Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Martine Roy,

plaignante,

et

TELUS Communications inc.,

intimée.

Dossier du Conseil : 30224‑C

Référence neutre : 2016 CCRI 822

Le 7 avril 2016

Le Conseil canadien des relations industrielles (Conseil) était composé de Me Graham J. Clarke, Vice‑président, siégeant seul en vertu du paragraphe 156(1) du Code canadien du travail (Partie II – Santé et sécurité au travail) (Code).

Représentants des parties au dossier

Mme Martine Roy, en son propre nom;

Me Jean‑François Dolbec, pour TELUS Communications inc.

I. Introduction

[1] Le 22 novembre 2013, Mme Martine Roy a déposé une plainte en vertu du paragraphe 133(1) du Code. Dans sa plainte, Mme Roy allègue que son ancien employeur, TELUS Communications inc. (TELUS), l’a congédiée en violation de l’article 147 du Code.

[2] Mme Roy a allégué que TELUS l’a congédiée deux jours après qu’elle eut déposé une plainte de harcèlement. Mme Roy a fourni des précisions supplémentaires dans sa lettre du 3 décembre 2013.

[3] Dans sa réponse en date du 20 décembre 2013, TELUS a soulevé la question de la prescription de la plainte de Mme Roy. TELUS prétend que Mme Roy n’a pas respecté le délai de 90 jours prévu au paragraphe 133(2) du Code. Quant au bien‑fondé de la plainte, TELUS a plaidé qu’elle a congédié Mme Roy pour cause juste et suffisante, en conformité avec la convention collective. TELUS prétend que sa décision n’avait aucun lien avec la partie II du Code.

[4] Étant donné que les parties étaient déjà engagées dans un processus arbitral concernant trois griefs déposés par Mme Roy, le Conseil, dans Roy, 2014 CCRI LD 3254 (Roy 3254), a décidé de reporter l’affaire, en conformité avec l’alinéa 16l.1) du Code :

Étant donné que les parties sont déjà bien engagées dans un processus d’arbitrage, le Conseil exerce son pouvoir discrétionnaire de reporter à plus tard sa décision sur la plainte de Mme Roy. En effet, tel que l’a exprimé le Conseil dans Bell Mobilité inc., 2012 CCRI 626, l’alinéa 16l.1 de la partie I du Code introduit le concept « d’économie des ressources judiciaires » dans le Code.

(page 2)

[5] Tel que demandé par le Conseil dans Roy 3254, les parties ont fourni, en juin et juillet 2015, une mise à jour concernant leur différend.

[6] Ce dossier soulève à nouveau la question de savoir dans quelles situations une plainte de harcèlement peut satisfaire au critère applicable à un processus régi par la partie II du Code, infra. Un employé peut déposer une plainte auprès du Conseil s’il allègue avoir été victime d’une mesure disciplinaire ou d’autres représailles à cause de sa participation à un processus régi par la partie II du Code.

[7] Après avoir considéré toutes les observations écrites des parties, le Conseil a décidé de rejeter la plainte de Mme Roy pour les motifs suivants.

II. Faits

[8] TELUS a engagé Mme Roy le 5 octobre 1998. Le médecin de Mme Roy l’a déclarée inapte à travailler le 2 juin 2013. Mme Roy a déposé une plainte de harcèlement chez TELUS le 5 juin 2013. TELUS l’a congédiée deux jours plus tard, le 7 juin 2013.

[9] Dans sa plainte déposée auprès du Conseil le 22 novembre 2013, Mme Roy a décrit les faits à l’appui de sa position. Elle a aussi expliqué pourquoi elle n’a pas été apte à déposer sa plainte dans les 90 jours suivant son congédiement survenu le 7 juin 2013 :

Je travaillais pour TELUS depuis le 05 octobre 1998, j’ai toujours eu un très bon rendement. J’ai été victime de harcèlement, d’intimidation et de discrimination de la part de mon dernier gestionnaire M Jacques Amiot.

Mon médecin m’a déclaré inapte à travailler le 2 juin 2013. J’ai tenté de faire respecter mes droits en matière de santé et sécurité. J’ai donc déposé une plainte en harcèlement le 5 juin 2013 à M. Daniel Faucher, Senior HR adviser, il est responsable de la politique interne de respect en milieu de travail aux Ressources Humaines.

Afin de contourner cette plainte et empêcher d’effectuer l’enquête requise mon gestionnaire m’a congédié le 7 juin 2013. J’ai été sur l’assurance emploi maladie jusqu’au 4 octobre 2013. Mon état de santé et les traitements reçus ne me permettaient pas d’effectuer cette plainte. L’attitude de mon employeur à mon égard m’a mis dans un état de détresse psychologique. J’ai souffert de troubles anxieux, d’insomnie, de troubles de concentration, de troubles de mémoire, j’étais complètement déroutée. À ceci s’ajoute un énorme stress financier difficile à gérer puisque je suis une mère monoparentale. Je n’étais même plus capable de conduire mon véhicule durant cette période. J’ai été sous médication et j’ai eu recours à de l’aide psychologique.

(sic)

(caractères gras ajoutés)

[10] Mme Roy a annexé à sa plainte un formulaire de plainte interne de TELUS. Ce formulaire, intitulé « Formulaire de plainte concernant le respect en milieu de travail », décrit ainsi sa raison d’être :

Chez TELUS, il est de la responsabilité de tous d’assurer le respect en milieu de travail. TELUS veille à fournir tous les efforts possibles afin d’enquêter sur les plaintes concernant un comportement inacceptable et de prendre les mesures nécessaires pour remédier à la situation et éviter qu’elle se reproduise. Ce formulaire doit être utilisé conformément à la procédure à suivre en cas de plainte telle qu’elle est indiquée dans la Politique sur le respect en milieu de travail.

[11] Mme Roy a également annexé à sa plainte un formulaire de grief en date du 8 juillet 2013. Ce grief visait à contester son congédiement. De plus, le grief indique que sa plainte de harcèlement a été déposée à la suite des discussions entre son représentant syndical et un représentant de TELUS. Mme Roy a en outre joint à sa plainte deux autres griefs contestant une suspension de deux jours (14 janvier 2013) et une suspension de cinq jours (4 mars 2013).

[12] Le 3 décembre 2013, Mme Roy a déposé auprès du Conseil un « complément d’information ». Ce document expliquait en plus de détails ses allégations selon lesquelles son congédiement était lié à sa participation à un processus régi par la partie II du Code :

1) J’ai déposé cette plainte en vertu de l’article 133 car j’ai subi des mesures disciplinaires abusives se soldant par un congédiement injustifié le 7 juin dernier. Ceci car j’avais tenté de me prévaloir de mes droits en préparant et en déposant une plainte de harcèlement au début juin 2013. Les dispositions de l’article 147 qui a été violé est le suivant :

c) soit il a observé les dispositions de la présente partie et cherché à les faire respecter.

2) Les dispositions de la Partie Il du code du travail n’ont pas été respectées par l’employeur

Alinéa 125(1)(z.08) du Code canadien du travail

1 (z.08) de collaborer avec le comité d’orientation et le comité local ou le représentant pour l’exécution des responsabilités qui leur incombent sous le régime de la présente partie;

L’employeur a nullement collaboré lorsqu’il a été informé du dépôt de ma plainte en harcèlement remis le 5 juin 2013 à M Daniel Faucher, Senior HR Advisor. La représentante de l’employeur Madame Guylaine Soucy a dit à ce dernier qu’il n’avait pas à intervenir. Que son rôle n’est que consultant en RH et qu’elle avait un rôle décisionnel avec le patronat. Elle a eu une attitude fermée, elle l’a averti de ne pas faire d’ingérence. Elle s’est alors empressée de procédé à mon congédiement le 7 juin 2013.

Par ce congédiement l’employeur contrevient au Processus de règlement interne des plaintes (article 127.1) en empêchant M Daniel Faucher d’exécuter son obligation de procéder à l’enquête requise par cette plainte.

3) J’ai eu quelques communications avec un Représentant du Comité de Santé et Sécurité, Monsieur Gilles Giguère. Après plusieurs échanges d’informations M. Giguère m’a remis le « Processus de TELUS lié au respect en milieu de travail » annexé en pièces jointes. Il m’a recommandé de tout noter insistant sur l’importance des faits. Il trouvait qu’il était évident, dans ma situation, de procéder à une plainte mais que cette décision de porter plainte me revient. Il n’a jamais insisté ou mis de pression, il me disait reconnaître que ce n’est pas facile mais qu’il était là pour m’épauler dans cette démarche. J’occupais un poste de gestionnaire, Superviseure Centre de Contacts, j’avais une équipe de 25 employés à gérer. Je devais m’occuper de ce processus de plainte sur mon temps personnel, j’ai eu 4 rencontres formelles avec M Gilles Giguère. On devait se trouver un endroit privé à l’extérieur des bureaux de TELUS afin de préserver l’anonymat de ce processus. J’étais hantée par la peur de représailles en déposant cette plainte, c’était mon supérieur immédiat qui est en cause. Je n’avais aucune confiance en mon gestionnaire, l’ayant déjà vu manigancer douteusement dans le passé, je savais qu’il abuserait de son pouvoir pour m’éliminer. Comme je suis une mère monoparentale, je suis très vulnérable, mon travail est primordial pour assumer mes obligations personnelles. Depuis juin dernier, je n’ai plus de travail, j’ai été très malade. J’ai du faire une demande de prestations maladie à l’Assurance Emploi, j’aurais du avoir recours aux assurances collectives de mon employeur. J’avais 15 années d’ancienneté et j’ai toujours été une employé très appréciée de mes autres directeurs.

4) J’ai fait faire un grief par le Syndicat des agents de maîtrise de TELUS puisque j’étais en invalidité, grief en pièces jointes. J’avais fait 2 autres griefs en début d’année qui sont en suspens eux aussi, voir pièces jointes. L’employeur a seulement accepté que l’arbitrage ait lieu en février 2015. Je trouve ce délai déraisonnable dans les circonstances, attendre 2 ans pour aller en arbitrage est, selon moi, une tactique utilisée afin que j’abandonne découragée par les délais.

Lorsque je me suis sentie en meilleure santé, j’ai communiqué avec le CCRI pour savoir si j’avais des recours pour faire accélérer mon dossier. On m’a alors informé que je pouvais effectuer une plainte en vertu de l’article 133, puisque le grief était pris dans un lourd processus bureaucratique, ne donnant aucun résultat.

(sic)

(caractères gras ajoutés)

[13] Dans sa réponse en date du 20 décembre 2013, TELUS a soulevé la question de la     prescription de la plainte et, subsidiairement, a plaidé que Mme Roy avait été congédiée uniquement pour une cause juste et suffisante.

[14] En ce qui concerne le délai de 90 jours, infra, TELUS soutient que Mme Roy était capable de déposer un grief contestant son congédiement:

Avec respect pour l’opinion contraire, il est paradoxal de constater que la plaignante allègue une incapacité pour déposer une plainte devant le Conseil à la suite de son incapacité statuée dans le billet médical daté du 2 juin 2013, et par la suite, elle pose une série de gestes pour contester la décision de TELUS de mettre fin à son emploi. En ce sens, la plaignante a déposé un grief le 8 juillet 2013 par le biais de son Syndicat. Et même en tenant compte de la date de ce grief, la plainte aurait été déposée hors délai au sens de la disposition pertinente du Code.

Ainsi, nous estimons que la plainte déposée le 22 novembre 2013 est hors délai, et doit être rejetée…

(page 2)

[15] Quant à son argument selon lequel elle avait cause juste et suffisante pour congédier Mme Roy, TELUS a soumis une chronologie de ses multiples interventions faites auprès de cette dernière, en particulier dans les mois précédant le congédiement :

Le 17 janvier 2013, la plaignante a été rencontrée pour lui rappeler le respect de l’horaire de travail et d’être disponible pour supporter son équipe de travail. Des retards fréquents étaient observés chez la plaignante. Et pour une personne occupant un poste de superviseure, des retards répétés ont des effets négatifs chez le personnel syndiqué par le SQET.

Le 25 janvier 2013, un rappel a dû être fait par monsieur Amiot pour ses retards observés le matin. Lors de cette rencontre, la plaignante aurait mentionné qu’elle prendrait les moyens nécessaires pour corriger la situation.

Le 4 février 2013, la plaignante s’est engagée auprès de monsieur Amiot à envoyer des courriels « en temps réel de vos heures d’arrivées/départs » afin de contrôler la ponctualité et le respect de l’horaire variable de la plaignante. Fait à noter, il s’agissait de la première fois qu’une telle exigence était formulée à l’endroit d’un superviseur.

Entretemps, une rencontre exceptionnelle eut lieu le 31 janvier 2013 entre le gestionnaire de la plaignante, les représentants des relations de travail de TELUS et des représentants de votre syndicat pour vous préciser à nouveau les attentes de l’Employeur concernant les objectifs reliés à votre rôle de Superviseure et de votre assiduité et ponctualité au travail. La plaignante s’est vue signifier clairement qu’à défaut d’amélioration significative, des mesures disciplinaires seraient prises jusqu’à son congédiement. Fait à noter, la plaignante a également été suspendue pour des périodes de 2 et 5 jours, ce qui constituait également une première à survenir pour une ou un superviseur depuis la syndicalisation de ces derniers ordonnée par le Conseil en novembre 1996.

Devant l’absence d’amélioration de ses lacunes au travail, de son manque de respect des horaires de travail et de son manque de transparence envers son supérieur, la plaignante a été rencontrée le 31 mai 2013 par messieurs Amiot et Clément Audet, vice‑président, marché consommateurs et centres de contacts clients afin de lui signifier son retrait permanent du poste de superviseur. Fait important à noter, à cette date, la plaignante était présente au travail et n’avait jamais déposé de plainte à l’encontre de TELUS ni de monsieur Amiot diffamant. Outre leur caractère potentiellement diffamant, les propos tenus par la plaignante dans sa plainte déposée devant le Conseil ont été réactifs à l’indication de la fin de son emploi comme superviseure.

Elle fut congédiée faute d’entente le 7 juin 2013. TELUS n’a pas congédié la plaignante pour avoir exercé un supposé droit prévu par le Code mais bien par gradation et son historique.

(sic)

(pages 3‑4)

[16] Dans sa réplique en date du 7 janvier 2014, Mme Roy a souligné qu’elle n’est redevenue apte à travailler qu’à compter du 6 octobre 2013. Mme Roy suggère que le délai de 90 jours devrait commencer, par conséquent, à cette date :

En ce qui a trait à la première partie de la réponse de l’employeur en lien avec la prescription, mon médecin m’a déclarée apte au travail à compter du 6 octobre 2013 seulement. Ma plainte fut déposée le mois suivant, c’est‑à‑dire le 21 novembre, dans le respect du délai de 90 jours requis.

Concernant le grief déposé 8 juillet 2013, ce dernier a été entièrement rédigé et déposé en mon nom par mon syndicat sans que j’aie à m’impliquer d’aucune façon dans la production de ce dernier. J’avais cependant donné mon accord à cette démarche. Le président du Syndicat des agents de maîtrise, M Jean‑Paul Laviolette, a fait preuve d’un grand professionnalisme en effectuant ce recours sans rien exiger d’investissement de ma part, sans même me faire déplacer pour le signer car il était conscient de la précarité de mon état de santé.

Il est donc faux d’alléguer que j’ai entrepris de multiples démarches durant mon invalidité, mon état de santé ne me le permettait pas. J’ai même reçu l’aide d’un membre de ma famille pour effectuer ma demande en ligne d’assurance emploi en prestation maladie.

(pages 1-2; caractères gras ajoutés)

[17] Quant à la position de TELUS selon laquelle une cause juste et suffisante pour le congédiement existait, Mme Roy a contesté l’imposition d’« un programme de micro‑gestion » par son gestionnaire :

Mon gestionnaire a mis en place un programme de micro‑gestion pour mesurer tous les éléments de mon travail. Il me faisait même surveiller par mes collègues de travail et mes propres employés. Mon équipe de travail était très performante, il a même augmenté le nombre de personnes sous ma supervision, sans doute parce qu’il croyait que je n’arriverais pas à les coacher. Il me demandait souvent d’effectuer des mandats de dernière minute pour lesquels j’obtenais toujours des félicitations de mes collaborateurs et même parfois de lui‑même.

(page 3)

[18] Tel que décrit ci‑dessus, le Conseil a décidé en juillet 2014, dans Roy 3254, de reporter à plus tard sa décision sur la plainte de Mme Roy, étant donné qu’un processus arbitral était déjà en cours. Les trois griefs de Mme Roy seraient examinés dans le cadre de ce processus arbitral, y compris celui contestant son congédiement.

[19] Le 8 mai 2015, l’arbitre de griefs, M. Jean‑Claude Bernatchez, a rendu sa décision à propos des trois griefs de Mme Roy. L’arbitre a maintenu les deux griefs contestant des suspensions, mais a rejeté le grief contestant le congédiement. Toutefois, il a ordonné le paiement à Mme Roy d’une indemnité de départ.

[20] Les conclusions de l’arbitre figurent à la page 36 de sa sentence arbitrale :

L’arbitre :

• Maintient le grief du 14 janvier 2013 portant numéro 13.01 relatif à une suspension de deux (2) jours ouvrables et ordonne à l’employeur de verser à la plaignante l’équivalent du salaire perdu au taux de salaire gagné au moment de ladite suspension;

• Maintient le grief du 4 mars 2013 portant numéro 13.02 relatif à une suspension de cinq (5) jours ouvrables et ordonne à l’employeur de verser à la plaignante l’équivalent du salaire perdu au taux de salaire gagné au moment de ladite suspension;

Rejette le grief du 8 juillet 2013 portant numéro 13‑03 sur le congédiement de la plaignante;

• N’autorise pas de compensation à des fins de dommages moraux;

Ordonne à l’employeur de verser une indemnité de départ à la plaignante équivalente à deux (2) semaines par année de service depuis le 10 avril 2000 soit le moment de l’acquisition de son statut régulier à plein temps jusqu’à la date de son congédiement le 7 juin 2013 au taux de salaire annuel que la plaignante gagnait, selon l’échelle de la convention collective applicable, au moment de son congédiement;

• En application de cette sentence arbitrale, ordonne à l’employeur de verser les sommes dues à la plaignante dans les 90 jours suivant la date de signature de la présente;

• Réserve sa juridiction pour trancher tout problème d’application de la présente sentence arbitrale spécialement le versement de l’indemnité de départ et des montants liés aux deux (2) griefs maintenus sur les trois (3) portés à notre attention.

(caractères gras ajoutés)

[21] Dans sa lettre du 29 juin 2015, Mme Roy a demandé au Conseil de garder sa plainte en suspens, étant donné que son syndicat avait soumis, le 8 juin 2015, une requête en révision judiciaire contestant la décision de l’arbitre quant au congédiement.

[22] Dans sa lettre du 9 juillet 2015, TELUS a de nouveau demandé au Conseil de rejeter la plainte de Mme Roy.

III. Développements jurisprudentiels

[23] Dans Roy, 2015 CCRI LD 3535, rendue le 8 décembre 2015, le Conseil demandait aux parties des commentaires supplémentaires par suite des décisions récentes et pertinentes émanant de la Cour fédérale (CF) et de la Cour d’appel fédérale (CAF). Le Conseil s’est exprimé ainsi :

Au cours du traitement de la présente plainte, le Conseil a envoyé aux parties une copie de la décision qu’il avait rendue dans Perron‑Martin, 2014 CCRI 719 (Perron‑Martin), à titre d’information. Cette décision énonçait les trois questions que le Conseil se pose dans le cadre de l’analyse qu’il effectue des plaintes en vertu du paragraphe 133(1) du Code canadien du travail (Partie II – Santé et sécurité au travail) (Code).

Dans la présente affaire, la deuxième question qui se pose est : Mme Roy prenait‑elle part à un processus régi par la partie II du Code.

Depuis la publication de la décision du Conseil dans Perron‑Martin, la Cour fédérale du Canada et la Cour d’appel fédérale ont émis des décisions sur le concept de harcèlement lié à la partie II du Code. Vous trouverez ci‑joints les deux jugements en question : i) Alliance de la fonction publique du Canada c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1066; et ii) Canada (Attorney General) v. Public Service Alliance of Canada, 2015 FCA 273.

La décision de la Cour d’appel fédérale a été émise pendant que le Conseil délibérait dans la présente affaire. Puisque les parties lui ont présenté leurs dernières observations en juin et juillet 2015, le Conseil aimerait leur donner l’opportunité d’ajouter des commentaires, si elles le désirent, par suite de la lecture de ces jugements.

(pages 1‑2)

[24] Le jugement de la CAF infra a été rendu le 30 novembre 2015. Le Conseil donnait aux parties jusqu’au 15 janvier 2016 pour déposer leurs observations supplémentaires.

[25] Le 15 janvier 2016, Mme Roy a déposé une courte lettre avisant le Conseil qu’une révision judiciaire de la décision arbitrale aurait lieu le 29 janvier 2016. Mme Roy a également fait valoir sa position selon laquelle TELUS aurait dû faire enquête dès la réception de sa plainte de harcèlement. Toutefois, elle prétendait que TELUS a contourné le processus en la congédiant.

[26] Le Conseil n’a pas reçu d’observations de TELUS. Dans sa lettre du 1er février 2016, le Conseil a consenti à une demande de TELUS, qui souhaitait obtenir une deuxième occasion de fournir ses commentaires. Le Conseil a donné également à Mme Roy la possibilité, si elle le désirait, d’ajouter des commentaires quand elle aurait examiné les commentaires supplémentaires de TELUS.

[27] Dans ses observations en date du 19 février 2016, TELUS répond à certaines allégations de Mme Roy. TELUS plaide que Mme Roy était bel et bien au courant de ses difficultés au travail. Le 31 mai 2013, TELUS lui a offert de choisir entre une rétrogradation à un poste de technicienne ou son départ de TELUS.

[28] Si Mme Roy refusait de choisir l’une ou l’autre de ces options, TELUS procéderait à un congédiement.

[29] TELUS prétend que Mme Roy a reçu également, en janvier 2013, une offre d’indemnité de départ pour quitter l’entreprise. Cette offre était liée à ses prétendues difficultés à occuper son poste de superviseure.

[30] TELUS fait valoir que Mme Roy était au courant aux moments pertinents de la possibilité d’un congédiement bien avant le dépôt de sa plainte de harcèlement. TELUS soutient que le congédiement n’était par conséquent aucunement une mesure de représailles faisant suite au dépôt de ladite plainte de harcèlement.

[31] Mme Roy n’a pas répondu aux observations supplémentaires de TELUS.

IV. La partie II du Code

[32] Tel qu’indiqué à l’article 147 du Code, un employeur ne peut prendre des mesures de représailles parce qu’un employé a exercé ses droits protégés par la partie II du Code :

147. Il est interdit à l’employeur de congédier, suspendre, mettre à pied ou rétrograder un employé ou de lui imposer une sanction pécuniaire ou autre ou de refuser de lui verser la rémunération afférente à la période au cours de laquelle il aurait travaillé s’il ne s’était pas prévalu des droits prévus par la présente partie, ou de prendre — ou menacer de prendre — des mesures disciplinaires contre lui parce que :

a) soit il a témoigné — ou est sur le point de le faire — dans une poursuite intentée ou une enquête tenue sous le régime de la présente partie;

b) soit il a fourni à une personne agissant dans l’exercice de fonctions attribuées par la présente partie un renseignement relatif aux conditions de travail touchant sa santé ou sa sécurité ou celles de ses compagnons de travail;

c) soit il a observé les dispositions de la présente partie ou cherché à les faire appliquer.

[33] Les modalités relatives au dépôt d’une plainte visant à contester des mesures de représailles prises par l’employeur sont énoncées à l’article 133 du Code. Le paragraphe 133(2) établit un délai de 90 jours pour le dépôt de la plainte :

133. (1) L’employé — ou la personne qu’il désigne à cette fin — peut, sous réserve du paragraphe (3), présenter une plainte écrite au Conseil au motif que son employeur a pris, à son endroit, des mesures contraires à l’article 147.

(2) La plainte est adressée au Conseil dans les quatre‑vingt‑dix jours suivant la date où le plaignant a eu connaissance — ou, selon le Conseil, aurait dû avoir connaissance — de l’acte ou des circonstances y ayant donné lieu.

(3) Dans les cas où la plainte découle de l’exercice par l’employé des droits prévus aux articles 128 ou 129, sa présentation est subordonnée, selon le cas, à l’observation du paragraphe 128(6) par l’employé ou à la réception par le ministre des rapports visés au paragraphe 128(16).

(4) Malgré toute règle de droit ou toute convention à l’effet contraire, l’employé ne peut déférer sa plainte à l’arbitrage.

(5) Sur réception de la plainte, le Conseil peut aider les parties à régler le point en litige; s’il décide de ne pas le faire ou si les parties ne sont pas parvenues à régler l’affaire dans le délai qu’il juge raisonnable dans les circonstances, il l’instruit lui‑même.

(6) Dans les cas où la plainte découle de l’exercice par l’employé des droits prévus aux articles 128 ou 129, sa seule présentation constitue une preuve de la contravention; il incombe dès lors à la partie qui nie celle‑ci de prouver le contraire.

(caractères gras ajoutés)

[34] L’article 133 fait référence à l’article 128 du Code. L’article 128 établit un droit de refus de travailler en cas de danger. Si un employé a exercé son droit de refus en conformité avec l’article 128, le paragraphe 133(6) renverse le fardeau de la preuve, qui incombe dès lors à l’employeur.

[35] La plainte de Mme Roy n’implique pas l’exercice de son droit de refus. Par conséquent, c’est à Mme Roy qu’incombe le fardeau de la preuve dans cette plainte.

[36] Les articles 133 et 147 démontrent que le rôle du Conseil est limité sous le régime de la partie II du Code. Après la réception d’une plainte, le Conseil doit examiner si un employeur a exercé des représailles contre un employé à cause de la participation de ce dernier à un processus régi par la partie II du Code.

[37] Le Conseil a expliqué sa compétence dans le cadre d’une plainte comme celle de Mme Roy dans Paquet, 2013 CCRI 691 (Paquet 691) :

[54] Essentiellement, un employeur ne peut user de représailles envers un employé parce que celui‑ci a participé à un processus prévu aux termes de la partie II. La participation de l’employé peut consister à avoir témoigné dans une poursuite ou à avoir fourni un renseignement dans une affaire visée à la partie II. Elle peut aussi consister à avoir observé les dispositions de la partie II ou à avoir cherché à les faire appliquer. Par souci de commodité, nous désignerons par « processus de la partie II » ces diverses activités prévues à l’article 147.

[38] Le Conseil, dans Paquet 691, a aussi décrit des questions sur lesquelles il n’avait pas compétence et a élaboré une analyse en trois étapes pour une plainte comme celle de Mme Roy :

[59] En résumé, le Conseil n’est pas chargé de l’application ou de l’interprétation de la plupart des dispositions de la partie II. Les allégations de non‑conformité ou de violation relèvent d’un agent de santé et de sécurité (agent de SST), si les parties ne parviennent pas à les résoudre elles-mêmes. Le Conseil n’a pas non plus à régler les différends découlant d’une convention collective, même si ceux-ci ont trait à des questions touchant la santé et la sécurité visées à la partie II. Le Code confie plutôt au Conseil le rôle de déterminer si un employeur a imposé ou a menacé d’imposer des mesures disciplinaires, y compris un congédiement, à un employé qui a participé à un processus de la partie II, selon la définition donnée précédemment.

[60] Cette interaction entre les articles 147 et 133 conduit à une analyse en trois étapes. Chaque étape doit être franchie avec succès pour que le Conseil puisse conclure à une violation du Code.

1. Air Canada a‑t‑elle imposé ou menacé d’imposer des mesures disciplinaires?

2. Les employées prenaient‑elles part à un processus de la partie II?

3. Un lien existait‑il entre le processus de la partie II et les mesures disciplinaires imposées par Air Canada?

(caractères gras ajoutés)

[39] Dans le cas de la plainte de Mme Roy, cette analyse oblige le Conseil à examiner trois questions :

1.   TELUS a‑t‑elle imposé à Mme Roy des mesures disciplinaires?

2.   Mme Roy prenait‑elle part à un processus régi par la partie II?

3.   Existe‑t‑il un lien entre un processus régi par la partie II et le congédiement de Mme Roy?

V. Analyse et décision

A. La prescription

[40] Le Conseil est convaincu qu’il peut examiner le bien‑fondé de la plainte de Mme Roy.

[41] Même si le paragraphe 133(2) du Code impose un délai de 90 jours, l’alinéa 16m.1) confère au Conseil le pouvoir discrétionnaire de proroger ce délai :

16. Le Conseil peut, dans le cadre de toute affaire dont il connaît :

m.1) proroger les délais fixés par la présente partie pour la présentation d’une demande.

[42] Le paragraphe 156(2) de la partie II du Code permet au Conseil d’exercer, sous le régime de celle‑ci, les mêmes pouvoirs qu’il détient dans les causes régies par la partie I du Code : Perron‑Martin, 2014 CCRI 719 (Perron‑Martin 719) :

156. (2) Les dispositions correspondantes de la partie I s’appliquent aux ordonnances et décisions que rendent le Conseil ou l’un de ses membres dans le cadre de la présente partie ou aux procédures dont ils sont saisis sous le régime de celle‑ci.

[43] Le Conseil accepte les explications de Mme Roy voulant que, pour des raisons médicales, elle n’ait pas pu déposer sa plainte immédiatement après son congédiement. Mme Roy était inapte à travailler du 2 juin au 4 octobre 2013. De plus, elle a expliqué comment son syndicat a agi en son nom pendant cette période d’invalidité.

[44] Dans ce dossier, le Conseil aurait, si cela avait été nécessaire, exercé son pouvoir discrétionnaire de proroger le délai en vertu de l’alinéa 16m.1). Mme Roy a établi qu’elle a toujours eu l’intention de faire valoir ses droits : Perron‑Martin 719.

B. Les plaintes de harcèlement et la partie II du Code

[45] La législation au Canada n’est pas uniforme en ce qui concerne le traitement des plaintes alléguant le harcèlement. Les lois sur les droits de la personne interdisent le harcèlement basé sur des distinctions illicites. Mais d’autres lois, notamment celles à propos de la santé et de la sécurité au travail, interdisent également le harcèlement.

[46] Par exemple, l’article 14 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H‑6) (LCDP) interdit le harcèlement :

14. (1) Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait de harceler un individu :

a) lors de la fourniture de biens, de services, d’installations ou de moyens d’hébergement destinés au public;

b) lors de la fourniture de locaux commerciaux ou de logements;

c) en matière d’emploi.

(2) Pour l’application du paragraphe (1) et sans qu’en soit limitée la portée générale, le harcèlement sexuel est réputé être un harcèlement fondé sur un motif de distinction illicite.

(caractères gras ajoutés)

[47] L’article 3 de la LCDP énumère les motifs de distinction illicites :

3. (1) Pour l’application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, la situation de famille, l’état de personne graciée ou la déficience.

(2) Une distinction fondée sur la grossesse ou l’accouchement est réputée être fondée sur le sexe.

[48] La LCDP interdit également les représailles :

14.1 Constitue un acte discriminatoire le fait, pour la personne visée par une plainte déposée au titre de la partie III, ou pour celle qui agit en son nom, d’exercer ou de menacer d’exercer des représailles contre le plaignant ou la victime présumée.

[49] La compétence du Conseil en matière de représailles est liée à la participation de l’employé à un processus régi par la partie II du Code. Un processus visé par une loi comme la LCDP, une politique en matière de harcèlement d’un employeur ou une convention collective soulève donc des questions parfois difficiles relativement à l’étendue de la compétence du Conseil.

[50] Avant d’examiner la situation au fédéral, il est utile d’examiner comment les questions du harcèlement et des mesures de représailles ont été traitées ailleurs.

i. Québec

[51] Au Québec, le législateur a traité explicitement la question du harcèlement, y compris le harcèlement psychologique, et celle des mesures de représailles.

[52] La Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c. C‑12 (Charte), à l’article 10, interdit la discrimination :

10. Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap.

Il y a discrimination lorsqu’une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit.

[53] L’article 10.1 de la Charte interdit le harcèlement :

10.1. Nul ne doit harceler une personne en raison de l’un des motifs visés dans l’article 10.

[54] L’article 82 de la Charte interdit les représailles :

82. La Commission peut aussi s’adresser à un tribunal pour qu’une mesure soit prise contre quiconque exerce ou tente d’exercer des représailles contre une personne, un groupe ou un organisme intéressé par le traitement d’un cas de discrimination ou d’exploitation ou qui y a participé, que ce soit à titre de victime, de plaignant, de témoin ou autrement.

[55] Au Québec, le législateur a traité explicitement le sujet du « harcèlement psychologique » en adoptant les articles 81.18 et 81.19 de la Loi sur les normes du travail du Québec, L.R.Q., c. N‑1.1, (LNT) :

81.18. Pour l’application de la présente loi, on entend par « harcèlement psychologique » une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne, pour celui‑ci, un milieu de travail néfaste.

Une seule conduite grave peut aussi constituer du harcèlement psychologique si elle porte une telle atteinte et produit un effet nocif continu pour le salarié.

81.19. Tout salarié a droit à un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique.

L’employeur doit prendre les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique et, lorsqu’une telle conduite est portée à sa connaissance, pour la faire cesser.

(caractères gras ajoutés)

[56] L’article 122 de la LNT interdit les représailles :

122. Il est interdit à un employeur ou à son agent de congédier, de suspendre ou de déplacer un salarié, d’exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou des représailles ou de lui imposer toute autre sanction :

1o à cause de l’exercice par ce salarié d’un droit, autre que celui visé à l’article 84.1, qui lui résulte de la présente loi ou d’un règlement;

2o pour le motif que ce salarié a fourni des renseignements à la Commission ou à l’un de ses représentants sur l’application des normes du travail ou qu’il a témoigné dans une poursuite s’y rapportant;

...

5o dans le but d’éluder l’application de la présente loi ou d’un règlement;

ii. Ontario

[57] En Ontario, le législateur a traité explicitement le concept de harcèlement, y compris le harcèlement au travail, et les mesures de représailles.

[58] Dans cette province, le Code des droits de la personne, L.R.O. 1990, chap. H.19 (CDP), interdit plusieurs formes de harcèlement, notamment en ce qui concerne l’emploi :

Harcèlement au travail

5.(2) Tout employé a le droit d’être à l’abri de tout harcèlement au travail par son employeur ou le mandataire de celui‑ci ou un autre employé pour des raisons fondées sur la race, l’ascendance, le lieu d’origine, la couleur, l’origine ethnique, la citoyenneté, la croyance, l’orientation sexuelle, l’identité sexuelle, l’expression de l’identité sexuelle, l’âge, l’existence d’un casier judiciaire, l’état matrimonial, l’état familial ou un handicap. L.R.O. 1990, chap. H.19, par. 5 (2); 1999, chap. 6, par. 28 (6); 2001, chap. 32, par. 27 (1); 2005, chap. 5, par. 32 (6); 2012, chap. 7, par. 4 (2).

...

Harcèlement sexuel au travail

7.(2) Tout employé a le droit d’être à l’abri de tout harcèlement au travail par son employeur ou le mandataire de celui‑ci ou un autre employé pour des raisons fondées sur le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité sexuelle ou l’expression de l’identité sexuelle. L.R.O. 1990, chap. H.19, par. 7 (2); 2012, chap. 7, par. 6 (2).

[59] L’article 8 du CDP interdit les représailles :

Représailles

8. Toute personne a le droit de revendiquer et de faire respecter les droits que lui reconnaît la présente loi, d’introduire des instances aux termes de la présente loi et d’y participer, et de refuser de porter atteinte à un droit reconnu à une autre personne par la présente loi, sans représailles ni menaces de représailles. L.R.O. 1990, chap. H.19, art. 8.

[60] Dans la Loi sur la santé et la sécurité au travail, L.R.O. 1990, c. O.1 (LSST), le législateur ontarien a adopté d’autres dispositions explicites en ce qui concerne le « harcèlement au travail » et la « violence au travail ».

[61] La LSST, au paragraphe 1(1), établit des définitions pour le « harcèlement au travail » et la « violence au travail » :

1. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

« harcèlement au travail » Fait pour une personne d’adopter une ligne de conduite caractérisée par des remarques ou des gestes vexatoires contre un travailleur dans un lieu de travail lorsqu’elle sait ou devrait raisonnablement savoir que ces remarques ou ces gestes sont importuns. (« workplace harassment »)

« violence au travail » Selon le cas :

a) emploi par une personne contre un travailleur, dans un lieu de travail, d’une force physique qui lui cause ou pourrait lui causer un préjudice corporel;

b) tentative d’employer contre un travailleur, dans un lieu de travail, une force physique qui pourrait lui causer un préjudice corporel;

c) propos ou comportement qu’un travailleur peut raisonnablement interpréter comme une menace d’employer contre lui, dans un lieu de travail, une force physique qui pourrait lui causer un préjudice corporel. (« workplace violence ») L.R.O. 1990, chap. O.1, par. 1 (1); 1993, chap. 27, annexe; 1994, chap. 24, art. 35; 1994, chap. 25, par. 83 (1); 1997, chap. 16, par. 2 (1) à (3); 1998, chap. 8, art. 49; 2009, chap. 23, art. 1; 2009, chap. 33, annexe 20, par. 3 (1); 2011, chap. 11, art. 1; 2014, chap. 10, annexe 4, art. 1.

[62] Dans Ljuboja v Aim Group Inc, 2013 CanLII 76529 (ON LRB), la Commission des relations de travail de l’Ontario (CRTO) a dû examiner si elle avait compétence à l’égard d’une plainte dans laquelle un employé alléguait avoir été victime de représailles parce qu’il avait déposé une plainte de harcèlement.

[63] La question juridique n’était pas simple, puisque la LSST ne traitait pas de la même façon les concepts de « violence au travail » et de « harcèlement au travail ». Les dispositions à propos de la violence au travail imposaient des obligations substantielles aux employeurs ontariens. Par contre, la LSST n’imposait que des obligations procédurales en ce qui concerne le harcèlement au travail :

34. Je souscris au raisonnement adopté dans l’affaire Investia, précitée : il faut que la Commission ait compétence en vertu de la Loi, et il existe trois motifs qui établissent la compétence de la Commission, aux termes de l’article 50 de la Loi : lorsqu’un travailleur a « agi conformément à la présente loi »; lorsqu’un travailleur a « témoigné »; ou lorsqu’un travailleur a « cherché à faire respecter » la présente loi ou les règlements et a, pour cette raison, fait l’objet de représailles.

35. Je conviens également que la Loi ne donne pas droit aux travailleurs à un milieu de travail exempt de harcèlement. Par l’adoption de la partie III.0.1, le législateur a imposé aux employeurs des obligations substantielles en matière de prévention de la violence au travail, qui n’ont pas leur équivalent en ce qui concerne le harcèlement au travail. Parmi ces obligations, on compte des mesures à prendre et des méthodes à suivre pour contrôler les risques de violence au travail et pour obtenir une aide immédiate même s’il n’est que susceptible de se produire de la violence au travail (alinéas 32.0.2(2)a) et b)); l’obligation de mener une évaluation des risques de violence au travail et des réévaluations subséquentes (article 32.0.3); et l’obligation de prendre des mesures relatives à la prévention de la violence familiale dans le lieu de travail (article 32.0.4). Il est en outre expressément précisé que les devoirs de l’employeur à l’article 25 (y compris l’alinéa 25(2)h)), les devoirs du superviseur à l’article 27 et les devoirs du travailleur à l’article 28 s’appliquent tous, selon le cas, à l’égard de la violence au travail (article 32.0.5).

36. Aucune de ces obligations n’est prescrite en ce qui concerne le harcèlement au travail, et il n’y a aucune disposition dans la partie III.0.1 ni ailleurs dans la Loi qui oblige explicitement les employeurs à fournir un lieu de travail exempt de harcèlement, du moins au sens large de ce terme, tel qu’il est défini à l’article 1 de la Loi. Compte tenu des obligations claires que le législateur a imposées aux employeurs relativement à la violence au travail au même moment où les dispositions sur le harcèlement au travail ont été adoptées, on ne peut penser que l’omission de ces obligations eu égard au harcèlement au travail constitue un oubli. L’omission du législateur devait plutôt être délibérée.

37. Quelles sont donc les obligations qui incombent aux employeurs en matière de harcèlement au travail? Un employeur doit :

a. Formuler une politique concernant le harcèlement au travail (alinéa 32.0.1b));

b. Examiner la politique une fois par année (paragraphe 32.0.1(3));

c. Afficher la politique formulée par écrit dans le lieu de travail (paragraphe 32.0.1(2));

d. Élaborer et maintenir un programme de mise en œuvre de la politique (paragraphe 32.0.6(1)) qui :

i. inclue les mesures à prendre et les méthodes à suivre pour signaler les incidents de harcèlement au travail à l’employeur ou au superviseur (alinéa 32.0.6(2)a));

ii. énonce la manière dont l’employeur enquêtera sur les incidents et les plaintes de harcèlement au travail et dont il compte y faire face (alinéa 32.0.6(2)b));

e. Fournir au travailleur des renseignements sur le contenu de la politique et du programme (alinéas 32.0.7a) et b)).

38. Il ressort de ces dispositions, considérées dans leur ensemble, que l’obligation qui incombe aux employeurs relativement au harcèlement au travail est entièrement de nature procédurale. L’employeur a l’obligation d’élaborer et de mettre en œuvre un processus concernant les problèmes de harcèlement au travail, les enquêtes s’y rapportant et la manière d’y faire face. Cependant, l’employeur n’est tenu à aucun résultat concret, ce qui empêche un travailleur d’insister pour obtenir un résultat précis. En outre, on laisse aux employeurs une grande latitude pour déterminer la méthode qu’ils adopteront pour que les travailleurs puissent porter plainte, et pour que des enquêtes soient menées à l’égard de celles‑ci et qu’il y soit fait face. Il n’y a en fait aucun critère procédural précis établi dans la Loi qui doive être adopté par les employeurs, si ce n’est que des mesures et des méthodes doivent être mises en place pour le signalement des incidents de harcèlement au travail à l’employeur ou au superviseur, et que l’employeur est tenu d’énoncer la manière dont il enquêtera sur les incidents et les plaintes de harcèlement au travail ainsi que la manière dont il compte y faire face. Bien que le législateur ait autorisé la prescription d’autres éléments par règlement, aucun règlement de la sorte n’a pour le moment été adopté.

(traduction; caractères gras ajoutés)

[64] La CRTO a finalement conclu que les dispositions purement procédurales à propos du harcèlement pourraient néanmoins permettre à un employé de déposer une plainte alléguant des représailles :

49. Si l’on accepte, comme je le fais, que la Loi exige que les employeurs établissent un processus interne pour traiter les incidents et les plaintes de harcèlement au travail, ce processus serait entièrement compromis si un employeur était libre de congédier un travailleur parce que celui‑ci aurait déposé une plainte de harcèlement au travail en conformité avec ce processus. À mon avis, il est impossible de soutenir une interprétation de la Loi selon laquelle celle‑ci oblige les employeurs à élaborer et à maintenir une politique permettant aux travailleurs de déposer des plaintes de harcèlement au travail, mais laisse néanmoins ces employeurs libres de prendre des sanctions contre un travailleur qui aurait effectivement déposé une plainte en vertu de cette politique, soit en le congédiant, soit en prenant d’autres mesures punitives ou en usant de représailles à son endroit. Interpréter la Loi de cette manière dépouillerait de tout son sens l’obligation de l’employeur d’établir un programme visant à mettre en œuvre la politique en matière de harcèlement au travail qu’il a élaborée afin que les travailleurs puissent déposer une plainte. Le législateur n’a certainement pas voulu que le paragraphe 32.06(2) oblige les employeurs à inclure des mesures et des méthodes afin que les travailleurs puissent signaler des incidents de harcèlement à leurs propres risques. Le législateur ne s’imaginait assurément pas, lorsqu’il a exigé, à l’alinéa 32.02(2)b), qu’un employeur décrive comment il « compte [...] faire face » aux plaintes de harcèlement au travail, que cet employeur serait par ailleurs libre de congédier un plaignant simplement parce qu’il aurait eu la témérité de se plaindre d’une ligne de conduite caractérisée par des remarques ou des gestes importuns ou vexatoires.

(traduction; caractères gras ajoutés)

[65] Dans la Loi de 2016 sur le Plan d’action contre la violence et le harcèlement sexuels (en soutien aux survivants et en opposition à la violence et au harcèlement sexuels), 1re sess., 41e lég., Ontario, 2015 (sanction royale le 8 mars 2016), le législateur ontarien impose aux employeurs des devoirs juridiques supplémentaires, dont le devoir de mener une enquête après la réception d’allégations de harcèlement.

iii. La situation au fédéral

[66] Le Québec, dans sa LNT, et l’Ontario, dans la LSST, ont traité explicitement du concept de harcèlement dans des situations qui peuvent échapper aux dispositions qui figurent déjà dans les lois sur les droits de la personne.

[67] Au fédéral, toutefois, le terme « harcèlement » ne figure nulle part dans la partie II du Code. Le Code impose en revanche des obligations aux employeurs en ce qui concerne la protection de leurs employés en matière de santé et de sécurité au travail, aux termes de l’article 124. L’alinéa 125(1)z.16) vise la violence dans le lieu de travail :

125. (1) Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève :

z.16) de prendre les mesures prévues par les règlements pour prévenir et réprimer la violence dans le lieu de travail;

[68] Le législateur a aussi adopté un règlement à propos de la violence dans le lieu de travail. La partie XX du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail (DORS/86‑304) est intitulée « Prévention de la violence dans le lieu de travail » (ci‑après Règlement).

[69] Étant donné l’adoption de ces dispositions à propos de la violence au travail, une plainte de harcèlement en vertu d’une politique interne de l’employeur peut‑elle satisfaire, tel qu’exigé dans Paquet 691, au critère applicable à un processus régi par la partie II du Code?

C. Perron‑Martin 719

[70] Dans Perron‑Martin 719, le Conseil a examiné pour la première fois la relation entre une politique de harcèlement interne de l’employeur et la partie II du Code. Dans cette affaire, Mme Perron‑Martin avait déposé une plainte en vertu de la partie II du Code alléguant des représailles par suite du dépôt d’une plainte de harcèlement. Sa plainte de harcèlement avait été déposée en conformité avec la Politique en matière de harcèlement de son employeur. Il s’agissait d’une politique interne.

[71] Dans Perron‑Martin 719, le Conseil a examiné la partie II du Code, y compris la partie XX du Règlement. Le Conseil n’a pas écarté la possibilité qu’une plainte de harcèlement soit sujette à la partie XX du Règlement, mais a déterminé que la plainte interne en question n’était pas un processus régi par la partie II du Code :

[37] Le processus en question chez Symcor était lié à sa Politique en matière de harcèlement.

[38] Le Conseil est d’avis que les plaintes déposées en vertu d’une politique interne en matière de harcèlement ne constituent pas, règle générale, un processus en matière de santé et de sécurité au travail aux fins de la partie II du Code.

[39] La plupart des employeurs ont adopté des politiques pour éliminer le harcèlement et la discrimination au travail. Ces politiques sont adoptées par les employeurs de compétence fédérale afin de promouvoir les droits qui sont énoncés dans la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H‑6).

[40] Afin de faciliter l’adoption d’une telle politique, la Commission canadienne des droits de la personne publie sur son site Web un gabarit pour une politique appropriée contre le harcèlement.

[41] Le Conseil est d’avis que Mme Perron‑Martin, malgré sa participation à un processus régi par la Politique en matière de harcèlement chez Symcor, n’a jamais pris part par ce seul fait à un processus en matière de santé et de sécurité au travail en vertu de la partie II du Code.

[42] La partie II ne fait référence nulle part au concept de harcèlement. Dans des affaires antérieures, comme Grolla, 2011 CCRI 592, le Conseil a eu l’occasion d’examiner la partie XX du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail (DORS/86‑304) (Règlement) intitulée « Prévention de la violence dans le lieu de travail » (Partie XX).

[43] La Partie XX oblige les employeurs à élaborer une politique de prévention de la violence dans le lieu de travail (article 20.3). On y décrit la violence dans le lieu de travail comme suit :

20.2 Dans la présente partie, constitue de la violence dans le lieu de travail tout agissement, comportement, menace ou geste d’une personne à l’égard d’un employé à son lieu de travail et qui pourrait vraisemblablement lui causer un dommage, un préjudice ou une maladie.

(caractères gras ajoutés)

[44] Le Conseil constate premièrement que, dans la Partie XX, on n’utilise jamais le mot « harcèlement ». La Partie XX semble plutôt viser des situations de violence. Ce seul fait suggère au Conseil qu’une plainte de harcèlement déposée en vertu d’une politique interne d’un employeur ne constitue pas généralement un processus en matière de santé et de sécurité au travail.

[45] On pourrait un jour faire valoir qu’une plainte de harcèlement est régie, au moins en partie, par la Partie XX, mais cela n’est pas le cas dans la situation actuelle.

[72] Dans Perron‑Martin 719, le Conseil a fait référence à la décision du Tribunal de santé et sécurité au travail Canada (TSSTC) rendue dans l’affaire Agence canadienne d’inspection des aliments c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2014 TSSTC 1 (ACIA). Après que la décision du Conseil dans Perron‑Martin 719 a été rendue, la CF a infirmé la décision de la TSSTC dans ACIA.

D. Décisions de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale

[73] Dans Alliance de la fonction publique du Canada c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1066 (AFPC 1), la CF a examiné la portée de la partie XX du Règlement. La CF a déterminé que la notion de violence dans le lieu de travail pourrait, selon les circonstances, inclure le harcèlement :

[25] À mon avis, le harcèlement peut constituer de la violence dans le lieu de travail, selon les circonstances de chaque cas

[28] Au moment d’interpréter les dispositions individuelles d’une loi, il faut tenir compte de l’objet de la loi dans son ensemble (R c Steele, 2014 CSC 61, au paragraphe 23). Contrairement à ce qu’avance le défendeur, rien dans le Code ni dans le Règlement ne permet d’atténuer l’interprétation du libellé de l’article 20.2 de la partie XX du Règlement. Le libellé « tout agissement, comportement [...] ou geste » d’une personne à l’égard d’un employé « qui pourrait vraisemblablement lui causer un dommage [...] ou une maladie » est suffisamment vaste dans son sens simple et ordinaire pour comprendre les gestes de harcèlement d’une personne qui causent un dommage mental ou psychologique ou une maladie. Conclure autrement reviendrait à restreindre indûment la définition de la violence dans le lieu de travail et priver cette définition d’une interprétation utilitaire. Dans le document La violence et le harcèlement au travail : similitudes et différences publié le 30 avril 2013, le Conseil du Trésor du Canada indique que rien dans la partie XX du Règlement n’empêche un employé d’alléguer que le harcèlement constitue de la violence. Cette affirmation appuie la position que j’adopte.

[29] Par conséquent, le harcèlement comme celui qu’a subi l’employé en l’espèce peut constituer de la violence dans le lieu de travail si, au terme d’une enquête faite par une personne compétente, il est déterminé que le harcèlement comprend des agissements, un comportement ou des gestes qui pourraient vraisemblablement causer un dommage, un préjudice ou une maladie à l’employé. À mon avis, l’intimidation psychologique peut constituer au fil du temps une des pires formes de dommage qui puissent être infligées à une personne.

(caractères gras ajoutés)

[74] Dans Canada (Procureur général) c. Alliance de la fonction publique du Canada, 2015 CAF 273 (AFPC 2), la CAF a confirmé la décision de la CF dans AFPC 1.

[75] Le point en litige dans AFPC 2 concernait le pouvoir d’un employeur de déterminer prima facie si une plainte satisfaisait à la définition de la violence dans le lieu de travail aux termes de la partie XX du Règlement :

[2] Le présent appel porte sur l’interprétation et l’application de la partie XX du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail, DORS/86‑304 (le Règlement), promulguée en 2008 et intitulée « Prévention de la violence dans le lieu de travail ». Plus particulièrement, la question au cœur du litige consiste à savoir si un employeur peut décider unilatéralement si le comportement visé par la plainte constitue de la violence dans le lieu de travail avant de devoir nommer une « personne compétente » pour faire enquête suivant l’article 20.9 du Règlement, et, si oui, en quelles circonstances. Pour les motifs qui suivent, je rejetterais l’appel.

[76] La CAF a décrit les faits dans AFPC 2. Au tout début du processus, l’employé en question n’avait fait aucune référence explicite à la partie XX du Règlement. Toutefois, une telle référence a été faite plus tard:

[3] Monsieur Abel Akon est inspecteur de volaille à l’ACIA. Le 28 novembre 2011, il a rencontré son superviseur pour discuter de certaines préoccupations en lien avec leur relation au travail, préoccupations qu’il a répétées dans une plainte déposée le 2 décembre 2011. Dans sa plainte, M. Akon a soulevé des questions de favoritisme et de traitement injuste qui contrevenaient à sa convention collective relativement à ses demandes de congé. Il s’est dit également victime de traitement humiliant et irrespectueux dans le lieu de travail (gestes dédaigneux de la main, roulements des yeux, propos dégradants, indifférence aux plaintes que d’autres employés lui ont crié devant des employés des établissements, manque de transparence et évaluation injuste d’un examen de certification). La plainte écrite ne faisait pas expressément référence à de la « violence dans le lieu de travail » et n’était pas présentée comme une plainte pour violence dans le lieu de travail au titre du Règlement.

[4] Lorsque l’ACIA a annulé une rencontre prévue le 7 décembre 2011 aux fins de la résolution de la plainte, l’employé a avisé l’ACIA que ses préoccupations n’avaient pas été traitées, et que dans les circonstances, il prévoyait déposer une plainte officielle au titre de la partie XX du Règlement.

[77] Au paragraphe 13 de sa décision, la CAF a de nouveau décrit la question à trancher, à savoir si l’employeur avait le pouvoir initial de « filtrer » les plaintes avant de nommer une « personne compétente » pour faire enquête :

[13] La question à trancher dans le présent appel consiste à savoir si l’agent d’appel pouvait conclure qu’un employeur a le pouvoir d’évaluer une plainte de violence dans le lieu de travail avant de devoir nommer une « personne compétente » pour faire enquête. Si l’employeur peut « filtrer » les plaintes pour s’assurer qu’elles correspondent à la définition de violence dans le lieu de travail, il faut alors décider si l’agent d’appel pouvait conclure, vu les faits dont il était saisi, que l’employeur n’était pas dans l’obligation de nommer une personne compétente pour faire enquête sur les allégations de l’employé.

[78] Au paragraphe 20 de sa décision, la CAF a examiné les obligations de l’employeur en termes de redressement afin d’évaluer le pouvoir de l’employeur par suite de la réception d’une plainte :

[20] Alors que ces diverses dispositions visent la prévention, l’article 20.9 porte sur le redressement. Son but est d’offrir un redressement aux employés victimes de violence dans le lieu de travail, afin que l’employeur règle la situation de façon appropriée. Cet article du Règlement se lit ainsi :

Notification et enquête

 

Notification and Investigation

20.9 (1) Au présent article, « personne compétente » s’entend de toute personne qui, à la fois :

20.9 (1) In this section, “competent person” means a person who

a) est impartiale et est considérée comme telle par les parties;

(a) is impartial and is seen by the parties to be impartial;

b) a des connaissances, une formation et de l’expérience dans le domaine de la violence dans le lieu de travail;

(b) has knowledge, training and experience in issues relating to work place violence; and

c) connaît les textes législatifs applicables.

 

(c) has knowledge of relevant legislation.

(2) Dès qu’il a connaissance de violence dans le lieu de travail ou de toute allégation d’une telle violence, l’employeur tente avec l’employé de régler la situation à l’amiable dans les meilleurs délais.

 

(2) If an employer becomes aware of work place violence or alleged work place violence, the employer shall try to resolve the matter with the employee as soon as possible.

(3) Si la situation n’est pas ainsi réglée, l’employeur nomme une personne compétente pour faire enquête sur la situation et lui fournit tout renseignement pertinent qui ne fait pas l’objet d’une interdiction légale de communication ni n’est susceptible de révéler l’identité de personnes sans leur consentement.

(3) If the matter is unresolved, the employer shall appoint a competent person to investigate the work place violence and provide that person with any relevant information whose disclosure is not prohibited by law and that would not reveal the identity of persons involved without their consent.

 

(4) Au terme de son enquête, la personne compétente fournit à l’employeur un rapport écrit contenant ses conclusions et recommandations.

(4) The competent person shall investigate the work place violence and at the completion of the investigation provide to the employer a written report with conclusions and recommendations

 

(5) Sur réception du rapport d’enquête, l’employeur :

(5) The employer shall, on completion of the investigation into the work place violence,

a) conserve un dossier de celui‑ci;

(a) keep a record of the report from the competent person;

b) transmet le dossier au comité local ou au représentant, pourvu que les renseignements y figurant ne fassent pas l’objet d’une interdiction légale de communication ni ne soient susceptibles de révéler l’identité de personnes sans leur consentement;

(b) provide the work place committee or the health and safety representative, as the case may be, with the report of the competent person, providing information whose disclosure is not prohibited by law and that would not reveal the identity of persons involved without their consent; and

c) met en place ou adapte, selon le cas, les mécanismes de contrôle visés au paragraphe 20.6(1) pour éviter que la violence dans le lieu de travail ne se répète.

(c) adapt or implement, as the case may be, controls referred to in subsection 20.6(1) to prevent a recurrence of the work place violence.

 

(6) Les paragraphes (3) à (5) ne s’appliquent pas dans les cas suivants :

(6) Subsections (3) to (5) do not apply if

a) la violence dans le lieu de travail est attribuable à une personne autre qu’un employé;

(a) the work place violence was caused by a person other than an employee;

b) il est raisonnable de considérer que, pour la victime, le fait de prendre part à la situation de violence dans le lieu de travail est une condition normale de son emploi;

(b) it is reasonable to consider that engaging in the violent situation is a normal condition of employment; and

c) l’employeur a mis en place une procédure et des mécanismes de contrôle efficaces et sollicité le concours des employés pour faire face à la violence dans le lieu de travail.

(c) the employer has effective procedures and controls in place, involving employees to address work place violence.

[79] La CAF a confirmé que la violence dans le lieu de travail peut inclure le harcèlement. Toutefois, cela ne signifie pas que chaque allégation de harcèlement satisfait nécessairement à la définition de violence dans le lieu de travail aux termes de la partie XX du Règlement :

[22] Comme il a été mentionné précédemment, la question au cœur de la présente affaire consiste à savoir si l’agent d’appel a pris une décision raisonnable en concluant que les employeurs pouvaient filtrer les plaintes et écarter celles qui, selon eux, n’étaient pas liées à une situation de violence dans le lieu de travail. En fait, il n’y a pas eu de litige devant notre Cour ni devant le tribunal de première instance sur le fait que la violence peut comprendre le harcèlement, et qu’il est raisonnable de s’attendre à ce que le harcèlement psychologique cause un dommage ou une maladie dans certaines circonstances. Par contre, l’avocat de l’intimée a convenu pendant l’audience qu’une personne compétente pouvait raisonnablement conclure que les agissements, le comportement ou les gestes dont l’employé s’est plaint n’étaient pas suffisamment graves pour correspondre à la définition de violence dans le lieu de travail au sens de l’article 20.2 du Règlement. La seule question qu’il reste à trancher consiste donc à savoir si l’employeur pouvait lui‑même conclure que la plainte de l’employé n’a pas créé l’obligation de nommer une personne compétente pour faire enquête.

(caractères gras ajoutés)

[80] La CAF a aussi noté qu’une situation peut devenir confuse lorsqu’un employé n’invoque pas explicitement la partie XX du Règlement, du moins au tout début du processus. Toutefois, une telle caractérisation n’est pas une condition essentielle :

[24] Une partie de la confusion dans la présente affaire peut venir du fait que l’employé, dans sa plainte initiale, n’a pas expressément associé ses allégations à la violence dans le lieu de travail. Ceci pourrait facilement expliquer pourquoi l’employeur a chargé un de ses directeurs régionaux d’entreprendre une démarche de « recherche des faits » au sujet de la « plainte de harcèlement ». Toutefois, et comme l’a noté l’agent d’appel, une telle caractérisation par l’employé n’est pas concluante et ne peut servir à écarter la possibilité que le comportement allégué constitue de la violence dans le lieu de travail. Ceci est particulièrement vrai lorsque l’employé, comme ce fut le cas ici, avise subséquemment son employeur (à la suite de l’annulation d’une rencontre de discussion sur l’éventuelle résolution de sa plainte) qu’il va déposer une plainte au titre de la partie XX du Règlement, ce qu’il a fait le 9 février 2012.

(caractères gras ajoutés)

[81] La CAF a ensuite examiné si un employeur était obligé de procéder à une enquête pour chaque allégation de harcèlement. La CAF a conclu qu’une telle obligation n’est pas absolue, mais que le fardeau incombant à l’employé qui soulève une allégation de harcèlement devrait être très bas :

[31] Le Règlement a manifestement pour objectif de prévenir les accidents et les préjudices à la santé dans les lieux de travail et de protéger les employés victimes de violence dans le lieu de travail, quelle qu’en soit la forme. La nomination d’une personne compétente, c’est‑à‑dire une personne qui est impartiale et qui est considérée comme telle par les parties, est une mesure de sauvegarde importante pour assurer la réalisation de cet objectif. Tout comme l’intimée, je crois que le fait de permettre aux employeurs de mener leurs propres enquêtes à la suite de plaintes de violence dans le lieu de travail et d’établir eux‑mêmes si ces plaintes méritent ou non de faire l’objet d’une enquête par une personne compétente tournerait en dérision le régime réglementaire et aurait pour effet d’invalider le droit de l’employé à une enquête impartiale sur sa plainte en vue de prévenir d’autres incidents violents.

[32] Cette interprétation du Règlement est étayée par le Guide de prévention de la violence dans le lieu de travail publié par Ressources humaines et Développement des compétences Canada à la suite de l’adoption de la partie XX du Règlement (dossier d’appel, p. 238). Quoiqu’il ne lie pas la Cour, il est néanmoins utile en ce qu’il a été conçu pour aider les employeurs à appliquer le Règlement. Il indique clairement (à la page 20) qu’« il faut qu’une enquête officielle par une « personne compétente » ait lieu, si l’employeur s’avère incapable de résoudre la situation à la satisfaction des employés concernés ».

[33] Cela étant dit, je suis d’accord avec l’agent d’appel lorsqu’il dit que le Règlement ne peut avoir eu comme objectif d’obliger les employeurs à nommer une personne compétente pour faire enquête sur chaque plainte dès que l’employé la désigne comme portant sur la violence dans le lieu de travail. Ceci banaliserait sans doute les droits et devoirs importants à la partie XX du Règlement. En fait, je ne crois pas que l’avocat de l’intimée aille si loin. Même si le Règlement n’accorde pas expressément aux employeurs le pouvoir de mener leurs propres enquêtes avant de nommer une « personne compétente », ceux‑ci peuvent certainement passer en revue une plainte en vue d’établir si, à première vue, elle correspond à la définition de violence dans le lieu de travail au titre de l’article 20.2 du Règlement.

[34] Je suis d’accord avec le juge de première instance que le seuil devrait être très bas, et qu’un employeur a le devoir de nommer une personne compétente pour faire enquête sur la plainte si la question est non résolue, à moins qu’il soit évident que les allégations ne portent pas sur la violence dans le lieu de travail, même en admettant qu’elles soient vraies. L’employeur a très peu de pouvoir discrétionnaire à cet égard. Si l’employeur choisit de procéder à un examen préliminaire de la plainte (ou à ce qu’il appelle la recherche des faits), ce processus devra alors s’opérer dans ce cadre serré et avec pour but de résoudre la question avec le plaignant de façon informelle. Toute enquête en bonne et due forme doit être laissée à une personne compétente choisie par les deux parties et possédant des connaissances, une formation et de l’expérience dans le domaine.

[35] En l’espèce, il n’est pas évident que les faits, tels qu’ils sont rapportés, n’équivalent pas à de la violence dans le lieu de travail. La plainte n’était pas manifestement vexatoire ou frivole, et il ne revenait pas à l’employeur de décider si tôt, sans même rencontrer l’employé, si le comportement particulier allégué était suffisamment grave dans les circonstances pour constituer de la violence dans le lieu de travail. Seule une personne compétente qui comprend toutes les circonstances après avoir fait l’enquête visée au paragraphe 20.9(3) peut tirer une telle conclusion.

(caractères gras ajoutés)

[82] L’absence du terme « harcèlement » dans la partie II du Code et la partie XX du Règlement n’empêche donc pas une plainte de harcèlement de constituer, selon les circonstances, un processus régi par la partie II du Code.

E. L’analyse de la plainte de Mme Roy

[83] En conformité avec Paquet 691, nous passons maintenant à l’analyse en trois étapes de la plainte de Mme Roy.

1. TELUS a‑t‑elle imposé à Mme Roy des mesures disciplinaires?

[84] TELUS a congédié Mme Roy. Son congédiement a eu lieu le 7 juin 2013, à peine deux jours après le dépôt de sa plainte en vertu de la Politique sur le respect en milieu de travail. Il n’est pas contesté que TELUS a imposé des mesures disciplinaires.

2. Mme Roy prenait‑elle part à un processus régi par la partie II?

[85] Le Conseil doit considérer dans chaque cas d’espèce si une plainte de harcèlement constitue un processus régi par la partie II du Code.

[86] Dans chaque affaire, il serait important que le plaignant indique dans son acte de procédure comment il était engagé dans un processus régi par la partie II du Code. C’est ce qu’a fait Mme Roy dans sa plainte. Dans la plupart des causes, surtout à la lumière des décisions récentes de la CF et la CAF, il sera probablement évident que le processus en question est lié à la partie XX du Règlement.

[87] En l’espèce, Mme Roy n’invoque pas le harcèlement lié à une distinction illicite, telle que cette notion est définie dans la LCDP. Le harcèlement dénoncé par Mme Roy et décrit dans sa plainte est plutôt comparable à un harcèlement psychologique, comme ce terme est défini dans la LNT du Québec, supra. TELUS a noté dans sa réplique que l’arbitre Bernatchez a fait référence au harcèlement psychologique dans sa sentence arbitrale.

[88] Étant donné les décisions dans APFC 1 et AFPC 2, et le contenu de la plainte de Mme Roy, le Conseil accepte que cette dernière était engagée dans un processus régi par la partie II du Code. Sa plainte mentionne, tel que cité ci‑dessus, les effets sur sa santé découlant du prétendu harcèlement. Aux fins de cette décision, Mme Roy a répondu à la deuxième exigence de l’analyse.

[89] TELUS soulève le fait que Mme Roy n’a jamais fait référence à la partie XX du Règlement.

[90] Le fait que Mme Roy n’a fait aucune référence explicite à la partie XX du Règlement n’est pas déterminant. Le Conseil note que tant la CF que la CAF ont indiqué qu’un employeur avait certaines obligations dès la réception d’une plainte. Le défaut de faire enquête sur une plainte ne peut étayer une défense voulant que l’employé n’ait pas été assez explicite pour bénéficier des protections de la partie XX du Règlement.

[91] La CAF a noté explicitement que l’absence d’une caractérisation de violence n’est pas concluante et que le fardeau qui incombe à un employé dans une telle situation est assez bas.

[92] Dans les causes futures, il sera nécessaire que le Conseil continue d’évaluer, avec l’aide des parties, de quelle manière il convient d’identifier les plaintes de harcèlement qui peuvent satisfaire aux exigences de la partie XX du Règlement. Contrairement à la situation au Québec et à celle en Ontario, le législateur fédéral n’a pas fourni au Conseil les mêmes précisions à ce sujet.

3. Existe‑t‑il un lien entre un processus régi par la partie II et le congédiement de Mme Roy?

[93] À première vue, le dépôt d’une plainte de harcèlement suivi d’un congédiement deux jours plus tard soulève des préoccupations. Toutefois, le Conseil doit examiner le contexte dans chaque affaire afin de décider si un plaignant s’est acquitté de son fardeau de la preuve.

[94] Dans Aker, 2009 CCRI 474, le Conseil a effectué cet examen du contexte :

[38] M. Aker n’a pas convaincu le Conseil que son congédiement par UPS le 4 décembre 2008 était une mesure de représailles parce qu’il avait tenté de faire appliquer la protection que prévoit la partie II du Code. Le simple fait que les questions de sécurité aient été soulevées en même temps qu’a eu lieu la prétendue conduite inappropriée n’empêche pas un employeur d’évaluer s’il doit maintenir en poste l’employé.

[39] Par exemple, s’il y a du harcèlement ou des conflits en milieu de travail, il n’est pas interdit à l’employeur d’imposer des mesures disciplinaires simplement parce qu’il se pourrait que la partie II du Code soit en cause. Cependant, pour les employeurs relevant de la compétence fédérale comme UPS, l’article 240 du Code permet à l’employé qui n’est pas assujetti à une convention collective de demander que son employeur prouve devant un arbitre indépendant qu’il avait des motifs valables de le congédier.

[40] Pourquoi M. Aker n’a‑t‑il pas convaincu le Conseil que UPS avait contrevenu à l’article 147 du Code?

[41] Il est clair que, durant une période de temps considérable, il y avait des conflits en milieu de travail entre M. Aker et M. F. Le dossier personnel de M. Aker contient une quantité considérable de renseignements à propos des incidents entre ces personnes. Des mesures disciplinaires ont été prises par le passé à la suite de certains de ces incidents.

[42] UPS a prouvé à la satisfaction du Conseil que, pendant un certain nombre d’années, elle a tenté de régler les conflits entre M. Aker et M. F. M. Aker n’a pas nié qu’un bon nombre d’incidents avaient été documentés. Cependant, il est clair qu’il ne souscrit pas à la version des faits de UPS à l’égard de tous les incidents passés.

[43] UPS aurait peut‑être eu plus de difficulté à convaincre le Conseil si l’incident du 18 novembre 2008 avait été un incident isolé qui avait immédiatement mené au congédiement de M. Aker. Cependant, le Conseil ne peut faire fi du contexte important, soit la situation entre M. Aker et M. F, sur lequel s’appuie UPS.

[44] Le Conseil ne détermine pas si UPS avait ou non des motifs valables de congédier M. Aker. L’arbitre se penchera sur cette question. Cependant, le Conseil accepte que UPS a congédié M. Aker en raison de ses altercations passées avec M. F en milieu de travail. Elle a pris des mesures identiques en ce qui concerne M. F. Par conséquent, M. Aker n’a pas été congédié parce qu’il invoquait les droits que lui garantit la partie II du Code et le congédiement ne constituait pas une violation de l’article 147.

[95] En l’espèce, le Conseil est convaincu que le congédiement de Mme Roy est survenu à la fin d’une période durant laquelle ont été prises des mesures disciplinaires progressives relatives à son rendement au travail. Le 31 janvier 2013, une rencontre impliquant le gestionnaire de Mme Roy, des représentants des relations de travail de TELUS ainsi que Mme Roy et ses représentants syndicaux a eu lieu à propos du rôle de superviseur de Mme Roy et de son assiduité au travail.

[96] Selon les observations supplémentaires de TELUS en date du 19 février 2016, une offre d’indemnité de départ a été communiquée à Mme Roy le 31 janvier 2013.

[97] Le 31 mai 2013, TELUS a rencontré Mme Roy à nouveau afin de lui signifier son retrait permanent du poste de superviseur. Selon les observations supplémentaires de TELUS, Mme Roy s’est vu offrir deux options : soit une rétrogradation, soit un départ de l’entreprise. Un refus de choisir l’une ou l’autre de ces options mènerait à un congédiement.

[98] Mme Roy a commencé un congé de maladie le 2 juin. TELUS l’a congédiée le 7 juin 2013. Un arbitre a déjà rendu une sentence arbitrale dans laquelle il n’a pas maintenu le grief contestant le congédiement de Mme Roy. Le syndicat de Mme Roy conteste cette conclusion de l’arbitre devant les tribunaux.

[99] Le Conseil n’exprime aucune opinion quant à la question de savoir si TELUS avait une cause juste et suffisante pour congédier Mme Roy. Il ne revient pas au Conseil de faire une telle analyse. Cette évaluation a été effectuée par l’arbitre de griefs qui a examiné les trois griefs de Mme Roy.

[100] Quoi qu’il en soit, en tenant compte de ce contexte, le Conseil n’a pas été persuadé par Mme Roy que sa plainte de harcèlement était, en tout ou en partie, un facteur qui a motivé TELUS à la congédier le 7 juin 2013.

[101] Le contexte indique plutôt que le congédiement était déjà un fait accompli après que Mme Roy n’ait choisi aucune des deux options offertes. Le congédiement est, de plus, arrivé à la fin d’une longue période de mesures disciplinaires progressives.

[102] La plainte de harcèlement n’a donc eu aucun impact sur la décision de TELUS de procéder au congédiement de Mme Roy.

[103] Pour ces motifs, le Conseil rejette cette plainte.


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