Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Giuliana Fumagalli,

plaignante,

et

Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes,

intimé,

et

Société canadienne des postes,

employeur.

Dossier du Conseil : 31330-C

Citation neutre : 2016 CCRI 808

Le 19 janvier 2016

Le Conseil canadien des relations industrielles (Conseil) était composé de Me Graham J. Clarke, Vice‑président, et de MM. André Lecavalier et Gaétan Ménard, Membres.

L’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (Code) prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour trancher la présente plainte sans tenir d’audience.

Représentants des parties au dossier

Mme Giuliana Fumagalli, en son propre nom;

M. Sylvain Lapointe, pour le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes;

Me Stéfanie Germain, pour la Société canadienne des postes.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke, Vice-président.

I. Nature de la plainte

[1] Le 26 octobre 2015, le Conseil a reçu de Mme Giuliana Fumagalli une plainte de manquement au devoir de représentation juste (DRJ), dans laquelle elle allègue que son syndicat, le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP), a enfreint l’article 37 du Code :

37. Il est interdit au syndicat, ainsi qu’à ses représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l’égard des employés de l’unité de négociation dans l’exercice des droits reconnus à ceux-ci par la convention collective.

[2] Le Conseil a par la suite demandé que Mme Fumagalli remplisse le formulaire de plainte de manquement au DRJ. Le 18 novembre 2015, Mme Fumagalli a fourni plusieurs documents à l’appui de sa plainte.

[3] Mme Fumagalli travaille pour la Société canadienne des postes (SCP). La présente plainte découle de la décision prise par la SCP de mettre fin à l’emploi de Mme Fumagalli parce que celle‑ci s’est absentée sans autorisation. Le STTP a par la suite négocié un protocole d’entente (PE), qui prévoyait que le congédiement de la plaignante serait remplacé par une suspension de trois mois.

[4] Mme Fumagalli a déposé une plainte claire et complète, qui a beaucoup aidé le Conseil tandis qu’il menait l’analyse de l’existence d’une cause prima facie à laquelle il procède dans toutes les affaires de manquement au DRJ (voir ci‑dessous).

[5] Pour les motifs exposés ci-après, le Conseil a décidé de rejeter la plainte de Mme Fumagalli.

II. Faits

[6] Le Conseil se limitera à résumer brièvement les faits pertinents. Le dossier du Conseil, qui contient l’abondante documentation déposée par Mme Fumagalli, fournit le contexte dans lequel la présente décision a été rendue.

[7] Le 9 juillet 2015, Mme Fumagalli a demandé à la SCP un congé sans solde de quatre semaines pour la période allant du 19 juillet au 16 août 2015.

[8] Le 15 juillet 2015, la SCP a refusé la demande de congé de Mme Fumagalli pour les raisons suivantes :

Bonjour,

J’ai bien reçu ta demande et j’ai pris le temps avec Josée Pouliotte d’analyser mais il m’est malheureusement impossible d’accepter ta demande. Nous avons déjà refuser à quelques personnes les mêmes semaines pour les même raisons que je dois refuser ta demande. Cette période de l’année est de loin la plus achalander au niveau des vacances et nous sommes à pleine capacité déjà.

Je dois donc tenir compte de notre capacité de remplacement et du fait que pour être juste et équitable envers tous il m’est impossible d’accepter cette demande.

Je suis désolé pour les inconvénients.

Christian Tremblay

Gestionnaire MVAD, Retail Manager Montréal

(sic)

[9] À la suite du refus de la SCP, Mme Fumagalli a demandé au STTP, dans un courriel daté du 18 juillet 2015, de lui accorder un congé pour activités syndicales :

Bonjour à vous deux – Sandra et Alain

j’ai ajouté Marc -  comme tu es de la région

Voici ma lettre d’invitation – elle est en espagnol – dsl

donc libération syndicale sans solde

et pour ce qui est de la escuelita zapatista – c du 30-31 juillet et 1 aout et 8-9 pour la fête des caracoles zapatistes – c’est pour cela que je vais y être – on ne parle pas de cela à l’employeur –

je vais joindre ma lettre initiale lors de ma première participation chez les zapatistes qui explique et justifie ma participation à cette école. De plus, je vais aller aussi visiter une autre communauté autonome : Cheran – nous avons besoin de connaître d’autres modèles de développement, lutte et réussite.

(sic)

[10] Mme Fumagalli a allégué que des représentants du STTP lui ont dit de vive voix que le syndicat lui accorderait un congé pour activités syndicales. Compte tenu de cette information, elle s’est rendue au Mexique, comme prévu. Quelques heures avant de quitter le Canada, le 22 juillet 2015, elle a laissé un message vocal à son superviseur, tard en soirée, pour l’informer de son absence.

[11] Le 27 juillet 2015, la SCP a envoyé une lettre à Mme Fumagalli concernant son absence du travail non autorisée :

La présente fait suite à votre absence sans autorisation du travail à compter du 22 juillet 2015. En effet, malgré nos refus de vous accorder les divers congés demandés vous avez persisté et êtes absente du travail depuis le 22 juillet dernier.

Puisque vous êtes actuellement absente du travail il n’est pas requis de vous suspendre de vos fonctions. Veuillez donc prendre note que vous êtes considérée en absence non autorisée et sans salaire.

Nous menons actuellement une enquête sur les évènements et nous vous tiendrons au courant des développements de celle-ci.

Il est à noter que l’accès aux installations de Postes Canada vous est interdit et ce jusqu’à nouvel ordre.

Une copie de cet avis sera déposée à votre dossier personnel.

[12] Le lendemain, soit le 28 juillet 2015, Mme Fumagalli a écrit à un représentant du STTP et a expliqué sa situation :

J’ai demandé un congé sans solde au syndicat officieusement et de vive voix afin de participer à l’Escuelita. On m’a dit d’attendre et qu’on s’occuperait de ma demande après les élections à la section locale. J’ai perdu les élections et tout de suite après, comme par hasard, on m’a confié un poste de commis au guichet. Il m’est impossible d’obtenir un congé sans solde, ce qui était clair dès le départ, mais on m’avait dit de commencer par demander officiellement un congé à la SCP. C’est ce que j’ai fait, et j’ai joint les courriers électroniques. Sandra Delisle et Alain Laroche savaient que j’allais au Mexique pour aller à l’Escuelita. Après que la SCP a refusé mon congé sans solde, le plan de rechange a été appliqué, et c’est alors que la section locale m’a finalement demandé de présenter à la SCP une preuve de participation à l’Escuelita et d’envoyer de la documentation qui lui permettrait de faire valoir qu’il s’agissait d’un congé d’études. C’est à ce moment que j’ai répondu que je ne parlerais pas de l’Escuelita à la SCP et que je devrais obtenir un congé sans solde pour activités syndicales afin que je puisse y participer sans avoir à justifier mes faits et gestes auprès de la SCP. On m’a dit que si j’avais à ma disposition une invitation à participer à un événement, un congé sans solde pour activités syndicales pourrait être justifié. J’ai donc communiqué avec Martin Barrios, membre de la Comision de Derechos Humanos y Laborales del Valle de Tehuacán (Puebla), afin qu’il rédige une lettre d’invitation. La lettre a été écrite et envoyée le 18, et je l’ai fait suivre à Marc Edouard dimanche le 18, avec une note explicative concernant la demande. Le samedi, j’ai parlé à Sandra, qui m’a dit qu’il valait mieux que je parle à Marc, car il s’agissait plutôt d’une question régionale et nationale que d’une question locale. J’ai parlé à Marc le samedi après‑midi, et il m’a dit qu’il était malheureux que je ne lui aie pas parlé le vendredi, parce qu’il avait parlé à Denis, que celui‑ci avait des relations à la SCP et que des mesures auraient alors pu être prises. Marc m’a dit qu’il parlerait à Yannick le lundi, qu’il verrait ce qui pouvait être fait et d’attendre. N’ayant reçu aucune nouvelle le mardi après‑midi, je lui ai téléphoné depuis mon poste de travail de Youville vers 16 h 30 pour savoir ce qui se passait. Il m’a dit qu’il n’avait reçu aucune réponse, et de téléphoner à Josée de la SCP à Ottawa et de lui mentionner le congé sans solde pour activités syndicales. Je lui ai demandé au moins deux fois de me répéter l’information pour en être certaine, car je voulais régler cette question avant mon départ. À 23 h 54, j’ai laissé un message à la SCP. Je suis partie le mercredi matin. À mon arrivée au Mexique, j’ai constaté que je n’aurais jamais dû partir et que je devrais m’en retourner. Une série de messages textes et de messages FB ont suivi, entre Sandra et Marc, et on m’a dit d’attendre ou de revenir. J’ai suivi mon plan qui consistait à me rendre à Tehuacán, pendant que j’attendais que la situation se clarifie à Montréal. Je suis arrivée à Tehuacán le jeudi soir. Le lendemain, j’ai rencontré 3 syndicats d’infirmières et infirmiers, et le samedi, j’ai visité 2 maquiladoras à Santa Cruz, près de Tehuacán. Alors, il ne s’agit pas d’une fausse invitation.

Je retourne à Mexico D.F. et j’espère partir demain matin pour Cheran (Michoacán). J’espère que la situation pourra être résolue et je suis vraiment désolée pour cette situation vraiment déplorable. Je m’attendais à ce qu’on me dise que je pourrais obtenir un congé sans solde pour activités syndicales sans que j’aie à passer par la SCP. Mais on m’a dit de procéder autrement.

(traduction; caractères gras ajoutés)

[13] Le 13 août 2015, la SCP a convoqué Mme Fumagalli à une réunion. L’utile chronologie des événements fournie par Mme Fumagalli dans sa plainte expose les préoccupations qu’elle entretenait au sujet de ce qu’il conviendrait de dire au cours de cette réunion d’enquête. Elle se demandait notamment si elle devrait dire qu’un certain représentant du STTP lui avait dit que le syndicat lui accorderait le congé pour activités syndicales. Finalement, elle ne l’a pas mentionné.

[14] Dans une lettre datée du 21 août 2015, la SCP a mis fin à l’emploi de Mme Fumagalli :

D’ailleurs, malgré le fait que j’avais refusé votre demande initiale de congé sans solde pour prendre soin de votre fils au cours de la période allant du 22 juillet au 14 août 2015, vous avez décidé de ne pas tenir compte de notre refus et avez pris ce congé de votre propre chef, du 22 juillet au 8 août. Vous avez fait cela même si je vous avais expliqué qu’il s’agissait de la période la plus demandée pour les congés annuels et que nous n’avions aucun moyen de pallier votre absence. Vous avez décidé, de façon irresponsable, de laisser un message sur le répondeur de Josée Pouliotte (agente de planification des ressources) vers 1 h, environ cinq heures avant votre départ pour le Mexique, et vous avez expliqué dans ce message que vous seriez absente du 22 juillet au 14 août, en « congé sans solde pour activités syndicales », sans égard au fait que vous n’aviez obtenu l’approbation ni de votre employeur ni du syndicat. En fait, aucune demande de cette nature n’a été présentée par le syndicat à ce jour aux termes du paragraphe 26.05 de la convention collective.

Lorsqu’il vous a été demandé de fournir de plus amples renseignements concernant votre demande de congé pour activités syndicales et de divulguer le nom de la personne du STTP qui vous avait assuré que la situation serait réglée sous peu, vous avez répondu que vous ne vouliez impliquer personne dans votre histoire et vous avez refusé de nous communiquer plus de détails.

Madame Fumagalli, à la lumière de l’information ci‑dessus et de tous les renseignements à notre disposition, il est évident que vous avez pris congé de votre propre chef, que vous avez dérogé aux directives qui vous avaient été données et que vous avez menti au sujet du motif de votre demande de congé. Vous devez comprendre qu’un tel comportement est inacceptable et ne peut être toléré.

Compte tenu de la gravité des faits susmentionnés, le lien de confiance entre l’employeur et vous‑même a été irrémédiablement brisé. Nous n’avons d’autre choix que de mettre fin à votre emploi avec la Société canadienne des postes. Par conséquent, votre droit d’accès aux installations de la SCP est révoqué, à l’exception des zones de service à la clientèle. En outre, vous devez nous retourner tous les biens appartenant à la SCP.

(traduction; caractères gras ajoutés)

[15] Le ou vers le 28 août 2015, le STTP a informé Mme Fumagalli que la SCP avait proposé le PE en vertu duquel son congédiement serait remplacé par une suspension de trois mois. Mme Fumagalli s’est élevée contre la précipitation avec laquelle elle estimait que le STTP tentait de lui faire signer le PE.

[16] Il ressort cependant des faits qu’un certain temps a été consacré à la négociation du PE. Mme Fumagalli a pu demander et obtenir que des changements y soient apportés. Par exemple, alors que la première ébauche était rédigée en français, Mme Fumagalli a demandé à ce que l’EP soit rédigée en anglais, et ce changement a été apporté.

[17] Le 21 septembre 2015, Mme Fumagalli a demandé que plusieurs changements soient apportés au PE (voir l’annexe 14, jointe à sa plainte). Mme Fumagalli a joint à sa plainte plusieurs ébauches du PE (annexes 13, 15, 16 et 17).

[18] Mme Fumagalli a présenté au Conseil une copie du PE tripartite signé par le STTP, la SCP et elle‑même (annexe 18). Il se dégage des paragraphes introductifs du PE que cet arrangement constituait ce qu’on appelle communément une « entente de la dernière chance » :

Attendu que l’employée a fait preuve d’insubordination et a négligé de s’acquitter des tâches qui lui incombaient en sa qualité d’employée en prenant un congé non autorisé du 22 juillet au 7 août 2015;

Attendu que l’employée a reconnu les faits décrits ci‑dessus;

Attendu que, dans une lettre datée du 21 août 2015, l’employée a été congédiée par suite de ces événements;

Attendu que l’employée reconnaît la gravité de son manquement au devoir;

Attendu que la Société souhaite accorder à l’employée une dernière chance de conserver son emploi à la Société canadienne des postes;

Attendu que les parties souhaitent résoudre le différend susmentionné sans préjudice de la position que l’une ou l’autre pourrait adopter relativement à des situations semblables ou identiques qui pourraient survenir ultérieurement;

(traduction)

[19] Les trois premiers paragraphes du PE circonscrivent le contexte du différend :

1. Le préambule fait partie intégrante du présent protocole d’entente;

2. Il est entendu que l’employée a pris un congé sans solde non autorisé du 22 juillet au 7 août 2015;

3. L’employée sera suspendue, sans solde, pour une période de trois mois, soit du 10 août au 6 novembre 2015;

(traduction)

[20] Le STTP s’est réservé le droit de présenter un grief relativement à tout congédiement ultérieur :

6. Dans l’éventualité d’un manquement grave aux obligations qui lui incombent à titre d’employée de la Société ou aux engagements pris aux termes du présent PE, Mme Fumagalli sera congédiée et perdra son emploi à la Société;

7. Dans l’éventualité où l’employée serait congédiée, le syndicat se réserve le droit de présenter un grief;

(traduction)

[21] Au paragraphe 8, Mme Fumagalli a reconnu avoir signé le PE volontairement. Elle a toutefois insisté pour que soit ajouté le paragraphe 13, qui concerne les reconnaissances futures :

8. Mme Fumagalli reconnaît avoir compris la portée du présent PE et l’avoir signé librement et volontairement, en toute connaissance de cause;

...

13. Le présent PE est conclu sans que les parties reconnaissent quoi que ce soit en ce qui a trait au congédiement de l’employée;

(traduction)

[22] Mme Fumagalli a produit une lettre (annexe 22) qu’elle avait envoyée à Service Canada relativement à l’assurance‑emploi et dans laquelle elle expliquait pourquoi elle avait signé le PE :

Je n'ai pas eu le choix de signer le protocole. Je ne pouvais pas me permettre de suivre les étapes normales du cheminement d'un grief car c'est une procédure qui est très longue avec aucune garantie quant à la conclusion de la décision de l'arbitre. Ce protocole m'a été proposé et malgré le fait que toutes les parties savent que je ne suis pas d'accord avec la première partie du texte, ma condition de mère monoparentale et seule soutien de famille ne me permet pas de me battre sans savoir si j'ai mon emploi à la fin des procédures et si je vais être payée pendant tout le temps que se règle le litige. Donc c'est pour cela que le point 13 a été ajouté au protocole.

III. Analyse et décision

[23] C’est à Mme Fumagalli qu’incombe le fardeau de la preuve dans le cadre de sa plainte de manquement au DRJ. Le Conseil doit trancher la question de savoir si Mme Fumagalli a établi une cause prima facie selon laquelle le STTP aurait adopté une conduite arbitraire, discriminatoire ou empreinte de mauvaise foi à l’égard des droits qui lui sont conférés par la convention collective.

[24] Le Conseil a expliqué son processus d’analyse de l’existence d’une cause prima facie dans Reid, 2013 CCRI 693 :

IV. Processus de la preuve suffisante à première vue dans le cas du DRJ

[20] Pour évaluer les plaintes de manquement au DRJ, le Conseil utilise un processus d’analyse de la preuve suffisante à première vue. Lorsque le Conseil reçoit une plainte, avant de demander au syndicat et à l’employeur de lui fournir des observations, il cherche d’abord à savoir si le plaignant a établi le bien-fondé de ses prétentions, du moins à première vue.

[21] Le Conseil demande aux intimés de répondre à la plainte seulement si le plaignant a établi une preuve suffisante à première vue. Dans Crispo, 2010 CCRI 527, le Conseil a décrit ce processus d’examen préalable essentiel:

[12] Le Conseil se livre à une analyse de la preuve suffisante à première vue dans le cadre des nombreuses plaintes de manquement au devoir de représentation juste qu’il reçoit. Dans cette analyse, le Conseil tient pour avérés les faits importants allégués par un plaignant, et examine ensuite si ces faits importants peuvent être assimilables à une violation du Code.

[13] L’analyse de la preuve suffisante à première vue soupèse les faits importants plutôt que les conclusions de droit. Le plaignant qui invoque une conclusion de droit en alléguant, par exemple, qu’une conduite donnée était arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi n’évite pas ainsi l’application de ce critère.

[14] Dans Blanchet c. Association des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale, section locale 712, 2009 CAF 103, la Cour d’appel fédérale a appuyé le recours par le Conseil à l’analyse de la preuve suffisante à première vue et l’accent qu’il met sur les faits importants:

[17] En règle générale, lorsqu’un tribunal tient pour avérées les allégations, il s’agit d’allégations de fait. Cette règle ne s’applique pas lorsqu’il s’agit de conclusions de droit : voir Lawrence v. The Queen, [1978] 2 C.F. 782 (1ière instance). La détermination des questions de droit appartient au tribunal et non aux parties : ibidem.

[18] Il est vrai que le Conseil, dans l’extrait cité, n’a pas spécifié qu’il faisait référence aux allégations de fait du demandeur. Mais la référence qui y est faite aux allégations du demandeur ne peut être autre chose qu’une référence à des allégations de fait. Car, s’il en était autrement, il suffirait pour un plaignant d’énoncer comme conclusion que la décision de son syndicat est arbitraire ou discriminatoire pour que le Conseil soit tenu de conclure à une violation, du moins une violation prima facie, de l’article 37 du Code et d’adjuger sur le bien-fondé de la plainte. Ainsi le processus de tamisage (screening) des plaintes serait relégué aux oubliettes du passé.

[25] Le rôle du Conseil est différent de celui d’un arbitre du travail, lequel tranche les affaires qui découlent de la convention collective. En l’espèce, le Conseil ne se penche pas sur le refus de la SCP d’accorder un congé sans solde à Mme Fumagalli en 2015. Cette décision en particulier n’a jamais fait l’objet d’un grief.

[26] Dans la même veine, le Conseil ne se demande pas si Mme Fumagalli aurait dû avoir droit à un congé pour activités syndicales dans les circonstances de la présente affaire. Mme Fumagalli a expliqué, dans sa lettre à Service Canada, pourquoi elle n’avait pas cherché à faire valoir, comme elle le croyait, qu’un congé avait été ou aurait dû être accordé. Cette question aurait également relevé d’un arbitre du travail, si le STTP avait accepté de contester la décision à cet égard.

[27] Les allégations de Mme Fumagalli qui sont du ressort du Conseil concernent la négociation et la signature du PE. Mme Fumagalli a allégué que le STTP avait agi, durant la négociation du PE, d’une manière qui contrevenait au Code. La plaignante n’en a pas convaincu le Conseil pour plusieurs motifs.

[28] D’abord, Mme Fumagalli a accepté que la situation soit résolue au moyen du PE; elle n’a pas demandé au STTP de présenter un grief concernant les circonstances de son congédiement. Cette décision a enlevé toute pertinence à ses plaintes antérieures. Mme Fumagalli a décidé de se rendre au Mexique comme elle l’avait initialement planifié, même si la SCP avait refusé de lui accorder un congé et qu’il ne lui avait pas été expressément confirmé que le STTP et la SCP lui avaient accordé un congé pour activités syndicales.

[29] Ensuite, les faits au dossier n’ont pas convaincu le Conseil que Mme Fumagalli a été forcée de signer le PE. Bien qu’elle ait initialement eu le sentiment qu’elle était obligée de signer le PE sans vraiment avoir eu la possibilité de l’examiner, cette possibilité lui a été accordée par la suite.

[30] Elle a en outre demandé que des changements soient apportés au PE pendant que celui‑ci était négocié. L’un de ces changements était que le PE, qui était initialement en français, soit rédigé en anglais. Un autre changement, important pour elle, a été l’ajout du paragraphe 13, qui stipulait ce qui suit : « Le présent PE est conclu sans que les parties reconnaissent quoi que ce soit en ce qui a trait au congédiement de l’employée. » (traduction)

[31] Enfin, le PE lui‑même comprend la stipulation suivante : « Mme Fumagalli reconnaît avoir compris la portée du présent PE et l’avoir signé librement et volontairement, en toute connaissance de cause. » (traduction)

[32] Ces faits ne démontrent pas, prima facie, que le STTP a agi de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi. Il semble plutôt s’agir d’un cas de « regret de l’acheteur » (traduction).

[33] Une situation semblable, qui n’était toutefois pas identique, s’est présentée dans l’affaire Ménard, 2015 CCRI 753 (Ménard). Dans cette affaire, le STTP avait négocié avec la SCP le remplacement du congédiement initial de l’employé par une démission. M. Ménard avait par la suite déposé une plainte de manquement au DRJ contre le STTP, affirmant qu’il avait été contraint à signer l’entente négociée.

[34] Dans Ménard, comme dans la présente affaire, les faits avaient révélé les étapes que le STTP avait suivies pour s’acquitter de son devoir de représentation :

[21] Plutôt que de simplement décider de ne pas présenter de grief, le STTP a négocié une entente avec la SCP afin que le congédiement pour « cause juste » ne figure pas au dossier de M. Ménard. La SCP n’était pas ouverte à cette idée au départ, mais en fin de compte, les parties, dont M. Ménard, ont signé l’EP énonçant leurs droits et obligations respectifs. Dans sa plainte, M. Ménard a indiqué qu’il avait parlé avec deux avocats au début de mai 2014 ou vers cette date.

[22] Ce n’est qu’après coup que M. Ménard a semblé regretter d’avoir signé l’EP. Le contenu de sa plainte de manquement au DRJ donnait l’impression qu’il croyait que le Conseil examinerait le bien-fondé de son grief, comme aurait pu le faire un arbitre de griefs.

[23] Le rôle du Conseil diffère de celui d’un arbitre, qui aurait consisté à examiner si la SCP avait une cause juste pour congédier M. Ménard. Le Conseil n’a pas non plus pour rôle de décider si les renseignements que M. Ménard a fournis au STTP auraient dû le convaincre d’aller en arbitrage. Le Conseil doit plutôt examiner le processus que le STTP a suivi.

[24] Dans la présente affaire, il ne fait aucun doute que le STTP a pris pleinement connaissance des faits qui avaient mené au congédiement de M. Ménard pour cause juste. Le STTP a rencontré M. Ménard pour lui offrir la possibilité de s’expliquer. Il s’est ensuite adressé à la SCP pour vérifier s’il était possible de trouver une autre solution.

[25] Finalement, le STTP a obtenu pour M. Ménard une EP, qui comportait une clause par laquelle ce dernier reconnaissait qu’il signait volontairement l’entente.

[26] M. Ménard a reproché au STTP de ne lui avoir laissé pratiquement aucun autre choix que de signer l’EP. Il a allégué que le STTP l’a informé qu’il pouvait soit signer l’EP pour remettre sa démission, soit voir son congédiement pour cause juste inscrit à son dossier permanent. Il a également indiqué qu’il avait dit au STTP que les autres incidents de violence en milieu de travail n’avaient pas été traités aussi sévèrement. En fait, selon lui, l’incident en question était une bousculade et non un incident de violence.

[27] M. Ménard n’a pas réussi à convaincre le Conseil que le STTP a agi d’une manière qui peut être considérée comme « arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi ».

[28] Le STTP a expliqué à M. Ménard que deux choix s’offraient à lui : le statu quo ou l’EP. Le Conseil ne voit pas en quoi une telle franchise était une façon de forcer M. Ménard à signer l’EP contre son gré. Le STTP n’avait pas l’obligation de renvoyer le grief de M. Ménard à l’arbitrage. Dès lors qu’il avait examiné les faits et était parvenu à une conclusion justifiable, il avait le droit de simplement refuser de donner suite au grief.

[29] C’est là l’essence même du rôle de l’agent négociateur, qui doit décider de la façon dont il utilise ses ressources limitées pour bien servir l’unité de négociation.

[30] Plutôt que de simplement refuser d’aller en arbitrage, le STTP a exploré une autre solution pour M. Ménard, qui a eu pour effet de remplacer son congédiement pour « cause juste » par une démission.

[35] En l’espèce, les faits importants, tels qu’ils ont été allégués par Mme Fumagalli et tels qu’ils sont décrits dans la documentation à l’appui de sa plainte, ne démontrent pas, même s’ils sont tenus pour vrais, l’existence d’une cause prima facie selon laquelle le STTP aurait contrevenu au Code.

[36] Par conséquent, le Conseil rejette la plainte.

[37] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

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