Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Cowessess First Nation #73,

plaignant,

et

Saskatchewan Government and General Employees’ Union,

intimé.

Dossier du Conseil : 31286-C

Référence neutre : 2015 CCRI 801

Le 25 novembre 2015

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) était composé de MGraham J. Clarke, Vice-président, siégeant seul en vertu du paragraphe 14(3) du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code).

L’article 16.1 du Code prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour trancher la présente plainte sans tenir d’audience.

Procureurs inscrits au dossier

Me Nathan Phillips, pour Cowessess First Nation #73;

Me Greg D. Fingas, pour le Saskatchewan Government and General Employees’ Union

I. Nature de la plainte

[1] Pendant l’audience du Conseil en cours dans le cadre de la procédure principale (dossiers nos 30493-C et 30715-C) à laquelle prenait part ces parties, l’employeur, Cowessess First Nation #73 (Cowessess), a déposé la présente plainte de pratique déloyale de travail (PDT) (la plainte), dans laquelle il alléguait que l’un de ses témoins avait fait l’objet de menaces et de coercition.

[2] Cowessess a déposé la présente plainte le 11 septembre 2015. Le Saskatchewan Government and General Employees’ Union (le SGEU) a présenté sa réponse le 23 septembre 2015. L’étape des actes de procédures a pris fin lorsque Cowessess n’a pas présenté de réplique.

[3] Le 2 novembre 2015, l’affaire a été assignée au présent banc composé d’un seul membre.

[4] Le 27 octobre 2015, Mme Claudette Alexson, le témoin qui avait prétendument fait l’objet de menaces ou de coercition, ou les deux, a témoigné à l’audience du Conseil dans le cadre de la procédure principale. Le Conseil a par la suite demandé au procureur de Cowessess s’il avait l’intention de donner suite à la présente plainte de PDT. Le procureur a répondu qu’il le ferait.

[5] En vertu de l’article 16.1 du Code, le Conseil n’est pas obligé de tenir une audience dans chaque affaire. Selon les actes de procédures, le Conseil peut trancher des plaintes de PDT en se fondant uniquement sur les observations des parties (Lévesque, 2011 CCRI 562, aux paragraphes 10-12).

[6] Après examen des observations des parties, le Conseil a décidé de rejeter la plainte de Cowessess, pour les motifs qui suivent.

II. Les faits

[7] Les questions en cause dans la procédure principale ont déjà été décrites dans la décision Cowessess First Nation #73, 2015 CCRI 762. Le SGEU avait déposé deux plaintes de PDT liées à sa campagne de syndicalisation.

[8] Le 11 septembre 2015, Cowessess a allégué que le SGEU et l’un de ses conseillers, M. Don Regel, présent à l’audience du Conseil dans le cadre de la procédure principale, savaient que l’employeur appellerait Mme Alexson à comparaître comme témoin. Mme Alexson n’a pas témoigné l’après‑midi du 19 août 2015, même si toutes les parties intéressées avaient compris de façon générale qu’elle témoignerait. Par conséquent, un temps précieux réservé pour l’audience a été perdu, puisque Cowessess n’avait prévu aucun autre témoignage cet après‑midi-là afin d’utiliser le temps passé par le Conseil à Regina de manière efficiente.

[9] Cowessess a allégué que M. Regel avait communiqué avec Mme Alexson le matin du 20 août 2015 et qu’il lui avait mentionné ce qui suit :

i)    l’audience aurait dû durer de 3 à 6 jours, mais on en était maintenant à la 10e ou à la 11e journée;

ii)   l’audience entraînait « des coûts pour votre bande » (traduction);

iii)  le procureur de Cowessess était un menteur et un incompétent;

iv) lui‑même (M. Regel) était du côté du syndicat.

[10] Mme Alexson a décrit ces allégations dans un affidavit daté du 21 août 2015 :

4. Don Regal (sic) m’a dit que la procédure devant le Conseil canadien des relations industrielles aurait dû durer de 3 à 6 jours seulement, et qu’ils en sont maintenant à la 10e ou à la 11e journée. Don Regel a dit que la procédure entraînait « des coûts pour votre bande ». Don Regel a indiqué que le procureur de Cowessess était un menteur et un incompétent.

5. J’ai demandé à Don Regel de quel côté il était, et il m’a répondu qu’il était « du côté des employés, du syndicat ».

(traduction)

[11] Dans son affidavit, Mme Alexson a aussi décrit comment elle s’est sentie après avoir reçu l’appel de M. Regel :

6. Je ne comprenais pas pourquoi Don Regel communiquait avec moi et me disait cela.

7. Après avoir reçu l’appel de Don Regel, j’ai eu le sentiment que j’aurais tort d’aller témoigner.

(traduction)

[12] Dans sa réponse datée du 23 septembre 2015, le SGEU a résumé de façon différente l’appel téléphonique entre son client conseiller, M. Regel, et Mme Alexson. Il a souligné que Mme Alexson était une ancienne employée de Cowessess. Le SGEU a fait valoir qu’il n’était pas dans une situation d’autorité à l’égard de Mme Alexson qui lui permettrait d’intervenir au regard de son emploi ou de lui imposer une forme quelconque de sanction pécuniaire ou autre.

[13] Dans sa réponse, le SGEU a résumé la conversation téléphonique entre M. Regel et Mme Alexson de la façon suivante :

i)    M. Regel a informé Mme Alexson qu’il représentait le SGEU, et qu’elle n’était pas tenue de répondre à ses questions;

ii)   il lui a demandé pourquoi elle n’avait pas témoigné le 19 août 2015 comme prévu;

iii)  quand elle lui a demandé comment se déroulait l’audience, il lui a répondu que les choses avançaient très lentement et que cela coûtait très cher;

iv) lorsqu’elle lui a demandé de quel côté il était, il lui a répondu qu’il était du côté du syndicat et des employés.

[14] Cowessess n’a pas présenté de réplique.

III. Analyse et décision

[15] Cowessess allègue que le SGEU et M. Regel ont conjointement enfreint l’alinéa 95i) du Code :

95. Il est interdit à tout syndicat et à quiconque agit pour son compte :

...

i) de faire des distinctions injustes à l’égard d’une personne en matière d’emploi, de condition d’emploi ou d’adhésion à un syndicat, d’user de menaces ou de coercition à son encontre ou de lui imposer une sanction pécuniaire ou autre, pour l’un ou l’autre des motifs suivants :

(i) elle a participé, à titre de témoin ou autrement, à une procédure prévue par la présente partie, ou peut le faire,

(ii) elle a révélé – ou est sur le point de le faire – des renseignements en exécution ou prévision de l’obligation qui lui est imposée à cet effet dans le cadre d’une procédure prévue par la présente partie,

(iii) elle a présenté une demande ou déposé une plainte sous le régime de la présente partie.

[16] Le Conseil tiendra pour avérées les allégations de Cowessess, mais uniquement dans le but de mener l’analyse juridique requise. De toute évidence, si le Conseil avait cru que sa décision dépendait entièrement de la détermination du contenu exact de la conversation entre M. Regel et Mme Alexson, il aurait alors tenu une audience.

[17] De façon générale, une plainte fondée sur l’alinéa 95i) est déposée lorsqu’une personne allègue qu’un syndicat a usé de représailles contre elle parce qu’elle a cherché à exercer des droits que lui confère le Code.

[18] Dans Nowotniak et Ostby et autres (1979), 34 di 835; et [1979] 2 Can LRBR 466 (CCRT n°194) (Nowotniak), le prédécesseur du présent Conseil, le Conseil canadien des relations du travail (CCRT), a décrit l’objet de l’alinéa 95i) (autrefois l’alinéa 185i)) en ces termes :

L’alinéa 185(i) accompagne les sous-alinéas 184(3)a)(iii) à (v) et l’alinéa e) qui interdisent à l’employeur de prendre des mesures contre des employés qui ont participé à des procédures devant le Conseil, ou à d’autres procédures engagées aux termes de la Partie V du Code. Ces dispositions poursuivent au moins deux objectifs. Elles visent à constituer une garantie que les droits prévus par le Code sont réels et non seulement illusoires, et à empêcher qu’il soit possible de les méconnaître en commettant des gestes qui tendent à en décourager l’exercice. Elles ont aussi comme objectif d’encourager les personnes à donner des témoignages honnêtes et francs et à participer librement aux procédures engagées devant le Conseil ou devant d’autres organismes agissant aux termes de la Partie V du Code (voir Giant Yellowknife Mines Ltd. 19 di 147 [1977] 1 Can LRBR 483; 77 CLLC 16,082). Pour atteindre ces objectifs, tout comme ceux qui sous-tendent les autres articles portant sur la discrimination, le motif qui a inspiré les mesures prises est habituellement un élément dont il faut tenir compte (voir Canadian Imperial Bank of Commerce, North Hills Shopping Centre 34 di 651; [1979] 1 Can LRBR 266). Toutefois, pour les nombreuses raisons citées en ce qui a trait aux allégations de pratiques discriminatoires commises par des employeurs contre des employés et pour des motifs plus importants sur lesquels se fonde le libre recours aux procédures du Conseil, il n’est pas nécessaire de se limiter aux motifs interdits dans ces articles (voir Yellowknife District Hospital Society (1977), 20 di 281; 77 CLLC 16,083). Pour préserver les droits prévus par le Code et le fonctionnement efficace du Conseil et d’autres tribunaux ainsi que pour favoriser le rôle du ministre et d’autres personnes agissant aux termes de la Partie V dans la poursuite des objectifs du Code, il est essentiel que les employeurs et les syndicats n’agissent pas les uns contre les autres ni contre d’autres personnes pour des motifs inspirés par un sentiment de représailles pour avoir participé aux procédures prévues par le Code.

(pages 845-846; et 475; c’est nous qui soulignons)

[19] Les affaires fondées sur l’alinéa 95i) portent généralement sur la question de savoir si un syndicat a d’une certaine façon usé de représailles contre des personnes qui ont cherché à exercer les droits que leur confère le Code. Des interdictions parallèles s’appliquant aux employeurs sont énoncées à l’alinéa 94(3)e) du Code.

[20] Dans Section locale 847 de la Fraternité internationale des Teamsters, 2011 CCRI 605, le Conseil a conclu qu’un syndicat avait enfreint le Code en imposant des mesures disciplinaires à trois membres qui avaient appuyé les activités d’un syndicat maraudeur :

[23] L’application des principes juridiques pertinents aux faits en cause – faits qui ne sont pas en litige – révèle que les trois employés ont fait l’objet d’accusations et de mesures disciplinaires internes parce qu’ils avaient exercé leur droit fondamental prévu par le Code de changer de syndicat. Aucun de ces trois membres n’occupait de poste au sein de la Guilde. Toutes les parties reconnaissent que ces employés ont appuyé les Teamsters et fait campagne en leur faveur pendant la période qui a précédé le scrutin de représentation. Les trois employés avaient le droit fondamental de participer à une procédure prévue par le Code, à savoir une demande de maraudage (délogement). La Guilde ne peut pas punir ces employés parce qu’ils ont exercé la liberté d’association prévue à l’article 8 du Code. Manifestement, les accusations déposées contre les trois membres constituaient des représailles visant à les punir par suite des activités par lesquelles ils ont soutenu les Teamsters. Le Conseil conclut que les accusations constituent une violation évidente du sous-alinéa 95i)(i) du Code. Compte tenu de cette conclusion, il n’est pas nécessaire que le Conseil décide si la Guilde a aussi enfreint les alinéas 95f) ou 95g) ou encore l’article 96 du Code.

[21] Dans Guilde de la marine marchande du Canada c. Fraternité internationale des Teamsters, Section locale 847, 2012 CAF 210, la Cour d’appel fédérale a confirmé le raisonnement du Conseil :

[16] Le sous-alinéa 95i)(i) du Code interdit à tout syndicat d’imposer « une sanction pécuniaire ou autre [à une personne] pour [avoir] participé… à une procédure prévue » par la partie I du Code. Compte tenu que la Guilde a reconnu à l’audience tenue devant notre Cour que la demande d’accréditation des Teamsters constituait une procédure prévue par le Code, et que les trois individus visés se sont vus infliger une amende ou ont été suspendus par la Guilde pour avoir participé à cette procédure, je n’arrive pas à comprendre comment le Conseil aurait mal interprété ou mal appliqué le sous-alinéa 95i)(i). Le fait pour le Conseil d’avoir appliqué le raisonnement qu’il avait tenu dans Paul Horsley et autres, ci-dessus, et Nathalie Beaudet-Fortin, ci-dessus, ne constitue pas une erreur susceptible de contrôle puisque ce raisonnement est parfaitement compatible avec le sous-alinéa 95i)(i). Ces décisions reconnaissent le droit fondamental des individus d’adhérer au syndicat de leur choix, le droit des membres d’un syndicat de changer d’agent négociateur de la manière prévue par le Code et en conformité avec les délais qu’il prévoit, ainsi que le droit de ces individus de ne pas subir de sanctions disciplinaires ou d’être autrement pénalisés pour avoir exercé ces droits.

[22] Cependant, comme le CCRT l’a souligné dans Nowotniak, l’alinéa 95i) protège aussi les témoins contre les menaces et la coercition découlant de leur participation à une procédure prévue par le Code.

[23] Même si, pour les besoins de la discussion, le Conseil tient pour avérées les allégations de Cowessess, plusieurs raisons expliquent pourquoi Cowessess n’a pas convaincu le Conseil que le SGEU ou M. Regel ont enfreint le Code.

[24] Premièrement, Mme Alexson a de toute évidence témoigné le 27 octobre 2015 dans le cadre de la procédure principale. Durant le témoignage de Mme Alexson, rien n’indiquait qu’elle ne pouvait pas livrer un témoignage complet devant le Conseil. C’est la raison pour laquelle le Conseil a demandé, durant la procédure principale, si Cowessess avait toujours l’intention de donner suite à la présente plainte.

[25] Deuxièmement, le Conseil est d’accord avec le SGEU à l’égard du fait que ni lui ni M. Regel n’étaient dans une situation d’autorité qui lui permettrait d’user de représailles contre Mme Alexson de l’une ou l’autre des nombreuses façons décrites à l’alinéa 95i). Mme Alexson ne travaillait pas pour Cowessess en août 2015, puisqu’elle avait quitté son emploi en 2014. Elle n’était donc pas une employée de l’unité de négociation du SGEU au moment de sa conversation avec M. Regel.

[26] Compte tenu de ces faits, il est difficile de voir comment le SGEU ou M. Regel auraient pu faire preuve de discrimination à l’égard d’aspects touchant : i) l’emploi de Mme Alexson; ii) une des modalités de son emploi; ou iii) les membres du SGEU.

[27] De même, comment le SGEU ou M. Regel auraient‑ils pu imposer une sanction pécuniaire ou autre à une ancienne employée de Cowessess comme Mme Alexson?

[28] Bien que Mme Alexson ait écrit dans son affidavit qu’elle a « eu le sentiment qu’[elle] aurait tort d’aller témoigner », elle n’a fourni aucun fondement pour soutenir cette conclusion. De toute évidence, elle a changé d’avis par la suite et a témoigné dans le cadre de la procédure principale.

[29] Troisièmement, le Conseil s’est prononcé dans différentes décisions sur la signification de termes contenus dans le Code comme « menaces » ou « coercition ». Le Code n’utilise pas ces termes à la légère; ils évoquent une inconduite grave de la part d’une autre personne.

[30] Dans Intek Communications inc., 2013 CCRI 683, le Conseil a examiné l’utilisation de ces termes dans d’autres dispositions du Code :

[182] Une analyse fondée sur l’alinéa 94(2)c) vise à déterminer si, lorsqu’un employeur semble, de l’extérieur, avoir exprimé un point de vue personnel, il a « indûment usé de son influence, fait des promesses ou recouru à la coercition, à l’intimidation ou à la menace ». Ces termes qui établissent une exception à la « liberté d’expression » d’un employeur, selon l’expression employée dans le rapport Sims, laissent entrevoir une sanction ou, inversement, une récompense liée aux droits fondamentaux que le Code confère à un employé.

[183] Des indications quant à l’interprétation des termes ci-dessus se dégagent de l’utilisation qu’on fait de ces termes ailleurs dans le Code.

[184] Par exemple, l’article 96 contient lui aussi les termes « mesures coercitives » et « menaces » :

96. Il est interdit à quiconque de chercher, par des menaces ou des mesures coercitives, à obliger une personne à adhérer ou à s’abstenir ou cesser d’adhérer à un syndicat.

(c’est nous qui soulignons)

[185] Dans Bell Mobility inc., 2011 CCRI 579 (Bell Mobility 579), un employeur alléguait que le SCEP avait enfreint l’article 96 dans la façon dont il avait recueilli ses cartes d’adhésion. Le Conseil avait conclu que le SCEP n’aurait pas pu avoir recours à des mesures coercitives ou à des menaces puisqu’il n’y avait eu usage de la force ou menace d’en user dans aucun des actes allégués (et non prouvés) :

[34] Le Conseil est aussi d’avis qu’aucune allégation précise n’a été soulevée quant à la manière dont un employé aurait fait l’objet de menaces ou de mesures coercitives. Même si c’était le cas, le fait qu’un employé aurait pu être induit en erreur au cours d’une campagne de syndicalisation – une allégation que le SCEP a niée catégoriquement – ne constituerait pas des menaces ou des mesures coercitives au sens de l’article 96 du Code.

[35] L’arrêt TD Canada Trust c. Syndicat international des travailleurs unis de la métallurgie, du papier et de la foresterie, du caoutchouc, de la fabrication d’énergie, des services et industries connexes, 2007 CAF 285, porte sur une décision dans laquelle le Conseil avait examiné des allégations de menaces et de mesures coercitives plus détaillées que celles qui sont en cause en l’espèce. La Cour d’appel fédérale a fait les commentaires suivants sur l’enquête menée par le Conseil au sujet de ces allégations et sur ses conclusions :

[2] Deux questions relatives à la justice naturelle qui ont été soulevées par les avocats de la demanderesse et par les avocats des sept employées méritent d’être examinées. Selon la première prétention, l’enquête sur l’intimidation et la contrainte qui auraient été exercées par les représentants syndicaux, qui avait été effectuée pour le compte du Conseil, était insuffisante et inéquitable sur le plan de la procédure, ce qui équivalait à une absence d’enquête. À mon avis, ce motif ne peut être retenu.

[3] Les allégations d’intimidation faites par les employées avaient trait à des visites non annoncées de représentants syndicaux chez elles le soir. Ces visiteurs se montraient insistants et parfois même s’attardaient sans y avoir été invités. L’enquêteur a conclu que cette conduite n’était pas suffisamment grave pour constituer de l’intimidation ou de la contrainte. L’enquête n’a peut-être pas été aussi approfondie que les plaignantes l’auraient voulu, mais l’enquêteur a interrogé trois d’entre elles avant de transmettre son rapport au Conseil; ce rapport était partiellement confidentiel, comme c’est généralement le cas, pour protéger les employées. Aucune des plaignantes n’a allégué que c’est l’intimidation dont elles auraient été l’objet qui les avait amenées à signer des cartes de membre; la seule employée ayant signé une carte de membre a indiqué par la suite qu’elle regrettait de l’avoir fait. Aucun acte ou menace de violence n’a été allégué. Il y a eu seulement des tentatives répétées de persuasion, qui étaient peut-être trop enthousiastes et qui se sont très souvent révélées infructueuses. Il doit faire preuve d’une grande retenue à l’égard du Conseil en ce qui concerne les questions de procédure. (Telus Communications c. Syndicat des travailleurs en communications, [2005] A.C.F. n° 1253). Le Conseil est largement le maître de sa propre procédure, laquelle ne devrait pas faire l’objet d’un examen microscopique. Rien ne permet de conclure à un déni de justice naturelle pour ce motif.

[36] Le Conseil a aussi examiné une décision de la Commission des relations de travail de l’Ontario (CRTO), Atlas Specialty Steels, [1991] OLRB Rep. June 728, et il est du même avis que la CRTO : pour qu’il y ait menaces ou mesures coercitives, il doit y avoir plus que de simples promesses faites pendant une campagne de syndicalisation :

[12] Le sens donné à l’expression « par la menace de contraindre » dans le cadre de l’article 70 a été examiné dans de nombreuses décisions antérieures de la Commission… Pour qu’une allégation de violation de l’article 70 soit défendable, il doit y avoir une tentative de contraindre par la menace une personne à, entre autres, s’abstenir d’exercer les droits que lui confère la Loi. Il doit y avoir usage de la force, ou menace d’en user, qu’il s’agisse de force physique ou non…

[37] Le Conseil partage le raisonnement de la CRTO et il conclut que, même si les allégations de BMI étaient tenues pour avérées, il n’y a aucune preuve de menaces ou de mesures coercitives en l’espèce.

(c’est nous qui soulignons)

[186] De la même façon, les termes « coercition » et « intimidation » que contient l’alinéa 94(2)c) exigent d’une certaine façon qu’il y ait usage de la force ou menace d’en user, qu’il s’agisse de force physique ou non. La notion de « menaces », terme aussi utilisé à l’alinéa 94(2)c), est inextricablement liée aux notions de « coercition » et d’« intimidation ». Ces notions laissent entrevoir une sanction à l’endroit des employés si ceux-ci exercent, entre autres, leur droit fondamental d’adhérer à un syndicat.

[31] Il n’y a tout simplement rien dans les allégations de Cowessess qui se rapprochent un tant soit peu des concepts de « menaces » ou de « coercition ». Qui plus est, à moins qu’un témoin soit aussi une partie représentée, rien n’empêche une partie à une procédure de chercher à communiquer avec cette personne pour obtenir des éléments de preuve à propos de l’affaire. Un témoin n’appartient à personne : Murphy Canada Exploration Company v. Novagas Canada Ltd, 2009 ABQB 585.

[32] En se fondant sur les faits présentés par Cowessess, le Conseil n’a pu conclure que l’appel de M. Regel amènerait une personne raisonnable à estimer qu’elle a fait l’objet de menaces ou de coercition en raison d’un témoignage dans le cadre d’une procédure prévue par le Code. Ces faits, tels qu’ils ont été exposés, n’ont pas non plus convaincu le Conseil que le SGEU ou M. Regel ont usé de menaces ou de coercition à l’encontre de Mme Alexson.

[33] En raison des motifs énoncés ci-dessus, le Conseil rejette la plainte de Cowessess.

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