Code canadien du travail, Parties I, II et III

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Contenu de la décision

Motifs de décision

Canadian Airport Workers Union,

plaignant,

et

Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale,

intimée.

Canadian Airport Workers Union,

requérant,

et

Sécurité préembarquement Garda inc.,

employeur,

et

Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale,

agent négociateur accrédité.

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) était composé de Me Annie G. Berthiaume, Vice-présidente, ainsi que de MM. André Lecavalier et Gaétan Ménard, Membres.

Représentants des parties au dossier

Me D. Bruce Sevigny, pour le Canadian Airport Workers Union;

Me Amanda Pask, pour l’Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale;

M. Asad Niyaz, pour Sécurité préembarquement Garda inc.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Annie G. Berthiaume, Vice-présidente.

[1] L’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code) prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents aux dossiers mentionnés ci-dessus, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour trancher la présente affaire sans tenir d’audience.

I. Nature de la demande et de la plainte

[2] Par ordonnance no 10233-U, datée du 14 mars 2012, le Conseil a accrédité l’Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale (l’AIMTA ou l’agent négociateur en place) à titre d’agent négociateur d’une unité d’employés de Sécurité préembarquement Garda inc. (Garda ou l’employeur) comprenant :

tous les employés de Sécurité préembarquement Garda inc., affectés aux services de contrôle de sécurité avant l’embarquement, visés par le contrat conclu avec l’ACSTA à l’aéroport international Lester B. Pearson-Toronto, à l’aéroport Buttonville et à l’aéroport centre-ville de Toronto, à l’exclusion des répartiteurs, des superviseurs d’aérogare et de ceux de niveau supérieur.

[3] La convention collective en vigueur entre l’AIMTA et Garda est arrivée à échéance le 31 mars 2018.

[4] Le 2 février 2018, le Canadian Airport Workers Union (le CAWU ou le syndicat maraudeur) a présenté, en temps utile, une demande d’accréditation en vue de remplacer l’AIMTA à titre d’agent négociateur et de représenter tous les employés « affectés aux services de contrôle de sécurité avant l’embarquement, visés par le contrat conclu avec l’ACSTA » à l’aéroport international Pearson, à l’aéroport Buttonville et à l’aéroport du centre-ville de Toronto (maintenant l’aéroport Billy Bishop de Toronto), y compris les chefs de point de contrôle (ordonnance du Conseil no 32452-C). La demande du CAWU indique que l’unité compte 1625 membres.

[5] L’AIMTA s’oppose à la demande d’accréditation au motif que le CAWU n’a pas l’appui de la majorité des employés de l’unité de négociation qui est nécessaire pour qu’un scrutin de représentation soit tenu, et que le Conseil ne peut pas s’appuyer sur la preuve d’adhésion aux fins de sa décision, car la preuve présentée par le CAWU n’est pas fiable. L’AIMTA a présenté au Conseil une preuve de révocation d’adhésion à l’appui de sa position. Ainsi, l’AIMTA demande au Conseil de rejeter la demande sans tenir d’audience ni de scrutin.

[6] Le jour avant de présenter sa demande d’accréditation, le CAWU a déposé une plainte de pratique déloyale de travail (PDT) en vertu du paragraphe 97(1) du Code, alléguant violation de l’article 96 du Code par l’AIMTA (dossier du Conseil no 32451-C).

[7] Le CAWU soutient dans sa plainte de PDT que l’AIMTA a tenté de nuire à sa campagne de syndicalisation en « produisant des documents qui sont censément des révocations d’adhésion » (traduction). Rappelant au Conseil la rivalité qui s’est développée entre l’AIMTA et le CAWU au fil des ans, le CAWU soulève des préoccupations sérieuses relativement aux circonstances dans lesquelles l’AIMTA a recueilli ces documents et quant à la validité de ces éléments de preuve. À titre de redressement, le CAWU demande ce qui suit au Conseil :

(1)  une ordonnance empêchant [l’AIMTA] d’invoquer une quelconque preuve de révocation d’adhésion relativement à toute demande visant à déloger le syndicat en place présentée par le [CAWU] pendant la période ouverte actuelle;

(2)  une ordonnance prescrivant la tenue d’un scrutin de représentation dans le cadre de toute demande visant à déloger le syndicat en place… au regard de laquelle le [CAWU] présente une preuve d’adhésion suffisante à première vue au nom de la majorité des employés de l’unité de négociation;

(3)  toute autre mesure de redressement supplémentaire demandée par le [CAWU] et considérée comme juste et opportune par le Conseil dans les circonstances de la présente affaire.

(traduction)

[8] L’article 20 du Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles (le Règlement) confère au Conseil le pouvoir discrétionnaire de réunir deux ou plusieurs instances. En général, le Conseil exerce son pouvoir discrétionnaire de réunir des affaires lorsque celles-ci mettent en cause les mêmes parties, qu’elles sont fondées sur les mêmes faits et que la réunion des plaintes ne porte pas préjudice aux parties. En l’espèce, la plainte de PDT découle des mêmes circonstances que celles qui sont décrites dans la demande d’accréditation et, de l’avis du Conseil, le fait de les réunir ne portera pas préjudice aux parties. Par conséquent, le Conseil a décidé de réunir les dossiers nos 32451-C et 31452-C et de les traiter ensemble dans la présente décision.

[9] Après examen du dossier, le Conseil a décidé de rejeter la demande d’accréditation du CAWU et sa plainte de PDT, pour les motifs exposés ci-dessous.

II. Positions des parties

A. L’AIMTA

[10] S’appuyant sur la politique et la jurisprudence établies par le Conseil eu égard aux situations de maraudage, l’AIMTA soutient que le CAWU n’a pas l’appui de la majorité des employés de l’unité de négociation, de sorte qu’il n’est pas satisfait au critère qui doit être rempli pour que le Conseil ordonne la tenue d’un scrutin de représentation. En outre, l’agent négociateur en place avance que, puisque la preuve d’adhésion présentée par le CAWU n’est pas fiable, le Conseil devrait rejeter la demande d’accréditation.

[11] L’AIMTA affirme premièrement que les listes d’employés fournies par l’employeur, selon lesquelles l’unité de négociation compte 2168 employés, ne tiennent pas compte d’un groupe d’employés important décrit comme celui des « contrôleurs préaccrédités » (traduction), étant donné que Garda considère que ces employés ne font pas partie de l’unité de négociation.

[12] L’AIMTA a fourni, à l’égard de ce groupe d’employés, des renseignements généraux qui sont utiles pour mieux comprendre les positions respectives des parties. L’AIMTA explique que, pour occuper un poste quel qu’il soit derrière les contrôles de sécurité dans un aéroport, il faut d’abord obtenir une carte d’identité de zones réglementées (CIZR) de Transports Canada, ou autorisation de sécurité CIZR, de même qu’une accréditation d’agent de contrôle préembarquement délivrée par l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (ACSTA). Étant donné les délais nécessaires pour obtenir la CIZR requise, les employés se voient remettre une carte temporaire, assortie de certaines restrictions. L’AIMTA reconnaît qu’il faut à la fois être titulaire d’une CIZR, pour laquelle il faut obtenir une autorisation de sécurité, ainsi que de l’accréditation de l’ACSTA pour pouvoir exécuter toute la gamme des fonctions d’un agent de contrôle préembarquement. L’AIMTA fait observer que les employés qui demeurent longtemps en poste sont en outre tenus de demander le renouvellement de leur CIZR tous les cinq ans, et ce, même s’ils sont titulaires de l’accréditation de l’ACSTA. Pour répondre à une objection du CAWU, l’AIMTA a également expliqué que Garda applique une politique selon laquelle, pour autant qu’un employé ait présenté une demande de renouvellement de sa CIZR dans les six mois précédant l’expiration de sa carte, cet employé ne subira aucun inconvénient si Transports Canada n’a pas traité la demande. L’AIMTA ajoute qu’un employé qui se retrouve dans une telle situation exercera des fonctions de contrôleur restreintes.

[13] L’AIMTA affirme que dans l’attente de l’autorisation de sécurité exigée, ou pendant qu’ils suivent les cours de formation préalables à l’accréditation, les contrôleurs préaccrédités n’exercent qu’une partie des différentes fonctions de contrôle préembarquement. Le groupe d’employés dont le statut est contesté est un groupe d’employés nouvellement ou récemment embauchés, qui peuvent avoir encore une CIZR temporaire et qui sont toujours en formation. L’AIMTA soutient que, pendant qu’ils exercent des fonctions de contrôleur restreintes, les contrôleurs préaccrédités sont payés par Garda, et que des cotisations syndicales ont été prélevées sur leur rémunération et remises au syndicat en leur nom. L’AIMTA ajoute que ces employés sont inscrits à son régime de pension après six mois de service. L’AIMTA soutient donc que les contrôleurs préaccrédités font partie de l’unité de négociation, puisqu’il est indiscutable qu’ils sont des employés de Garda qui assurent des services de contrôle de sécurité préembarquement en vertu du contrat conclu avec l’ACSTA. L’AIMTA ajoute qu’elle a dû présenter un grief pour demander que ce groupe d’employés puisse se prévaloir de certains droits prévus à la convention collective. L’AIMTA avance qu’il appartiendrait au Conseil de déterminer la portée de l’unité de négociation en l’espèce, dans l’éventualité où le statut des contrôleurs préaccrédités deviendrait déterminant pour l’évaluation de l’appui de la majorité dans le cadre de la présente demande.

[14] Deuxièmement, l’AIMTA affirme avoir fourni au Conseil un grand nombre de cartes signées par des membres de l’unité de négociation antérieurement à la présentation de la présente demande, lesquelles révoquent toute adhésion des signataires que pourrait avoir enregistrée le CAWU. L’AIMTA affirme que, pour évaluer si le CAWU satisfait à l’exigence de la majorité requise pour qu’un scrutin soit tenu, le Conseil ne peut prendre en considération que les cartes d’adhésion postérieures aux révocations fournies, et qui sont en tout autre point valides.

[15] L’AIMTA avance en outre que la preuve d’adhésion présentée par le CAWU n’est pas fiable, parce que des signatures ont été sollicitées pour l’adhésion au CAWU sans que soient perçus les cinq dollars exigés aux termes de l’alinéa 31(1)b) du Règlement. L’AIMTA soutient que toute la preuve d’adhésion déposée par le CAWU est par conséquent entachée par le non‑paiement des frais exigés, et que cela constitue un motif distinct justifiant que la demande soit rejetée sans autre formalité.

[16] L’AIMTA a répondu aux nombreuses objections soulevées par le CAWU en ce qui a trait aux calculs à effectuer pour établir si ce dernier a l’appui de la majorité des employés de l’unité de négociation. En réponse aux observations du CAWU selon lesquelles les employés « inactifs » absents depuis plus de six mois à la date de la demande ne devraient pas être considérés comme des employés faisant partie de l’unité de négociation, étant donné que cette situation entraîne la perte de l’accréditation de l’ACSTA, l’AIMTA soutient que la période de six mois invoquée par le CAWU est complètement arbitraire et n’a aucune validité juridique, et l’AIMTA demande que ces employés soient inclus dans la liste des employés admissibles. Contestant que les employés en congé pour six mois ou plus perdent automatiquement leur accréditation de l’ACSTA, l’AIMTA affirme que tout employé qui revient d’un congé doit suivre une formation d’appoint d’environ quatre heures. Dans le cas d’un long congé, il peut être exigé que l’employé se soumette à un test d’une durée d’une journée afin de vérifier si ses connaissances sont à jour. Si le congé a duré plus de 18 mois, il peut être demandé à l’employé de refaire la formation d’accréditation de l’ACSTA. Toutefois, dans l’intervalle, et dans tous les cas, le membre demeure un employé disposant du droit, susceptible d’exécution, de retourner activement au travail, en se prévalant de la procédure de règlement des griefs au besoin, et de recevoir la formation nécessaire à cette fin. En réponse à une des objections du CAWU, l’AIMTA a également expliqué que tout employé qui échoue le processus de réaccréditation de l’ACSTA à la suite d’une longue maladie ou d’un long congé se voit accorder une seconde chance de passer l’examen. Entre-temps, l’employé est placé en congé forcé jusqu’à ce qu’il soit en mesure de se soumettre à nouveau à l’examen. Ainsi, un employé dans cette situation dispose également du droit, susceptible d’exécution, de retourner au travail afin de repasser l’examen.

[17] Se fondant sur la jurisprudence du Conseil à cet égard, l’AIMTA affirme que les employés en congé personnel ou de maladie, en congé par suite d’un accident de travail, en congé parental ou de maternité ou en congé pour activités syndicales conservent ainsi leur statut d’employés au sens du Code et ont par conséquent le droit de participer à un scrutin de représentation. L’AIMTA soutient que l’approche du Conseil consiste à inclure non seulement les personnes reconnues comme des employés selon la loi, mais également toute personne dont on peut raisonnablement penser qu’elle retournera au travail. L’AIMTA ajoute que la liste d’employés fournie confirme sa position, étant donné que des dates de retour au travail précises sont indiquées pour les employés censément « inactifs » qui sont en congé personnel, de maladie, parental ou de maternité. L’AIMTA affirme que le CAWU cherche à faire exclure illégitimement des personnes qui sont des « employés » et qui, outre le fait que l’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’elles retournent au travail, disposent aussi d’un droit légal, et susceptible d’exécution, de recommencer à travailler en vertu de la convention collective, du Code ou des lois en matière de droits de la personne. Selon l’AIMTA, la position du CAWU est non seulement contraire à la jurisprudence du Conseil, mais va également à l’encontre des droits légaux et des droits de la personne des membres de l’unité qu’elle demande à représenter.

[18] De plus, l’AIMTA soutient que les employés congédiés visés par des griefs qu’elle a présentés et qui sont toujours en instance devraient être inclus dans la liste des employés admissibles, puisqu’ils ont toujours un intérêt suffisant dans l’unité de négociation.

[19] Finalement, pour répondre aux demandes du CAWU visant à ce que les listes de l’ACSTA soient communiquées, l’AIMTA soutient qu’elle ne sait pas à quelles listes le CAWU fait allusion. L’AIMTA soutient toutefois que rien ne justifie cette demande du CAWU, étant donné que les listes fournies par Garda sont exactes, sous réserve de la position de l’AIMTA concernant le groupe des contrôleurs préaccrédités.

[20] L’AIMTA soutient ainsi que les éléments d’appréciation susmentionnés empêchent qu’un scrutin soit ordonné, et elle sollicite le rejet de la présente demande sans audience et sans qu’un scrutin soit tenu.

B. Garda

[21] L’employeur ne se prononce pas sur la demande d’accréditation. Cependant, il a présenté des observations relativement au litige qui persiste entre l’AIMTA et lui-même relativement à la question de savoir si les contrôleurs préaccrédités sont visés par la convention collective. L’employeur soutient que la clause qui concerne la portée de la convention collective précise que l’AIMTA agira à titre d’agent négociateur exclusif pour « tous les employés de l’entreprise affectés aux services de contrôle de sécurité avant l’embarquement, visés par le contrat conclu avec l’ACSTA » à l’aéroport international Pearson, à l’aéroport Buttonville et à l’aéroport du centre‑ville de Toronto, y compris les chefs de point de contrôle. Ainsi, l’employeur conteste la position de l’AIMTA selon laquelle les contrôleurs préaccrédités devraient être inclus dans les listes d’employés qu’il a fournies, parce que ceux-ci ne sont pas membres de l’unité de négociation. L’employeur explique que ce groupe d’employés a été embauché en conséquence de problèmes persistants d’affectation des ressources avec lesquels Garda était aux prises à l’aéroport international Pearson, après que l’ACSTA eut autorisé le recours à des contrôleurs préaccrédités. Garda affirme que ces employés ne satisfont pas aux exigences ou doivent toujours obtenir l’autorisation de sécurité nécessaire pour devenir des agents de contrôle admissibles. Par conséquent, leur rôle est restreint, puisqu’ils ne peuvent pas assurer toute la gamme des services de contrôle de sécurité préembarquement que prévoit le contrat conclu avec l’ACSTA. Garda confirme cependant que des cotisations syndicales ont été payées et remises à l’AIMTA au nom de ces employés depuis le commencement du « programme de préaccréditation » (traduction).

[22] Selon Garda, l’AIMTA cherche illicitement à faire élargir la portée de l’unité de négociation et à ce que celle-ci englobe un groupe d’employés qui en a toujours été exclu. Comme cette question sera instruite en arbitrage, l’employeur soutient que toute décision du Conseil relative à cette question serait préjudiciable à l’une des parties, suivant l’issue de la procédure. Pour ces raisons, Garda demande qu’une audience soit tenue pour trancher cette question sur le fond, si le Conseil souhaite rendre une décision quant à la présence des contrôleurs préaccrédités sur les listes d’employés et à leur droit de participer à un scrutin.

C. Le CAWU

[23] Le CAWU demande qu’un scrutin de représentation secret soit tenu en personne aussitôt que possible et affirme qu’il a clairement présenté une preuve démontrant l’appui nécessaire de la majorité des employés de l’unité de négociation. Toutefois, le CAWU affirme également que les listes d’employés fournies par l’employeur jusqu’à présent « pourraient donner une représentation inexacte de la taille de l’unité de négociation, l’inexactitude pouvant être de l’ordre de centaines de prétendus « employés » » (traduction).

[24] Le CAWU convient d’abord avec Garda que les contrôleurs préaccrédités ne devraient pas figurer sur les listes d’employés, puisque la portée de l’unité de négociation se limite, selon sa description, aux employés qui assurent les services de contrôle de sécurité préembarquement en vertu du contrat conclu avec l’ACSTA. Comme les contrôleurs préaccrédités n’ont pas d’autorisation de sécurité ou d’accréditation, ils ne peuvent assurer ces services de contrôle.

[25] Le CAWU soutient que la liste des employés de l’unité de négociation admissibles devrait seulement inclure des employés qui sont « actifs » et dont les noms figurent sur les listes d’ancienneté à jour, puisque ce sont les seuls employés autorisés à postuler pour travailler en vertu du contrat de l’ACSTA. Selon le CAWU, les employés qui n’ont pas travaillé pendant une période de six mois – soit la période au terme de laquelle le CAWU allègue qu’un employé perd l’accréditation de l’ACSTA lui permettant d’assurer les services de contrôle en vertu du contrat conclu avec cette dernière – ne devraient pas être considérés comme des employés de l’unité de négociation. En ce qui concerne la question de savoir s’il a l’appui de la majorité, le CAWU conteste donc l’inclusion des employés qui peuvent avoir été absents du travail pendant une période d’au moins six mois à la date de présentation de la demande, pour des raisons médicales ou parce qu’ils étaient en congé parental ou de maternité, en congé autorisé pour différentes raisons, en congé pour activités syndicales, ou en congé par suite d’un accident de travail. Le CAWU soutient également que certains employés qui ont été congédiés et au nom desquels des griefs ont été présentés ne devraient pas non plus figurer sur la liste des employés admissibles.

[26] Par ailleurs, le CAWU soutient que le Conseil ne devrait accorder aucun poids à la supposée preuve de révocation d’adhésion présentée par l’AIMTA. Selon le CAWU, l’AIMTA a tenté de nuire à sa campagne de syndicalisation en « produisant des documents qui se veulent des révocations d’adhésion » (traduction). Le CAWU soutient qu’il a reçu un grand nombre de cartes de l’AIMTA qui ont été signées avant les cartes d’adhésion correspondantes du CAWU. Il souligne également que plusieurs employés de l’unité de négociation ont confirmé n’avoir jamais signé de document révoquant leur adhésion. Le CAWU affirme donc qu’une partie seulement des documents présentés comme des révocations d’adhésion peuvent ainsi être considérés comme légitimes. À la lumière de ces irrégularités importantes – qui, selon lui, devraient convaincre le Conseil que cette preuve a été recueillie dans des circonstances caractérisées par « une intention de tromper, de la coercition, des malentendus ou des affirmations mensongères » (traduction) –, le CAWU demande au Conseil, dans sa plainte de PDT qui fait l’objet du dossier no 32451-C, de rendre une ordonnance interdisant à l’AIMTA d’invoquer toute révocation d’adhésion relativement à la présente demande. Le CAWU demande également une ordonnance prescrivant la tenue d’un scrutin de représentation si une preuve suffisante à première vue démontre qu’il a l’appui de la majorité.

[27] Le requérant soutient également qu’un scrutin de représentation secret tenu en personne est nécessaire, étant donné les allégations qu’il soulève dans sa plainte de PDT. Selon lui, les allégations sérieuses que contient la plainte de PDT devraient soulever des doutes quant aux résultats potentiellement inexacts de toute autre forme de scrutin qui ne permettrait pas aux parties de surveiller adéquatement la tenue du scrutin de représentation.

[28] Le CAWU a présenté plusieurs demandes de communication de documents dans le cadre de l’instance relative à la demande d’accréditation. Il demande qu’il soit enjoint à l’employeur de produire des copies des listes d’ancienneté les plus récentes, des horaires de choix de quarts de travail d’été pour les contrôleurs travaillant à l’aéroport international Pearson, ainsi que des horaires de choix de quarts de travail d’hiver pour les contrôleurs travaillant à l’aéroport Billy Bishop de Toronto. Selon le CAWU, ces documents « doivent contenir des renseignements extrêmement pertinents pour l’établissement du statut des employés » (traduction).

[29] Le CAWU ajoute que, outre les contrôleurs préaccrédités, tout employé ne disposant pas de l’autorisation de sécurité ou de l’accréditation requises pour assurer les services de contrôle en vertu du contrat conclu avec l’ACSTA ne devrait pas être considéré comme appartenant à l’unité de négociation. Puisque l’employeur est tenu, aux termes du contrat, de fournir périodiquement une liste d’employés à l’ACSTA, le requérant estime que la version la plus récente de cette liste permettra de démontrer quelles sont les personnes qui disposent de l’autorisation de sécurité nécessaire, et d’établir si l’unité de négociation compte en fait moins de 2000 employés. Le CAWU conteste donc l’inclusion de tout employé dont le nom figure sur les listes d’employés mais pas sur les listes envoyées à l’ACSTA au cours des 12 mois précédant la présentation de la demande.

[30] En outre, le CAWU soulève des préoccupations quant à l’exactitude des renseignements fournis par Garda, alléguant que l’employeur « fournit sciemment des renseignements trompeurs au Conseil pour tâcher d’empêcher que se concrétise la volonté légitime des employés de l’unité de négociation » (traduction), et il affirme que la communication des listes de l’ACSTA est par conséquent le seul moyen de déterminer avec exactitude la description précise ainsi que la taille de l’unité de négociation. Ainsi, le CAWU demande qu’il soit enjoint à l’employeur de produire toute liste de cette nature qui a été communiquée à l’ACSTA au cours des 18 derniers mois, et il déclare qu’il pourrait présenter d’autres objections après avoir passé ces listes en revue.

III. Analyse et décision

A. La demande d’accréditation

[31] L’article 28 du Code établit les règles sur lesquelles se fonde le Conseil pour trancher les demandes d’accréditation :

28 Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le Conseil accrédite un syndicat lorsque les conditions suivantes sont remplies :

a) il a été saisi par le syndicat d’une demande d’accréditation;

b) il a défini l’unité de négociation habile à négocier collectivement;

c) il est convaincu qu’à la date du dépôt de la demande, ou à celle qu’il estime indiquée, la majorité des employés de l’unité désiraient que le syndicat les représente à titre d’agent négociateur.

(c’est nous qui soulignons)

[32] Dans le contexte d’une demande visant à déloger le syndicat en place, le Conseil ordonnera dans presque tous les cas la tenue d’un scrutin si l’appui de la majorité a été établi. Dans le cadre de la présente demande, la question que doit trancher le Conseil est donc celle de savoir si la demande du CAWU était accompagnée, à la date de présentation de la demande, d’une preuve d’adhésion suffisante et valide démontrant que la majorité des employés du groupe représenté par l’AIMTA désiraient être représentés par le requérant.

[33] Ce n’est pas la première fois que le Conseil doit se pencher sur cette question qui oppose les parties. Dans Sécurité préembarquement Garda inc., 2015 CCRI 764 (RD 764), le Conseil était saisi d’une demande d’accréditation antérieure du CAWU, qui voulait déloger l’AIMTA. Il sera utile, aux fins de l’analyse du Conseil en l’espèce, de reproduire l’explication détaillée que le Conseil avait donnée dans la décision RD 764 relativement à sa politique de longue date ainsi qu’aux exigences que prévoit le Code dans le cadre d’une demande visant à déloger le syndicat en place :

[7] Dans le contexte d’une demande visant à déloger un syndicat, la politique du Conseil, qui est bien établie, veut que le requérant démontre qu’il a l’appui de la majorité des employés de l’unité. Si le requérant répond à ce critère, le Conseil ordonne la tenue d’un scrutin de représentation dans presque tous les cas. Cette politique s’appuie sur la prémisse que, lorsque le Conseil a accrédité un syndicat pour représenter les employés d’une unité de négociation, on présume que celui-ci continue d’avoir l’appui d’une majorité des employés de l’unité jusqu’à ce que cette présomption soit écartée par une preuve démontrant le contraire. Le Conseil cherche aussi à préserver la paix industrielle et, en adoptant une politique selon laquelle le syndicat qui cherche à déloger un autre syndicat doit démontrer qu’il a l’appui de plus de la moitié des membres de l’unité, il s’assure que les employés souhaitent sérieusement changer d’agent négociateur avant que la tenue d’un scrutin soit ordonnée (Canadien Pacifique Express et Transport (1988), 73 di 183 (CCRT no 682); et Société Radio-Canada (1993), 91 di 165 (CCRT no 1004) voir page 172).

[8] Le Conseil se fonde sur la preuve d’adhésion pour établir la volonté des employés de l’unité proposée, tel qu’il est énoncé à l’article 30 du Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles (le Règlement) :

30. Pour toute demande concernant l’accréditation d’un agent négociateur :

a) l’adhésion de l’employé à un syndicat constitue la preuve de sa volonté d’être représenté par ce syndicat à titre d’agent négociateur;

b) l’adhésion à un syndicat de la majorité des employés faisant partie d’une unité habile à négocier collectivement constitue la preuve de la volonté de la majorité des employés de cette unité d’être représentés par ce syndicat à titre d’agent négociateur.

[9] L’exigence du Conseil concernant la preuve d’adhésion à un syndicat est codifiée au paragraphe 31(1) du Règlement :

31. (1) Pour toute demande concernant les droits de négociation, le Conseil peut accepter comme preuve d’adhésion d’une personne à un syndicat, à la fois :

a) le dépôt d’une demande d’adhésion au syndicat revêtue de sa signature;

b) la preuve qu’elle a versé au syndicat une somme d’au moins cinq dollars, à l’égard ou au cours de la période de six mois précédant la date de dépôt de la demande.

[10] Lorsqu’il est saisi d’une demande d’accréditation, le Conseil doit d’abord déterminer si la preuve d’adhésion présentée par le requérant pour appuyer sa demande est valide et suffisante. Lorsque le Conseil propose d’utiliser les cartes d’adhésion signées pour accréditer un agent négociateur, ou avant qu’il ordonne la tenue d’un scrutin, il est d’importance primordiale que la preuve d’adhésion sur laquelle le Conseil s’appuiera pour prendre ses décisions soit juste et fiable. La norme que le Conseil applique lorsqu’il vérifie la preuve d’adhésion présentée à l’appui d’une demande d’accréditation est très rigoureuse.

[11] Dans la présente affaire, la question clé que le Conseil doit trancher est celle de savoir si la preuve d’adhésion qui accompagne la demande est valide et suffisante, comme l’exigent les articles 30 et 31 du Règlement pour établir qu’une majorité des employés de l’unité souhaitent être représentés par le requérant.

[12] Afin de pouvoir conclure, aux termes de l’alinéa 28c) du Code, que le requérant a répondu au critère permettant d’accorder une accréditation ou d’ordonner un scrutin de représentation, le Conseil a mis en place un processus selon lequel il délègue ses pouvoirs d’enquête aux agents des relations industrielles (ARI) du Conseil de sorte que ceux-ci puissent vérifier et évaluer la preuve d’adhésion présentée à l’appui d’une demande d’accréditation.

[13] Lorsque des allégations mettent en doute la validité de la preuve d’adhésion présentée par un requérant, l’ARI enquête sur ces allégations et s’entretient de manière confidentielle avec certains employés, en tenant compte de tous les renseignements fournis par l’une ou l’autre des parties à la demande. L’ARI présente les résultats de son enquête au Conseil dans un rapport confidentiel afin de protéger la confidentialité de la volonté des employés, conformément à l’article 35 du Règlement. Ce processus est bien établi et a été examiné dans la jurisprudence du Conseil (voir IMS Marine Surveyors Ltd., 2001 CCRI 135 au paragraphe 16; TD Canada Trust du Grand Sudbury (Ontario), 2006 CCRI 363; et confirmée en contrôle judiciaire : TD Canada Trust c. Syndicat international des travailleurs unis de la métallurgie, du papier et de la foresterie, du caoutchouc, de la fabrication, de l’énergie, des services et industries connexes, 2007 CAF 285).

[14] Les cours de justice ont toujours protégé ce processus et la nécessité de préserver la confidentialité des résultats de l’enquête compte tenu de la nature délicate de la volonté des employés, protégée par l’article 35 du Règlement (voir Maritime‑Ontario Freight Lines Ltd. c. Section locale 938 des Teamsters, 2001 CAF 252).

(c’est nous qui soulignons)

[34] Comme on l’expliquera plus amplement ci-dessous, le Conseil n’est pas convaincu que la preuve d’adhésion du CAWU était conforme aux exigences du Règlement. Le Conseil est d’avis que les irrégularités relevées par les agents des relations industrielles (ARI) dans le cadre de l’enquête sont suffisamment sérieuses pour entacher toute la preuve d’adhésion.

[35] Même si le Conseil avait accepté la preuve du CAWU, en écartant les cartes d’adhésion irrégulières et en ne tenant pas compte de la preuve de révocation de l’AIMTA, le Conseil serait convaincu, pour les motifs expliqués ci-après, que le CAWU n’aurait pas l’appui de la majorité des employés de l’unité, et ce, même si les contrôleurs préaccrédités étaient exclus de l’unité de négociation, ce que le Conseil n’est pas prêt à établir à ce stade-ci.

1. La fiabilité de la preuve d’adhésion syndicale

[36] Étant donné que la position du CAWU relative aux différents points litigieux a quelque peu évolué pendant la procédure, le Conseil fondera son analyse sur la position et les objections les plus récentes du syndicat maraudeur.

[37] Le Conseil constate que chacun des syndicats a mis en doute la fiabilité de la preuve présentée au Conseil à l’appui de la position de l’autre syndicat.

[38] L’AIMTA a soutenu que certains membres n’avaient pas payé les frais de cinq dollars exigés pour sanctionner leur adhésion au CAWU et que le Conseil a par conséquent un motif suffisant pour rejeter la demande.

[39] Le CAWU a quant à lui affirmé que les cartes de révocation d’adhésion présentées par l’AIMTA comportaient des irrégularités importantes, qui font en sorte que le Conseil devrait écarter entièrement la preuve de révocation déposée par l’AIMTA. Ces irrégularités, ainsi que le contexte dans lequel l’AIMTA a obtenu cette preuve de révocation, font l’objet de la plainte de PDT dans le dossier du Conseil no 32451-C.

[40] Le rôle du Conseil, lorsqu’il est saisi d’une demande d’accréditation, consiste à établir quelle est la volonté réelle des employés de l’unité de négociation à la date de la demande et à s’assurer que les objectifs du Code sont réalisés. À cette fin, comme le précise la jurisprudence précitée, le Conseil a mis en place un processus selon lequel il délègue ses pouvoirs d’enquête aux ARI afin de vérifier et d’évaluer la preuve d’adhésion présentée à l’appui d’une demande d’accréditation.

[41] Étant donné la taille de l’unité de négociation en cause dans la présente affaire, plusieurs ARI ont été affectés à l’enquête du Conseil qui a été menée en l’espèce, et ces ARI ont communiqué avec un grand nombre d’employés. Dans le cadre des entrevues qui ont été effectuées, les ARI ont vérifié les renseignements figurant sur les cartes d’adhésion et de révocation au moyen d’une série de questions, afin de garantir que la preuve était fiable et témoignait véritablement de la volonté des employés. Il est à noter que les ARI ont procédé à des entrevues confidentielles en personne ainsi que par téléphone. Le Conseil constate que le rapport confidentiel produit en l’espèce a révélé d’importantes irrégularités entachant la preuve du CAWU.

[42] Il convient de souligner que, à l’appui de sa demande d’accréditation, le CAWU devait soumettre un certificat d’exactitude, que son représentant a signé le 1er février 2018, et dans lequel il était déclaré que « les cotisations syndicales et (ou) les droits d’adhésion inscrits comme ayant été payés ont de fait été versés par les employés intéressés, en leur propre nom et aux dates indiquées ». Les ARI ont confirmé dans le rapport confidentiel présenté au Conseil que, contrairement à la déclaration faite par le CAWU dans son certificat, un nombre important d’employés avaient confirmé ne pas avoir payé les frais de cinq dollars exigés aux termes de l’alinéa 31(1)b) du Règlement, et qu’il a été signalé que, dans au moins un cas, ce paiement avait en fait été versé au nom de l’employé sollicitant l’adhésion au CAWU par une autre personne que ledit employé. Le Conseil conclut donc, à la lumière des conclusions de l’enquête, que la preuve d’adhésion déposée à l’appui de la demande du CAWU était entachée d’irrégularités importantes, et que ces irrégularités constituaient un vice de fond.

[43] Ainsi, le Conseil n’est pas convaincu qu’il peut se fier à la preuve déposée par le CAWU à l’appui de sa demande.

[44] Comme il l’a expliqué dans la décision RD 764, le Conseil prend au sérieux les exigences relatives à la preuve d’adhésion et « a toujours affirmé que le défaut de se conformer aux exigences du Code et du Règlement est un vice de fond et non de forme ». Dans la décision RD 764, le Conseil a poursuivi en citant la décision rendue par son prédécesseur, le Conseil canadien des relations du travail, dans American Airlines Incorporated (1981), 43 di 114; et [1981] 3 Can LRBR 90 (CCRT no 301), relativement aux conséquences qu’entraîne le défaut de se conformer aux exigences que prescrit le Règlement :

Le Conseil désire souligner encore une fois, comme il a été mentionné dans City and Country Radio Ltd., supra, et Banque de Commerce Canadienne Impériale, Sioux Lookout, Ontario, supra, qu’en traitant des cas d’accréditation, il a mis en place une façon de faire comprendre l’importance de leurs actions à l’employé qui signe une carte et au syndicat qui demande l’accréditation. En même temps que les modifications promulguées par le Parlement en 1978 qui indiquent clairement qu’il préfère que des preuves littérales soient utilisées pour établir que la majorité des employés appuient le syndicat, le Conseil a porté les droits minimums d’adhésion de $2 à $5. À notre avis, un employé qui doit payer $5 pour adhérer à un syndicat réfléchira à l’importance de son acte avant de verser le montant. Le syndicat doit ensuite certifier au Conseil que l’argent a été personnellement versé par l’employé qui a signé la carte d’adhésion. En cas d’irrégularité dans cette procédure, le Conseil rejettera la requête en accréditation pour ce seul motif

(pages 129-130; et 102; c’est nous qui soulignons)

[45] Dans Transport Jean-Marie Bernier Inc., 2009 CCRI 462, le Conseil a rejeté une demande visant à déloger le syndicat en place parce que l’enquête avait révélé que les frais d’adhésion de cinq dollars avaient été remboursés à certains employés. Dans sa décision, le Conseil avait résumé ainsi sa jurisprudence à cet égard :

[22] Le Conseil doit examiner les exigences concernant la preuve d’adhésion prévues par le Règlement, de façon très sérieuse, dont celle de payer une somme d’au moins cinq dollars comme frais d’adhésion au cours de la période prescrite.

[23] Le non-respect des exigences prévues par le Code et le Règlement est habituellement considéré par le Conseil comme un défaut de fond et non pas comme un vice de forme, et le Conseil appliquera la norme rigoureusement quand il examinera la preuve d’adhésion présentée par le syndicat requérant.

[24] Dans l’affaire Hudson Bay Mining and Smelting Co., Limited (1993), 91 di 130; et 93 CLLC 16,023 (CCRT no 999), le Conseil a déclaré ce qui suit :

Il ne fait aucun doute que les exigences du Conseil ne seraient par remplies si l’organisateur syndical faisait simplement un « don » de cinq dollars à un employé et que celui‑ci le lui remettait à titre de frais d’adhésion avec sa demande. Les employés doivent verser eux‑mêmes cette somme (American Airlines Incorporated (1981), 43 di 114; et [1981] 3 Can LRBR 90 (CCRT no 301)).

(pages 133; et 14,157)

[25] Dans l’affaire S.G.T. 2000 Inc., 1999 CCRI 9, le Conseil s’est exprimé en ces termes :

[40] Le Conseil s’est prononcé à plusieurs reprises sur l’application stricte que reçoit cette condition primordiale que doit rencontrer le syndicat à l’appui d’une demande d’accréditation. (Voir Hudson Bay Mining and Smelting Co., Limited (1993), 91 di 130; et 93 CLLC 16,023 (CCRT no 999); Radio CHNC Limitée, New Carlisle (Québec) (1985), 63 di 26; 12 CLRBR (NS) 112; et 86 CLLC 16,009 (CCRT no 537); et Air West Airlines Ltd. (Air West Operations Ltd.) (1980), 39 di 56; et [1980] 2 Can LRBR 197 (CCRT no 231).)

[46] Vu l’importance de la qualité et de la validité de la preuve d’adhésion, le requérant, lorsqu’il signe le Certificat d’exactitude, atteste également qu’il comprend que « toute fausse déclaration ou irrégularité dans la preuve d’adhésion fournie au Conseil pourrait entraîner le rejet d’une partie ou de la totalité de la preuve et le rejet de la demande ».

[47] Ayant soigneusement examiné les conclusions de l’enquête des ARI, le Conseil est d’avis que le nombre de cartes d’adhésion au CAWU entachées d’irrégularité est suffisant pour soulever des préoccupations et des doutes sérieux quant à la question de savoir si, parmi les éléments de preuve produits, il y en a qui témoignent réellement de l’intention des employés. Ainsi, la preuve d’adhésion irrégulière entache l’ensemble de la preuve d’adhésion du CAWU, et le Conseil n’est pas disposé à se fier à la preuve présentée par le CAWU pour décider s’il ordonnera la tenue d’un scrutin de représentation. Le Conseil rejette la demande d’accréditation pour ce seul motif.

[48] Le Conseil tient à souligner que l’enquête a également révélé des problèmes relatifs à la preuve de révocation d’adhésion présentée par l’AIMTA. Il n’est toutefois pas nécessaire d’établir si ces problèmes auraient eu une incidence sur la validité de la preuve de révocation produite par l’AIMTA dans la présente affaire, étant donné que le Conseil n’a pas eu besoin d’examiner cette preuve pour trancher la demande d’accréditation.

2. Le caractère suffisant de la preuve d’adhésion du CAWU

[49] Le Conseil a décidé de rejeter la demande du CAWU au motif que la preuve d’adhésion n’est pas fiable. Toutefois, si le Conseil avait décidé d’écarter seulement les cartes d’adhésion du CAWU entachées d’irrégularité, il aurait tout de même rejeté la demande au motif que le CAWU n’avait pas l’appui de la majorité nécessaire pour qu’un scrutin de représentation soit tenu, et ce, sans même tenir compte, comme on l’a mentionné ci‑dessus, de la preuve de révocation de l’AIMTA ou du groupe des contrôleurs préaccrédités.

[50] Premièrement, le Conseil remarque que le CAWU a présenté plusieurs demandes afin que les listes d’employés soient communiquées, demandant au Conseil d’ordonner à Garda de produire les listes d’employés envoyées à l’ACSTA afin d’établir quels employés ont l’autorisation de sécurité nécessaire pour exercer les fonctions de contrôle de sécurité préembarquement. Le CAWU a avancé que ces listes révéleraient précisément quels employés doivent être considérés comme faisant partie de l’unité de négociation, donnant à entendre que les listes d’employés déjà fournies par l’employeur dans le contexte de la demande d’accréditation pouvaient donner une représentation inexacte de la taille de l’unité de négociation. Le Conseil constate en outre que le CAWU a également demandé d’autres listes, soit les listes d’ancienneté et les horaires de choix de quarts de travail, au motif que ces listes « doivent contenir des renseignements extrêmement pertinents pour l’établissement du statut des employés » (traduction). Si le Conseil n’avait pas rejeté la demande au motif que la preuve d’adhésion n’est pas fiable, il n’aurait pas accédé aux demandes d’ordonnance de communication du CAWU pour les motifs exposés ci‑après.

[51] En l’espèce, l’employeur a fourni des listes confirmant l’identité de tous les employés qui faisaient partie de l’unité à la date de la demande et qui, de l’avis de l’employeur, assuraient des services de contrôle de sécurité préembarquement. Étant donné sa position à l’égard des contrôleurs préaccrédités, l’employeur avait déjà exclu des listes d’employés ce groupe dont l’AIMTA demandait l’inclusion, et il avait fourni au Conseil une liste distincte des contrôleurs préaccrédités. L’agent négociateur en place avait également confirmé l’exactitude des listes d’employés communiquées par l’employeur, confirmant que l’information fournie décrivait avec exactitude l’unité qu’il représente, sous réserve de sa position concernant le groupe des contrôleurs préaccrédités.

[52] Le Conseil est d’avis qu’il n’y a aucun fondement juridique ou de principe qui appuierait les demandes du CAWU visant à obtenir les listes de l’ACSTA ou n’importe quelle autre liste d’employés. Les listes d’employés déjà communiquées décrivent quels employés ont été identifiés comme ceux qui exécutent les fonctions de contrôle préembarquement, et elles établissent qui fait partie de l’unité de négociation. Ainsi, les listes demandées n’apporteraient rien de plus pour établir qui devrait être inclus dans l’unité de négociation. En conséquence, l’analyse du Conseil se fondera sur les listes d’employés qui ont déjà été communiquées par Garda en l’espèce et qui sont reconnues comme exactes par l’agent négociateur en place.

[53] Deuxièmement, comme nous l’avons indiqué au début de la présente décision, lorsqu’il est saisi d’une demande visant à déloger un syndicat, le Conseil a depuis longtemps pour pratique et pour politique d’ordonner la tenue d’un scrutin de représentation dans les cas où le requérant démontre qu’il a l’appui de la majorité (50 % + 1) des employés de l’unité de négociation (voir Canadien Pacifique Express et Transport (1988), 73 di 183 (CCRT no 682)).

[54] Le CAWU a soulevé de nombreuses objections quant au statut de certains employés de l’unité de négociation, au regard de la question de savoir s’il bénéficie de l’appui de la majorité des employés de l’unité. Plus précisément, le CAWU affirme que la liste des employés de l’unité de négociation ne devrait inclure que les employés qui, selon lui, sont « actifs ». Selon le CAWU, tout employé qui était absent depuis six mois ou plus à la date de la demande, pour des raisons médicales ou en raison d’un congé parental ou de maternité, d’un congé autorisé pour une raison quelconque, d’un congé pour activités syndicales ou d’un congé faisant suite à un accident de travail, devrait donc être exclu. La position du CAWU se fonde sur sa compréhension selon laquelle les employés dans l’une ou l’autre de ces situations perdent automatiquement, après six mois d’absence, l’accréditation requise pour exercer les fonctions de contrôle de sécurité préembarquement. Il convient de souligner que l’employeur a mentionné, sur les listes d’employés, le dernier jour de travail et la date de retour au travail prévue, lorsqu’elle était connue, pour tous les employés qui étaient en congé autorisé.

[55] En plus de s’opposer à l’inclusion d’un certain nombre d’employés « inactifs », le CAWU a déclaré que le groupe des contrôleurs préaccrédités devrait également être exclu, parce que ces derniers ne peuvent pas exécuter les fonctions de contrôle préembarquement. Finalement, le CAWU a également contesté l’inclusion de certains employés qui ont été congédiés et au nom de qui ont été présentés des griefs qui sont toujours en instance.

[56] Le Conseil a soigneusement examiné la liste des employés « inactifs » contestée par le CAWU, de même que la liste des employés dont le CAWU ne conteste pas l’inclusion. Le Conseil juge nécessaire de souligner que, après avoir tenté d’appliquer le raisonnement du CAWU à l’égard de l’exclusion des employés inactifs, c’est-à-dire ceux qui étaient absents depuis six mois ou plus à la date de la demande, le Conseil est incapable de voir quelle est la logique derrière l’approche du requérant. Plus précisément, le Conseil a remarqué que le CAWU ne s’est pas opposé à l’inclusion de plusieurs employés « inactifs » qui étaient soit en congé parental ou de maternité, soit en congé autorisé pour raisons médicales depuis plus de six mois, alors qu’il s’est opposé à l’inclusion d’autres employés. Indépendamment de ces incohérences, le Conseil poursuivra son analyse en se fondant sur la position du CAWU, telle qu’elle a été présentée au Conseil.

[57] Le Conseil n’est pas d’accord avec le point de vue du CAWU concernant l’exclusion de certains employés « inactifs » de la liste des employés qui faisaient partie de l’unité de négociation à la date de la demande. Pour établir si un employé qui est absent du travail doit être considéré comme faisant partie de l’unité de négociation, l’approche du Conseil a toujours été d’inclure toute personne absente dont on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’elle retourne au travail, en vertu de certains droits conférés par une convention collective ou par la loi, et ce, peu importe la raison de l’absence (voir VIA Rail Canada Inc. (1997), 104 di 67; et 38 CLRBR (2d) 124 (CCRT no 1206); IMS Marine Surveyors Ltd., 2001 CCRI 135; et Algoma Central Marine, une division de Algoma Central Corporation, 2009 CCRI 469). Le raisonnement sur lequel s’appuie cette approche est que l’on considère généralement que ces personnes conservent un intérêt suffisant et continu dans l’unité de négociation, lequel justifie la prise en considération de leur volonté relativement à l’adhésion au syndicat.

[58] Étant donné sa politique et sa jurisprudence établies, le Conseil aurait donc inclus tous les employés en congé parental ou de maternité. Ces personnes sont toujours des « employés » au sens de l’article 3 du Code, et non seulement elles jouissent du droit prévu par la loi d’être réintégrées au travail, mais on peut en outre raisonnablement s’attendre à ce qu’elles retournent travailler (voir Banque canadienne impériale de commerce (Succursale Alness, Downsview) (1978), 28 di 921; [1978] 2 Can LRBR 361; et 78 CLLC 16,145 (CCRT no 141); et Énergie atomique du Canada Limitée, 2004 CCRI 269).

[59] En ce qui concerne l’objection du CAWU relative à l’inclusion de certains employés congédiés sur la liste des votants admissibles, le paragraphe 3(2) du Code prévoit expressément que, « [p]our l’application de la présente partie, l’employé ne perd pas son statut du seul fait d’avoir cessé de travailler par suite d’un lock-out ou d’une grève ou du seul fait d’avoir été congédié en contravention avec la présente partie ». En outre, le Conseil a déjà autorisé à voter des employés congédiés au nom desquels des griefs avaient été présentés. Dans Claude H. Foisy et autres, Canada Labour Relations Board Policies and Procedures, Toronto, Butterworths, 1986, les auteurs ont décrit ainsi l’admissibilité de certains employés congédiés à voter :

Les employés congédiés qui ont déposé une plainte de pratique déloyale de travail ou présenté un grief pour contester le congédiement sont autorisés à voter, aux termes du paragraphe 107(2).

(page 106; traduction)

[60] Par conséquent, le Conseil aurait inclus les employés qui ont été congédiés, mais dont le congédiement fait l’objet d’un grief.

[61] Finalement, suivant la politique générale du Conseil décrite ci-dessus, le Conseil aurait également été tenu d’inclure les employés qui sont en congé autorisé pour activités syndicales en vertu de la convention collective du fait qu’ils sont titulaires de postes au sein de l’AIMTA, puisqu’il est raisonnable de s’attendre à ce que ces personnes reprennent leurs fonctions si elles quittent le poste qu’elles occupent au sein du syndicat.

[62] Le Conseil constate que l’AIMTA a présenté des documents à l’appui de sa position voulant que les employés en congé pour activités syndicales aient des droits et des intérêts qui persistent. Plus particulièrement, la convention collective conclue entre Garda et l’AIMTA contient une lettre d’entente aux termes de laquelle les employés exerçant la fonction de délégué syndical en chef reçoivent directement de l’employeur leur rémunération et leurs avantages sociaux et sont autorisés à prendre part aux affaires syndicales. En outre, les parties à la convention collective ont conclu un protocole d’entente qui stipule que toute personne élue au poste d’agent syndical ou de président général de l’AIMTA conserve son ancienneté et continue d’en accumuler, conformément au paragraphe 9.2 de la convention collective.

[63] Le Conseil est par conséquent convaincu, sur le fondement de la preuve que révèle le rapport confidentiel, qu’en écartant seulement les cartes d’adhésion irrégulières et en prenant en considération les trois catégories d’inclusions susmentionnées, l’appui dont bénéficie le CAWU est inférieur au seuil exigé pour qu’un scrutin soit ordonné. Il convient également de souligner que n’entrent en jeu, dans cette analyse, ni le groupe des contrôleurs préaccrédités, dont l’inclusion est contestée, ni aucune autre objection soulevée par le CAWU, par exemple en ce qui concerne les employés en congé médical autorisé, en congé par suite d’un accident de travail, ou en congé autorisé pour des raisons diverses.

[64] Si le Conseil avait poursuivi son analyse, il aurait également inclus, conformément à sa jurisprudence établie, les employés dont on pouvait raisonnablement s’attendre à ce qu’ils retournent au travail. Si une partie ou la totalité de ces employés étaient inclus dans la liste d’employés, l’appui dont bénéficie le CAWU serait encore amoindri, et le nombre d’appuis manquants pour que le CAWU satisfasse au seuil de la majorité requis deviendrait beaucoup plus considérable.

[65] À la lumière de ce qui précède, le CAWU n’a pas réussi à démontrer qu’il a l’appui de la majorité des employés de l’unité de négociation. Par conséquent, le Conseil aurait refusé d’ordonner la tenue d’un scrutin de représentation même si les irrégularités constatées dans la preuve d’adhésion du CAWU n’avaient pas entaché la totalité de cette preuve.

B. La plainte de PDT du CAWU

[66] Dans sa plainte de PDT, le CAWU demande au Conseil de ne pas prendre en considération la preuve de révocation d’adhésion présentée par l’AIMTA et d’ordonner la tenue d’un scrutin de représentation. Étant donné qu’il a rejeté la demande d’accréditation sans avoir tenu compte de la preuve de révocation de l’AIMTA, le Conseil est d’avis que l’examen de la plainte de PDT sur le fond ne contribuerait à la réalisation d’aucun objectif lié aux relations du travail. De plus, le Conseil refuse d’ordonner la tenue d’un scrutin de représentation, étant donné que le CAWU n’a pas présenté de « preuve d’adhésion suffisante à première vue au nom de la majorité des employés de l’unité de négociation » (traduction). Par conséquent, le Conseil rejette la plainte de PDT, puisque les questions qui y sont soulevées sont maintenant théoriques.

IV. Conclusion

[67] Le Conseil conclut que les irrégularités constatées lors de son enquête sur la preuve d’adhésion présentée par le CAWU suffisent pour que la fiabilité de l’ensemble de la preuve d’adhésion présentée à l’appui de la demande d’accréditation soit mise en question, de sorte que le Conseil n’est pas disposé à se fier à cette preuve pour ordonner la tenue d’un scrutin de représentation. Le Conseil a donc décidé de rejeter la demande d’accréditation du CAWU.

[68] Par ailleurs, et pour les motifs exposés ci-dessus, si le Conseil avait décidé de n’écarter que la preuve d’adhésion irrégulière du CAWU, il aurait rejeté la demande au motif que l’appui de la majorité exigé pour qu’un scrutin soit ordonné n’aurait pas été établi. Le Conseil aurait rendu cette décision sans avoir tenu compte dans son analyse de la preuve de révocation d’adhésion présentée par l’AIMTA, et sans avoir tranché la question concernant le groupe des contrôleurs préaccrédités.

[69] Le Conseil rejette également la plainte de PDT déposée par le CAWU dans le dossier du Conseil no 32451-C, étant donné qu’il n’a pas pris en considération la preuve de révocation d’adhésion présentée par l’AIMTA dans le cadre de la présente demande d’accréditation. Le Conseil conclut par conséquent que l’examen de cette plainte sur le fond ne favoriserait la réalisation d’aucun objectif lié aux relations du travail.

[70] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

Traduction

 

____________________

Annie G. Berthiaume

Vice-présidente

 

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André Lecavalier

Membre

 

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Gaétan Ménard

Membre

 

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