Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Association professionnelle des agents de bord de WestJet,

requérante,

et

WestJet, an Alberta Partnership,

intimée.

Dossier du Conseil : 31510-C

Référence neutre : 2016 CCRI 813

Le 4 mars 2016

Le Conseil canadien des relations industrielles (Conseil) était composé de Me Graham J. Clarke, Vice‑président, ainsi que de Me Richard Brabander et M. Daniel Charbonneau, Membres.

L’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (Code) prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour rendre la présente décision sans tenir d’audience.

Procureurs inscrits au dossier

Me Jesse Kugler, pour l’Association professionnelle des agents de bord de WestJet;

Me Joyce A. Mitchell, pour WestJet, an Alberta Partnership.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke, Vice-président.

I. Nature de la demande

[1] Le 28 janvier 2016, le Conseil a reçu une demande de l’Association professionnelle des agents de bord de WestJet (WPFAA) afin qu’il rende une ordonnance de réintégration provisoire en vertu de l’article 19.1 du Code :

19.1 Dans le cadre de toute affaire dont il connaît, le Conseil peut, sur demande d’un syndicat, d’un employeur ou d’un employé concerné, rendre les ordonnances provisoires qu’il juge indiquées afin d’assurer la réalisation des objectifs de la présente partie.

[2] Une plainte connexe de pratique déloyale de travail (PDT) visait à contester le congédiement par WestJet, an Alberta Partnership (WestJet) de M. Daniel Kufuor‑Boakye, agent de bord, pendant la campagne de syndicalisation en cours (dossier du Conseil no 31511‑C). M. Kufuor‑Boakye est un membre fondateur de la WPFAA et en est le trésorier.

[3] La présente décision concerne seulement la demande visant à ce que le Conseil réintègre provisoirement M. Kufuor‑Boakye dans ses fonctions, en attendant que soit rendue une décision définitive sur le fond de la PDT. Un autre banc examinera cette plainte de PDT.

[4] Pour les motifs qui suivent, le Conseil a décidé de ne pas rendre d’ordonnance provisoire en l’espèce.

II. Faits allégués

A. Documents de la WPFAA

[5] M. Kufuor‑Boakye est un agent de bord de WestJet qui a accumulé 15 années de service et qui travaille depuis Calgary. Il n’avait pas de dossier disciplinaire avant d’être congédié. La WPFAA a allégué que WestJet a congédié M. Kufuor‑Boakye, en tout ou en partie, en raison des activités syndicales auxquelles il se livrait.

[6] Dans son affidavit, M. Kufuor‑Boakye a décrit les diverses activités qu’il a menées pour promouvoir les efforts de la WPFAA visant à obtenir l’accréditation à titre d’agent négociateur. Il a allégué que WestJet s’était fondée sur de fausses allégations lorsqu’elle avait conclu qu’il était responsable de la publication sur Internet de cinq vidéos qui présentaient la ligne aérienne sous un jour défavorable.

[7] M. Kufuor‑Boakye a déclaré qu’après avoir reçu une plainte, WestJet a entrepris une enquête sur le rôle qu’il avait joué dans la publication de ces vidéos sur Internet. WestJet a établi qu’il serait en congé payé pendant la durée de l’enquête. Au cours d’une réunion tenue par la suite dans le cadre de l’enquête, M. Kufuor‑Boakye a reconnu avoir visionné une des vidéos en ligne, sur le site Web « Caption Generator ».

[8] Le site Web « Caption Generator » permet à l’utilisateur d’insérer des sous‑titres sur des séquences vidéos. M. Kufuor‑Boakye a reconnu avoir vu une vidéo dans laquelle des sous‑titres avaient été insérés sur un film d’Adolf Hitler. M. Kufuor‑Boakye a déclaré que différentes personnes avaient passé du temps chez lui et avaient eu accès à son Wi‑Fi.

[9] Le 15 janvier 2016, WestJet a congédié M. Kufuor‑Boakye pour motif valable.

[10] La WPFAA a allégué que WestJet soupçonnait qu’un de ses membres était à l’origine de ces vidéos et qu’elle a prétexté cette possibilité pour mener une enquête exhaustive dans le but de recueillir des preuves qui lui permettraient de prendre des mesures disciplinaires contre un organisateur. La WPFAA a soutenu que le congédiement de M. Kufuor‑Boakye nuit à sa campagne de syndicalisation. Elle a donc demandé au Conseil de réintégrer M. Kufuor‑Boakye dans ses fonctions en attendant qu’une décision définitive soit rendue à l’égard de la plainte de PDT.

[11] La WPFAA a fait valoir un argument subsidiaire, comme elle a le droit de le faire sans préjudice, selon lequel les vidéos étaient protégées en vertu des dispositions de la Charte sur la liberté d’expression et la liberté d’association.

B. Documents de WestJet

[12] Westjet a allégué qu’en juillet 2015, elle avait appris l’existence de six vidéos en ligne qui, à son avis, étaient diffamatoires. Sur plusieurs de ces vidéos, des films d’Hitler ou de la Corée du Nord étaient utilisés comme toile de fond pour des sous‑titres qui avaient été ajoutés.

[13] WestJet a entrepris, au Canada et aux États‑Unis, d’importantes procédures judiciaires qui, selon ce qu’elle soutient, ont finalement permis d’identifier la personne qui avait publié les vidéos sur le site Web « Caption Generator ». WestJet a affirmé que les éléments de preuve qu’elle avait obtenus révélaient l’adresse IP à partir de laquelle les vidéos avaient été publiées, ainsi que l’heure et la date de chaque publication.

[14] Cette adresse IP aurait appartenu à « M. Daniel Kufuor » et était associée à l’adresse domiciliaire de M. Kufuor‑Boakye. Ce n’est que le ou vers le 23 décembre 2015 que WestJet a obtenu cette information précise permettant d’identifier M. Kufuor‑Boakye.

[15] WestJet a montré les vidéos à M. Kufuor‑Boakye au cours de l’enquête qui a suivi, et elle a allégué qu’il n’avait pas pu expliquer comment celles‑ci avaient pu être publiées à partir de son adresse IP. WestJet a également affirmé que son enquête avait démontré que ni l’épouse de Daniel Kufuor ni aucune autre personne n’avait pu publier les vidéos. M. Kufuor‑Boakye n’avait apparemment travaillé comme agent de bord à aucune des dates auxquelles les vidéos avaient été publiées.

[16] WestJet a conclu, malgré les démentis de M. Kufuor‑Boakye, que ce dernier avait publié les vidéos. En conséquence, elle a décidé de le congédier pour motif valable.

[17] WestJet n’a pas nié qu’elle était au courant du profond engagement de M. Kufuor‑Boakye auprès de la WPFAA. Elle a toutefois affirmé n’avoir appris que M. Kufuor‑Boakye était mêlé à la publication des vidéos que vers la fin de son enquête.

III. Ordonnances provisoires

[18] La demande d’ordonnance provisoire de la WPFAA ainsi que la plainte de PDT sont assujetties à la procédure expéditive du Conseil, telle que celle‑ci est établie à l’article 14 du Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles (Règlement).

[19] L’article 19.1 du Code confère au Conseil un pouvoir discrétionnaire très vaste pour rendre des ordonnances provisoires, et ce pouvoir discrétionnaire doit être exercé en fonction des objectifs de la partie I du Code :

19.1 Dans le cadre de toute affaire dont il connaît, le Conseil peut, sur demande d’un syndicat, d’un employeur ou d’un employé concerné, rendre les ordonnances provisoires qu’il juge indiquées afin d’assurer la réalisation des objectifs de la présente partie.

[20] Comme il est expliqué dans Transpro Freight Systems ltée, 2008 CCRI 422 (Transpro 422), le Code n’impose pas au Conseil le même type de cadre analytique que celui qui doit être observé, par exemple, par la Commission des relations de travail de l’Ontario, sous son régime législatif :

[41] Contrairement à l’article 98 de la Loi de 1995 sur les relations de travail de l’Ontario, qui fournit beaucoup de directives à la Commission des relations de travail de l’Ontario sur la manière dont elle peut rendre une ordonnance provisoire et le moment où elle autorisée à le faire, le Code confère plutôt au Conseil le vaste pouvoir discrétionnaire énoncé à l’article 19.1.

[21] Les objectifs du Code passent avant tout, lors de l’examen d’une demande d’ordonnance provisoire. Dans Transpro 422, le Conseil s’est penché sur certains des principaux objectifs de la partie I :

[42] Quels sont les « objectifs » de la partie I du Code au sens où ce terme est utilisé à l’article 19.1?

[43] Le préambule du Code aide à cerner certains des objectifs qui sous‑tendent la partie I, comme l’encouragement de la pratique des libres négociations collectives et la liberté d’association :

Attendu : qu’il est depuis longtemps dans la tradition canadienne que la législation et la politique du travail soient conçues de façon à favoriser le bien‑être de tous par l’encouragement de la pratique des libres négociations collectives et du règlement positif des différends;

que les travailleurs, syndicats et employeurs du Canada reconnaissent et soutiennent que la liberté syndicale et la pratique des libres négociations collectives sont les fondements de relations du travail fructueuses permettant d’établir de bonnes conditions de travail et de saines relations entre travailleurs et employeurs;

que le gouvernement du Canada a ratifié la Convention no 87 de l’Organisation internationale du travail concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical et qu’il s’est engagé à cet égard à présenter des rapports à cette organisation;

que le Parlement du Canada désire continuer et accentuer son appui aux efforts conjugués des travailleurs et du patronat pour établir de bonnes relations et des méthodes de règlement positif des différends, et qu’il estime que l’établissement de bonnes relations du travail sert l’intérêt véritable du Canada en assurant à tous une juste part des fruits du progrès,

Sa Majesté, sur l’avis et avec le consentement du Sénat et de la Chambre des communes du Canada, édicte...

[44] L’article 8 du Code confirme la liberté fondamentale de tous les employés d’adhérer à un syndicat. Les employeurs jouissent d’un droit semblable d’adhérer à une organisation patronale :

8 (1) L’employé est libre d’adhérer au syndicat de son choix et de participer à ses activités licites.

(2) L’employeur est libre d’adhérer à l’organisation patronale de son choix et de participer à ses activités licites.

[45] Même si le Code encourage la pratique des libres négociations collectives et la liberté d’association, il exige également qu’un syndicat jouisse de l’appui de la majorité au sein d’une unité habile à négocier collectivement pour jouir des droits et des privilèges que le Code confère à un agent négociateur accrédité :

28 Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le Conseil doit accréditer un syndicat lorsque les conditions suivantes sont remplies :

a) il a été saisi par le syndicat d’une demande d’accréditation;

b) il a défini l’unité de négociation habile à négocier collectivement;

c) il est convaincu qu’à la date du dépôt de la demande, ou à celle qu’il estime indiquée, la majorité des employés de l’unité désiraient que le syndicat les représente à titre d’agent négociateur.

[46] Un employeur n’est pas tenu au silence au cours d’une campagne de recrutement et peut exprimer un point de vue personnel. Cependant, le Code a également pour objectif clair d’empêcher les employeurs de recourir à la coercition, à l’intimidation, à la menace, de faire des promesses ou d’user indûment de leur influence lorsque les employés songent à se prévaloir des libertés fondamentales qui sont énoncées à l’article 8. L’alinéa 94(2)c) reconnaît la liberté d’expression limitée de l’employeur, mais il en souligne également les limites :

94 (2) Ne constitue pas une violation du paragraphe (1) le seul fait pour l’employeur :

...

c) soit d’exprimer son point de vue, pourvu qu’il n’ait pas indûment usé de son influence, fait des promesses ou recouru à la coercition, à l’intimidation ou à la menace.

[47] Les nombreuses pratiques déloyales de travail énoncées à l’article 94 et les pouvoirs de redressement du Conseil prévus aux articles 99 et 99.1 ont pour but d’appuyer un objectif clé du Code, à savoir que les employeurs ne peuvent pénaliser les employés, sous forme par exemple d’un congédiement, d’une mise à pied, d’une mesure disciplinaire ou d’une autre forme d’intimidation, parce qu’ils examinent et exercent leurs libertés fondamentales en vertu du Code.

[48] Le Conseil n’a pas mis au point de critère définitif aux fins d’une demande présentée aux termes de l’article 19.1. Il doit faire preuve d’une grande prudence dans l’exercice de son pouvoir de rendre des ordonnances provisoires. Il sait bien que, lorsque les faits pertinents sont contestés, rendre une ordonnance pourrait avoir comme conséquence non souhaitée de conférer un privilège ou un avantage à une partie. Chaque partie a fait valoir que rendre une ordonnance, ou refuser de le faire, donnerait à l’autre partie un avantage injuste.

[49] De l’avis du Conseil, se garder de rendre une ordonnance provisoire lorsque celle‑ci serait justifiée porte préjudice à une partie, qui se retrouve alors dans une situation inéquitable, en attendant qu’une audience soit tenue et qu’une décision sur le bien‑fondé de l’affaire soit rendue.

[22] Dans Transpro 422, le Conseil a rendu une ordonnance provisoire en conséquence de l’intimidation et des menaces d’un employeur à l’endroit des organisateurs d’un syndicat.

[23] Dans un autre contexte, dans l’affaire Seaspan International ltée, 2010 CCRI 513 (Seaspan 513), le Conseil a également rendu une ordonnance provisoire, dans une situation où les actions d’un employeur menaçaient de rompre l’équilibre entre deux agents négociateurs rivaux pendant une période critique sous le régime du Code.

[24] Dans 3329003 Canada inc. et Trentway‑Wagar inc., 2010 CCRI 493 (Trentway‑Wagar 493), le Conseil a rendu une ordonnance provisoire dans une situation où un syndicat et un employeur avaient conjointement fait fi d’une ordonnance d’accréditation délivrée à un autre syndicat.

[25] En revanche, dans d’autres situations, le Conseil a refusé de rendre des ordonnances provisoires. Dans Canadian Freightways, une division de TFI Transport 7 L.P., 2014 CCRI 722 (Canadian Freightways 722), l’agent négociateur accrédité avait demandé au Conseil d’ordonner à l’employeur de rappeler au travail des employés mis à pied. Les mises à pied contestées faisaient également l’objet de plaintes de PDT ainsi que d’un grief, dont avaient été respectivement saisis le Conseil et un arbitre de griefs.

[26] Étant donné les objectifs du Code, le Conseil avait décidé de ne pas rendre d’ordonnance provisoire dans cette affaire :

[24] Bien que le Conseil ait rendu une ordonnance provisoire dans Transpro 422, précitée, et Trentway 493, précitée, ces décisions contiennent aussi une mise en garde selon laquelle une ordonnance provisoire ne doit pas être rendue si elle donne un avantage à une partie au détriment de l’autre.

[25] En l’espèce, le Conseil est convaincu que la réalisation des objectifs du Code est déjà assurée grâce à une combinaison de griefs présentés aux termes de la convention collective – une procédure également régie par la partie I du Code – et grâce aux audiences à venir concernant l’ensemble des allégations du SEPB.

[26] De l’avis du Conseil, ces procédures, qui pourraient donner lieu à d’importantes ordonnances de redressement, suffisent pour assurer la réalisation des objectifs de la partie I du Code. En outre, le nombre d’employés touchés par les mesures contestées représente un pourcentage relativement faible des employés de l’unité de négociation.

[27] Le Conseil tiendra compte de ces précédents dans son analyse de la présente demande.

IV. Analyse et décision

[28] Les principes juridiques applicables aux plaintes de PDT sont bien connus.

[29] Il n’existe aucune présomption selon laquelle le congédiement d’un représentant syndical, que ce soit durant la campagne de syndicalisation ou après l’accréditation, justifie automatiquement une ordonnance de réintégration provisoire. Des mesures disciplinaires peuvent être prises contre n’importe quel employé, y compris un représentant syndical, comme le Conseil l’a mentionné dans Plante, 2011 CCRI 582 (Plante 582) :

[45] Le Conseil accepte la référence faite par TWI au résumé de la pratique générale s’appliquant à ce genre de plainte de PDT, résumé que L’honorable M. George Adams a présenté dans Canadian Labour Law, 2e édition, vol. 2, Aurora, Canada Law Book, 2010 :

10.130 Les dispositions législatives canadiennes qui interdisent de congédier ou de traiter d’autre manière discriminatoire un employé « à cause » ou « en raison » de ses activités syndicales légitimes ont été interprétées par les tribunaux comme exigeant un examen pour vérifier si « l’adhésion à un syndicat a joué un rôle dans la décision de l’employeur de congédier l’employé, que ce soit comme motif principal ou secondaire, ou encore comme l’une de plusieurs raisons, sans égard à leur importance respective ». Il n’est pas nécessaire que le motif répréhensible constitue le motif déterminant. Comme l’employeur n’avouera vraisemblablement pas son sentiment antisyndical, les tribunaux administratifs doivent s’en remettre à la preuve circonstancielle pour tirer des conclusions sur les motifs de l’employeur. Ces considérations peuvent inclure des éléments de preuve relatifs à la manière dont le congédiement a été fait ou à la crédibilité des témoins ainsi qu’à « l’existence d’une activité syndicale et la connaissance qu’il en avait, une conduite inhabituelle ou atypique de sa part découlant de sa connaissance de cette activité syndicale, une conduite antisyndicale antérieure et toutes les autres anomalies” », notamment une disproportion entre la mesure disciplinaire imposée et la faute alléguée.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[46] Le Conseil a examiné la preuve circonstancielle en l’espèce et a tiré des conclusions sur la question de savoir si les activités syndicales de M. Plante avaient joué un rôle dans la décision de TWI. Le Conseil accepte la proposition de TWI selon laquelle la participation d’un employé à des activités syndicales n’empêche pas que cet employé soit tenu responsable des conséquences de son comportement :

Même s’il est clair que M. Sandhu prenait part à des activités syndicales, à la connaissance de l’employeur, ces activités syndicales ne protégeaient pas M. Sandhu contre un congédiement ou une mesure disciplinaire, si l’employeur pouvait démontrer que sa décision n’était pas motivée par un sentiment antisyndical. En effet, les employés ne peuvent recourir aux dispositions sur les pratiques déloyales de travail prévues dans le Code pour se protéger contre des mesures disciplinaires qui résultent de leur propre mauvaise conduite...

(D.H.L. International Express Ltd. (1995), 99 di 126; et 28 CLRBR (2d) 297 (CCRT no 1147), pages 132; et 303‑304)

[30] Toutefois, le Conseil a affirmé clairement, dans un très grand nombre de décisions, que les mesures disciplinaires prises par un employeur ne peuvent découler, en tout ou en partie, des activités syndicales menées par un représentant.

[31] Dans Plante 582, le Conseil a réintégré M. Plante dans ses fonctions après avoir conclu que les activités syndicales de ce dernier étaient l’un des facteurs qui avaient mené à la décision de le congédier :

[76] Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que TWI ne s’est pas déchargée du fardeau de la preuve qui lui était imposé par le paragraphe 98(4) du Code. TWI n’a pas su démontrer que les mesures disciplinaires qu’elle avait imposées à M. Plante n’étaient aucunement influencées par le fait que M. Plante était un membre actif du CSN et un de ses dirigeants.

[77] Vu l’empressement de TWI à congédier M. Plante, et ce, même s’il ne s’était pas comporté de façon irréprochable, le Conseil doit conclure que la participation de M. Plante aux activités du CSN a joué un rôle dans la décision de le congédier.

[78] Le Conseil ordonne donc à TWI de réintégrer M. Plante dans son poste dans les 10 jours suivant la réception de la présente décision.

[32] Dans Autocars Acadien, société en commandite, 2012 CCRI 654 (Acadian Coach Lines 654), le Conseil a réintégré dans ses fonctions un président syndical qui avait été congédié, car la manière dont ce dernier avait exécuté ses activités syndicales légitimes avait été un facteur ayant mené à son congédiement :

[106] Acadien a insisté pour que M. Carr exerce ses fonctions conformément au processus de l’entreprise. M. Carr n’acceptait pas ce processus et a refusé de le suivre, ce qui lui a valu de recevoir des avertissements et de faire l’objet d’une mesure disciplinaire. Cependant, à moins que les activités syndicales de M. Carr n’aient franchi la limite des activités protégées décrite plus haut, la décision d’Acadien de lui imposer une mesure disciplinaire pour ces activités contrevenait au Code.

...

[109] Acadien a aussi désapprouvé d’autres activités syndicales de M. Carr, par exemple son intervention auprès de la CESP et les lettres qu’il a écrites à M. Bigeault. En effet, la dernière lettre que M. Carr a envoyée à M. Bigeault le 13 octobre 2011, dans laquelle il critiquait l’équipe de négociation d’Acadien et demandait l’intervention d’une personne de l’extérieur pour aider dans les négociations, semble avoir été le dernier geste posé par M. Carr, du moins chronologiquement, avant son congédiement.

[110] La question ici n’est pas de savoir si M. Carr pouvait agir ainsi. En fait, il arrive souvent que les syndicats présentent des demandes à des organismes de l’extérieur relativement à des questions touchant leurs relations du travail. De même, depuis des dizaines d’années, on fait appel devant une tierce partie, comme cela s’est produit dans Samson, précitée, dans l’espoir de bénéficier d’un avantage sur le plan des négociations. Dans le cadre de certaines négociations, des employeurs aussi bien que des syndicats ont négocié assez ouvertement, notamment en publiant des annonces publicitaires dans les journaux et en utilisant des sites Web publics.

[111] Ces campagnes peuvent aussi comprendre des descriptions peu flatteuses de l’autre partie aux négociations.

[112] C’est à Acadien qu’il incombe de démontrer au Conseil que ces gestes par ailleurs normaux ont perdu la protection du Code. Selon la jurisprudence, Acadien n’a pas réussi à s’acquitter de ce fardeau.

[33] Dans Trentway‑Wagar 493, le Conseil a exposé ses préoccupations quant aux répercussions sur les parties de sa décision de délivrer ou non des ordonnances provisoires :

[27] Le Conseil se méfie du risque de rendre prématurément des ordonnances provisoires qui pourraient avoir pour effet involontaire de donner à une partie un privilège ou un avantage au détriment d’une autre. Cependant, se garder de rendre une ordonnance provisoire lorsque celle‑ci est justifiée peut facilement porter préjudice à une partie, qui se retrouve alors dans une situation inéquitable, en attendant qu’une audience soit tenue et qu’une décision sur le bien‑fondé de sa demande ou de sa plainte soit rendue.

[34] Selon le Conseil, les circonstances en l’espèce militent contre la délivrance d’une ordonnance provisoire.

[35] Seuls les témoignages de vive voix et les arguments des parties permettront au Conseil d’établir si l’enquête sur les vidéos a servi de prétexte, comme l’a donné à entendre la WPFAA.

[36] WestJet aura le fardeau de la preuve.

[37] Pour le moment, il y a impasse. La WPFAA a soutenu que M. Kufuor‑Boakye était un organisateur syndical bien connu, ce que WestJet ne conteste pas, et que WestJet avait entrepris les vastes démarches qu’elle a accomplies parce qu’elle espérait être à même de prendre des mesures disciplinaires contre un militant syndical ou de le congédier.

[38] Par contraste, WestJet a décrit les nombreuses mesures qu’elle a prises afin de découvrir qui avait publié les vidéos apparemment diffamatoires. Elle a allégué que la preuve démontrait que c’était M. Kufuor‑Boakye qui les avait publiées. Au cours de la réunion tenue dans le cadre de l’enquête, M. Kufuor‑Boakye a nié qu’il avait été mêlé à cette affaire, si ce n’est qu’il avait visionné une de ces vidéos en ligne.

[39] Cette situation, dans laquelle il y a des faits inconciliables – et qui rappelle les situations dans Plante 582 et dans Acadian Coach Lines 654 –, milite contre une réintégration provisoire et exige qu’une audience sur le fond de la plainte de PDT soit tenue selon la procédure expéditive.

[40] Le Conseil est bien conscient des répercussions que des mesures disciplinaires prises pour des motifs illégitimes peuvent avoir sur un syndicat, en particulier à l’étape de la syndicalisation. Le Conseil applique donc sa procédure expéditive à ces importantes plaintes de PDT, ce qui s’ajoute à l’inversion du fardeau de la preuve prévu dans ces situations, lequel incombe à l’employeur aux termes du paragraphe 98(4) du Code.

[41] Comme le démontrent les décisions Plante 582 et Acadian Coach Lines 654, le Conseil peut rendre des ordonnances de redressement d’une portée considérable à l’égard des représentants syndicaux pour remédier aux violations du Code commises par des employeurs. Dans les cas où les violations du Code se répètent, ces mesures de redressement peuvent être assez importantes : Intek Communications inc., 2013 CCRI 683.

[42] En l’espèce, la plainte de PDT doit être instruite sur le fond. À la lumière des faits actuels, le Conseil risquerait de préjuger de l’affaire s’il rendait une ordonnance de redressement provisoire dans la présente situation. Chacune des parties a avancé des arguments sérieux, qui ne pourront être départagés qu’au moyen d’une audience tenue selon la procédure expéditive.

[43] Pour les motifs ci-dessus, le Conseil refuse de rendre une ordonnance de réintégration provisoire.

[44] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

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