Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Metro Cable T.V. Maintenance and Service Employees’ Association,

requérante,

et

Rogers Communications Canada inc.,

employeur,

et

Grand River Technical Employees Association,

intervenante.

Dossier du Conseil : 31243-C

Référence neutre : 2018 CCRI 879

Le 8 mai 2018

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) était composé de Me Allison Smith, Vice-présidente, ainsi que de MM. André Lecavalier et Gaétan Ménard, Membres.

Procureurs inscrits au dossier

Me Christopher McClelland, pour la requérante;

Me Brian P. Smeenk, pour l’employeur.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Allison Smith, Vice-présidente.

L’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code) prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant examiné tous les documents au dossier, y compris les observations présentées avec la demande initiale et les observations supplémentaires qu’il avait demandées par suite de la décision de la Cour d’appel fédérale (CAF), le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour trancher la présente affaire sans tenir d’audience.

I. Contexte

[1] Le 14 août 2015, le Conseil a reçu une demande de révision d’unité de négociation présentée par la Metro Cable T.V. Maintenance and Service Employees’ Association (le syndicat) en vertu de l’article 18 du Code. Le syndicat demandait au Conseil d’inclure dans l’unité de négociation existante tous les (i) techniciens de service; (ii) techniciens à l’entretien; (iii) techniciens de tête de ligne; (iv) techniciens de plate‑forme; (v) techniciens fibres; (vi) techniciens-construction; et (vii) manutentionnaires (les employés des services techniques) qui travaillent pour Rogers Communications Canada inc. (l’employeur) à partir de son établissement de Hamilton, en Ontario (ci-après appelés collectivement les employés des services techniques de Hamilton).

[2] Le 5 août 2016, le Conseil a rendu la décision Rogers Communications Canada Inc., 2016 CCRI LD 3677 (LD 3677). Dans la LD 3677, le Conseil a conclu que le syndicat avait l’appui de la double majorité, que l’unité serait habile à négocier collectivement si les employés des services techniques de Hamilton y étaient ajoutés, et que cet ajout favoriserait l’établissement de relations du travail saines et harmonieuses. Le Conseil a accueilli la demande du syndicat en vertu de l’article 18 du Code et a modifié la description de l’unité de négociation en conséquence.

[3] L’employeur a demandé le contrôle judiciaire de la LD 3677 auprès de la CAF.

[4] Les principaux motifs de contrôle judiciaire invoqués par l’employeur étaient que le Conseil avait commis une erreur lorsqu’il avait continué à appliquer l’article 18 sans tenir compte des récentes modifications législatives édictées dans la Loi sur le droit de vote des employés, L.C. 2014, ch. 40 – laquelle rendait obligatoire la tenue d’un scrutin de représentation secret dans le cadre d’une procédure d’accréditation – et qu’il n’avait pas expliqué pourquoi. L’employeur avançait également que le Conseil avait agi de manière déraisonnable lorsqu’il avait conclu que le syndicat bénéficiait de l’appui de la majorité au sein de l’unité élargie, alors que rien ne le démontrait.

[5] Le 15 juin 2017, la CAF a accueilli la demande de contrôle judiciaire (Rogers Communications Canada Inc. v. Maintenance and Service Employees Association, 2017 FCA 127). Dans sa décision, la CAF constatait que l’employeur n’avait pas contesté les conclusions suivantes tirées par le Conseil dans la LD 3677 : l’unité de négociation modifiée proposée par le syndicat était viable, et aussi appropriée que l’était l’unité accréditée précédemment aux fins des négociations collectives, et l’ajout des employés des services techniques de Hamilton à l’unité existante favoriserait la réalisation des objectifs liés aux relations du travail.

[6] La CAF a également souligné que l’employeur avait concédé, lors de l’audition de la demande de contrôle judiciaire, qu’il avait surtout mis l’accent, devant le Conseil, sur la procédure en vertu de l’article 24 du Code, et qu’il n’avait pas soulevé expressément la question de l’incidence des modifications législatives sur les pouvoirs du Conseil en vertu de l’article 18. La CAF a néanmoins estimé que les exigences découlant des articles 18 et 24 du Code étaient « en cause » (traduction) devant le Conseil, et elle a déduit que l’employeur s’opposait à la demande du syndicat au motif que les employés des services techniques de Hamilton avaient été « privés du droit à un scrutin de représentation secret, que ce soit dans le contexte d’une demande en vertu de l’article 18 ou en vertu de l’article 24 du Code » (traduction).

[7] La CAF a renvoyé la demande de révision de l’unité de négociation du syndicat devant le Conseil, afin que celui-ci rende une nouvelle décision, qui tiendrait compte de celle de la CAF. Plus précisément, la CAF a enjoint au Conseil de trancher les deux questions suivantes :

  1. Le cas échéant, dans quelle mesure les modifications apportées à la section III du Code influent-elles sur la demande du syndicat?

  2. Le syndicat a-t-il démontré qu’il a l’appui de la double majorité pour les ajouts proposés à l’unité de négociation?, la CAF soulignant que cette question était traitée selon des approches contradictoires dans la jurisprudence du Conseil.

[8] Le 11 juillet 2017, le Conseil a écrit aux parties pour leur demander de présenter des observations sur les deux questions que la CAF lui avait demandé de trancher. Aucune de ces questions n’avait fait l’objet d’une argumentation ou d’un exposé complet dans les observations initiales des parties que le Conseil avait examinées pour rendre la LD 3677.

[9] Le Conseil a reçu des observations de l’employeur et du syndicat concernant les deux questions ci-dessus.

[10] Le Conseil constate que, alors que la Grand River Technical Employees Association (GRA) avait le statut d’intervenant et avait présenté des observations dans le contexte de la demande initiale, elle n’a présenté aucune observation supplémentaire en l’espèce. Le Conseil avait conclu, dans la LD 3677, que les techniciens‑construction étaient représentés par la GRA et était par conséquent exclus de l’unité de négociation proposée. Cette décision n’a été contestée ni par l’employeur ni par le syndicat.

[11] Le Conseil examinera chacune des questions séparément ci‑dessous, mais auparavant, il convient de décrire la ligne de conduite générale du Conseil relativement aux demandes de révision fondées sur l’article 18, de même que les modifications législatives en cause dans la présente affaire, édictées dans la Loi sur le droit de vote des employés.

A. Révisions en vertu de l’article 18 – La règle de la double majorité

[12] L’article 18 du Code établit le pouvoir général de réexamen du Conseil et permet au Conseil de réexaminer et de modifier les ordonnances d’accréditation. C’est également cet article qui confère au Conseil le pouvoir de réexaminer ses décisions antérieures. L’article 18 est ainsi libellé :

18 Le Conseil peut réexaminer, annuler ou modifier ses décisions ou ordonnances et réinstruire une demande avant de rendre une ordonnance à son sujet.

[13] La décision du Conseil faisant autorité en matière de révision d’unités de négociation en vertu de l’article 18 est Téléglobe Canada (1979), 32 di 270; [1979] 3 Can LRBR 86; et 80 CLLC 16,025 (rapport partiel) (CCRT no 198) (Téléglobe). Cette décision énonce les considérations de principe et établit les règles de base pour trancher les demandes de révision d’unités de négociation, et elle constitue une déclaration de principes faite délibérément à l’époque par le prédécesseur du Conseil, le Conseil canadien des relations du travail, relativement à la façon dont les demandes de révision seraient traitées.

[14] La décision Téléglobe, précitée, a fait l’objet d’un contrôle judiciaire par la CAF, qui l’a confirmée (Téléglobe Canada c. Syndicat canadien des télécommunications transmarines, jugement prononcé à l’audience, no A-487-79, 3 octobre 1980, C.A.F.; et Proulx c. Syndicat canadien des télécommunications transmarines, jugement prononcé à l’audience, no A-514-79, 3 octobre 1980, C.A.F). En particulier, la CAF a maintenu le vaste pouvoir discrétionnaire du Conseil eu égard à la détermination des unités de négociation.

[15] Le Conseil dispose d’un pouvoir discrétionnaire établi de longue date pour déterminer la composition d’une unité de négociation qu’il juge habile à négocier collectivement. Ce pouvoir existait à l’époque de Téléglobe, précitée, et les modifications au Code découlant de la Loi sur le droit de vote des employés, et l’annulation ultérieure de ces modifications, n’y ont rien changé. Ce pouvoir est décrit ainsi à l’article 27 du Code :

27 (1) Saisi par un syndicat, dans le cadre de l’article 24, d’une demande d’accréditation pour une unité que celui-ci juge habile à négocier collectivement, le Conseil doit déterminer l’unité qui, à son avis, est habile à négocier collectivement.

(2) Dans sa détermination de l’unité habile à négocier collectivement, le Conseil peut ajouter des employés à l’unité proposée par le syndicat ou en retrancher.

[16] Le Conseil a établi depuis longtemps qu’il conserve un rôle de supervision quant à la portée des unités de négociation qu’il a lui-même déterminées. À la différence de ce qui se fait dans d’autres ressorts, les parties ne peuvent pas négocier elles-mêmes la modification de la taille ou de la portée d’une unité que le Conseil a jugée habile à négocier collectivement. Seul le Conseil a le pouvoir d’apporter de telles modifications. Par conséquent, il doit exister un processus à cette fin, et le Conseil doit donc conserver le pouvoir discrétionnaire important qui est le sien pour réviser puis modifier la portée d’une unité, au motif que l’unité modifiée proposée est, aux fins des relations du travail, au moins aussi appropriée que l’unité accréditée initialement. C’est ce vaste pouvoir discrétionnaire de révision que l’article 18 confère au Conseil.

[17] Téléglobe, précitée, a établi la règle de la double majorité ainsi que d’autres exigences que doit respecter un requérant qui sollicite, au moyen d’une demande de révision, la modification de l’ordonnance d’une unité de négociation existante. La décision Téléglobe, précitée, décrit et analyse dans le détail les deux principaux types de demandes visant à faire modifier une unité de négociation, à savoir les demandes de clarification et les demandes d’élargissement, dont les particularités sont résumées ci-après.

[18] Une demande de clarification vise à faire ajouter des postes ou des classifications à une unité de négociation existante, sans changer la nature essentielle du certificat d’accréditation initial. Ce type de demande est également appelé accroissement (bien que ce terme ait été utilisé de façon non uniforme par les deux parties ainsi que par le Conseil, ce qui a occasionné une certaine confusion dans la jurisprudence du Conseil).

[19] Lorsque l’ajout proposé est sans incidence sur la portée intentionnelle de l’unité de négociation initiale, le syndicat doit démontrer qu’il dispose de l’appui de la majorité globale au sein de l’unité agrandie, et le Conseil ne vérifiera pas la volonté des employés à ajouter. Essentiellement, le Conseil examine le type de travail effectué par les titulaires des postes à ajouter et il se demande si, étant donné ce type de travail, ces postes auraient été inclus dans l’unité de négociation au moment de l’accréditation initiale. Dans l’affirmative, il est considéré que le syndicat a déjà des droits de négociation relativement à ce type de travail. Il s’ensuit que la nature de l’unité n’est pas sensiblement modifiée par l’ajout des classifications, et l’unité agrandie qui en résulte demeure un groupe homogène.

[20] Il n’est donc pas nécessaire que le Conseil demande aux employés nouvellement ajoutés ou englobés dans l’unité d’exprimer leur volonté. Les employés du groupe à ajouter qui ne souhaitent pas être englobés dans l’unité se retrouvent dans une position identique à celle des employés qui étaient contre la syndicalisation au moment de l’accréditation initiale.

[21] En raison de l’ajout d’employés à l’unité existante, le Conseil devra néanmoins s’assurer que l’agent négociateur bénéficie de l’appui de la majorité des employés au sein de son unité nouvellement agrandie.

[22] Le deuxième type de demande visant à faire modifier une unité de négociation existante est l’élargissement. Une demande de ce genre vise à faire ajouter des postes à une unité existante, dans des circonstances où l’ajout de ces postes entraîne une modification sensible de la nature et de la portée de l’ordonnance d’accréditation initiale.

[23] Les demandes d’élargissement sont décrites dans la jurisprudence du Conseil comme des demandes qui modifient sensiblement ou radicalement la composition de l’unité de négociation, parce que le requérant demande au Conseil d’ajouter à son unité existante des postes qui n’auraient pas été inclus dans l’ordonnance d’accréditation initiale ou visés par sa portée.

[24] Le travail des titulaires des postes ou classifications à ajouter n’est pas de même nature que celui des titulaires des postes déjà inclus dans l’unité, ce qui a pour effet de créer une unité de négociation sensiblement différente de celle qui avait été accréditée initialement. Cette situation a également pour effet d’élargir l’unité existante de façon à ce qu’elle inclue des employés qui n’étaient auparavant pas représentés et à l’égard desquels le syndicat se voit accorder de nouveaux droits de négociation.

[25] Étant donné que ces demandes d’élargissement modifient la nature et la portée de l’unité existante et qu’elles peuvent, au bout du compte, permettre au syndicat d’acquérir des droits de négociation à l’égard de nouvelles classifications d’employés qui n’étaient auparavant pas représentées, ces demandes sont considérées comme du même type, ou sont de même nature, qu’une demande d’accréditation initiale. Or, le Conseil a établi, pour des raisons de principe, que des droits et protections similaires à ceux qui entrent en jeu dans le cadre d’une demande d’accréditation initiale doivent être accordés aux employés dont l’ajout à l’unité est envisagé. Il est important pour le Conseil de s’assurer qu’il n’est pas permis au syndicat requérant d’invoquer le même appui des membres que celui qui lui avait été accordé alors qu’il sollicitait des droits de négociation à l’égard d’une unité sensiblement différente, pour obtenir ultérieurement des droits de négociation à l’égard d’un groupe d’employés nouveau et distinct. Les employés que le syndicat souhaite faire ajouter à l’unité doivent plutôt avoir la possibilité d’exprimer s’ils désirent ou non être représentés par le syndicat requérant. Ainsi, le Conseil ne se contentera pas d’accepter l’appui de la majorité au sein de l’unité élargie; il exigera aussi que le syndicat démontre qu’il bénéficie de l’appui de la majorité au sein du groupe d’employés à ajouter. Le Conseil doit également être convaincu que l’unité demeure habile à négocier collectivement à la suite de la modification de la portée de l’unité de négociation. Dans cette optique, le Conseil a traité les demandes d’élargissement d’une façon semblable (mais non identique) à la façon dont il traite les demandes d’accréditation, puisque le syndicat doit satisfaire, dans le cadre de ces demandes, aux exigences essentielles d’une demande d’accréditation.

[26] Ainsi, dans le cadre d’une demande de ce genre, l’unité de négociation doit être habile à négocier collectivement à la suite de sa modification et de son élargissement, et le syndicat doit démontrer qu’il a l’appui de la double majorité, c’est-à-dire :

  1. l’appui de la majorité des employés à ajouter;

  2. l’appui de la majorité globale au sein de l’unité nouvellement élargie.

[27] Téléglobe, précitée, énonçait une intention claire de la part du Conseil de conserver une certaine latitude pour réviser la composition des unités de négociation et pour faire en sorte qu’une nouvelle demande d’accréditation ne doive pas être présentée chaque fois que l’ajout d’un groupe d’employés serait sollicité.

[28] L’exigence de l’appui au sein du groupe d’employés à ajouter permet à un syndicat de demander une révision de l’unité de négociation en vertu de l’article 18 afin de faire ajouter des employés à une unité existante, plutôt que d’avoir à présenter une nouvelle demande d’accréditation. On ne saurait donc prétendre qu’un syndicat contourne le processus d’accréditation, puisqu’il doit être satisfait aux exigences essentielles d’une accréditation initiale dans le cadre du processus de révision d’une unité de négociation. Exiger une nouvelle demande d’accréditation dans ces circonstances mènerait à la création d’une unité distincte, ce qui entraînerait une prolifération des unités. Pour parvenir au même résultat, un syndicat devrait ensuite présenter une seconde demande afin que les deux unités soient fusionnées. Ainsi, grâce à la règle de la double majorité, le processus de révision en vertu de l’article 18 permet d’atteindre deux objectifs stratégiques, soit la protection des droits des employés non représentés à l’égard desquels le syndicat acquiert de nouveaux droits de négociation, et la prévention des conséquences indésirables en matière de relations du travail qu’entraînerait l’obligation de présenter une nouvelle demande d’accréditation.

[29] Dans Brink’s Canada Limited (1996), 100 di 39 (CCRT no 1153), le Conseil a rappelé l’approche établie dans Téléglobe, précitée, tout en confirmant que celle-ci « permet d’assurer l’équilibre délicat entre les intérêts institutionnels des syndicats et les intérêts des employés qu’ils veulent représenter ».

[30] En résumé, suivant la pratique décrite dans Téléglobe, précitée, lorsqu’une demande de révision d’une ordonnance d’accréditation vise à faire ajouter des postes à une unité de négociation, et que cet ajout ne modifie pas sensiblement la portée intentionnelle ou la nature de l’unité initiale, le syndicat doit seulement démontrer qu’il détient une majorité globale (soit la majorité de l’ensemble des employés de l’unité, y compris ceux dont l’inclusion est sollicitée au moyen de la demande). Toutefois, si l’ajout modifie la nature et la portée intentionnelle de l’unité initiale, le syndicat doit démontrer qu’il détient une « double majorité », c’est-à-dire l’appui de la majorité des employés dont les postes seraient ajoutés à l’unité de négociation, ainsi que l’appui de la majorité au sein de l’unité élargie. Ce principe vise à empêcher que des agents négociateurs puissent intégrer des employés dans une unité modifiée sur le fondement de l’appui qu’ils avaient obtenu initialement, et ce, sans égard à la volonté des employés ajoutés.

[31] La première tâche du Conseil, dans le cadre de la révision d’une unité de négociation en vertu de l’article 18, est de déterminer le type de demande dont il est saisi. Pour ce faire, le Conseil cherche à établir quelle était la portée intentionnelle de l’ordonnance d’accréditation initiale, et il compare la nature des fonctions des postes ou des classifications initialement inclus et à ajouter. C’est à la suite de cette caractérisation initiale que le Conseil saura quel processus il y a lieu de suivre et à quelles exigences le syndicat doit satisfaire pour que sa demande de révision soit accueillie.

B. Modifications législatives apportées au Code

[32] La Loi sur le droit de vote des employés a reçu la sanction royale le 16 décembre 2014 et elle est entrée en vigueur le 16 juin 2015. Entre autres choses, elle apportait le changement suivant à la section III du Code, qui introduisait l’exigence d’un scrutin de représentation secret devant être tenu peu importe la situation, pour qu’un syndicat puisse être accrédité par le Conseil :

28 (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le Conseil accrédite un syndicat à titre d’agent négociateur d’une unité s’il est convaincu, sur le fondement des résultats d’un scrutin de représentation secret, que la majorité des employés de l’unité qui ont participé au scrutin désirent que le syndicat les représente à titre d’agent négociateur.

(2) Le Conseil ordonne la tenue d’un scrutin de représentation secret au sein d’une unité lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) il a été saisi par un syndicat d’une demande d’accréditation à titre d’agent négociateur de l’unité;

b) il a déterminé que l’unité est habile à négocier collectivement;

c) il est convaincu, sur le fondement de la preuve du nombre d’employés membres du syndicat, qu’à la date du dépôt de la demande, au moins quarante pour cent des employés de l’unité désiraient que le syndicat les représente à titre d’agent négociateur.

[33] En outre, l’article 29 du Code, dont les extraits pertinents sont reproduits ci‑dessous, était abrogé :

29 (1) Le Conseil peut, pour chaque cas dont il est saisi, ordonner la tenue d’un scrutin afin de s’assurer que les employés d’une unité désirent être représentés par un syndicat déterminé à titre d’agent négociateur.

...

(2) Le scrutin de représentation est obligatoire dans le cas où l’unité n’est représentée par aucun syndicat et où le Conseil est convaincu que de trente‑cinq pour cent à cinquante pour cent inclusivement des employés de l’unité adhèrent au syndicat qui sollicite l’accréditation.

[34] Avant cette modification législative apportée à la section III du Code, le Conseil pouvait accréditer un syndicat sur le fondement d’une preuve d’adhésion (cartes d’adhésion syndicale signées) déposée avec la demande et démontrant que la majorité des employés visés appuyaient le syndicat. Selon ce système fondé sur des cartes d’adhésion, un scrutin de représentation n’était obligatoire que si la preuve d’adhésion témoignait d’un appui de 35 % à 50 % seulement en faveur du syndicat. En vertu de l’article 29 du Code, le Conseil avait néanmoins le pouvoir discrétionnaire d’ordonner la tenue d’un scrutin de représentation pour chaque cas dont il était saisi afin de s’assurer de l’appui de la majorité.

[35] Le 22 juin 2017, après que la CAF eut rendu sa décision du 15 juin 2017, d’autres modifications au Code sont entrées en vigueur. Ces modifications ont eu pour effet d’annuler celles qui avaient été apportées au Code en vertu de la Loi sur le droit de vote des employés.

[36] Toutefois, les modifications apportées au Code par suite de la prise d’effet de la Loi sur le droit de vote des employés étaient en vigueur au moment où le Conseil a reçu la présente demande, le 14 août 2015.

[37] Ayant décrit l’approche générale du Conseil concernant les demandes de révision de même que les modifications législatives touchant le processus d’accréditation en vertu du Code qui étaient en vigueur au moment où le syndicat a présenté sa demande de révision, le Conseil rendra maintenant une nouvelle décision quant à la présente demande, en tenant compte des motifs de la CAF, et il répondra aux questions précises posées par celle-ci.

II. Le cas échéant, dans quelle mesure les modifications apportées à la section III du Code influent-elles sur la demande du syndicat?

A. Position des parties

1. L’employeur

[38] L’employeur fait valoir que les modifications au Code ont effectivement eu une incidence sur la présente demande. Il affirme que, pour l’application de l’article 18, le Conseil devait tenir un scrutin de représentation secret afin d’établir si le syndicat avait l’appui de la majorité du groupe d’employés à ajouter à l’unité existante, au lieu de se fonder sur une preuve d’adhésion déposée avec la demande.

[39] L’employeur fait valoir que, bien que le Conseil ait écrit, dans la LD 3677, qu’« il traite les demandes fondées sur l’article 18 visant à ajouter des postes à une unité de négociation de manière semblable à la façon dont il traite les demandes d’accréditation » (page 9), le Conseil n’a pas tenu de scrutin secret, comme il était tenu de le faire à l’époque dans le cadre d’une demande d’accréditation, selon la section III du Code.

[40] L’employeur déclare que les modifications qui ont résulté de la Loi sur le droit de vote des employés témoignaient d’une intention claire du législateur de faire en sorte que la volonté des employés soit établie au moyen de scrutins de représentation secrets. L’employeur avance que cette intention se dégage clairement du Hansard, comme le démontrent les extraits des débats de la Chambre des communes et des délibérations du comité permanent qu’il a joint à ses observations. Sous le régime de cette loi, le scrutin de représentation secret obligatoire était la règle, et aucune situation n’y faisait exception. Selon l’employeur, cette loi avait retiré au Conseil le pouvoir discrétionnaire qui lui permettait de se fonder uniquement sur une preuve d’adhésion.

[41] L’employeur a reconnu que le Conseil a le pouvoir, en vertu de l’article 18, de réviser la portée d’une unité accréditée antérieurement sous le régime de la section III. Toutefois, il affirme qu’il a de tout temps été reconnu que le processus de révision en vertu de l’article 18 ne peut être utilisé pour contourner le processus d’accréditation obligatoire. En d’autres mots, les demandes présentées au Conseil afin qu’il élargisse des unités de négociation au-delà de leur portée initiale en vertu de l’article 18, de sorte qu’il accorderait de nouveaux droits de négociation à l’égard de groupes qui n’étaient jusque-là pas représentés, ont toujours été traitées comme si elles « équivalaient à » des demandes d’accréditation sous le régime de la section III. Par conséquent, le Conseil doit être convaincu que l’agent négociateur a l’appui de la majorité de ceux dont il souhaite obtenir l’ajout à l’unité de négociation.

[42] Le Conseil a pendant très longtemps disposé d’une certaine latitude et d’un pouvoir discrétionnaire eu égard à la façon de déterminer l’appui accordé à l’agent négociateur par un groupe d’employés à ajouter à une unité de négociation en vertu de l’article 18. L’employeur affirme que cette latitude découlait du vaste pouvoir discrétionnaire dont le Conseil disposait à l’égard des demandes d’accréditation, dans le système fondé sur les cartes d’adhésion.

[43] L’employeur fait valoir que, étant donné les modifications législatives et la ligne de conduite clairement choisie quant à la façon de déterminer l’appui de la majorité dans le contexte d’une demande d’accréditation, cette ligne de conduite doit également être suivie lorsque le Conseil exerce ses pouvoirs en vertu de l’article 18, le Conseil étant alors tenu de procéder à une évaluation identique. On doit considérer que le retrait du pouvoir discrétionnaire du Conseil qui a résulté de la mise en place d’un scrutin obligatoire dans le cadre des demandes d’accréditation a aussi enlevé au Conseil son pouvoir discrétionnaire dans le cadre des demandes fondées sur l’article 18, et que le Conseil a l’obligation de tenir un scrutin de représentation dans le cadre des demandes fondées sur l’article 18 également.

[44] Essentiellement, l’employeur déclare que deux principes fondamentaux entraient en jeu au moment où la demande en cause a été présentée : la nécessité de tenir un scrutin de représentation secret dans le cadre des demandes d’accréditation, et le fait que les demandes fondées sur l’article 18 ne devaient pas permettre de contourner le processus d’accréditation. Ces deux principes, considérés ensemble, impliquent que le Code ne permettait pas au Conseil, à l’époque, d’accueillir des demandes de révision d’unité de négociation qui supposaient un élargissement de la portée de l’unité existante sur le fondement d’une preuve de l’appui des employés autre que le résultat d’un scrutin, comme des cartes d’adhésion. Tout processus autre que la tenue d’un scrutin secret, pour évaluer l’appui des employés, aurait constitué un contournement illicite des modifications apportées au Code par la Loi sur le droit de vote des employés.

2. Le syndicat

[45] Le syndicat précise d’abord qu’au moment où il a présenté sa demande en vertu de l’article 18, il ne s’est pas prononcé sur la question de savoir si un scrutin de représentation devait être tenu parmi les employés des services techniques de Hamilton. À sa connaissance, le Conseil n’avait rendu aucune décision et n’avait établi aucune règle quant à la manière dont il traiterait les demandes fondées sur l’article 18 par suite des modifications découlant de la Loi sur le droit de vote des employés. Selon la compréhension du syndicat, l’employeur s’opposait au fait que le syndicat ait recours à l’article 18 pour atteindre son objectif, estimant qu’il s’agissait d’un abus de procédure, et soutenait que le syndicat aurait dû présenter une demande d’accréditation distincte en vertu de l’article 24. Le syndicat a toutefois affirmé que l’employeur n’avait pas soulevé, dans sa réponse à la demande initiale, la question de la tenue d’un scrutin de représentation au titre de la procédure découlant de l’article 18.

[46] La question dont la CAF a saisi le Conseil est celle de savoir « dans quelle mesure, le cas échéant, les modifications apportées à la section III du Code influent sur la demande du syndicat » (traduction). Le syndicat soutient qu’aucune conséquence des modifications législatives n’est pertinente en l’espèce, car un scrutin secret ne changerait rien au résultat. Le syndicat est convaincu que les employés exprimeront leur volonté, dans le cadre d’un scrutin secret, de la même façon qu’ils l’ont fait au moyen de la preuve d’adhésion présentée avec la demande initiale. À cet égard, le syndicat souligne qu’il a présenté une nouvelle preuve d’adhésion avec les observations supplémentaires demandées par le Conseil, afin qu’il soit hors de doute que la volonté des employés n’avait pas changé depuis la présentation de la demande initiale.

[47] Le syndicat soutient que, sans égard à la ligne de conduite du Conseil, il a toujours été loisible à celui-ci d’ordonner la tenue d’un scrutin de représentation secret pour évaluer la volonté des employés, et que le Conseil a le pouvoir d’ordonner un scrutin de représentation en vertu de l’alinéa 16i) du Code, indépendamment de toute incidence que les modifications législatives peuvent avoir sur l’article 18.

[48] Le syndicat affirme que, dans le contexte de la présente demande, la façon dont le Conseil établit si le syndicat a l’appui de la majorité des employés des services techniques de Hamilton est sans conséquence. Sa préoccupation est que la demande soit tranchée le plus rapidement possible. Étant donné les circonstances uniques de la présente demande, qui a initialement été présentée au Conseil le 14 août 2015, le syndicat demande au Conseil d’ordonner la tenue d’un scrutin de représentation pour les employés des services techniques de Hamilton.

[49] Le syndicat ne prend pas position sur l’incidence des modifications apportées par la Loi sur le droit de vote des employés au regard des demandes fondées sur l’article 18 en général, car il considère que cette question est purement théorique, à la lumière de l’abrogation de la Loi sur le droit de vote des employés.

B. Analyse

[50] Le Conseil ne conteste pas que des changements au Code importants et lourds de conséquences ont découlé de l’adoption de la Loi sur le droit de vote des employés. Les procédures d’accréditation et de révocation sont des éléments fondamentaux du Code, et l’octroi et la révocation des droits de négociation sont des fonctions importantes du Conseil.

[51] Pendant des décennies, le Conseil a fonctionné selon le régime d’accréditation fondé sur les cartes d’accréditation qui est prévu au Code. Cela ne signifie pas, il convient de le souligner, que le Conseil n’a jamais ordonné la tenue de scrutins de représentation secrets pour déterminer le niveau d’appui dont bénéficiaient des syndicats au moment d’accorder ou de révoquer des droits de négociation. En fait, ces scrutins étaient obligatoires dans certaines circonstances, comme on l’a expliqué ci‑dessus. Le régime fondé sur les cartes d’adhésion donnait au Conseil la possibilité d’accréditer un agent négociateur sur la foi de la preuve d’adhésion présentée, ou d’ordonner la tenue d’un scrutin en vertu du paragraphe 29(1) du Code.

[52] L’introduction du scrutin obligatoire a certes privé le Conseil des options ainsi que de la latitude et de l’autorité dont il disposait pour accréditer un agent négociateur sur le seul fondement d’une preuve d’adhésion dans le cadre d’une demande d’accréditation initiale. Le Conseil reconnaît qu’il s’agissait d’une décision de principe prise délibérément par le législateur à ce moment-là.

[53] Toutefois, il est également vrai que les modifications législatives qui ont découlé de la Loi sur le droit de vote des employés s’appliquaient seulement aux procédures d’accréditation et de révocation prévues à la section III du Code. Rien dans la Loi sur le droit de vote des employés ne donne à penser qu’un scrutin secret était obligatoire chaque fois que le Conseil pouvait être tenu d’évaluer l’appui dont disposait un syndicat.

[54] Le processus d’accréditation est établi par la loi. Ce processus est décrit aux articles 24 à 29 du Code, et le processus de révocation, aux articles 38 à 42. Ces articles prévoient à quels moments des demandes peuvent être présentées à ces fins et établissent les conditions qui doivent être respectées pour qu’une accréditation soit accordée ou que les droits de négociation d’un syndicat soient révoqués. Ce sont ces dispositions qui ont fait l’objet de modifications législatives lorsque le législateur a décidé de remplacer le processus qu’elles définissent par un scrutin de représentation obligatoire.

[55] La situation est différente pour les autres procédures sous le régime du Code dans le cadre desquelles le Conseil peut avoir l’occasion d’évaluer l’appui de la majorité. Une de ces autres procédures est la révision des unités de négociation prévue à l’article 18, qui fait l’objet de la présente demande. D’autres exemples sont les révisions de structures d’unités de négociation, lesquelles entraînent la reconfiguration d’unités, que ce soit par suite d’une demande dans laquelle il est allégué que les unités en place ne sont plus habiles à négocier collectivement selon leur structure existante, ou par suite d’une vente d’entreprise ou d’une déclaration d’employeur unique faisant suite à des changements organisationnels touchant l’employeur.

[56] Ces procédures sont principalement axées sur les principes directeurs du Conseil, qui ont été élaborés dans sa jurisprudence, et elles sont assujetties à un vaste pouvoir discrétionnaire du Conseil, étant donné les pouvoirs de réexamen généraux dont il dispose. En général, ces types de demandes concernent tous des changements apportés à des unités de négociation existantes, que le Conseil a déjà jugées habiles à négocier collectivement. Dans ces demandes, le Conseil se concentre habituellement sur la question de savoir si les changements demandés relativement aux unités existantes mèneraient à la formation d’unités qui demeureraient habiles à négocier collectivement. Lorsque de telles demandes entraînent des changements touchant la portée d’une ou plusieurs unités de négociation, ou la création de nouvelles unités, le Conseil doit établir, sans intervention externe et selon les circonstances propres à chaque affaire, s’il y a lieu de vérifier quelle est la volonté des employés et de déterminer l’appui de la majorité, et lui appartient au Conseil de décider de quelle façon et à quel moment il convient de le faire.

[57] Le Conseil a expliqué ci-dessus sa ligne de conduite et sa procédure pour trancher les demandes de révision des unités de négociation en vertu de l’article 18. Cette procédure est un exemple clair de l’exercice, par le Conseil, de son vaste pouvoir discrétionnaire. Le Conseil a élaboré et mis en place un processus pour trancher les demandes de cette nature sur le fondement de ce qu’il considère comme des objectifs stratégiques importants liés aux relations du travail, et il a énoncé sa déclaration de principes à cet égard dans une de ses décisions, à savoir Téléglobe, précitée. La règle de la double majorité, comme on l’appelle aujourd’hui, est une méthode élaborée par le Conseil pour trancher les demandes de révision d’unités de négociation en conformité avec ce qu’il considère comme des principes et des objectifs importants en matière de relations du travail. Le Conseil a élaboré ce processus lui-même et n’a pas été et n’est pas, à cet égard, contraint par des limitations ou des prescriptions législatives. Le Conseil n’est pas non plus obligé légalement de suivre ou d’appliquer ce processus. Aucune méthode ou procédure n’est prescrite par la loi dans le cadre d’une demande fondée sur l’article 18, contrairement à ce qui s’applique dans le cadre des procédures d’accréditation et de révocation.

[58] La Loi sur le droit de vote des employés n’a modifié que les dispositions relatives aux procédures d’accréditation et de révocation prévues à la section III du Code qui concernent l’obtention et la révocation de droits de négociation. Cette loi était sans incidence sur les pouvoirs conférés au Conseil en vertu des articles 18 et 18.1 énoncés à la section II du Code, où sont établis les pouvoirs et les fonctions du Conseil.

[59] En mettant en place le système de scrutin obligatoire, la Loi sur le droit de vote des employés a retiré au Conseil le pouvoir dont il disposait, en vertu des articles 29 et 38 du Code, d’ordonner un scrutin de représentation pour déterminer la volonté des employés lorsqu’il le jugeait indiqué, dans le cadre des demandes d’accréditation et de révocation. Cependant, l’alinéa 16i) du Code, qui donne au Conseil le pouvoir d’ordonner un scrutin de représentation en toute circonstance où il estime que cette démarche lui serait utile, était demeuré intact et inchangé. Ce pouvoir discrétionnaire n’avait pas été retiré au Conseil, et la loi n’ajoutait aucune exigence ni aucun processus de scrutin obligatoire applicable dans le cadre des demandes fondées sur l’article 18 ou 18.1 ni de toute autre demande présentée sous le régime du Code.

[60] L’orientation choisie par le législateur, lorsqu’il a remplacé le système fondé sur des cartes d’adhésion par un système de scrutin obligatoire pour les demandes d’accréditation et de révocation, a été adoptée par l’intermédiaire de la Loi sur le droit de vote des employés. Selon le Conseil, si le législateur avait eu l’intention que le système de scrutin obligatoire s’applique à toutes les procédures du Conseil, il aurait pu le prescrire expressément, et l’aurait fait, au moyen de modifications supplémentaires aux dispositions du Code, lesquelles auraient été incluses dans la Loi sur le droit de vote des employés. Ce n’est clairement pas ce que le législateur a fait.

[61] L’employeur demande au Conseil de conclure que, du fait que le législateur a expressément modifié les procédures d’accréditation et de révocation de manière à ce qu’elles comportent un scrutin obligatoire, le Conseil doit comprendre que cette décision de principe s’applique à toutes ses autres procédures, et agir comme si son pouvoir discrétionnaire lui avait été retiré. L’employeur affirme que si une des procédures du Conseil est semblable à la procédure applicable à une demande d’accréditation, le Conseil est, pour une raison ou une autre, obligé d’exécuter cette autre procédure comme s’il traitait en fait une demande d’accréditation. Le Conseil n’est pas d’accord et ne constate aucune obligation de la sorte qui émanerait du législateur ou de la Loi sur le droit de vote des employés. Une telle intention législative n’est exprimée nulle part dans les extraits du Hansard déposés par l’employeur (ni où que ce soit, à la connaissance du Conseil); tous les extraits déposés concernent la modification des procédures d’accréditation initiale et de révocation. Ces transcriptions du Hansard ne mentionnent nulle part une intention de retirer au Conseil le pouvoir discrétionnaire qu’il détient en vertu de l’une ou l’autre des autres dispositions du Code.

[62] Comme on l’a mentionné ci-dessus, l’élaboration et l’application par le Conseil de la règle de la double majorité constituent le moyen que le Conseil a lui-même choisi pour protéger les droits des employés dans le cadre de demandes qui ont une incidence sur leurs droits et qui ne sont pas des demandes d’accréditation. Le Conseil a choisi de traiter les demandes d’élargissement, qui visent à modifier la nature et la portée de l’unité de négociation initiale, selon une procédure similaire à celle qu’il applique dans le cadre des demandes d’accréditation, en mettant en place certaines protections similaires. La méthode choisie par le Conseil pour parvenir à cette fin est d’insister pour que le syndicat vérifie la volonté des employés qu’il veut faire ajouter à son unité de négociation existante, et qui n’étaient auparavant pas représentés, et que le syndicat démontre qu’il a l’appui de la majorité parmi ce groupe d’employés qui seront éventuellement inclus dans l’unité de négociation.

[63] Les moyens que le Conseil a choisis pour évaluer cet appui des employés à ajouter à l’unité dans le contexte d’une révision en vertu de l’article 18 ont, pendant des décennies, été la preuve d’adhésion ou, exceptionnellement, un scrutin de représentation ordonné en vertu de l’alinéa 16i), lorsque le Conseil le jugeait indiqué. Cette façon de procéder a bien servi le Conseil et les employés au fil des années, et le Conseil ne voit aucune raison de la changer, à moins que la loi ne l’y oblige. Les modifications législatives édictées par le législateur ne comportaient pas cette obligation.

[64] Pour les motifs ci-dessus, le Conseil est incapable de conclure que le législateur a, explicitement ou implicitement, limité ou eu l’intention de limiter le pouvoir discrétionnaire dont il dispose en vertu de dispositions du Code autres que celles qui ont été effectivement modifiées, lesquelles concernent les demandes d’accréditation initiales et les demandes de révocation sous le régime de la section III du Code. Le vaste pouvoir de révision du Conseil en vertu de l’article 18 et son processus axé sur ses principes directeurs pour procéder à la révision des unités de négociation sont demeurés intacts et inchangés.

[65] Par conséquent, le Conseil conclut, en réponse à la première question de la CAF, que les modifications à la section III du Code que prévoyait la Loi sur le droit de vote des employés étaient sans incidence sur la présente demande de révision du syndicat fondée sur l’article 18 du Code.

III. Le syndicat a-t-il démontré qu’il a l’appui de la double majorité?

[66] Au commencement de la présente décision, le Conseil a décrit la pratique et l’approche qu’il adopte pour trancher les demandes en vertu de l’article 18 qui sollicitent la révision d’une unité de négociation déjà représentée par un syndicat, et il a expliqué la règle de la double majorité, telle que le Conseil l’a établie dans Téléglobe, précitée.

[67] Il n’est pas contesté, et le Conseil a déjà conclu, que la demande du syndicat en l’espèce est correctement décrite comme une demande d’élargissement. Cette demande vise à élargir l’ordonnance d’accréditation existante du syndicat par l’ajout des employés des services techniques de Hamilton, ce qui aurait pour effet de modifier sensiblement la portée de l’ordonnance d’accréditation actuelle. Ainsi, la règle de la double majorité doit être appliquée, et le syndicat doit démontrer qu’il a à la fois l’appui de la majorité au sein du groupe d’employés à ajouter, c’est-à-dire les employés des services techniques de Hamilton, et l’appui de la majorité au sein de l’unité élargie considérée dans son ensemble.

[68] Le litige qui persiste entre les parties concerne la façon et les moyens par lesquels un syndicat doit démontrer qu’il bénéficie de cet appui de la majorité, ou les moyens que le Conseil doit employer pour établir que le syndicat dispose d’un tel appui et satisfait donc au critère de la double majorité.

[69] Pour répondre à la première question de la CAF ci-dessus, le Conseil s’est penché sur les moyens qu’il peut employer pour vérifier un des volets du critère de la double majorité, à savoir si le syndicat a l’appui de la majorité des employés des services techniques de Hamilton, qu’il souhaite faire ajouter à son unité existante.

[70] La seconde question posée par la CAF concerne les moyens par lesquels le Conseil peut vérifier l’autre volet du critère de la double majorité, qui consiste à déterminer si le syndicat a l’appui de la majorité globale au sein de l’unité élargie.

[71] La CAF a relevé, dans la jurisprudence du Conseil, des approches non concordantes qui ont été employées pour évaluer l’appui de la majorité au sein de l’unité élargie, comme en témoignent les positions antagonistes soutenues par les parties en l’espèce. Le Conseil ne se contentera donc pas de rendre la décision qui tranchera la présente demande, mais il saisira l’occasion pour tenter d’expliquer dans une certaine mesure la confusion qui a pu régner dans le passé, et pour clarifier l’approche qu’il a l’intention d’appliquer à l’avenir afin de venir en aide à la communauté des relations du travail.

A. Position des parties

1. L’employeur

[72] Selon l’employeur, il faut que soit démontré l’appui de la majorité à l’égard du syndicat au sein de l’ensemble de l’unité de négociation élargie pour qu’il soit satisfait au second volet de la règle de la double majorité. L’employeur affirme qu’aucune preuve témoignant d’un tel appui n’a été présentée au Conseil en l’espèce. La seule preuve à la disposition du Conseil concerne l’appui de la part des employés des services techniques de Hamilton, le groupe à ajouter. L’employeur ajoute qu’il n’y a pas de preuve qui témoignerait de l’appui de la majorité globale à l’égard du syndicat comme agent négociateur, ou à l’égard de la présentation de cette demande en particulier, qui vise à faire ajouter le groupe d’employés susmentionné à l’unité existante.

[73] S’appuyant sur Air Transat A.T. Inc., 2002 CCRI 178 (aux paragraphes 20-25), l’employeur affirme que la preuve de l’appui des employés au sein de l’unité de négociation existante peut se faire grâce au « dépôt par le syndicat des cartes d’adhésion, d’un vote ordonné par le Conseil ou d’une clause d’allégeance syndicale dans la convention collective en vigueur ». L’employeur soutient que dans Air Transat A.T. Inc., précitée, une preuve d’adhésion (bien qu’elle provînt d’une demande antérieure mais récente) a été utilisée pour faire la preuve de l’appui des membres. Toutefois, dans la présente affaire, il n’est satisfait par aucun des moyens ci-dessus à cette exigence en matière de preuve. L’employeur affirme que rien ne prouve que l’agent négociateur avait l’appui de la majorité des membres de l’unité de négociation existante.

[74] L’employeur soutient que le Conseil ne peut, comme il l’a fait dans la LD 3677, simplement présumer l’appui de la majorité au sein de l’unité de négociation existante, puisque cela rendrait vain le critère de la double majorité et permettrait essentiellement au groupe voulant être ajouté à l’unité de négociation existante de décider unilatéralement si ladite unité existante doit subir un changement qui en modifiera sensiblement la nature. Cela ferait perdre tout son sens à l’exigence établie dans Téléglobe, précitée, selon laquelle il doit y avoir également appui de la majorité au sein de l’unité de négociation élargie, et les principes démocratiques qui sous-tendent le Code ne seraient pas respectés.

[75] L’employeur fait valoir qu’accepter la position du syndicat – selon laquelle le Conseil devrait, en l’absence d’une preuve du contraire, présumer l’appui de l’unité de négociation élargie dans le cadre d’une demande fondée sur l’article 18 du Code – ébranlerait l’équilibre que le Conseil a soigneusement établi entre les objectifs en matière de relations industrielles, les libertés individuelles et la volonté de la majorité.

[76] Selon l’employeur, les principes démocratiques sur lesquels repose la règle de la double majorité, telle qu’elle a été décrite par le Conseil lorsqu’il a introduit ce critère pour la première fois, demeurent les mêmes : tout changement qui modifie radicalement la portée d’une unité de négociation devrait nécessiter à la fois le consentement des membres de l’unité de négociation existante et celui du groupe à ajouter, puisque des changements de ce genre ont des répercussions sur les intérêts des deux groupes.

[77] L’employeur soutient que dans des affaires comme celle dont est actuellement saisi le Conseil, et dans lesquelles ce dernier ne dispose d’aucune preuve quant à l’appui des membres à l’égard d’un changement à apporter à la structure de l’unité de négociation, l’élimination de la règle de la double majorité ferait sérieusement entorse à l’objet et aux principes qui sous-tendent l’article 18 du Code.

[78] Dans sa réplique, l’employeur expose son point de vue sur les origines de la règle de la double majorité, énoncée pour la première fois par le Conseil dans Téléglobe, précitée. Dans cet exposé, l’employeur déclare que dans la décision Téléglobe, précitée, le Conseil n’a pas limité la portée de ses observations aux intérêts démocratiques des employés à ajouter à l’unité de négociation, mais a exprimé clairement que ces principes démocratiques s’appliquent de la même façon à l’unité de négociation existante, car le fait d’accueillir la demande du syndicat suppose une modification radicale de l’unité de négociation existante.

[79] L’employeur fait observer que les exigences applicables aux demandes d’élargissement d’unités de négociation sont plus contraignantes que celles qui s’appliquent aux demandes d’interprétation d’unités de négociation en vertu de l’article 18 du Code, car les premières ressemblent davantage à des demandes d’accréditation. En effet, si une demande d’élargissement est accueillie, l’unité de négociation est forcément une entité nouvellement constituée, qui n’existait pas auparavant. Éliminer la règle de la double majorité en présumant qu’il est satisfait à un des deux volets du critère signifierait que les intérêts des employés de l’unité de négociation initiale pourraient être fondamentalement modifiés, sans que ces employés aient voix au chapitre. En particulier, les intérêts de ces employés pourraient être dilués ou subsumés dans ceux de la nouvelle unité agrandie sans qu’ils aient pu se prononcer sur les changements.

[80] L’employeur ajoute que la volonté des employés est un élément fondamental dans le cadre de l’examen du Conseil des demandes visant à élargir des unités de négociation existantes en vertu de l’article 18 du Code. Le Conseil continue d’appliquer la règle de la double majorité et d’appliquer rigoureusement l’exigence selon laquelle l’appui de la majorité doit être vérifié au sein de l’unité élargie. L’employeur reconnaît que, dans certaines affaires, le Conseil s’est montré plus souple relativement à l’exigence de la double majorité en présumant l’appui de la majorité au sein de l’unité agrandie, comme dans Saskatchewan Wheat Pool, 2002 CCRI 173, et Ridley Terminals inc., 2002 CCRI 185. Il soutient cependant que ces affaires ne peuvent pas être assimilées directement à la présente instance, car elles ne supposaient pas un changement radical touchant l’unité existante. L’employeur affirme que dans les situations où l’unité existante sera radicalement modifiée, il est toujours d’une importance capitale de maintenir la règle de la double majorité et de tenir compte des principes démocratiques qui sous-tendent le Code. Selon l’employeur, la présente demande suppose une modification radicale de l’unité existante, et apporter cette modification sans s’assurer de la volonté des membres de l’unité existante compromettrait fondamentalement les droits des membres de l’unité de négociation.

[81] L’employeur soutient que les justifications fournies par le syndicat pour que soit présumé en l’espèce un appui continu à son endroit n’ont aucun fondement dans la jurisprudence et ne devraient pas s’appliquer. Elles ne sont pas révélatrices de la volonté des employés, ce qui constitue une composante essentielle des principes directeurs du Conseil pour les révisions d’unités de négociation en vertu de l’article 18 du Code.

[82] L’employeur affirme qu’il n’existe tout simplement aucun principe sur lequel le Conseil pourrait se fonder pour présumer l’appui de la majorité au sein de l’unité de négociation agrandie. Une telle présomption priverait de tout sens la règle de la double majorité.

[83] Selon l’employeur, la présente affaire constitue une occasion précieuse, pour le Conseil, de clarifier et de réaffirmer les principes importants qui sous-tendent la décision Téléglobe, précitée. Toutefois, l’employeur souligne que la demande en l’espèce ne peut être traitée sans qu’il soit démontré que les membres de l’unité de négociation existante appuient la demande du syndicat visant à faire modifier la portée de l’unité de négociation.

[84] L’employeur fait valoir que le Conseil devrait rejeter la demande du syndicat, car celui-ci n’a pas démontré l’appui de la double majorité à l’égard de l’ajout proposé des employés des services techniques de Hamilton.

2. Le syndicat

[85] Le syndicat soutient que le Conseil a à sa disposition des éléments de preuve suffisants pour conclure que le syndicat satisfait aux exigences de la double majorité, et il affirme qu’aucun élément de preuve supplémentaire n’est nécessaire.

[86] Selon le syndicat, le Conseil a décrit la façon dont il applique actuellement la règle de la double majorité dans le cadre des demandes fondées sur l’article 18 dans Société en commandite transport de valeurs Garda, 2010 CCRI 503 (Garda). Dans cette décision, le Conseil a indiqué que, dans les affaires où l’ajout d’employés à l’unité modifierait la portée de l’unité existante, il « accepte que le syndicat conserve l’appui de la majorité dans son unité de négociation existante » (paragraphe 36), mais exigera du syndicat qu’il démontre qu’il a l’appui de la majorité des employés à ajouter.

[87] Le syndicat affirme que dans les décisions Vitran Express Canada inc., 2011 CCRI 598, au paragraphe 19, et Buckmire, 2013 CCRI 700, au paragraphe 18, le Conseil a fait référence à Garda, précitée, qu’il a décrit comme le précédent définissant l’état actuel de sa jurisprudence en ce qui concerne la double majorité. Garda, précitée, a également été citée dans Richardson International limitée, 2014 CCRI 721.

[88] Le syndicat affirme que le Conseil a adopté une approche similaire relativement à l’établissement d’une double majorité dans Ridley Terminals Inc., précitée, au paragraphe 24, déclarant : (i) qu’il dispose encore d’une certaine latitude pour ce qui est d’apprécier la preuve relative à l’appui de la majorité au sein du nouveau groupe élargi, et (ii) « qu’en l’absence de preuve du contraire il faut tenir pour acquis que le syndicat a l’appui de la majorité ». Dans Ridley Terminals Inc., précitée, le Conseil a fait référence au paragraphe 91 de Saskatchewan Wheat Pool, précitée, qui énumérait plusieurs facteurs appuyant cette présomption, soit les suivants :

  1. La partie qui avait présenté la demande fondée sur l’article 18 était l’agent négociateur accrédité par le Conseil pour représenter l’unité existante.

  2. Nul n’avait laissé entendre que la demande avait été soumise de façon irrégulière par le syndicat.

  3. Nul n’avait laissé entendre que les employés compris dans l’unité de négociation existante s’opposaient à la demande présentée en vertu de l’article 18.

  4. Le Conseil considère que la présentation de la demande elle-même par l’agent négociateur accrédité de l’Association est une indication suffisante de l’appui de la majorité des employés compris dans l’unité de négociation actuelle.

  5. Lorsque les conditions ci-dessus sont réunies, il n’est pas nécessaire qu’il soit prouvé par d’autres moyens au Conseil que les employés appuient la modification proposée et l’inclusion des nouveaux membres.

[89] Le syndicat cite finalement la décision du Conseil Monnaie royale canadienne, 2003 CCRI 229, dans laquelle le Conseil a déclaré qu’il est « généralement disposé à postuler que le syndicat requérant continue d’être appuyé par la majorité de ses membres, à moins que de sérieuses questions ne soient soulevées ». Le syndicat affirme que ces différentes décisions du Conseil définissent l’approche que ce dernier devrait continuer d’appliquer relativement à la règle de la double majorité.

[90] Le syndicat aborde chacun des trois moyens par lesquels le Conseil peut évaluer le niveau d’appui dont bénéficie le syndicat, lesquels ont été établis dans Téléglobe, précitée, et rappelés dans Air Transat A.T. Inc., précitée. En ce qui concerne le recours à une preuve d’adhésion antérieure, le syndicat affirme que ce moyen ne s’applique pas dans une situation où l’accréditation initiale a été accordée il y a plus de 40 ans. De surcroît, il affirme que le Conseil n’a pas procédé de cette façon depuis 2002, soit l’année où la décision Air Transat A.T. Inc., précitée, a été rendue.

[91] Le syndicat soutient qu’un scrutin ordonné par le Conseil peut être envisagé, mais seulement lorsque des questions se posent ou que des doutes planent relativement à l’appui continu à l’égard du syndicat, ou lorsqu’on peut penser que les membres du syndicat existant s’opposent à la demande. Ce n’est que dans ces situations que peut se justifier la dépense substantielle liée à la tenue d’un scrutin de représentation parmi les membres de l’unité existante, laquelle peut compter des centaines ou des milliers d’employés. De telles questions ou préoccupations n’existent pas en l’espèce. Encore une fois, le syndicat rappelle que le Conseil n’a pas eu recours à cette méthode pour établir l’appui au sein de l’unité élargie depuis 2002.

[92] Finalement, le syndicat soutient que la clause d’allégeance syndicale obligatoire ne s’applique pas en l’espèce. Il met en question le fondement logique d’une telle façon de procéder et affirme encore que cette méthode n’a pas été utilisée depuis 2002.

[93] Au paragraphe 29 de ses observations, le syndicat avance que le Conseil est fondé à présumer que le syndicat a l’appui de la majorité au sein de l’unité de négociation existante dans les circonstances suivantes :

i) le syndicat a déjà démontré au Conseil qu’il a le statut de syndicat au sens du Code et qu’il a notamment des statuts qui régissent ses activités et la relation qu’il entretient avec ses membres;

ii) le Conseil a déjà accrédité le syndicat à titre d’agent négociateur de l’unité de négociation;

iii) le syndicat a négocié des conventions collectives successives avec l’employeur;

iv) le syndicat estime avoir pris les mesures nécessaires, selon ses procédures internes, pour être autorisé à procéder à la demande, ce qui irait de soi du fait qu’une demande a été présentée.

(traduction)

[94] Selon le syndicat, tous ces critères sont respectés dans la présente affaire.

[95] Le syndicat affirme que le Conseil n’a pas de raison d’exiger d’autre preuve de l’appui de la majorité au sein de l’unité de négociation existante, outre ce qui a été décrit ci-dessus, à moins qu’une préoccupation sérieuse ait été soulevée. Au paragraphe 31 de ses observations, il ajoute ce qui suit :

... on pourrait soutenir qu’il serait arbitraire et déraisonnable de la part du Conseil de procéder à un examen de l’appui actuel dont bénéficie le syndicat au sein de son unité de négociation existante dans des situations où personne n’a même « laissé entendre » que le syndicat n’a pas l’appui de la majorité.

(traduction)

[96] Le syndicat déclare que, à sa connaissance, aucun employé qui pourrait être touché n’a soulevé de préoccupations quant à la présente demande.

[97] De plus, ou subsidiairement, le syndicat affirme que le Conseil a toujours maintenu qu’il conserve sa compétence sur les certificats d’accréditation qu’il délivre. Ainsi, dans le cadre d’une demande présentée en vertu de l’article 18, le Conseil peut prendre en considération les éléments de preuve présentés dans le cadre de toute demande d’accréditation antérieure ou d’une demande fondée sur l’article 18 qui lui a été présentée relativement à l’unité de négociation en cause, comme il l’a clairement fait dans la décision Air Transat A.T. Inc., précitée, sur laquelle s’appuie l’employeur. Le syndicat ajoute que, dans la présente affaire, le Conseil a à sa disposition les éléments de preuve suivants, relativement à l’unité de négociation existante :

  1. l’historique complet du certificat d’accréditation de l’Association, depuis 1973;

  2. les statuts du syndicat;

  3. la convention collective actuellement en vigueur ainsi que les conventions collectives déposées auprès du Conseil dans le cadre des demandes de révision antérieures remontant jusqu’à 2001;

  4. les listes d’employés présentées avec la demande de révision et les demandes de révision antérieures remontant jusqu’à 2001, lesquelles démontrent la stabilité et la croissance régulière de l’unité de négociation représentée par l’Association;

  5. la preuve d’adhésion présentée par l’Association dans le cadre des demandes de révision antérieures remontant jusqu’à 2001;

  6. des éléments de preuve démontrant si des questions ou affirmations sérieuses avaient été énoncées dans le cadre de l’une ou l’autre des demandes de révision antérieures remontant jusqu’à 2001;

  7. des éléments de preuve démontrant si l’employeur avait énoncé des questions ou affirmations sérieuses dans ses réponses aux demandes de révision antérieures remontant jusqu’à 2001.

[98] Le syndicat demande au Conseil de rejeter l’argument de l’employeur selon lequel l’approche actuelle du Conseil relative au critère de la double majorité est insensée ou contraire aux principes démocratiques qui sous-tendent le Code. Selon le syndicat, l’approche actuelle du Conseil donne des résultats satisfaisants depuis au moins 15 ans, et rien n’indique qu’elle a occasionné des problèmes liés aux relations du travail aux employeurs, aux syndicats ou aux employés des unités de négociation existantes. Le syndicat affirme que les agents enquêteurs du Conseil peuvent vérifier le niveau d’appui si des questions sont soulevées quant au caractère représentatif du syndicat.

[99] Le syndicat répète qu’aucune question ou préoccupation sérieuse n’a été soulevée quant à l’appui dont il bénéficie au sein de l’unité existante. Il affirme que le Conseil a suffisamment d’éléments de preuve à sa disposition pour établir que le syndicat a l’appui nécessaire et qu’il satisfait au critère de la double majorité. Aucune autre preuve n’est requise.

B. Analyse

[100] Dans Téléglobe, précitée, le Conseil a résumé la règle de la double majorité comme suit :

... ce Conseil tiendra compte du caractère majoritaire strictement global du syndicat requérant lors d’une requête en révision n’affectant pas la nature d’une unité de négociation existante alors qu’il exigera la preuve du caractère représentatif parmi les ajoutés lorsqu’il s’agira d’une requête en révision changeant radicalement l’unité de négociation…

(pages 332; 139; et 16,025)

[101] Le Conseil a ensuite énoncé des lignes directrices quant à son approche et aux moyens par lesquels un syndicat doit démontrer qu’il a l’appui nécessaire. En particulier, le Conseil a déclaré ce qui suit en ce qui concerne les demandes d’élargissement visant à modifier la portée de l’unité de négociation existante :

ii) S’il s’agit d’une requête d’une partie pour une révision qui affecte prima facie radicalement la nature et la portée intentionnelle d’une ordonnance d’accréditation, il accueillera cette requête en tout temps. Mais alors les conditions suivantes devront être remplies par le requérant… :

a) Il devra être paré, en exhibant des cartes d’adhésion ou suite à un vote décrété par le Conseil, sous l’empire de l’article 127(1) [maintenant le paragraphe 29(1) du Code]...

ou par le truchement d’une clause d’appartenance syndicale dans la convention collective, à prouver qu’il détient une majorité parmi le groupe des employés ajoutés et une majorité sur le total des deux groupes réunis.

b) Évidemment, il devra convaincre le Conseil du caractère approprié de la nouvelle unité proposée.

c) Il devra démontrer au Conseil que l’ajouté est désiré par ses membres à l’exclusion des membres qu’il pourrait avoir parmi le groupe des ajoutés.

d) Si la vérification du Conseil du caractère majoritaire parmi le groupe des employés ajoutés révèle qu’il ne le détient pas, le requérant garde son certificat actuel...

e) Si la vérification du Conseil du caractère majoritaire sur le total des deux groupes réunis révèle que le requérant est minoritaire, la requête sera rejetée par des motifs de décision où le Conseil forcément, conclura, que le requérant ne détient apparemment pas, au sein même de l’unité existante, une majorité avec tout ce que cela peut comporter comme incitations aux dissidents de se porter requérants en temps utile, pour faire révoquer l’accréditation existante.

(pages 333; 140; et 604)

[102] Comme le révèle l’extrait ci-dessus, le Conseil a défini, dans Téléglobe, précitée, trois méthodes par lesquelles le Conseil peut déterminer le niveau d’appui dont bénéficie le syndicat, à la fois au sein du groupe d’employés à ajouter et au sein de l’unité élargie proposée, considérée dans son ensemble, à savoir :

i. des cartes d’adhésion valides;

ii. un scrutin de représentation ordonné par le Conseil;

iii. une clause d’appartenance syndicale prévue dans une convention collective.

[103] Comme on l’a mentionné au paragraphe 101 ci-dessus, en plus du critère de la double majorité, le syndicat requérant est tenu, suivant Téléglobe, précitée, de démontrer que l’ajout à l’unité est souhaité par les membres appartenant déjà à son unité de négociation. Cette exigence a été décrite comme la nécessité, pour le requérant, d’obtenir le consentement ou l’appui des membres de l’unité de négociation qu’il représente déjà pour que soit présentée la demande visant à élargir l’unité.

[104] La nécessité, établie dans Téléglobe, précitée, d’obtenir le consentement des membres de l’unité de négociation existante est une exigence distincte, qui ne fait pas partie du critère de la double majorité, bien que le Conseil remarque que l’exigence relative au consentement a été, en pratique, souvent confondue ou fusionnée avec le critère de la double majorité, lors de l’examen de l’appui de la majorité au sein de l’unité élargie.

[105] Le Conseil constate que, si la décision Téléglobe, précitée, a ajouté l’exigence selon laquelle le requérant doit démontrer qu’il a le consentement des membres de l’unité de négociation existante eu égard à l’ajout proposé, cette décision n’explique nulle part comment un syndicat doit faire la preuve de ce consentement. Téléglobe, précitée, n’explique pas non plus pourquoi le consentement de ce groupe est nécessaire.

[106] Ayant exposé les principes essentiels établis dans Téléglobe, précitée, le Conseil estime qu’il y a lieu de passer en revue certaines décisions fréquemment invoquées, qui ont été rendues par la suite, afin d’examiner de quelle façon le Conseil en est venu à appliquer ces critères. Il ne s’agit pas de faire ici un examen exhaustif de la jurisprudence relative à la règle de la double majorité, mais plutôt d’illustrer à quelles conclusions le Conseil en est arrivé en procédant à des analyses mettant l’accent sur des éléments différents, au lieu d’appliquer uniformément une règle censément absolue.

[107] Dans Brink’s Canada Limited, précitée, le syndicat avait présenté une demande d’accréditation afin d’obtenir une ordonnance d’accréditation à l’échelle provinciale, alors qu’il ne représentait à ce moment que les employés d’Edmonton. Le Conseil avait établi que la notion qui correspondait le mieux à la situation était celle d’une demande de révision de l’unité de négociation visant à élargir l’unité existante d’Edmonton de façon à ce qu’elle inclue le reste de la province, ce pour quoi la double majorité devait être démontrée. Le Conseil avait appliqué la règle de la double majorité et, n’étant pas convaincu de l’appui de la majorité parmi les employés à ajouter, il avait exercé son pouvoir discrétionnaire d’ordonner la tenue d’un scrutin de représentation.

[108] Alors que le Conseil avait ordonné qu’un scrutin de représentation soit tenu pour établir si le syndicat avait l’appui de la majorité des employés à ajouter à l’unité de négociation, les employés appartenant à l’unité existante d’Edmonton n’ont pas été invités à s’exprimer dans le cadre de ce scrutin. Le Conseil a déclaré que l’appui de la majorité globale avait été démontré pour l’unité élargie, mais il n’a pas expliqué comment il en est arrivé à cette conclusion. Par ailleurs, le Conseil n’a formulé aucun commentaire sur la nécessité d’obtenir le consentement de l’unité existante à l’égard de l’élargissement.

[109] Dans Saskatchewan Wheat Pool, précitée, le syndicat demandait à ajouter des chauffeurs à l’unité existante des services ruraux (opérations). Le Conseil a accueilli la demande, après avoir appliqué la règle de la double majorité. La preuve d’adhésion jointe à la demande avait convaincu le Conseil que la majorité des employés à ajouter à l’unité désiraient être représentés par le syndicat. Comme rien ne donnait à penser que la demande était irrégulière, ni que les membres de l’unité de négociation s’y opposaient, le Conseil avait conclu que la présentation de la demande était en soi une indication suffisante du consentement et de l’appui de la majorité des employés de l’unité de négociation existante à l’égard de l’ajout à l’unité qui était proposé. Le Conseil a ensuite conclu qu’il devait être considéré, tout compte fait, que les membres de l’unité existante appuyaient le syndicat, aux fins de l’application de la règle de la double majorité. Le Conseil s’est exprimé ainsi :

[91] En l’espèce, le SSG a annexé à sa demande une preuve d’adhésion établissant à la satisfaction du Conseil que la majorité des employés dont il sollicite l’inclusion désirent être représentés par lui. Étant donné que la question se pose dans le contexte de la demande de l’agent négociateur accrédité représentant l’unité actuelle et que nul n’a laissé entendre qu’elle avait été présentée de façon irrégulière ou que les employés compris dans l’unité de négociation s’y opposaient, le Conseil considère que la présentation de la demande à proprement dire est une indication suffisante de l’appui de la majorité des employés compris dans l’unité de négociation actuelle. Il n’est pas nécessaire que le Conseil oblige le syndicat à prouver par d’autres moyens que les employés appuient la modification proposée et l’inclusion des nouveaux membres. Le Conseil est convaincu que le syndicat a satisfait aux exigences de la règle de la « double majorité » vu que les chauffeurs dont il sollicite l’inclusion appuient sa démarche et que, tout bien considéré, les membres de l’unité actuelle partagent censément ce point de vue…

[110] Il semble que deux présomptions sont tenues pour vraies dans cette décision, mais le raisonnement sur lequel elles s’appuient n’est pas expliqué.

[111] Dans l’affaire Air Transat A.T. Inc., précitée, le syndicat souhaitait que la portée de son certificat d’accréditation visant les aéroports de Dorval et de Mirabel soit étendue, de façon à ce qu’elle inclue également les aéroports de Toronto, Calgary et Vancouver. Le Conseil avait conclu que la preuve d’adhésion présentée au Conseil démontrait l’appui de la majorité des employés à ajouter à l’unité. Le Conseil s’était ensuite penché sur les moyens de démontrer l’appui à l’égard du syndicat, tels qu’ils ont été décrits dans Téléglobe, précitée. Reconnaissant que le syndicat n’avait pas présenté de preuve témoignant de l’appui au sein de l’unité élargie, le Conseil a néanmoins conclu que le consentement ou l’appui des membres de l’unité existante à l’égard de l’ajout était démontré par une preuve récente, relative à une demande de révision présentée quatre mois auparavant, laquelle attestait que les membres existants avaient accepté que l’unité de négociation existante soit élargie. Le Conseil a conclu, sur ce fondement, que le syndicat satisfaisait au critère de la double majorité.

[112] Dans Ridley Terminals Inc., précitée, le syndicat souhaitait faire ajouter à son unité de négociation existante deux postes qui en étaient jusqu’alors exclus. Le Conseil a estimé que la règle de la double majorité s’appliquait et a accueilli la demande, soulignant ce qui suit :

[24] Le Conseil dispose encore d’une certaine latitude pour ce qui est d’apprécier la preuve établissant que le syndicat a l’appui de la majorité des membres du nouveau groupe élargi. Dans Saskatchewan Wheat Pool, [2002] CCRI no 173; et (2002) 81 CLRBR (2d) 286, le Conseil a conclu qu’en l’absence de preuve du contraire il faut tenir pour acquis que le syndicat a l’appui de la majorité...

[25] Dans Air Transat A.T. Inc., [2002] CCRI no 178, le Conseil en est arrivé à la conclusion que, même si le syndicat n’avait pas prouvé qu’il avait l’appui des employés déjà membres de l’unité dont il sollicitait l’élargissement, la preuve fournie au soutien d’une demande antérieure ayant fait l’objet d’une décision quatre mois plus tôt était suffisamment récente pour établir que la majorité des membres appuyait l’élargissement de l’unité dans le contexte de la nouvelle demande.

...

[44] Vu que l’unité de négociation initiale englobe 56 employés et que le groupe dont le syndicat sollicite l’inclusion en compte trois, et après application des principes énoncés dans Saskatchewan Wheat Pool, précitée, le Conseil conclut que le syndicat détient l’appui de la majorité requise des employés compris dans la nouvelle unité élargie.

[113] Dans cette affaire, le Conseil s’était appuyé sur la preuve d’adhésion qui avait été présentée avec la demande afin de se prononcer sur l’appui de la majorité des employés à ajouter à l’unité de négociation. Il a présumé que le syndicat avait l’appui de la majorité globale au sein de l’unité élargie, étant donné le petit nombre de postes à ajouter par rapport au nombre d’employés appartenant déjà à l’unité de négociation et à la lumière du raisonnement exposé dans la décision rendue antérieurement par le Conseil dans l’affaire Saskatchewan Wheat Pool, précitée. Le Conseil n’a tiré aucune conclusion quant à l’exigence établie dans Téléglobe, précitée, selon laquelle le consentement ou l’appui des membres de l’unité existante devait être obtenu relativement à l’élargissement de l’unité.

[114] Dans Monnaie royale canadienne, précitée, le syndicat avait présenté deux demandes visant à faire ajouter de nouveaux employés à une unité existante. Dans l’une de ces demandes, le syndicat demandait à ajouter à l’unité un poste qui en aurait élargi la portée. Le Conseil a rejeté cette demande parce que l’appui des employés à ajouter n’avait pas été démontré, mais il a mentionné ce qui suit :

[37] L’approche exposée dans Téléglobe Canada, précitée, a été explicitée davantage dans des décisions ultérieures du Conseil canadien des relations industrielles. Bien que le Conseil soit généralement disposé à postuler que le syndicat requérant continue d’être appuyé par la majorité de ses membres, à moins que de sérieuses questions ne soient soulevées, on ne devrait pas présumer qu’il jouit de l’appui des employés qu’il cherche à faire ajouter à l’unité quand leurs fonctions diffèrent nettement de celles des employés qui en font déjà partie...

[115] Il se dégage de ces décisions que depuis Téléglobe, précitée, le Conseil a adopté les principes qui y sont énoncés et continue d’appliquer la règle de la double majorité lorsqu’il est saisi de demandes de révision d’unités de négociation. De plus, il apparaît clairement que, dans les affaires où l’unité existante serait sensiblement modifiée, la principale préoccupation du Conseil est de s’assurer que le syndicat démontre qu’il a l’appui de la majorité au sein du groupe d’employés à ajouter à l’unité. Comme on l’a mentionné, cette façon de procéder empêche le syndicat de contourner le processus d’accréditation et d’obtenir des droits de négociation additionnels relativement à de nouvelles classifications d’employés qui n’étaient jusque‑là pas représentées, sans que le syndicat ait démontré que les employés occupant les postes à ajouter ont choisi d’être représentés par lui. Le Conseil a toujours procédé de cette façon et, dans la plupart des cas, l’appui de la majorité a été démontré au moyen d’une nouvelle preuve d’adhésion, déposée par le syndicat avec sa demande.

[116] Finalement, il est manifeste que le Conseil accorde moins d’importance à la démonstration, par le syndicat, de l’appui de la majorité au sein de l’unité élargie. De fait, contrairement à ce qu’affirme l’employeur, le Conseil n’a pas appliqué rigoureusement ce second volet du critère de la double majorité. Ce critère a plutôt été appliqué de façon irrégulière, et le Conseil a rarement eu recours aux moyens de démontrer cet appui qui sont décrits dans Téléglobe, précitée. Le Conseil dispose d’une certaine latitude pour ce qui est d’apprécier la preuve de l’appui de la majorité au sein de l’unité élargie. Dans plusieurs cas, le Conseil a présumé un tel appui, se fondant souvent sur l’absence d’objection à la demande d’élargissement de l’unité de la part des membres de l’unité de négociation existante. C’est ici que l’on constate un certain entremêlement des notions d’appui de la majorité globale à l’égard du syndicat en tant qu’agent négociateur, et de consentement ou d’appui de la majorité à l’égard de la présentation de la demande d’élargissement.

[117] Comme on l’a mentionné ci-dessus, les trois méthodes par lesquelles le Conseil peut vérifier le niveau d’appui dont bénéficie le syndicat ont été décrites dans Téléglobe, précitée. Toutefois, les décisions du Conseil lui-même révèlent que ces méthodes ont rarement été utilisées, et que le Conseil a eu du mal à appliquer le second volet du critère relatif à l’appui de la majorité de façon pratique et sensée. Il apparaît que ces trois méthodes ne sont pas nécessairement commodes ni d’un grand secours.

[118] Par exemple, la présence d’une clause d’allégeance syndicale dans une convention collective sera d’application limitée, puisque de nombreuses conventions collectives ne contiennent aucune clause de ce genre. De toute façon, une telle clause ne témoigne pas nécessairement de l’appui à l’égard du syndicat; elle ne fait que rendre l’embauche des employés conditionnelle à leur adhésion au syndicat, ce qui n’est pas la même chose qu’une adhésion traduisant la volonté des employés et leur appui à l’égard du syndicat en tant qu’agent négociateur.

[119] En ce qui concerne la preuve d’adhésion, des cartes d’adhésion valides permettent effectivement de connaître l’appui à un moment précis, lequel peut remonter à un grand nombre d’années. Cette preuve initiale peut ne plus être disponible et, même si elle l’est encore, elle ne témoignera pas nécessairement de l’appui des membres au moment de la demande. Les syndicats ont rarement présenté au Conseil une preuve d’adhésion obtenue auprès de tous les membres de l’unité existante à l’appui d’une demande d’élargissement d’unité de négociation – qu’il s’agisse de la preuve originale ou d’une preuve nouvellement recueillie – pour démontrer l’appui de la majorité au sein de l’unité élargie. Le Conseil n’a pas jugé bon d’exiger d’un agent négociateur déjà accrédité qu’il recueille une nouvelle preuve auprès de tous ses membres existants, dont le nombre peut être important, pour démontrer que ceux-ci l’appuient toujours. Le Conseil convient qu’une telle façon de procéder n’est pas commode et ne devrait pas être nécessaire.

[120] La dernière méthode qui peut être employée pour vérifier l’appui de la majorité, selon Téléglobe, précitée, est un scrutin de représentation. Il s’agit vraisemblablement de la façon la plus commode et la plus sensée de mesurer l’appui du syndicat au moment de la demande. Toutefois, la tenue d’un scrutin de représentation dans le cadre de chaque demande d’élargissement représenterait une dépense considérable de ressources, autant pour le Conseil que pour les syndicats, et il n’est donc pas raisonnable de l’exiger chaque fois qu’une demande de ce genre est présentée.

[121] Le Conseil n’est pas non plus convaincu qu’il s’agit d’une exigence essentielle. Il convient de souligner, à cet égard, que le Conseil n’a ordonné la tenue d’un scrutin de représentation pour établir l’appui de la majorité au sein de l’unité élargie considérée dans son ensemble dans aucune des décisions clés dans lesquelles il a appliqué la règle de la double majorité. Dans ses décisions récentes, le Conseil en est venu à présumer l’appui de la majorité, ce qui signifie qu’il est prêt à accepter qu’un syndicat bénéficie de l’appui continu d’une majorité de ses membres, à moins que de sérieuses questions ne soient soulevées (comme dans Monnaie royale canadienne, précitée). Le Conseil est d’avis qu’il est raisonnable de procéder ainsi. Dans les affaires de ce genre, le syndicat a déjà été accrédité et s’est vu accorder des droits de négociation sur le fondement d’un appui de la majorité, qu’il a démontré au moment de l’accréditation. Aucune des procédures et aucun des principes directeurs du Conseil ne fait en sorte que le Conseil se sentirait obligé de revérifier l’appui de la majorité de façon continue au fil du temps. Si les membres d’un syndicat cessent d’appuyer ce dernier, le Code prévoit un mécanisme qui permet aux employés d’exprimer leur volonté d’obtenir la révocation de l’accréditation que le syndicat avait obtenue pour devenir leur agent négociateur.

[122] Le Conseil est d’avis que la même notion doit s’appliquer dans les affaires qui concernent des demandes d’élargissement, c’est-à-dire qu’un syndicat devrait pouvoir se fonder sur la validité continue de son ordonnance d’accréditation existante pour établir qu’il a l’appui de la majorité des employés de son unité de négociation existante. Le Conseil ne voit aucune raison liée aux relations du travail qui l’inciterait à douter de l’appui continu, à moins que ne soient soulevées de sérieuses questions qui susciteraient des doutes à cet égard. Le Conseil peut par conséquent présumer que le syndicat bénéficie de l’appui continu de la majorité, et il ne sera pas tenu de vérifier ce niveau d’appui à moins d’avoir des raisons impérieuses de le faire.

[123] En l’espèce, l’employeur conteste cette approche et milite en faveur d’une application stricte du critère établi à cet égard dans Téléglobe, précitée. L’employeur souligne l’importance d’exiger que le syndicat démontre qu’il a l’appui de la majorité au sein de l’unité élargie et affirme que, si le Conseil présume que ce second critère d’appui de la majorité est rempli, la règle de la double majorité sera dépourvue de sens. L’employeur insiste sur le fait que la présomption de l’appui de la majorité revient, dans les faits, à éliminer ce critère, et qu’en procédant de la sorte, on dérangerait l’équilibre délicat que le Conseil a établi dans Téléglobe, précitée, entre les objectifs en matière de relations industrielles, les libertés individuelles et la volonté de la majorité.

[124] Selon le Conseil, le fait qu’il présume que le syndicat bénéficie de l’appui nécessaire à moins que soient soulevées de sérieuses questions qui l’inciteraient à douter de cet appui ne revient pas à éliminer la seconde exigence du critère de la double majorité. Le Conseil convient que, puisque l’unité de négociation sera sensiblement modifiée et que le syndicat continuera à disposer de droits de négociation à l’égard de tous les employés de l’unité modifiée, il demeure important que le syndicat ait l’appui de la majorité parmi les employés de l’unité nouvellement élargie. Le Conseil n’affirme pas que l’appui dont bénéficie le syndicat ne sera pas pris en compte dans les affaires de ce genre. Cet appui sera pris en considération. Lorsque des questions sérieuses sont soulevées, ou que le Conseil a des raisons de mettre en doute le niveau d’appui à l’égard du syndicat, le Conseil peut exercer son pouvoir discrétionnaire d’ordonner la tenue d’un scrutin de représentation, ou de recourir à d’autres moyens pour évaluer le niveau d’appui dont bénéficie le syndicat. Comme le Conseil l’a indiqué dans Téléglobe, précitée, la conclusion que le syndicat ne bénéficie pas de l’appui de la majorité au sein de l’unité élargie proposée entraînera le rejet immédiat de la demande de révision.

[125] Le Conseil conserve la capacité et le pouvoir discrétionnaire de vérifier le niveau d’appui dont bénéficie le syndicat dans les circonstances où il estime qu’il y a lieu de le faire, pour garantir que la volonté de la majorité est respectée et s’assurer que le syndicat a l’appui de la majorité. Par ailleurs, le Conseil reconnaît la validité continue d’une ordonnance d’accréditation dûment rendue à la suite de la démonstration, par un syndicat, de l’appui de la majorité à son égard. Le Conseil n’a pas besoin de dépenser inutilement ses ressources pour vérifier cet appui continu dans des circonstances où il n’a aucune raison de le mettre en doute. Cette façon de procéder, de l’avis du Conseil, n’ébranle pas l’équilibre établi par le Conseil dans Téléglobe, précitée, entre les intérêts et les objectifs en matière de relations du travail.

[126] L’employeur a également fait valoir qu’il est nécessaire et important de vérifier si le critère de la majorité globale est respecté, parce qu’une demande d’élargissement de ce genre entraîne une modification importante de la portée de l’ordonnance d’accréditation existante, et parce que les membres de l’unité existante peuvent être défavorables à l’ajout d’employés, du fait que leurs intérêts pourraient être dilués ou subsumés dans ceux de l’unité élargie par suite de l’ajout d’employés. Selon l’employeur, le fait de présumer que ce critère de la majorité est rempli permettrait que l’ajout de nouveaux employés modifie fondamentalement la représentation des intérêts des membres de l’unité existante, et ce, sans que ces derniers puissent se prononcer sur la question.

[127] Ce point de vue correspond, essentiellement, à l’argument sur lequel repose l’exigence distincte, mentionnée dans Téléglobe, précitée, du consentement des membres existants à l’ajout d’employés à l’unité, et fait ressortir la ressemblance entre les notions de consentement et d’appui de la majorité globale, qui n’en sont pas moins différentes.

[128] Si les membres de l’unité de négociation existante ne désirent pas l’ajout de nouveaux employés et ne souscrivent pas à la décision du syndicat de présenter la demande d’élargissement, la procédure du Conseil permet aux employés d’exprimer leur opposition. Depuis la décision Téléglobe, précitée, le Conseil a adopté une importante pratique qui consiste à notifier toute demande de révision aux parties et aux employés éventuellement touchés. Dans Téléglobe, précitée, le Conseil s’est exprimé ainsi :

Depuis 1973, le nouveau Conseil canadien des relations du travail a instauré la pratique d’aviser non seulement les parties mais tous les employés d’une entreprise, lorsqu’il s’agit d’une requête en certification ou en révision d’icelle, de toutes les requêtes qui lui sont adressées par les parties en ces occasions et aussi du traitement qu’entend leur donner le Conseil. Chaque fois il invite non seulement les parties mais les employés visés à lui faire toute représentation jugée opportune. Ceci est un changement d’importance en comparaison de la pratique ancienne.

(pages 327; 135; et 16,025)

[129] Cette importante pratique est toujours en usage à ce jour afin de garantir la transparence du processus de révision et de donner à quiconque aurait une préoccupation légitime la possibilité de la signaler au Conseil en temps utile. Dès qu’il reçoit une demande d’accréditation ou de révision, le Conseil ordonne que des avis soient affichés à des endroits bien visibles sur le lieu de travail, de sorte que le syndicat, l’employeur et les employés touchés par la demande puissent présenter au Conseil des observations concernant toute préoccupation qu’ils pourraient avoir relativement à la demande.

[130] Le fait qu’aucune objection ne soit présentée au Conseil par suite de l’affichage de son Avis aux employés sur le lieu de travail peut constituer une raison pour laquelle le Conseil présumera sans hésiter que le syndicat a l’appui de la majorité globale au sein de l’unité élargie. À l’inverse, une opposition importante à la demande de la part des employés peut être un élément indicateur qui portera le Conseil à croire que l’appui de la majorité n’est peut‑être pas certain. C’est au Conseil qu’il reviendra de décider s’il juge nécessaire ou non de vérifier alors l’appui dont bénéficie le syndicat au sein de l’unité élargie, en ordonnant la tenue d’un scrutin de représentation ou par d’autres moyens, selon les circonstances.

[131] Au même titre, le Conseil peut s’appuyer sur l’absence d’objections à la demande de la part des employés pour présumer que les membres de l’unité de négociation existante consentent à la présentation de la demande d’élargissement de l’unité. À l’inverse, le Conseil pourra conclure que les membres de l’unité de négociation existante ne donnent pas leur consentement si des objections importantes lui sont communiquées. Dans certaines des affaires examinées ci-dessus, il semble que le Conseil a interprété une absence de réaction ou d’objection à la demande d’élargissement présentée par le syndicat comme un consentement des membres existants à l’ajout d’employés à l’unité, bien que, comme on l’a mentionné ci-dessus, on ne sache pas avec certitude si ce facteur a été considéré comme un critère distinct, ou comme faisant partie de l’évaluation par le Conseil de l’appui de la majorité globale à l’égard du syndicat au sein de l’unité élargie. Le Conseil n’a connaissance d’aucune décision dans laquelle il aurait rejeté une demande au seul motif que les membres de l’unité de négociation existante n’avaient pas consenti à l’ajout d’employés.

[132] Nonobstant la façon dont il l’a traitée dans le passé, le Conseil se demande si cette exigence relative au consentement a seulement lieu d’être. Le Conseil est d’avis qu’un syndicat n’a pas besoin de lui démontrer que les employés de l’unité de négociation existante veulent ou acceptent que la portée de l’unité de négociation soit modifiée, puisqu’il n’appartient pas aux employés considérés à titre particulier de décider de cette question. Les questions relatives à la structure et à la composition d’une unité de négociation, de même que la question de savoir si une unité de négociation proposée est habile à négocier collectivement, concernent l’agent négociateur et l’employeur, et il appartient exclusivement au Conseil de les trancher. On demande aux employés d’exprimer leur volonté pour s’assurer qu’ils souhaitent être représentés par un syndicat, ce qui peut ensuite avoir une incidence sur l’évaluation du Conseil, puisque cette question a une incidence sur des facteurs comme l’accès aux négociations collectives et la viabilité de l’unité de négociation. Cependant, les employés ne se verront généralement pas accorder le statut de partie ou la qualité permettant de s’exprimer sur des questions liées à la portée de l’unité de négociation, sous réserve du pouvoir discrétionnaire du Conseil d’accorder un tel statut ou une telle qualité dans certaines circonstances exceptionnelles. Il appartient au Conseil, en vertu du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par l’article 18 et du rôle de supervision qu’il joue au regard des descriptions d’unités de négociation, d’établir si une unité de négociation est habile à négocier collectivement et, dans le contexte d’une demande de révision, si une unité existante le sera toujours à la suite d’un élargissement proposé. Par conséquent, il n’est pas nécessaire que les employés de l’unité existante consentent à la modification proposée.

[133] Dans New Brunswick Broadcasting Co. Limited (1988), 75 di 101 (CCRT no 711), le Conseil s’est demandé s’il y avait lieu d’appliquer l’exigence relative au consentement dans le cadre d’une demande de révision par laquelle le syndicat voulait accroître ses droits de négociation de façon à ce qu’ils englobent les activités d’une nouvelle chaîne de télévision, MITV :

En ce qui concerne la seconde observation citée ci‑haut et faite dans l’affaire Téléglobe Canada, l’employeur et le groupe des employés de MITV ont invoqué l’exigence implicite selon laquelle le syndicat doit prouver que les membres de l’unité de négociation existante veulent que les employés ajoutés fassent partie de l’unité, exigence découlant, selon eux, de l’affaire Téléglobe Canada et à laquelle le syndicat doit satisfaire pour que les employés de MITV soient inclus dans l’unité existant à CHSJ‑TV/CHSJ‑Radio. (À supposer, bien sûr, que le Conseil souscrive à l’argument selon lequel l’inclusion des employés de MITV aurait en fin de compte pour effet de modifier radicalement la portée de l’ordonnance initiale d’accréditation). Cependant, les membres du Conseil en l’instance doutent sérieusement que le désir exprimé par les membres d’une unité existante quant à l’inclusion d’employés additionnels dans l’unité a vraiment une pertinence. Le Conseil demande seulement aux employés de manifester leur volonté d’être représentés par un syndicat particulier, ou de choisir entre deux syndicats ou plus, ou encore de manifester leur volonté de ne pas être représentés par quelque syndicat que ce soit. Il ne nous vient à l’esprit aucun cas où le Conseil demanderait à un groupe d’employés s’ils veulent être compris dans la même unité de négociation qu’un autre groupe. Si nous commencions à le faire, nous devrions à coup sûr le demander aux deux groupes et non à un seul. Par conséquent, nous éliminerions cette exigence des critères établis dans l’affaire Téléglobe Canada.

(page 113)

[134] Le Conseil, comme il l’a fait dans New Brunswick Broadcasting Co. Limited, précitée, met à nouveau en doute la nécessité, voire l’opportunité, du principe selon lequel il devrait exiger du syndicat qu’il démontre que les membres de l’unité de négociation existante consentent à l’élargissement de leur unité. Le Conseil conclut que l’obligation, pour le syndicat, de démontrer un tel consentement ne devrait plus s’appliquer dans le cadre des demandes d’élargissement.

[135] L’employeur a exprimé des préoccupations concernant les répercussions négatives possibles sur les droits et les intérêts des membres de l’unité existante si la portée de l’unité est élargie sans leur consentement par l’ajout de nouveaux groupes d’employés. Il est toujours loisible aux employés d’exprimer leurs points de vue et leur opposition à l’égard d’une telle demande. De toute façon, le Conseil prendra les questions de cette nature en considération lorsqu’il établira si l’unité élargie proposée est au moins aussi appropriée que l’unité existante aux fins des négociations collectives, et si l’ajout de postes favorisera la réalisation des objectifs liés aux relations du travail.

[136] En bref, le Conseil conclut que le maintien de l’exigence de la double majorité est important et nécessaire. Il conclut également que les méthodes pour vérifier l’appui de la majorité précédemment établies dans Téléglobe, précitée, ne sont ni pratiques ni nécessaires dans la plupart des cas. Depuis Téléglobe, précitée, le Conseil n’a pas jugé bon d’appliquer rigoureusement les méthodes qu’il avait prescrites pour vérifier l’appui de la majorité globale, et le Conseil confirme qu’il n’est pas nécessaire de vérifier l’appui de la majorité globale au sein de l’unité élargie dans chaque affaire. Le Conseil conservera la latitude dont il a disposé jusqu’ici quant aux circonstances dans lesquelles il exigera une preuve à cet égard et à la façon dont il évaluera cette preuve. Plus précisément, le Conseil adopte, et appliquera à l’avenir, l’approche relative à ce volet du critère qui a été décrite dans Monnaie royale canadienne, précitée, c’est-à-dire que le Conseil présumera que l’appui continu de la majorité est maintenu au sein de l’unité de négociation existante, à moins qu’il existe une raison sérieuse de mettre cet appui en doute. Selon le Conseil, le fait de présumer cet appui, tout en conservant son pouvoir discrétionnaire de le vérifier lorsqu’il y a des motifs impérieux de le faire, ne compromet pas les principes et objectifs en matière de relations du travail que la décision Téléglobe, précitée, visait à protéger.

[137] Le Conseil confirme en outre qu’il n’exigera plus d’un syndicat, comme condition préalable à l’élargissement d’une unité existante, qu’il démontre qu’il a le consentement de ses membres ou que ces derniers souhaitent l’ajout qu’il propose à l’unité. Le Conseil continuera de procéder selon son approche habituelle pour établir si l’unité de négociation proposée est habile à négocier collectivement, dans le cadre des demandes de révision d’unités de négociation présentées en vertu de l’article 18 et visant à élargir la portée d’une unité existante.

[138] Un requérant devra donc démontrer qu’il a :

  1. l’appui de la majorité au sein du groupe à ajouter, ce qui, dans la plupart des cas, sera démontré par la présentation d’une preuve d’adhésion confidentielle concernant les membres à ajouter;

  2. l’appui de la majorité au sein de l’unité de négociation élargie proposée, considérée dans son ensemble – l’appui de la majorité des membres de l’unité existante étant supposé, à moins que de sérieuses préoccupations ne soient soulevées.

[139] Le Conseil conserve le vaste pouvoir discrétionnaire, qu’il exerce d’ancienne date, de vérifier l’appui dont bénéficie le syndicat au moyen d’un scrutin de représentation ou de toute autre manière, lorsqu’est soulevée une préoccupation sérieuse qui l’incite à mettre cet appui en doute.

IV. Application des exigences clarifiées de la règle de la double majorité aux faits de la présente affaire

A. Appui de la majorité au sein du groupe à ajouter à l’unité

[140] Le Conseil a établi, au début de la présente décision, que le vaste pouvoir de réexamen que lui confère l’article 18 ainsi que sa procédure, fondée sur ses principes directeurs, pour la conduite des révisions d’unités de négociation demeuraient inchangés, et que les modifications à la section III du Code découlant de la Loi sur le droit de vote des employés n’ont eu aucune incidence sur la présente demande de révision présentée par le syndicat en vertu de l’article 18 du Code.

[141] Par conséquent, le Conseil peut évaluer le niveau d’appui dont bénéficie le syndicat parmi les employés des services techniques de Hamilton, soit le groupe d’employés à ajouter, au moyen d’une preuve d’adhésion. Il n’est pas obligatoire de procéder à un scrutin de représentation pour faire cette évaluation.

[142] Le Conseil a examiné la preuve d’adhésion que le syndicat a présentée avec sa demande. Le syndicat a démontré à deux reprises qu’il bénéficie de l’appui de la majorité au sein du groupe qu’il cherche à faire ajouter à l’unité de négociation actuelle. Il a déposé une preuve d’adhésion confidentielle avec sa demande initiale le 13 août 2015. Par suite de la décision de la CAF, le Conseil a demandé aux parties des observations supplémentaires, et le syndicat a également déposé une nouvelle preuve d’adhésion avec ses observations du 10 août 2017.

[143] Sur le fondement de la preuve d’adhésion déposée avec la demande initiale, ainsi que de la nouvelle preuve d’adhésion déposée plus récemment et qui confirme l’information initiale, le Conseil conclut que le syndicat a démontré que la majorité des employés des services techniques de Hamilton ont exprimé la volonté d’être représentés par lui. Le Conseil est donc convaincu que le syndicat bénéficie de l’appui de la majorité au sein du groupe qu’il cherche à faire ajouter à l’unité de négociation actuelle.

B. Appui de la majorité des employés de l’unité élargie

[144] Le Conseil confirme qu’aucune information ne lui a été présentée qui ferait état de préoccupations ou d’objections de la part d’employés de l’unité de négociation actuelle au regard de la demande, et qu’il n’a reçu aucune indication selon laquelle les membres de l’unité actuelle n’appuieraient plus le syndicat. Le Conseil n’a rien reçu qui indiquerait que les membres de l’unité actuelle ont retiré leur appui au syndicat, ni aucune information qui l’inciterait à mettre en doute l’appui continu à l’égard du syndicat au sein de l’unité de négociation actuelle. Le Conseil est donc convaincu qu’il n’y a aucune raison impérieuse de faire des vérifications supplémentaires relativement à l’appui continu des employés de l’unité de négociation actuelle à l’égard du syndicat. Par conséquent, sur le fondement de ce qui précède et de la validité continue de l’ordonnance d’accréditation existante, le Conseil présume que le syndicat continue de bénéficier de l’appui de la majorité des employés de l’unité actuelle.

[145] À la lumière des conclusions ci-dessus, et si l’on considère les deux groupes d’employés réunis, le Conseil est convaincu que le syndicat a l’appui de la majorité au sein de l’unité élargie et qu’il satisfait par conséquent au second volet du critère de la double majorité.

[146] Étant donné ce qui précède, le Conseil est convaincu que le syndicat a démontré qu’il bénéficie de l’appui de la double majorité, conformément à ce qui est exigé. Le Conseil conclut donc, en réponse à la seconde question posée par la CAF, que le syndicat a démontré qu’il a l’appui de la double majorité en ce qui a trait à sa demande d’élargissement.

V. Conclusion

[147] Dans la LD 3677, le Conseil a conclu que l’ajout des employés concernés par la présente demande de révision serait de nature à modifier sensiblement la portée du certificat d’accréditation existant. La présente demande vise à élargir la portée de l’unité de négociation actuelle, et la règle de la double majorité s’applique donc. L’employeur n’a pas contesté cette conclusion ni cette caractérisation de la demande, et le Conseil confirme sa conclusion à cet égard.

[148] Ainsi, le syndicat devait démontrer que la nouvelle unité serait à tout le moins aussi appropriée que l’unité de négociation existante aux fins des négociations collectives, que l’ajout des postes favoriserait la réalisation des objectifs liés aux relations du travail, et qu’il a l’appui de la double majorité des employés touchés.

[149] Le Conseil a également exposé exhaustivement, dans la LD 3677, les motifs pour lesquels il a conclu que l’unité élargie serait au moins aussi appropriée que l’unité existante et que l’ajout à l’unité des employés des services techniques de Hamilton favoriserait la réalisation des objectifs liés aux relations du travail. L’employeur n’a pas contesté cette conclusion non plus dans le cadre de sa demande de contrôle judiciaire, et le Conseil confirme sa conclusion à cet égard, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés dans la LD 3677.

[150] Le Conseil a maintenant clarifié, pour répondre aux questions de la CAF, son approche pour appliquer la règle de la double majorité, telle qu’elle a été établie et expliquée dans Téléglobe, précitée. Dans son analyse ci-dessus, le Conseil a appliqué ce critère aux faits liés à la présente demande et, pour les motifs exposés ci-dessus, il a établi que le syndicat lui avait démontré qu’il a l’appui de la majorité au sein des deux groupes d’employés touchés, soit la majorité parmi les employés des services techniques de Hamilton – le groupe d’employés à ajouter – et parmi les employés de l’unité de négociation existante, ce qui suppose, une fois les deux groupes réunis, l’appui de la majorité au sein de l’unité élargie proposée.

[151] Le Conseil conclut que le syndicat satisfait à toutes les exigences pour étayer sa demande de révision.

[152] Le Conseil accueille la demande du syndicat fondée sur l’article 18 du Code et modifie la description de l’unité de négociation en conséquence. Le certificat d’accréditation est joint à la présente décision dans les deux langues officielles.

[153] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

Traduction

 

 

 

Allison Smith

Vice-présidente

 

 

André Lecavalier

Membre

 

 

 

Gaétan Ménard

Membre

 

 

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