Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Unifor,

requérant,

et

WestJet, an Alberta Partnership,

employeur.

Dossier du Conseil : 034547-C

Référence neutre : 2021 CCRI 985

Le 13 août 2021

Le banc du Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil), composé de Me Ginette Brazeau, Présidente, et de M. Paul Moist et Mme Elizabeth Cameron, Membres, a examiné la demande mentionnée ci-dessus.

Représentants des parties au dossier

M. Billy O’Neil, pour Unifor;

Me Simon Mortimer, pour WestJet, an Alberta Partnership.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Mme Elizabeth Cameron, Membre.

L’article 16.1 du Code canadien du travail (le Code) prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour trancher la présente plainte sans tenir d’audience.

I. Aperçu et contexte

[1] Le 12 avril 2021, le Conseil a reçu une demande d’accréditation présentée par Unifor (le syndicat) en vertu du paragraphe 24(1) du Code relativement à un groupe d’environ 500 préposés aux services aux invités de WestJet, an Alberta Partnership (l’employeur), qui n’étaient pas représentés et travaillent aux terminaux des aéroports internationaux de Vancouver et de Calgary.

[2] Les parties à la demande sont en désaccord sur plusieurs questions, dont l’habileté à négocier collectivement de l’unité de négociation, l’inclusion ou l’exclusion de certains postes et la régularité de la preuve d’adhésion.

[3] Le Conseil a reçu des observations des deux parties et les a examinées soigneusement. Dans l’ordonnance provisoire no 11610-U, rendue le 20 mai 2021, le Conseil a mentionné qu’il avait constaté que le requérant est un syndicat au sens du Code, déterminé que l’unité décrite ci-après est habile à négocier collectivement, et était convaincu que la majorité des employés de l’employeur faisant partie de l’unité désiraient que le syndicat requérant les représente à titre d’agent négociateur.

[4] Bien que plusieurs questions concernant l’inclusion ou l’exclusion de certains postes ne fussent toujours pas réglées, le Conseil a conclu que sa décision concernant les postes en litige serait sans incidence sur l’appui de la majorité dont bénéficiait le requérant. Dans son ordonnance, le Conseil a accrédité le syndicat à titre d’agent négociateur d’une unité comprenant :

tous les employés de WestJet, an Alberta Partnership, qui travaillent aux services aux invités aux terminaux de l’aéroport international de Calgary et de l’aéroport international de Vancouver, à l’exclusion des gestionnaires et de ceux de niveau supérieur, des conseillers du soutien aux employés, des coordonnateurs de l’aéroport, des employés du bureau de l’administration et de ceux déjà visés par une autre ordonnance d’accréditation.

(ordonnance du Conseil no 11610-U)

[5] Le Conseil a demandé aux parties des observations concernant les six postes de coordonnateurs en litige. Il a reçu et examiné ces observations, et il a conclu que les six postes doivent être inclus dans l’unité de négociation.

[6] Les présents motifs exposent le raisonnement du Conseil à l’appui de sa décision de rendre l’ordonnance d’accréditation provisoire ainsi que les motifs de sa décision concernant les postes de coordonnateurs en litige.

II. Questions soulevées

A. Quelle est l’unité de négociation habile à négocier collectivement?

[7] Selon sa demande d’accréditation, le syndicat souhaitait obtenir les droits de représentation relatifs à une unité de négociation qui englobait les préposés aux services aux invités de deux des quatre aéroports centraux de l’employeur – plus précisément les préposés des terminaux des aéroports internationaux de Vancouver et de Calgary. Subsidiairement, le syndicat demandait des ordonnances d’accréditation pour des unités distinctes, à chacun des aéroports. L’employeur soutenait que seule l’unité de négociation correspondant à la description suivante serait habile à négocier collectivement :

tous les employés de WestJet, an Alberta Partnership, qui travaillent aux services aux invités aux terminaux d’aéroports à l’intérieur des limites territoriales du Canada, à l’exclusion des gestionnaires et de ceux de niveau supérieur, des conseillers du soutien aux employés, des coordonnateurs de l’aéroport, des employés du bureau de l’administration et de ceux déjà visés par une autre ordonnance d’accréditation.

(traduction)

[8] Les positions respectivement défendues par chacune des parties sont décrites ci-après.

1. Position de l’employeur

[9] L’employeur s’oppose à l’unité de négociation proposée par le syndicat pour plusieurs raisons. À l’appui des divers points qu’il a fait valoir, il a présenté une description détaillée de ses activités, avancé des arguments approfondis et cité plusieurs décisions antérieures du Conseil.

[10] L’employeur a décrit la structure de son exploitation comme un réseau « à plaques tournantes » (traduction) reliant 38 aéroports, au moyen duquel il assure ses services. Dans cette structure, l’employeur a établi divers trajets qui passent par un aéroport central et se rendent, à partir de là, à de multiples destinations. L’employeur a divisé ce réseau « à plaques tournantes » en trois niveaux. Il y a quatre aéroports centraux de niveau 1, soit les aéroports internationaux de Vancouver, Calgary, Edmonton et Toronto. L’essence de ce réseau « à plaques tournantes » est qu’il existe, aux fins de la prestation des services, une interdépendance entre les différents aéroports centraux et les vols qui y arrivent et en partent.

[11] Selon l’employeur, le degré d’intégration entre les préposés aux services aux invités de tous les aéroports centraux de niveau 1 est essentiel à des activités uniformes et sans risque dans l’ensemble de son réseau. L’employeur a affirmé que les exigences à chacun des aéroports centraux sont directement tributaires des activités aux autres aéroports centraux, et qu’une unité de négociation qui scinderait les services aux invités pourrait occasionner une perturbation de sa structure opérationnelle. En outre, tous les aéroports centraux de niveau 1 ont une structure identique et fonctionnent selon des politiques, procédures et modèles de dotation en personnel qui s’appliquent à toute l’entreprise. L’employeur a affirmé que cette uniformité est essentielle pour éviter de la confusion, un dédoublement des tâches et des erreurs dans la prestation des services de WestJet.

[12] En plus de ses préoccupations relatives à l’incidence qu’une fragmentation du groupe des services aux invités aurait sur ses activités, l’employeur a fait valoir que seule une accréditation de portée nationale pourrait être conforme aux objectifs du Code et serait au mieux des intérêts des employés. L’employeur a déclaré que, selon lui, le syndicat avait induit les employés en erreur pendant la campagne de syndicalisation en leur faisant croire qu’ils se joindraient à une unité de négociation nationale, et non à une unité de moindre portée. En outre, l’employeur contestait la nécessité d’accréditer une unité de négociation composée d’une partie du groupe des services aux invités pour ne pas priver les employés qui souhaitaient être représentés par le syndicat de leur droit à la liberté d’association garanti par la Constitution. L’employeur a fait valoir que d’autres groupes d’employés au sein de son exploitation (pilotes et équipages de cabine/agents de bord, par exemple) sont regroupés en syndicats de portée nationale, et que le syndicat devrait être tenu à la même exigence dans la présente affaire.

[13] Au-delà de son expérience personnelle, l’employeur soutient que le Conseil devrait se conformer à sa politique générale consistant à privilégier de grandes unités, composées de tous les employés, en particulier dans le secteur de l’aviation. Il n’y a selon lui aucune raison impérieuse de déroger à ce principe général.

[14] Finalement, l’employeur a affirmé qu’une unité de négociation de portée moindre nuirait sérieusement aux relations du travail, ce qui pourrait occasionner des perturbations pour les employés, l’exploitation de l’employeur et le public. Selon l’employeur, la fragmentation du groupe des services aux invités pourrait faire en sorte que les conditions de travail de différents aéroports centraux pourraient entraîner des pressions concurrentes et des contraintes touchant les employés et l’employeur. En outre, une perturbation du travail à l’un des aéroports centraux pourrait avoir une incidence considérable sur tous les autres aéroports, ce qui entraînerait des tensions industrielles et des répercussions négatives pour le public.

2. Position du syndicat

[15] Le syndicat soutient que l’unité de négociation composée des employés de deux des quatre aéroports centraux de niveau 1 est habile à négocier collectivement.

[16] Il conteste l’affirmation de l’employeur selon laquelle une unité de négociation ne regroupant pas tous les aéroports centraux de niveau 1 nuirait au modèle opérationnel « à plaques tournantes » de l’employeur. Attirant l’attention sur les mesures prises récemment par l’employeur pour sous-traiter diverses fonctions relevant des services aux invités, y compris aux aéroports de niveau 1, le syndicat affirme que l’employeur a abandonné l’idée de n’avoir qu’un seul groupe d’employés au départ et à l’arrivée du passager. Les préposés aux services aux invités sont maintenant employés par neuf employeurs distincts dans différents aéroports partout au Canada.

[17] Le syndicat conteste également l’affirmation de l’employeur selon laquelle des employés se sont fait promettre une unité de négociation nationale afin de les inciter à signer des cartes d’adhésion. Bien qu’il ait reconnu avoir initialement lancé une campagne de syndicalisation de grande portée, le syndicat a expliqué qu’il s’est adapté à des circonstances changeantes pendant la campagne de syndicalisation. Le syndicat avance que les employés de Vancouver et de Calgary souhaitaient faire partie du syndicat et avaient démontré leur intérêt à cet égard en signant des cartes d’adhésion. Selon le syndicat, les employés étaient entièrement au courant de ses intentions au moment de ces signatures.

[18] Pour répondre à l’argument de l’employeur selon lequel seule une grande unité composée de tous les employés serait habile à négocier collectivement, le syndicat a cité des décisions antérieures du Conseil dans lesquelles des demandes visant des unités de négociation de portée nationale avaient été écartées au profit d’unités plus petites, ce qui démontre l’absence, dans le secteur de l’aviation, d’une norme d’application obligatoire en faveur d’unités de négociation nationales ou à l’échelle de l’entreprise.

[19] Finalement, le syndicat contredit l’argument de l’employeur selon lequel l’accréditation de toute unité de négociation de moindre portée qu’une unité nationale nuirait sérieusement aux relations du travail. Il souligne que certains employés du groupe des services aux invités ont été licenciés après que leur travail a été sous-traité et que les employés de ce groupe sont en fait les employés de différents employeurs au Canada. Selon le syndicat, cela affaiblit la position de l’employeur selon laquelle seule une unité nationale, composée de tout le personnel des services aux invités, assurerait la stabilité industrielle. Le syndicat fait par ailleurs valoir que les préoccupations relatives à la stabilité industrielle ne devraient pas l’emporter sur la possibilité, pour des employés non représentés, d’avoir accès aux négociations collectives.

3. Analyse et décision

[20] Le paragraphe 27(1) du Code confère au Conseil son pouvoir de déterminer quelle unité est habile à négocier collectivement :

27 (1) Saisi par un syndicat, dans le cadre de l’article 24, d’une demande d’accréditation pour une unité que celui-ci juge habile à négocier collectivement, le Conseil doit déterminer l’unité qui, à son avis, est habile à négocier collectivement.

[21] Dans le processus de détermination des unités de négociation, le Conseil se concentre sur les objectifs fondamentaux du Code, lesquels sont résumés comme suit dans AirBC Limited (1990), 81 di 1; 13 CLRBR (2d) 276; et 90 CLLC 16,035 (CCRT no 797) : 1) favoriser la pratique des libres négociations collectives; 2) favoriser la stabilité des relations du travail; 3) respecter la volonté des employés.

[22] Le Conseil a également insisté sur l’importance de ces objectifs dans Maritime-Ontario, Parcel Division, 2000 CCRI 100 :

[37] Si les employés déterminent eux-mêmes qu’ils ont une communauté d’intérêts et qu’ils définissent une unité de négociation distincte s’appuyant sur des conditions de travail, une structure ou une fonction bien définies, le Conseil ne devrait pas rejeter leur demande d’accréditation au seul motif qu’une unité plus grande, ou d’autres agencements des conditions de travail, des structures ou des fonctions permettraient d’établir une unité plus habile à négocier collectivement. Bref, le Conseil devrait respecter les souhaits des employés dans la mesure du possible si le groupement qu’ils ont proposé constitue une unité habile à négocier collectivement, comme il est précisé dans l’affaire Alberta Wheat Pool (1991), 86 di 172 (CCRT no 907) :

Dans le cas de demandes comme la présente, la politique du Conseil sur ce qui constitue une unité de négociation habile à négocier est bien établie. Lorsque des employés non syndiqués exercent leur droit de participer à la négociation collective, le Conseil leur donne une occasion réelle de le faire et il ne leur refuse pas ce droit fondamental en imposant des conditions artificielles ou inutiles quant à la composition des unités de négociation. Dans ces situations, le Conseil accepte des unités de négociation qui ne sont peut-être pas les plus habiles à négocier, quels que soient les inconvénients administratifs qui peuvent en résulter pour l’employeur. (Pour un aperçu de ces politiques et un exemple de leur application pratique, voir Sedpex Inc. et autres (1985), 63 di 102 (CCRT no 543), et Purolator Courrier Ltée (1989) 77 di 1 (CCRT no 730).)

(page 176)

[23] Le Conseil a insisté plus récemment, dans Groupe Dicom Transport Canada, 2019 CCRI 911, sur le poids important qu’il accorde à la volonté des employés, en particulier lorsque ces derniers cherchent à être représentés collectivement pour la première fois. Il a déclaré ce qui suit :

[36] En substance, pour établir l’habileté à négocier collectivement d’une unité, il faut prendre en considération les objectifs du Code, et, en particulier dans le cas d’une première demande d’accréditation, le Conseil privilégiera généralement les descriptions d’unités de négociation qui favorisent l’accès à la représentation collective et aux négociations collectives par des employés qui souhaitent exercer ces droits.

[24] Dans la présente affaire, les employés non représentés de deux des quatre aéroports centraux de niveau 1 de l’employeur ont clairement exprimé leur volonté d’être représentés par l’agent négociateur. S’il est vrai qu’une unité de négociation composée de tous les employés aurait pu être plus appropriée ou plus typique, il n’est pas rare que le Conseil accrédite des unités plus petites, lorsque les circonstances le justifient. Dans United Parcel Service du Canada ltée, 2008 CCRI 433 (United Parcel Service du Canada ltée 433), décision à laquelle le syndicat et l’employeur ont tous deux fait référence dans leurs observations, le Conseil a déclaré ce qui suit :

[21] Il est important de souligner que même si le Conseil privilégie généralement une unité englobant tout l’effectif ou la création d’unités de négociation plus importantes, il lui arrive de créer des unités qui n’englobent pas tout l’effectif ou de fragmenter l’unité lorsqu’il a des motifs impérieux de le faire. Parmi les facteurs qui militent en faveur d’unités plus petites, on compte l’absence de communauté d’intérêts, la situation géographique, des dispositions législatives particulières, la probabilité qu’une unité plus importante ne soit pas viable et le désir de permettre aux employés d’être représentés.

[25] United Parcel Service du Canada ltée 433 était un réexamen de la décision rendue par le Conseil dans United Parcel Service du Canada ltée, 2008 CCRI LD 1881. United Parcel Service du Canada ltée, l’employeur dans cette affaire, avait fait valoir qu’en raison de son modèle opérationnel à plaques tournantes, une unité de négociation qui inclurait tous les employés ayant une communauté d’intérêts dans ses 42 lieux de travail au Canada serait habile à négocier collectivement. Par ailleurs, le Conseil avait déjà accrédité une unité d’employés de grande portée chez cet employeur, ce qui renforçait le point de vue de l’employeur selon lequel seule une grande unité de négociation serait habile à négocier collectivement pour ce nouveau groupe d’employés non représentés. Le Conseil n’était pas d’accord, estimant que l’accès des employés aux négociations collectives l’emportait sur les préoccupations de l’employeur. Même si une unité de négociation de grande portée aurait pu être plus appropriée, l’unité plus petite, de portée géographique moindre, a été jugée habile à négocier collectivement.

[26] Comme dans United Parcel Service du Canada ltée 433, précitée, le Conseil a conclu qu’en l’espèce, accorder l’accès aux négociations collectives aux employés visés par la présente demande l’emporte sur les préoccupations soulevées par l’employeur. Le Conseil a mis dans la balance le droit des employés à la liberté d’association, d’une part, et les répercussions que l’unité de négociation de moindre envergure aurait sur le réseau à plaques tournantes de l’employeur ainsi que les arguments de ce dernier relatifs à l’importance de l’uniformité, d’autre part, et il n’a pas été convaincu que l’accréditation de seulement deux des quatre aéroports centraux de niveau 1 entraverait considérablement les activités de l’employeur, comme ce dernier l’a avancé dans ses observations. Étant donné l’importance de la sous-traitance des fonctions des services aux invités, il y a déjà une certaine fragmentation de ces services. L’employeur a consciencieusement envisagé la division de ce groupe et il gère et assure efficacement la prestation de ses services.

[27] Pour appuyer encore son argument selon lequel le Conseil doit résoudre des questions de fait contradictoires pour justifier une dérogation à la norme des unités de négociation composées de tous les employés, l’employeur a cité la décision 669779 Ontario limitée s/n CSA Transportation, 2018 CCRI 873. Il est important de souligner que, dans cette décision, le Conseil se penchait sur une demande de révision visant une unité de négociation existante, et que ce ne sont pas les mêmes considérations qui s’appliquent lorsque le Conseil examine une demande concernant une première accréditation. Cette distinction entre une nouvelle demande d’accréditation et la révision d’une unité de négociation existante a été décrite dans Chemin de fer Quebec North Shore & Labrador (1992), 90 di 110; et 93 CLLC 16,020 (CCRT no 978) :

Les critères de détermination de l’habileté à négocier d’une unité de négociation tiennent compte à la fois des intérêts des employés et de ceux de leur employeur. Sans prétendre en faire une liste exhaustive, soulignons entre autres la communauté d’intérêts entre les employés, le mode d’organisation et d’administration de l’entreprise, l’histoire des négociations collectives chez l’employeur et dans le secteur d’activité visé, l’interchangeabilité des employés et la recherche de la paix industrielle. Les critères pourront avoir un poids différent selon les cas d’espèce notamment selon qu’il s’agisse d’une demande d’accréditation ou d’une demande de révision. En effet, dans le premier cas, le Conseil doit permettre aux employés d’accéder à la négociation collective. Dans l’autre, il doit étudier la structure de négociation existante afin de rendre plus efficaces les mécanismes de négociation et d’application des conventions collectives. Cependant, il doit toujours tenter d’équilibrer des intérêts souvent divergents pour déterminer des unités de négociation viables en vue d’assurer des négociations efficaces et des relations de travail les plus harmonieuses possible.

(pages 123-124; et 14,147-14,148; c’est nous qui soulignons)

[28] Il est également important de souligner qu’il n’existe pas de présomption particulière en faveur d’unités de négociation composées de tous les employés. Bien que le Conseil ait pu déclarer, dans certaines affaires, qu’il existe une préférence pour des unités de négociation de cette nature, cette déclaration de préférence ne peut être assimilée à une présomption (voir Alberta Government Telephones Commission (1989), 76 di 172 (CCRT no 726), à la page 182).

[29] Finalement, dans Royal Aviation Inc., 2000 CCRI 69, le Conseil a passé en revue les critères établis pour déterminer l’unité de négociation habile à négocier collectivement, y compris la pratique courante dans le secteur, les antécédents en matière de négociation collective, la structure organisationnelle de l’employeur, de même que la préférence du Conseil pour des unités de négociation uniques, englobant tout l’effectif. Le Conseil a tiré la conclusion suivante :

[28] Enfin, la question de détermination de l’unité de négociation n’est pas une question de droit, mais bien une question de fait qui doit être tranchée en se fondant sur les faits et les circonstances de chaque affaire. Le Conseil a bien résumé cet aspect dans CFTO-TV Limited (1981), 45 di 306 (CCRT no 345) :

Pour ce qui est de déterminer une unité de négociation habile ou non à négocier collectivement, le Conseil n’a rien à ajouter ici au nombre incalculable de décisions rendues au cours des années par les conseils des relations du travail. Tous les « critères » établis et toutes les « considérations » qui ont été faites concordent sur un point : c’est que la configuration des unités de négociation n’est pas « immuable ». On peut créer des unités standard par secteur économique qui s’appliqueront à la plupart des requêtes, mais il y aura toujours des cas exceptionnels où les circonstances imposent des variantes et même des incohérences. Il faut alors tenir compte des circonstances particulières et déterminer les unités de négociation en traitant chaque cas comme un cas d’espèce...

(pages 310-311)

(c’est nous qui soulignons)

[30] Le Conseil reconnaît que des unités de négociation de portée nationale sont courantes dans le secteur de l’aviation, notamment pour les pilotes et les équipages de cabine/agents de bord. Les circonstances propres à chaque demande entraînent cependant des différences d’une affaire à l’autre, et chaque demande doit être tranchée sur le fondement de ses propres faits. Le Conseil prend acte du fait que l’employeur s’est opposé à l’unité de négociation et qu’il a proposé une unité plus grande, regroupant tous les employés des services aux invités des terminaux aéroportuaires de tout le Canada – laquelle unité serait, selon ce qu’il a affirmé, plus viable et plus appropriée. Le Conseil n’a toutefois pas été convaincu par les arguments de l’employeur selon lesquels l’unité de moindre envergure occasionnerait de sérieux problèmes opérationnels ou de relations du travail, et il a conclu que l’unité décrite ci-dessus est habile à négocier collectivement.

B. Le syndicat a-t-il l’appui de la majorité de l’unité de négociation?

[31] Après avoir déterminé l’unité habile à négocier collectivement, le Conseil doit s’assurer que la majorité des employés de l’unité définie désirent être représentés par le requérant. En l’espèce, l’employeur a soulevé plusieurs préoccupations concernant la validité de la preuve d’adhésion et a demandé au Conseil de tenir un scrutin de représentation.

[32] Les paragraphes qui suivent présentent un compte rendu général des observations des parties sur la preuve d’adhésion et énoncent la décision du Conseil sur cette question.

1. Position de l’employeur

[33] L’employeur a soutenu que la preuve d’adhésion du syndicat était peut-être irrégulière et qu’elle n’avait pas fait l’objet de vérifications suffisantes. De nombreuses raisons ont été avancées à l’appui de ce point de vue, entre autres le fait que la campagne de syndicalisation du syndicat durait depuis plusieurs années, que les cartes d’adhésion pouvaient être périmées et que la volonté des employés pouvait avoir changé depuis qu’ils avaient signé les cartes, compte tenu du passage du temps. L’employeur a également soutenu qu’en raison des perturbations importantes de ses activités et du roulement de personnel considérable suscités par la pandémie, certaines cartes d’adhésion pouvaient avoir été signées par d’anciens employés.

[34] L’employeur était également préoccupé par ce qui constituait selon lui un changement fondamental dans l’intention du syndicat de représenter les préposés aux services aux invités. Il a avancé qu’il croyait que des employés avaient signé des cartes d’adhésion en s’attendant à faire partie d’une unité de négociation nationale. L’unité envisagée étant maintenant de moindre envergure, l’employeur a soutenu que les membres ne souhaitaient peut-être plus autant être représentés par le syndicat.

[35] L’employeur a également soulevé des préoccupations liées à la capacité du syndicat de démontrer l’authenticité des cartes d’adhésion ainsi qu’à des mesures de contrôle qui étaient peut-être insuffisantes pour que l’on puisse savoir avec certitude qui avait rempli ou signé les cartes d’adhésion, qui avait été témoin des signatures, qui avait payé et perçu le montant des frais d’adhésion, et si le montant exact de ces frais avait bien été versé

[36] Selon l’employeur, les cartes elles-mêmes posaient problème pour différentes raisons, notamment l’utilisation par le syndicat de cartes d’adhésion électroniques, signées électroniquement. Selon l’employeur, l’acceptation de cartes d’adhésion électroniques par le Conseil dans cette affaire pourrait être problématique, car le Conseil n’a pas encore établi ou communiqué de procédure concernant le recours à des preuves d’adhésion électroniques.

[37] Finalement, l’employeur a avisé le Conseil qu’il avait reçu des plaintes et des déclarations de préposés aux services aux invités qui avaient senti que certaines personnes, qui pouvaient être des collègues en position d’autorité, avaient fait pression sur eux pour qu’ils signent des cartes, souvent sur le lieu de travail.

[38] L’employeur a demandé que le Conseil ordonne un scrutin de représentation pour déterminer la volonté réelle des employés.

2. Position du syndicat

[39] Le 12 avril 2021, le syndicat a présenté une demande d’accréditation qu’il avait remplie et à laquelle étaient jointes des cartes d’adhésion et une preuve du paiement des frais d’adhésion de cinq dollars. Le syndicat a également présenté, avec cette demande, un formulaire Certificat d’exactitude, rempli et signé, pour attester qu’il avait satisfait à toutes les exigences du Conseil applicables à cette demande.

[40] Le syndicat a indiqué qu’il était au courant de la procédure du Conseil pour contrôler et vérifier la preuve d’adhésion qu’il avait présentée et qu’il s’attendait à ce que le Conseil procède à ces contrôles dans le cadre de la présente demande.

[41] Finalement, le syndicat a contredit les allégations de l’employeur selon lesquelles des pressions avaient été exercées sur des employés pour qu’ils signent des cartes. Le syndicat a déclaré qu’en l’absence de détails concernant des irrégularités qui auraient été commises par lui-même ou quiconque agissant en son nom, le Conseil devrait rejeter ces allégations.

3. Analyse et décision

[42] Le Code confère au Conseil un vaste pouvoir discrétionnaire pour décider de quelle façon il s’assurera que la majorité des employés de l’unité définie souhaitent que le syndicat les représente. La ligne de conduite et la pratique du Conseil consistent à déterminer la volonté des employés en se fondant sur la preuve d’adhésion présentée. Ce n’est que lorsqu’il entretient de sérieux doutes quant à la fiabilité de la preuve d’adhésion que le Conseil exercera son pouvoir discrétionnaire d’ordonner la tenue d’un scrutin de représentation en vertu du paragraphe 29(1) du Code (voir WestJet, an Alberta Partnership, 2019 CCRI 898).

a. Régularité de la preuve d’adhésion du syndicat

[43] Les exigences du Conseil concernant la preuve d’adhésion à un syndicat sont énoncées au paragraphe 31(1) du Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles (le Règlement) :

31 (1) Pour toute demande concernant les droits de négociation, le Conseil peut accepter comme preuve d’adhésion d’une personne à un syndicat, à la fois :

a) le dépôt d’une demande d’adhésion au syndicat revêtue de sa signature;

b) la preuve qu’elle a versé au syndicat une somme d’au moins cinq dollars, à l’égard ou au cours de la période de six mois précédant la date de dépôt de la demande.

[44] La preuve d’adhésion sur laquelle le Conseil s’appuiera pour rendre ses décisions doit être juste et fiable. Pour valider la preuve d’adhésion, le Conseil a toujours appliqué une norme très rigoureuse. Le Conseil a rappelé l’importance de ces exigences dans Sécurité préembarquement Garda inc., 2015 CCRI 764 :

[16] Le Conseil prend au sérieux les exigences relatives à la preuve d’adhésion et a toujours affirmé que le défaut de se conformer aux exigences du Code et du Règlement est un vice de fond et non de forme. Cela est d’autant plus important que le Conseil se fonde sur la preuve d’adhésion pour décider s’il convient ou non d’accorder une accréditation ou d’ordonner la tenue d’un scrutin de représentation, accordant ainsi au requérant des droits et des privilèges fondamentaux en vertu du Code. Le Conseil et son prédécesseur, le Conseil canadien des relations du travail (le CCRT), ont appliqué de manière constante une norme rigoureuse pour examiner la preuve d’adhésion produite par un syndicat requérant.

b. Utilisation de cartes d’adhésion et de signatures électroniques

[45] Le syndicat a présenté au Conseil sa preuve d’adhésion sous forme de cartes imprimées numérisées et de cartes électroniques, qui étaient toutes dûment signées et datées par des personnes faisant partie de l’unité de négociation proposée. Le libellé des cartes signées présentées comme preuve d’adhésion était identique, qu’il s’agisse des cartes imprimées ou des cartes électroniques, et le nom du syndicat requérant y figurait clairement. Aux cartes électroniques était joint un rapport d’audit qui détaillait toutes les opérations, par exemple le moment où l’adhérent avait rempli la carte, celui où les frais d’adhésion avaient été payés, et ceux où l’employé et l’organisateur syndical avaient signé la carte respectivement. Les cartes numérisées et les cartes électroniques comprenaient des déclarations signées et datées certifiant que le membre avait payé les frais applicables. En outre, les cartes comportaient des déclarations signées attestant que ces frais avaient été perçus. Le Conseil a obtenu ces renseignements au moyen de l’enquête confidentielle menée par son agent des relations industrielles (ARI).

[46] L’enquête confidentielle a également permis d’obtenir une description détaillée de la procédure de traitement des cartes d’adhésion électroniques suivie par le syndicat :

[47] Le syndicat a transmis au Conseil des copies des relevés d’opérations du fournisseur de services de paiement numériques pour chacune des cartes électroniques présentées avec la demande d’accréditation. Le journal d’audit confirme que les paiements ont été faits au cours des six mois précédant immédiatement le 12 avril 2021, date à laquelle la demande a été présentée.

[48] Le Conseil fait observer que l’article 31 du Règlement ne définit pas de manière exclusive la nature de la preuve qui permet de satisfaire aux exigences de l’article 28 du Code. Il n’y a dans le Code ni dans le Règlement rien qui interdise la présentation d’une preuve électronique. Les dispositions du Code relatives à la preuve d’adhésion sont assez générales pour autoriser une preuve d’adhésion électronique, pour autant que le Conseil puisse évaluer la preuve déposée avec la demande.

[49] L’acceptation par le Conseil de preuves d’adhésion électroniques est logiquement la prochaine étape qui s’impose pour la communauté fédérale des relations du travail. Le Conseil continue à employer des moyens technologiques pour rationaliser ses processus. Il tient maintenant la majorité de ses audiences par téléconférence audio ou vidéo, pour répondre à des besoins individuels, améliorer l’accessibilité de ses services et faciliter la mise au rôle des affaires, et pour s’adapter aux répercussions de la pandémie mondiale. Il permet le dépôt électronique de la majorité des demandes et des observations, ce qui a rendu ses services plus accessibles et entraîné des gains d’efficacité. Le Conseil acceptera les preuves d’adhésion électroniques lorsqu’il pourra s’assurer de la fiabilité du système utilisé et vérifier la preuve au moyen de journaux d’audit rigoureux.

[50] La question de l’authenticité des preuves d’adhésion électroniques a été examinée récemment par la Commission des relations de travail de l’Ontario (CRTO), dans Toronto and York Region Labour Council, 2019 CanLII 123094. La CRTO a déclaré ce qui suit :

14. [O]n pourrait soutenir que ces protections valent mieux que les cartes d’adhésion imprimées traditionnelles, qui sont habituellement déposées avec les demandes d’accréditation. Non seulement la carte contient les mêmes renseignements (p. ex. nom de la personne, nom de l’employeur, date et coordonnées), mais un courriel est envoyé automatiquement à la personne pour qu’elle confirme son identité en cliquant sur un hyperlien. L’organisateur syndical doit ensuite suivre la même procédure pour confirmer son identité et signer la carte électroniquement.

15. Il est important de souligner que, à la différence des cartes de membre imprimées, les cartes de membre électroniques sont chiffrées et ne peuvent être modifiées. Le logiciel génère un certificat d’authenticité. L’organisateur syndical reçoit ensuite un courriel qui comprend un « journal d’audit », lequel contient les dates et les heures de signature et de confirmation par le nouvel adhérent et par l’organisateur.

16. Après avoir examiné les caractéristiques de sécurité de la preuve d’adhésion électronique telles que le requérant les a décrites, la Commission est convaincue que cette preuve satisfait aux exigences de la Loi.

(traduction)

[51] Dans la présente affaire, le Conseil a été convaincu que la méthode employée pour recueillir les cartes d’adhésion électroniques était fiable et rendait possibles les vérifications nécessaires, et que les cartes ainsi recueillies pouvaient être considérées comme l’expression véritable de la volonté des employés.

c. L’enquête confidentielle du Conseil

[52] Une enquête sur la validité de l’ensemble de la preuve d’adhésion et sur la manière dont le syndicat l’a obtenue est menée dans le cadre de toute demande d’accréditation. Cette enquête est réalisée au moyen d’entrevues confidentielles menées par l’ARI du Conseil, qui fait ensuite rapport au Conseil à ce sujet. Cette approche est bien établie et a été examinée dans des décisions antérieures du Conseil (voir TD Canada Trust du Grand Sudbury (Ontario), 2006 CCRI 363, confirmée par la Cour d’appel fédérale dans TD Canada Trust c. Syndicat international des travailleurs unis de la métallurgie, du papier et de la foresterie, du caoutchouc, de la fabrication, de l’énergie, des services et industries connexes, 2007 CAF 285).

[53] Étant donné les préoccupations exprimées par l’employeur relativement à la régularité de la preuve d’adhésion en l’espèce, l’ARI du Conseil a tenté de parler à la majorité des employés ayant signé une carte d’adhésion. L’ARI a procédé à des entrevues téléphoniques avec un nombre considérable d’adhérents choisis au hasard. Les conclusions de l’enquête n’ont pas amené le Conseil à douter de la fiabilité de la preuve d’adhésion, et l’enquête a permis de confirmer que tous les paiements avaient été perçus dans les six mois précédant la date de présentation de la demande.

[54] Le Conseil a reçu, par l’intermédiaire de son site Web et de sa ligne 1‑800, ainsi que par courriel, des observations d’un petit nombre d’employés de WestJet, lesquels posaient des questions ou transmettaient au Conseil des renseignements au sujet de la campagne de syndicalisation. Le Conseil a pris acte de ces déclarations confidentielles et en a tenu compte dans le cadre de son enquête. La majorité des personnes qui ont présenté ces déclarations n’avaient pas signé de carte d’adhésion, et le Conseil est demeuré convaincu que la preuve d’adhésion était fiable.

[55] Le Conseil s’est penché dans le passé sur des préoccupations concernant la régularité de preuves d’adhésion présentées par des syndicats. Dans WestJet, an Alberta Partnership, 2015 CCRI 785 (WestJet 785), qui concernait le même employeur que la présente affaire, le Conseil a examiné si les cartes d’adhésion qui avaient été téléchargées et postées sans que personne témoigne de la signature constituaient une preuve d’adhésion valide et fiable, répondant aux exigences du Règlement. Le Conseil s’est exprimé ainsi dans cette affaire :

[61] Le Conseil n’est pas convaincu que le certificat d’exactitude présenté en l’espèce a été rempli de façon malhonnête. Le fait d’exiger que des représentants syndicaux attestent la signature apposée sur chaque carte d’adhésion et le paiement des frais de 5 $ empêcherait effectivement les employés dispersés partout au Canada et à l’étranger d’exercer leur droit d’adhérer au syndicat de leur choix. En l’espèce, le syndicat a établi un processus par l’entremise de son site Web pour permettre aux employés de télécharger, de remplir et de signer librement une carte d’adhésion – qu’ils devaient ensuite poster au syndicat –, et d’effectuer un paiement de 5 $ par voie électronique. Grâce à ces mesures, la preuve d’adhésion présentée respectait les exigences du Règlement.

[56] Comme dans WestJet 785, précitée, les moyens qui ont été employés pour contrôler la preuve d’adhésion en l’espèce ont permis au Conseil d’établir que cette preuve était valide, fiable et suffisante. Le Conseil a en outre accepté le Certificat d’exactitude présenté par l’organisateur syndical. Le Conseil a été convaincu que la preuve d’adhésion avait été recueillie sur une base volontaire et sans contrainte et qu’elle démontrait que le syndicat avait l’appui de la majorité, conformément aux exigences du paragraphe 31(1) du Règlement.

d. Tactiques pour exercer des pressions et induire les membres en erreur

[57] L’ARI du Conseil était bien au courant des allégations soulevées par l’employeur relativement à la preuve d’adhésion et a donc questionné consciencieusement les membres pendant les entrevues confidentielles afin de vérifier si des pressions avaient été exercées sur eux pour qu’ils signent les cartes d’adhésion. Aucun membre n’a affirmé que des menaces avaient été proférées ni que le syndicat ou ses agents avaient eu recours à la force ou avaient menacé d’y recourir. Tous les membres ont affirmé qu’ils avaient signé leur carte d’adhésion de plein gré et qu’ils comprenaient les circonstances de la campagne. Les préoccupations de l’employeur relatives à des pressions exercées pour que les cartes soient signées, ou à des informations trompeuses communiquées aux employés relativement aux intentions du syndicat quant à la portée de la campagne de syndicalisation, ont donc été jugées infondées. Le Conseil a en outre estimé qu’il n’était pas nécessaire de tenir un scrutin de représentation pour déterminer la volonté des employés.

C. Quels postes devraient être faire partie ou être exclus de l’unité de négociation?

[58] Le Code confère au Conseil le pouvoir discrétionnaire d’inclure des employés dans l’unité de négociation ou de les en exclure :

27 (2) Dans sa détermination de l’unité habile à négocier collectivement, le Conseil peut ajouter des employés à l’unité proposée par le syndicat ou en retrancher.

[59] Cette question est différente de celle de savoir si une personne occupe un poste de direction ou un poste de confiance comportant l’accès à des renseignements confidentiels et si cette personne n’a en conséquence pas le statut d’employé au sens du Code.

[60] Des discussions ont eu lieu entre le directeur régional du Conseil et les parties dans le but de mieux circonscrire les questions à trancher, y compris celle de savoir si les postes demeurant en litige devaient faire partie ou être exclus de l’unité de négociation proposée. Le Conseil a pour politique de demander à un agent enquêteur de rédiger une lettre décrivant avec précision ce que le Conseil comprend à propos de l’unité de négociation proposée. Après une téléconférence entre les parties et le directeur régional du Conseil tenue le 5 mai 2021, une telle lettre a été envoyée aux parties aux fins de leur examen. Cette lettre établissait clairement quels étaient les postes inclus et exclus, et accordait un délai de 24 heures aux parties pour qu’elles soumettent leurs éventuelles questions ou préoccupations. La lettre précisait qu’il avait été convenu que la fonction de conseiller en qualité serait incluse dans l’unité de négociation, que la fonction de coordonnateur d’aéroport en serait exclue, et que six postes de coordonnateurs distincts demeuraient en litige (services journaliers, effectifs, anomalies d’exploitation (IROP), zones de manœuvre ainsi que les deux postes de coordonnateurs de l’apprentissage de l’aéroport). Le 6 mai 2021, les deux parties ont confirmé qu’elles souscrivaient à la lettre d’entente du Conseil.

[61] En bref, le seul poste de coordonnateur dont les parties avaient convenu de « l’exclusion » était celui de coordonnateur d’aéroport. La description de l’unité de négociation faite par le Conseil dans l’ordonnance provisoire se fondait sur cette lettre du directeur régional datée du 5 mai 2021 et sur le fait que toutes les parties convenaient que les coordonnateurs exclus devaient être distingués des autres postes de coordonnateurs en litige.

[62] Dans ses observations du 3 juin 2021, l’employeur concluait à tort que, par définition, tous les coordonnateurs seraient exclus de l’unité de négociation. Ce n’est pas le cas. Le Conseil a pris note de l’entente dont les parties avaient convenu, selon laquelle ne seraient exclus que les trois titulaires du poste de coordonnateur d’aéroport mentionné dans le tableau des exclusions qui figure dans la lettre d’entente du directeur régional. Les postes des 37 autres employés occupant les postes de coordonnateur de l’apprentissage de l’aéroport, de coordonnateur des services journaliers, de coordonnateur des effectifs, de coordonnateur IROP, de coordonnateur des zones de manœuvre et de coordonnateur – apprentissage de l’aéroport demeuraient en litige, et les parties devraient présenter des observations supplémentaires avant qu’une décision définitive ne soit rendue par le Conseil relativement à la description finale de l’unité de négociation.

[63] Ayant examiné les observations des parties sur ces postes en litige, le Conseil exposera sa décision concernant chacun d’eux, en regroupant dans certains cas des postes similaires, lorsque son analyse sera applicable à plus d’un poste.

1. Coordonnateurs de l’apprentissage de l’aéroport et coordonnateurs – apprentissage de l’aéroport

[64] L’employeur n’a pas avancé que ces postes de coordonnateurs sont par nature des postes de direction ou devraient être exclus de l’unité de négociation parce que ses titulaires exercent des fonctions de direction. L’employeur n’a pas non plus fait valoir que ces postes sont des postes de confiance comportant l’accès à des renseignements confidentiels en matière de relations du travail. Il n’est donc pas contesté que les employés qui occupent ces postes sont des « employés » au sens du Code.

[65] L’employeur a soutenu que ces postes ne supposent pas d’assurer directement des services de première ligne aux invités, mais que leurs titulaires sont plutôt responsables de la coordination annuelle des besoins en formation des employés et d’assurer de la formation en cours d’emploi. L’employeur a fait observer que ces postes relèvent de l’équipe de direction de l’apprentissage et du perfectionnement. Selon l’employeur, ces postes devraient eux aussi être exclus par définition, car ils correspondent soit à une fonction administrative, soit à une fonction de soutien aux employés.

[66] Le syndicat a avancé que les fonctions de ces postes de coordonnateurs sont intégrées à celles d’autres employés des services aux invités, et il a fait observer que ces postes sont habituellement occupés par d’anciens agents du service à la clientèle (ASC), promus au sein du groupe et ayant démontré leur capacité d’assurer des services aux invités de haute qualité. En outre, les extraits de la description de travail produits par le syndicat confirment que les titulaires de ces postes donnent régulièrement de la formation en cours d’emploi au personnel des services aux invités afin de garantir un soutien de première ligne uniforme.

[67] Le syndicat a également présenté au Conseil une copie du mandat de l’Airport Employees Association (AEA). Le Conseil constate que les coordonnateurs de l’apprentissage de l’aéroport et les coordonnateurs – apprentissage de l’aéroport faisaient auparavant partie de l’AEA, comme d’autres employés affectés aux services aux invités qui sont maintenant inclus dans l’unité de négociation. Il est stipulé dans le mandat que les membres de l’AEA doivent travailler en collaboration avec l’employeur relativement aux questions touchant la rémunération, l’établissement des horaires, les avantages sociaux, les politiques et les conditions de travail.

[68] Le Conseil est convaincu que ces coordonnateurs ont une communauté d’intérêts avec les autres membres de l’unité de négociation et qu’ils exercent des fonctions étroitement liées à celles du groupe des services aux invités. Même si les titulaires de ces postes de coordonnateurs n’exécutent pas des tâches de première ligne, ils appuient les employés de l’unité de négociation qui sont chargés de ces tâches. De plus, le fait que ces postes faisaient partie de l’AEA démontre au Conseil qu’ils sont régis par des conditions d’emploi similaires.

[69] Par conséquent, le Conseil conclut que les postes de coordonnateur de l’apprentissage de l’aéroport et de coordonnateur – apprentissage de l’aéroport doivent être inclus dans l’unité de négociation.

2. Coordonnateurs des services journaliers, coordonnateurs IROP et coordonnateurs des effectifs

[70] L’employeur n’a pas avancé que les titulaires de ces postes de coordonnateurs exercent des fonctions de direction ou devraient être exclus de l’unité de négociation parce que ses titulaires exercent des fonctions de direction. L’employeur n’a pas non plus fait valoir que ces postes sont des postes de confiance comportant l’accès à des renseignements confidentiels en matière de relations du travail. Il n’est donc pas contesté que les employés qui occupent ces postes sont des « employés » au sens du Code.

[71] L’employeur a affirmé que les coordonnateurs des services journaliers attribuent les tâches quotidiennes aux préposés aux services aux invités (les ASC). Les coordonnateurs IROP sont responsables de la gestion des opérations irrégulières et ils doivent, à cette fin, informer les chefs du personnel des services aux invités des plans d’urgence pour assurer la prestation des services. Les coordonnateurs des effectifs font la synthèse des horaires de travail à la fin des périodes de base pour superviser et coordonner la répartition des heures supplémentaires.

[72] L’employeur a soutenu que les postes de coordonnateurs des services journaliers et des effectifs et de coordonnateur IROP ne supposent pas d’assurer un soutien à la prestation des services aux invités de première ligne. Il a également avancé que les fonctions de ces trois postes de coordonnateurs sont considérées comme des fonctions administratives ou des fonctions de soutien aux employés. Pour ces raisons, l’employeur soutient que ces postes devraient être exclus de l’unité de négociation.

[73] Le syndicat a avancé que les fonctions de ces trois postes de coordonnateurs sont intégrées à celles de préposés aux services aux invités qui font partie de l’unité de négociation. Il a fait observer que ces postes sont habituellement occupés par d’anciens ASC qui connaissent les fonctions à exercer, et qu’ils faisaient tous partie de l’AEA.

[74] Le Conseil est convaincu que les titulaires de ces trois postes de coordonnateurs ont une communauté d’intérêts avec les autres membres de l’unité de négociation. La responsabilité des coordonnateurs des services journaliers consistant à assigner les tâches est essentiellement une fonction d’établissement des horaires et elle constitue, dans le cas présent, une fonction de soutien aux employés de l’unité de négociation. La fonction de spécialiste technique que remplissent les coordonnateurs IROP relativement à des ententes avec des compagnies aériennes partenaires et le soutien actif apporté aux employés de première ligne, pour ce qui est des niveaux supérieurs d’appui et d’assistance technique, démontrent les liens étroits que ce poste entretient avec les fonctions des services aux invités. La fonction des coordonnateurs des effectifs consistant à établir, à ajuster et à faire coïncider les horaires de travail du personnel de première ligne, de manière à garantir qu’il soit satisfait aux besoins en personnel de l’équipe des services aux invités, constitue également une fonction d’appui aux employés de l’unité de négociation, qui est intégrée au travail de ces derniers.

3. Coordonnateurs de zone de manœuvre

[75] L’employeur soutient que ces coordonnateurs ont des responsabilités de direction et qu’ils devraient être exclus de l’unité de négociation principalement pour cette raison. Il a déclaré que les titulaires de ce poste apportent leur appui à d’autres directeurs, appelés directeurs de zone, en gérant les « escales des avions », et qu’ils doivent à cette fin coordonner des ressources appartenant au « personnel navigant » et au « personnel au sol » (traductions). L’employeur souligne en outre que les titulaires de cette fonction ne participent pas directement aux services aux invités et qu’ils n’apportent aucun soutien à la prestation des services aux invités de première ligne.

[76] L’employeur a soutenu que ce poste devrait également être exclu parce que les fonctions qui y sont associées, en plus de la fonction de direction, sont considérées comme des fonctions administratives ou de soutien aux employés.

[77] Le syndicat a affirmé que les fonctions de ces coordonnateurs sont intégrées à celles de tous les partenaires opérationnels, y compris le personnel des services aux invités, pour ce qui est des situations qui surviennent lors du déchargement d’un avion et de l’embarquement à bord de celui-ci pendant une escale à un aéroport.

[78] Les titulaires de postes de direction sont exclus d’une unité de négociation afin d’éviter qu’ils se retrouvent dans des situations de conflit d’intérêts, du fait de leur loyauté envers l’employeur et de leur appartenance au syndicat. Les conflits d’intérêts découlent du pouvoir d’un directeur de congédier des collègues ou de prendre des mesures disciplinaires contre eux. Voilà pourquoi les directeurs se voient refuser le droit aux négociations collectives accordé à d’autres employés. Pour qu’un employé soit considéré comme un directeur, et qu’il n’ait donc pas le statut d’employé au sens du Code, il doit avoir un pouvoir décisionnel réel ou définitif, qui a une incidence sur l’emploi d’autres employés (voir Island Telephone Company Limited (1990), 81 di 126 (CCRT no 811)).

[79] Dans la présente affaire, l’employeur n’a présenté aucun élément de preuve qui démontrerait que les titulaires d’un poste de coordonnateur de zone de manœuvre disposent d’un quelconque pouvoir pour embaucher et congédier des employés, ou pour prendre des mesures disciplinaires contre ceux-ci, ou qu’ils assument des responsabilités opérationnelles ou stratégiques plus vastes en conséquence desquelles ils devraient être exclus en tant que titulaires de postes de direction. En outre, comme les autres coordonnateurs dont les postes ont été examinés dans la présente décision, les coordonnateurs de zone de manœuvre faisaient eux aussi partie de l’AEA. Le Conseil est convaincu que ces coordonnateurs ont également une communauté d’intérêts avec les autres employés de l’unité de négociation, compte tenu du lien étroit entre leurs fonctions et celles du personnel des services aux invités.

[80] Le Conseil décide en conséquence que les coordonnateurs de zone de manœuvre doivent être inclus dans l’unité de négociation.

III. Conclusion

[81] Pour l’ensemble des motifs ci-dessus, le Conseil conclut que le syndicat a satisfait aux exigences de l’article 28 du Code, ce qui ne laisse au Conseil d’autre choix que d’accréditer le syndicat requérant en tant qu’agent négociateur des employés de l’unité décrite dans la présente décision.

[82] L’ordonnance finale, qui correspond à la présente décision, est jointe à celle-ci.

[83] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

Traduction

 

____________________

Ginette Brazeau

Présidente

 

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Elizabeth Cameron

Membre

 

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Paul Moist

Membre

 

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