Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Section locale 979 de la Fraternité internationale des Teamsters (General Teamsters),

requérante,

et

Sécurité préembarquement Garda inc.,

intimée.

Dossier du Conseil : 31914‑C

Référence neutre : 2017 CCRI 856

Le 30 juin 2017

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) était composé de Me Ginette Brazeau, Présidente, ainsi que de MM. André Lecavalier et Gaétan Ménard, Membres.

Représentants des parties au dossier

Me Paul McKenna, pour la Section locale 979 de la Fraternité internationale des Teamsters (General Teamsters);

Me Michel Brisebois, pour Sécurité préembarquement Garda inc.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Ginette Brazeau.

I. Nature de la demande

[1] Le 8 décembre 2016, la Section locale 979 de la Fraternité internationale des Teamsters (General Teamsters) (les Teamsters ou le syndicat) a présenté une demande en vertu de l’article 24 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code) en vue d’être accréditée à titre d’agent négociateur des chefs de point de contrôle (CPC) et des responsables de la qualité (RQ) qui travaillent pour Sécurité préembarquement Garda inc. (Garda ou l’employeur) à l’Aéroport international de Winnipeg (AIW).

[2] L’employeur s’oppose à la présente demande au motif que les titulaires des postes visés par l’unité de négociation proposée ne sont pas des employés au sens du Code. Il soutient que les CPC et les RQ occupent des postes de direction et ont accès à des renseignements confidentiels.

[3] Le 19 décembre 2016, le Conseil a ordonné la tenue d’un scrutin de représentation et, constatant l’opposition de l’employeur à l’unité de négociation proposée, a ordonné que les bulletins de vote soient conservés sous scellé et mis de côté jusqu’à ce que cette affaire puisse être tranchée.

[4] Le 3 avril 2007, le Conseil a écrit aux parties et leur a demandé de lui présenter leurs observations sur la décision G4S Solutions de sécurité (Canada) ltée, 2017 CCRI 850 (G4S ou RD 850), rendue récemment par le Conseil, ainsi que sur sa pertinence, le cas échéant, au regard de la présente demande. Dans G4S, le Conseil avait tenu une audience dans le cadre d’une demande d’accréditation visant un groupe de chefs de la prestation du service et de chefs du centre des opérations – dont les fonctions, selon le Conseil, semblaient très semblables à celles des CPC et des RQ visés par la présente demande. Les parties ont répondu à la demande du Conseil en présentant des observations pertinentes, dont les dernières ont été reçues le 28 avril 2017. Après avoir examiné les observations des parties et tous les documents au dossier relatifs à la présente demande, le Conseil a rendu une décision sommaire le 8 mai 2017, concluant que les CPC et les RQ sont des employés au sens du Code et que l’unité visée par la présente demande est habile à négocier collectivement. Le Conseil a également ordonné le dépouillement du scrutin. Bénéficiant de l’appui de la majorité des employés, les Teamsters ont été accrédités par le Conseil pour représenter l’unité en question (ordonnance no 11142‑U).

[5] Voici les motifs à l’appui de la décision du Conseil concernant le statut d’employé des CPC et des RQ visés par la demande d’accréditation.

II. Contexte et faits

[6] Garda est une entreprise fédérale qui offre des services de contrôle de sécurité aéroportuaire à l’AIW, aux termes d’une entente de services conclue avec l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (ACSTA).

[7] Le ou vers le 6 octobre 2011, Garda a fait l’acquisition d’Aeroguard inc. (Aeroguard), qui était auparavant titulaire du contrat de contrôle de sécurité aéroportuaire attribué par l’ACSTA à l’AIW. Garda a conclu sa propre entente de services avec l’ACSTA et, depuis le 1er novembre 2011, elle est responsable de tous les aspects des services de contrôle de sécurité à l’AIW. Les activités de Garda à l’AIW, en sa qualité de fournisseur de services de contrôle de sécurité, consistent principalement à gérer tous les aspects des ressources humaines aux fins suivantes :

  • surveiller et gérer les services de contrôle de sécurité assurés par l’ACSTA;

  • garantir l’efficacité des opérations de contrôle préembarquement;

  • fournir du personnel qualifié pour la prestation des services de contrôle de sécurité;

  • se conformer aux politiques, procédures et exigences opérationnelles de l’ACSTA en matière de contrôle de sécurité.

[8] Quand ils étaient au service d’Aerogard, les agents de sécurité travaillant à l’AIW étaient divisés en deux unités de négociation représentées par les Teamsters : une « unité de contrôleurs », visée par l’ordonnance du Conseil no 8783‑U, et une « unité de superviseurs », visée par l’ordonnance du Conseil no 8988‑U. Après la vente d’entreprise qui a fait passer Aerogard entre les mains de Garda, les Teamsters ont demandé au Conseil une déclaration d’employeur successeur, selon l’article 44 du Code. Au cours de cette instance, les parties ont négocié une entente de principe selon laquelle, entre autres choses, ils demandaient conjointement le regroupement des deux unités de négociation susmentionnées en une seule, qui exclurait les CPC. Le Conseil a examiné cette demande conjointe et, le 8 décembre 2011, a accrédité une unité de négociation « composée de tous les employés », à l’exclusion des CPC et de ceux de niveau supérieur (ordonnance du Conseil no 10193‑U).

[9] La présente demande vise à obtenir l’accréditation d’une unité de négociation distincte composée des CPC et des RQ qui supervisent environ 200 agents de contrôle (AC). Les postes visés par la demande sont 16 postes de CPC et 3 postes de RQ.

III. Position des parties

A. L’employeur

[10] L’employeur s’oppose à la présente demande et soutient que les CPC et les RQ ne sont pas des employés au sens du Code. Il soutient que les CPC et les RQ occupent des postes de direction et ont accès à des renseignements confidentiels.

[11] Garda explique que les CPC et les RQ exercent des fonctions de direction chaque jour. Elle affirme qu’il n’est pas seulement attendu d’eux qu’ils supervisent les activités des AC, mais aussi qu’ils gèrent et évaluent chaque aspect de leurs activités courantes. L’employeur soutient que les CPC gèrent effectivement les opérations de contrôle à l’AIW en donnant de la formation individualisée aux AC, en les conseillant, en prenant des mesures disciplinaires à leur endroit et en s’assurant de leur rendement en conformité avec les directives réglementaires strictes de l’ACSTA. Les RQ supervisent le travail des AC et font rapport sur les infractions commises par ces derniers. En outre, les RQ participent à l’élaboration, à la communication et au suivi de plans de mesures correctives fondés sur les évaluations de rendement et les incidents. En bref, Garda soutient que les CPC et les RQ forment le personnel de direction qui la représente, à la fois aux yeux de l’ACSTA et relativement à l’ensemble du travail des AC.

[12] Garda reconnaît que, depuis longtemps, le Conseil donne une interprétation étroite à l’exclusion des postes de direction, en mettant l’accent sur les responsabilités du poste en matière de prise de décision indépendante. Toutefois, en l’espèce, l’employeur presse le Conseil d’adopter une perspective plus globale, qui tienne compte du contexte des opérations de sécurité aéroportuaire et de leur interdépendance avec les intérêts du Canada en matière de sécurité nationale. Dans des observations très détaillées, déposées en réponse à la demande d’accréditation ainsi qu’à la demande du Conseil pour que les parties lui présentent des observations sur la RD 850, Garda insiste sur l’importance de prendre en considération le contexte organisationnel et les paramètres opérationnels qui influent sur le mandat que lui a confié l’ACSTA. Garda fait essentiellement valoir que son environnement opérationnel unique abaisse le seuil de responsabilité décisionnelle indépendante auquel il doit être satisfait pour qu’un poste soit exclu au motif qu’il suppose l’exercice de fonctions de direction. Selon l’employeur, le raisonnement appliqué dans la RD 850 est entaché d’erreur, car le Conseil n’a pas tenu compte adéquatement du contexte des opérations de sécurité aéroportuaire ni des préoccupations grandissantes en matière de sécurité nationale lorsqu’il a évalué les fonctions de direction des chefs de la prestation du service travaillant à l’Aéroport international de Vancouver.

[13] Soulignant les risques de terrorisme toujours croissants, Garda explique qu’elle joue un rôle crucial pour garantir la sûreté et la sécurité des voyageurs. Elle affirme que les CPC et les RQ sont les yeux et les oreilles de l’entreprise, assurant une surveillance de haut niveau dans un monde dangereux. L’employeur explique que les CPC et les RQ font davantage que simplement superviser le travail des AC. Il soutient, entre autres choses, que le rôle qu’ils jouent dans la production de rapports d’incident et d’autres observations faites sur le lieu de travail est une composante essentielle du processus disciplinaire qui s’applique à leurs subalternes, eu égard à l’évaluation des dossiers de congédiement et, au bout du compte, à la protection du public. Citant Alberta Wheat Pool, 1999 CCRI 34, l’employeur soutient également que l’exclusion des CPC et des RQ de toute unité de négociation représentée est nécessaire afin d’éviter les conflits d’intérêts entre les fonctions qu’ils exercent pour leur employeur et leur loyauté envers les autres syndiqués. Étant donné que les enjeux en matière de sécurité sont critiques, Garda invite le Conseil à déroger à l’analyse habituelle qui découle de sa jurisprudence concernant l’évaluation des postes de direction à exclure, et à prendre en considération le rôle de gardiens que les CPC et les RQ jouent dans la protection de nos frontières nationales contre la menace terroriste.

[14] Garda soutient par ailleurs que les CPC et les RQ ne peuvent être considérés comme des employés parce qu’ils ont accès à des renseignements confidentiels. Garda explique que, pour procéder à l’évaluation du rendement des AC, les CPC et les RQ utilisent régulièrement des applications qui contiennent les renseignements personnels et les dossiers de tous ses employés. L’employeur soutient que les données contenues dans ce logiciel ne sont pas seulement des renseignements personnels, mais également des renseignements sur les compétences, le rendement et les procédures de grief – qui sont tous, selon lui, des renseignements directement liés aux relations industrielles, ce qui suscite un conflit d’intérêts avec Garda. L’employeur avance qu’un employé syndiqué détenant des renseignements de ce genre serait tenté de les utiliser à son avantage, par exemple dans le cadre des négociations collectives. Selon Garda, le statut d’employé ne peut être accordé aux CPC ni aux RQ, parce qu’ils ont accès à ces renseignements et qu’ils y accèdent régulièrement. L’employeur affirme que la seule façon de garantir que ces renseignements ne soient pas utilisés à mauvais escient est d’appliquer aux CPC et aux RQ l’exclusion visant les postes de confiance comportant l’accès à des renseignements confidentiels.

[15] Finalement, Garda affirme que, au moment où les parties ont négocié l’entente de principe dans laquelle elles demandaient que les deux anciennes unités de négociation soient fusionnées, ni l’employeur ni les Teamsters ne considéraient que les CPC étaient des employés au sens du Code. Selon Garda, c’est pour cette raison que les CPC ont été expressément exclus de l’ordonnance du Conseil no 10193‑U.

B. Le syndicat requérant

[16] Le syndicat déclare qu’il représente depuis longtemps des travailleurs qui supervisent les opérations de contrôle de sécurité préembarquement à l’AIW. Plus précisément, les Teamsters expliquent que, en plus de détenir les droits relatifs à l’unité de négociation de contrôleurs qui travaillaient pour Aerogard de 2005 à 2011, ils représentaient également une unité de superviseurs composée de chefs de la prestation du service (CPS). Le syndicat affirme qu’à cette époque, la question des conflits d’intérêts ne s’est jamais posée, même si les CPS syndiqués supervisaient des contrôleurs syndiqués.

[17] Contredisant l’affirmation de l’employeur selon laquelle ni les Teamsters ni Garda ne considéraient les CPC comme des employés au sens du Code, le syndicat soutient que l’employeur a fait une description inexacte des circonstances qui ont mené à la demande conjointe qui avait été présentée au Conseil pendant l’instance relative à la déclaration d’employeur successeur. Le syndicat affirme que, au cours de la vente d’entreprise d’Aerogard à Garda, à l’automne 2011, il a reçu un avis de Garda selon lequel les fonctions des CPC allaient s’étendre au‑delà de celles qui étaient auparavant assignées aux CPS. Le syndicat avait par conséquent décidé d’attendre de voir comment les tâches des CPC évolueraient réellement, et il avait donc accepté, à l’époque, que les CPC soient exclus de l’unité des contrôleurs. Selon le syndicat, cela n’équivaut pas à reconnaître que les CPC et les RQ ne sont pas des employés au sens du Code.

[18] Le syndicat fait observer que Garda soulève des préoccupations relatives à la sécurité nationale et au terrorisme dans le secteur de la sécurité aéroportuaire, pour inciter le Conseil à donner une interprétation large à la notion de poste de direction. Le syndicat soutient que le Conseil ne devrait pas déroger à sa jurisprudence établie pour la détermination du statut d’employé au sens du Code. Selon les Teamsters, il n’y a aucun lien entre, d’une part, la syndicalisation de superviseurs de premier niveau comme les CPC et les RQ et, d’autre part, un danger accru pour la population. S’appuyant sur Association de la police montée de l’Ontario c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 1, le syndicat affirme que Garda adopte un point de vue désuet sur la syndicalisation, et sur les effets prétendus de celle‑ci et du processus de négociation collective sur la sécurité publique. Les Teamsters contestent également la série d’affirmations conjecturales, non corroborées et de portée générale que contient la réponse de l’employeur et qui tendent à indiquer que le personnel syndiqué « doit » être exclu de « toute » unité de négociation, afin d’éviter les conflits d’intérêts entre les fonctions que ce personnel exerce pour l’employeur et sa loyauté envers les syndiqués. À cet égard, le syndicat soutient que le paragraphe 27(5) du Code invalide la position désuète soutenue par l’employeur. Le syndicat avance que, depuis que le législateur a incorporé le paragraphe 27(5) au Code afin d’entériner la syndicalisation de personnel de surveillance, il se dégage une tendance claire de la jurisprudence du Conseil, selon laquelle les droits relatifs à une unité de négociation sont étendus aux premiers échelons de direction. Le syndicat invoque aussi Cominco Ltd. (1980), 40 di 75 (CCRT no 240), pour soutenir que le Conseil a déjà traité de la notion de conflit d’intérêts et examiné les critères qu’il faut soupeser avant de conclure que des intérêts divergents sont d’une importance telle qu’il y a lieu de refuser le statut d’employé.

[19] Le syndicat fait également valoir que les fonctions et responsabilités véritables des CPC et des RQ ressemblent à celles des nombreux types de superviseurs de premier niveau que le Conseil a jusqu’à présent considérés comme des employés. Tout d’abord, le syndicat affirme que les fonctions des CPC sont très similaires à celles qui étaient auparavant exécutées par les CPS, à l’époque où Aerogard était titulaire du contrat et où les CPS étaient accrédités en vertu de l’ordonnance du Conseil no 8988‑U. Ensuite, le syndicat avance que les CPC et les RQ jouent essentiellement un rôle « d’observation et d’établissement de rapport » dans le cadre des processus disciplinaire et d’évaluation du rendement, et que le pouvoir décisionnel indépendant dont ils disposent relativement à ces questions est limité. Bien que le syndicat concède que, à de rares occasions, il puisse être demandé à des RQ de recommander le niveau de mesure disciplinaire approprié pour un incident en particulier, cette pratique a seulement pour but, selon le syndicat, d’assurer l’uniformité avec le niveau des mesures disciplinaires prises dans le passé pour sanctionner des conduites similaires. Finalement, après avoir examiné la RD 850 rendue par le Conseil, le syndicat soutient que les CPS de l’Aéroport international de Vancouver disposaient d’un pouvoir décisionnel indépendant très similaire, voire légèrement supérieur, en ce qui a trait aux questions liées aux mesures disciplinaires et aux évaluations du rendement, et que le Conseil avait conclu à juste titre que les CPS étaient des employés au sens du Code. De l’avis du syndicat, le raisonnement suivi par le Conseil dans la RD 850 s’applique à la présente demande et renforce la position des Teamsters selon laquelle le statut d’employé devrait être accordé aux CPC et aux RQ.

[20] En ce qui concerne l’argument de l’employeur selon lequel les CPC et les RQ devraient être exclus parce qu’ils ont accès au logiciel de ressources humaines de l’employeur et aux renseignements personnels qu’il contient, les Teamsters avancent qu’une définition stricte s’applique aux exclusions pour ce motif et qu’une telle exclusion ne s’applique qu’aux renseignements confidentiels en matière de relations du travail. Le syndicat soutient que l’exclusion ne s’étend pas aux dossiers qui concernent le personnel ni aux renseignements personnels des employés, et qu’il n’y a pas lieu d’appliquer cette exclusion en conséquence d’un simple accès à cette information par l’entremise du système informatique de Garda. Le syndicat soutient que ni les CPC ni les RQ ne satisfont au critère strict applicable aux exclusions des postes de confiance comportant l’accès à des renseignements confidentiels établi dans Island Telephone Company Limited (1990), 81 di 126 (CCRT no 811), étant donné que ni les CPC ni les RQ ne sont mêlés aux négociations collectives ou à la planification de la stratégie de négociation, qu’ils n’interviennent pas dans les réunions trimestrielles des comités de relations du travail pendant lesquelles sont examinées les questions de relations du travail concernant l’unité des AC, et qu’ils ne participent pas à l’établissement des budgets de négociation collective.

[21] De l’avis du syndicat, les CPC et les RQ sont des superviseurs de premier niveau typiques, et leurs tâches et responsabilités n’atteignent pas le seuil d’exclusion applicable aux postes de direction.

IV. Analyse et décision

A. Demande d’audience

[22] Le Conseil remarque que l’employeur a demandé la tenue d’une audience en l’espèce.

[23] Le Conseil souhaite rappeler aux parties que l’article 16.1 du Code prévoit clairement qu’il peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Le Conseil a le pouvoir discrétionnaire de décider, relativement à chaque affaire, si une question particulière nécessite la tenue d’une audience, ou si les documents versés au dossier suffisent pour la trancher. Le pouvoir du Conseil de rendre une décision en s’appuyant seulement sur les documents écrits qui lui ont été présentés a été décrit dans NAV CANADA, 2000 CCRI 468, confirmée dans NAV Canada c. Fraternité internationale des ouvriers en électricité, 2001 CAF 30. Par ailleurs, le Conseil n’est pas tenu d’aviser les parties de son intention de ne pas tenir d’audience (voir NAV CANADA, précitée).

[24] Le Conseil est tout à fait conscient que, dans le cadre de la présente demande, l’employeur a soulevé un argument inhabituel relatif aux préoccupations accrues en matière de sécurité nationale au sein du secteur de la sécurité aéroportuaire ainsi qu’à l’incidence de ces préoccupations sur les facteurs que le Conseil prend habituellement en considération pour la détermination du statut d’employé au sens du Code. En l’espèce, le Conseil estime que les documents au dossier lui suffisent pour trancher la demande, et il conclut qu’il n’est pas nécessaire de tenir une audience. Le Conseil exerce donc le pouvoir discrétionnaire que lui confère l’article 16.1 du Code pour trancher l’affaire sans tenir d’audience.

B. Statut d’employé au sens du Code

[25] Dans le cadre d’une demande d’accréditation, le Conseil doit établir si l’unité de négociation visée par la demande est habile à négocier collectivement. Ce faisant, le Conseil doit décider quels employés doivent être inclus dans l’unité.

[26] L’exclusion de certains employés découle de la loi habilitante du Conseil et procède de l’article 3 du Code, dans lequel le terme « employé » est ainsi défini :

employé Personne travaillant pour un employeur; y sont assimilés les entrepreneurs dépendants et les agents de police privés. Sont exclues du champ d’application de la présente définition les personnes occupant un poste de direction ou un poste de confiance comportant l’accès à des renseignements confidentiels en matière de relations du travail.

[27] La démarche du Conseil, lorsqu’il s’agit d’établir si des personnes doivent être exclues des négociations collectives sur le fondement du statut d’employé, est décrite dans Algoma Central Marine, une division de Algoma Central Corporation, 2010 CCRI 531 (confirmée par la Cour d’appel fédérale dans Algoma Central Marine c. Captains and Chiefs Association, 2011 CAF 94) :

[26] Sous le régime du Code, une personne peut se voir refuser le droit de négocier collectivement pour l’un des deux motifs suivants : la personne occupe un poste de direction ou elle occupe un poste de confiance comportant l’accès à des renseignements confidentiels en matière de relations du travail. Le Code envisage expressément que les employés qui exercent des tâches de surveillance ont le droit de se syndiquer et de négocier collectivement (voir le paragraphe 27(5) du Code). Pour ce qui est des demandes d’accréditation qui ont trait à des employés exerçant des fonctions de surveillance, le Conseil doit décider, de façon ponctuelle, s’il convient de les inclure soit dans la même unité que celle des personnes qu’ils surveillent, soit dans une unité de négociation distincte qui leur est propre.

[27] Dans les années qui sont suivi la décision rendue dans Cominco Ltd., précitée, le Parlement a édicté la Charte canadienne des droits et libertés et la Cour suprême du Canada a confirmé que le droit de s’associer librement que garantit la Charte à l’alinéa 2d) protège le droit de négocier collectivement (Health Services and Support–Facilities Subsector Bargaining Assn. c. Colombie‑Britannique, 2007 CSC 27, [2007] 2 R.C.S. 391). Ces faits nouveaux confirment l’opinion du Conseil selon laquelle toute décision ayant pour effet de priver des citoyens du droit de négocier collectivement, y compris une décision portant que ces personnes exercent des fonctions de direction et ne sont donc pas des employés admissibles aux avantages et aux protections qu’offrent le Code, n’est pas à prendre à la légère.

[28] Comme les deux parties l’ont mentionné dans leurs observations, le Conseil et son prédécesseur, le Conseil canadien des relations du travail, ont donné une interprétation étroite à l’exclusion des postes de direction. À partir du point de vue qu’il a adopté dans Algoma Central Marine, précitée, le Conseil doit aussi tenir compte des arrêts récents de la Cour suprême du Canada qui reconnaissent comme des droits et libertés protégés par la Charte les droits de se syndiquer, de négocier collectivement et de faire la grève (voir Association de la police montée de l’Ontario, précité; Meredith c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 2; Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan, 2015 CSC 4). Essentiellement, le Conseil doit interpréter le Code de façon à agir comme un protecteur efficace de ces droits et libertés fondamentaux. De façon générale, le Conseil demeurera partisan d’une interprétation assurant l’accès à la représentation collective et aux négociations collectives aux personnes qui souhaitent exercer ces droits.

[29] Il est également bien établi qu’il incombe à la partie qui affirme qu’une personne n’est pas un employé au sens du Code de démontrer le bien‑fondé de sa prétention (Consortium de télévision Québec Canada Inc., 2003 CCRI 224). En l’espèce, c’est à l’employeur qu’il incombe de démontrer que les titulaires des postes en cause occupent des postes de direction ou des postes de confiance comportant l’accès à des renseignements confidentiels en matière de relations du travail.

[30] Le Conseil se penchera maintenant sur les motifs invoqués par l’employeur pour s’opposer à la présente demande.

1. Poste de direction

[31] Le terme « poste de direction » n’est défini nulle part dans le Code.

[32] Ainsi, le Conseil doit se pencher sur les faits et circonstances propres à chaque affaire pour établir si un poste entre dans la catégorie des postes de direction. Dans le jugement qu’elle a rendu dans Banque de Nouvelle‑Écosse c. Conseil canadien des relations du travail, [1978] 2 C.F. 807 (rejetant la demande de contrôle judiciaire de Banque de Nouvelle‑Écosse (succursale de Port Dover) (1977), 21 di 439; [1977] 2 Can LRBR 126; et 77 CLLC 16,090 (CCRT no 91)), la Cour d’appel fédérale a déclaré que :

... le concept de « fonctions de direction » doit s’interpréter et s’appliquer selon chaque cas d’espèce et, sauf des cas vraiment extrêmes, je suis porté à croire que sa portée exacte est une question de fait ou d’opinion du Conseil plutôt qu’une question de droit…

(page 813)

[33] Lorsqu’il évalue si un poste entre dans la catégorie des postes de direction, le Conseil ne se contente généralement pas d’examiner le titre du poste; il se penche sur les tâches et fonctions réelles rattachées au poste afin d’évaluer si son titulaire exerce réellement un pouvoir décisionnel indépendant, dans le cadre de ce que le Conseil considère comme des fonctions de direction fondamentales (voir Algoma Central Marine, précitée).

[34] Les facteurs que le Conseil prend en considération lorsqu’il évalue les fonctions de direction ont pour objectif de montrer si le ou les titulaires du poste considéré disposent d’un pouvoir véritable sur les conditions d’emploi d’autres employés. Habituellement, le Conseil accorde une importance particulière aux éléments de preuve relatifs au pouvoir d’embaucher, de congédier ou de promouvoir des employés, ou de prendre des mesures disciplinaires contre eux, mais d’autres critères peuvent aussi être pris en considération (voir Algoma Central Marine, précitée; NorthwesTel Mobility Inc., 2006 CCRI 346). Le Conseil peut également tenir compte d’autres facteurs, tels que l’attribution ou la planification du travail, ou la portée des responsabilités en matière de finances (voir Serco Aviation Services Inc., 2000 CCRI LD 191; Direction de l’Aéroport du Grand Moncton Inc., 1999 CCRI 20). Dans Pelmorex Communications Inc., division MétéoMédia, 2003 CCRI 238, le Conseil a aussi souligné que la taille de l’unité de négociation, le nombre de subalternes, la nature des fonctions de supervision, la capacité de décider et la nature du travail sont tous des critères qui peuvent influencer la décision du Conseil.

[35] Dans NorthwestTel Mobility Inc., précitée, le Conseil a donné une vue d’ensemble des principes qui se dégagent de ses décisions antérieures sur la catégorie des postes de direction, et il a expliqué que les fonctions de direction véritables se situent au-delà de la simple supervision de subalternes ou de la coordination de leur travail, le titulaire d’un poste de direction exerçant une influence sur les processus décisionnels entrepris ou sur leurs résultats :

[20] Ces décisions permettent de dégager une opinion cohérente selon laquelle un véritable poste de direction suppose d’importantes responsabilités de prise de décision autonome, la supervision d’employés au‑delà de la simple orientation et évaluation de leur travail, un pouvoir de recommandation qui a des répercussions sur les décisions d’embauche, de promotion, d’imposition de mesures disciplinaires ou de congédiement. Un poste sera plus susceptible d’être considéré comme celui d’un chef d’équipe lorsque les fonctions de l’employé comprennent essentiellement le même travail que ses subordonnés et que la direction consiste à diriger l’équipe conformément aux politiques établies, c’est‑à‑dire que l’employé agit comme coordonnateur plutôt que comme décideur dans l’autorisation des congés, l’autorisation des heures supplémentaires ou l’évaluation du rendement.

[36] La conclusion à tirer des principes ci‑dessus est que le Conseil a toujours établi une distinction claire entre le travail de supervision et le travail de direction, aux fins de l’exclusion sous le régime du Code.

[37] En l’espèce, le Conseil n’est pas convaincu que les postes en cause sont véritablement des postes de direction.

[38] Il ressort des documents présentés au Conseil que la principale fonction des CPC et des RQ est de planifier et de surveiller les opérations de contrôle de sécurité préembarquement à l’AIW. Le Conseil reconnaît le rôle important que jouent ces personnes pour que les opérations de contrôle des passagers se déroulent efficacement et de façon à garantir la sécurité à l’AIW, et le Conseil accepte que les CPC et les RQ sont responsables d’un déroulement des opérations de contrôle rigoureusement conforme aux règlements de l’ACSTA. Le Conseil accepte également que les CPC et les RQ interviennent dans le processus disciplinaire dans des situations qui concernent les AC. Toutefois, le Conseil constate que leur pouvoir à cet égard est limité. Par exemple, si un CPC ou un RQ constate un manquement aux procédures de sécurité pendant le processus de contrôle préembarquement, il intervient directement auprès de l’AC pour « donner de la formation individualisée et corriger » la situation, et il fait en sorte que l’AC cesse d’exercer la fonction de contrôle de sécurité concernée. Toutefois, dans une telle situation, le CPC n’a pas le pouvoir de suspendre l’AC. Le rapport d’incident produit dans un tel cas, qui contient l’information recueillie par le CPC ou le RQ, est plutôt adressé à un comité du rendement qui, en dernier ressort, examine ce rapport et décide du niveau de mesure disciplinaire qu’il convient d’imposer à l’employé.

[39] Le Conseil n’est pas convaincu que les CPC et les RQ exercent d’autres fonctions tenant de la nature des fonctions de direction. Il ressort de la preuve que leur travail est régi très étroitement par diverses règles, qu’il s’agisse des règlements que l’ACSTA prescrit pour la conduite des opérations de contrôle de sécurité, ou des processus mis en place par l’employeur pour la gestion des ressources humaines.

[40] Le Conseil constate également que les CPC et les RQ ne sont pas directement mêlés aux processus d’embauche ou de congédiement. Le Conseil observe que, bien que les évaluations de rendement annuelles des AC puissent se fonder sur les rapports d’incident produits par les CPC et les RQ, ces évaluations elles‑mêmes sont rédigées par le gestionnaire du rendement. De façon similaire, les mesures disciplinaires et même les congédiements peuvent se fonder sur les rapports d’incidents produits par les CPC et les RQ, mais il ressort clairement de la preuve que les décisions à cet égard ne sont pas prises indépendamment par les CPC ou les RQ. En somme, le Conseil reconnaît que les rapports d’incident produits par les CPC et les RQ ont à n’en pas douter des répercussions importantes sur les AC; toutefois, le Conseil estime qu’une surveillance de ce genre ressemble davantage à celle qu’exerce un superviseur, qui constate des incidents et fait rapport sur ceux‑ci, qu’à la surveillance d’un directeur, qui impose des mesures disciplinaires de façon indépendante. Par conséquent, le Conseil conclut que les CPC et les RQ n’exercent pas un pouvoir décisionnel indépendant réel en ce qui a trait aux droits fondamentaux en matière d’emploi des employés qu’ils supervisent.

[41] Par ailleurs, le Conseil accepte que les CPC et les RQ n’exercent pas les mêmes fonctions que les AC, et que Garda leur a manifestement confié le rôle distinct de surveiller les opérations de contrôle de sécurité préembarquement en les rendant responsables du travail des AC. Cependant, selon le Conseil, ces fonctions ressemblent davantage à celles d’un poste de supervision qu’à celles d’un poste de direction, au sens que le Conseil a donné à cette notion sous le régime du Code.

[42] En contestant la présente demande, Garda presse expressément le Conseil de faire porter son attention sur les réalités opérationnelles et la structure organisationnelle particulières du secteur d’activités des CPC et des RQ. L’employeur affirme que, puisque les procédures de contrôle sont étroitement régies par les règlements de l’ACSTA, plutôt que par des politiques ou procédures imposées par Garda, les CPC et les RQ sont, dans les faits, davantage que de simples superviseurs. L’employeur fait valoir que les intérêts en matière de sécurité nationale qui sont en jeu dans le secteur de la sécurité aéroportuaire sont d’une importance telle que le Conseil devrait élargir son interprétation habituelle de l’exclusion des postes de direction, dans le cadre de son analyse visant à distinguer les postes de direction des postes de supervision. Essentiellement, et tout comme G4S le soutenait dans la RD 850, Garda presse le Conseil de reconnaître le caractère unique de son environnement opérationnel et d’établir un niveau de direction qui pourrait être différent de celui qui s’applique dans d’autres environnements de travail traditionnels. D’une certaine manière, Garda demande au Conseil de se concentrer sur les conséquences d’une supervision inadéquate, plutôt que sur la portée des fonctions de supervision exercées.

[43] Le Conseil ne trouve pas l’argument de l’employeur convaincant. Plus précisément, le Conseil accepte les éléments de preuve de l’employeur qui, d’une part, soulignent l’importance des intérêts en matière de sécurité nationale dans le monde d’aujourd’hui et qui, d’autre part, font ressortir que la menace du terrorisme persiste et que les aéroports sont des plaques tournantes internationales pour les déplacements des personnes qui font planer cette menace. L’employeur presse le Conseil de tenir compte dans son analyse de l’évolution des fonctions des CPC et des RQ, et de mettre l’accent sur le fait qu’ils sont les yeux et les oreilles de l’employeur pour assurer la sûreté et la sécurité des voyageurs. Toutefois, le Conseil n’est pas convaincu que son analyse visant à établir si les CPC et les RQ exercent des fonctions de direction au sens du Code doive être modifiée du fait de l’environnement opérationnel dans lequel ils travaillent.

[44] L’analyse du Conseil visant à établir si les titulaires de certains postes exercent des fonctions de direction doit être considérée dans le contexte global des objectifs et des principes liés aux relations du travail. L’exclusion des postes de direction prévue au Code a toujours été fondée sur la nécessité d’éviter les conflits d’intérêts entre les fonctions exercées pour un employeur et la loyauté envers un syndicat. La probabilité qu’un tel conflit d’intérêts survienne est accrue lorsque l’autorité du titulaire d’un poste de direction est telle qu’il a un pouvoir réel sur les conditions d’emploi d’autres employés et, en dernier ressort, sur la continuation de leur emploi. C’est dans cette perspective que le Conseil se demande si un employé dispose d’un pouvoir décisionnel suffisant pour que son exclusion soit justifiée, cette question ressortissant à la fois à la nature du lien d’emploi et à ses incidences sur les négociations collectives.

[45] Le Conseil a adopté une interprétation étroite de l’exclusion des postes de direction afin d’accroître la portée des principes de liberté d’association et d’accès aux négociations collectives, lesquels constituent toujours l’assise de certains droits fondamentaux en matière de relations du travail sous le régime du Code. Le Conseil ne veut pas refuser l’accès aux négociations collectives à un nombre d’employés plus grand qu’il n’est nécessaire. La décision récente de la Cour suprême du Canada selon laquelle il était inconstitutionnel d’exclure les membres de la Gendarmerie royale du Canada du régime de négociation collective vient renforcer cette ligne de conduite du Conseil. Dans cette affaire, la Cour avait conclu, à la majorité, qu’il n’existait pas de lien rationnel entre la privation du droit de se syndiquer et de négocier collectivement et le maintien d’une force policière neutre, stable et fiable (Association de la police montée de l’Ontario, précité, aux paras 145‑148).

[46] Dans la présente affaire, l’employeur soulève des préoccupations particulières relatives au conflit d’intérêts apparent et fonde sur celles‑ci sa demande visant à ce que le critère d’exclusion soit abaissé. Garda soutient que, étant donné leurs tâches et fonctions qui contribuent à assurer la sécurité des voyageurs, les CPC et les RQ doivent être libres de tout conflit de loyauté – par exemple envers le syndicat ou les autres membres de celui‑ci – qui amoindrirait leur aptitude à s’acquitter de ces fonctions importantes liées à la sécurité nationale. Selon l’employeur, les CPC et les RQ sont ses représentants, et le niveau d’indépendance dont ils disposent pour résoudre les situations difficiles auxquelles ils font face est tel qu’ils ne devraient pas être représentés par une tierce partie. Par conséquent, l’employeur soutient que le Conseil devrait considérer que les CPC et les RQ sont en conflit d’intérêts avec les employés qu’ils supervisent, surveillent et évaluent dans l’exercice de leurs fonctions. L’employeur attire en particulier l’attention sur une situation hypothétique dans laquelle les CPC et les RQ refuseraient de traverser un piquet de grève formé d’AC, par loyauté envers le syndicat, et sur l’incidence éventuelle qu’une telle situation pourrait avoir sur la sécurité nationale.

[47] Le Conseil ne souscrit pas à ce point de vue, qu’il considère comme une vision désuète de l’incompatibilité perçue entre les négociations collectives et les responsabilités professionnelles. Dans une décision rendue en 1980, Cominco Ltd., précitée, le Conseil a discuté de la façon dont la ligne de conduite du Conseil visant l’exclusion des postes de direction a évolué au fil du temps. Dans cette décision, le Conseil a expliqué que la négociation collective et l’adhésion à un syndicat ne sont plus considérées comme incompatibles avec les responsabilités qu’assument par exemple les enseignants, les agents de police, les pompiers ou les fonctionnaires, et de quelle manière les négociations collectives en sont venues à s’étendre à des groupes professionnels aussi différents et diversifiés. Le Conseil s’exprimait ainsi à la page 88 de Cominco Ltd., précitée :

… La société admet que des citoyens puissent exercer des fonctions comportant une responsabilité sociale sans que cela n’entre en conflit avec leur adhésion à un syndicat ou avec leur participation à la négociation collective…

[48] À cet égard, le Conseil ajoutait ce qui suit :

Dans ce contexte, on ne peut plus justifier l’exclusion de personnes préposées à la gestion en invoquant un conflit d’intérêts découlant d’un serment d’adhésion à un syndicat ou d’une loyauté à toute épreuve envers la fraternité des membres. Ces termes sont de toute évidence démodés. Le conflit d’intérêts possible qu’il faut considérer se situe entre les responsabilités d’emploi et le syndicat en tant qu’instrument servant à la négociation collective dans un climat où les personnes sont légalement protégées dans leur relation avec le syndicat à titre d’agent négociateur et d’organisme. Prétendre qu’il y a conflit parce qu’un employé est le seul surveillant sur place à un certain moment ou dans un lieu donné et que, de ce fait, il « représente la direction », c’est remonter au conflit d’allégeance d’une époque révolue. Dans maintes circonstances, beaucoup d’employés assument seuls certaines responsabilités. Le fait qu’ils s’occupent également de la négociation collective n’influe en rien sur leur loyauté envers l’employeur ou sur leur dévouement au travail. De par sa nature, la surveillance a toujours exigé que des personnes représentent l’autorité finale sur les lieux du travail.

(page 90)

[49] Dans cette optique, le Conseil accepte que les CPC et les RQ exercent des fonctions essentielles relatives à la sécurité nationale et à la protection du public, mais il n’estime pas que ce fait soit suffisant, à lui seul, pour que le droit de négocier collectivement soit refusé à ces employés. Comme le Conseil l’a également déclaré dans Cominco Ltd., précitée, à la page 90 : « [n]ous ne croyons pas qu’un employé puisse devenir malhonnête ou abuser de ses responsabilités parce qu’il est représenté par un syndicat ». En l’espèce, le Conseil est, de la même façon, incapable de conclure que la représentation collective des CPC et des RQ, dans leurs efforts pour négocier leurs conditions d’emploi, diminuera d’une quelconque façon leur loyauté envers l’employeur, ou réduira le dévouement et le professionnalisme dont ils font preuve dans l’exécution du travail très important dont ils s’acquittent chaque jour.

[50] Le Conseil rejette l’affirmation de l’employeur voulant que la représentation par un syndicat amoindrisse d’une façon ou d’une autre le jugement d’une personne, de sorte que les responsabilités des CPC et des RQ en matière de sécurité seraient compromises. Il n’y a tout simplement aucun élément à l’appui d’un tel argument et, de surcroît, on remarque que le groupe qui supervisait auparavant les AC était représenté par un agent négociateur et a réussi à négocier des conventions collectives avec l’ancien titulaire du contrat sans qu’aucune grève soit déclenchée.

[51] Selon le Conseil, l’employeur n’a présenté aucun argument convaincant qui témoignerait d’un lien possible entre la représentation syndicale et les préoccupations en matière de sécurité nationale à l’AIW, et qui pourrait par ailleurs inciter le Conseil à déroger à sa ligne de conduite habituelle et à abaisser le seuil de ce qui correspond à un pouvoir décisionnel indépendant aux fins de l’exclusion des postes de direction prévue au Code.

[52] En l’espèce, le Conseil est convaincu que la création d’une unité de négociation distincte pour les CPC et les RQ éliminera tout conflit éventuel qui pourrait survenir dans l’exercice de leurs fonctions liées aux AC.

2. Poste de confiance comportant l’accès à des renseignements confidentiels en matière de relations du travail

[53] Le Conseil refuse le statut d’employé au sens du Code lorsque, dans le cadre de ses fonctions habituelles, une personne prend connaissance de renseignements de nature délicate dont la divulgation nuirait à l’employeur, ou peut accéder à des renseignements de ce genre. Les renseignements en cause, dans une telle situation, doivent concerner précisément les relations industrielles. Le prédécesseur du Conseil, le Conseil canadien des relations du travail, a traité de la ligne de conduite qu’adopte le Conseil lorsqu’il considère les exclusions de ce type dans Banque de Nouvelle‑Écosse, précitée. Dans cette décision, le CCRT expliquait de la façon suivante l’exclusion des postes comportant l’accès à des renseignements confidentiels :

Le refus du droit de négociation collective à des personnes qui exercent des fonctions confidentielles ayant trait aux relations industrielles se fonde aussi sur le conflit d’intérêts. L’inclusion d’une telle personne dans une unité représentée par un syndicat pourrait donner à ce dernier accès à des renseignements que l’employeur désire tenir secrets dans ses rapports avec lui. Cela vaut pour la négociation et les procédures de griefs et d’arbitrage. Pour éviter ce conflit et garantir à l’employeur la confiance absolue de certains employés, ceux‑ci se voient refuser le droit d’être représentés par un syndicat même s’ils le désirent. Toutefois, la notion d’exclusion est interprétée de façon très étroite pour éviter des circonstances qui permettraient à l’employeur de désigner un nombre disproportionné de personnes à titre de préposées à des fonctions confidentielles et pour assurer au plus grand nombre de personnes possible les libertés et les droits conférés par la Partie V.

À cette fin, le Conseil et autres tribunaux de même nature ont adopté un triple critère pour déterminer l’exclusion de personnes préposées à des fonctions confidentielles. Les questions confidentielles doivent avoir trait aux relations industrielles, non à des secrets industriels de nature générale comme les formules de produits (voir Calona Wines Ltd., [1974] 1 Canadian LRBR 471, remarque principale seulement, (décision 90/74 de la BCLRB)). Elles n’incluent pas les questions connues du syndicat ou de ses membres comme les salaires, les évaluations d’employés discutées avec eux, ou qu’ils doivent signer ou parapher (voir pièce E‑21). Elles ne comprennent pas les renseignements familiaux ou personnels qui peuvent être obtenus d’autres sources ou personnes. Le second aspect de ce critère est que la divulgation des renseignements pourrait avoir des conséquences malheureuses pour l’employeur. En dernier lieu, l’accès à ce genre de renseignements doit entrer dans le cadre des fonctions habituelles. Il ne suffit pas que l’accès soit occasionnel ou accidentel, ni qu’il se produise par suite d’une inattention de l’employeur (Voir Greyhound Lines of Canada Ltd. [1974] 4 di 22, et Hayes Trucks Ltd. [1974] 1 Canadian LRBR 284).

(page 460; c’est nous qui soulignons)

[54] Il ressort de la preuve que les CPC et les RQ utilisent le logiciel qui sert à la gestion des dossiers du personnel de Garda afin d’y verser des rapports d’incident sur les manquements aux règles de sécurité, de même que d’autres observations qu’ils consignent dans le cadre de leur surveillance quotidienne du travail des AC. Ce logiciel contient également les dossiers des employés ainsi que des renseignements personnels, qui vont de questions liées au rendement à de l’information relative aux griefs et aux mesures disciplinaires. L’employeur affirme que, étant donné qu’ils ont accès aux renseignements contenus dans ce logiciel, les CPC et les RQ seraient tentés de les utiliser à leur avantage dans des circonstances liées aux relations industrielles, comme les négociations collectives.

[55] Le Conseil est prêt à accepter que certains renseignements consignés dans ce système sont des renseignements personnels et que, dans certaines situations, ils peuvent inclure des renseignements liés à des griefs concernant des mesures disciplinaires prises contre des employés. Cela dit, l’accès à des renseignements de cette nature ne justifie pas une exclusion pour ce motif. Selon la ligne de conduite qu’il suit lorsqu’il examine l’exclusion de postes comportant l’accès à des renseignements confidentiels, le Conseil doit examiner la nature du travail exécuté par le ou les titulaires du poste visé, afin d’établir si ces personnes sont appelées à prendre connaissance régulièrement de renseignements liés aux négociations collectives de l’employeur, ou à ses stratégies et politiques en matière de relations du travail. Après avoir examiné la preuve au dossier, le Conseil estime que les CPC et les RQ ne participent pas au processus de négociation collective et ne sont pas consultés dans ce contexte, et qu’ils ne jouent aucun rôle et ne sont pas consultés aux fins des réunions du comité des relations du travail qui se penche sur les dossiers de relations industrielles touchant l’unité de négociation des AC. Les CPC et les RQ n’interviennent dans aucune discussion concernant l’établissement des budgets. En outre, il n’a été produit aucun élément de preuve selon lequel les CPC ou les RQ participeraient d’une quelconque façon à l’élaboration des stratégies de négociation collective, ou auraient accès aux stratégies ayant trait aux négociations, aux griefs ou aux procédures d’arbitrage.

[56] Bien qu’il soit indiscutable que les CPC et les RQ ont accès aux renseignements personnels des employés et aux dossiers relatifs au personnel, le Conseil conclut que, dans le cadre de leurs fonctions habituelles, les CPC et les RQ ne jouent aucun rôle dans des dossiers liés aux relations industrielles et que, par conséquent, ni les CPC ni les RQ n’occupent des postes de confiance comportant l’accès à des renseignements confidentiels en matière de relations du travail.

C. Habileté de l’unité à négocier collectivement

[57] Le paragraphe 24(1) du Code accorde à un syndicat le droit de présenter une demande pour l’accréditation d’une unité de négociation qu’il juge habile à négocier collectivement. De son côté, le Conseil confirme si cette unité est habile à négocier collectivement ou non et, dans la négative, il peut réviser ou modifier la description de l’unité de négociation. En l’espèce, comme le mentionne la lettre d’entente de l’agent des relations industrielles communiquée aux parties le 15 décembre 2016, Garda ne s’oppose pas à la description de l’unité de négociation. Le Conseil constate que les parties ont convenu que la seule question que doit trancher le Conseil en l’espèce est celle de savoir si les CPC et les RQ ont le statut d’employé.

[58] En outre, le Conseil tient compte du fait que les employés visés par la présente demande formeront une unité de négociation distincte de celle des employés qu’ils supervisent. Ayant établi que les CPC et les RQ sont des employés au sens du Code, le Conseil conclut que l’unité de négociation, telle qu’elle est actuellement décrite, est habile à négocier collectivement.

V. Conclusion

[59] Le Conseil conclut donc, pour les motifs exposés ci‑dessus, que les CPC et les RQ sont des employés au sens du Code et que l’unité de négociation proposée est habile à négocier collectivement.

[60] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil et elle est signée en son nom par

Traduction

 

____________________

Ginette Brazeau

Présidente

 

____________________

André Lecavalier

Membre

 

 

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Gaétan Ménard

Membre

 

 

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