Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section locale 1541,

requérante,

et

Nasittuq Corporation; Raytheon Canada limitée; Canadian Base Operators inc.,

employeurs,

et

Association unie des compagnons et apprentis de l’industrie de la plomberie et de la tuyauterie des États-Unis et du Canada, section locale 787,

intervenante.

Dossier du Conseil : 30489-C

Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section locale 1541,

plaignante,

et

Raytheon Canada limitée; Canadian Base Operators inc.; Association unie des compagnons et apprentis de l’industrie de la plomberie et de la tuyauterie des États-Unis et du Canada, section locale 787,

intimées.

Dossier du Conseil : 30562-C

Référence neutre : 2015 CCRI 789

Le 11 septembre 2015

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) était composé de Me Graham J. Clarke, Vice‑président, ainsi que de MRichard Brabander et M. Gaétan Ménard, Membres. Une audience a été tenue les 14, 15 et 17 juillet 2015 à Ottawa.

Ont comparu

Mes Samantha Lamb et Frances Middleton, pour la Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section locale 1541;

Mes Richard J. Charney et Heather Cameron, pour Canadian Base Operators inc.;

Mes Blair McCreadie et Carmen Francis, pour Raytheon Canada limitée;

Me Steven P. Williams, pour Nasittuq Corporation;

Me Laurie Kent, pour l’Association unie des compagnons et apprentis de l’industrie de la plomberie et de la tuyauterie des États-Unis et du Canada, section locale 787.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke.

I. Nature de l’objection relativement à la compétence

[1] La présente décision porte sur la question de savoir si le Conseil a compétence sur une partie de Raytheon Canada limitée (Raytheon), un sous-traitant qui a remporté un processus d’appel d’offres concurrentiel et a obtenu un contrat du gouvernement du Canada consistant à prendre en charge « l’entretien, la garde et le contrôle » du Système d’alerte du Nord (NWS). Le NWS fournit au ministère de la Défense nationale (MDN) des renseignements cruciaux sur les avions ou les missiles non identifiés susceptibles d’entrer dans l’espace aérien du Nord canadien.

[2] La présente décision porte également sur la question de savoir si une partie du sous‑traitant de Raytheon, Canadian Base Operators inc. (CBO), qui a fourni certains des services prévus au contrat entre Raytheon et le gouvernement du Canada, relève de la compétence du Conseil.

[3] CBO et Raytheon ont toutes deux soulevé des objections quant à la compétence du Conseil, lorsque la Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section locale 1541 (la FIOE) a présenté une demande de déclaration d’employeur unique et de vente d’entreprise. CBO et Raytheon ont contesté de manière semblable la compétence du Conseil à l’égard d’une plainte connexe de pratique déloyale de travail déposée par la FIOE, dans laquelle l’Association unie des compagnons et apprentis de l’industrie de la plomberie et de la tuyauterie des États-Unis et du Canada, section locale 787 (l’AU), était également désignée à titre d’intimée.

[4] La présente décision traite uniquement de la question de la compétence constitutionnelle du Conseil sur ces questions.

[5] Le Conseil a conclu que les services fournis par Raytheon, y compris ceux fournis par CBO, son sous‑traitant, sont vitaux et essentiels à l’entreprise fédérale du Canada qu’est le NWS. Une partie de chaque entreprise relève donc de la compétence du Conseil.

[6] La présente décision énonce les motifs du Conseil.

II. Faits

A. Observations

[7] Les observations des parties fournissent une mise en contexte utile.

[8] Le 2 juin 2014, la FIOE a présenté une demande de déclaration d’employeur unique et de vente d’entreprise. La FIOE avait conclu une convention collective avec Nasittuq Corporation (Nasittuq), l’entrepreneur qui fournissait auparavant au gouvernement du Canada les services liés au NWS.

[9] La FIOE alléguait, entre autres choses, que Raytheon et CBO étaient des employeurs successeurs quand ils ont commencé à fournir des services semblables au gouvernement du Canada pour les besoins du NWS.

[10] Dans sa réponse du 27 juin 2014, Raytheon a nié qu’une vente d’entreprise avait eu lieu ou qu’elle pourrait faire l’objet d’une déclaration d’employeur unique. Elle a plutôt allégué qu’elle était simplement le soumissionnaire qui avait été retenu à la suite d’une vaste demande de propositions publiée par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC).

[11] Raytheon a également contesté la compétence du Conseil à l’alinéa 9d) de sa réponse :

9. Dès le départ, RCL avance que le Conseil devrait immédiatement rejeter la demande, compte tenu des objections préliminaires suivantes :

d) La demande ne relève pas de la compétence du Conseil, car les services qui seront fournis dans le cadre du contrat relatif au NWS ne correspondraient pas à une entreprise fédérale.

(traduction)

[12] Dans sa réponse du 27 juin 2014, CBO a contesté de façon similaire le bien‑fondé de la demande de la FIOE ainsi que la compétence du Conseil à l’égard de ses activités :

55           CBO soutient que la demande devrait être rejetée, car les travaux d’entretien des installations qu’elle réalise dans le cadre du contrat sont assujettis à la compétence provinciale et ne sont pas visés par le Code. Par ailleurs, si CBO et les travaux d’entretien des installations qu’elle effectue à l’échelle locale sont de compétence provinciale, le CCRI n’a pas compétence pour déclarer qu’il est un employeur unique ou un employeur successeur en vertu des articles 35 et 44 du Code.

56           Bien que, de par sa nature et son caractère véritables, le NWS puisse être de compétence fédérale, puisqu’il est lié directement à un pouvoir fédéral principal et en fait nécessairement partie intégrante, en vertu du paragraphe 91(7) de la Loi constitutionnelle de 1867 (ce pouvoir étant « la milice, le service militaire et le service naval, et la défense du pays »), cela ne veut pas automatiquement dire que CBO, un entrepreneur engagé uniquement pour fournir des services d’entretien des installations pour le NWS, est assujetti à la compétence fédérale.

(traduction)

[13] Le 7 juillet 2014, l’AU a demandé la qualité d’intervenant, que le Conseil lui a par la suite accordée. L’AU entretient une relation de négociation collective de longue date avec Black & McDonald (BML), une des sociétés mères de CBO. CBO et Raytheon avaient accepté de reconnaître volontairement l’AU pour les travaux prévus au contrat conclu entre Raytheon et le gouvernement du Canada (ci‑après « le contrat de renouvellement »). Par suite de cette reconnaissance volontaire, l’AU s’est retrouvée en désaccord avec les prétentions de la FIOE concernant la vente d’entreprise ou la relation d’employeur unique.

[14] Le 17 novembre 2014, le Conseil a statué sur diverses questions préliminaires dans Nasittuq Corporation, 2014 CCRI LD 3317 (Nasittuq 3317). Dans sa demande initiale, la FIOE avait demandé une déclaration d’employeur unique qui inclurait, entre autres choses, TPSGC et le MDN. Le gouvernement du Canada a contesté la compétence du Conseil pour tirer ce genre de conclusion. Dans Nasittuq 3317, le Conseil a confirmé que le Code ne s’appliquait pas aux employés de la Couronne.

[15] Le Conseil a également demandé que des avis de question constitutionnelle soient envoyés aux procureurs généraux en vertu de l’article 57 de la Loi sur les cours fédérales.

[16] Le 15 janvier 2015, le Conseil a fixé les dates du 14 au 17 juillet 2015 pour la présentation d’éléments de preuve et d’arguments concernant la question de la compétence.

B. Le contrat de renouvellement du NWS

[17] Au cours de la période 2003 à 2014, Nasittuq a fourni au MDN des services liés au NWS. En 2013, TPSGC a publié une demande de propositions concernant ces services.

[18] En avril 2014 ou autour de ce mois, TPSGC a annoncé que la proposition de Raytheon à l’égard du contrat de renouvellement avait été retenue (pièce 5, onglet 1). Raytheon allait fournir les services en question, de même que ses factures, au MDN.

[19] Le contrat de renouvellement contient des renseignements contextuels utiles au sujet du NWS. Toutes les parties ont fait référence à diverses dispositions du contrat de renouvellement pendant l’audience.

[20]  Par exemple, l’article 1.1 indique qu’avec le temps, il était devenu de moins en moins nécessaire que des militaires et des entrepreneurs civils se trouvent en permanence sur les sites radars du Nord :

1.1  Au cours des premières années de l’activité radar dans l’Arctique, des militaires et des entrepreneurs civils assuraient en permanence le fonctionnement et l’entretien des radars sur l’ensemble des sites. Au fil du temps, l’élément militaire a été retiré des sites et, en raison des progrès technologiques et de l’évolution des concepts, la présence des entrepreneurs a diminué jusqu’à aujourd’hui, où les sites radars du Système d’alerte du Nord (NWS) du Canada sont entièrement exploités sans personnel et gérés par un entrepreneur en fonctionnement et entretien (F et E). Dans l’Arctique, les sites radars s’étendent du Labrador jusqu’à la frontière se situant à la limite du Yukon et de l’Alaska; l’installation de North Bay constitue le centre responsable de surveiller et de contrôler les systèmes des sites essentiels.

(pièce 5, onglet 1; c’est nous qui soulignons)

[21] L’article 3 du contrat de renouvellement présente l’historique des entrepreneurs qui ont exploité et entretenu le NWS et son prédécesseur. Par exemple, l’article 3.1 décrit le soutien durant l’ère du réseau d’alerte avancé (réseau DEW) :

3.1     Soutien durant l’ère du réseau d’alerte avancé. Durant l’ère du réseau d’alerte avancé (réseau DEW), tous les sites radars comprenaient du personnel militaire et des techniciens fournis par des entrepreneurs 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Le réapprovisionnement s’effectuait par l’intermédiaire de vols hebdomadaires « verticaux » en provenance de Winnipeg jusqu’aux stations CAM-M et FOX-M, se poursuivant avec des vols de translation à travers le réseau de radars.

(pièce 5, onglet 1)

[22] L’article 3.2 décrit la construction du NWS et souligne que, pour la première fois, le Canada « faisait appel à un entrepreneur pour faire fonctionner et entretenir un système de défense principal » :

3.2     Le NWS avant 2000. Construit de 1986 à 1992 (à l’exception des huit sites du réseau DEW existants, vers 1950), le NWS est le fruit du protocole d’entente entre les États‑Unis et le Canada dans le cadre du Projet de modernisation du système de la défense aérienne de l’Amérique du Nord (NAADM). Dès le début, les activités de F et E du NWS étaient effectuées dans le cadre de marchés de services. C’était la première fois que le Canada faisait appel à un entrepreneur pour faire fonctionner et entretenir un système de défense principal. Le soutien au NWS était conçu à partir d’un concept de cinq zones reliant les opérations au sud aux sites logistiques de la zone, jusqu’aux sites radars. La planification a commencé en 1993 pour les opérations sans surveillance dans neuf sites radars à longue portée (avec les membres du personnel qui restaient aux sites CAM-M et FOX-M). Les sites sont ensuite passés graduellement d’une dotation minimale en personnel en 1994-1995 à une absence totale de surveillance sur place en 1995. Les autres éléments du NWS, soit les sites radars à courte portée, ont été conçus pour être exploités sans surveillance.

(pièce 5, onglet 1; c’est nous qui soulignons)

[23] L’article 3.3 décrit la situation de 2000 à aujourd’hui et indique que le concept de fonctionnement et d’entretien (F et E) avait évolué, de sorte que « l’entrepreneur a désormais la charge, la garde et le contrôle de l’ensemble du NWS et de ses composantes » :

3.3     Le NWS de 2000 à aujourd’hui. Aujourd’hui le concept de F et E a évolué; en effet, l’entrepreneur a désormais la charge, la garde et le contrôle de l’ensemble du NWS et de ses composantes. Selon ce concept, l’entrepreneur a l’entière responsabilité de fournir des données radars, ce qui, sur le plan opérationnel, se traduit par la responsabilité de toutes les activités de F et E liées au NWS, du respect de toutes les exigences réglementaires, et de l’élaboration et de la mise en oeuvre d’un programme efficace de maintien. En retour, l’entrepreneur dispose du contrôle des premières pièces d’équipement, de l’équipement de soutien et des infrastructures du site, tandis que le gouvernement du Canada conserve les pouvoirs généraux en ce qui concerne la configuration et l’approbation de la mise en oeuvre du projet.

(pièce 5, onglet 1; c’est nous qui soulignons)

[24] L’article 6.1.1 décrit de façon plus détaillée le concept d’« entretien, garde et contrôle » par l’entrepreneur :

6.1.1 Entretien, garde et contrôle. Selon ce concept, l’entrepreneur a l’entière responsabilité de fournir des données radars, ce qui, à un niveau opérationnel, se traduit par la responsabilité de toutes les activités de F et E liées au NWS, du respect de toutes les exigences réglementaires, et de l’élaboration et de la mise en oeuvre d’un programme efficace de maintien. En retour, on attribue à l’entrepreneur la responsabilité des premières pièces d’équipement, de l’équipement de soutien et des infrastructures du site, tandis que le Canada conserve les pouvoirs généraux en ce qui concerne la configuration et l’approbation de la mise en oeuvre du projet.

(pièce 5, onglet 1)

[25] L’article 4.1 du contrat de renouvellement décrit en quoi le NWS permet au Canada et aux États‑Unis de détecter les menaces aériennes :

4.1     Mission du NWS. Le NWS présente la capacité de détecter les menaces aériennes dans la zone de surveillance du NWS, de produire des données d’avertissement et d’évaluation sur ces menaces, et de fournir une capacité de commandement et contrôle au Secteur de la défense aérienne du Canada (SDAC) du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD).

(pièce 5, onglet 1)

[26] Pour des raisons stratégiques, les sites du NWS sont positionnés dans les environnements les plus rudes au Canada. Les emplacements éloignés et le climat rigoureux de l’Arctique offrent à l’entrepreneur très peu d’occasions chaque année pour des projets menés à l’extérieur et des activités d’entretien importantes :

4.2.1 Les sites du NWS sont stratégiquement positionnés aux quatre coins de l’Arctique et le long de la côte du Labrador, dans les environnements les plus rudes au Canada. Les emplacements éloignés et le climat rigoureux de l’Arctique offrent à l’entrepreneur très peu d’occasions chaque année pour des projets menés à l’extérieur et requièrent d’importantes activités d’entretien, habituellement de juin à septembre. En plus de la majorité des tâches d’entretien préventif courantes, les réparations d’urgence et les projets intérieurs peuvent être exécutés tout au long de l’année, mais l’accès peut être très limité en raison des conditions météorologiques qui restreignent le vol (givrage, conditions, vents forts, etc.).

(pièce 5, onglet 1; c’est nous qui soulignons)

[27] Les articles 4.3 et 4.4 du contrat de renouvellement donnent un aperçu utile de l’équipement et des installations dont Raytheon est devenue responsable.

[28] Le NWS comprend 47 sites radars dont 36 sont à courte portée et 11 sont à longue portée. La preuve indique qu’un des sites a été détruit dans un incendie et n’a pas été remplacé.

[29] Cinq sites de soutien logistique (SSL) ont été établis dans cinq zones distinctes pour la prestation des services d’entretien relatifs aux sites radars : i) Hall Beach; ii) Cambridge Bay; iii) Goose Bay; iv) Iqaluit; v) Inuvik. Le contrat de renouvellement décrit ainsi les SSL :

4.4.2 Sites de soutien logistique. Le NWS au Canada est divisé en cinq zones, chacune comportant un site de soutien logistique. Chaque site de soutien logistique est composé d’installations d’entreposage et d’ateliers, et est interconnecté avec les autres éléments du NWS par le RCLD. Chaque site de soutien logistique dispose du personnel permettant d’assurer un soutien en matière de logistique et d’entretien pour les sites désignés du NWS situés dans la zone prise en charge. Les sites de soutien logistique de Hall Beach, Cambridge Bay et Goose Bay sont situés au même endroit qu’un aérodrome civil. Les sites de soutien logistique d’Iqualuit et d’Inuvik sont situés à plusieurs kilomètres d’un aérodrome civil. Les sites de soutien logistique sont classés selon les catégories suivantes …

 (pièce 5, onglet 1; c’est nous qui soulignons)

[30] L’article 5.1 du contrat de renouvellement énonce les obligations opérationnelles de Raytheon à l’égard du NWS. Par exemple, selon l’article 5.1, le fait d’assurer une surveillance radar continue sur les approches nordiques d’Amérique du Nord est une priorité opérationnelle :

5.1     Priorités opérationnelles. La mission du NWS est d’assurer une surveillance radar continue et un certain contrôle sur les approches nordiques d’Amérique du Nord, contribuant ainsi à assurer la défense de l’Amérique du Nord et la souveraineté du Canada. Le ministère de la Défense nationale (MDN) et les Forces canadiennes (FC) doivent, en raison de leurs obligations nationales et internationales, assurer le bon fonctionnement et l’entretien adéquat du NWS. La capacité d’auto‑conservation ou de pérennité de l’installation dans un mode sans surveillance avec un minimum d’intervention humaine est essentielle au succès de la mission. L’intégrité des premières pièces d’équipement est primordiale en tout temps et l’équipement doit résister le plus possible à tout incident catastrophique afin de reprendre les opérations dès que le site est réparé et que les opérations sont relancées.

(pièce 5, onglet 1; c’est nous qui soulignons)

[31] Le contrat de renouvellement oblige Raytheon à fournir des signaux radars utilisables au moins 96 % du temps pour chaque site :

5.2     Disponibilité opérationnelle. L’entrepreneur doit fournir des signaux radar et radio sol‑air‑sol utilisables entre les sites du NWS et le point de démarcation du SDAC (répartiteur central à North Bay), au moins 96 % du temps mensuellement pour chaque site.

(pièce 5, onglet 1)

[32] Le contrat de renouvellement traite également de l’obligation de Raytheon de fournir un niveau normal de disponibilité opérationnelle pour les radars :

5.3.1 Niveau normal. L’entrepreneur exploite et maintient le NWS au niveau normal de disponibilité opérationnelle de telle sorte que les données radars et les radiocommunications sol-air-sol sont disponibles au répartiteur central conformément à la norme de rendement précisée dans l’EDT. L’entrepreneur respecte les délais de rétablissement des interruptions des premières pièces d’équipement, tel qu’il est précisé dans l’EDT, à l’exception des cas où la préservation du site est à risque, alors l’entrepreneur fournit une réponse immédiate tel que précisé dans l’EDT, pour assurer la préservation du site.

(pièce 5, onglet 1)

[33] La 22e Escadre North Bay compte parmi les escadres et escadrons de l’Aviation royale canadienne (ARC). Deux centres nerveux clés du NWS sont situés à la 22e Escadre. Le Centre de contrôle du NWS (le Centre de contrôle) est décrit à l’article 4.4.3 du contrat de renouvellement comme étant le « point central pour signaler les questions liées aux opérations de la mission » :

4.4.3 Centre de contrôle du NWS. Le Centre de contrôle du NWS est situé dans le complexe en surface de l’immeuble Sergeant David L. Pitcher de la 22e Escadre North Bay. Le personnel du Centre de contrôle du NWS assure la liaison avec la section de l’entretien du système de la 22e Escadre et intervient auprès de celui-ci afin de coordonner l’entretien. Le Centre de contrôle du NWS est le point central pour signaler les questions liées aux opérations de la mission. Le personnel du Centre de contrôle du NWS surveille le site et l’état du système, gère les systèmes et fournit des directives aux sites de soutien logistique. Le personnel de l’entrepreneur au Centre de contrôle du NWS effectue l’entretien du RCLD, du système de suivi et de contrôle, de l’automate programmable et du SCADA situés dans l’immeuble Sergeant David L. Pitcher.

(pièce 5, onglet 1; c’est nous qui soulignons)

[34] L’exploitation et la dotation en personnel du Centre de soutien du NWS (le Centre de soutien) sont assurées par Raytheon, conformément à l’article 4.4.4 du contrat de renouvellement :

4.4.4 Centre de soutien du NWS. Le Centre de soutien du NWS est situé dans le bâtiment 109 de la 22e Escadre North Bay, et c’est l’entrepreneur qui en assure la dotation en personnel et l’exploitation. Le rôle du Centre de soutien du NWS est d’assurer l’entretien en entrepôt, la formation et le soutien à la logistique pour le radar AN/FPS-124, l’équipement du RCLD et les composantes de commande électroniques des systèmes de production d’énergie et des groupes d’alimentation statique sans coupure connexes du NWS. Le site de développement à courte portée, situé à environ 20 kilomètres de North Bay, fait partie intégrante du Centre de soutien du NWS et est utilisé pour la formation, la résolution de problèmes et la réalisation d’essais, ainsi que pour la mise au point de logiciels et d’interfaces de communications.

(pièce 5, onglet ; c’est nous qui soulignons)

[35] L’article 6.5.1 décrit plus en détail l’obligation de Raytheon de rendre opérationnel le NWS conformément au contrat :

6.5.1  Généralités. L’entrepreneur est chargé de rendre opérationnel le NWS, ce qui nécessite ce qui suit : services administratifs; gestion financière; gestion logistique; gestion des risques; gestion de la qualité; gestion de la sûreté, de la santé et de la sécurité; services d’information; gestion des sites; entretien, surveillance et contrôle; maintien du cycle de vie; contrôle de la configuration; protection contre les incendies; maintien en puissance; plan quinquennal de fonctionnement et de maintien; gestion de petits projets; passation de marchés; soutien au tiers; soutien au client (gouvernement); coordination du carburant pour le transport aérien et maritime; gérance de l’environnement. L’entrepreneur présente de façon régulière des rapports d’étape au Bureau du NWS et lui fait part des problèmes éprouvés au fur et à mesure qu’ils surviennent, tant à l’oral qu’à l’écrit.

(pièce 5, onglet 1)

[36] La maximisation de la durée de vie utile du NWS est une autre responsabilité dont Raytheon doit s’acquitter aux termes du contrat de renouvellement :

6.5.6 Gestion du cycle de vie. On s’attend à ce que le NWS demeure en service au moins jusqu’en 2030. Il incombe à l’entrepreneur de maximiser la durée de vie utile prévue des infrastructures et des systèmes actuels dans le cadre du processus d’évaluation et d’analyse approfondies de la conception, et de la mise en oeuvre de projets de maintien.

(pièce 5, onglet 1; c’est nous qui soulignons)

[37] Le contrat de renouvellement décrit également certaines « interactions organisationnelles », par exemple la responsabilité du Secteur de la défense aérienne du Canada de surveiller l’ensemble de l’alimentation radar :

7.2     SDAC. Le Secteur de la défense aérienne du Canada (SDAC), situé à la 22e Escadre North Bay, est responsable de la surveillance, de l’identification, du contrôle ainsi que de la diffusion d’avertissements pour la défense aérospatiale du Canada et de l’Amérique du Nord au centre des opérations aériennes du secteur. Le personnel du 21e Escadron de contrôle et d’alerte aérospatial, qui compose le « centre nerveux » du SDAC, occupe un complexe ultramoderne de deux étages de la 22e Escadre qui a officiellement ouvert ses portes en 2006. Des équipes de service, composées notamment de contrôleurs – Aérospatiale et d’opérateurs – Contrôle aérospatial, assurent les opérations selon des quarts de travail de huit heures. Leur travail consiste à surveiller l’ensemble de l’alimentation radar approchant l’espace aérien canadien.

(pièce 5, onglet 1)

[38] Les parties ont remis au Conseil une copie du contrat de renouvellement indiquant, au moyen d’un code de couleurs, les fonctions qui ont été attribuées à CBO, selon les modalités de son contrat de sous‑traitance avec Raytheon.

[39] Le contrat de renouvellement contient également un énoncé des travaux (EDT) de 219 pages qui décrit dans les menus détails la myriade de fonctions que Raytheon devait remplir. Selon l’EDT, le fonctionnement et l’entretien des systèmes et de l’équipement du NWS constituent la priorité :

2. A.1.b   Conserver une main-d’oeuvre capable de réaliser toutes les tâches figurant dans l’énoncé des travaux (EDT). Dans le cadre de l’établissement des priorités relatives aux travaux, le fonctionnement et l’entretien (F et E) de l’équipement et du Centre de contrôle du Système d’alerte du Nord (Centre de contrôle du NWS) doivent être la principale priorité.

(pièce 5, onglet 1; EDT)

C. Témoignages

[40] CBO et Raytheon ont appelé un témoin chacune. Après avoir entendu les témoignages, la FIOE a choisi de ne pas appeler de témoin.

[41] La preuve n’a pas été contestée outre mesure. CBO est une coentreprise fondée en 1995 par l’entreprise canadienne BML et par Pacific Architects and Engineers inc., qui a son siège social aux États‑Unis. BML a conclu une convention collective, qui est actuellement en vigueur, avec l’AU pour divers projets de construction (pièce 3, onglet 125). BML fournit également du soutien à CBO dans certains domaines, y compris ce qui a trait à ses états financiers.

1. Steven Watt

[42] M. Steven Watt, directeur général de CBO, a déclaré que, pour l’essentiel, BML était une entreprise de construction et d’entretien. Tous les contrats obtenus par CBO étaient assujettis à la convention collective établie entre BML et l’AU. Les nouveaux projets entrepris par BML et CBO ont été ajoutés à la convention collective avec l’AU sous forme d’annexes.

[43] Pendant qu’elle préparait sa proposition, Raytheon a communiqué avec CBO à propos de la demande de propositions (DP) relative au NWS. Le gouvernement du Canada a finalement adjugé le contrat à Raytheon. Le 14 juin 2015, Raytheon et CBO ont conclu un contrat de sous‑traitance répartissant les tâches prévues au contrat de renouvellement. L’EDT du fournisseur (pièce 1, onglet 2) décrit le travail que CBO devait effectuer dans le cadre du contrat de renouvellement. M. Watt a estimé que CBO exécutait environ 25 % du travail prévu au contrat de renouvellement.

[44] M. Watt a décrit les divers services fournis par CBO, y compris : services de protection contre les incendies, entretien des bâtiments et des structures, entretien des routes, entretien des terrains, entretien d’équipement lourd, entretien ménager, préparation des repas, santé et sécurité, et saisie de données dans les systèmes d’entrepôt. Il a passé en revue diverses descriptions de travail d’employés de CBO (pièce 1, onglets 16 à 27), dont celles des mécaniciens de moteurs diesels, des électriciens, des conducteurs d’équipement lourd et des techniciens des installations du personnel. Ces derniers participent à l’entretien du système du NWS.

[45] En contre‑interrogatoire, M. Watt a expliqué que CBO ne réparait pas le radar en tant que tel; cette tâche était réservée à Raytheon. Étant donné que le NWS n’est pas raccordé au réseau électrique, CBO veillait à ce que des génératrices, multiples et redondantes, assurent son fonctionnement continu. Ce système d’alimentation électrique permettait, entre autres choses, de chauffer les installations des SSL de manière continue et de garantir l’alimentation électrique ininterrompue dont les sites radars ont besoin pour fonctionner.

[46] Les employés de CBO qui travaillaient à la 22e Escadre North Bay surveillaient divers systèmes, y compris celui des génératrices diesels. Ainsi, CBO pouvait fournir à Raytheon d’importantes lectures de carburant à l’occasion de réunions que cette dernière tenait avec le MDN et la US Air Force, laquelle fournit le carburant pour les génératrices diesels.

[47] Pour que le MDN soit en mesure de faire son travail, CBO veille à ce que les pièces de rechange essentielles soient en stock, particulièrement les pièces des génératrices diesels. Les employés de CBO sont responsables des stocks dans les SSL. Selon la situation, les employés du SSL peuvent être appelés à se déplacer d’urgence pour effectuer des réparations dans le Nord.

[48] M. Watt a reconnu que certains employés de CBO et de Raytheon étaient interchangeables, selon les besoins du MDN.

2. Pierre Leblanc

[49] Comme seul témoin, Raytheon a appelé M. Pierre Leblanc. M. Leblanc, un ancien colonel des Forces canadiennes, a acquis une vaste expérience dans le Nord du Canada. Il travaille actuellement pour Raytheon en tant que directeur de programme pour le contrat relatif au NWS. Raytheon l’a embauché en mai 2014, bien qu’il ait travaillé pour elle à titre de consultant avant l’adjudication du contrat de renouvellement.

[50] Le rôle principal de M. Leblanc à titre de consultant pour Raytheon était de fournir des conseils stratégiques sur la gestion du programme d’avantages pour les Inuits (AI), lequel était un des secteurs de gestion et d’administration des programmes énoncés dans le contrat (pièce 5, portée des travaux, page 2 de 219). Le programme d’AI garantissait qu’un minimum d’emplois ou de travail revienne aux Inuits ou aux entreprises inuites.

[51] M. Leblanc rencontre régulièrement les dirigeants du NWS dans le cadre d’examens du projet. Des officiers supérieurs des forces armées canadiennes et américaines peuvent aussi participer à ces rencontres. Parfois, des experts techniques de Raytheon se joignent à M. Leblanc ou le remplacent, suivant la nature des questions à aborder.

[52] M. Leblanc a décrit le NWS en détail et a déclaré que les membres des Forces canadiennes prenaient les décisions quant à la manière d’intervenir en cas d’intrusion dans l’espace aérien canadien, que ce soit par un avion ou un missile.

[53] Raytheon s’est associée avec CBO, car cette entreprise possédait de l’expérience dans l’Arctique. M. Leblanc a expliqué que Raytheon s’occupait des tâches liées aux radars, tandis que CBO assurait la gestion des installations.

[54] Raytheon a appris que le contrat de renouvellement lui avait été adjugé en mars 2014. Le contrat de renouvellement entrait en vigueur le 1er avril 2014 et nécessitait une période de transition, afin que le transfert des responsabilités d’un entrepreneur à l’autre se fasse sans heurts.

[55] Aux termes du contrat de renouvellement (pièce 5, article 3.A.1.a), Raytheon devait préparer un plan de prise en charge du projet (PPCP) afin de prendre sous sa responsabilité l’entretien, la garde et le contrôle du NWS. Le PPCP devait s’harmoniser au plan de passation de projet (PPP) que le gouvernement du Canada avait négocié avec l’entrepreneur sortant, Nasittuq. Le PPCP devait commencer en avril 2014. L’entretien, la garde et le contrôle du NWS devaient être transférés à Raytheon le 1er août 2014.

[56] M. Leblanc a décrit comment Raytheon exploitait et entretenait les ressources du MDN. Le MDN analysait les données provenant de ces ressources, dont les renseignements radars signalant la présence d’un intrus dans l’espace aérien canadien. Raytheon fournissait la « piste radar » (traduction) qu’utilisait le MDN, mais seul le MDN surveillait ces renseignements. Raytheon et CBO surveillaient différentes alarmes et systèmes de rapports afin de s’assurer du bon fonctionnement des ressources.

[57] Aux termes du contrat de renouvellement, Raytheon avait aussi l’obligation de gérer les radars pour veiller à ce que le NWS demeure en service jusqu’en 2030.

[58] Le MDN exerçait une surveillance considérable en exigeant un grand nombre de rapports quotidiens, hebdomadaires, mensuels et annuels. Ces rapports permettaient au MDN de surveiller le rendement de Raytheon. Le MDN effectuait également des inspections aux fins de l’assurance de la qualité, entre autres choses. Cependant, le MDN ne coordonnait pas le travail quotidien des employés de Raytheon.

[59] Pour s’acquitter de ses obligations prévues au contrat de renouvellement, Raytheon devait effectuer des travaux d’entretien. Un entretien d’urgence peut être nécessaire si toutes les génératrices d’un site radar, malgré leur redondance considérable, tombent en panne en même temps.

[60] Selon le contrat de renouvellement, Raytheon devait également repérer les pièces d’équipement désuètes du NWS et trouver des solutions, particulièrement si le fabricant initial des pièces en question avait cessé ses activités. Une analyse des tendances permettait d’établir quand une pièce arriverait à la fin de sa vie utile afin de la remplacer à l’avance. Il coûtait moins cher d’entretenir le NWS de cette façon plutôt que d’effectuer des réparations d’urgence au moyen d’hélicoptères ou d’aéronefs à voilure fixe.

[61] En outre, le contrat de renouvellement obligeait Raytheon à doter 15 postes clés, tous sujets à l’approbation du gouvernement (pièce 5, onglet 1). Raytheon demeurait responsable de la dotation en personnel de tous les autres postes requis, dans la mesure où les employés répondaient aux exigences du contrat de renouvellement.

[62] M. Leblanc a mis en opposition le contrat de Raytheon, qui est à prix fixe, avec celui de l’entrepreneur précédent, Nasittuq, dont le contrat était « à prix coûtant majoré » (traduction).

[63] L’article 5.A.1.a du contrat de renouvellement décrit la responsabilité de Raytheon à l’égard du NWS :

5.A.1.a    Exploiter et entretenir le NWS à un niveau de disponibilité opérationnelle permettant de respecter au moins les exigences minimales de rendement concernant la disponibilité des données radar et de la radiocommunication sol-air-sol, la préservation du site, les délais de rétablissement des interruptions d’équipement, la flexibilité opérationnelle et la protection environnementale décrites dans le présent EDT. À moins d’indications contraires de l’AT du Bureau du NWS, maintenir tous les sites du NWS dans un état de fonctionnement et fournir des données radar et des signaux radio sol-air-sol sur des circuits de communication fournis par le gouvernement (répéteur de satellite) au point de démarcation du Secteur de la défense aérienne du Canada (SDAC) du NWS. Le point de démarcation du SDAC doit correspondre au répartiteur central du complexe en surface (édifice David L. Pitcher) de la 22Escadre North Bay. L’entrepreneur doit mener ses activités au Centre de contrôle du NWS, situé dans le complexe en surface.

(pièce 5, onglet 1; c’est nous qui soulignons)

[64] M. Leblanc a souligné que Raytheon avait conclu environ 900 contrats avec d’autres fournisseurs afin de s’acquitter de ses obligations relatives au contrat de renouvellement. CBO était de loin le plus important de ces autres fournisseurs.

[65] M. Leblanc a témoigné au sujet d’autres responsabilités clés qui incombaient à Raytheon en vertu du contrat de renouvellement. Par exemple, un approvisionnement de deux ou trois ans en carburant en vrac était nécessaire au bon fonctionnement des génératrices des sites radars. La US Air Force fournissait le carburant. Des experts techniques se rendaient sur le site pour veiller à ce que le carburant soit transféré du navire ravitailleur aux réservoirs situés sur la côte, et de ces réservoirs au site radar en tant que tel. La livraison du carburant dépendait des conditions climatiques.

[66] Raytheon devait également assurer le transport de cargaisons entre les différentes régions géographiques du NWS, qui ne sont pas toutes dotées de routes. L’entretien de la flotte de véhicules était aussi important, puisque les radars étaient situés dans le Grand Nord.

[67] L’article 13.A.1.a du contrat de renouvellement décrit la portée du travail lié à l’équipement radar, à l’équipement de communication et à l’équipement auxiliaire du NWS :

13.A.1.a Fournir la totalité du personnel et des services techniques requis pour gérer, superviser et réaliser les opérations et l’entretien de l’équipement radar, de l’équipement de communication ainsi que de l’équipement auxiliaire du NWS. Les travaux comprennent, sans toutefois s’y limiter, les mises à l’essai, la réparation sur place, la formation technique, la gestion de la configuration, l’entretien et les travaux de génie à l’échelle de l’entrepôt, ainsi que les fonctions de génie à l’appui de tous les systèmes radar, systèmes de communication et systèmes auxiliaires du NWS, afin de veiller à ce que les normes de rendement et les durées de vie utile des systèmes établies soient respectées. Il peut s’avérer nécessaire de reconfigurer, d’améliorer ou de modifier l’équipement ou les systèmes existants de temps à autre, selon les directives de l’AT du Bureau du NWS. S’assurer, à l’aide des codes, des règlements et des lois applicables, que tous les travaux réalisés sont conformes aux manuels techniques, aux directives du FEO ainsi qu’aux meilleures pratiques commerciales.

(pièce 5, onglet 1; c’est nous qui soulignons)

[68] Le contrat de renouvellement traite également d’aspects tels que i) la gestion des installations (pièce 5, page 159); ii) le maintien des systèmes (pièce 5, page 180); et iii) la gestion de l’information (pièce 5, page 212).

[69] M. Leblanc a expliqué que CBO collaborait au contrat de renouvellement selon une « approche d’équipe » (traduction). En fait, M. Leblanc a déclaré qu’en raison de cette approche d’équipe, il n’arrivait pas à faire la différence entre les employés de Raytheon et ceux de CBO quand il visitait le Centre de contrôle ou le Centre d’approvisionnement. La pièce 7, onglet 1, illustre au moyen d’un code de couleurs la répartition entre Raytheon et CBO des travaux prévus au contrat de renouvellement.

[70] M. Leblanc a souligné qu’un organigramme (pièce 7, onglet 2) utilisait également un code de couleurs pour distinguer les employés de Raytheon de ceux de CBO. Il arrivait que des employés de Raytheon et de CBO ayant des classifications d’emploi semblables travaillent à la 22e Escadre North Bay. L’organigramme montrait que les employés de CBO et de Raytheon travaillaient ensemble au Centre de contrôle et au Centre de soutien.

[71] M. Leblanc a décrit le Centre de contrôle de North Bay. Les employés de Raytheon et de CBO y travaillaient dans un bureau à aires ouvertes. Le Centre de contrôle se trouve dans le même édifice de la 22e Escadre où le MDN analyse des données provenant du NWS. Comme le bureau du Centre de contrôle est à aires ouvertes, les employés de Raytheon et ceux de CBO peuvent voir et entendre toutes les alarmes pouvant provenir du NWS.

[72] Au Centre de contrôle, les employés surveillaient diverses alertes provenant des sites radars, y compris celles des génératrices diesels, du contrôle de la température, de l’ouverture des portes et de l’état des communications.

[73] L’organigramme (pièce 7, onglet 2) décrit également qui travaillait aux cinq SSL dans le Nord du Canada. Les SSL sont responsables, dans la zone qui leur est assignée, de l’entretien d’un nombre fixe des 47 sites radars.

[74] M. Leblanc a aussi décrit les droits de représentation de l’AU, tels qu’il les comprenait. L’AU avait représenté les employés de CBO dans le cadre d’autres projets. Raytheon et CBO voulaient que leurs employés travaillent comme une seule équipe, représentée par l’AU. Cette décision a donné lieu à la signature d’un protocole d’entente (PE) entre Raytheon, CBO (BML) et l’AU concernant les travaux liés au NWS (pièce 4, onglet 13).

III. Droit

[75] L’article 4 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code) décrit le champ de compétence du Conseil :

4. La présente partie s’applique aux employés dans le cadre d’une entreprise fédérale et à leurs syndicats, ainsi qu’à leurs employeurs et aux organisations patronales regroupant ceux-ci.

[76] L’article 2 du Code définit l’expression « entreprises fédérales », telle qu’elle est énoncée à l’article 4. L’article 2 reprend en grande partie le libellé de la Loi constitutionnelle de 1867, laquelle établit les différents domaines de compétence fédérale.

[77] Les parties ont convenu que le NWS est une entreprise fédérale, selon l’article 91(7) de la Loi constitutionnelle de 1867 :

91. Il sera loisible à la Reine, de l’avis et du consentement du Sénat et de la Chambre des Communes, de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada, relativement à toutes les matières ne tombant pas dans les catégories de sujets par la présente loi exclusivement assignés aux législatures des provinces; mais, pour plus de garantie, sans toutefois restreindre la généralité des termes ci-haut employés dans le présent article, il est par la présente déclaré que (nonobstant toute disposition contraire énoncée dans la présente loi) l’autorité législative exclusive du parlement du Canada s’étend à toutes les matières tombant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérés, savoir :

7. La milice, le service militaire et le service naval, et la défense du pays.

[78] Il existe une nette présomption selon laquelle les relations du travail relèvent de la compétence provinciale; la compétence fédérale constitue l’exception : NIL/TU,O Child and Family Services Society c. B.C. Government and Service Employees’ Union, 2010 CSC 45; [2010] 2 R.C.S. 696.

[79] Les parties ont convenu que la question juridique à trancher en l’espèce est celle de savoir s’il peut être estimé que Raytheon et CBO constituent une partie vitale, essentielle ou fondamentale de l’entreprise fédérale. La Cour suprême du Canada (la CSC) s’est récemment penchée sur le critère bien connu de la compétence dérivée.

[80] Dans Tessier Ltée c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), 2012 CSC 23; [2012] 2 R.C.S. 3, la CSC a résumé comment une entité, qui relèverait autrement de la compétence provinciale, peut néanmoins être assujettie à la compétence fédérale, selon l’analyse de la compétence dérivée :

[17] Dans l’Affaire des débardeurs, la Cour a donc établi que le fédéral a compétence en matière de réglementation du travail dans deux circonstances : lorsque l’emploi s’exerce dans le cadre d’un ouvrage, d’une entreprise ou d’un commerce relevant du pouvoir législatif du Parlement ou lorsqu’il se rapporte à une activité faisant partie intégrante d’une entreprise assujettie à la réglementation fédérale, ce qui est parfois appelé compétence dérivée. Dans Travailleurs unis des transports c. Central Western Railway Corp., [1990] 3 R.C.S. 1112, p. 1124-1125, le juge en chef Dickson a indiqué qu’il s’agissait là de deux formes de compétence distinctes mais connexes.

[18] S’agissant de la compétence fédérale directe en matière de travail, on détermine si la nature fonctionnelle essentielle de l’ouvrage, du commerce ou de l’entreprise le fait tomber dans un champ de compétence fédérale, tandis que dans le cas de la compétence dérivée, on détermine si cette nature est telle que l’ouvrage fait partie intégrante d’une entreprise fédérale. Dans les deux cas, l’attribution de la compétence en matière de relations de travail nécessite l’établissement de la nature fonctionnelle essentielle de l’ouvrage.

[19] Cette évaluation fonctionnelle suppose l’analyse de l’entreprise en tant qu’entreprise active, en fonction de ses caractéristiques constantes uniquement : Commission du salaire minimum c. Bell Telephone Co. of Canada. Des éléments exceptionnels ne sauraient définir la nature fonctionnelle essentielle d’une entreprise. Ainsi, quelques voyages extraprovinciaux occasionnels ne faisant pas partie de ses activités régulières de transport local, par exemple, ne sont pas déterminants pour la nature d’une entreprise de transport maritime (Agence Maritime Inc. c. Conseil canadien des relations ouvrières, [1969] R.C.S. 851). Un seul contrat ne saurait non plus être déterminant pour la nature d’une entreprise de construction (Construction Montcalm Inc. c. Commission du salaire minimum, [1979] 1 R.C.S. 754). De la même façon, un pourcentage ténu d’activité locale ne saurait changer la nature d’une entreprise faisant par ailleurs partie intégrante du service postal (Union des facteurs du Canada c. Syndicat des postiers du Canada, [1975] 1 R.C.S. 178).

(c’est nous qui soulignons)

[81] Les parties ont en outre convenu que ni Raytheon ni CBO ne sont, fondamentalement, des entreprises fédérales. Comme le Conseil l’a confirmé dans sa lettre faisant suite à la conférence de gestion de l’affaire, le débat concerne plutôt la question de savoir si Raytheon et CBO, ou l’une des deux, sont vitales ou essentielles au NWS, qui est reconnu comme une entreprise fédérale. Dans l’affirmative, elles relèveraient donc de la compétence du Conseil.

[82] Au début de l’audience, le Conseil a renvoyé les parties à deux décisions récentes et leur a demandé de formuler des observations à propos de celles‑ci dans leur plaidoirie finale.

[83] Dans Syndicat des agents de sécurité Garda, Section CPI-CSN c. Corporation de sécurité Garda Canada, 2011 CAF 302 (Garda), la Cour d’appel fédérale (la CAF) a conclu que les services fournis par les agents de sécurité de Garda à un centre de prévention de l’immigration fédéral relevaient de la compétence du CCRI. À l’article 38, la CAF a décrit l’analyse en trois parties qui s’appliquait :

[38] Je me propose donc dans un premier temps d’examiner l’exploitation fédérale en cause, pour ensuite examiner les services fournis par Garda, afin de finalement parvenir à une conclusion sur l’existence ou non d’un lien « fondamental », « essentiel » ou « vital » entre l’exploitation de l’entreprise fédérale en cause et ces services.

[84] Dans la première partie de l’analyse, la CAF a souligné qu’un centre de prévention de l’immigration constituait une entreprise fédérale :

[39] Le Centre de prévention de l’immigration est un centre de détention du Gouvernement du Canada dont la gestion est assurée par une agence fédérale, soit l’ASFC. Il s’agit donc d’une « entreprise fédérale » faisant partie intégrante du gouvernement fédéral. La responsabilité constitutionnelle de ce centre relève du Parlement sous son pouvoir de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement en vertu du paragraphe introductif de l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867, sous son autorité législative exclusive sur la naturalisation et les aubains (les étrangers) en vertu du paragraphe 91(25) de cette loi constitutionnelle, et sous son pouvoir de faire des lois relatives à l’immigration en vertu de l’article 95 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[85] Dans la deuxième partie de l’analyse, la CAF a examiné la nature des services fournis par Garda :

[46] Tant les dispositions du contrat liant le Gouvernement du Canada et Garda que la preuve recueillie devant le Conseil démontrent sans ambiguïté que les gardiens de sécurité en cause prennent en charge les étrangers dont la détention est ordonnée par les agents de l’ASFC sous la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Ces gardes de sécurité menottent, transportent et escortent ces étrangers de leur point d’arrestation au centre de détention géré par l’ASFC dans la région de Montréal, et ils assurent la détention de ces étrangers au sein de ce centre. De plus, ces gardes de sécurité transportent, menottent et escortent les étrangers ainsi détenus dans la région de Montréal aux fins de faciliter les enquêtes, les auditions ou les mesures de renvoi sous la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

[47] Les gardes de sécurité de Garda doivent rencontrer les exigences de sécurité de la GRC, et certains d’entre eux doivent détenir un laissez-passer pour les zones sécuritaires de l’aéroport Montréal-Trudeau. Ils doivent tous exécuter leurs tâches sous les ordres des agents de l’ASFC et respecter les politiques ministérielles fédérales et les directives administratives de l’ASFC concernant la détention.

[48] Leur fonction principale est d’assurer la surveillance des étrangers ainsi détenus afin d’éviter qu’ils s’échappent et se soustraient aux mesures de détention imposées contre eux en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Il n’est d’ailleurs pas contesté que les services de sécurité des quelques [sic] 125 gardes fournis par Garda dans la région de Montréal assurent la détention effective des étrangers en cause au sein du Centre de prévention de l’immigration.

[86] Enfin, dans la troisième partie de l’analyse, la CAF a conclu que les services que fournissait Garda selon les modalités de son contrat constituaient une partie vitale, essentielle et fondamentale de l’entreprise fédérale :

[56] Quoiqu’il n’y ait aucune raison de douter que les « services de sécurité de base fournis par Garda à ses autres clients comprennent le travail de garde, de surveillance, de sécurité ou de protection des personnes, des biens ou des lieux » comme le souligne la majorité du banc de réexamen au paragraphe 49 de sa décision, aucune preuve au dossier ne démontre que les autres clients de Garda retiennent les services de cette société afin d’assurer la détention d’individus au sein d’un centre de détention. En effet, l’État détient le monopole de la contrainte, et seul l’État (agissant au Canada dans sa composante fédérale ou dans ses composantes provinciales) peut détenir par la force un individu et gérer un centre de détention à cette fin. Il s’agit là d’une fonction rattachée à la conception même de l’État moderne et sans laquelle notre société contemporaine ne pourrait fonctionner.

[57] Ainsi, il ne s’agit pas de surveiller l’accès du public à un édifice, ni d’examiner l’identité d’invités, ni de surveiller des immeubles afin d’y prévenir des vols ou d’autres méfaits. Les services de Garda auprès du Centre de prévention de l’immigration visent plutôt à assurer la détention des étrangers en vertu d’une législation du Parlement. Aucun autre client de Garda ne peut exploiter un centre de détention ni contracter avec Garda pour assurer la détention d’individus. Il est donc inexact de soutenir que les services de Garda auprès du Centre de prévention de l’immigration sont similaires à ceux fournis aux autres clients de cette société. Assurer la détention d’individus est une fonction profondément distincte et différente des autres fonctions exercées auprès des autres clients de Garda, et cette fonction très particulière de détention est d’ailleurs régie par des directives, des normes et des politiques gouvernementales fédérales auxquelles l’ensemble des gardes de sécurité en cause sont tenus de se conformer.

(c’est nous qui soulignons)

[87] Le Conseil a également demandé des observations sur la pertinence, le cas échéant, de sa décision dans l’affaire Avant-Garde Sécurité inc., 2014 CCRI 728 (Avant-Garde 728), une décision dans laquelle le Conseil a conclu, entre autres choses, qu’une partie dissociable d’une entreprise de gardiens de sécurité relevait de la compétence fédérale, vu la nature des services qu’elle fournissait à une entreprise fédérale. Dans cette décision, le Conseil a étayé sa conclusion en ces termes :

[200] Pour que l’application du critère relatif à la compétence dérivée soit concluante, il faut conclure à l’existence d’un lien « vital » ou « essentiel » entre les activités fédérales de Termont et les services que lui fournit AG.

[201] En se fondant sur les faits de l’espèce, le Conseil est convaincu que ce lien crucial existe.

[202] Le RSTM impose à Termont d’importantes responsabilités juridiques. Termont n’a pas recours aux services de gardiens de sécurité simplement pour ouvrir les portes donnant accès à un terrain de stationnement public. Elle a plutôt recours aux services des gardiens d’AG pour pouvoir s’acquitter de ses importantes obligations juridiques liées à la sécurité du port et des personnes qui y travaillent.

[203] À cet égard, le Conseil voit une analogie entre les faits de l’espèce et ceux d’autres affaires dans lesquelles il s’est déclaré compétent, par exemple en ce qui a trait aux gardiens de sécurité qui assuraient des services de sécurité du périmètre dans un aéroport (Securiguard Services Limited, 2005 CCRI 342), ainsi qu’aux agents de contrôle à différents aéroports partout au pays.

[204] Le Code, à l’article 47.3, prévoit des dispositions qui s’appliquent expressément aux agents de contrôle des aéroports.

[205] Termont ne serait pas en mesure d’exploiter son entreprise sans les services que lui fournissent les gardiens d’AG. Ceux-ci veillent à ce que seuls les chauffeurs et véhicules immatriculés autorisés puissent pénétrer dans les installations de Termont. Compte tenu de l’obligation de se conformer au RSTM, jumelée aux autres fonctions de sécurité exercées par les gardiens d’AG de façon régulière, le Conseil est convaincu qu’AG fournit des services qui sont vitaux et essentiels aux activités continues de Termont.

[206] Compte tenu des services fournis par AG à Termont, une partie des activités d’AG relève de la compétence du Conseil.

[88] L’analyse en trois parties que la CAF a utilisée dans Garda, et que le Conseil a appliquée dans Avant‑Garde 728, sera appliquée de manière semblable en l’espèce au moment d’examiner la question de la compétence dérivée.

IV. Position des parties

A. CBO

[89] À la lumière de la décision de la CSC dans Conseil canadien des relations du travail et autres c. Ville de Yellowknife, [1977] 2 R.C.S. 729, les parties ont convenu que le Code s’appliquait à l’emploi dans les territoires du Canada où travaillaient certains employés de CBO et de Raytheon. CBO a fait valoir que, outre ses employés dans les territoires, son personnel n’assurait pour Raytheon aucune fonction en sous‑traitance qui l’assujettirait à la compétence fédérale.

[90] CBO a avancé que ses autres employés qui travaillent à North Bay, en Ontario, et au Labrador, à Terre-Neuve-et-Labrador, demeuraient assujettis à la législation provinciale en matière de relations du travail.

[91] De l’avis de CBO, la FIOE n’a pas réfuté la présomption selon laquelle les relations du travail relèvent de la compétence provinciale. CBO a expliqué que son entreprise assurait « l’entretien des installations et l’exploitation » (traduction). Ce travail, qu’elle effectuait pour de nombreux clients, n’a rien à voir avec la défense nationale.

[92] Les services fournis par CBO, y compris la sécurité, la protection contre les incendies, les réparations générales, le déneigement, la préparation des repas, l’entretien ménager et l’entretien des génératrices, étaient semblables à ceux que toute entreprise d’entretien des installations peut fournir à ses clients. Ces services n’étaient pas intégrés à l’entreprise fédérale, comme le démontrait le fait que le MDN ne donnait aucune consigne, de quelque nature que ce soit, à CBO. CBO a fait valoir que, tout comme le service d’entretien ménager fourni par un entrepreneur à une banque à charte restait assujetti à la compétence provinciale, elle‑même demeurait une entreprise d’entretien des installations relevant de la compétence provinciale quand elle fournissait des services dans le cadre de son contrat de sous‑traitance avec Raytheon.

[93] CBO a fait ressortir le fait que le MDN était l’entité qui réalisait toutes les activités liées à la défense, dont l’interprétation des données radars, qu’il recevait directement. Ni Raytheon ni CBO n’agissaient en tant qu’intermédiaires dans la transmission de ces données. Seul le MDN surveillait la souveraineté du Canada; Raytheon et CBO ne jouaient aucun rôle à cet égard.

[94] Ayant soutenu qu’elle ne jouait aucun rôle dans l’exploitation de l’entreprise fédérale de défense du MDN, CBO a expliqué que ses services étaient seulement accessoires ou secondaires. Elle a indiqué que ses opérations de gestion et d’entretien des installations constituaient du travail local et civil, et qu’elle n’exécutait aucun travail lié à l’entreprise fédérale de défense. CBO pouvait fournir des services, dont la préparation des repas, l’entretien des locaux, la main‑d’oeuvre générale et le déneigement, pour pratiquement tous ses clients, en fonction de leurs besoins.

[95] CBO a déclaré que pour le travail dans le Grand Nord, l’entretien des génératrices diesels constituait un service normal, étant donné que les installations ne sont pas raccordées au réseau électrique. Par analogie, CBO a évoqué les services non atomiques d’Ontario Hydro : le fait qu’ils soient importants pour des entreprises provinciales et fédérales ne change rien au fait qu’il s’agit d’une entreprise provinciale.

[96] CBO a fait référence à la décision de la CSC dans Tessier et a soutenu que l’analyse constitutionnelle appropriée devait être axée sur les services fournis en tant que tels, et non sur l’entité à laquelle ces services sont fournis.

[97] CBO a également invoqué la décision de la CSC dans Construction Montcalm Inc. c. Commission du salaire minimum et autres, [1979] 1 R.C.S. 754 (Montcalm) à l’appui de sa position selon laquelle un entrepreneur peut réaliser des activités de construction sans faire partie d’une entreprise d’aéronautique.

[98] CBO a avancé que la décision de la Commission des relations de travail de l’Ontario (CRTO) dans AXOR Construction Canada Inc., [1999] OLRB Rep. November/December 933 (AXOR) appuyait aussi son affirmation selon laquelle ses services de gestion des installations avaient beaucoup en commun avec le contrat conclu par une entreprise de construction pour construire un nouveau pont et assurer le maintien de la circulation automobile pendant les travaux :

28. … Afin d’établir si AXOR fait partie intégrante de l’entreprise fédérale, ou de l’exploitation du pont par la CCN, la Commission doit effectuer une analyse fonctionnelle ou pratique. Il ressort clairement de l’examen des activités normales ou habituelles d’AXOR, en tant qu’entreprise active, que sa participation au projet de pont est temporaire et prendra fin en même temps que les travaux de construction. Alors, les employés d’AXOR partiront et, à moins qu’AXOR ne décroche d’autres contrats du même genre dans l’avenir, ils ne reviendront jamais. Tout comme dans l’affaire MONTCALM, précitée, une fois le projet terminé, les employés d’AXOR n’auront plus rien à voir avec l’entreprise fédérale. Le simple fait de travailler pour une entreprise fédérale ne fait pas d’AXOR une entreprise fédérale. Comme l’a souligné le procureur du syndicat, pour qu’une entreprise relève de la compétence fédérale, il doit y avoir un degré élevé d’intégration opérationnelle entre les deux entités, et cette intégration doit être continue. Ni l’un ni l’autre de ces facteurs n’est présent en l’espèce. Il est particulièrement important de noter que la relation ne durera que trois ans, ou pendant la durée du projet.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[99] La Cour divisionnaire de l’Ontario a par la suite confirmé le raisonnement de la CRTO : Axor Construction Canada Inc., [2001] OLRB Rep. January/February 230.

[100] CBO a également souligné que le contrat, dans AXOR, avait une durée déterminée, tout comme son propre contrat de sous‑traitance avec Raytheon.

[101] CBO a fait référence à plusieurs affaires dans lesquelles il avait été conclu que les services d’un entrepreneur ne relevaient pas de la compétence fédérale, même si les services en question étaient fournis à une entreprise fédérale :

i.    Six Seasons Catering Ltd. v. Saskatchewan Labour Relations Board, [1992] S.J. No. 588 (QL) (services alimentaires et services d’entretien ménager pour une mine d’uranium);

ii.   Reliable Window Cleaners (Sudbury) Ltd., [1982] OLRB Rep. November 1714 (lavage de vitres pour une raffinerie nucléaire);

iii.  Service d’entretien Avant-Garde inc. c. Canada (Conseil canadien des relations du travail), [1985] J.Q. no 363 (QL) (services d’entretien ménager aux installations d’Air Canada à l’aéroport de Mirabel);

iv.  Caterair Chateau Canada Limited, [1995] O.L.R.D. No. 1694 (QL) (services alimentaires pour des compagnies aériennes);

v.   Service de protection Burns International Ltée et Société canadienne des postes (1989), 78 di 39; et 3 CLRBR (2d) 264 (CCRT n° 746) (services de sécurité généraux pour Postes Canada);

vi.  Canadian Air Line Employees’ Association c. Wardair Canada (1975) Ltd. et autres, [1979] 2 C.F. 91 (entreprise de type agence de voyages offrant des services à des compagnies aériennes);

vii. Hazelwood v. Canadian Core of Commissionaires, Nova Scotia Division, [2010] C.L.A.D. No. 393 (QL) (services de sécurité pour une base des Forces canadiennes).

[102] CBO a formulé des observations portant expressément sur les décisions Garda et Avant‑Garde 728. Au sujet de Garda, décision dans laquelle la CAF avait conclu que les gardiens de sécurité jouaient un rôle vital et essentiel à l’exploitation d’une entreprise fédérale du domaine de l’immigration, CBO a souligné que les gardiens de sécurité exécutaient certaines fonctions en vertu d’un pouvoir explicitement prescrit par la loi, soit celui de détenir, de menotter et de transporter des individus.

[103] C’étaient ces services en particulier, qui allaient au‑delà des services de sécurité généraux, qui ont justifié la conclusion de la CAF selon laquelle le Conseil avait compétence. CBO a toutefois opposé que les services qu’elle assurait dans le cadre de son contrat de sous‑traitance avec Raytheon étaient les mêmes que ceux qu’elle fournissait régulièrement à ses clients.

[104] Au sujet d’Avant-Garde 728, en examinant la nature du travail des gardiens de sécurité, CBO a encore une fois attiré l’attention sur les obligations réglementaires auxquelles devait satisfaire l’installation pour conteneurs. En revanche, CBO a fait valoir qu’elle n’exerçait aucune fonction liée à une obligation législative en matière de défense.

[105] CBO a réitéré que même si le travail est important, ce critère à lui seul ne suffit pas à l’assujettir à la compétence fédérale. Par ailleurs, même si Raytheon et CBO étaient tenues d’assurer un flux de données continu pour le MDN, cette responsabilité ne fait pas en sorte que leur travail soit de compétence fédérale. CBO a conclu qu’elle fournissait des services de gestion et d’entretien des installations assujettis à la compétence provinciale, tout comme une entreprise de services de technologie de l’information (TI) de compétence provinciale peut fournir des services de TI de haut niveau à une banque à charte.

B. Raytheon

[106] Raytheon a mis en opposition son travail et celui du MDN. Elle est d’avis que le NWS, chapeauté par le MDN, jouait trois rôles importants : i) détecter les menaces; ii) fournir des données exactes iii) fournir une capacité de contrôle au Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord et à l’ARC.

[107] En comparaison, Raytheon a expliqué que son rôle et celui de son sous‑traitant, CBO, consistaient à fournir au MDN un soutien en matière de systèmes. Ses tâches quotidiennes ne participaient pas de l’entreprise fédérale de défense; il s’agissait plutôt de fonctions d’entretien général et régulier, activités qui relèvent de la compétence provinciale.

[108] Raytheon s’est ensuite penchée sur l’analyse en trois parties de la compétence constitutionnelle dérivée, un cadre qui repose généralement sur les trois questions suivantes : i) Y a-t-il une entreprise fédérale? ii) Quelle est la nature des services fournis à l’entreprise fédérale? iii) Ces services peuvent‑ils être considérés comme vitaux ou essentiel à l’entreprise fédérale ou comme une partie intégrante de celle‑ci?

[109] Il a été facile de répondre à la première question. Personne ne conteste que le NWS est une entreprise fédérale.

[110] En réponse à la deuxième question de l’analyse, Raytheon a fait valoir que son travail consistait à fournir des services d’entretien et de soutien aux systèmes. Ce travail comprenait diverses activités ressortissant, entre autres choses, à la gestion des sites, à la sécurité des accès, aux services d’information, à la protection contre les incendies et à l’entretien des appareils électroniques. Pour l’essentiel, Raytheon réalisait différents types de travaux d’entretien.

[111] Raytheon n’a pas contesté qu’elle assurait l’entretien de l’équipement radar pour le NWS, mais a souligné que, selon son contrat, elle devait entretenir 19 systèmes différents. De plus, elle devait faire fonctionner les génératrices diesels, entretenir une flotte de véhicules et enlever la glace et la neige. Elle avait également des responsabilités relatives à l’inventaire et à la logistique de la chaîne d’approvisionnement. La gestion des articles consommables, comme les filtres à huile, les batteries, les bougies d’allumage, la nourriture et les rations, était aussi une exigence importante du contrat de renouvellement.

[112] Raytheon a souligné qu’elle collaborait avec plus de 900 fournisseurs différents pour s’acquitter de ces obligations contractuelles.

[113] Raytheon a fait valoir que la variété de son travail démontrait que, même si l’entretien occasionnel des radars pouvait être une tâche liée à la défense, ses fonctions quotidiennes ordinaires ne suffisaient pas à l’assujettir à la compétence fédérale.

[114] Quant à la troisième question de l’analyse, Raytheon a fait valoir que ses tâches n’étaient ni vitales ni essentielles à l’entreprise fédérale du MDN.

[115] Raytheon a soutenu que, pour relever de la compétence fédérale, il faudrait qu’elle exécute elle‑même des tâches liées à la défense. À son avis, les données de surveillance provenant des radars faisaient partie de l’entreprise fédérale principale. Ces données permettaient au MDN de détecter les menaces et de décider d’une intervention.

[116] Cependant, les employés de Raytheon n’étaient pas en contact avec ces données. Ils ne recevaient pas les données radars, ne surveillaient pas les pistes radars et n’interprétaient jamais les données de surveillance. Les employés de Raytheon n’évaluaient pas les menaces et ne définissaient pas les interventions possibles.

[117] Raytheon a indiqué qu’il y avait peu d’intégration entre ses employés et ceux du MDN, un facteur que la CRTO a jugé important dans KMT Technical Services, [1993] OLRB Rep. April 344. Le fait que ses employés travaillaient tous à la 22e Escadre North Bay, où se trouvaient le Centre de contrôle et le Centre de soutien, ne signifie pas qu’ils étaient intégrés au MDN. Raytheon a reconnu que le travail de ses employés pouvait être important pour le MDN, mais a souligné que ce travail était distinct de l’entreprise fédérale du MDN.

[118] Raytheon n’a pas contesté qu’elle rencontrait régulièrement le MDN; toutefois, seule Raytheon donnait des directives à son personnel de façon quotidienne.

[119] Raytheon a repris l’affirmation de CBO selon laquelle les principes issus des décisions Garda et Avant‑Garde 728 ne s’appliquaient pas aux faits en l’espèce. Dans les deux cas, il était question de gardiens de sécurité qui exerçaient des pouvoirs prévus par la loi au nom d’une entreprise fédérale (Garda) ou aidaient une entreprise fédérale à remplir une exigence du cadre législatif (Avant-Garde 728). Pour ce qui est du travail que Raytheon effectuait pour le MDN, la situation n’était pas la même; l’entreprise fournissait simplement des services d’entretien pour assurer le bon fonctionnement du NWS.

[120] Raytheon a fait observer que les services dont il est question dans les décisions Garda et Avant-Garde 728 permettaient à l’entreprise fédérale d’exercer ses activités. Toutefois, dans le cas du NWS, la redondance considérable de l’équipement en place, par exemple les multiples génératrices de secours, ainsi que l’accès aux avions du système aéroporté d’alerte et de contrôle (AWACS) ou à d’autres types de radars portatifs, démontraient que les services de Raytheon n’étaient pas essentiels à l’exploitation de l’entreprise fédérale. Les services d’entretien et de soutien aux systèmes que fournissait Raytheon au quotidien étaient importants, mais pas suffisamment pour écarter la présomption de la compétence provinciale en matière de relations du travail.

C. L’AU

[121] L’AU souscrit à la position de CBO et de Raytheon selon laquelle le Conseil n’a pas compétence en l’espèce. Elle a conclu une série de conventions collectives consécutives avec CBO depuis 1995 et entretient une relation continue avec BML, une des sociétés‑mères de CBO. L’AU a fait observer que cette relation de longue durée montrait clairement que BML et CBO étaient des entreprises du secteur de la construction et de l’entretien des installations.

D. La FIOE

[122] L’argument le plus convaincant de la FIOE fait ressortir le caractère vital et essentiel du travail effectué par Raytheon et CBO pour le MDN. Par exemple, il est clairement indiqué dans la DP que le contrat de renouvellement est un contrat de défense au sens de la Loi sur la production de défense (pièce 6, onglet 9, page 76 de 165). Autrement dit, ce n’était pas simplement un contrat pour de la nourriture, des fournitures et des services de déneigement. Il s’agissait plutôt d’un contrat confiant à Raytheon l’entretien, la garde et le contrôle du NWS.

[123] La FIOE a également fait observer que les éléments de preuve ne démontraient pas qu’il existait des voies hiérarchiques distinctes, comme Raytheon l’avait souligné. Par exemple, M. Leblanc, un ancien colonel des Forces canadiennes, a déclaré candidement qu’il n’arrivait pas à dire quel employé relevait de quel entrepreneur. À son avis, ces employés travaillaient comme une seule équipe.

[124] Par ailleurs, de nombreux employés du MDN, de Raytheon et de CBO travaillaient à la 22e Escadre North Bay, même si les employés du MDN se trouvaient à un autre étage du même édifice. Dans le Centre de contrôle, un gros écran de 20 pieds sur 20 pieds fournissait aux employés de Raytheon et de CBO un compte rendu visuel de toutes les alarmes possibles qu’ils devaient surveiller conjointement.

[125] De l’avis de la FIOE, il n’était pas nécessaire que Raytheon se livre à des activités de défense pour relever de la compétence fédérale. En fait, si Raytheon avait bel et bien exercé des activités de défense, il n’aurait pas été nécessaire d’effectuer une analyse de la compétence dérivée; Raytheon aurait été assujettie à la compétence fédérale, car elle aurait exploité une entreprise fédérale.

[126] La FIOE a fait référence aux décisions Northern Telecom (Northern Telecom Canada Limitée et autre c. Syndicat des travailleurs en communication du Canada et autre, [1983] 1 R.C.S. 733 [Northern Telecom no 2]; et Northern Telecom Limitée c. Travailleurs en communication du Canada et autres, [1980] 1 R.C.S. 115 [Northern Telecom no 1]) et a souligné qu’il n’était pas nécessaire que les installateurs effectuent des tâches de télécommunications pour être assujettis à la compétence fédérale. Ils devaient simplement jouer un rôle vital et essentiel à l’entreprise de télécommunications de Bell pour relever de la compétence du Conseil.

[127] La FIOE a soutenu que la capacité du MDN de s’acquitter de ses obligations en matière de défense était tributaire du travail de Raytheon. Sans les données radars, le MDN ne pourrait exploiter le NWS. Cela démontre que le travail de Raytheon est vital et essentiel. De plus, bien que le MDN reçoive certaines données radars en particulier, Raytheon et CBO obtenaient et surveillaient aussi des données dont elles avaient besoin pour s’acquitter de leurs obligations prévues au contrat de renouvellement, y compris les données relatives aux alarmes d’incendies et aux génératrices diesels dans le Nord.

[128] La FIOE a ajouté que la simple possibilité qu’il faille envoyer des avions de combat à réaction ou des avions de l’AWACS en cas de défaillance du système montre à quel point le travail des entrepreneurs était vital pour le MDN.

[129] De manière semblable, la FIOE considère le travail de Raytheon relatif au NWS comme une seule opération indissociable, pourvue d’un effectif stable et spécialisé. Cet effectif ne passait pas d’un contrat de Raytheon ou de CBO à un autre. Le fait que le contrat de renouvellement avait une durée initiale déterminée n’a pas non plus d’incidence sur l’analyse de la compétence. Plutôt, comme la CAF l’a souligné dans Garda, le travail requis dans le cadre du NWS se poursuivra, même si d’autres entrepreneurs le prennent en charge. Cette situation diffère d’un contrat de construction ponctuel, comme le contrat visant la construction d’une piste d’atterrissage dans l’affaire Montcalm.

[130] La FIOE a fait remarquer qu’il n’était pas possible de décortiquer chaque tâche afin de déterminer combien d’entre elles sont vitales à l’entreprise fédérale; il faut plutôt évaluer le travail dans son ensemble. Le contrat de renouvellement lui‑même, à l’article 5.2, établit un niveau minimum de disponibilité opérationnelle de 96 %, compte tenu de l’importance du système du NWS eu égard à la capacité du MDN d’exploiter son entreprise de défense.

[131] La FIOE attire également l’attention sur les nombreuses rencontres entre le MDN et Raytheon. Ces rencontres témoignent de la participation du MDN aux activités quotidiennes des sous‑traitants. Raytheon et CBO n’agissaient pas de manière autonome; elles fournissaient une multitude de rapports au MDN et devaient respecter des exigences contractuelles strictes et détaillées.

[132] En outre, la FIOE a établi une distinction entre CBO et les autres entrepreneurs qui prêtaient main‑forte à Raytheon. Raytheon et CBO se sont associées avant que la première ne remporte le contrat de renouvellement. Elles fonctionnaient ensemble d’une manière complètement différente de tous les autres fournisseurs auxquels elles ont choisi de faire appel pendant la durée du contrat de renouvellement. L’organigramme, par exemple, montrait que des employés de Raytheon et de CBO travaillaient ensemble, mais ne mentionnait les employés d’aucun autre fournisseur.

[133] La transition du NWS d’un entrepreneur à l’autre démontre également à quel point le travail était vital et essentiel. La FIOE a insisté sur le fait que le contrat de renouvellement contenait une disposition claire visant à assurer une transition harmonieuse vers un nouvel entrepreneur. Raytheon a bénéficié d’une telle période de transition au moment où lui étaient transférées les fonctions précédemment exercées par Nasittuq. Cette disposition démontre aussi que le NWS continue de fonctionner en tout temps, peu importe l’entrepreneur qui s’en occupe.

E. Nasittuq

[134] Nasittuq n’a pas joué de rôle actif dans la procédure, mais a informé le Conseil qu’en dernière analyse, elle estimait que le travail effectué par Raytheon et CBO relevait de la compétence fédérale.

V. Analyse et décision

[135] Même si Raytheon et CBO ont présenté des arguments juridiques utiles et détaillés, le Conseil, comme il l’a mentionné au début de la présente décision, souscrit à l’argumentation de la FIOE sur la question de la compétence.

A. Introduction

[136] Certains points de droit ne sont pas en litige. Il existe depuis longtemps une présomption en faveur de la compétence provinciale en matière de relations du travail. Par ailleurs, ni Raytheon ni CBO ne contestent que le Code s’applique à leurs employés qui travaillent dans les territoires du Canada.

[137] Dans cette affaire, le Conseil doit examiner et appliquer, comme il le fait souvent, le critère de la compétence dérivée.

[138] Le Conseil a souvent été appelé à trancher la question de savoir si les services fournis par un entrepreneur à une entreprise fédérale font en sorte que l’entrepreneur, ou une partie de son entreprise, relève de la compétence fédérale.

[139] Dans Service d’entretien Avant-garde Inc. v. Canada Labour Relations Board (1985), 26 D.L.R. (4th) 331 (C.S. Qué., no 500-05-006250-854) (QL), la Cour supérieure du Québec a annulé une décision du Conseil canadien des relations du travail (le CCRT) selon laquelle un entrepreneur chargé de nettoyer les entrepôts d’Air Canada était vital et essentiel à l’entreprise d’aéronautique d’Air Canada :

Les activités d’entretien ménager effectuées par la requérante aux deux installations de Mirabel de la société Air Canada sont indissociables de l’activité unique – et non seulement principale – de la requérante, et n’ont en soi rien à voir, de près ou de loin, avec quelque domaine relevant de la compétence législative du Parlement du Canada.

Ce n’est donc que de façon absolument exceptionnelle que le CCRT pourrait avoir compétence sur de telles activités, et à la condition que ces activités aient un caractère vital et nécessaire eu égard aux opérations aéronautiques d’Air Canada, ou qu’elles fassent partie intégrante de cette entreprise. Ces activités doivent être indispensables aux activités d’Air Canada, qui relève de la compétence du Parlement du Canada (opérations de transport aéronautique).

Or, dans les circonstances de la présente affaire, le Tribunal est incapable de voir en quoi l’entretien ménager d’entrepôts qui servent à l’entreposage de marchandises ou au transit du ravitaillement alimentaire pourrait être considéré comme indispensable, vital et essentiel aux opérations aéronautiques d’Air Canada, et encore moins comme une partie intégrante de ces opérations. Le tribunal ne peut voir aucune différence entre l’entretien ménager de ces deux bâtiments et celui d’une succursale bancaire ou d’un édifice appartenant à une compagnie de téléphone.

(pages 345-346; Recueil de jurisprudence de CBO, onglet 10)

[140] Le CCRT lui‑même en est venu à une conclusion semblable dans Service de protection Burns International Ltée et Société canadienne des postes (1989), 78 di 39; et 3 CLRBR (2d) 264 (CCRT n° 746), quand il a décidé que les services de gardiens de sécurité fournis à Postes Canada n’étaient ni vitaux ni essentiels à l’entreprise fédérale :

Somme toute, bien que les locaux d’une entreprise doivent être propres et sûrs, de telles fonctions générales, quoique nécessaires, sont loin d’être vitales ou essentielles à une entreprise fédérale particulière. À notre avis, les services que Burns fournit à la Société ne font pas partie intégrante de l’entreprise principale de la Société; il s’agit plutôt d’un des nombreux aspects généraux d’une entreprise, qu’elle soit fédérale ou provinciale. Il n’y a rien dans ces services de sécurité qui soit réellement ou directement lié au relevage, à la transmission ou à la distribution du courrier. Si l’on interprète les faits constitutionnels de la manière la plus libérale possible, l’existence d’un lien fondamental entre les activités des agents et l’entreprise fédérale principale n’est tout simplement pas suffisamment établie pour que nous puissions repousser la présomption de la primauté de la compétence provinciale. À notre avis, les activités de Burns aux installations de la Société ne relèvent donc pas de la compétence du Conseil.

(page 50; Recueil de jurisprudence de CBO, onglet 12)

[141] Évidemment, chaque affaire repose sur ses propres faits constitutionnels.

[142] Le Conseil a fait référence ci‑dessus à la décision Garda, dans laquelle la CAF a conclu que le travail effectué par les gardiens de sécurité de Garda pour un centre de prévention de l’immigration suffisait pour faire en sorte que cette exploitation précise relève de la compétence fédérale. Dans Avant Garde 728, une conclusion semblable a été tirée à propos des gardiens travaillant à un terminal de conteneurs dans le port de Montréal.

[143] Le Conseil a également conclu que certains services de gardiens de sécurité liés à l’aéronautique, comme la protection du périmètre (Securiguard Services limitée, 2005 CCRI 342) et le contrôle de sécurité des passagers (A.S.P. Incorporated, 2006 CCRI 368), satisfaisaient aux critères pour être considérés comme vitaux et essentiels à une entreprise fédérale. La CAF a fait référence à ces affaires dans la décision Garda.

[144] Dans la même veine, la CAF a conclu, dans XL Digital Services Inc. c. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, 2011 CAF 179, que le travail d’un sous‑traitant, soit de brancher des clients au réseau de Rogers, une entreprise fédérale, était très intégré dans cette entreprise fédérale :

[28] Pour paraphraser le juge Estey, qui écrivait au nom de la majorité de la Cour dans Northern Telecom c. Travailleurs en communication, [1983] 1 R.C.S. 733, à la page 770, la question est la suivante : dans quelle mesure le travail des employés de HomeTech faisait‑il partie intégrante de l’entreprise fédérale de Rogers? Il importe de garder à l’esprit que j’ai déjà conclu que le Conseil n’a pas commis d’erreur en concluant que l’entreprise fédérale de Rogers s’étendait de la tête de réseau aux câbles et à l’équipement reliant ses clients au réseau.

[29] Presque tous les faits mènent à la conclusion que les employés de HomeTech sont très intégrés dans l’entreprise fédérale. En particulier, l’exploitation de HomeTech « comme entreprise active » consistait à brancher les clients de Rogers au réseau et à fournir des services connexes. HomeTech n’appartenait pas à Rogers, mais Rogers était le seul client de HomeTech et les employés en cause de HomeTech consacraient tout leur temps à effectuer des travaux visés par les contrats conclus entre Rogers et HomeTech. Rogers contrôlait la répartition du travail des employés et l’établissement de leurs horaires.

[30] La principale observation sur cette question, faite au cours de la plaidoirie par l’avocat de HomeTech, était que le branchement des téléviseurs des clients au réseau au moyen d’un récepteur numérique constituait une partie périphérique de l’entreprise fédérale. La [traduction] « partie essentielle » du réseau, a‑t‑il dit, consiste à recevoir, à convertir et à transmettre les signaux aux prises de distribution.

[31] Je ne suis pas d’accord. Chaque partie du réseau est essentielle pour la transmission des signaux aux clients. On ne peut vraisemblablement dire que la réception des signaux par les clients de Rogers était subsidiaire à leur transmission jusqu’à la sortie dans la rue. La seule fin du réseau de Rogers est de permettre à ses clients de recevoir les signaux sur l’équipement se trouvant dans leurs résidences.

(c’est nous qui soulignons)

B. Principes constitutionnels applicables

[145] Bien qu’il soit parfois conclu que le Conseil a compétence sur les employés d’un sous‑traitant et parfois que tel n’est pas le cas, le même processus d’analyse est suivi chaque fois. Certaines décisions importantes de la CSC, antérieures à Tessier, font un rappel utile de l’analyse qu’appliquera le Conseil.

[146] Dans Northern Telecom no 1, le juge Justice Dickson énonce six principes régissant la compétence du Parlement à l’égard des relations du travail :

Elaborant cette thèse, le juge Beetz a formulé dans l’arrêt Construction Montcalm Inc. c. Commission du salaire minimum certains principes que je me risque à résumer comme suit :

(1) Les relations de travail comme telles et les termes d’un contrat de travail ne relèvent pas de la compétence du Parlement; les provinces ont une compétence exclusive dans ce domaine.

(2) Cependant, par dérogation à ce principe, le Parlement peut faire valoir une compétence exclusive dans ces domaines s’il est établi que cette compétence est partie intégrante de sa compétence principale sur un autre sujet.

(3) La compétence principale du fédéral sur un sujet donné peut empêcher l’application des lois provinciales relatives aux relations de travail et aux conditions de travail, mais uniquement s’il est démontré que la compétence du fédéral sur ces matières fait intégralement partie de cette compétence fédérale.

(4) Ainsi, la réglementation des salaires que doit verser une entreprise, un service ou une affaire et la réglementation de ses relations de travail, toutes choses qui sont étroitement liées à l’exploitation d’une entreprise, d’un service ou d’une affaire, ne relèvent plus de la compétence provinciale et ne sont plus assujetties aux lois provinciales s’il s’agit d’une entreprise, d’un service ou d’une affaire fédérale.

(5) La question de savoir si une entreprise, un service ou une affaire relève de la compétence fédérale dépend de la nature de l’exploitation.

(6) Pour déterminer la nature de l’exploitation, il faut considérer les activités normales ou habituelles de l’affaire en tant qu’« entreprise active », sans tenir compte de facteurs exceptionnels ou occasionnels; autrement, la Constitution ne pourrait être appliquée de façon continue et régulière.

(pages 131-132)

[147] Dans Northern Telecom n1, le juge Dickson a souligné qu’il fallait consigner adéquatement les faits constitutionnels pour pouvoir procéder à l’analyse. Il a décrit de manière plus détaillée le type d’analyse qui devait être appliqué aux faits constitutionnels :

Une décision récente du Labour Relations Board de la Colombie-Britannique, Arrow Trans-fer Co. Ltd., expose la méthode retenue par les cours pour déterminer la compétence constitutionnelle en matière de relations de travail. Premièrement, il faut examiner l’exploitation principale de l’entreprise fédérale. On étudie ensuite l’exploitation accessoire pour laquelle les employés en question travaillent. En dernier lieu on parvient à une conclusion sur le lien entre cette exploitation et la principale entreprise fédérale, ce lien nécessaire étant indifféremment qualifié « fondamental », « essentiel » ou « vital ». Comme l’a déclaré le président de la Commission, aux pp. 34 et 35;

[TRADUCTION] Dans chaque cas la décision est un jugement à la fois fonctionnel et pratique sur le caractère véritable de l’entreprise active et il ne dépend pas des subtilités juridiques de la structure de la société en cause ou des relations de travail.

En l’espèce, il faut d’abord se demander s’il existe une entreprise fédérale principale et en étudier la portée. Puis, il faut étudier l’exploitation accessoire concernée, c.-à-d. le service d’installation de Telecom, les « activités normales ou habituelles » de ce service en tant qu’« entreprise active » et le lien pratique et fonctionnel entre ces activités et l’entreprise fédérale principale.

(pages 132-133; c’est nous qui soulignons)

[148] Dans Northern Telecom no 1, le juge Dickson a formulé d’autres observations à propos de la nécessité d’examiner la continuité et la régularité du lien entre l’entreprise fédérale et les services fournis par le sous‑traitant :

Cette remarque de McNairn est fondée sur la jurisprudence. D’une part, une seule entreprise peut avoir plus d’une activité (par exemple, on a jugé dans Canadian Pacific Railway Co. v. Attorney-General for British Columbia, que l’Empress Hotel exploité par le Chemin de fer Canadien du Pacifique était une entreprise distincte et indépendante de l’entreprise de chemins de fer). D’autre part, deux sociétés distinctes peuvent exploiter une seule et même entreprise comme ce fut le cas dans l’affaire Stevedoring, où les débardeurs travaillent pour une firme de débardage chargeant et déchargeant des navires, ou dans l’affaire Union des facteurs du Canada c. Syndicat des postiers du Canada, où 90 pour cent des activités d’une société de camionnage étaient consacrées aux postes canadiennes.

Un autre facteur, beaucoup plus important aux fins de l’examen de la relation entre des entreprises, est le lien matériel et opérationnel qui existe entre elles. Dans la présente affaire, il faut, comme le souligne le jugement dans Montcalm, étudier la continuité et la régularité du lien sans tenir compte de facteurs exceptionnels ou occasionnels. La simple participation d’employés à un ouvrage ou à une entreprise fédérale n’entraîne pas automatiquement la compétence fédérale. Il est certain que plus on s’éloigne de la participation directe à l’exploitation de l’ouvrage ou de l’entreprise principale, plus une interdépendance étroite devient nécessaire.

Sur la base des grands principes constitutionnels exposés ci-dessus, il est clair que certains faits sont décisifs sur la question constitutionnelle. De façon générale, il s’agit notamment :

(1) de la nature générale de l’exploitation de Telecom en tant qu’entreprise active et, en particulier, du rôle du service de l’installation dans cette exploitation;

(2) de la nature du lien entre Telecom et les sociétés avec lesquelles elle fait affaires (sic), notamment Bell Canada;

(3) de l’importance du travail effectué par le service de l’installation de Telecom pour Bell Canada, en comparaison avec ses autres clients;

(4) du lien matériel et opérationnel entre le service de l’installation de Telecom et l’entreprise fédérale principale dans le réseau téléphonique et, en particulier, de l’importance de la participation du service de l’installation à l’exploitation et à l’établissement de l’entreprise fédérale en tant que méthode de fonctionnement.

(pages 134-135; c’est nous qui soulignons)

[149] Les principes issus de la décision Northern Telecom no 1 ont été mentionnés et appliqués dans d’autres décisions de la CSC. Dans Tessier, la CSC a formulé des commentaires sur le critère « Northern Telecom » :

[37] Dans Northern Telecom Ltée c. Travailleurs en communication du Canada, [1980] 1 R.C.S. 115 (Northern Telecom 1), le juge Dickson a étoffé la règle de qualification de la compétence dérivée et expliqué le cadre d’analyse devant servir à déterminer si une société connexe est essentielle à une entreprise fédérale. Il s’agissait dans cette affaire de déterminer si les employés travaillant comme surveillants pour le service d’installation de la région de l’ouest de Northern Telecom étaient régis par les lois fédérales ou par les lois provinciales en matière de travail. Le juge Dickson a ainsi décrit le cadre d’analyse :

Premièrement, il faut examiner l’exploitation principale de l’entreprise fédérale. On étudie ensuite l’exploitation accessoire pour laquelle les employés en question travaillent. En dernier lieu on parvient à une conclusion sur le lien entre cette exploitation et la principale entreprise fédérale, ce lien nécessaire étant indifféremment qualifié « fondamental », « essentiel » ou « vital ». [p. 132]

[38] L’analyse met l’accent sur la relation entre l’activité, les employés concernés et l’entreprise fédérale à laquelle le travail des employés est censé profiter : Travailleurs unis des transports, p. 1138‑1139. Dans Northern Telecom 1, le pourvoi a été rejeté à cause de l’insuffisance de la preuve, mais, depuis, la Cour a généralement appliqué les principes sous‑tendant le cadre d’analyse applicable en matière de compétence dérivée relative au travail qui y sont énoncés.

(c’est nous qui soulignons)

[150] Au paragraphe 49 de Tessier, la CSC traite plus en profondeur du critère de la compétence dérivée et explique pourquoi la Cour a conclu que les installateurs de Northern Telecom jouaient un rôle vital et essentiel dans les activités de Bell Canada :

[49] Deuxièmement, la Cour a reconnu qu’il pourrait pareillement être justifié d’appliquer la réglementation fédérale lorsque les services fournis à l’entreprise fédérale sont exécutés par des employés appartenant à une unité fonctionnelle particulière qui peut se distinguer structuralement sur le plan constitutionnel du reste de l’entreprise connexe. Dans Northern Telecom 2, par exemple, les installateurs formaient un groupe opérationnellement indépendant du reste de Telecom. La Cour a donc pu considérer que la nature opérationnelle essentielle du service d’installation en faisait une entité distincte, comme l’a indiqué le juge Dickson :

les installateurs sont assez distincts, pour ce qui est de leurs fonctions, du reste des opérations de Telecom. […] Ils ne travaillent jamais dans les locaux de Telecom; ils travaillent dans les locaux de leurs clients. Quant à Bell Canada, l’installation se fait principalement dans ses locaux mêmes et non chez ses clients. […] Les installateurs n’ont aucun contact véritable avec les autres opérations de Telecom. Les opérations principales de fabrication de Telecom tombent, de l’aveu des parties, sous la compétence provinciale, mais il n’y a absolument rien d’artificiel à conclure que les installateurs de Telecom relèvent d’une compétence constitutionnelle différente. [p. 770‑771]

(Voir aussi Ontario Hydro, où seules les personnes travaillant dans le cadre des installations de production d’énergie nucléaire étaient assujetties à la réglementation fédérale; Johnston Terminals and Storage Ltd. c. Association des employés du port de Vancouver, section locale 517, [1981] 2 C.F. 686 (C.A.), et Actton Transport Ltd. c. British Columbia (Director of Employment Standards), 2010 BCCA 272, 5 B.C.L.R. (5th) 1, où le travail de certains employés pouvait être séparé de l’entreprise générale de l’employeur et relevait, par conséquent, d’une compétence différente en matière de travail.)

(c’est nous qui soulignons)

[151] La tâche d’analyse du Conseil comporte donc trois volets : i) examiner l’entreprise fédérale en question, ii) examiner les services fournis par les employés de Raytheon et CBO en vertu du contrat de renouvellement de cette entreprise fédérale et iii) parvenir à une conclusion sur l’existence ou non d’un lien « fondamental », « essentiel » ou « vital » entre l’exploitation de l’entreprise fédérale et ces services.

C. L’analyse relative à la compétence dérivée

1. L’entreprise fédérale

[152] Les parties ne contestent pas que le paragraphe 91(7) de la Constitution confère au Parlement la compétence sur « la milice, le service militaire et le service naval, et la défense du pays ». Le Parlement a compétence sur une entreprise comme le NWS.

[153] L’entreprise du NWS est, effectivement, une entreprise militaire, selon un PE conclu entre le Canada et les États‑Unis. L’article 3.2 du contrat de renouvellement fait référence à ce PE :

3.2 Le NWS avant 2000. Construit de 1986 à 1992 (à l’exception des huit sites du réseau DEW existants, vers 1950), le NWS est le fruit du protocole d’entente entre les États-Unis et le Canada dans le cadre du Projet de modernisation du système de la défense aérienne de l’Amérique du Nord (NAADM). Dès le début, les activités de F et E du NWS étaient effectuées dans le cadre de marchés de services. C’était la première fois que le Canada faisait appel à un entrepreneur pour faire fonctionner et entretenir un système de défense principal…

(pièce 5, onglet 1)

[154] La mission de cette entreprise militaire internationale consiste à détecter les menaces aériennes dans la zone de surveillance du NWS, à produire des données d’avertissement et d’évaluation sur ces menaces et à fournir une capacité de commandement et de contrôle au Secteur de la défense aérienne du Canada (SDAC) (article 4.1 du contrat de renouvellement).

[155] L’article 5.1 du contrat de renouvellement décrit plus en détail la mission du NWS en soulignant les obligations du Canada en matière de surveillance :

5.1 Priorités opérationnelles. La mission du NWS est d’assurer une surveillance radar continue et un certain contrôle sur les approches nordiques d’Amérique du Nord, contribuant ainsi à assurer la défense de l’Amérique du Nord et la souveraineté du Canada. Le ministère de la Défense nationale (MDN) et les Forces canadiennes (FC) doivent, en raison de leurs obligations nationales et internationales, assurer le bon fonctionnement et l’entretien adéquat du NWS

(pièce 5, onglet 1)

[156] Pour remplir sa mission, l’entreprise du NWS a mis en place une vaste gamme de ressources, y compris, sans toutefois s’y limiter, des sites radars à courte et à longue portée. Le NWS dispose également d’un Centre de contrôle et d’un Centre d’approvisionnement permanents situés à la 22e Escadre North Bay.

2. Quels services les employés de Raytheon et de CBO fournissent-ils à l’entreprise fédérale?

[157] Dans Northern Telecom no 1, le juge Dickson a écrit que cette partie de l’analyse nécessitait un examen de l’exploitation accessoire (le service d’installation de Telecom) et des activités normales ou habituelles de ce service en tant qu’entreprise active.

[158] Raytheon a fait valoir qu’elle fournissait des services d’entretien au NWS. Ces services comprenaient l’entretien de l’équipement radar, mais aussi bien d’autres choses. CBO a indiqué que ses activités n’avaient rien à voir avec une entreprise de défense, puisqu’elle fournit des services semblables à d’autres clients. Ces services de « gestion des installations » comprennent le déneigement, la préparation des repas, les fournitures et les rations, et l’entretien des véhicules.

[159] Le Conseil ne conteste pas la description de certains des services fournis à la fois par CBO et par Raytheon. En examinant ces services hors du contexte du contrat de renouvellement, il serait possible de conclure que des services de ce type pourraient être fournis à d’autres clients. Or, ce type d’analyse ferait fi du portrait global des obligations contractuelles de Raytheon.

[160] De l’avis du Conseil, l’examen des services fournis à l’entreprise fédérale doit aller au‑delà des menus détails de chaque tâche. Le Conseil doit analyser les activités normales ou habituelles des employés de Raytheon et de CBO au regard du contrat de renouvellement.

[161] Quels services le contrat de renouvellement oblige-t-il les employés de Raytheon et de CBO à fournir au MDN?

[162] Dans Garda, la CAF a pris en considération la relation contractuelle, de même que les éléments de preuve présentés à l’audience, dans sa description des services rendus par les gardiens de sécurité de Garda. Le Conseil doit faire de même en l’espèce.

[163] L’article 6.1.1 du contrat de renouvellement confie à Raytheon l’entretien, la garde et le contrôle du NWS :

6.1.1 Entretien, garde et contrôle. Selon ce concept, l’entrepreneur a l’entière responsabilité de fournir des données radars, ce qui, à un niveau opérationnel, se traduit par la responsabilité de toutes les activités de F et E liées au NWS, du respect de toutes les exigences réglementaires, et de l’élaboration et de la mise en oeuvre d’un programme efficace de maintien. En retour, on attribue à l’entrepreneur la responsabilité des premières pièces d’équipement, de l’équipement de soutien et des infrastructures du site, tandis que le Canada conserve les pouvoirs généraux en ce qui concerne la configuration et l’approbation de la mise en oeuvre du projet.

(pièce 5, onglet 1)

[164] Le contrat de renouvellement confie à Raytheon l’entretien, la garde et le contrôle des ressources du NWS afin qu’elle puisse fournir au MDN toutes les données dont il a besoin pour défendre les intérêts du Canada et de l’Amérique du Nord. Pour s’acquitter de cette obligation, Raytheon assume la responsabilité des premières pièces d’équipement et de l’infrastructure des sites. De plus, Raytheon doit élaborer et mettre en oeuvre un programme efficace de maintien pour que le NWS demeure en au moins jusqu’en 2030.

[165] De nombreux services sont requis afin d’assurer l’entretien, la garde et le contrôle efficaces du NWS. Évidemment, le radar lui‑même doit être entretenu. Toutefois, la capacité d’entretenir les sites radars exige l’entretien et le contrôle de toute une infrastructure existante.

[166] Comme il n’y a pas de réseau électrique dans le Grand Nord, les génératrices diesels doivent fonctionner en tout temps pour que l’ensemble de l’entreprise demeure opérationnel. De plus, les alarmes doivent être entretenues et surveillées afin que le NWS fonctionne au niveau exigé par le contrat de renouvellement. Il faut subvenir aux besoins des employés, comme ceux qui travaillent aux cinq SSL, pour qu’ils puissent approvisionner et entretenir les 47 sites radars.

[167] Pour assurer l’entretien, la garde et le contrôle du NWS, Raytheon doit également affecter du personnel au Centre de contrôle et au Centre d’approvisionnement à North Bay. Il a été dit au Conseil que les employés de Raytheon et de CBO travaillaient en équipe à un point tel que M. Leblanc ne pouvait pas savoir pour quel employeur travaillait chacun des employés.

[168] Le bureau à aires ouvertes du Centre de contrôle permettait à ces employés de Raytheon et de CBO de voir les alarmes importantes provenant du NWS et d’intervenir immédiatement.

[169] Le Conseil estime, eu égard à la nature des services assurés par Raytheon, qu’il ressort clairement des modalités du contrat de renouvellement ainsi que des éléments de preuve présentés à l’audience que les services de Raytheon permettent d’assurer en tout temps le bon fonctionnement de l’ensemble de l’infrastructure du NWS. Il s’agit là de l’essence des services fournis au MDN. Les diverses tâches, dont certaines sont moins importantes que d’autres, ne sont pas déterminantes en soi.

[170] En outre, le Conseil souligne que les employés de Raytheon et de CBO constituaient un effectif distinct, comme les installateurs de Northern Telecom. En fait, l’un des arguments de la FIOE à l’appui de son allégation selon laquelle il y a eu vente d’entreprise repose sur le fait que Raytheon et CBO n’auraient prétendument pas pu obtenir et exécuter le contrat de renouvellement, si elles n’avaient pas embauché de nombreux anciens employés de Nasittuq. De l’avis de la FIOE, le savoir‑faire de ces employés constituait une « entreprise » qui pouvait passer d’un entrepreneur à un autre.

[171] Le Conseil se penchera sur cette allégation en particulier, à propos de laquelle aucun élément de preuve n’a encore été présenté, à la prochaine étape de son audience.

3. Existe-t-il un lien « vital », « essentiel » ou « fondamental » entre les services fournis par Raytheon et CBO et l’entreprise du NWS?

[172] Raytheon et CBO ont soutenu que, même si leurs services étaient importants – par exemple l’entretien des sites radars –, ils n’atteignaient pas le seuil qui permettrait de les qualifier de vitaux, d’essentiels ou de fondamentaux. Elles ont également avancé que, leur contrat étant de durée déterminée, leur situation se comparait à celle que la CSC avait examinée dans Montcalm.

[173] Raytheon et CBO ont également fait valoir que c’était le MDN qui exécutait le véritable travail de défense en analysant les données provenant des sites radars. Les obligations des deux entrepreneurs n’englobaient d’aucune façon la réception ou l’analyse de ces données. Raytheon et CBO recevaient seulement les différentes données liées à leur obligation d’assurer le bon fonctionnement de l’infrastructure.

[174] Le Conseil souligne que, s’il est vrai qu’une nouvelle piste d’atterrissage dans un aéroport ne doit être construite qu’une fois, comme dans l’affaire Montcalm, l’entretien, la garde et le contrôle du NWS ne sont pas des activités qui doivent être exécutées une seule fois. L’entrepreneur qui fournit les services au NWS peut changer, comme le démontre le remplacement de Nasittuq, mais les services requis en tant que tels se maintiennent. C’est pour cette raison que le contrat de renouvellement contenait des dispositions de transition : parce que la responsabilité d’assurer les mêmes services généraux pouvait être transférée à autre entrepreneur, à un moment donné.

[175] Le Conseil souligne par ailleurs que le critère de la compétence dérivée n’exige pas que Raytheon et CBO effectuent du véritable travail de défense. En procédant à leurs installations, les installateurs de Northern Telecom n’exploitaient pas une entreprise de télécommunications. La question qui était posée, dans Northern Telecom no 1, était plutôt celle de savoir si leurs services d’installation étaient vitaux ou essentiels à l’entreprise de télécommunications de Bell.

[176] La plupart des affaires de compétence dérivée dont le Conseil est saisi concernent des services discrets ou de faible envergure, comme des services de sécurité, qui sont fournis à une entreprise fédérale. Habituellement, la taille de l’entreprise fédérale surpasse de beaucoup celle des services fournis par l’entrepreneur. En l’espèce, il semble, du moins à première vue, que la portée des services fournis par les entrepreneurs a beaucoup plus d’ampleur que l’entreprise fédérale du NWS, qu’exploite le MDN.

[177] Le Conseil n’est au courant d’aucune autre affaire de compétence dérivée dans laquelle une entreprise fédérale aurait confié l’ensemble de son infrastructure à un tiers, bien que ce tiers doive respecter des exigences contractuelles très détaillées.

[178] Le fait de confier entièrement l’entretien, la garde et le contrôle du NWS à Raytheon a d’énormes conséquences. Le MDN analyse des données radars cruciales à propos des intrusions dans l’espace aérien du Canada, et Raytheon veille à ce que l’ensemble de l’infrastructure du NWS demeure opérationnel. Ce n’est qu’en recevant de façon continue des données précises provenant du NWS que le MDN peut détecter et analyser les menaces possibles qui pèsent sur le Canada et l’Amérique du Nord.

[179] Les services fournis par Raytheon dans le cadre du contrat de renouvellement permettent essentiellement au MDN de « voir » ce qui se passe dans l’espace aérien du Nord du Canada. En cas de défaillance de cette infrastructure, le MDN serait complètement ou partiellement aveugle. Il pourrait utiliser d’autres moyens pour recouvrer la vue, comme les avions de l’AWACS ou des stations radars portatives, mais ces options seraient manifestement temporaires et loin d’être optimales.

[180] Dans Garda, la CAF a en outre souligné qu’il serait incongru que les autorités provinciales interviennent dans les relations du travail au sein d’un établissement fédéral :

74 Je note finalement que les autorités fédérales doivent être en mesure d’assurer la poursuite des activités du centre en cas de conflit de travail, que ce soit via le Conseil agissant sous l’article 87.4 du Code canadien du travail ou via le Parlement agissant en vertu d’une loi spéciale. Il serait en effet incongru que des autorités provinciales soient appelées à décider des services essentiels au sein d’un centre de détention du Gouvernement du Canada, ou puissent autrement intervenir dans la gestion des relations du travail touchant les opérations d’un tel centre.

(c’est nous qui soulignons)

[181] De même, le Conseil juge qu’il serait incongru, advenant un conflit de travail qui aurait une incidence sur le NWS et la sécurité du Canada, que le Conseil puisse seulement s’occuper de la situation des employés des territoires, tandis que les commissions des relations de travail de l’Ontario et de Terre‑Neuve se chargeraient de tous les autres employés de Raytheon et de CBO.

[182] Bien que l’efficience en matière de relations du travail ne soit pas nécessairement un facteur pris en considération dans les décisions touchant la compétence d’une commission des relations de travail, elle peut donner une perspective utile sur le caractère vital, essentiel ou fondamental d’un service en particulier, au regard d’une entreprise fédérale.

[183] Le Conseil conclut que les services que fournissent Raytheon et CBO en vertu du contrat de renouvellement atteignent le seuil permettant de conclure à l’existence d’un lien vital, essentiel et fondamental entre ces services et la capacité du MDN d’exploiter son entreprise fédérale de défense.

VI. Conclusion

[184] Pour les motifs susmentionnés, le Conseil conclut qu’il a compétence sur une partie dissociable des activités de Raytheon et de CBO liées au contrat de renouvellement.

[185] Le Conseil sait que la FIOE a aussi présenté des demandes d’accréditation afin de représenter les employés de Raytheon et de CBO. Un banc différemment constitué est affecté à ces affaires.

[186]  Le Conseil demande à la FIOE de lui faire part de ses intentions, maintenant que la question de la compétence est réglée. Le Conseil déterminera alors quelles seront les prochaines étapes.

[187] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

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