Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Goran Petrovic,

requérant,

et

Unifor,

intimé,

et

TST Overland Express, une division de TST Solutions s.e.c.

employeur.

Dossier du Conseil : 31024-C

Référence neutre : 2015 CCRI 788

Le 10 août 2015

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) était composé de MGraham J. Clarke, Me Annie G. Berthiaume et M. Patric F. Whyte, Vice-présidents.

Représentants des parties inscrits au dossier

M. Goran Petrovic, en son propre nom;

M. Todd Romanow, pour Unifor;

Mme Kim Glenn, pour TST Overland Express, une division de TST Solutions s.e.c.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke, Vice-président.

L’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code) prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour trancher la présente demande de réexamen sans tenir d’audience.

I. Nature de la demande

[1] Le 13 avril 2015, M. Petrovic a présenté une demande de réexamen, dans laquelle il contestait la décision rendue par le Conseil dans Petrovic, 2015 CCRI LD 3392 (Petrovic LD 3392).

[2] Le Conseil a décidé de rejeter la demande de réexamen de M. Petrovic, car celui‑ci demande essentiellement que le Conseil examine de nouveau les arguments qu’il a présentés dans le cadre de l’affaire initiale. Tel n’est pas l’objet du processus de réexamen limité du Conseil.  

[3] Voici les motifs de la décision du Conseil.

II. Contexte

[4] Dans Petrovic LD 3392, le Conseil a réexaminé la plainte de manquement au devoir de représentation juste (DRJ) déposée par M. Petrovic contre son agent négociateur, Unifor (Unifor). M. Petrovic était un employé faisant partie d’une unité de négociation représentée par Unifor à TST Overland Express, une division de TST Solutions s.e.c. (TST).

[5] Dans Petrovic LD 3392, le Conseil a résumé les faits ainsi que les positions des parties. Il a ensuite expliqué, de manière très détaillée, pourquoi M. Petrovic n’avait pas démontré qu’Unifor avait manqué au DRJ auquel il est tenu en vertu de l’article 37 du Code.

[6] De toute évidence, M. Petrovic est en désaccord avec l’analyse et la conclusion du Conseil dans Petrovic LD 3392, comme le montre le paragraphe d’introduction de sa demande de réexamen : 

Sauf votre respect, après avoir lu la décision du banc, j’estime toujours que celui‑ci a commis une erreur en ne lisant que le dossier du syndicat et en rendant une décision en se fondant uniquement sur celui‑ci, sans examiner attentivement mes éléments de preuve. Je recommande fortement que le banc relise en entier mon dossier, qui contient plusieurs centaines de pages et des douzaines de lettres, et qu’il réexamine ensuite sa décision.   

(traduction)

[7] Dans le paragraphe suivant, M. Petrovic suggère de nouveau au Conseil de réexaminer son dossier plus attentivement :

 

J’aimerais mentionner quelques documents dont le banc n’a pas suffisamment tenu compte et auxquels il faudrait qu’il porte une plus grande attention …

(traduction)

[8] M. Petrovic passe ensuite en revue certains documents qu’il avait déposés avec sa plainte initiale et affirme, entre autres, que :

i.    TST et Unifor ont enfreint la Loi canadienne sur les droits de la personne et la convention collective en faisant preuve de discrimination à son endroit;

ii.   Unifor avait tort d’affirmer que sa maîtrise de l’anglais était suffisante;

iii.  sa preuve médicale étayait sa position selon laquelle sa blessure était liée à son travail;

iv.  la décision de le congédier, prise par TST, était injustifiée;

v.   TST et Unifor ont refusé de lui fournir son relevé d’emploi.

[9] Dans les pages suivantes de sa demande de réexamen, M. Petrovic continue de plaider sa cause initiale. Étant donné que le régime de réexamen du Conseil ne constitue pas un processus d’appel, il n’est pas nécessaire de résumer le reste des arguments qui avaient déjà été avancés dans la plainte initiale. Les actes de procédure complets de M. Petrovic se trouvent dans le dossier du Conseil.

[10] Par ailleurs, les allégations de M. Petrovic démontrent, comme c’était le cas dans le dossier initial, qu’il ne saisit peut‑être pas entièrement le rôle limité et l’objectif du Conseil dans les plaintes de manquement au DRJ fondées sur l’article 37 du Code :

37. Il est interdit au syndicat, ainsi qu’à ses représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l’égard des employés de l’unité de négociation dans l’exercice des droits reconnus à ceux-ci par la convention collective.

III. Le processus de réexamen du Conseil

A. Le pouvoir de réexamen prévu à l’article 18   

[11] L’article 18 du Code confère au Conseil certains pouvoirs qui lui permettent de s’acquitter de son mandat en matière de relations du travail :  

18. Le Conseil peut réexaminer, annuler ou modifier ses décisions ou ordonnances et réinstruire une demande avant de rendre une ordonnance à son sujet.

[12] Le Conseil a établi un processus de réexamen limité en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés à l’article 18. Le pouvoir de réexaminer une décision récente n’est qu’un exemple de ceux qu’exerce le Conseil en vertu de l’article 18 : Dilico Anishinabek Family Care, 2012 CCRI 655 (Dilico 655).

[13] Dans Dilico 655, le Conseil a relevé divers types de cas auxquels l’article 18 du Code peut s’appliquer :

[30] Le réexamen de décisions récentes n’est qu’une partie des pouvoirs de réexamen du Conseil. Les pouvoirs généraux de réexamen dont il est investi s’appliquent à diverses situations.

[31] Par exemple, contrairement à certaines commissions provinciales des relations de travail, le Conseil conserve sa compétence relativement à la portée intentionnelle d’une unité de négociation. Si les parties sont en désaccord quant à la question de savoir si un nouveau poste ou un poste modifié est visé par la portée intentionnelle initiale d’un certificat d’accréditation existant, le Conseil tranchera la question (voir, par exemple, Société en commandite transport de valeurs Garda, 2010 CCRI 503, aux paragraphes 28 à 37).

[32] Le délai de 21 jours pour présenter une demande de réexamen n’a aucun lien avec la question de savoir si le Conseil peut examiner la portée continue d’une unité de négociation. Ce type de question, presque par définition, surgit suivant l’évolution au fil des ans de la relation de négociation collective des parties.

[33] De même, le Conseil peut utiliser son pouvoir de réexamen pour annuler une accréditation si celle-ci a été abandonnée par l’agent négociateur accrédité (voir PCL Constructors Northern Inc., 2006 CCRI 345). Le Conseil peut également annuler un certificat délivré à l’égard d’une entreprise qui a par la suite fermé définitivement ses portes (voir Banque Nationale du Canada, succursale de Senneterre, Québec c. L’Union internationale des employés de commerce, section locale 508, 87 CLLC 14,039 (C.A.F.)).

[34] Avant que ne soit codifiée la pratique prévue à l’article 18.1 du Code, le Conseil se fondait sur l’article 18 pour réviser, et possiblement fusionner, de multiples unités de négociation dans un lieu de travail.

[35] L’article 18 permet aussi au Conseil de soulever, de sa propre initiative, la question de savoir s’il a toujours compétence par suite d’un arrêt rendu par la CSC, bien qu’en règle générale, c’est aux parties qu’il revient de prendre cette initiative.

[36] Le Conseil a exposé la différence existant entre le processus de réexamen et les pouvoirs généraux de révision dont il est investi dans Air Canada, 2004 CCRI 305, aux paragraphes 16 à 18 :

[16] La demande dont le Conseil est saisi en l’espèce est fondée sur l’article 18 du Code, qui dispose que le Conseil peut réexaminer, annuler ou modifier ses décisions ou ordonnances et réinstruire une demande avant de rendre une ordonnance à son sujet.

[17] Les pouvoirs généraux qui sont conférés au Conseil par l’article 18 du Code sont essentiellement exercés dans deux contextes différents. Dans le premier, le Conseil est investi d’un pouvoir général de modifier, d’annuler, de clarifier et de confirmer l’objet d’une ordonnance antérieure à la demande d’une partie ou de sa propre initiative. Dans le second, il est habilité à réexaminer ses décisions ou ordonnances lorsqu’une demande à cet effet lui est présentée par une partie. Ce processus est en outre assorti de délais et de conditions particulières en vertu des articles 44 et 45 du Règlement de 2001 sur le Conseil canadien des relations industrielles.

[18] De plus, l’article 22 du Code établit que les décisions du Conseil sont définitives. Cela signifie que ses pouvoirs de réexamen sont limités et qu’ils excluent le réexamen des questions ou des faits présentés à un banc antérieur ou à d’autres tribunaux.

(c’est nous qui soulignons)

[14] À la suite de changements apportés au Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles après que la décision Dilico 655 a été rendue, le délai de présentation d’une demande de réexamen est passé de 21 à 30 jours.  

B. Les affaires en matière de relations du travail sont tranchées une seule fois

[15] Le Code n’accorde pas aux parties le droit d’interjeter appel ou d’obtenir une deuxième audience après que le Conseil a tranché une affaire. Cette réalité législative peut différer de celle d’autres tribunaux administratifs. L’absence d’un droit d’appel est tout à fait logique dans le domaine des relations du travail, étant donné que les affaires doivent être tranchées de manière expéditive et définitive.  

[16] La clause privative du Conseil, qui est énoncée à l’article 22 du Code, illustre l’intention du législateur voulant que le Conseil tranche les questions de relations du travail une seule fois et de façon définitive :  

22. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, les ordonnances ou les décisions du Conseil sont définitives et ne sont susceptibles de contestation ou de révision par voie judiciaire que pour les motifs visés aux alinéas 18.1(4)a), b) ou e) de la Loi sur les Cours fédérales et dans le cadre de cette loi.

(2) Sauf exception prévue au paragraphe (1), l’action – décision, ordonnance ou procédure – du Conseil, dans la mesure où elle est censée s’exercer dans le cadre de la présente partie, ne peut, pour quelque motif, y compris celui de l’excès de pouvoir ou de l’incompétence à une étape quelconque de la procédure :

a) être contestée, révisée, empêchée ou limitée;

b) faire l’objet d’un recours judiciaire, notamment par voie d’injonction, de certiorari, de prohibition ou de quo warranto.

(c’est nous qui soulignons)

[17] La clause privative du Conseil fait explicitement référence à trois motifs précis de contrôle judiciaire, décrits aux alinéas 18.1(4)a), 18.1(4)b) et 18.1.(4)e) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7 :

18.1 (4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l’office fédéral, selon le cas :

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l’exercer;

b) n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale ou toute autre procédure qu’il était légalement tenu de respecter;

e) a agi ou omis d’agir en raison d’une fraude ou de faux témoignages.

[18] La Cour suprême du Canada a décrit l’importance de la clause privative du Code dans l’affaire Syndicat international des débardeurs et magasiniers, Ship and Dock Foremen, section locale 514 c. Prince Rupert Grain Ltd., [1996] 2 RCS 432 :

Norme de contrôle

Étant donné que le Conseil avait compétence pour déterminer l’unité de négociation habile à négocier et pour faire une suggestion quant à la composition de cette unité, sa décision doit être maintenue à moins qu’elle ne soit jugée manifestement déraisonnable ou, en d’autres termes, clairement irrationnelle. Cette conclusion est nettement confirmée par la clause privative générale et explicite contenue à l’art. 22 du Code canadien du travail. On a statué à maintes reprises qu’une telle clause envoie aux cours de justice un message très clair que les décisions d’un tribunal administratif jouissant de la protection de ce type de clause privative doivent échapper à un examen judiciaire strict. Voir l’arrêt SCFP, précité; Royal Oak Mines, précité, à la p. 394; Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941, à la p. 959. Ce point de vue concernant les clauses privatives a été énoncé de façon précise et concise par le juge Gonthier, dans l’arrêt National Corn Growers Assn. c. Canada (Tribunal des importations), [1990] 2 R.C.S. 1324, où il affirme au nom de la Cour à la majorité, à la p. 1369 :

lorsqu’il y a une clause privative les tribunaux judiciaires ne toucheront aux conclusions d’un tribunal spécialisé que s’il est jugé que la décision de celui‑ci ne saurait être maintenue selon une interprétation raisonnable des faits ou du droit.

Les connaissances spécialisées, les compétences et l’expérience des membres de la commission des relations du travail, qui en font l’organisme tout désigné pour déterminer si une unité est habile à négocier collectivement, commandent également ce résultat. Comme on l’affirme dans l’arrêt SCFP, précité, aux pp. 235 et 236 :

La commission est un tribunal spécialisé chargé d’appliquer une loi régissant l’ensemble des relations de travail. Aux fins de l’administration de ce régime, une commission n’est pas seulement appelée à constater des faits et à trancher des questions de droit, mais également à recourir à sa compréhension du corps jurisprudentiel qui s’est développé à partir du système de négociation collective, tel qu’il est envisagé au Canada, et à sa perception des relations de travail acquise par une longue expérience dans ce domaine.

Il ne fait simplement aucun doute que les cours de justice devraient faire preuve de retenue dans l’examen des décisions qui ressortissent aux tribunaux administratifs spécialisés, notamment les commissions des relations du travail. La décision du Conseil relevait de sa compétence et ne devrait pas être annulée à moins d’être manifestement déraisonnable.

(pages 454-455; c’est nous qui soulignons)

C. Le réexamen n’est pas un droit prévu par la loi  

[19] Dans la version anglaise du Code, le terme « reconsideration » (réexamen) n’est pas utilisé pour les affaires relevant de la compétence du Conseil, bien que ce terme soit utilisé à un endroit, relativement aux dossiers de conciliation : voir l’article 76 du Code. Le Conseil lui‑même a créé un processus de réexamen limité, dont les principes fondamentaux sont demeurés les mêmes depuis des décennies, malgré les changements législatifs et réglementaires : Buckmire, 2013 CCRI 700 (Buckmire 700).

[20] Ainsi, le régime de réexamen discrétionnaire du Conseil est très différent des régimes de réexamen et d’appel prévus par la loi qui peuvent s’appliquer à d’autres tribunaux administratifs.

[21] Par exemple, dans Prasad v. Canada (Social Development), 2015 FCA 22, une affaire qui portait sur la Loi sur l’assurance-emploi, LC 1996, c 23 (LAE), la Cour d’appel fédérale (CAF) a rejeté l’appel, car l’appelant ne s’était pas prévalu du processus de réexamen prévu par la LAE :

[8] Il ressort clairement de la jurisprudence de la Cour qu’à défaut de circonstances spéciales, si le législateur a établi un processus administratif pour le règlement des différends, il faut suivre ce processus avant de s’adresser aux tribunaux judiciaires par voie de contrôle judiciaire : voir Bonamy c. Procureur général du Canada, 2009 CAF 156, Le président de l’Agence des services frontaliers du Canada et le procureur général du Canada c. C.B. Powell Limited, 2010 CAF 61 (C.B. Powell Limited).

[9] La Loi comporte un régime complet de règles permettant de contester les pénalités administratives comme celle qui a été infligée à M. Prasad en application de l’alinéa 39(1)a) de la Loi. Ce régime prévoit, à l’article 112 de la Loi, le droit de demander le réexamen d’une décision de la Commission et, à l’article 113 de la Loi, celui d’interjeter appel de la décision rendue en réexamen au Tribunal de la sécurité sociale constitué par l’article 44 de la Loi sur le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences.

[10] En l’espèce, nous sommes d’avis que le défaut de M. Prasad de suivre cette procédure justifie entièrement la décision du juge. Par ailleurs, M. Prasad ne nous a pas convaincus de l’existence de circonstances répondant au critère minimal élevé qui permettrait de les qualifier de circonstances exceptionnelles; or, seule l’existence de telles circonstances permet un recours anticipé aux tribunaux judiciaires (voir C.B. Powell Limited, au para 33).

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[22] Les articles 112 et 113 de la LAE décrivent le droit prévu par la loi de demander un réexamen et d’interjeter appel :

112. (1) Quiconque fait l’objet d’une décision de la Commission, de même que tout employeur d’un prestataire faisant l’objet d’une telle décision, peut, dans les trente jours suivant la date où il en reçoit communication, ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorder, et selon les modalités prévues par règlement, demander à la Commission de réviser sa décision.

(2) La Commission est tenue d’examiner de nouveau sa décision si une telle demande lui est présentée.

113. Quiconque se croit lésé par une décision de la Commission rendue en application de l’article 112, notamment une décision relative au délai supplémentaire, peut interjeter appel de la décision devant le Tribunal de la sécurité sociale constitué par l’article 44 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.

(c’est nous qui soulignons)

[23] Au Conseil, la situation est exactement à l’opposé. Le Code ne prévoit aucun droit au réexamen ni à aucun autre type d’appel ou d’évaluation de novo. Sous réserve du processus de réexamen limité du Conseil ou d’un contrôle judiciaire, les affaires de relations du travail doivent être tranchées une seule fois.  

[24] À plusieurs reprises, la CAF a clairement indiqué aux demandeurs que le processus de réexamen discrétionnaire du Conseil n’interrompait pas le délai de 30 jours applicable aux demandes de contrôle judiciaire. En outre, la CAF n’effectuera pas le contrôle judiciaire de la décision initiale du Conseil si le demandeur a présenté une demande de contrôle judiciaire visant seulement une décision rendue au terme d’un réexamen.

[25] Dans Remstar Corporation c. Syndicat des employé-es de TQS Inc. (FNC-CSN), 2011 CAF 183, la CAF a réitéré sa position de longue date à propos du processus de réexamen du Conseil et du contrôle judiciaire :  

[1] La demanderesse, Remstar Corporation, conteste par voie de contrôle judiciaire une décision du Conseil canadien des relations industrielles (Conseil) rendue le 9 juillet 2010 (dossier 27758-C). Cette décision fait suite à une demande de réexamen de sa décision rendue le 14 septembre 2009 par un premier banc du Conseil (dossier 26864-C).

[2] Pour éviter toute confusion possible, je référerai à la décision du 14 septembre 2009 comme étant la décision initiale. J’appellerai celle du 9 juillet 2010 la décision en réexamen.

[3] Je signale d’emblée que la décision initiale n’a pas fait l’objet d’une contestation devant notre Cour. Elle a donc acquis l’autorité de la chose jugée. Selon une jurisprudence constante, notre Cour ne se livrera pas à un réexamen de la décision initiale. Elle se limitera plutôt à déterminer si la décision en réexamen est raisonnable : Guan v. Purolator Courier Ltd., 2010 CAF 103; Lamoureux c. Assoc. canadienne des pilotes de lignes, [1993] F.C.J. No 1128; Halifax Employers Association Inc. v. The Council of ILA Locals for the Port of Halifax, 2006 CAF 82; Williams v. Teamsters Local Union 938, 2005 CAF 302. Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable à la révision de la décision du Conseil en réexamen est la norme de la décision raisonnable.

(c’est nous qui soulignons)

[26] Bref, bien que dans certains tribunaux administratifs, la loi confère aux parties le droit de demander un réexamen de la décision ou d’interjeter appel, les parties n’ont pas automatiquement droit au réexamen des décisions du Conseil.  

[27] Dans Mme Z, 2015 CCRI 752, le Conseil a réaffirmé que son processus de réexamen ne constituait ni un appel ni une évaluation de novo de l’affaire initiale :  

III. Le réexamen

[28] Le réexamen n’est pas un appel ni une évaluation de novo de l’affaire initiale. Malgré le fait que l’article 44 du Règlement de 2001 sur le Conseil canadien des relations industrielles (Règlement) a été abrogé le 18 décembre 2012, cet extrait de Kies, 2008 CCRI 413, demeure pertinent :

[29] L’article 44 du Règlement n’est pas rédigé en des termes exhaustifs et il offre au Conseil la latitude nécessaire pour entendre les rares cas qui ne relèvent pas des motifs énumérés justifiant le réexamen décrits précédemment (voir Hurdman Bros. Ltd. (1982), 51 di 104; et 83 CLLC 16,003 (CCRT no 394)). Ces moyens énumérés démontrent que la procédure de réexamen n’est ni un appel ni une occasion pour une partie de plaider à nouveau l’affaire devant un nouveau banc.

(c’est nous qui soulignons)

[29] Dans Williams c. Section Locale 938 de la Fraternité Internationale des Teamsters, 2005 CAF 302, la Cour d’appel fédérale a noté la distinction entre un appel et une demande de réexamen :

[7] Il m’est impossible de dire que la décision du Conseil sur la demande de réexamen était manifestement déraisonnable. Une demande de réexamen n’est pas une possibilité d’obtenir une nouvelle audience et ne constitue pas non plus un appel. Dans son examen de la décision initiale, la formation chargée du réexamen ne pouvait substituer sa propre appréciation des faits à celle de la formation initiale. En l’espèce, vu les faits dont elle a été saisie, la formation initiale a conclu que le syndicat avait le droit de ne pas poursuivre l’affaire et le demandeur n’invoque aucun fait ou motif nouveau qui pourrait modifier cette conclusion.

(c’est nous qui soulignons)

IV. Décision à l’égard de la demande de réexamen de M. Petrovic

[28] C’est en tenant compte des principes susmentionnés que le Conseil a examiné la demande de réexamen de M. Petrovic.

[29] Les observations de M. Petrovic montrent qu’il pensait pouvoir plaider de nouveau sa cause en présentant une demande de réexamen. Il a demandé au banc de révision d’analyser l’abondante documentation qu’il avait présentée avec sa plainte initiale, de même que ses arguments initiaux, dans l’espoir d’obtenir une décision différente.

[30] Comme il a été souligné, le processus de réexamen du Conseil n’a jamais prévu d’appel ou d’évaluation de novo. En effet, l’efficacité du Conseil s’en trouverait gravement minée s’il devait instruire ses affaires deux fois.

[31] Dans Société Radio-Canada, 2015 CCRI 763, le Conseil a conclu qu’un argument en particulier, parmi tous ceux qui avaient été avancés, méritait d’être examiné dans le cadre du processus de réexamen. En revanche, M. Petrovic, en demandant simplement au Conseil d’instruire et de trancher une deuxième fois sa plainte, n’a soulevé aucune question qui constituerait un motif de réexamen approprié : Buckmire 700.

[32] Étant donné que M. Petrovic demande simplement une nouvelle instruction de sa plainte initiale, le Conseil rejette sa demande de réexamen.  

[33] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

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