Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Alexiss Rusnak,

requérante,

et

Affaires mondiales Canada,

intimé.

Le banc du Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) était composé de Me Ginette Brazeau, Présidente, siégeant seule en vertu du paragraphe 14(3) du Code canadien du travail (le Code).

Représentants des parties au dossier

Mme Alexiss Rusnak, en son propre nom;

Me Caroline Engmann, pour Affaires mondiales Canada.

[1] L’article 16.1 du Code prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour trancher la présente plainte sans tenir d’audience.

I. Nature de la demande et contexte

[2] Mme Alexiss Rusnak (la requérante) a présenté une demande de réexamen le 11 septembre 2020. Elle demande au Conseil de réexaminer le refus opposé par le greffier de traiter une plainte pour représailles liée à la santé et à la sécurité, qu’elle a déposée en août 2020 en vertu de la partie II (Santé et sécurité au travail) du Code.

[3] Afin de bien comprendre l’affaire, le Conseil doit résumer brièvement les événements qui ont mené à la présente demande. Le Conseil souligne par ailleurs que la partie II du Code a été modifiée le 1er janvier 2021 par la substitution du terme « chef » (chef de la conformité et de l’application) au terme « ministre » (ministre du Travail). Étant donné que les faits de la présente affaire se sont produits avant l’entrée en vigueur de ces changements, le Conseil emploiera la terminologie qui était en usage avant le 1er janvier 2021.

[4] Le 5 novembre 2019, Mme Rusnak a exercé un refus de travailler en vertu du paragraphe 128(1) du Code, dans le cadre de ses fonctions à Affaires mondiales Canada. L’affaire a été transmise au Programme du travail d’Emploi et Développement social Canada, et un délégué officiel de la ministre (le délégué de la ministre) a mené une enquête sur le refus de travailler.

[5] Le 22 janvier 2020, le délégué de la ministre a communiqué une décision dans laquelle il concluait qu’il n’y avait pas de danger et que Mme Rusnak ne pouvait donc maintenir son refus de travailler. Le 28 janvier 2020, Mme Rusnak a présenté une demande pour interjeter appel de cette décision au Conseil en vertu du paragraphe 129(7) du Code. Cette demande d’appel, visant la décision concluant à l’absence de danger, a été transmise au Conseil aux fins de son examen (dossier du Conseil no 033522-C).

[6] Le 17 juillet 2020, Affaires mondiales Canada a écrit à Mme Rusnak pour l’aviser que son emploi prendrait fin le 17 août 2020.

[7] Le 20 août 2020, Mme Rusnak a déposé une plainte pour représailles en vertu du paragraphe 133(1) du Code alléguant qu’Affaires mondiales Canada l’avait congédiée par mesure de représailles parce qu’elle avait exercé ses droits en matière de santé et sécurité au travail, ce qui contrevenait à l’article 147 du Code. Dans sa plainte, Mme Rusnak allègue que son congédiement constituait une mesure de représailles prise parce qu’elle avait soulevé des questions liées à de la violence et à un danger au travail, et qu’il était lié à son refus de travailler et à sa demande d’interjeter appel de la décision concluant à l’absence de danger. Elle affirme également que la lettre de congédiement viole son droit à la protection des renseignements personnels et donne une représentation trompeuse de ses renseignements médicaux personnels. Elle a également déposé une plainte auprès du Commissaire à la protection de la vie privée. Elle explique que les renseignements médicaux invoqués comme motifs de congédiement ont été fournis à l’employeur dans le contexte de son refus de travailler antérieur.

[8] Le 21 août 2020, un agent des relations industrielles du Conseil a avisé Mme Rusnak par téléphone du fait que le Conseil ne pouvait pas traiter sa plainte, car elle n’était pas de son ressort, ce que le greffier du Conseil a ensuite confirmé dans une lettre. Le greffier a avisé Mme Rusnak que, puisque l’employeur est Affaires mondiales Canada, un ministère fédéral, il apparaît que l’affaire est du ressort de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (CRTESPF). Les documents relatifs à la plainte lui ont été retournés, et aucun dossier n’a été ouvert.

[9] Le 11 septembre 2020, Mme Rusnak a présenté la demande de réexamen en l’espèce visant le refus de traiter sa plainte pour représailles opposé par le greffier. Elle soulève trois motifs de réexamen : la protection de sa vie privée et l’équité procédurale; l’assurance que les deux affaires seront liées et que le fardeau de la preuve incombera à l’employeur; et le dédoublement des décisions du Conseil et de la CRTESPF, ainsi que le caractère éventuellement contradictoire de ces décisions.

[10] Après avoir examiné la demande de réexamen, le Conseil estime qu’elle doit être rejetée. Les motifs du Conseil sont exposés ci-après.

II. Analyse et décision

[11] Le pouvoir du Conseil de réexaminer ses décisions et ordonnances est établi à l’article 18 du Code. Selon l’article 18, le Conseil peut réexaminer, annuler ou modifier ses décisions ou ordonnances. Ce pouvoir inclut celui de réexaminer une décision rendue par un greffier autorisé à agir au nom du Conseil.

[12] La décision du greffier de refuser de traiter la plainte pour représailles se fonde sur des dispositions précises des lois applicables.

[13] Le paragraphe 123(2) du Code prévoit que la partie II du Code, qui concerne la santé et la sécurité au travail, « s’applique à l’administration publique fédérale et aux personnes qui y sont employées, dans la mesure prévue à la partie 3 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral » (la Loi).

[14] Aux termes de l’article 240 de la Loi, la partie II du Code « s’applique à la fonction publique et aux personnes qui y sont employées comme si la fonction publique était une entreprise fédérale visée par cette partie ». Il y a toutefois quelques exceptions à cette disposition, dont la suivante, qui est énoncée à l’alinéa 240a)ii) de la Loi : « pour l’application des articles 133 et 134 du Code canadien du travail, Conseil s’entend de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique ». Il est expliqué, au paragraphe 4(1) de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, que la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique est maintenue sous le nom de Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral.

[15] Conjointement, ces dispositions du Code et de la Loi répartissent comme suit la compétence sur les affaires en matière de santé et sécurité au travail dans le secteur public fédéral :

[16] Étant donné ce qui précède, le Conseil n’a pas compétence pour traiter une plainte pour représailles déposée par une employée de la fonction publique fédérale en vertu du paragraphe 133(1) du Code. Puisque Mme Rusnak était une employée d’Affaires mondiales Canada, soit un ministère fédéral, le Conseil n’a pas compétence sur sa plainte pour représailles. La question de la compétence est fondamentale pour ce qui est de la capacité du Conseil de statuer sur l’affaire. Le greffier a par conséquent confirmé que le Conseil ne pouvait traiter la plainte, car il n’a pas compétence, et a avisé Mme Rusnak que l’affaire semble être du ressort de la CRTESPF.

[17] Les greffiers du Conseil disposent de certains pouvoirs décrits à l’article 3 du Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles (le Règlement), y compris du pouvoir de régler toute question au nom du Conseil. En vertu de l’article 3 du Règlement, un greffier peut également rendre des décisions exécutoires sur certaines demandes non contestées.

[18] Cet article a été ajouté lorsque le Règlement de 2001 sur le Conseil canadien des relations industrielles a été adopté. Les auteurs de Vers l’Équilibre : Code canadien du travail, Partie I, Révision, Ottawa, Développement des ressources humaines Canada, 1995 (le rapport Sims) – sur lequel se fondaient les modifications apportées au Code de 1999 – avaient recommandé que le Code permette au Conseil de prendre des règlements qui lui permettraient de déléguer à ses greffiers certains pouvoirs décisionnels sur des questions non contestées ou des questions de nature quasi administrative, pour autant qu’un réexamen par le Conseil soit prévu en cas de litige. Le rapport Sims soulignait que cela permettrait de traiter les questions courantes de manière plus expéditive.

[19] La décision du greffier visée par la présente demande de réexamen consiste en un refus de traiter une plainte. Pour favoriser un traitement expéditif, le greffier a le pouvoir de rendre des décisions simples sur la question de la compétence, lorsque ces décisions se dégagent clairement et manifestement des faits présentés à l’appui de la plainte ou de la demande. Cette façon de procéder constitue, pour le Conseil, une manière efficace d’utiliser ses ressources limitées, et cela permet aux parties d’être informées rapidement des décisions. Qui plus est, un plaignant ou un requérant peut ainsi être avisé rapidement du problème et présenter en temps opportun sa demande ou sa plainte auprès de la bonne instance. Par mesure de sûreté, les parties peuvent demander le réexamen des décisions rendues par un greffier.

[20] Mme Rusnak soulève trois motifs de réexamen. Premièrement, elle affirme que sa demande d’appel connexe, qui concerne la décision concluant à l’absence de danger, fait intervenir un certain nombre de documents qui contiennent des renseignements médicaux et de nature délicate. Dans le cadre de cette demande, elle a demandé une ordonnance de confidentialité pour assurer la protection de ses renseignements personnels. Elle est préoccupée par le fait que, si la plainte pour représailles est traitée par la CRTESPF, ce tribunal ne sera pas assujetti à la décision du Conseil concernant la confidentialité, ce qui, dans les faits, annulerait sa demande. Le Conseil constate toutefois que Mme Rusnak a ultérieurement retiré sa demande d’ordonnance de confidentialité dans le dossier du Conseil no 033522-C.

[21] Deuxièmement, Mme Rusnak attire l’attention sur la circulaire d’information du Conseil relative aux plaintes pour représailles et elle fait valoir que c’est à l’employeur qu’il incombe de démontrer qu’une mesure disciplinaire n’était pas liée à l’exercice du droit de refus. Mme Rusnak explique que si le Conseil l’oblige à s’adresser à la CRTESPF pour le traitement de sa plainte pour représailles, le lien entre son refus de travailler et la mesure de représailles sera rompu, et que cela signifiera, dans les faits, qu’elle sera tenue de démontrer que la mesure de représailles était directement liée à son refus de travailler – ce qui va à l’encontre des exigences de la loi.

[22] Troisièmement, Mme Rusnak soutient que le fait que deux tribunaux différents se penchent sur les mêmes faits occasionnera un dédoublement et des décisions éventuellement contradictoires. Selon elle, cette façon de procéder est inefficace, entrave son accès à la justice et porte atteinte à l’équité procédurale. Elle attire en outre l’attention sur le fait qu’il n’y a encore eu aucune enquête sur sa plainte de violence au travail, et qu’une troisième conclusion pourrait donc être tirée relativement aux mêmes questions. Selon elle, le fractionnement de l’affaire entre les deux tribunaux rend impossible toute résolution grâce à la médiation, car aucun des deux tribunaux n’a compétence pour se prononcer sur toutes les questions de droit.

[23] Le Conseil reconnaît que la nécessité de présenter différentes demandes ou plaintes en matière de santé et sécurité au travail auprès d’instances différentes peut occasionner des difficultés et de la confusion, en particulier pour les parties qui se représentent elles-mêmes. Toutefois, comme on l’a expliqué ci-dessus, la plainte pour représailles est du ressort de la CRTESPF et relève du champ de compétence que le législateur a expressément exclu du ressort du Conseil. Le Conseil doit appliquer les lois telles qu’elles ont été adoptées et il n’a tout simplement pas autorité pour statuer sur une affaire qui n’est pas de son ressort. Bien qu’il puisse sembler logique que le Conseil traite une plainte fondée sur le paragraphe 133(1), lorsqu’il est saisi d’une demande d’appel visant une décision concluant à l’absence de danger fondée sur un ensemble de faits similaire, le Conseil n’a pas le droit de statuer sur une telle plainte.

III. Conclusion

[24] Le Conseil ne constate aucune erreur dans la décision du greffier selon laquelle l’affaire n’est pas du ressort du Conseil.

[25] Pour tous ces motifs, le Conseil rejette la demande de réexamen visant le refus du greffier de traiter la plainte de la requérante.

[26] Le Conseil est saisi de la demande d’appel relative à la décision concluant à l’absence de danger (dossier du Conseil no 033522-C) et il examinera cette affaire en temps voulu.

Traduction

 

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Ginette Brazeau

Présidente

 

 

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