vont cueillir à divers endroits et qu’ils livrent ensuite aux usines d’assemblage de General Motors situées à Oshawa et à Sainte-Thérèse. General Motors confie à des fournisseurs principaux de services de logistique - c’est ainsi qu’on les appelle -, la tâche de communiquer ses exigences aux entreprises qui transportent des pièces d’automobile. Mackie et les autres compagnies de transport négocient les contrats de GM avec les fournisseurs principaux de services de logistique, qui font également le nécessaire pour qu’elles satisfassent aux exigences de GM. Il leur arrive de donner des séances de formation pour expliquer les exigences de GM.)

[81] M. Nelson conduit un véhicule appartenant à Mackie et il s’approvisionne en carburant aux pompes de Mackie après avoir montré ses cartes d’employé et d’identification personnelle, lesquelles lui ont été fournies par Mackie. Quand le véhicule a besoin de réparation ou de nouvelles pièces, il communique avec le service de répartition de Mackie, qui lui dit où s’adresser pour faire effectuer les réparations.

[82] M. Nelson est un chauffeur urbain et il fait surtout la livraison de pièces d’automobiles aux usines de GM. La première fois qu’il a communiqué avec M. Stewart, il lui a dit qu’il préférait conduire en ville. Il n’a généralement pas besoin de postuler de parcours parce que Mackie le tient déjà occupé de 40 à 50 heures par semaine. Le service de répartition de Mackie l’informe de l’heure à laquelle il doit se présenter au travail et il est rémunéré par Mackie pour toutes les heures écoulées entre le moment où il commence sa journée et celui où il quitte le travail, qu’il soit sur la route ou non, sauf pendant la demi-heure allouée pour le dîner. Il travaille au siège social de Mackie situé sur la rue Bloor à Oshawa, comme tous les autres chauffeurs qui sont rémunérés à l’heure, qu’il s’agisse des chauffeurs d’agence ou des chauffeurs employés directement par la compagnie. Il n’a plus de contacts à proprement dit avec The Administrative Edge Inc. depuis qu’il travaille pour Mackie.

[83] M. Nelson a affirmé que les règles auxquelles il est assujetti au travail sont établies soit par Mackie soit par GM, non par The Administrative Edge Inc. Les chauffeurs, y compris ceux provenant des agences, qui enfreignent les règles encourent une suspension de Marcel Bélanger, le superviseur des opérations de Mackie. Lorsqu’il a été obligé de s’absenter du travail parce qu’il souffrait d’une infection pulmonaire, c’est le service de la répartition de Mackie qu’il a avisé, non l’agence. Même si The Administrative Edge Inc. fournit des chauffeurs à d’autres compagnies, il ne voit jamais ces compagnies, ni n’a par ailleurs de contacts avec elles. Il fournit des services à Mackie seulement.

[84] À la question de savoir comment son taux de salaire est établi, il a répondu que Frank Stewart de Administrative l’avait informé que Mackie détermine le salaire maximal que les agences peuvent verser aux chauffeurs. Il est au courant de la procédure à suivre pour postuler un parcours, qui est décrite dans les règles et règlements et qui s’applique aussi aux chauffeurs d’agence et aux chauffeurs de la compagnie. On lui a montré une note de service datée du 19 février 1999, que Marcel Bélanger a adressée à tous les chauffeurs de Mackie, c’est-à-dire les chauffeurs de la compagnie, les chauffeurs d’agence et les chauffeurs-courtiers, et il a confirmé que les procédures qui y sont décrites émanent directement de Mackie.

[85] On lui a montré une liste d’ancienneté des chauffeurs d’agence et il a déclaré qu’il n’avait jamais vu ce document auparavant. Il a confirmé que Mackie oblige tous ses chauffeurs, y compris les chauffeurs d’agence, à assister aux cours de formation offerts à sa demande par le Collège Durham. Les chauffeurs d’agence reçoivent dans leur boîte aux lettres les mêmes communiqués que les chauffeurs de la compagnie, et ils ont le droit de participer aux activités sociales de Mackie, comme la cérémonie de remise des prix en matière de sécurité. Il a affirmé que ses conditions de travail sont établies par Mackie.

[86] En contre-interrogatoire, M. Nelson a confirmé qu’il savait que GM oblige tous les chauffeurs qui circulent dans ses installations à suivre des cours de formation et que les chauffeurs d’agence et les chauffeurs de la compagnie sont assujettis aux mêmes règles. Il a admis qu’un chauffeur qui a un accident dans les installations de GM est généralement banni des lieux.

[87] En réinterrogatoire, M. Nelson a affirmé que les chauffeurs d’agence, toutes catégories confondues, sont tous traités de la même manière par Mackie. Ils reçoivent tous la même formation, et ont tous accès aux pompes à essence de Mackie de la même manière; ils reçoivent tous leurs instructions de Mackie; ils conduisent des remorques semblables appartenant à Mackie et touchent le même taux de salaire. Il aurait pu être recommandé par n’importe quelle autre agence parce que le taux de salaire est le même partout.

[88] Mme Catherine Black aussi fourni certaines précisions sur la situation des chauffeurs d’agence. Elle a conduit des camions pour Mackie du 9 février au 3 septembre 1999. Auparavant, elle avait travaillé comme chauffeur pour Advantage Personnel, qui lui avait trouvé un emploi chez Verspeeten. Quand Advantage Personnel n’a pu lui trouver du travail chez Mackie, elle a offert ses services à Professional Personnel. Bob Smith de chez Mackie lui a fait subir des tests et elle a été embauchée le lendemain; elle faisait des longs parcours et des parcours en ville. Todd Bradbury de Professional Personnel l’avait informée que le taux de salaire horaire était établi par Mackie. Durant sa période d’emploi pour Professional, elle a conduit des camions de Mackie, qui lui a attribué un numéro d’employé et un numéro d’identification personnelle. Quand il y avait des réparations à faire effectuer, elle s’adressait directement au service de répartition de Mackie, qui déterminait également ses heures de travail. À partir du moment où elle a été affectée chez Mackie, elle a cessé d’avoir des contacts avec l’agence. La totalité de la formation lui a été dispensée par divers employés de Mackie. Elle se présentait au travail chez Mackie chaque jour. Elle avait une boîte aux lettres au même endroit où les chauffeurs d’agence et les chauffeurs de la compagnie avaient la leur. Elle se souvient d’avoir reçu le numéro du 9 mars 1999 de la publication «Mackie on the Move» et d’avoir pris connaissance d’un article dans lequel il était écrit que les chauffeurs d’agence avaient créé un comité dans le but de former un groupe de négociation. Quand un chauffeur d’agence doit s’absenter, la règle veut qu’il communique avec la compagnie pour laquelle il travaille, non avec l’agence. C’est Mackie qui établissait ses conditions de travail.

[89] En contre-interrogatoire, elle a affirmé qu’elle avait quitté Professional Personnel le 7 avril 1999, après avoir pris connaissance d’un communiqué dans lequel il était question d’une pénurie de travail et de licenciements possibles chez Mackie. Elle a fait équipe pendant une semaine avec un courtier, M. Brian Snell, qui avait accepté un nouveau parcours jusqu’en Indiana pour le compte de Mackie, mais, le moment venu, M. Snell n’a pas postulé le parcours; M. Murray Hammond, un autre courtier travaillant pour Mackie, lui avait alors fait une offre d’emploi. Marcel Bélanger l’a informée qu’elle allait perdre son ancienneté à l’agence si elle acceptait de travailler pour un courtier. Son salaire lui était versé par M. Hammond, avec qui elle traitait généralement. Elle a travaillé pour M. Hammond jusqu’à ce que Marcel Bélanger de Mackie lui dise de la licencier, le 3 septembre 1999. Elle était tombée malade durant un voyage et elle avait appelé M. Hammond pour savoir s’il pouvait la remplacer. Il avait initialement répondu que cela ne lui posait pas de problème, mais il avait rappelé une vingtaine de minutes plus tard pour lui faire savoir que Marcel Bélanger lui avait dit de ne plus jamais la laisser conduire le camion. Après son licenciement le 3 septembre, elle a été obligée d’attendre deux semaines pour avoir une rencontre avec M. Bélanger, qui lui a dit qu’elle pouvait conduire des camions à temps partiel pour M. Hammond et pour Mackie, mais personne n’a jamais communiqué avec elle. Murray Hammond l’a informée que c’est à Marcel Bélanger que revenait la décision finale de l’employer, mais personne ne l’a appelée.

[90] En contre-interrogatoire, on lui a posé des questions au sujet des contrats de transport de marchandises de GM exécutés pour le compte de Mackie; on lui a demandé de préciser si GM l’informait de l’heure à laquelle elle devait prendre un chargement. Elle a répondu que ses instructions lui venaient du service de répartition de Mackie. À la question de savoir si les délais de livraison étaient établis par GM, elle a répondu que les délais étaient convenus entre GM et le service de répartition de Mackie mais qu’elle recevait ses instructions de Mackie. Elle a confirmé que, dans les cas où elle obtenait un emploi par l’entremise d’une agence, son salaire était payé par cette agence. Même si certains aspects du témoignage de Mme Black ont été vivement contestés et que sa fiabilité comme employée a été mise en doute, le Conseil conclut que, pour ce qui est des détails généraux de sa période d’emploi, son témoignage concorde de façon générale avec celui des autres témoins qu’il a entendus, tels MM. Nelson et Meagher. Les aspects du témoignage de Mme Black se rapportant aux circonstances dans lesquelles elle a fait l’acquisition d’un uniforme de Mackie et à la politique de Mackie sur le port des uniformes ont été contestés par l’employeur et jugés non crédibles par le Conseil. En outre, selon les preuves produites par l’employeur, Mme Black n’était pas une employée exemplaire.

[91] Par exemple, dans le cadre de l’interrogatoire principal, on a demandé à Mme Black de fournir des précisions au sujet d’un incident qui s’est produit pendant la période où elle travaillait pour Murray Hammond et conduisait un camion pour Mackie. Phil Crozier de Mackie lui avait demandé de se présenter au bureau de Mackie pour s’entretenir avec un avocat au sujet de l’incident «Randy Clements». Le service de répartition de Mackie ayant refusé de lui trouver un remplaçant pour effectuer une livraison prévue pour la même heure, elle avait demandé à un autre chauffeur, Mark, de livrer les marchandises à sa place chez GM. Il a toutefois oublié d’abaisser le train roulant et de caler les roues, ce qui a valu à Mme Black une lettre disciplinaire de Cal Murray de chez Mackie.

[92] Mme Black a cependant confirmé que, pendant sa période d’emploi pour M. Hammond, c’est Mackie qui déterminait ses conditions de travail, ses itinéraires et ses heures de travail et qui lui attribuait le travail. Les documents qu’elle remplissait étaient aussi destinés à Mackie.

[93] Mme Black a admis avoir eu une conversation avec Sharon Dunn, la directrice des ressources humaines de Mackie en vue d’obtenir une rencontre avec la direction de Mackie (MM. Sullivan et Meagher) après que Murray Hammond l’eut informée qu’il ne pouvait plus l’employer. Sharon Dunn lui avait dit que c’est au superviseur des opérations de fret de Mackie, M. Marcel Bélanger, qu’appartenait la décision de continuer à faire appel à ses services. Mme Black a affirmé qu’elle avait ultérieurement reçu des offres d’emploi de quatre courtiers et que chacun d’eux avait été avisé par Marcel Bélanger de ne pas l’embaucher. Les courtiers en question étaient Gerald King, Rick Weiss, Gene ou Jean, quelque chose, elle ne se rappelait pas son nom de famille, et Brian Snell.

[94] La témoin a affirmé qu’elle avait acheté un uniforme de Mackie au dépôt de la division du déménagement deux semaines environ après avoir été embauchée par Mackie. Elle a soutenu que Mackie obligeait ses chauffeurs à porter des uniformes. On lui avait remis un bon de commande et Mackie lui avait remboursé la moitié du prix de l’uniforme. Ainsi qu’il a été mentionné, le Conseil a conclu que cette partie du témoignage de Mme Black n’était pas crédible.

[95] M. Dan Parker a aussi donné des précisions au sujet des conditions de travail des chauffeurs d’agence employés par Mackie, même s’il occupe un poste de chauffeur salarié depuis septembre 1990. Il effectue actuellement de longs parcours, mais il a également travaillé comme chauffeur urbain. Il a précisé que les chauffeurs d’agence participaient eux aussi aux séances de formation données par Mackie. Les chauffeurs remplissent tous des feuilles de route de Mackie et ils reçoivent tous leurs instructions du service de répartition de Mackie. En avril 1999, tous les chauffeurs, courtiers et chauffeurs d’agence inclus, ont reçu des formulaires pour postuler les parcours offerts dans le cadre d’un processus centralisé.

[96] M. Parker a témoigné au sujet d’un certain M. Gary Taylor, embauché en même temps que lui. M. Taylor lui a dit que son salaire était initialement payé par Mackie, qui l’avait avisé par la suite de s’inscrire à une agence. Le nom de M. Taylor est le premier qui figure sur la liste d’ancienneté des chauffeurs d’agence de Mackie. M. Parker a affirmé que tous les chauffeurs peuvent postuler des parcours, quelle que soit leur ancienneté, et que les règles et règlements établis par Mackie à cet égard s’appliquent à tous les chauffeurs sans distinction, y compris les chauffeurs d’agence. Les chauffeurs de toutes catégories ont des boîtes aux lettres au siège social de Mackie et les chauffeurs de la compagnie reçoivent généralement le même courrier de Mackie que les chauffeurs d’agence.

[97] M. Parker porte de temps à autre un uniforme de Mackie. L’employeur lui a attribué un numéro de bon de commande pour acheter l’uniforme, dont la moitié du prix est prélevée sur son salaire. Les chauffeurs affectés à la division des AM sont obligés de porter un uniforme, mais M. Parker ne savait pas s’il y avait des chauffeurs d’agence dans cette division. Un grand nombre de chauffeurs d’agence portent des uniformes de Mackie. La preuve a indiqué que Mackie encourage le port de l’uniforme de façon générale, mais qu’il n’en fait pas une condition de travail.

[98] Pendant un certain temps, Mackie a offert un régime d’intéressement aux bénéfices qui s’appliquait à tous les chauffeurs, y compris les chauffeurs d’agence. On a demandé à M. Parker de fournir des précisions au sujet d’une proposition, datée de juin 1998, visant à instaurer un programme de prime de rendement qui devait s’appliquer à tous les employés, chauffeurs d’agence et courtiers inclus, et il a répondu qu’il y avait eu une réunion (il ne pouvait en préciser la date) pour discuter de la proposition, qui était cependant demeurée lettre morte.

[99] M. Parker a affirmé que Mackie fixe les règles à suivre pour postuler les parcours en plus de déterminer les trajets à attribuer et les heures de départ, et que les chauffeurs d’agence et les chauffeurs de la compagnie sont traités de la même manière; ils reçoivent leurs instructions chaque jour de Mackie, le travail leur est attribué de la même manière par Mackie et ils conduisent des camions appartenant à Mackie. Il a témoigné au sujet d’une série d’avis, de directives et d’instructions que Mackie distribue de temps à autre dans les boîtes aux lettres des chauffeurs de la compagnie, des chauffeurs d’agence et des chauffeurs-courtiers pour leur fournir des renseignements sur divers sujets comme les rapports d’inspection des véhicules utilitaires, les débouchés temporaires durant la fermeture d’une usine de GM, l’obligation de faire l’acquisition d’un réveil manuel, les rapports d’accident, les séances de formation obligatoires, les rapports sur les délais d’attente, etc.

[100] M. Parker a indiqué que les parcours de nuit étaient surtout attribués aux chauffeurs d’agence, probablement à cause de leur ancienneté. Les chauffeurs ont tous accès à la salle à manger de Mackie et ils sont généralement tous invités à prendre part aux activités sociales de la compagnie, comme les soupers et les pique-niques. Des numéros d’employé et d’identification personnelle sont attribués aux chauffeurs d’agence comme aux chauffeurs de la compagnie pour leur permettre d’utiliser les pompes à essence de Mackie.

[101] En contre-interrogatoire, M. Parker a confirmé que certains parcours sont réservés aux propriétaires-exploitants et d’autres, aux chauffeurs de la compagnie et aux chauffeurs d’agence. Les chauffeurs de la compagnie ont le droit de postuler les parcours en premier, mais, a-t-il indiqué, c’est parce qu’ils ont plus d’ancienneté que les chauffeurs d’agence.

[102] M. Parker a également confirmé en contre-interrogatoire que la formation lui avait été donnée par Mackie et qu’il se rappelait y avoir côtoyé des courtiers. Il a indiqué qu’il n’y avait aucun moyen de faire la distinction entre les chauffeurs de la compagnie, les chauffeurs d’agence et les courtiers, à moins d’interroger directement les intéressés.

[103] M. Murray Hammond, un propriétaire de véhicule qui ne conduit pas de camion pour Mackie, a aussi témoigné. Il a indiqué qu’il avait embauché Catherine Black comme chauffeur après qu’elle eut quitté son emploi de chauffeur d’agence le 7 avril 1999. Contrairement à ce qu’elle a affirmé dans le cadre de son interrogatoire principal, elle a été incapable d’effectuer 16 des parcours qui lui avaient été attribués, pour diverses raisons personnelles. M. Hammond a corroboré le témoignage de Mme Black selon lequel, après le licenciement de celle-ci, il avait eu une rencontre (avec Mme Black et M. Bélanger de Mackie) qui n’avait donné aucun résultat; c’est lui qui avait suggéré à M. Bélanger, après que Mme Black eut quitté la pièce, qu’elle pourrait travailler à mi-temps pour Mackie et à mi-temps pour lui-même. M. Bélanger avait rejeté cette proposition parce que les répartiteurs de Mackie n’étaient pas satisfaits du travail de Mme Black. M. Hammond a toutefois soutenu que M. Bélanger ne lui avait jamais dit que Mme Black ne pouvait pas conduire de camions pour Mackie.

[104] M. Hammond a aussi fourni des précisions au sujet du niveau de supervision auquel Mme Black était assujettie de sa part. Il a admis qu’il n’avait aucun moyen de savoir si Mme Black avait épuisé ses heures, c’est-à-dire, si elle avait dépassé le nombre d’heures de conduite autorisées dans une période donnée (80 heures étalées sur huit jours), car il ne recevait pas de copie de son carnet de bord. C’est le service de répartition de Mackie qui supervisait les chauffeurs à cet égard et les parcours étaient généralement attribués aux chauffeurs d’agence de la même manière qu’ils étaient attribués aux chauffeurs de la compagnie.

[105] Une partie du témoignage de M. Phil Meagher a porté sur les chauffeurs d’agence de placement. Il a affirmé que les chauffeurs d’agence sont généralement affectés à la division du fret et que le rôle des agences est de fournir des services de main-d’oeuvre. Les agences vérifient les antécédents des chauffeurs qu’elles recommandent, comme les dossiers de conducteur, le casier judiciaire, etc. Au sujet de certains documents donnant des précisions sur la manière dont les agences facturent leurs services à Mackie, il a précisé que les agences annexent à leurs factures des documents indiquant le travail effectué pour Mackie, mais que ces renseignements sont tirés des fiches de présence et(ou) des feuilles de voyage remplies par les chauffeurs et transmises aux agences par Mackie.

[106] M. Meagher a déclaré que Mackie organise tous les parcours et qu’elle les offre ensuite aux chauffeurs dans le cadre du système de postulation. Par souci d’impartialité envers les chauffeurs, l’employeur utilise la date «d’entrée en fonctions» des chauffeurs afin que ceux qui ont le plus d’ancienneté figurent en tête de liste. Tous les chauffeurs (de la compagnie, d’agence ou les courtiers) peuvent inscrire leur nom sur une liste pour obtenir du travail supplémentaire. Le travail est attribué aux chauffeurs de la compagnie en premier, puis aux courtiers et ensuite aux chauffeurs d’agence, ainsi que le veut l’ordre de priorité. Dans le cas des chauffeurs d’agence, le travail est attribué directement par Mackie, sans passer par les agences.

[107] Au sujet des notes de service et des directives que Mackie adresse à ses chauffeurs, y compris les chauffeurs d’agence, M. Meagher a affirmé que celles se rapportant aux livraisons effectuées pour General Motors font état des exigences de GM et que Mackie n’a d’autre choix que de les diffuser. Il ressort de cette affirmation que ces directives particulières émanent autant de General Motors que de Mackie. Concernant les uniformes, M. Meagher a déclaré que les chauffeurs qui effectuent les parcours de North American Van Lines sont obligés de porter des uniformes de Mackie et de NAVL. Mackie leur remet des bons de commande à cette fin et la moitié du prix des uniformes est retenue sur leur salaire. Les chauffeurs d’agence affectés à la division du fret et les courtiers ne sont pas obligés, pour leur part, de porter des uniformes de Mackie, bien que certains le fassent. Quand il y a eu une grève chez GM, un certain nombre de chauffeurs de la division du fret ont effectué des parcours pour NAVL et la division des PGV et ils ont alors été obligés de porter des uniformes.

[108] M. Meagher a également fourni des précisions au sujet de certains documents ayant trait aux chauffeurs d’agence qui ont été soumis au Conseil le 23 novembre 1999 en réponse à une ordonnance de production de documents du Conseil. M. Meagher a déclaré que les taux de facturation proposés sont généralement communiqués par écrit à Mackie par les agences et qu’ils sont négociables. En ce qui concerne un certain nombre de directives et d’instructions adressées aux chauffeurs, y compris aux chauffeurs d’agence, M. Meagher a admis qu’elles émanaient de Mackie, mais il a ajouté qu’elles visaient pour la plupart à fournir des précisions sur les exigences d’organismes externes, comme les organismes gouvernementaux et GM, et qu’il ne faut donc pas y voir la preuve d’un contrôle exercé par Mackie. Un certain nombre d’autres exigences, imposées par Mackie elle-même, visent simplement à obtenir les documents nécessaires à la préparation des factures des clients. On a demandé à M. Meagher de fournir des précisions au sujet d’une note de service adressée aux chauffeurs le 24 mars 1999, dans laquelle Mackie aborde notamment la question de la création d’un comité des chauffeurs d’agence. Mackie a eu l’idée de former ce comité pour permettre aux chauffeurs d’agence d’exprimer leurs doléances et de formuler des suggestions dans le but d’améliorer l’entreprise. Il a également confirmé que Mackie tient une liste d’ancienneté des chauffeurs d’agence, dont il est question dans la note de service, et qu’elle est utilisée pour attribuer les trajets aux chauffeurs d’agence ayant postulé des parcours de Mackie. La note de service fait aussi référence à un sondage sur la qualité de la vie au travail effectué chaque année par Mackie auprès de tous ses chauffeurs, y compris les chauffeurs d’agence. Ce sondage permet à Mackie d’avoir une idée des préoccupations des employés, de ce qu’ils pensent du fonctionnement de l’entreprise et des améliorations qui pourraient être apportées.

[109] M. Meagher a également fourni des précisions au sujet d’une série de lettres datées du 9 avril 1999 adressées aux agences de placement, dans lesquelles Mackie précise les noms des chauffeurs dont elle n’a plus besoin. M. Meagher a expliqué que ces lettres résultaient du fait que Mackie avait perdu des contrats dans le cadre du processus d’appel d’offres.

[110] M. Meagher a aussi témoigné au sujet de lettres disciplinaires datées du 11 août 1998 et du 27 janvier 1999 adressées par Mackie à des chauffeurs d’agence et, plus particulièrement, au sujet d’une lettre datée du 27 février 1998, dans laquelle Mackie informe les agences de placement d’augmenter le salaire des chauffeurs d’agence.

[111] M. Meagher a aussi parlé des séances de formation que Mackie offre à ses chauffeurs, y compris les chauffeurs d’agence, du fait que les chauffeurs d’agence utilisent des numéros d’identité et d’identification personnels pour faire le plein aux pompes de Mackie, et du fait qu’ils sont invités, avec les chauffeurs de la compagnie, à un banquet annuel organisé par l’association locale de la sécurité dans les transports, en vue de récompenser les chauffeurs ayant un bon dossier de sécurité.

[112] M. Meagher a également confirmé que les chauffeurs de Mackie, chauffeurs d’agence inclus, remplissent tous leur feuille de route de la même manière. Les chauffeurs d’agence, ainsi qu’il est indiqué précédemment, consignent leurs heures et leur kilométrage sur des feuilles de route qu’ils remettent à Mackie, qui les retourne ensuite aux agences afin de leur permettre de facturer les services des chauffeurs.

[113] M. Meagher a affirmé que Mackie n’exerce aucun contrôle sur les heures de travail des chauffeurs d’agence, les retenues salariales, les avantages sociaux, la paie, les cotisations à la Commission de la sécurité et de l’assurance contre les accidents du travail, le dépistage des drogues, la présélection des employés, la préparation des relevés d’impôt, etc., ni n’assume quelque responsabilité à cet égard.

[114] Au sujet de la lettre datée du 9 avril 1999 dans laquelle Mackie indique à chacune des agences de placement le nom des chauffeurs dont elle n’a plus besoin, M. Meagher a précisé, en contre-interrogatoire, que Mackie avait décidé de s’appuyer sur la date d’embauche pour réduire ses effectifs. Il a confirmé que les agences recrutent les chauffeurs et procèdent à la première vérification de leurs titres et compétences, mais, a-t-il admis, c’est Mackie qui leur fait passer les examens de conduite. Ceux qui réussissent l’examen sont inscrits en bas de la liste. La décision d’utiliser la date d’embauche pour l’attribution du travail a été prise à l’issue d’une rencontre avec le comité des courtiers et a été imposée unilatéralement par Mackie aux chauffeurs d’agence par souci d’équité envers les agences. Mackie détermine comment les heures de travail sont réparties entre les chauffeurs; les répartiteurs de Mackie procèdent généralement de la même manière pour attribuer les parcours aux chauffeurs d’agence et aux chauffeurs de la compagnie, qui, à l’instar des courtiers, sont tenus de remplir les mêmes documents, comme les feuilles de route, les formulaires de Ryder et les connaissements, à titre de représentants de Mackie.

[115] M. Meagher a confirmé que le processus disciplinaire est généralement le même pour les chauffeurs d’agence et les chauffeurs de la compagnie, à cette différence que Mackie informe d’abord l’agence, qui impose ensuite la mesure disciplinaire. L’employeur encourage les chauffeurs d’agence à porter des uniformes de Mackie, dont elle paie généralement la moitié. En ce qui concerne la liste d’ancienneté des chauffeurs d’agence, M. Meagher a confirmé qu’elle est utilisée pour l’attribution des parcours proposés dans le cadre du système de postulation et qu’elle indique la date d’embauche par Mackie (plutôt que la date d’embauche par l’agence). À la question de savoir pourquoi la liste contient les numéros de téléphone des employés plutôt que leurs adresses, M. Meagher a répondu que c’est pour permettre à Mackie d’appeler directement les chauffeurs d’agence sans importuner les agences.

[116] Dans la cadre de sa plaidoirie, l’avocat des Teamsters a soutenu que c’est Mackie qui est le «véritable» employeur des chauffeurs d’agence. Mackie attribue le travail, détermine les heures de travail et établit les itinéraires. Quelques éléments de preuve, à tout le moins, indiquent que Mackie établit les taux de salaire. Les chauffeurs d’agence postulent des parcours en fonction de leur ancienneté chez Mackie dans le cadre d’un processus mis en place par Mackie; ils conduisent des camions de Mackie et utilisent son carburant; ils ont des numéros d’employé et d’identification personnelle fournis par Mackie; bref, c’est Mackie qui détermine principalement leurs conditions de travail et leur salaire. Ils subissent des examens exigés par Mackie, suivent des cours de formation conçus par Mackie et ils sont aussi assujettis au code disciplinaire de Mackie. Une fois embauchés par Mackie, ils ont rarement de contacts avec l’agence, mais ils communiquent de façon quotidienne avec Mackie et ils sont intégrés à son effectif. Ils reçoivent aussi les mêmes communiqués et directives que les chauffeurs de la compagnie.

[117] L’avocat a invoqué l’arrêt Pointe-Claire (Ville) c. Québec (Tribunal du travail), [1997] 1 R.C.S. 1015, de la Cour suprême du Canada et a soutenu qu’en s’appuyant sur les faits soumis en l’espèce on en arrive à la conclusion que les employés «d’agence» sont surtout des employés de Mackie car ils sont affectés chez Mackie pour une période indéterminée. D’après les faits établis, les agences ne font rien d’autre que vérifier que les chauffeurs possèdent les titres et compétences requis; elles jouent simplement le rôle de service d’embauchage. Les employés concernés s’acquittent de leurs fonctions en tant que représentants de Mackie uniquement.

[118] Les avocats de Mackie et des agences ont soutenu que le Conseil devait envisager le rôle des agences sous un angle différent de celui qu’il avait adopté par le passé. Ils ont affirmé que la situation actuelle était différente parce que les agences de la région d’Oshawa assurent un service particulier. Ils doivent fournir des chauffeurs à toutes les compagnies qui effectuent du transport pour General Motors, et en cela, leur rôle est différent de celui d’une agence, comme celle dont il est question dans l’arrêt Pointe-Claire (Ville) c. Québec (Tribunal du travail), précité. Les agences existent pour répondre aux besoins sans cesse changeants de la clientèle, et l’attribution des parcours ainsi que la disponibilité du travail sont des éléments qui relèvent autant du contrôle des clients, plus particulièrement de General Motors, que de celui de Mackie.

[119] L’avocat de Mackie a insisté sur les réserves formulées au sujet du témoignage de Mme Black. Si ce témoignage est écarté, a-t-il affirmé, il n’existe aucune preuve que les chauffeurs d’agence sont obligés de porter des uniformes et que Mackie exerce quelque contrôle que ce soit sur leurs activités quotidiennes. Ainsi qu’il est indiqué dans l’exposé des faits présenté précédemment, le Conseil a fait abstraction d’une partie du témoignage de Mme Black, mais il lui est impossible de souscrire totalement à l’appréciation proposée par l’avocat de l’employeur, pour les motifs exposés ci-après. Les témoignages de MM. Nelson, Parker, Meagher et, dans une certaine mesure, celui de M. Hammond, ont permis d’établir de manière incontestable que Mackie dirige et contrôle le travail des chauffeurs d’agence. L’avocat de Mackie a soutenu que les itinéraires, les heures de travail, les voyages, les délais de livraison, pour ne nommer que ceux-là, sont établis par GM, non par Mackie. L’employeur Mackie oblige tous les chauffeurs, qu’ils soient courtiers, chauffeurs de la compagnie ou chauffeurs d’agence, à respecter les conditions imposées par GM. Il n’existe aucune preuve que Mackie a sévi contre un chauffeur d’agence. Les règles de sécurité et de conduite que Mackie doit observer lui sont imposées par le gouvernement. Mackie n’exerce aucun contrôle sur les salaires que les agences versent à leurs chauffeurs. La liste des chauffeurs d’agence (datée du 9 avril) dont les services ne sont plus requis par Mackie a été fournie aux agences à la demande de ces dernières parce qu’elles veulent être prévenues à l’avance; elle ne constitue donc pas une tentative de la part de Mackie d’imposer sa volonté aux agences. Dans le cadre de sa plaidoirie, l’avocat de Mackie a soutenu qu’un examen global de la situation révèle que, sur le plan de la direction et du contrôle, les chauffeurs d’agence sont assujettis aux diktats des agences, des gouvernements, de Ryder et de GM bien plus qu’à ceux de Mackie.

[120] Le représentant de Professional Personnel a soutenu que Professional assumait la responsabilité de la sélection, de l’embauche, de la formation et de la discipline des employés concernés. Il a lui aussi affirmé qu’il existe divers niveaux de supervision, laquelle est surtout exercée par GM et les organismes gouvernementaux, et que, dans les faits, les chauffeurs, qui passent le plus clair de leur temps sur la route, se supervisent eux-mêmes. Les agences, a-t-il soutenu, assument la totalité des frais de main-d’oeuvre, y compris les indemnités de jours fériés. Il a insisté sur des éléments de preuve qui indiquent que, dans une certaine mesure, Professional a fourni de l’équipement à Mackie, autant que des employés.

[121] L’avocat de Adams Services et de Selective Staffing a indiqué qu’il souscrivait aux observations formulées par Mackie et Professional Personnel. Il a confirmé que les agences s’occupent du recrutement et qu’elles se chargent aussi de placer les annonces, de sélectionner les employés et de délivrer les relevés d’emploi. Il a admis que Mackie offre des séances de formation, mais les agences assurent tous les autres services de ressources humaines, comme le service de paie et les régimes de soins de santé, etc.

[122] En réfutation, l’avocat de la requérante a soutenu que le Conseil devait appliquer les critères énoncés dans la jurisprudence. C’est Mackie qui détermine les conditions de travail des chauffeurs d’agence. Les agences, GM ou encore les organismes gouvernementaux n’exercent absolument aucun contrôle à cet égard. Les agences fournissent des chauffeurs à Mackie pour une période indéterminée plutôt qu’à titre occasionnel, et les chauffeurs sont placés sous la dépendance économique de Mackie. Les employés, l’avocat a-t-il affirmé, pointent chez Mackie, soumettent leurs feuilles de temps à Mackie et reçoivent des directives et des communiqués de Mackie. Ils sont aussi dirigés et supervisés par le service de répartition de Mackie.

[123] Compte tenu des circonstances, le Conseil doit déterminer qui est l’employeur des chauffeurs d’agence pour l’application du Code. Est-ce l’agence qui fournit les chauffeurs à Mackie, ou est-ce Mackie, la compagnie à laquelle ils sont appelés à fournir leurs services? Le Conseil doit également se pencher sur la question de savoir si GM pourrait être qualifiée d’employeur dans les circonstances. Les dispositions pertinentes du Code sont les suivantes:

3.(1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

...

«employé» Personne travaillant pour un employeur; y sont assimilés les entrepreneurs dépendants et les agents de police privés. Sont exclus du champ d’application de la présente définition les personnes occupant un poste de direction ou un poste de confiance comportant l’accès à des renseignements confidentiels en matière de relations du travail.

«employeur» Quiconque:

a) emploie un ou plusieurs employés;

...

16. Le Conseil peut, dans le cadre de toute affaire dont il connaît:

...

p) trancher, dans le cadre de la présente partie, toute question qui peut se poser à l’occasion de la procédure, et notamment déterminer:

(i) si une personne est un employeur ou un employé...

[124] Dans les affaires du genre de celles dont le Conseil est saisi en l’espèce, qui mettent en cause l’existence d’une relation tripartite et qui soulèvent la question de savoir qui est le véritable employeur des employés concernés, les tribunaux du travail ont maintes fois formulé l’opinion que, pour savoir qui est l’employeur, il est nécessaire de déterminer qui assume essentiellement le contrôle et la direction des employés.

[125] La Cour suprême du Canada a généralement reconnu la validité de ce critère, à la condition toutefois qu’il soit appliqué dans une perspective plus générale, soit celle de la relation employeur-employé dans le contexte de relations complexes, tripartites ou autres, et que soient pris en compte un certain nombre de facteurs pour déterminer l’employeur assumant essentiellement le contrôle et la direction des employés. Si l’ancien Conseil (le Conseil canadien des relations du travail) a généralement conclu, dans les affaires portant sur des relations tripartites, que le client (en l’espèce Mackie) était le véritable employeur des employés temporaires, il a aussi statué à l’occasion que l’agence de placement ou le fournisseur des employés avait dans les faits les attributs d’un employeur. En l’espèce, on a également soutenu avec vigueur que GM possédait plusieurs des attributs de l’employeur. Il y a cependant une chose de claire et c’est que dans chaque affaire, le Conseil doit examiner la question dans une perspective globale et rationnelle en tenant compte de tous les facteurs pertinents pour déterminer qui est l’employeur qui exerce essentiellement le contrôle sur les employés pour l’application du Code. Même si l’arrêt Pointe-Claire (Ville) c. Québec (Tribunal du travail), précité, ne portait pas sur l’application du Code, les observations formulées par la Cour suprême du Canada sur la question du critère à appliquer n’en demeurent pas moins riches en enseignements:

Dans Vassart, contrairement à la décision dans Centre d’accueil Mgr Coderre, le juge n’a pas rejeté la notion de contrôle effectif ou de subordination juridique. La Cour supérieure a plutôt adopté une approche plus nuancée. Le juge Grenier, tout en admettant que le critère de contrôle effectif était pertinent, a ajouté que toute analyse qui se fonderait exclusivement sur ce critère pour identifier le véritable employeur constituerait une approche trop étroite.

Je suis d’accord avec l’approche la plus globale proposée par le juge Grenier dans Vassart afin d’identifier le véritable employeur dans des relations tripartites. Cette approche est d’ailleurs celle qu’a adoptée la majorité et la dissidence de la Cour d’appel dans le présent litige. Le juge Rousseau-Houle, pour la majorité de la Cour d’appel, a déclaré (à la p. 1674):

«Le contrôle quotidien sur le travail effectué n’est donc qu’un facteur dans la détermination de l’employeur. Le processus de sélection, l’embauche, la discipline, la formation, l’évaluation, l’assignation des fonctions et la durée des services sont tous des éléments à considérer lorsqu’il faut déterminer le véritable employeur dans une relation tripartite.»

Le juge Deschamps, dissidente sur le résultat, a proposé le même type d’approche plus libérale comprenant l’examen de plusieurs éléments pour déterminer le véritable employeur dans une relation tripartite (aux pp. 1678 et 1679):

«Il me semble invraisemblable qu’un client qui retient les services d’une agence de location de personnel temporaire se retrouve l’employeur des employés de l’agence simplement parce qu’il contrôle les tâches qui doivent être effectuées au jour le jour. C’est là réduire à bien peu de chose la notion d’employeur et en mettre de côté la réalité, qui exige une vision beaucoup plus globale. Parmi les éléments qui doivent être évalués, je fais non seulement référence au recrutement, à la sélection, à la formation, à la rémunération, à la discipline, mais aussi à l’intégration dans l’entreprise, à la continuité de l’emploi et au sentiment d’appartenance des employés. Je ne peux concevoir de relation employeur-employé(e) qui ne recoupe aucun de ces aspects.

La notion de «subordination juridique», termes utilisés par le Tribunal du travail, ne recouvre en fait pour le Tribunal du travail que la supervision quotidienne de l’exécution du travail. La notion de subordination juridique, ainsi réduite, s’avère donc totalement insuffisante pour qualifier la relation tripartite qui existe entre l’agence, son client et l’employé(e).»

Selon cette approche plus globale, les critères de la subordination juridique et de l’intégration dans l’entreprise ne devraient pas être utilisés comme des critères exclusifs pour déterminer le véritable employeur. À mon avis, dans un contexte de rapports collectifs régis par le Code du travail, il est primordial que l’employé temporaire puisse négocier avec la partie qui exerce le plus grand contrôle sur tous les aspects de son travail - et non seulement sur la supervision de son travail quotidien. De plus, lorsqu’un certain dédoublement de l’identité de l’employeur se produit dans le cadre d’une relation tripartite, l’approche plus globale et plus souple a l’avantage de permettre l’examen de la partie qui a le plus de contrôle sur tous les aspects du travail selon la situation factuelle particulière à chaque affaire. Sans établir une liste exhaustive des éléments se rapportant à la relation employeur-salarié, je mentionnerai à titre d’exemples, le processus de sélection, l’embauche, la formation, la discipline, l’évaluation, la supervision, l’assignation des tâches, la rémunération et l’intégration dans l’entreprise.

(ii) La jurisprudence canadienne

En se fondant sur une législation sur les rapports collectifs de travail analogue à celle du Québec, les organismes administratifs canadiens se sont également intéressés à la recherche de l’identification du véritable employeur dans le cadre d’une relation tripartite. La majorité des décisions de ces organismes, plus particulièrement de la Commission des relations de travail de l’Ontario («CRTO») et du Conseil canadien des relations du travail («CCRT»), a souligné que le critère primordial pour cerner une relation employeur-salarié dans un contexte de relation tripartite était celui du contrôle fondamental sur les conditions de travail. L’analyse du critère du contrôle fondamental entraîne celle de déterminer quelle partie détient le contrôle à l’égard, entre autres, de la sélection, l’embauche, la rémunération, la discipline et des conditions de travail de l’employé temporaire ainsi que l’examen du facteur de l’intégration dans l’entreprise. En définitive, l’application du critère du contrôle fondamental implique l’examen d’une série de facteurs qui s’apparentent à ceux proposés par l’approche globale énoncée dans Vassart et la décision de la Cour d’appel en l’espèce.

En appliquant le critère du contrôle fondamental, le CRTO et le CCRT ont généralement conclu que l’entreprise-cliente remplissait le rôle du véritable employeur de l’employé temporaire. Voir, par exemple: Labourers’ International Union of North America, Local 183 c. York Condominium Corp., [1977] O.L.R.B. Rep. 645; Hotel and Club Employees’ Union, Local 299 c. Sutton Place Hotel, [1980] O.L.R.B. Rep. 1538; United Electrical, Radio and Machine Workers of Canada c. Sylvania Lighting Services, [1985] O.L.R.B. Rep. 1173; National Automobile, Aerospace and Agricultural Implement Workers Union of Canada c. Nichirin Inc., [1991] O.L.R.B. Rep. 78; Labourers International Union of North America, Local 607 c. Grant Development Corp., [1993] O.L.R.B. Rep. 21; International Brotherhood of Electrical Workers, Local 586 c. Dare Personnel Inc., [1995] O.L.R.B. Rep. 935; Nationair (Nolisair International Inc.) (1987), 70 di 44. Toutefois, les organismes administratifs canadiens ne sont pas systématiquement arrivés à cette conclusion. Ainsi, dans certaines décisions, la situation factuelle a amené la CRTO et le CCRT à conclure que l’agence de location ou le fournisseur de personnel exerçait réellement les attributs d’un employeur. Voir, par exemple: United Brotherhood of Carpenters & Joiners of America, Local Union 93 c. Templet Services, [1974] O.L.R.B. Rep. 606; United Association of Journeymen and Apprentices of the Plumbing and Pipefitting Industry of the United States and Canada, Local 819 c. Tower Company (1961) Ltd., [1979] O.L.R.B. Rep. 583; Nolisair International Inc. (Nationair Canada) (1992), 89 di 94.

(pages 1046-1048)

[126] Il peut aussi être utile d’invoquer la décision rendue par le Conseil canadien des relations du travail dans l’affaire Nationair (Nolisair International Inc.) (1987), 70 di 44; et 19 CLRBR (NS) 81 (CCRT no 630) en ce qui concerne l’incontournable perspective globale. Cette décision précise quelques-uns des critères ou facteurs qu’il convient de prendre en considération dans le contexte d’une affaire particulière pour en arriver à une décision:

1. Le Conseil évaluera la réalité sans accorder un poids décisif aux conventions dans la mesure où elles ne se vérifient pas dans les faits.

Ainsi, on ne peut dans notre juridiction accorder au versement du salaire un poids significatif. Le Code canadien parle d’«employé» et ne fait aucunement référence à la rémunération dans la définition qu’il en donne contrairement au Code québécois par exemple, qui reconnaît la liberté d’association au «salarié». Ce qui sera plus significatif sera l’identification du payeur, du supporteur ultime du coût et l’incidence de ce fait dans la relation d’emploi.

2. Un autre indicateur sera sûrement celui du contrôle de l’accès à l’emploi: celui qui embauche ou qui donne le travail à accomplir. Ici on aura égard au mécanisme de sélection et aux critères utilisés. Celui qui a en fait le pouvoir de sanctionner la sélection et de l’orienter de manière décisive s’apparente davantage à un employeur qu’à un simple utilisateur ponctuel. Le locataire d’employé qui se conserve ou exerce un droit de veto ou l’équivalent sur le choix du personnel n’est certes pas étranger à l’existence du lien d’emploi.

3. Une troisième donnée a trait à la détermination même des conditions de travail. Qui les décide dans la réalité? Une agence qui ne serait qu’un bureau d’emploi déguisé, une sorte de boîte aux lettres coiffée d’un nom propre pourra difficilement se qualifier d’employeur. Elle ne serait alors qu’un agent agissant pour l’employeur, assimilable au service du personnel d’une entreprise qui n’est pas distinct de l’entreprise dont il fait partie et dont il exécute les demandes comme un préposé.

4. Un autre critère a trait au déroulement même du travail. Comment au jour le jour s’effectue la prestation de travail. Qui assigne? Qui détermine et sanctionne dans la réalité les normes d’accomplissement du travail? À ce sujet, qui a le dernier mot, le mot qui compte, celui qui évalue, qui décide, qui fait que l’employé travaillera ou ne travaillera plus à cause de son rendement? Quelle est l’expertise de l’agence dans le travail exécuté? Quel est le degré de similitude des fonctions exercées par les employés réguliers et ceux provenant de l’extérieur?

5. D’autres éléments peuvent aussi éclairer le tribunal. La perception des employés, leur identification à l’entreprise, leur degré d’intégration dans celle-ci, le caractère accidentel, passager ou durable de leur présence dans l’entreprise locataire.

(pages 74-75; c’est nous qui soulignons)

[127] En l’espèce, après examen de la question de la direction et du contrôle fondamentaux dans une perspective globale, une analyse des faits soumis au Conseil, par écrit et de vive voix, révèle ce qui suit:

1. Paiement du salaire et des avantages

[128] Selon le témoignage de M. Meagher, Mackie ne conclut généralement pas de contrats écrits avec les agences qui lui adressent des chauffeurs, exception faite d’Advantage Personnel Ltd., qui fournit du personnel à la division du transport des automobiles du Nouveau-Brunswick. Mackie négocie habituellement avec chaque agence après avoir été avisée par écrit des taux de facturation proposés.

[129] À partir des renseignements fournis au Conseil, il est possible de tirer les conclusions générales suivantes. S’il est manifeste que les chauffeurs d’agence sont rémunérés par les agences, il est tout aussi évident que c’est Mackie qui paie leurs salaires. Les copies des factures des agences révèlent que les salaires sont facturés à Mackie de façon régulière en fonction du nombre d’heures travaillées et(ou) de kilomètres parcourus par chaque chauffeur au cours de la période en cause, et en fonction du taux de facturation établi par l’agence. Le nom de chaque chauffeur ayant travaillé pendant la période de facturation est indiqué sur la facture ainsi que le nombre d’heures travaillées et(ou) de kilomètres parcourus. Le taux de facturation englobe le salaire que l’agence versera au chauffeur, plus les frais de l’agence au titre des indemnités de vacances et de jours fériés et les remises au titre des prestations d’emploi, des cotisations à la Commission de la sécurité et de l’assurance contre les accidents du travail, au Régime de pensions du Canada (RPC) et au régime d’avantages sociaux, ainsi que les frais des tests de dépistage des drogues, etc., auxquels s’ajoutent frais administratifs et la marge bénéficiaire. L’entente conclue entre Mackie et les agences est essentiellement un contrat au «prix coûtant majoré», et les montants facturés à Mackie sont directement proportionnels aux heures travaillées par les chauffeurs de l’agence, lesquels, ainsi que nous le verrons plus loin, sont assujettis au contrôle de Mackie.

[130] La preuve permet également d’établir que c’est Mackie qui fournit aux agences les données sur les heures de travail et le kilométrage à facturer et qu’elles sont tirées des fiches de présence ou des feuilles de route que les chauffeurs lui remettent. Un montant est également facturé à Mackie au titre des délais d’attente qui excèdent une durée minimale lorsque le chargement à livrer n’est pas prêt à l’heure prévue. C’est également Mackie qui fournit cette information aux agences.

[131] Les chauffeurs ont témoigné qu’ils sont rémunérés à partir du moment où ils se présentent au travail jusqu’au moment où ils quittent le travail, même quand ils ne sont pas sur la route, que Mackie établit le salaire maximal que les agences peuvent verser aux chauffeurs, et que tous les chauffeurs d’agence reçoivent le même taux de salaire, peu importe l’agence à laquelle ils appartiennent. Même si l’employeur a nié cette dernière affirmation, le Conseil accepte cette preuve. Il existe une preuve documentaire qui permet de corroborer le témoignage des chauffeurs, à savoir la note de service datée du 27 février 1998, dans laquelle Mackie donne instruction à quatre agences d’augmenter le salaire des chauffeurs de 0,25 $ l’heure et de 0,01 $ le mille.

2. Accès à l’emploi

[132] Dans l’affaire Nationair (Nolisair International Inc.), précitée, le Conseil a déclaré que: «Celui qui a en fait le pouvoir de sanctionner la sélection et de l’orienter de manière décisive s’apparente davantage à un employeur qu’à un simple utilisateur ponctuel.» Le Conseil a aussi pondéré cette observation en déclarant que: «le locataire d’employé qui se conserve ou exerce un droit de veto ou l’équivalent sur le choix du personnel n’est certes pas étranger à l’existence du lien d’emploi.» À ce critère, le Conseil ajouterait l’exercice d’un droit de veto sur le maintien en poste (non seulement sur la sélection) du personnel.

[133] La preuve a révélé que les agences s’occupent du recrutement, de la sélection, de la vérification initiale des permis de conduire un véhicule utilitaire, des dossiers de conducteur, des casiers judiciaires dans le cas des chauffeurs qui se rendent aux États-Unis, des examens médicaux, des certifications de manutention des marchandises dangereuses, de la vérification de la connaissance générale du code de la route, des références, du dépistage des drogues, etc. Même si ces renseignements indiquent que les agences assurent certains services personnels, la preuve révèle que les conditions de travail sont contrôlées par Mackie. Le candidat chauffeur qui est recommandé à Mackie subit un examen de conduite administré par Mackie. L’entreprise peut également l’obliger à assister à des séances de formation particulières. À cet égard, Mackie exerce bel et bien un contrôle considérable sur les conditions d’emploi des chauffeurs qu’elle embauche. C’est à Mackie que revient la décision finale d’accepter ou non un chauffeur d’agence.

[134] Sur le plan de la discipline, Mackie joue un rôle bien défini et, semble-t-il, prépondérant. La preuve documentaire et testimoniale révèle que Mackie a remis des avertissements écrits et des lettres disciplinaires à des chauffeurs d’agence, qu’il a donné instruction à des agences de licencier des chauffeurs et en a avisé un certain nombre d’autres qu’il n’avait plus besoin des chauffeurs dont il leur avait fourni la liste. Il est donc manifeste que Mackie exerce un contrôle fondamental sur le choix des chauffeurs d’agence et sur leurs conditions de travail par la suite. Si tel n’était pas le cas, Mackie demanderait tout au plus aux agences de lui fournir les chauffeurs qualifiés dont elle a besoin, sans se préoccuper de leur identité.

[135] Durant les périodes de pénurie de travail, c’est Mackie qui a établi la liste des chauffeurs à licencier en s’appuyant sur une liste d’ancienneté de tous les chauffeurs d’agence tenue par elle.

3. Établissement des conditions de travail

[136] La preuve orale à cet égard a été contradictoire, les employés affirmant que leurs conditions de travail étaient établies par Mackie, et certains des témoins de l’employeur affirmant qu’elles étaient fixées par les agences. Aux fins de la présente analyse, le Conseil précise qu’il entend par conditions de travail celles qui font partie du régime de rémunération des chauffeurs d’agence, soit les salaires, les heures de travail, les vacances, les jours fériés et les autres avantages consentis, par opposition aux conditions d’exécution du travail qui seront examinées plus loin dans le cadre de l’analyse du facteur du «contrôle».

[137] Il a déjà été établi que Mackie exerce une influence prépondérante, voire un contrôle absolu sur l’établissement des taux de salaire des chauffeurs d’agence. En ce qui concerne les heures de travail, la preuve révèle qu’elles sont fixées par le service de répartition de Mackie, qui informe les chauffeurs de l’heure de départ. Les chauffeurs sont avisés par les répartiteurs de l’heure à laquelle ils doivent se présenter au travail et ils sont rémunérés par Mackie pour les heures de travail accomplies. Ils n’ont pas de contacts avec les agences à cet égard. Mackie détermine les règles de postulation des parcours, les trajets qui sont attribués à chaque chauffeur et les heures de départ. Les chauffeurs peuvent inscrire leur nom pour obtenir du travail supplémentaire et ce processus est contrôlé par le service de répartition de Mackie, le travail étant attribué directement aux chauffeurs d’agence sans aucune intervention des agences.

[138] Les témoignages ont révélé qu’il y avait déjà eu chez Mackie un régime d’intéressement aux bénéfices qui s’appliquait à tous les chauffeurs, y compris les chauffeurs d’agence. Mackie avait aussi proposé d’offrir un programme de prime de rendement qui se serait appliqué à tous les employés, chauffeurs d’agence inclus.

[139] La preuve a révélé que les seuls autres avantages auxquels les chauffeurs d’agence ont droit sont les indemnités de vacances et de jours fériés, que la loi oblige les agences à leur payer. Certaines agences offrent des régimes collectifs de soins de santé et de soins dentaires dont elles prennent en charge le coût et une partie de la protection offerte, le reste étant payé par le chauffeur. En l’absence de contrat écrit entre Mackie et les agences, il est impossible de savoir si les agences offrent toutes de tels régimes et si elles assurent le même niveau de protection. Tous ces avantages sont inclus dans les montants facturés à Mackie, qui se trouve en définitive à en assumer le coût.

4. Exécution et contrôle du travail

[140] Dans la décision rendue dans l’affaire Nationair (Nolisair International Inc.), précitée, le Conseil dresse la liste partielle des critères dont il convient de tenir compte à ce chapitre, notamment qui attribue le travail, qui détermine et approuve les normes de rendement applicables, quelle connaissance l’agence a-t-elle du domaine de travail particulier, quel degré de similitude existe-t-il avec le travail exécuté par les employés en titre, etc. À ces critères, le Conseil ajoute les deux éléments du (i) contrôle direct sur le travail exécuté et de la (ii) propriété du matériel utilisé par les employés pour accomplir leur travail.

[141] Nous avons déjà déterminé que Mackie détermine l’attribution du travail par le truchement de son service de répartition et qu’elle communique directement avec les chauffeurs d’agence à cet égard; les agences sont totalement exclues de ce processus. En ce qui concerne l’exécution du travail, les employés reçoivent toutes leurs instructions de Mackie, de vive voix et par écrit. Le Conseil a examiné une série de directives écrites que Mackie a adressées à l’ensemble des chauffeurs, y compris les chauffeurs d’agence, dans lesquelles il est question, entre autres, des séances de formation obligatoires, des documents à remplir et à fournir, notamment les rapports d’inspection des véhicules et les feuilles de route, des autocollants de service à apposer sur les véhicules, des rapports d’accident, des postes de péage E-Z de l’état de New York, des mesures disciplinaires, etc., ainsi que d’une note informant les chauffeurs qu’ils doivent avoir un réveil manuel dans leur véhicule, faute de quoi ils n’obtiendront pas de parcours. Les agences n’interviennent d’aucune manière dans l’exécution quotidienne du travail et le Conseil a entendu des témoignages selon lesquels les chauffeurs embauchés par Mackie peuvent être des mois sans avoir de contacts avec l’agence. Toutes les communications se font avec Mackie et englobent les pannes, les accidents ou les retards. Les chauffeurs d’agence, à l’exception de ceux qui travaillent pour Professional, conduisent des camions appartenant à Mackie, lesquels sont munis d’un système de communication par satellite fourni par Mackie pour leur permettre de rester en communication avec son service de répartition. Le carburant des camions est fourni par Mackie. Les uniformes sont généralement payés à l’aide de bons de commande fournis par Mackie, quoique les chauffeurs doivent en rembourser la moitié; cette politique s’applique à tous les chauffeurs, y compris les chauffeurs employés directement par Mackie. Tous les chauffeurs, qu’il s’agisse des chauffeurs d’agence et des chauffeurs employés directement par Mackie, sont traités de la même manière sur les plans de l’attribution du travail et de la supervision, à cette seule différence que les chauffeurs de Mackie ont la priorité pour postuler les parcours.

[142] Bien que le Conseil ait été informé qu’il n’existait généralement pas de contrats écrits entre Mackie et les agences qui lui fournissent des chauffeurs en Ontario, il a obtenu une copie du contrat conclu entre Mackie et Advantage Personnel Ltd. au Nouveau-Brunswick. Ce contrat fournit des indications sur le type de contrôle que Mackie exerce sur les chauffeurs d’agence de cette province, et on peut supposer qu’il donne une idée générale, à tout le moins, du niveau de contrôle que Mackie souhaiterait maintenir.

[143] L’article 1.01 de ce contrat prévoit qu’Advantage s’engage à fournir le nombre de chauffeurs requis en utilisant la liste approuvée. Le terme «approuvée» laisse sous-entendre que Mackie souhaite généralement avoir son mot à dire dans le choix des chauffeurs dont elle retient les services.

[144] L’article 1.07 précise que le client (Mackie) a le droit d’examiner à son gré les dossiers des chauffeurs qu’Advantage lui adresse en conformité avec les modalités du contrat.

[145] L’article 2.00 indique que le client (Mackie) est seul habilité à exercer un contrôle opérationnel sur les services de transport assurés par les chauffeurs fournis en conformité avec les modalités du contrat et qu’il appartient au client d’établir les horaires de travail et d’attribuer le travail.

[146] L’article 2.02 précise qu’Advantage doit mettre fin à l’affectation d’un chauffeur dès réception d’un avis écrit de Mackie.

[147] À l’article 2.03, il est dit que le client convient de dégager Advantage de toute responsabilité pour tout dommage, perte ou obligation résultant de l’utilisation des véhicules du client ou de la manutention des marchandises transportées dans ces véhicules.

[148] L’article 2.04 stipule que les véhicules sont assurés par Mackie.

[149] L’article 2.05 dit que le client (Mackie) prend les mesures nécessaires pour que les chauffeurs se conforment aux exigences des diverses commissions des transports.

[150] L’article 3.01 précise que le client paie à l’entrepreneur les services fournis en conformité avec l’annexe «A». Le contrat fourni au Conseil ne renfermait pas cette annexe.

[151] Le Conseil n’a aucune raison de croire que, même en l’absence de contrats écrits avec les agences qui lui procurent des chauffeurs pour ses opérations de l’Ontario, Mackie exerce un contrôle moindre que celui décrit dans le contrat conclu avec l’agence de placement du Nouveau-Brunswick. En fait, la preuve a indiqué de façon générale que les dispositions contractuelles mentionnées sont représentatives du type de contrôle que Mackie exerce généralement.

5. Autres critères

[152] Parmi les autres critères dont il convient de tenir compte, il y a l’identification de l’employé à la compagnie, son niveau d’intégration, la nature temporaire ou permanente de l’emploi, etc.

[153] Le Conseil a entendu des témoignages selon lesquels les chauffeurs d’agence sont traités exactement de la même manière que les chauffeurs employés directement par Mackie. Ils reçoivent la même formation, ils obtiennent des numéros d’employé et d’identification personnelle pour utiliser les pompes à essence de Mackie, le travail leur est attribué de la même manière, ils conduisent des camions appartenant à Mackie, ils reçoivent les mêmes instructions et directives, ils utilisent la même salle à manger et ils sont invités de temps à autre à participer aux activités sociales de la compagnie. Certains portent des uniformes de Mackie, même si rien ne les y oblige, ce qui est révélateur de leur identification à l’entreprise de Mackie. La continuité d’emploi chez Mackie est également un facteur important. La liste d’ancienneté des chauffeurs d’agence tenue par Mackie indique que certains d’eux travaillent pour l’entreprise depuis 1993, et même depuis 1982, dans le cas d’un chauffeur à temps partiel. Plus de la moitié des 99 chauffeurs d’agence qui étaient censément employés en date de la présentation de la demande d’accréditation ont été embauchés avant janvier 1998. Il est manifeste aux yeux du Conseil que le travail qui est attribué aux chauffeurs d’agence appartient en permanence à Mackie et non aux agences.

[154] Il convient de rappeler que M. Phil Meagher de Mackie a témoigné que le rôle principal des agences est de fournir des services de main-d’oeuvre. Les chauffeurs ont donné des précisions sur les services de recrutement et de sélection assurés par les agences, et l’une d’elles, Adams Services, a décrit ses fonctions de la manière suivante au paragraphe 5 des observations formulées le 14 mai 1999 en réponse à la demande d’accréditation de la requérante:

(i) L’intervenante gère et administre toutes les activités de publicité pour les employés, ainsi que le recrutement, la sélection, la vérification des références, les entrevues, l’embauche, les offres d’emploi, les séances d’orientation, la formation, l’attribution des parcours, la supervision des chauffeurs durant les trajets, les services de counselling, la discipline, la préparation des lettres de recommandation, d’attestation d’emploi et d’états de service, les demandes de congé de maladie, de congés personnels et de vacances, et le remplacement des chauffeurs pendant les absences, de manière régulière et continue.

(ii) L’intervenante a aussi l’entière responsabilité de tenir à jour les certificats d’utilisateur de véhicule utilitaire et les dossiers de conducteur des employés, entre autres choses, de vérifier les casiers judiciaires, d’autoriser les examens médicaux préalables à l’emploi, d’exiger des tests de dépistage des drogues avant et après la période d’emploi, de faire subir des examens, ainsi que de satisfaire aux exigences en matière de transport des matières dangereuses et de dispenser la formation voulue relativement, entre autres choses, à la norme ISO 9002.

(iii) En outre, l’intervenante négocie les taux de salaire avec les chauffeurs (à l’heure et au kilomètre) et gère tous les aspects du programme de rémunération et d’avantages sociaux de chaque employé; elle effectue toutes les retenues à la source et les remises exigées par la loi et ordonnées par les tribunaux, en plus de fournir tous les renseignements fiscaux pertinents, notamment les T4, et de délivrer les relevés d’emploi. Il lui appartient aussi de payer les employés pour les heures travaillées et(ou) les kilomètres parcourus, et, à cet égard, de facturer les montants appropriés à ses entreprises clientes.

(iv) L’intervenante est également inscrite auprès des organismes gouvernementaux aux fins de la TPS, de l’impôt-santé de l’employeur, de la Loi sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail, et de l’impôt (Revenu Canada);

(v) L’intervenante gère et dirige le groupe d’employés, fournit aux chauffeurs des cartes d’affaires et des crayons de l’intervenante, en plus de parrainer des programmes de reconnaissance, comme les tirages annuels de Noël, et de remettre des chèques-cadeaux.

(traduction)

[155] La description qui précède correspond presque en tous points à celle qui se trouve dans la réponse de Professional Personnel datée du 6 mai 1999. Le Conseil est d’avis que ces fonctions sont représentatives, à des degrés divers, de celles de toutes les agences qui fournissent des chauffeurs à Mackie, et qu’elles sont analogues à celles dont s’acquittent habituellement les services des ressources humaines ou du personnel interne de la plupart des organismes. Ainsi qu’il a été démontré, c’est Mackie qui exerce le contrôle et la direction la plus directe sur le travail accompli quotidiennement par les chauffeurs d’agence.

[156] Dans l’affaire Northern Television Systems Ltd. (1976), 14 di 136; et 76 CLLC 16,031 (CCRT no 64), le Conseil a indiqué à nouveau que, pour établir qui est le véritable employeur, il est nécessaire de déterminer qui exerce le contrôle sur les divers éléments essentiels de la relation employeur-employé. Le Conseil a formulé des observations semblables dans l’affaire MacCosham Van Lines Limited (1979), 34 di 716; et [1979] 1 Can LRBR 498 (CCRT no 177):

Il existe des obligations légales imposées à un employeur aux termes du Code, nonobstant l’existence d’une relation de négociation collective, mais ces obligations peuvent s’accroître ou se préciser lorsque les parties tentent d’établir une telle relation ... Lorsqu’il doit déterminer l’identité d’un employeur, le Conseil accorde moins d’importance aux documents, aux déclarations, aux relevés et aux ententes produits à des fins autres que la création et le maintien de relations de travail et tient plutôt compte des preuves établissant qui exerce le contrôle véritable des employés.

Le Conseil est d’avis que la relation entre les employés et Temp. Core Ltd. présente quelques apparences de lien d’employeur à employé, mais que la réalité est autre. Il est certain qu’en l’espèce, MacCosham Van Lines Limited est bel et bien l’employeur. Il a tout simplement délégué quelques-unes de ses fonctions administratives dans le domaine de la paye à un contracteur pour des raisons d’affaires. Il ne lui a accordé aucun pouvoir de gestion et garde le contrôle réel de tous les éléments nécessaires à la création et au maintien de la relation d’employeur à employé. En particulier, c’est toujours à la compagnie qu’il revient de prendre les décisions aux fins de la négociation collective. Il est essentiel d’identifier la personne qui doit répondre aux propositions ou aux griefs d’un agent négociateur pour déterminer qui est l’employeur. A toute fin utile, la négociation collective devrait être menée par un agent négociateur et un employeur possédant à la fois l’autorité et les connaissances nécessaires à l’égard des activités des employés dans l’unité de négociation. En l’espèce, MacCosham Van Lines Limited assure le contrôle de toutes les questions importantes rattachées à l’emploi des membres de l’unité de négociation proposée, et c’est donc l’employeur réel.

(pages 721; et 502; c’est nous qui soulignons)

[157] Le Conseil a invoqué des raisons semblables dans l’affaire Economy Carriers Limited et autres (1991), 86 di 209 (CCRT no 910):

... Dans la présente affaire, le problème est le suivant: un groupe d’employés ont manifesté le désir de participer à la négociation collective, et nous avons pour tâche de déterminer qui devra siéger de l’autre côté de la table de négociation, le cas échéant. C’est pour cette raison que le Conseil a établi les critères exposés dans Northern Television Systems Ltd., supra, et dans Nationair (Nolisair International Inc.), supra. Il les a établis pour pouvoir déterminer l’identité du véritable employeur, afin que la négociation collective ait un sens...

(page 218; c’est nous qui soulignons)

[158] Dans l’affaire Nationair (Nolisair International Inc.), précitée, le Conseil a indiqué à nouveau que l’objet fondamental de la partie I du Code canadien du travail, énoncé dans le préambule, est de faciliter l’accès à la négociation collective. Il convient de reproduire le passage suivant de cette décision:

Enfin il paraît essentiel de soupeser ces critères, qui pourront revêtir un poids variable selon chaque espèce, sans perdre de vue l’objet de la législation qui est de favoriser l’accès à la négociation collective:

«Le Conseil ne peut se contenter des apparences; les conséquences d’une accréditation sont lourdes. Il paraît malsain et contraire à l’esprit du Code qu’on puisse accréditer un groupe d’employés qui ne seraient jamais en mesure de créer un rapport de force avec leur vis-à-vis réel. Pour employer un vieil adage du droit civil des donations: «donner et retenir ne vaut». Il nous apparaît difficile de concilier qu’on puisse céder en permanence les services d’un employé à un tiers et en même temps être réputé les conserver lorsque ces employés demandent une accréditation. Plus encore, il nous paraît difficile d’admettre que cela puisse se faire sans qu’il en résulte quelque lien significatif avec ce tiers au niveau des relations du travail des employés ainsi cédés. C’est là une proposition qu’il nous paraît répugner à l’esprit du Code d’admettre sans une preuve positive d’une telle absence de lien...

(Main d’oeuvre Maska Inc., supra, page 204; c’est nous qui soulignons)»

(pages 75; et 111; c’est nous qui soulignons)

[159] Dans l’arrêt Pointe-Claire (Ville) c. Québec (Tribunal du travail) précité, le juge en chef Lamer, tel était alors son titre, s’exprimant pour la majorité, a également fait observer ce qui suit, relativement aux faits de l’affaire en cause:

Le juge Prud’homme a reconnu que l’agence recrutait, assignait les postes, évaluait, disciplinait et rémunérait ses employés temporaires. Toutefois, il a conclu que la Ville remplissait le rôle du véritable employeur de Mme Lebeau en mettant l’accent sur la partie qui détenait le contrôle sur les conditions de travail et sur les prestations de travail de l’employée temporaire...

...

Le Tribunal du travail a non seulement examiné le critère du contrôle sur les prestations de travail quotidiennes et les conditions de travail générales de Mme Lebeau, mais il s’est aussi penché sur d’autres aspects définissant une relation employeur-salarié, soit la question du salaire, de la discipline, et du sentiment d’intégration à l’entreprise.

À l’égard du salaire, bien que l’agence ait versé le salaire à Mme Lebeau, le juge a souligné que ce salaire dépendait entièrement du nombre d’heures effectivement accomplies par celle-ci à la Ville. En outre, le taux du salaire alloué à Mme Lebeau variait selon le poste qu’elle occupait à la Ville. Selon le juge, le Ville avait donc un rôle à jouer dans la détermination du salaire de Mme Lebeau, ce qui diminuait d’autant l’impact de l’autorité de l’agence à l’égard de cet élément traditionnel retrouvé dans une relation employeur-salarié.

J’ajouterai deux éléments importants qui démontrent que le critère de la rémunération n’était pas déterminant en l’espèce. Premièrement, selon la preuve établie, l’employé temporaire ne recevait aucun salaire s’il n’était pas assigné à un travail chez une cliente de l’agence. Ainsi entre ses deux assignations de travail à la Ville, soit pendant la période des fêtes de 1990, Mme Lebeau n’a reçu aucune forme de rémunération de l’agence. Deuxièmement, la définition du terme «salarié» dans le Code du travail ne précise pas quelle entité doit rémunérer le salarié. La source de la rémunération n’est donc pas déterminante pour identifier l’employeur car la loi ignore cet élément. Il suffit que le salarié reçoive une contrepartie financière, sous la forme d’un salaire, pour qu’il soit visé par le Code du travail. Cette thèse a été adoptée par le Tribunal du travail dans Messageries dynamiques, précité, à la p. 435; Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec Inc., précité, à la p. 355; et Syndicat des professeurs du Québec, précité, à la p. 318. Dans les faits, c’est la Ville qui assumait le fardeau financier du salaire de Mme Lebeau, même si l’agence le versait concrètement à l’employée temporaire. Ainsi, les deux entités, l’agence et la Ville, pourraient être perçues comme l’employeur puisque la première payait directement le salaire à Mme Lebeau tandis que la deuxième en défrayait le coût en remboursant intégralement le salaire en fonction des heures effectuées en plus d’un montant supplémentaire pour le service rendu par l’agence. Lorsque le législateur a voulu rendre probant le fait de verser la rémunération à un employé aux fins de l’identification de l’employeur, il s’est exprimé de façon explicite. Ainsi, les définitions d’employeur retrouvées dans la Loi sur le régime de rentes du Québec, L.R.Q., ch. R-9, et dans la Loi sur les impôts, L.R.Q., ch. I-3, spécifient toutes deux que l’employeur est celui qui verse le salaire:

...

Il n’est donc pas manifestement déraisonnable que le Tribunal du travail n’ait pas accordé un poids prépondérant au fait que l’agence versait le salaire à l’employée temporaire. Les deux parties ayant un rôle à jouer à l’égard du salaire de Mme Lebeau, le salaire devenait un critère non déterminant pour identifier le véritable employeur.

En ce qui concerne la discipline, le juge Prud’homme a admis que la Ville devait informer l’agence si elle avait eu à se plaindre de Mme Lebeau. Toutefois, le juge a également constaté que la seule mesure disciplinaire possible aurait été le retrait de Mme Lebeau de son assignation de travail par l’agence. L’agence ne disposait pas d’un système de gradation des peines ou d’un régime disciplinaire tel celui que l’on retrouve normalement dans les entreprises. En outre, le juge Prud’homme a souligné que l’agence n’aurait pas exercé la discipline dans un vacuum: n’ayant aucune autorité sur les prestations de travail quotidiennes de Mme Lebeau, l’agence aurait dû auparavant être avertie par la Ville de l’existence d’un problème quelconque à l’égard de l’employée. La Ville encore une fois n’était pas étrangère à cet autre élément constitutif de la relation employeur-salarié. Pour ces motifs, le Tribunal du travail n’a pas accordé un caractère prépondérant au critère de la discipline.

...

À mon avis, le raisonnement du Tribunal du travail n’est pas manifestement déraisonnable. Le Tribunal du travail a utilisé une approche globale en ne fondant pas sa décision exclusivement sur le critère de la subordination juridique. L’approche suivie ne va pas à l’encontre de la grille d’analyse présentée dans Vassart ou dans le jugement de la Cour d’appel en l’espèce. Le juge Prud’homme a certes donné une valeur probante plus importante aux conditions de travail et au critère de la subordination juridique, mais il a également pris en considération, d’une part, d’autres facteurs définissant le lien employeur-salarié, tels les rôles de l’agence et de la Ville à l’égard de la rémunération et de la discipline et, d’autre part, la situation factuelle particulière au cas de Mme Lebeau. Le juge Prud’homme n’a pas non plus ignoré le rôle de l’agence au niveau du recrutement, de la formation et de l’évaluation de Mme Lebeau. Cependant, il a justifié le poids prépondérant accordé aux conditions de travail et au critère de la subordination juridique par l’objectif ultime du Code du travail. Ainsi, selon le juge, les conditions de travail constituent des «aspects primordiaux du vécu d’un salarié» et non pas des «choses banales» (p. 10). En effet, le but de toute accréditation est de favoriser les négociations entre les parties patronale et syndicale pour l’établissement des conditions de travail des salariés. En outre, le Tribunal du travail est un organisme hautement spécialisé, détenant une expertise dans le domaine du droit du travail et bénéficiant d’une clause privative. Pour ces diverses raisons, je conclus que l’approche utilisée par le Tribunal du travail n’était pas manifestement déraisonnable et la Cour d’appel n’a pas commis d’erreur en concluant de façon similaire.

...

Je suis conscient du fait que l’arrangement n’est pas parfait. Cependant, il ne faut pas oublier que la relation qui fait l’objet du présent litige n’est pas une relation bipartite traditionnelle mais une relation tripartite dans laquelle une partie remplit le rôle du salarié et les deux autres se partagent les attributs usuels d’un employeur. Il est normal, dans cette situation, que les lois du travail, conçues pour réglementer les situations bipartites, nécessitent certains ajustements. La Cour se retrouve devant une décision d’un tribunal hautement spécialisé et détenant une expertise non négligeable en droit du travail. À l’instar de la Cour d’appel, je ne peux indûment percer la clause privative, qui protège la décision du Tribunal du travail, afin de m’ingérer dans le monde du travail, dans son organisation et son équilibre, à moins qu’il y ait une erreur manifestement déraisonnable. Après l’analyse des faits en l’espèce, de la législation et de la jurisprudence, je conclus que la décision du Tribunal du travail trouve un fondement dans le Code du travail et dans la preuve et n’est donc pas manifestement déraisonnable.

Les tribunaux et les cours doivent, hélas, souvent prendre des décisions en interprétant des lois comportant des lacunes. Le cas sous étude démontre que les situations de relations tripartites peuvent poser des problèmes lorsqu’il s’agit d’identifier le véritable employeur en présence de lois du travail incomplètes sur le sujet. La relation tripartite s’intègre avec difficulté dans le schéma classique de rapports bilatéraux. En effet, le Code du travail a été conçu essentiellement pour des relations bipartites comprenant un salarié et un employeur. Le Code du travail n’est pas d’un grand secours lorsqu’il s’agit d’analyser un cas de relation tripartite comme celui en l’espèce. Les éléments caractéristiques traditionnels d’un employeur sont partagés entre deux entités distinctes - l’agence de location de personnel et l’entreprise-cliente - qui toutes deux entretiennent un certain rapport avec l’employé temporaire. Confrontés à ces lacunes législatives, les tribunaux ont, selon leur expertise, interprété les dispositions souvent laconiques de la loi. Or, en dernier ressort, il revient au législateur d’apporter des solutions à ces lacunes. La Cour ne peut empiéter sur un domaine qui ne lui appartient pas.

(pages 1049-1055; c’est nous qui soulignons)

[160] Le Conseil est d’avis que, contrairement à ce que d’aucuns ont soutenu dans le cadre des plaidoiries, l’arrêt Pointe-Claire (Ville) c. Québec (Tribunal du travail), précité, est analogue à l’affaire dont il est saisi en l’espèce pour ce qui est de l’aspect qui se rapporte aux chauffeurs d’agence, et il en arrive à la conclusion, en adoptant une perspective globale et en tenant compte de tous les facteurs pertinents, que l’employeur exerce un contrôle fondamental sur les chauffeurs d’agence fournis à Mackie. Les faits ne laissent subsister aucun doute: Mackie a notamment le dernier mot en matière d’embauchage; elle détermine lesquels des chauffeurs d’agence seront licenciés; elle fixe dans les faits leur taux de salaire. Mais surtout, Mackie détermine et contrôle tous les aspects de l’exécution du travail au quotidien: le nombre d’heures de travail, la manière d’accomplir le travail, l’endroit où les articles doivent être ramassés et livrés, ainsi que la totalité des nombreux éléments mentionnés précédemment. Mackie est généralement propriétaire du matériel utilisé par les chauffeurs pour accomplir leur travail et toutes les communications se font avec elle au quotidien. Les employés sont généralement embauchés pour une durée indéterminée et ils s’identifient à l’entreprise de Mackie. Après avoir examiné attentivement ces divers points et les autres facteurs applicables mentionnés précédemment, le Conseil en arrive à la conclusion que Mackie est l’employeur qui exerce un contrôle fondamental sur les employés en cause.

[161] Il convient également de tenir compte de l’affirmation selon laquelle GM ou un organisme gouvernemental quelconque pourrait tout aussi bien être considérée comme le véritable employeur des employés d’agence parce qu’elle exerce aussi un contrôle sur leurs conditions de travail. Dans le cas de GM ou des organismes gouvernementaux, le contrôle est généralement de nature réglementaire et n’est pas exercé directement. Il prend la forme de règles ou de textes législatifs ou réglementaires d’application générale. La relation directe, particulière et continue que les chauffeurs d’agence ont avec Mackie contraste à tous égards avec le contrôle accessoire et fonctionnel exercé par les organismes gouvernementaux pertinents ainsi que par General Motors, dont les règles sont appliquées dans le cadre unique d’une relation contractuelle sans lien de dépendance. Les employés en question ont une relation de travail directe indéterminée, flexible et continue avec Mackie. Ils n’ont pas le sentiment d’être des employés de General Motors affectés à la production de voitures; leur travail consiste, selon eux, à transporter des pièces d’automobiles pour le compte d’une compagnie de transport, Mackie. Pour l’application du Code canadien du travail, il est tout à fait légitime de considérer ces chauffeurs comme des employés de Mackie. Étant donné que l’argument s’applique en outre aux propriétaires, aux courtiers et aux chauffeurs de ces derniers, il convient de préciser ici que Mackie exerce aussi un contrôle fondamental sur ces particuliers, ainsi qu’on le verra plus loin; il est donc impossible d’affirmer que General Motors ou un organisme gouvernemental quelconque est le véritable employeur.

(iv) Les courtiers sont-ils des entrepreneurs dépendants ou des entrepreneurs indépendants?

(Nota: Dans la partie qui suit, les termes «courtier» et «propriétaire-exploitant» sont considérés comme des synonymes.)

[162] Le Conseil en vient maintenant à la question du statut des courtiers ou «propriétaires-exploitants» qui fournissent des services à Mackie. Les diverses questions à trancher en ce qui concerne ce groupe peuvent être divisées en plusieurs sous-catégories, suivant le type de relation qui existe avec Mackie:

  1. Les chauffeurs-courtiers ayant conclu un contrat directement avec Mackie qui n’emploient pas de chauffeurs et qui conduisent personnellement des véhicules.
  2. Les courtiers qui emploient des chauffeurs et qui ne conduisent généralement pas de véhicules.
  3. Les courtiers qui emploient des chauffeurs et qui conduisent aussi régulièrement des véhicules.
  4. Les chauffeurs employés par les courtiers.

[163] Le Conseil examinera chacune de ces questions séparément.

1. Les chauffeurs-courtiers ayant conclu un contrat directement avec Mackie qui n’emploient pas de chauffeurs

[164] Le rapport de l’agent d’enquête du Conseil indique qu’en date de la présentation de la demande d’accréditation il y avait 59 «courtiers sans chauffeurs» qui avaient conclu des contrats avec Mackie. Le Conseil a entendu un certain nombre de témoignages au sujet de cet aspect de l’affaire, dont ceux de M. Scott Sullivan, de MM. Brian Snell et Charles G. Waterhouse, deux chauffeurs-courtiers qui font partie de cette catégorie, de M. Marc Fortin, qui fait lui aussi partie de cette catégorie mais qui travaille au Québec, de M. Robert Fraser, qui fait partie de la même catégorie mais qui est rattaché à North American Van Lines, dont les services de répartition sont situés à Fort Wayne, Indiana, et de M. Phil Meagher, le directeur des opérations de Mackie.

[165] Bien que le Conseil ait entendu un grand nombre de témoins dans le cadre de plusieurs journées d’audience, il reste que les faits essentiels ne sont généralement pas contestés. La plupart des courtiers sont affectés à la division du fret de Mackie et s’occupent du transport extraprovincial de marchandises, plus particulièrement, de pièces d’automobiles de GM, et ils ont tous signé le même type de contrat avec Mackie. Les courtiers sont propriétaires du tracteur routier et transportent des remorques appartenant à Mackie. Les certificats d’immatriculation d’utilisateur de véhicule utilitaire (IUVU) sont au nom de Mackie, ainsi que l’assurance des véhicules. En général, les plaques d’immatriculation apposées sur les tracteurs routiers des courtiers sont aussi au nom de Mackie étant donné qu’elles doivent être inscrites au même nom que les IUVU. Les plaques d’immatriculation coûtent 1 500 $ et la plupart des courtiers remboursent ce montant par versements égaux étalés sur l’année. Les courtiers remboursent également à Mackie les primes d’assurance payées par la compagnie, dont le montant correspond à 4 % de leur revenu et qui sont prélevées sur leur salaire par Mackie. Les courtiers qui s’approvisionnent aux pompes de Mackie lui remboursent le carburant utilisé. Ces règles s’appliquent de façon générale à toutes les divisions actives de Mackie qui font appel à des courtiers. Ces derniers peuvent postuler des parcours réguliers particuliers, et le système prévu à cette fin est fondé sur l’ancienneté. Presque tous les parcours réguliers attribués aux courtiers supposent la livraison à l’usine de GM d’Oshawa de pièces d’automobiles provenant de divers endroits. Ces parcours sont offerts périodiquement et ils sont attribués aux courtiers en fonction de leur ancienneté chez Mackie. Les courtiers ont le droit de consulter le tableau d’affichage et d’offrir leurs services pour effectuer les trajets qui y sont proposés lorsqu’ils n’ont pas de parcours réguliers. Certains parcours sont réservés aux courtiers qui vivent au Québec et supposent le transport d’automobiles provenant de l’usine de GM à Sainte-Thérèse (Québec). Il y a six courtiers du Québec qui sont supervisés par le service de répartition de Mackie à Oshawa. Les tracteurs routiers des courtiers sont immatriculés au nom de Mackie et sont assurés par Mackie. Les courtiers sont rémunérés par Mackie en fonction du nombre de kilomètres parcourus et ils ont droit à un montant horaire supplémentaire lorsqu’il y a un délai d’attente chez un client. Les courtiers sont tenus d’offrir d’abord leurs services à Mackie, mais en théorie, ils ont le droit de travailler ailleurs. Ils se prévalent rarement de ce droit, sauf quand il y a grève chez GM. En temps normal, la plupart des courtiers qui font partie de ce groupe travaillent exclusivement pour Mackie. Durant la grève chez GM en 1996, Mackie a trouvé du travail à des courtiers chez d’autres clients; c’est Mackie, toutefois, qui a facturé ces clients et qui a payé les courtiers concernés. Les courtiers doivent afficher la raison sociale et le logo de Mackie sur leurs tracteurs routiers, ainsi que les numéros de permis et d’unité. Ceux qui veulent afficher aussi leur nom doivent utiliser des caractères plus petits ne dépassant pas deux pouces de hauteur.

[166] Les courtiers sont tenus de participer, avec les chauffeurs d’agence et les chauffeurs directement employés par l’entreprise, à des séances de formation obligatoires organisées par Mackie, pour lesquelles ils reçoivent un salaire horaire. À l’annexe «A» du contrat qui était en vigueur en date de la présentation de la demande d’accréditation, il est indiqué que le taux horaire versé pour participer à ces séances de formation est de 14 $.

[167] Concernant le trajet de retour après une livraison, le courtier reçoit une prime de 50 $ s’il déniche lui-même un chargement à ramener lorsque Mackie est incapable de le faire. Le contrat conclu avec les courtiers stipule toutefois que le service de répartition de Mackie doit être consulté au préalable. Le courtier est rémunéré par Mackie en fonction du kilométrage parcouru et Mackie retient certains montants comme les primes d’assurance, les droits d’immatriculation et de permis, les frais de grand utilisateur et la consommation de carburant. Le courtier doit en outre payer les dépenses de son camion, comme les frais d’entretien et de réparation et les mensualités.

[168] En ce qui concerne les pièces d’automobiles livrées aux usines de GM, c’est GM qui établit le calendrier des livraisons. Les courtiers paient leurs propres primes d’assurance à la Commission de la sécurité et de l’assurance contre les accidents du travail de l’Ontario et Mackie leur offre des programmes de soins de santé et de soins dentaires. Mackie leur remet un connaissement qui leur indique où se trouve la remorque; il arrive aussi que le service de répartition de Mackie leur indique quelle remorque utiliser. Les témoignages ont révélé que, même si les contrats conclus entre Mackie et les courtiers stipulent que ces derniers assument la responsabilité des produits perdus ou endommagés, aucun d’eux n’a jamais été obligé de payer quelque montant que ce soit à cet égard. On a demandé aux courtiers qui ont témoigné s’ils avaient déjà essayé d’obtenir du travail ailleurs et ils ont tous répondu que Mackie les tenait beaucoup trop occupés pour cela.

[169] Il a été question de l’existence d’un comité des propriétaires-exploitants ayant pour mandat de négocier les taux avec Mackie. Ce comité existe depuis l’automne 1997 et la dernière rencontre avec Mackie remonte à décembre 1998. Les propriétaires-exploitants mettaient leurs idées en commun et le comité rencontrait la compagnie. Le comité a échoué dans ses négociations pour faire augmenter le taux de kilométrage, mais il est parvenu à faire réduire de moitié les frais d’utilisation du système de communication par satellite et à obtenir une indemnité d’attente à la frontière ainsi qu’une indemnité de récupération de 125 $ pour les courtiers qui sont plus de 36 heures sur la route. Les membres du comité ont été élus à l’automne de 1997 et tous les propriétaires-exploitants avaient droit de vote.

[170] Les témoins ont exposé au Conseil le mode de fonctionnement du système de postulation en place chez Mackie. Tous les chauffeurs, courtiers inclus, ont le droit de poser leur candidature pour obtenir les parcours qui les intéressent, compte tenu de leur ancienneté chez Mackie. Les règles et règlements établis à cette fin précisent que les parcours sont désignés en fonction du type de chauffeur, c’est-à-dire chauffeur de la compagnie, chauffeur d’agence ou chauffeur-courtier, et que seuls les chauffeurs concernés peuvent postuler ces parcours. La plupart des courtiers préfèrent postuler des parcours et faire des longs trajets; rares sont ceux qui s’offrent pour effectuer les parcours en ville, lesquels sont surtout attribués aux chauffeurs de la compagnie. Lorsque deux courtiers postulent le même parcours, c’est le chauffeur qui a le numéro d’unité le plus bas qui l’emporte; au moment où il retient leurs services, Mackie attribue aux courtiers un numéro d’unité qui se trouve ainsi à indiquer leur ancienneté. Les courtiers qui participent au processus de postulation sont limités à un seul parcours. Les courtiers ne sont pas autorisés à postuler plusieurs parcours à la fois. Il ont très peu d’occasions de travailler pour d’autres parce qu’une fois leur semaine de travail terminée chez Mackie il ne reste généralement pas beaucoup d’heures; le nombre maximal d’heures autorisé est établi par le ministère des Transports. Les courtiers utilisent le système de cartes de Mackie pour acheter du carburant et ils lui remboursent ultérieurement les sommes au moyen de retenues sur leur paie. Ils ont droit à une réduction de la taxe sur le carburant pour la portion du trajet qui est effectué à l’extérieur de l’Ontario; c’est Mackie qui effectue les calculs, un service pour lequel elle exige des frais administratifs de 35 $. Les courtiers sont obligés d’utiliser le système de communication par satellite de Mackie, pour lequel ils doivent payer des frais.

[171] Les accidents doivent être signalés au service de répartition de Mackie au moyen du système de communication par satellite. Lorsque les pièces ou le nombre de pièces dont ils prennent livraison chez un vendeur ne correspond pas à ce qui est indiqué sur la commande, ils communiquent généralement avec Ryder, le fournisseur principal de services de logistique. Le courtier qui est incapable d’effectuer une livraison doit en aviser le service de répartition de Mackie, qui lui trouvera un remplaçant.

[172] L’un des courtiers travaillant au Québec, M. Marc Fortin, a témoigné devant le Conseil et a confirmé qu’il était assujetti aux mêmes conditions que les autres courtiers de Mackie, et qu’il est supervisé par le service de répartition de cette dernière à Oshawa. Les parties ont convenu au cours de l’instance que le témoignage de M. Fortin serait considéré comme étant représentatif de celui des cinq autres courtiers du Québec. Aux dires de M. Fortin, même si les courtiers du Québec postulent uniquement les parcours du Québec dont le point de départ est l’usine de GM à Sainte-Thérèse, rien ne les empêche de postuler d’autres parcours en Ontario ou ailleurs. Ce témoignage a été corroboré par celui de l’employeur. M. Fortin ne croit pas que Mackie s’interposerait s’il acceptait des offres ailleurs, mais la question ne se pose pas car il a déjà suffisamment de travail. Mackie le tient occupé six jours par semaine, ce qui représente environ 75 heures de travail. Les chauffeurs ne sont pas autorisés à postuler plus d’un parcours à la fois car leur charge de travail serait trop lourde. Le parcours de M. Fortin commence à Sainte-Thérèse et se termine en Indiana en passant par Windsor; le témoin se rend aussi souvent aux bureaux de Mackie à Oshawa. Il a signé son contrat en privé chez Mackie à l’occasion d’un voyage de retour, sans y apporter quelque modification que ce soit. Les courtiers du Québec ont également le droit d’offrir leurs services pour effectuer les parcours proposés au tableau d’affichage, à l’instar des autres chauffeurs de Mackie, c’est-à-dire les courtiers, les chauffeurs de la compagnie et les chauffeurs d’agence. M. Fortin possède d’autres entreprises, dont une entreprise de location de camions, et il ne considère pas qu’il est placé sous la dépendance économique de Mackie.

[173] Tous les courtiers ayant conclu un contrat directement avec Mackie ont signé le même contrat type, dont quelques modalités seulement ont été négociées par Mackie et le comité des courtiers. Les clauses du contrat qui n’ont pas été approuvées par le comité des courtiers ont été imposées unilatéralement par Mackie, et tous les courtiers qui ont témoigné ont déclaré qu’ils avaient signé le contrat qui leur avait été soumis, sans chercher à faire apporter quelque modification que ce soit. Les courtiers ne se font pas concurrence et ils n’essaient pas de négocier des tarifs réduits et de «casser les prix» demandés par les autres courtiers.

[174] L’employeur a cherché à démontrer durant le témoignage des courtiers qu’ils ont le droit d’accepter ou de refuser le travail proposé par Mackie, qu’ils ne sont pas obligés de communiquer avec le service de répartition quand ils ne sont pas en mesure d’effectuer la livraison attribuée. Les faits établis contredisent toutefois ces prétentions. Les témoignages ont révélé qu’il n’y a qu’une façon pour un courtier de refuser du travail et c’est de s’en tenir aux parcours proposés au tableau d’affichage. S’il refuse le parcours qui lui est offert, son nom est tout simplement placé au bas de la liste et le travail est attribué au chauffeur suivant. Le courtier qui a signé un contrat et qui a réussi à obtenir un parcours particulier dans le cadre du système de postulation est obligé d’effectuer le travail en vertu du contrat qu’il a signé. En cas de non-disponibilité, la clause 17 du contrat précise qu’il doit prévenir le service de répartition de Mackie avant 6 heures du matin. Le courtier qui ne se conforme pas aux modalités du contrat conclu avec Mackie est présumé avoir mis un terme au contrat. Le courtier qui postule un parcours et qui se déclare non disponible de façon régulière devra s’expliquer avec Mackie et il ne peut raisonnablement s’attendre à conserver son contrat. À la clause 20 du contrat se trouve une liste des mesures disciplinaires progressives, pouvant aller jusqu’au congédiement, auxquelles s’exposent les courtiers qui manquent de respect au personnel et aux clients de Mackie, s’absentent du travail sans justification, omettent de livrer des marchandises, ne produisent pas les documents requis, abîment le matériel, enfreignent le code de la route, etc. M. Phil Meagher a affirmé au Conseil que l’un des courtiers du Québec (M. Lapierre) avait été suspendu en vertu de la clause 20 du contrat pour non-respect du délai de livraison chez GM, qui avait entraîné la perte d’un contrat pour Mackie.

[175] Le courtier qui constate une diminution des livraisons à effectuer après avoir obtenu un parcours dans le cadre du système de postulation peut arrondir son salaire en offrant ses services pour effectuer des parcours proposés au tableau d’affichage. Il peut aussi abandonner le parcours et s’en tenir aux trajets annoncés sur le tableau d’affichage jusqu’à ce qu’il décroche un autre parcours dans le cadre du système de postulation. Si le tableau d’affichage n’existait pas, certains des courtiers cesseraient de travailler pour Mackie. Ce système permet à Mackie de limiter son taux de roulement entre 15 et 20%, alors qu’il se situe aux alentours de 40 % dans le reste de l’industrie. M. Meagher a précisé qu’il y avait pénurie de chauffeurs dans l’industrie et que la situation était probablement attribuable à l’existence des fournisseurs principaux de services de logistique qui servent d’intermédiaire entre GM et les transporteurs pour limiter les coûts de transport. Depuis que ces fournisseurs ont pris en main le transport des pièces d’automobiles, les taux de salaire payés aux propriétaires-exploitants varient très peu d’une compagnie à l’autre. Afin d’attirer des propriétaires-exploitants, Mackie a réduit de moitié les frais exigés pour l’utilisation de son système de communication par satellite et comble elle-même la différence. Mackie refuse de 10 à 15 % des courtiers qui lui proposent leurs services et fait le nécessaire pour garder les meilleurs afin de conserver ses IUVU, qui pourraient lui être retirés si les chauffeurs récoltaient trop de contraventions. M. Meagher a indiqué que les fournisseurs principaux de services de logistique ne veulent pas traiter avec les courtiers eux-mêmes, qu’ils aiment mieux faire affaire avec les gros transporteurs.

[176] Le Conseil a également entendu le témoignage de l’une des courtiers de Mackie, M. Fraser, qui est affecté à la division du déménagement longue distance des articles de ménage, soit le groupe «A». Ces courtiers ont signé le même contrat que ceux qui sont affectés à la division du fret de Mackie, mais ils sont rémunérés en conformité avec les modalités de l’annexe «B» du contrat qui s’applique aux courtiers de la division du fret. Contrairement à ces derniers, les courtiers du groupe «A» reçoivent leurs instructions de North American Van Lines (NAVL) dont les services de répartition sont situés à Fort Wayne, Indiana. Le travail leur est attribué par NAVL en fonction de leur disponibilité ainsi que de la place qu’ils occupent sur la liste de rotation établie et contrôlée par NAVL. Mackie est une franchisée de NAVL; si les courtiers du groupe «A» obtiennent leurs affectations de NAVL, ils sont quand même rémunérés par Mackie. Les clients de NAVL leur remettent un chèque quand le déménagement est terminé; les courtiers le font parvenir à NAVL, qui verse un pourcentage à Mackie en sa qualité d’intermédiaire; Mackie conserve une partie du montant et remet le reste aux courtiers, en conformité avec les modalités de l’annexe «B» du contrat. À l’instar des courtiers de la division du fret, les courtiers du groupe «A» utilisent l’assurance de Mackie parce que cela leur revient moins cher de verser 4 % de leur revenu à Mackie que de payer eux-mêmes des primes d’assurances. Comme les courtiers de la division du fret, ils paient leurs propres dépenses de fonctionnement et Mackie ne fait aucune retenue sur leur salaire au titre du RPC ou de l’impôt. Cependant, contrairement à leurs homologues de la division du fret, ils n’ont pas besoin de postuler de parcours; ils ont aussi le droit de refuser du travail et ils s’en prévalent. En outre, leurs communications se font avec le service de répartition de NAVL situé à Fort Wayne, Indiana, plutôt qu’avec celui de Mackie à Oshawa. M. Fraser considère qu’il travaille pour NAVL, même s’il est rémunéré par Mackie. Le groupe «A» comptait huit courtiers en date de la présentation de la demande d’accréditation et cinq d’entre eux résidaient à l’extérieur de l’Ontario, soit en Saskatchewan, en Alberta et en Colombie-Britannique. Quand ils ont besoin d’aide, ils communiquent avec NAVL à Fort Wayne, Indiana, plutôt qu’avec Mackie. Aux dires de M. Fraser, les franchisées de NAVL, comme Mackie, font double emploi; il pourrait offrir ses services à n’importe quel d’entre eux et continuer de faire le même travail. Étant donné que les conditions de travail de ce groupe sont différentes, la requérante a demandé qu’il soit exclu de l’unité de négociation. Le Conseil convient que ce groupe est suffisamment distinct pour qu’il soit exclu de l’unité de négociation dont la requérante sollicite l’accréditation.

[177] En ce qui concerne les assurances, les témoins ont tous indiqué sans exception que les courtiers concernés préfèrent utiliser l’assurance de Mackie et lui rembourser 4 % de leur revenu plutôt que de souscrire leur propre assurance, qui coûterait plus cher. En outre, étant donné que Mackie est obligée, aux termes du contrat conclu avec GM et les fournisseurs principaux de services de logistique, tels que Ryder, d’assurer les camions pour vingt millions de dollars, l’employeur n’aurait aucun moyen de vérifier si les courtiers maintiennent la protection exigée en tout temps si elle les autorisait à s’assurer eux-mêmes. C’est pourquoi la clause 28 du contrat conclu avec les courtiers prévoit ce qui suit:

28. En vertu du présent contrat, l’entrepreneur indépendant autorise par les présentes la compagnie à imputer les services et produits suivants au compte de produits de l’entrepreneur indépendant:

a) Les primes d’assurance de flotte.

(traduction)

[178] La clause 31 stipule pour sa part ce qui suit:

31. Assurances: La compagnie souscrit, pour le compte de l’entrepreneur indépendant, l’assurance de la responsabilité civile, les assurances incendie, vol, collision, tous risques, ainsi que les assurances de biens et de marchandises nécessaires. Les primes d’assurances sont imputées à l’entrepreneur indépendant en conformité avec les modalités des annexes «A» et «B» jointes aux présentes.

(traduction)

[179] Les annexes «A» et «B» ne fournissent aucune précision sur les montants imputés aux courtiers au titre de l’assurance de flotte de Mackie, mais les témoignages ont révélé que les primes représentaient 4 % des revenus bruts des courtiers qui effectuent l’une des catégories de parcours attribués aux chauffeurs. Il y a deux catégories de parcours attribués aux chauffeurs et il se peut que des rajustements soient effectués pour chacun.

[180] Les témoignages ont révélé que les courtiers sont presque tous assujettis aux mêmes conditions d’emploi que les chauffeurs employés directement par Mackie et les chauffeurs d’agence, et qu’ils reçoivent notamment les mêmes directives et notes de service. Ils sont tenus de se conformer à la politique sur le harcèlement sexuel de Mackie. Ils sont obligés de participer à des séances de formation obligatoires offertes et(ou) conçues par Mackie. Ils sont assujettis à un code de discipline prévoyant une série de sanctions progressives pouvant aller jusqu’à la résiliation du contrat. Les courtiers affectés aux divisions des PGV et des AM de Mackie (les groupes «A» et «B») sont obligés de porter des uniformes et on encourage les autres à en faire autant. Les courtiers sont tenus de remettre à Mackie des copies des rapports d’entretien de leur véhicule. Ils doivent aussi demeurer en communication avec le service de répartition de Mackie. À cette fin, ils utilisent surtout le système de communication par satellite qui appartient à Mackie et pour lequel ils paient des frais d’utilisation. Lorsqu’ils doivent assister aux séances de formation obligatoires offertes par Mackie, l’entreprise leur verse un taux horaire fixe. Ils ont tous une boîte aux lettres chez Mackie dans laquelle ils reçoivent les directives et les autres communications de la compagnie. Ils sont obligés d’afficher la raison sociale de Mackie sur leur camion. Ils soumettent leurs feuilles de route à Mackie, qui leur fournit tous les documents nécessaires, dont les carnets de route, les feuilles de route, les connaissements et les rapports d’entretien.

[181] Si les courtiers sont rémunérés en fonction du nombre de kilomètres parcourus (généralement 1 $ le mille) la distance est calculée par Mackie au moyen d’un programme appelé P.C. Miles et ne correspond pas nécessairement au nombre réel de kilomètres. Les courtiers qui empruntent un itinéraire différent de celui qui est utilisé par le système P.C. Miles risquent d’être payés pour un nombre de kilomètres moindre que celui qu’ils ont parcouru dans les faits.

[182] Aux dires de l’employeur, les courtiers peuvent travailler pour d’autres s’ils le désirent, à la condition que Mackie accepte qu’ils lui versent 4 % des revenus gagnés ailleurs pour conserver leur protection d’assurance. Cependant, dans le cadre de son témoignage pour le compte de l’employeur, M. Meagher a été incapable de faire la preuve, au moyen des états financiers de Mackie, qu’un courtier avait déclaré des revenus externes sur lesquels l’entreprise aurait prélevé des frais de 4 % entre les mois d’avril 1998 et avril 1999.

2. Les courtiers qui emploient des chauffeurs

[183] Le Conseil a entendu le témoignage d’un certain nombre de courtiers ayant conclu des contrats avec Mackie pour lui fournir des camions et des chauffeurs. Quelques-uns conduisent des camions pour Mackie de façon régulière. Ont témoigné MM. Murray S. Hammond, Art Pomeroy et D. Hill, trois courtiers qui emploient des chauffeurs.

[184] M. Murray S. Hammond exploite une entreprise de camionnage constituée en société (M&D Hammond Systems) dans un bureau aménagé à son domicile. Il détient des IUVU pour certains de ses camions. Il a commencé à faire du transport en 1993 lorsqu’il a loué un tracteur routier et a obtenu un contrat pour Sunoco. En 1996, il a signé un contrat avec Mackie. En 1998, il a fait l’acquisition d’un deuxième camion pour transporter des marchandises pour Sunoco puis, en août 1999, il a utilisé ce camion pour exécuter un contrat de transport de marchandises sèches pour une autre compagnie, Bartlett. Il tire environ 70 % de ses revenus du contrat de transport avec Sunoco et le reste, du contrat avec Mackie. Le revenu provenant du contrat avec Bartlett est dérisoire. Il fait un peu de publicité pour son entreprise afin d’obtenir des contrats d’autres compagnies, p. ex. Chem Oil, Molson. Il finance l’achat de ses tracteurs routiers par des emprunts bancaires. En date d’avril 1999, il avait cinq chauffeurs à plein temps et deux autres à temps partiel. Avant avril 1999, il a conduit lui-même des camions pour Mackie une douzaine de fois.

[185] M. Hammond a donné des précisions au sujet du processus de postulation de parcours auquel il a participé en avril 1999. Il négocie les taux de salaire et les conditions d’emploi avec les chauffeurs qu’il emploie et il supervise leur travail. Il paie les frais d’utilisation et d’entretien de ses véhicules, y compris le carburant et les droits d’immatriculation. En ce qui concerne les assurances, il assure lui-même les camions utilisés pour Sunoco, mais il utilise l’assurance de Mackie pour les contrats de transport avec cette dernière parce que ça lui coûte moins cher et que c’est plus pratique. M. Hammond a affirmé que rien ne l’empêchait d’offrir ses services à d’autres compagnies et qu’il pouvait par exemple utiliser le tracteur routier sur lequel est affiché la raison sociale de Mackie pour transporter des marchandises pour Sunoco. Il choisit lui-même les chauffeurs des camions utilisés pour Mackie, qui ne fait aucune retenue au titre des cotisations d’assurance-emploi, etc. sur le montant qu’elle lui verse. Mackie ne lui fournit aucune aide financière pour l’achat de ses camions. Il peut accepter ou refuser les voyages proposés par Mackie et il recrute ses propres chauffeurs. Le camion qu’il utilise pour exécuter le contrat de Mackie est muni d’un système de communication par satellite. Il se dit un homme d’affaires indépendant et son entreprise réalise des bénéfices.

[186] En contre-interrogatoire, M. Hammond a confirmé qu’il recrute ses chauffeurs en plaçant des annonces et en s’informant auprès des autres chauffeurs travaillant pour Mackie. Pour vérifier les titres et compétences d’un chauffeur, il le convoque à une entrevue, lui fait passer un examen de conduite et vérifie son permis de conduire ainsi que son dossier de conducteur. Il a lui-même informé les chauffeurs qui exécutent le contrat conclu avec Sunoco des exigences du client concernant la conduite, les livraisons et les documents à remplir. Il a aussi formé l’un des chauffeurs affectés au contrat avec Mackie, M. John Dolan, qui a déjà travaillé pour Mackie. Certains chauffeurs toutefois ont aussi reçu de la formation de Mackie, M. Ronald Marchand notamment. De même, c’est Mackie qui a expliqué le SIMDUT ainsi que les règles de transport des matières dangereuses et qui a fait subir les tests de dépistage de la consommation de drogues et d’alcool aux chauffeurs de M. Hammond qui conduisent des camions pour Mackie. Si cette dernière n’a jamais exigé d’honoraires pour dispenser cette formation, M. Hammond verse un montant de 80 $ pour les examens de conduite que Mackie fait passer à ses chauffeurs avant de les accepter.

[187] M. Hammond conduit habituellement des camions trois ou quatre jours par semaine pour Sunoco mais il n’en conduit généralement pas pour Mackie.

[188] M. Hammond a indiqué que Mackie lui verse 1 $ le mille et que c’est avec cet argent qu’il paie ses chauffeurs. Il a actuellement un contrat d’une durée de deux ans avec Mackie. Il a signé le contrat qui lui a été soumis par Mackie, sans essayer de négocier quoi que ce soit. Si les IUVU des camions qu’il utilise pour exécuter le contrat avec Sunoco lui appartiennent, ceux des camions utilisés pour Mackie sont la propriété de cette dernière. La raison sociale de Mackie est affichée en grosses lettres sur le tracteur routier et sa raison sociale personnelle est indiquée en lettres plus petites. Il ramasse les feuilles de route deux fois par semaine chez Mackie. Il ne se sert jamais du camion réservé à Mackie pour exécuter d’autres contrats parce que Mackie l’utilise 15 heures par jour, cinq ou six jours par semaine; il ne peut donc pas s’en servir pour exécuter des contrats pour d’autres. Si le chauffeur qu’il a désigné pour conduire le camion ne peut se présenter au travail, il effectue lui-même le parcours ou il l’attribue à un chauffeur à temps partiel. Les chauffeurs qui participent à des séances de formation données par Mackie sont payés par lui et il assiste lui aussi à ces séances. M. Hammond croit que la majorité des courtiers qui conduisent des véhicules pour Mackie le font de façon régulière et continue. Il trouve que c’est une bonne chose d’avoir un contrat de transport avec Mackie, en plus de son contrat avec Sunoco, parce que cela lui procure une deuxième source de revenu.

[189] M. Hammond a affirmé que les modalités du contrat qu’il a signé avec Mackie lui conviennent. Compte tenu de l’ensemble de son témoignage, ses activités semblent être plus indépendantes et plus distinctes que celles de la majorité des courtiers qui n’ont pas d’autre contrat que celui qu’ils ont conclu avec Mackie. M. Hammond a affirmé qu’il aurait cherché du travail ailleurs si les modalités du contrat ne lui avaient pas convenu. Il trouve généralement du travail par le bouche-à-oreille et il estime que son entreprise est trop petite pour qu’il soit nécessaire de faire de la publicité. Étant donné que le travail accompli pour Mackie ne représente qu’un faible pourcentage du travail exécuté par l’entreprise de M. Hammond et à cause aussi des autres particularités de cette entreprise, la situation de M. Hammond est suffisamment différente pour que le Conseil en arrive à la conclusion que ses chauffeurs n’ont pas leur place dans l’unité de négociation. Son entreprise est plus indépendante des opérations de Mackie que celle des autres courtiers et, à cet égard, elle peut être considérée comme une opération distincte, dont les activités ressemblent davantage à celles du groupe «A» de la division des AM. Si l’entreprise de M. Hammond relève de la compétence fédérale, sa communauté d’intérêts est cependant suffisamment différente pour que ses employés soient exclus de l’unité de négociation qui est accréditée en l’espèce.

[190] M. Art Pomeroy, un autre courtier, a fourni des précisions au sujet de deux entreprises qu’il possède et exploite avec son épouse, à savoir 1269763 Ontario Limited et 1131464 Ontario Limited. Il convient de rappeler que l’agent négociateur a demandé que M. Pomeroy et ses chauffeurs soient exclus de l’unité de négociation. L’entreprise de l’épouse de M. Pomeroy est 1269763 et 1131464 est celle de M. Pomeroy. Cette dernière société a été constituée le 1er novembre 1995, et celle de son épouse, 1269673, le 15 juillet 1998. 1131464 loue des camions à 1269763, qui, pour sa part, conclut des contrats avec Mackie ou une autre compagnie, Verspeeten. M. Pomeroy possède actuellement huit camions et il emploie de 16 à 18 chauffeurs; l’un des camions est conduit par un chauffeur seul, les sept autres par des équipes; six camions sont utilisés aux fins du contrat conclu avec Mackie, et deux, pour le contrat avec Verspeeten. Certains des chauffeurs de M. Pomeroy ne travaillent qu’à temps partiel. M. Pomeroy conduit les camions utilisés dans le cadre du contrat avec Mackie, qui en détient les IUVU. Les courtiers doivent obtenir l’autorisation de Mackie pour utiliser les IUVU et l’assurance de Mackie aux fins d’exécuter un contrat de transport pour une autre compagnie. Mackie paie M. Pomeroy un peu plus cher que les autres courtiers. La compagnie s’est montrée disposée à réduire les frais d’assurance (de 4 %) à 2,5 % du revenu quand les chauffeurs travaillent en équipe, mais le comité des propriétaires-exploitants s’y est opposé. Mackie a alors décidé d’augmenter de 0,015 $ le mille le taux versé aux équipes de chauffeurs. M. Pomeroy soutient qu’il exploite sa propre entreprise. Il a commencé à conduire des camions pour Mackie comme propriétaire-exploitant en juin 1993, mais il est plutôt rare qu’il conduise maintenant. Il conduit seulement quand l’un de ses chauffeurs est malade ou en vacances, ce qui lui permet de vérifier l’état des camions. Il a conduit des camions une trentaine de fois entre les mois d’avril 1998 et 1999.

[191] M. Pomeroy prend part au processus de postulation de parcours instauré par Mackie, qui lui a ainsi attribué six parcours en fonction de son ancienneté. Son entreprise n’est pas inscrite pour l’instant au tableau d’affichage des offres de parcours de Mackie, mais elle y était avant que Mackie lance le dernier processus de postulation parce que le parcours qui lui avait été attribué n’était pas très occupé, ce qui lui permettait d’accepter d’autres trajets. M. Pomeroy paie les cotisations à la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail de ses employés. Il effectue aussi des retenues sur le salaire de ses chauffeurs au titre du RPC, des cotisations d’assurance-emploi et de l’impôt.

[192] Selon M. Pomeroy, tous les propriétaires-exploitants qui travaillent pour Mackie ont la possibilité d’obtenir plus de travail de la compagnie. À partir du moment où un propriétaire-exploitant a fait ses preuves, Mackie n’hésitera pas à lui attribuer des contrats supplémentaires. M. Pomeroy négocie le salaire et les conditions d’emploi de ses chauffeurs directement avec eux; il s’occupe aussi de leur recrutement et de leur supervision. Il paie les frais d’entretien de ses camions, le carburant et les autres frais d’utilisation. Mackie lui remet un relevé chaque mois.

[193] Les camions de M. Pomeroy sont munis du système de communication par satellite exigé par Mackie aux fins de l’exécution du contrat avec GM. Il appartient à M. Pomeroy de faire le nécessaire pour satisfaire aux exigences des clients dont il transporte les marchandises. C’est lui qui approuve les demandes de congé des chauffeurs, qui impose les mesures disciplinaires et qui licencie le personnel. Seule la raison sociale de Mackie est affichée sur les véhicules utilisés aux fins du contrat avec la compagnie; aucun autre nom, pas même le sien, n’est indiqué. Il établit lui-même le taux de salaire de ses chauffeurs sans ingérence de Mackie. Il utilise toutefois les feuilles de route que lui transmet Mackie pour calculer le salaire de ses chauffeurs. Il se rend aux bureaux de Mackie au moins deux fois par semaine pour régler des détails administratifs et pour s’assurer que tout va bien. Il participe, avec ses chauffeurs, aux séances de formation données par Mackie le dimanche, pour lesquels ils reçoivent 14,25 $ l’heure; M. Pomeroy paie lui-même ses chauffeurs, mais Mackie lui rembourse par la suite la totalité du montant versé pour assister au séances de formation.

[194] On a demandé à M. Pomeroy s’il connaissait d’autres courtiers qui fournissaient des camions à Mackie en vertu de contrats à peu près semblables et il a mentionné les noms de Murray Hammond, Bill Wellman, Bill Robinson; ils ne sont pas les seuls, mais il ne se rappelait pas le nom des autres. Étant donné que la requérante a demandé que M. Pomeroy et ses chauffeurs soient exclus de l’unité de négociation, que M. Pomeroy exerce un contrôle plus indépendant sur ses employés et que ses opérations, à l’instar de celles de M. Hammond, ne sont pas aussi dépendantes de Mackie que le sont celles des autres courtiers, le Conseil est d’avis que ces employés peuvent aussi être exclus de l’unité jugée habile à négocier collectivement.

[195] M. D. Hill est un courtier dont l’entreprise, D.A. Hill Trucking Ltd., fournit des services de transport d’automobiles pour Mackie par camion-fourgon. Il possède trois camions; deux sont utilisés aux fins du contrat avec Mackie, et le troisième pour un contrat avec une entreprise de la Nouvelle-Écosse. L’entreprise de M. Hill accepte aussi des contrats de déneigement. Elle emploie quatre chauffeurs à plein temps et deux à temps partiel. M. Hill n’a pas d’IUVU, mais il utilise celles des compagnies avec lesquelles il a un contrat. Il a signé avec Mackie le même type de contrat que les autres courtiers. Il conduit personnellement des camions pour Mackie et pour l’entreprise de la Nouvelle-Écosse. La répartition est faite par le service de répartition de Mackie à Oshawa au moyen du système de communication par satellite, mais il transporte aussi, pour le compte de Mackie, des voitures de marque Audi qu’il charge à Dartmouth (Nouvelle-Écosse) et qu’il livre ensuite à divers concessionnaires à la grandeur du Canada. Contrairement à plusieurs des autres chauffeurs, il utilise les camions servant à l’exécution du contrat avec Mackie pour effectuer du travail pour d’autres parties. M. Hill conduit des camions du lundi au vendredi et travaille en équipe avec un autre chauffeur. Il recrute ses propres chauffeurs, dont il négocie le salaire et les conditions d’emploi et il assure par la suite leur supervision. Il souscrit à l’assurance de Mackie pour les camions servant à l’exécution des contrats avec la compagnie parce que cela lui permet de réaliser des économies. Il possède sa propre assurance pour certains autres véhicules. Il paie lui-même ses frais d’utilisation, d’entretien et de carburant, ainsi que les permis et les plaques. Mackie ne fait aucune retenue au titre de l’impôt ou du RPC sur les montants qu’elle lui verse à l’intention de ses employés. Il peut refuser les voyages que Mackie lui propose et il l’a fait un certain nombre de fois. Il considère qu’il est un homme d’affaires indépendant.

[196] M. Hill recrute ses chauffeurs au moyen d’annonces dans les journaux ou par l’entremise de Développement des ressources humaines Canada; il leur fait passer un examen de conduite et vérifie leur permis ainsi que leur dossier de conducteur. Il leur donne la formation requise sur le transport des matières dangereuses. Les tests de dépistage de la consommation de drogues et d’alcool sont effectués par Mackie à laquelle il verse des honoraires. Il a signé le contrat avec Mackie dans le cadre d’une rencontre individuelle. Il a accepté le contrat qui lui a été présenté, sans proposer de modifications et il ne siège pas au comité des courtiers. Sa raison sociale et celle de Mackie sont affichées sur ses camions. Il se rend généralement en personne aux bureaux de Mackie pour régler les détails administratifs, mais il peut tout aussi bien le faire par la poste ou par messager. Ses chauffeurs sont inscrits sur la feuille de paie de sa compagnie. Ni lui ni ses chauffeurs n’ont assisté aux séances de formation données par Mackie le dimanche.

[197] M. Hill ne participe pas au processus de postulation de parcours; le travail lui est attribué par le service de répartition de Mackie au moyen du système de communication par satellite. Le parcours habituel consiste à prendre un chargement de voitures à Dartmouth et à les livrer ensuite à divers concessionnaires au Québec, en Ontario, et parfois même à Vancouver. Une fois les livraisons effectuées, l’unité est généralement chargée à nouveau pour le retour à Dartmouth. L’entreprise a une boîte aux lettres au nom de D.A. Hill Trucking Ltd. chez Mackie.

[198] Mackie fait des retenues au titre du carburant, des permis et de l’assurance sur le montant payable à M. Hill; elle l’obligerait à payer des frais d’assurance supplémentaires s’il utilisait son camion pour exécuter un contrat pour quelqu’un d’autre. M. Hill paie lui-même ses droits d’immatriculation et ses frais d’entretien. Il peut refuser les voyages que lui propose Mackie s’il n’est pas en mesure de les effectuer, s’il n’a pas de chauffeur, ou si le camion n’est pas disponible; il ne refusera pas un voyage pour la simple raison qu’il en a accepté un autre d’une autre compagnie. Il est payé de 1 $ à 1,10 $ le mille et reçoit en outre 15 $ pour chaque voiture transportée. Mackie s’attend à ce qu’il accepte des chargements pour le voyage de retour. Mackie utilise le système de communication par satellite pour l’aviser d’un chargement à ramener pour le compte, généralement, de concessionnaires ou de particuliers. Il peut refuser ce chargement s’il croit qu’il n’arrivera pas à temps pour ramasser les marchandises ou s’il craint d’endommager son véhicule. Il utilise les feuilles de route et les carnets de bord de Mackie et les lui remet par la suite. Mackie doit approuver les nouveaux chauffeurs, en conformité avec les modalités de l’annexe «C» du contrat. L’entrepôt de Mackie situé à Oshawa est le lieu de cueillette et de livraison des marchandises provenant de toutes les localités au Canada et aux États-Unis, et vice versa, car les clients viennent de partout.

[199] En contre-interrogatoire, M. Hill a précisé que, pour l’approvisionnement en carburant, il utilise les cartes émises par Mackie qui déduit ensuite les montants en cause des sommes qui lui sont versées chaque mois. Il n’a assisté qu’une seule fois à une séance de formation de Mackie, sur l’assujettissement des voitures dans les remorques, quand il a été embauché. Il reçoit du courrier, des notes de service et des directives de Mackie dans la boîte aux lettres que Mackie lui a attribuée à Oshawa. Il n’a jamais utilisé les remorques de Mackie pour transporter du fret. S’il utilisait les camions pour transporter des marchandises pour d’autres, Mackie exigerait un montant supplémentaire au titre de l’assurance. Il est précisé dans le contrat avec Mackie que ses tracteurs routiers doivent servir au transport de marchandises pour Mackie. Au nombre des retenues qui sont effectuées sur son salaire figurent un montant égal à 4 % de son revenu au titre de l’assurance fournie par Mackie, des versements mensuels pour l’utilisation de l’IUVU de Mackie et le carburant acheté aux pompes de Mackie. Si son véhicule tombe en panne, il a le droit de refuser d’effectuer des parcours pour Mackie jusqu’à ce que les réparations aient été effectuées. Il peut utiliser ses véhicules pour transporter des marchandises pour d’autres, à la condition de s’acquitter d’abord de ses obligations contractuelles envers Mackie, ou de faire résilier le contrat.

[200] À l’instar de MM. Hammond et Pomeroy, M. Hill et ses chauffeurs semblent être plus indépendants de Mackie. Même si le Conseil est d’avis que cela ne signifie pas nécessairement que M. Hill et ses employés ne devraient pas être considérés comme des employés de Mackie, il est manifeste que leur communauté d’intérêts est suffisamment différente pour justifier leur exclusion de l’unité de négociation.

3. Les chauffeurs employés par les courtiers

[201] Outre le témoignage des courtiers qui emploient des chauffeurs, lequel est résumé dans la partie 2 qui précède, le Conseil a entendu celui de Mme Catherine Black concernant son emploi par des courtiers. Mme Black a travaillé pour Mackie à titre de chauffeur d’agence de même qu’à titre d’employée de deux courtiers, MM. Brian Snell et Murray Hammond. Mme Black a précisé que, pendant sa période d’emploi pour Murray Hammond, c’est le service de répartition de Mackie qui l’avisait des heures de ramassage et de livraison pour GM. Même si ces délais sont établis par GM, ils sont communiqués aux chauffeurs par Mackie. L’entreprise contrôlait également ses conditions de travail, ses itinéraires et ses heures de travail; les documents qu’elle remplissait étaient destinés à Mackie. Elle a reçu une lettre disciplinaire de Cal Murray de chez Mackie pour des erreurs commises par un chauffeur qui l’avait remplacée une fois. Murray Hammond l’avait alors informée que le superviseur des opérations de fret de Mackie, Marcel Bélanger, lui avait donné instruction de la licencier. Elle a ultérieurement reçu des offres pour conduire des camions pour le compte de Mackie de quatre courtiers à qui Marcel Bélanger avait aussi donné instruction de ne pas l’embaucher. Même si des témoins ont mis en doute certains aspects du témoignage de Mme Black, ainsi qu’il a été mentionné précédemment, les faits présentés ci-dessus n’ont pas été contestés.

[202] Dans le cadre de sa plaidoirie, l’avocat des Teamsters a soutenu que la définition d’entrepreneur dépendant énoncée dans le Code correspond à la situation des courtiers. Il a affirmé que le Conseil devait s’appuyer sur la décision rendue dans l’affaire Brookville Transport Limited (1991), 84 di 146; et 15 CLRBR (2d) 128 (CCRT no 856), car c’est le précédent le plus récent et le plus utile qui traite de l’application des dispositions pertinentes du Code. Il a soutenu que les politiques et procédures de Mackie s’appliquent aux courtiers dépendants et qu’ils ne peuvent s’y soustraire. Les chauffeurs doivent d’abord être évalués et acceptés par Mackie. Les contrats peuvent être résiliés avec 30 jours de préavis. Les courtiers sont obligés de participer à des séances de formation et ils ne travaillent pas pour d’autres entreprises.

[203] L’avocat de la requérante a admis qu’un certain nombre de courtiers, indépendamment constitués en société, comme M. Pomeroy, qui embauchent des chauffeurs pour conduire leurs camions sont des entrepreneurs indépendants, non des employés, et qu’ils ne devraient pas être inclus dans l’unité de négociation. Il a admis que les chauffeurs de M. Pomeroy devaient aussi être exclus de cette unité de négociation, de même que M. Hammond, qui ne conduit pas ses véhicules. Par contre, les employés de M. Hammond qui conduisent des camions pour Mackie devraient être inclus dans l’unité de négociation.

[204] Compte tenu de la preuve qui a été soumise au Conseil, il semble que tous les courtiers qui n’ont pas de contrat avec d’autres compagnies ou qui n’ont pas de réelle possibilité de décrocher des contrats avec d’autres compagnies soient placés sous la dépendance économique de Mackie. Il est ressorti des témoignages que les courtiers recherchent une relation durable. La plupart d’entre eux travaillent à plein temps pour Mackie et ils ne pourraient assurément pas offrir leurs services à d’autres, à moins d’aviser Mackie de leur non-disponibilité, ce qui leur causerait des problèmes à long terme car ils sont obligés, en vertu de leur contrat, d’effectuer les parcours qu’ils ont obtenus dans le cadre du système de postulation. En général, ces courtiers n’acceptent pas de contrat d’autres entreprises. M. Charles Waterville, par exemple, a mentionné qu’il avait essayé, pendant un certain temps, d’utiliser son camion les fins de semaine, mais l’expérience s’était soldée par un échec. De façon générale, les courtiers forment un groupe habile à négocier collectivement car il existe déjà un comité de courtiers qui a fait des tentatives en ce sens et que la relation est propice à la négociation collective.

[205] L’avocate des propriétaires-exploitants (Me Marcotte) qui ont qualité de tierces parties a soutenu que, pour appliquer la définition du terme «employé» qui est énoncée dans le Code et qui englobe les «entrepreneurs dépendants», il est nécessaire d’insister sur l’existence d’un élément de dépendance économique. Elle a soutenu que le contrôle exercé par Mackie n’est pas suffisant pour conclure que la compagnie de transport est l’employeur des chauffeurs-courtiers et qu’en raison du fait que Murray Hammond a témoigné qu’il dirige les chauffeurs qui travaillent pour lui, le Conseil devrait conclure qu’il est l’employeur de ces chauffeurs. Me Marcotte a affirmé que le contrat est rédigé de manière à satisfaire aux exigences des clients et des lois applicables et qu’il ne représente pas une forme de contrôle de la part de Mackie. Elle a insisté sur le fait que les courtiers sont propriétaires de leurs éléments d’actif. Subsidiairement, a-t-elle soutenu, s’ils sont des entrepreneurs dépendants, leur communauté d’intérêts est suffisamment différente de celle des autres chauffeurs pour qu’ils constituent une unité de négociation distincte.

[206] Selon l’avocat de Mackie, les courtiers prennent des décisions indépendantes en ce qui concerne l’utilisation de leurs éléments d’actif, le volume de travail qu’ils sont disposés à accepter et le revenu qu’ils souhaitent tirer de leurs activités. Les courtiers de Mackie sont plus indépendants que ceux dont il est question dans l’affaire Brookville Transport Limited, précitée, qui étaient devenus des subalternes engagés à long terme après la signature du contrat. Me Michael Horan, l’avocat de deux des entrepreneurs indépendants, a invoqué un argument semblable lorsqu’il a affirmé que les courtiers n’étaient pas placés sous la dépendance économique de Mackie.

[207] L’avocat de Mackie a également affirmé qu’il existe aussi un élément de dépendance économique dans le libellé de l’alinéa a) de la définition d’ «entrepreneur dépendant» énoncée dans le Code. L’avocat a soutenu que c’est l’absence de choix qui rend les particuliers visés par la disposition économiquement dépendants.

[208] Eu égard à la définition du terme «employeur» qui se trouve dans le Code, il n’a pas été établi au moyen du critère applicable que les chauffeurs des propriétaires-exploitants sont des employés de Mackie. Pour trancher la question, il est nécessaire de déterminer qui embauche ces chauffeurs, qui les contrôle, et qui négocie et établit leur salaire. Mackie ne s’immisce d’aucune manière dans la relation entre les courtiers et leurs chauffeurs puisque, dans les faits, les conditions de travail sont établies par les gouvernements et par GM, non par Mackie.

[209] Dans le cadre de son plaidoyer final, l’avocat de la requérante a soutenu que, en raison du libellé de l’alinéa a) de la définition d’«entrepreneur dépendant» énoncée dans le Code, il n’est pas nécessaire de poursuivre l’investigation en ce qui concerne le secteur du transport routier. Il suffit d’appliquer les critères énoncés dans la définition; s’ils sont présents, il va de soi qu’il existe un élément de dépendance économique.

[210] Concernant les courtiers du Québec, l’avocat des Teamsters a soutenu qu’ils étaient différents des courtiers du groupe «A» de la division des AM qui reçoivent leurs instructions du service de répartition de NAVL situé à Fort Wayne, Indiana, parce qu’ils reçoivent leurs instructions du service de répartition d’Oshawa, qui assure aussi leur supervision, et qu’ils se rendent régulièrement aux bureaux de Mackie à Oshawa. Même si la requérante demande l’exclusion des courtiers qui ne proviennent pas de l’Ontario, les courtiers du Québec font exception et devraient être inclus dans l’unité de négociation parce que la définition du travail fait «à partir de l’Ontario» s’applique à eux.

[211] Pour ce qui est de la prétention selon laquelle les courtiers sont des entrepreneurs indépendants parce qu’ils peuvent effectuer des choix, l’avocat de la requérante a affirmé qu’ils n’ont pas véritablement ce loisir en ce qui concerne l’assurance, le système de communication par satellite, les clients, le mode de fonctionnement quotidien et que certaines des clauses contractuelles n’ont rien à voir avec les exigences de GM ou des lois applicables. Par exemple, il n’existe aucune preuve que GM est à l’origine de la mesure disciplinaire qui a été imposée pour un troisième incident d’endommagement du matériel. L’avocat a demandé au Conseil d’appliquer la définition du Code et l’interprétation préconisée dans l’affaire Brookville Transport Limited, précitée.

[212] Il convient en premier lieu de se pencher sur les dispositions applicables du Code, à savoir les définitions des termes «employé», «employeur» et «entrepreneur dépendant» énoncées à l’article 3.

3.(1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

...

«entrepreneur dépendant» Selon le cas:

a) le propriétaire, l’acheteur ou le locataire d’un véhicule destiné au transport, sauf par voie ferrée, du bétail, de liquides ou de tous autres produits ou marchandises qui est partie à un contrat, verbal ou écrit, aux termes duquel:

(i) il est tenu de fournir le véhicule servant à son exécution et de s’en servir dans les conditions qui y sont prévues,

(ii) il a droit de garder pour son usage personnel le montant qui lui reste une fois déduits ses frais sur la somme qui lui est versée pour son exécution;

b) le pêcheur qui a droit, dans le cadre d’une entente à laquelle il est partie, à un pourcentage ou à une fraction du produit d’exploitation d’une entreprise commune de pêche à laquelle il participe;

c) la personne qui exécute, qu’elle soit employée ou non en vertu d’un contrat de travail, un ouvrage ou des services pour le compte d’une autre personne selon des modalités telles qu’elle est placée sous la dépendance économique de cette dernière et dans l’obligation d’accomplir des tâches pour elle.

...

«employé» Personne travaillant pour un employeur; y sont assimilés les entrepreneurs dépendants et les agents de police privés. Sont exclus du champ d’application de la présente définition les personnes occupant un poste de direction ou un poste de confiance comportant l’accès à des renseignements confidentiels en matière de relations du travail.

«employeur» Quiconque:

a) emploie un ou plusieurs employés;

b) dans le cas d’un entrepreneur dépendant, a avec celui-ci des liens tels, selon le Conseil, que les modalités de l’entente aux termes de laquelle celui-ci lui fournit ses services pourrait faire l’objet d’une négociation collective.

[213] Un certain nombre de précédents ont été fournis au Conseil dans le but de l’aider à interpréter et à appliquer ces dispositions, mais il n’est pas nécessaire de tous les mentionner ici. Certaines décisions récentes de l’ancien Conseil canadien des relations du travail portent expressément sur la notion d’entrepreneur dépendant et son application aux courtiers ou aux propriétaires-exploitants du secteur du transport routier ainsi que sur l’interprétation et l’application des dispositions particulières. Les décisions les plus récentes et les plus pertinentes sont celles qui ont été rendues dans les affaires Brookville Transport Limited, précitée; et Transport Damaco International Ltée (1991), 84 di 84; et 92 CLLC 16,055 (CCRT no 853). Il convient aussi d’inclure une décision récente de l’actuel Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) dans laquelle ces mêmes dispositions sont examinées. Dans l’affaire Maritime-Ontario, Parcel Division, [2000] CCRI no 100, l’actuel Conseil a fait observer ce qui suit:

[50] Ayant examiné de près cette disposition, le Conseil note que, comme le soutient la requérante, les personnes en cause étaient tenues, par un contrat écrit, de fournir le véhicule servant à l’exécution du contrat et à s’en servir dans les conditions qui y étaient prévues.

[51] Si on analyse le contrat en tenant compte de l’ensemble de la preuve, on constate que les personnes en cause ont le droit de conserver de temps à autre pour leur usage personnel le montant qui leur reste une fois le coût de la prestation de leurs services déduit du montant qui leur a été versé. Ces conditions étant remplies, il est manifeste que les personnes en cause doivent être considérées comme des entrepreneurs dépendants au sens du Code, quelle que soit la manière dont elles sont qualifiées dans le contrat pertinent. Comme il est précisé dans l’affaire Brookville Transport Limited (1991), 84 di 146; et 15 CLRBR (2d) 128 (CCRT no 856):

«Lorsque ces critères sont respectés, l’entrepreneur fait l’objet d’une présomption prima facie de dépendance économique et, par conséquent, de son statut d’entrepreneur dépendant.

(pages 155; et 136)»

[52] En outre, le Conseil précise qu’il a examiné attentivement les observations de l’employeur et du syndicat soumises pour le compte des employés pertinents quant aux circonstances et aux conditions dans lesquelles ils accomplissaient leurs tâches. Selon l’expérience du Conseil, les particuliers qui conduisent des véhicules pour livrer ou expédier des marchandises exclusivement ou presque exclusivement pour le compte d’un seul expéditeur, dans des conditions clairement définies, comme c’est le cas en l’espèce, deviennent très souvent dépendants, dans les faits, de ces ententes contractuelles et commerciales. Dans les circonstances de l’affaire qui nous occupe, cette possibilité est confirmée par la preuve que l’agent négociateur a soumise pour le compte d’une grande partie des membres de l’unité de négociation pertinente, laquelle preuve indique qu’ils sont bel et bien devenus dépendants de l’employeur dans toutes les circonstances.

[53] Même si les employés en cause n’avaient pas satisfait à tous les critères de la définition d’«entrepreneur dépendant» énoncée à l’alinéa a) de la disposition pertinente reproduite précédemment, compte tenu de cet élément de preuve et de la totalité des clauses du contrat reproduit dans les présents motifs, dont les clauses de non-sollicitation et de non-concurrence, le Conseil, s’appuyant sur son expérience et sur l’ensemble de la preuve, en serait venu à la conclusion que ces personnes étaient dans les faits en situation de dépendance économique et avaient l’obligation d’exécuter des tâches pour Maritime-Ontario et qu’ils étaient visés par la définition d’«entrepreneur dépendant» énoncée à l’alinéa c) de la disposition pertinente.

(pages 22-23)

[214] Dans l’affaire Brookville Transport Limited, précitée, un banc du CCRT a retracé l’évolution du régime législatif fédéral en ce qui concerne la notion de dépendance des entrepreneurs et a souscrit aux conclusions antérieures du CCRT selon lesquelles les critères de contrôle traditionnellement appliqués en common law pour établir l’existence d’une relation employeur-employé n’étaient plus d’une grande utilité pour trancher la question vu que, dans les cas où les critères énoncés en l’espèce sont présents, la définition d’entrepreneur dépendant énoncée dans le Code établit de prime abord une présomption de dépendance économique et confère par voie de conséquence le statut d’«entrepreneur dépendant» et, partant, d’«employé», à moins que soit produite une preuve du contraire.

[215] Dans l’affaire Transport Damaco International Ltée, précitée, le Conseil a exprimé un point de vue en tous points semblable. Au sujet du critère composé de quatre parties intégrantes énoncée par Lord Wright dans l’arrêt Montreal v. Montreal Locomotive Works Ltd. et al., [1947] 1 D.L.R. 161 (C.P.), le Conseil a déclaré ce qui suit:

Le présent Conseil a déjà écrit que les dispositions du Code qu’il doit interpréter et appliquer lui confèrent des obligations et des pouvoirs qui dépassent ce test de droit commun.

(pages 116; et 14,444)

[216] Cependant, dans l’affaire Transport Damaco International Ltée, précitée, le Conseil a conclu que les chauffeurs en cause ne satisfaisaient pas aux critères établis pour être considérés comme des entrepreneurs indépendants.

[217] Si, dans l’affaire Brookville Transport Limited, précitée, le Conseil s’est limité à conclure que les propriétaires-exploitants satisfaisaient aux critères de la définition d’«entrepreneur dépendant» énoncée dans le Code, dans l’affaire Transport Damaco International Ltée, précitée, le Conseil a procédé à une analyse détaillée des conditions de travail des propriétaires-exploitants et en est arrivé à la conclusion qu’ils étaient des entrepreneurs dépendants.

[218] En l’espèce, l’employeur a soutenu que l’analyse effectuée par le Conseil dans l’affaire Brookville Transport Limited, précitée, n’était pas fondée et qu’il n’existait aucune présomption de dépendance économique dans la définition d’«entrepreneur dépendant» énoncée dans le Code. Le Conseil rejette cette prétention. Il suffit qu’il soit satisfait à tous les critères au moment où la définition du Code est appliquée pour qu’existe une présomption de dépendance économique. En outre, même s’il n’est pas appelé à trancher la question en l’espèce, le Conseil fait observer que nulle obligation de dépendance économique ne semble se dégager des dispositions du Code lorsqu’elles sont lues et appliquées en tenant compte du contexte dans lequel elles s’inscrivent, dans les cas où un particulier satisfait aux critères énoncés et qu’il se trouve ainsi à être compris dans la définition énoncée à l’alinéa a).

[219] En l’espèce, en ce qui concerne les courtiers-chauffeurs ayant conclu un contrat directement avec Mackie qui conduisent eux-mêmes les camions et n’emploient pas d’autres chauffeurs, le Conseil est convaincu, en s’appuyant sur l’ensemble de la preuve, que tous les critères énoncés dans le libellé des alinéa a) et c) de la définition du Code, dont la situation de dépendance économique, sont présents. Les propriétaires des véhicules (les courtiers) sont partie à un contrat écrit; ils sont tenus, en vertu de ce contrat, de fournir le véhicule pour transporter des marchandises dans les conditions qui y sont prévues; et ils conservent le montant qui leur reste après que Mackie a déduit le montant qu’il a le droit de déduire en vertu du contrat. En outre, les faits révèlent que tous les particuliers, sans exception, qui possèdent leur propre véhicule et qui conduisent pour Mackie sont placés sous la dépendance économique de Mackie, dont ils tirent tous leurs revenus.

[220] Plus particulièrement, les faits révèlent ce qui suit:

  • les courtiers sont partie à des contrats identiques ou presque identiques imposés par Mackie; il n’y a pas de négociation individuelle et les quelques négociations «collectives» qui se sont déroulées sous l’égide du comité des courtiers ont abouti à un contrat que Mackie a imposé aux divers courtiers, à toutes fins utiles;
  • les remorques que transportent les courtiers appartiennent à Mackie, de même que le système de communication par satellite qu’ils sont obligés d’installer et d’utiliser; les courtiers doivent payer un droit d’utilisation de ce système de communication (article 25 du contrat);
  • de façon générale, les courtiers utilisent l’IUVU et l’assurance de flotte de Mackie dont ils lui remboursent le coût. L’employeur a tenté de convaincre le Conseil que ces éléments étaient optionnels, mais les faits démontrent qu’il s’agit bien d’une exigence de Mackie (articles 28 et 31 du contrat);
  • les plaques d’immatriculation apposées sur les tracteurs routiers des courtiers appartiennent généralement à Mackie car elles doivent être inscrites au même nom que les IUVU;
  • les courtiers doivent rembourser les droits d’immatriculation à Mackie;
  • le système de postulation est fondé sur l’ancienneté dans l’entreprise de Mackie, plutôt que sur la concurrence (article 34 du contrat);
  • les courtiers peuvent demander d’être inscrits au tableau d’affichage de Mackie s’ils n’ont pas obtenu de parcours dans le cadre du processus de postulation;
  • l’employeur a tenté de convaincre le Conseil que les courtiers étaient libres d’accepter des contrats pour d’autres compagnies, mais les faits indiquent qu’ils travaillent exclusivement pour Mackie, qui est leur unique source de revenu; l’employeur a été incapable de prouver le contraire; durant la grève chez GM où les courtiers ont exécuté des contrats pour d’autres compagnies, c’est Mackie qui, dans la plupart des cas, leur a déniché ces contrats et qui les a rémunérés pour le travail exécuté;
  • les courtiers sont tenus d’afficher la raison sociale de Mackie sur leur tracteur routier (article 23 du contrat);
  • les courtiers sont obligés d’assister à une séance de formation donnée par Mackie, qui les rémunère à cette fin (article 24 du contrat);
  • les courtiers reçoivent leurs instructions de Mackie; ils doivent demeurer en communication avec Mackie, et leurs délais de livraison, leur kilométrage et, souvent même, leurs heures de travail et leur salaire sont déterminés par Mackie;
  • les courtiers peuvent trouver eux-mêmes des chargements à rapporter si le service de répartition de Mackie est incapable de le faire, mais ils touchent seulement une prime de 50 $, le reste de l’argent allant à Mackie;
  • les courtiers sont généralement assujettis aux mêmes règles, règlements et directives que les chauffeurs salariés de Mackie et les chauffeurs d’agence;
  • Mackie effectue une présélection des courtiers et leur fait subir des examens avant de leur attribuer un contrat (annexe «C» du contrat);
  • les courtiers peuvent faire l’objet de mesures disciplinaires progressives allant jusqu’à la résiliation du contrat (article 20 du contrat);
  • les courtiers n’ont pas le droit d’établir leur propre itinéraire et sont rémunérés seulement pour un nombre prédéterminé de kilomètres établi par Mackie;
  • un certain nombre de courtiers sont obligés de porter les uniformes de Mackie, les autres sont encouragés à en faire autant;
  • les courtiers sont tenus d’utiliser les formulaires de Mackie et de soumettre tous les documents à Mackie;
  • l’article 4 du contrat prévoit que le courtier qui offre ses services à une autre entreprise (même si la preuve soumise au Conseil a établi qu’il n’en était rien) doit remettre à Mackie le revenu tiré de cette activité; le même article oblige les courtiers à obéir à toutes les directives raisonnables données par Mackie;
  • l’article 17 oblige les courtiers à commencer leur journée de travail à heure fixe, à aviser la compagnie s’ils ne peuvent se présenter au travail, à demeurer en communication avec le service de répartition de Mackie, et à ne jamais retourner à l’entrepôt avant d’avoir d’abord avisé le service de répartition;
  • l’article 21 oblige les courtiers à garder leur véhicule en bon état et à le faire inspecter par la compagnie;
  • les courtiers ont le droit de recevoir des primes de sécurité et de rendement payées par Mackie (articles 32 et 35);
  • dans le cadre de son témoignage, M. Meagher a affirmé que les courtiers ne peuvent raisonnablement pas s’attendre à ce que GM et les fournisseurs principaux de services de logistique concluent directement des contrats avec chacun d’eux.

[221] Tous les faits décrits ci-dessus démontrent clairement que les courtiers sont non seulement placés sous la dépendance économique de Mackie, mais aussi qu’ils sont directement contrôlés par la compagnie dans l’exécution quotidienne de leurs tâches. Le Conseil en arrive à la conclusion que les courtiers ayant conclu un contrat directement avec Mackie qui travaillent de façon continue pour la seule entreprise de Mackie et qui n’emploient pas d’autres chauffeurs sont des employés de Mackie et qu’ils ont le droit de négocier collectivement à titre d’entrepreneurs dépendants en vertu des dispositions du Code.

[222] Il existe deux autres groupes de courtiers; certains d’entre eux conduisent des camions pour des courtiers qui travaillent aussi exclusivement pour Mackie. Les autres conduisent des camions pour des courtiers qui ont à tout le moins deux sources de revenu.

[223] En ce qui concerne M. Pomeroy et les autres courtiers qui ne conduisent pas eux-mêmes les camions, le syndicat requérant a indiqué qu’il ne souhaitait pas les inclure dans l’unité de négociation parce qu’il considère que ce sont des gens d’affaires, non des employés. La preuve soumise au Conseil confirme cet état de fait, et le Conseil conclut que ces personnes ne sont pas des employées de Mackie. De façon générale, elles ne conduisent pas de camions exclusivement pour Mackie de manière régulière.

[224] Le fait qu’il leur arrive de prendre la place de leurs chauffeurs lorsque ces derniers ne sont pas disponibles ne leur confère pas le statut d’employés. La preuve a établi que ces courtiers sont au nombre de trois, MM. Murray Hammond, Art Pomeroy et D. Hill. Ils fournissent des tracteurs routiers et des chauffeurs non seulement à Mackie, mais aussi à d’autres compagnies, Verspeeten dans le cas de M. Pomeroy, Bartlett et Sunoco dans le cas de M. Hammond, et Trimack dans le cas de M. Hill. Par conséquent, on ne peut dire qu’ils sont placés sous la dépendance économique de Mackie au même titre que ceux qui tirent leur revenu exclusivement des contrats exécutés pour Mackie, parce que cette relation contractuelle est seulement l’une de leurs sources de revenu. La preuve a établi que MM. Pomeroy, Hammond et Hill emploient aussi des chauffeurs, dont certains travaillent pour Mackie.

[225] Il y a également un certain nombre de courtiers dont la situation est différente de celle de MM. Hammond, Hill et Pomeroy et de leurs chauffeurs. Ces courtiers emploient des chauffeurs, mais ils conduisent aussi des camions à plein temps pour Mackie qui est leur unique source de revenu. Un certain nombre de ces personnes, en fait la quasi totalité d’entre elles, sont visées par le libellé de l’alinéa a) de la définition d’«entrepreneur dépendant». De l’avis du Conseil, l’analyse se rapportant aux courtiers sans chauffeur qui est présentée ci-dessus s’applique aussi à eux. En plus d’être visés par le libellé de l’alinéa a) de la définition d’«entrepreneur dépendant» énoncée dans le Code, ces courtiers sont aussi placés sous la dépendance économique de Mackie dans les faits et sont assujettis à tous les éléments du contrôle quotidien exercé par Mackie qui sont énumérés précédemment. Le Conseil en arrive à la conclusion que tous les courtiers qui tirent la totalité de leurs revenus des contrats conclus avec Mackie sont des employés de Mackie et qu’ils ont droit de négocier collectivement en vertu du Code. Compte tenu du témoignage de M. Fortin, les chauffeurs du Québec sont visés par le libellé de l’alinéa a) de la définition. Selon la preuve soumise, ils sont tous placés sous la dépendance économique de Mackie. En plus, leur niveau d’indépendance et le caractère distinctif de leurs opérations ne sont pas suffisants pour justifier leur exclusion. En conséquence, ils sont inclus dans l’unité de négociation.

[226] En ce qui concerne les chauffeurs des courtiers qui ne sont pas placés de manière aussi évidente sous la dépendance économique de Mackie, comme MM. Pomeroy, Hammond et Hill, le Conseil se fonde sur les observations formulées par le Conseil canadien des relations du travail dans l’affaire Brookville Transport Limited, précitée:

Passons maintenant aux chauffeurs des propriétaires-exploitants. Nous ne voyons aucune raison valable de les traiter différemment des propriétaires-exploitants eux-mêmes pour l’application de la Partie I du Code. Leur dépendance économique vis-à-vis de Brookville est certainement tout aussi claire que celle de ces derniers. Ils conduisent des véhicules loués à contrat à Brookville pour le compte de Brookville et au nom de Brookville, tout comme les propriétaires-exploitants. La seule différence, c’est bien entendu qu’ils ne sont pas directement parties au contrat et qu’ils ne fournissent pas les véhicules qu’ils conduisent. Ils n’en demeurent pas moins un élément intégral des activités de Brookville. Une fois que Brookville les a autorisés à conduire en son nom, ils sont tenus de conduire les camions et de transporter les marchandises des clients de Brookville selon des modalités précisées dans les contrats des propriétaires-exploitants ainsi que dans les nombreuses directives que Brookville distribue périodiquement sous forme de notes de service. C’est manifestement avec Brookville que ces chauffeurs devraient négocier leurs conditions de travail. Les propriétaires-exploitants qui les embaucheraient n’ont à peu près rien à voir avec eux une fois qu’on leur a confié un véhicule. Sauf pour déclarer leur kilométrage et quelques autres données du genre, c’est en fait avec Brookville que les chauffeurs des propriétaires-exploitants traitent quotidiennement.

Même avant que le législateur ajoute les dispositions susmentionnées au Code en 1984, le Conseil avait décidé dans plus d’une affaire que les chauffeurs des propriétaires-exploitants étaient en fait des employés de l’entreprise de camionnage à laquelle ils fournissaient des services à contrat. (Voir K.J.R. Associates Ltd. (1979), 36 di 36; et [1979] 2 Can LRBR 445 (CCRT no 193); et Mercury Tanklines Limited (1984), 55 di 99 (CCRT no 453).) Toutefois, dans ces décisions, qui ont toutes deux précédé les modifications de 1984, un point n’était pas encore tout à fait clair. Il s’agissait de savoir si les chauffeurs des propriétaires-exploitants devaient être considérés comme des employés des entreprises de camionnage au sens classique du terme. Il n’est plus nécessaire de chercher à répondre à cette question, puisque, grâce aux pouvoirs accrus dont il a été investi en 1984 à l’égard des entrepreneurs dépendants, le Conseil peut manifestement juger que les chauffeurs des propriétaires-exploitants sont des entrepreneurs dépendants et, par conséquent, des employés aux fins de la négociation collective. En effet, l’alinéa c) de la définition, que nous répétons pour insister sur ce point,

«c) la personne qui exécute, qu’elle soit employée ou non en vertu d’un contrat de travail, un ouvrage ou des services pour le compte d’une autre personne selon des modalités telles qu’elle est placée sous la dépendance économique de cette dernière et dans l’obligation d’accomplir des tâches pour elle.

(c’est nous qui soulignons)»

précise bien qu’il n’est pas nécessaire qu’une personne soit propriétaire, acheteur ou locataire d’un véhicule ou qu’elle soit partie à un contrat de travail pour être réputée être un entrepreneur dépendant. Il suffit que la personne exécute un travail ou des services pour une autre personne selon des modalités telles qu’elle dépende économiquement de celle-ci et qu’elle soit obligée de faire ce travail ou d’assurer ces services pour celle-ci. Dans la présente affaire, la situation des chauffeurs des propriétaires-exploitants est presque identique à celle de ces derniers, de sorte qu’ils doivent indubitablement être rangés dans la même catégorie. Nous concluons donc qu’ils sont eux aussi des entrepreneurs dépendants et, par conséquent, des employés de Brookville au sens de la Partie I du Code.

(pages 156-157; et 137-138)

[227] Ces employés sont inclus dans le champ d’application de la définition d’«entrepreneur dépendant»; qui plus est, leur situation est analogue à celle des chauffeurs d’agence, sur laquelle le Conseil s’est penché un peu plus tôt en l’espèce. Le Conseil conclut donc que seuls les chauffeurs de ces courtiers qui conduisent en fait des camions pour Mackie sont des employés de Mackie.

[228] Il reste cependant une dernière question à trancher en l’instance. La requérante demande aussi que tous les chauffeurs de M. Pomeroy soient exclus de l’unité de négociation au motif que leur situation est différente de celle des autres courtiers. Elle fait valoir que ces chauffeurs travaillent pour des courtiers qui ne sont pas aussi dépendants économiquement des contrats attribués par Mackie que le sont ceux qui travaillent exclusivement ou presque exclusivement pour Mackie, et que cette dernière n’exerce pas un contrôle aussi direct sur leurs conditions de travail. Le Conseil a obtenu la preuve que MM. Pomeroy, D. Hill et Hammond tirent une bonne partie de leurs revenus de contrats avec d’autres employeurs; leurs chauffeurs se trouveraient ainsi à travailler pour des entreprises qui sont moins directement placées sous la dépendance économique totale de Mackie. La preuve a aussi révélé que Mackie contrôle moins directement le travail de leurs chauffeurs. Étant donné que la requérante a demandé que les chauffeurs de M. Pomeroy soient exclus de l’unité de négociation, le Conseil est d’avis que les chauffeurs travaillant pour MM. Hammond et Hill, qui entrent toutefois dans la catégorie des employés selon les critères applicables, ont une communauté d’intérêts quelque peu différente et qu’ils devraient par conséquent être exclus de l’unité jugée habile à négocier collectivement.

[229] Relativement à la question de la définition de l’unité de négociation, la requérante a également indiqué, dans le cadre de sa plaidoirie, qu’elle ne souhaitait pas inclure les courtiers affectés à la division des AM qui exécutent des contrats pour le compte de Mackie sous la bannière de North American Van Lines. Cette demande n’a pas été contestée par l’employeur. La requérante a présenté des arguments semblables concernant la division du transport des automobiles de Mackie dans les provinces Maritimes. Les deux groupes d’employés en cause ne reçoivent pas leurs instructions d’Oshawa, et ils ont rarement de contacts avec les autres chauffeurs de Mackie. Pour ces raisons notamment, ces employés ne sont pas inclus dans l’unité jugée habile à négocier collectivement en l’espèce.

[230] Le Conseil attire aussi l’attention sur le fait qu’il a reçu trois séries d’observations, datées du 22 septembre, du 6 octobre et 23 octobre 2000, de l’employeur après l’audience. Il y est question d’éléments de preuve additionnels que l’employeur voudrait soumettre au Conseil concernant des négociations avec l’Association nationale des camionneurs auxquelles certains des courtiers inclus dans l’unité de négociation proposée ont participé. L’employeur soutient que ces éléments de preuve montreraient que les particuliers concernés sont bien des entrepreneurs indépendants et qu’ils ne sont pas assujettis aux dispositions du Code canadien du travail.

[231] Le Conseil a examiné attentivement ces observations et en est arrivé à la conclusion qu’il n’était pas nécessaire de tenir une nouvelle audience. Après avoir situé ces observations dans le contexte des dispositions pertinentes du Code et avoir examiné à fond la preuve qui lui a déjà été soumise ainsi que le contexte des relations du travail, le Conseil a conclu que la preuve que l’employeur cherche à produire ne présente qu’un intérêt accessoire par rapport aux éléments de preuve décrits en l’espèce sur lesquels la présente décision est fondée.

[232] En conséquence, le Conseil statue que l’unité de négociation habile à négocier collectivement est la suivante:

tous les employés de Mackie Moving Systems Corporation, qui travaillent à partir des provinces de Québec et d’Ontario, incluant ses chauffeurs, les chauffeurs au service de Mackie qui sont embauchés bar le biais d’agences de placement et desquels Mackie exerce le contrôle essentiel, les propriétaires-exploitants et courtiers, les chauffeurs des propriétaires-exploitants et des courtiers qui assurent des services de transport seulement auprès de Mackie, à l’exclusion des employés affectés à la division du contrat de Pitney Bowes, des chauffeurs affectés au contrat de Lear Seating, embauchés par Mackie par le biais de Adams Services, des courtiers et leurs chauffeurs qui sont dans un contexte ou dont les activités sont jugées, par le Conseil, plus discrets et qui ne partagent pas complètement la même communauté d’intérêts que les employés de l’unité de négotiation, des employés de Auto Hauling Maritimes, des employés affectés à la Division Household Goods «A» (transport extra-provincial), et aussi à l’exclusion des répartiteurs, des employés de bureau et des ventes, des superviseurs, et de ceux de rang supérieur.

[233] La section locale 938 des Teamsters est accréditée à titre d’agent négociateur de l’unité jugée habile à négocier collectivement. Compte tenu de la complexité des faits et des questions soulevées en l’espèce, le Conseil demeure expressément saisi de la présente affaire.

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