Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Maria Antonia Jaime,

requérante,

et

CanJet Airlines, une division de I.M.P. Group limitée,

intimé.

Dossier du Conseil : 32419‑C

Référence neutre : 2018 CCRI 886

Le 3 août 2018

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) était composé de Me Ginette Brazeau, Présidente, ainsi que de Mes Louise Fecteau, et Lynne Poirier, Vice‑présidentes.

Représentants des parties au dossier

Mme Dagmar Yasi Sampayo‑Jaime, pour Mme Maria Antonia Jaime;

Me Cristina E. Firmini, pour CanJet Airlines, une division de I.M.P. Group limitée.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Louise Fecteau, Vice‑présidente.

I. Nature de la demande

[1] Le 3 janvier 2017, Mme Dagmar Yasi Sampayo-Jaime, au nom de Mme Maria Antonia Jaime (requérante), a déposé une demande de réexamen contestant la décision rendue par le Conseil dans Jaime, 2017 CCRI 864 (RD 864) (dossier no 30483‑C).

[2] Dans la décision RD 864, le Conseil a rejeté la plainte de la requérante déposée en vertu du paragraphe 133(1) du Code canadien du travail (Partie II – Santé et sécurité au travail) (la partie II du Code). La requérante alléguait avoir subi diverses représailles de la part de CanJet Airlines, une division de I.M.P. Group limitée (CanJet ou l’employeur), allant jusqu’au congédiement, et ce, en raison du dépôt auprès de celui-ci de deux plaintes pour violence et harcèlement en milieu de travail.

[3] La requérante avait déposé sa plainte auprès du Conseil le 3 juin 2014 puis une plainte modifiée quelques jours après.

[4] Le banc initial a tenu sept jours d’audience au cours desquels il a entendu cinq témoins, dont la requérante et son fils. La requérante était représentée par sa fille, Mme Dagmar Yasi Sampayo‑Jaime. Le Conseil a conclu qu’aucune mesure de représailles n’avait été prise contre la requérante du fait qu’elle avait déposé des plaintes en vertu de la partie II du Code.

[5] En fait, dans la décision RD 864, le Conseil a dans un premier temps rejeté plusieurs allégations de représailles contenues dans la plainte de la requérante estimant que les évènements rapportés s’étaient produits au-delà du délai de 90 jours prévu au paragraphe 133(2) de la partie II du Code. Relativement au bien‑fondé des autres allégations de représailles invoquées par la requérante, dont celles liées à son congédiement, le Conseil a conclu que la requérante n’a pas démontré qu’elle avait été congédiée en raison du dépôt de ses plaintes pour violence et harcèlement en milieu de travail, et qu’elle n’avait pas subi de représailles au sens de l’article 147 de la partie II du Code.

[6] Essentiellement, la requérante a soulevé deux motifs à l’appui de sa demande de réexamen. Elle allègue que le Conseil n’a pas respecté le principe de justice naturelle et a invoqué l’obtention de « nouvelles preuves substantielles ». Elle reproche également au Conseil d’avoir accepté l’interprétation que donne l’employeur à la convention collective en vigueur, démontrant ainsi un manque d’impartialité.

II. Analyse et décision

[7] L’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (la partie I du Code) prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour trancher la plainte sans tenir d’audience.

[8] Le paragraphe 22(1) de la partie I du Code prévoit que les décisions du Conseil sont définitives une fois rendues. En effet, la clause privative est libellée ainsi :

22 (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, les ordonnances ou les décisions du Conseil sont définitives et ne sont susceptibles de contestation ou de révision par voie judiciaire que pour les motifs visés aux alinéas 18.1(4)a), b) ou e) de la Loi sur les Cours fédérales et dans le cadre de cette loi.

[9] Malgré le caractère définitif de ses décisions, le Conseil dispose du pouvoir de réexaminer ses décisions, en vertu de l’article 18 de la partie I du Code :

18 Le Conseil peut réexaminer, annuler ou modifier ses décisions ou ordonnances et réinstruire une demande avant de rendre une ordonnance à son sujet.

[10] Cela dit, le Conseil a précisé à maintes reprises, dans ses décisions antérieures, que le processus de réexamen n’est pas un appel et ne devrait donc pas être utilisé comme un moyen de présenter à nouveau les observations présentées devant le banc initial. Le banc de révision ne remettra pas en question l’exercice du pouvoir discrétionnaire du banc initial.

[11] Dans Williams c. Section Locale 938 de la Fraternité des Teamsters, 2005 CAF 302, la Cour d’appel fédérale a noté la distinction entre un appel et une demande de réexamen :

[7] Il m’est impossible de dire que la décision du Conseil sur la demande de réexamen était manifestement déraisonnable. Une demande de réexamen n’est pas une possibilité d'obtenir une nouvelle audience et ne constitue pas non plus un appel. Dans son examen de la décision initiale, la formation chargée du réexamen ne pouvait substituer sa propre appréciation des faits à celle de la formation initiale. En l’espèce, vu les faits dont elle a été saisie, la formation initiale a conclu que le syndicat avait le droit de ne pas poursuivre l’affaire et le demandeur n’invoque aucun fait ou motif nouveau qui pourrait modifier cette conclusion.

[12] Dans Buckmire, 2013 CCRI 700, le Conseil a décrit les motifs de réexamen ainsi que les éléments essentiels qui devraient être inclus dans une demande présentée à cette fin :

1. Faits nouveaux

[37] Ce motif porte sur des faits nouveaux que le requérant n’a pas portés à la connaissance du Conseil quand il a initialement présenté sa cause. Il ne s’agit pas, pour le requérant, d’une occasion d’ajouter des faits qu’il avait négligé de faire valoir.

[38] Comme le résume la décision Kies 413, précitée, une demande de réexamen doit comporter, à tout le moins, les renseignements suivants au sujet des faits nouveaux qui sont allégués…

2. Erreur de droit ou de principe

[40] Une présumée erreur de droit ou de principe doit véritablement remettre en question l’interprétation du Code donnée par le Conseil. Le critère applicable comporte donc deux volets. Une simple divergence d’opinions sur l’interprétation d’une question de droit ou de principe ne justifie pas un réexamen.

[41] La question de droit ou le principe en cause doit également avoir été soulevé devant le banc initial.

[42] Si une erreur de droit ou de principe est alléguée, les éléments exigés pour la présentation du dossier demeurent les mêmes que ceux énumérés dans Kies 413, précitée :

1. une description du droit ou du principe en cause;

2. l’erreur exacte que le banc initial a commise dans l’application de ce droit ou principe;

3. la manière dont la présumée erreur remet véritablement en question l’interprétation donnée au Code par le banc initial.

3. Justice naturelle et équité procédurale

[43] Une demande de réexamen peut être fondée sur des allégations de non‑respect, par le banc initial, des principes de justice naturelle ou d’équité procédurale.

[44] Conformément à la description donnée dans Kies 413, précitée, une demande présentée par une partie doit dans ce cas contenir au moins ce qui suit :

1. l’identification du principe exact de justice naturelle ou d’équité procédurale;

2. une description de la manière dont le banc initial n’a prétendument pas respecté ce principe.

[13] En la présente instance, le Conseil est d’avis que la demande de réexamen présentée par la requérante doit être rejetée. Les motifs invoqués à l’appui de sa demande sont non fondés pour les raisons qui suivent.

1. Le non respect du principe de justice naturelle

[14] Dans sa demande de réexamen, la requérante allègue le non respect du principe de justice naturelle sans toutefois dire pourquoi. Aucune description de la manière dont le banc initial n’aurait pas respecté ce principe y est décrit. En fait, il semble que ses reproches ont trait plutôt au fait que le banc initial ait, selon la requérante, interprété la convention collective.

[15] Le Conseil tient à préciser que le banc initial a tenu sept jours d’audience, a entendu plusieurs témoins, dont la requérante, et que cette dernière a eu l’occasion de contre‑interroger les témoins de l’employeur. Le banc initial a aussi entendu les plaidoiries respectives des parties. La requérante ne peut assurément reprocher au banc initial un manquement au principe de justice naturelle.

[16] Certes, la requérante avait le fardeau de preuve compte tenu de la nature des plaintes qu’elle a déposées, et le Conseil a déterminé à la lumière de faits bien étoffés et de la preuve entendue, qu’elle ne s’était pas acquittée de ce fardeau.

[17] Relativement au reproche que fait la requérante au banc initial qu’elle accuse d’avoir interprété la convention collective applicable, le Conseil n’est pas de cet avis. Le banc initial a plutôt remis en question la raison pour laquelle la requérante n’avait pas déposé de grief dans le cadre de la procédure de rappel au travail et de son congédiement. Le Conseil a précisément indiqué qu’il n’avait pas la compétence pour interpréter la convention collective et qu’il ne saurait mettre en doute l’interprétation retenue par le syndicat et l’employeur relativement aux dispositions applicables.

[18] Ainsi, le Conseil ne peut conclure que le banc initial n’a pas respecté le principe de justice naturelle dans les circonstances.

2. Faits nouveaux

[19] Aucune explication ou preuve supplémentaire n’a été présentée par la requérante dans sa demande quant à des faits nouveaux qui n’auraient pu être portés à la connaissance du banc initial lorsqu’elle a présenté sa plainte. Pourtant, il lui incombait de présenter toutes les informations pertinentes afin de permettre au Conseil d’évaluer les raisons pour lesquelles ces faits n’ont pas été présentés lors de l’audience de la plainte et en quoi ces faits auraient pu modifier la décision du banc initial.

[20] Par conséquent, et puisque la requérante n’a pas fourni d’argument à cet égard, le Conseil estime que ce motif ne justifie pas le réexamen de la RD 864.


 

III. Conclusion

[21] Compte tenu de ce qui précède, le Conseil est d’avis que la requérante n’a soulevé aucun motif qui justifierait le réexamen de la RD 864. Le fait que la requérante ne soit pas d’accord avec les conclusions du banc initial ne constitue pas un motif approprié ou suffisant pour justifier le réexamen de cette décision.

[22] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

 

 

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Me Ginette Brazeau

Présidente

 

 

 

Me Louise Fecteau

Vice‑présidente

 

 

 

Me Lynne Poirier

Vice‑présidente

 

 

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