Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

David Hrechuk,

plaignant,

et

Fraternité internationale des ouvriers en électricité,

intimée,

et

Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique,

employeur.

Dossier du Conseil : 30690-C

Référence neutre : 2015 CCRI 758

Le 29 janvier 2015

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) était composé de Me Graham J. Clarke, Vice‑président, ainsi que de M. Gaétan Ménard et Me Robert Monette, Membres.

Représentants des parties au dossier

M. David Hrechuk, en son propre nom;

M. Brian J. Strong, pour la Fraternité internationale des ouvriers en électricité;

Me Ron Hampel, pour la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke, Vice-président.

L’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code) prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour rendre la présente décision procédurale partielle sans tenir d’audience.

I. Question en litige

[1] Il a été demandé au Conseil de rendre une ordonnance exigeant que la réponse écrite d’un syndicat à une plainte de manquement au devoir de représentation juste (DRJ) soit traitée de manière confidentielle et ne soit pas communiquée à l’employeur. Le Conseil a rejeté la demande pour les motifs exposés dans la présente décision.

II. Faits

[2] Le 8 octobre 2014, M. David Hrechuk a déposé une plainte de manquement au DRJ dans laquelle il allègue que son agent négociateur, la Fraternité internationale des ouvriers en électricité (la FIOE), a enfreint l’article 37 du Code :

37. Il est interdit au syndicat, ainsi qu’à ses représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l’égard des employés de l’unité de négociation dans l’exercice des droits reconnus à ceux-ci par la convention collective.

[3] La plainte de M. Hrechuk a trait à son ancienneté et fait aussi état d’une violation de l’alinéa 95g) du Code.

[4] La plainte de manquement au DRJ de M. Hrechuk se démarque de la norme. M. Hrechuk n’a pas demandé à la FIOE de présenter un grief en son nom. La plainte de M. Hrechuk découle plutôt d’un grief que la FIOE a présenté au nom de l’unité de négociation et qui pourrait avoir des répercussions négatives sur lui.

[5] Le 15 août 2014, la FIOE avait présenté un grief dans lequel elle alléguait que la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique (le CP) avait enfreint l’entente salariale en vigueur en attribuant à M. Hrechuk du travail « à l’échelle nationale et internationale » (traduction) :

Veuillez considérer la présente comme un grief au premier palier de la procédure de règlement des griefs, au terme du paragraphe 12.7 de l’entente salariale no 1 entre le Conseil de réseau no 11 de la FIOE et le Canadien Pacifique.

La présentation de ce grief découle de la violation de l’entente salariale no 1 par Mike Smith, directeur S&C, de mai 2013 à juillet 2014. Le grief est présenté au nom de tous les techniciens S&C touchés par les actes dissimulés de M. Smith dans tous les districts d’ancienneté.

Le 29 juillet 2014, le superviseur Mike Smith a finalement révélé au syndicat qu’il avait traité directement avec le technicien S&C David Hrechuk et lui avait attribué diverses tâches à l’échelle nationale et internationale. Étant donné que son champ de compétence est limité au Canada, le syndicat laissera au département du travail des États‑Unis et au Conseil de réseau no 16 de la FIOE le soin d’enquêter sur les tâches attribuées à l’échelle internationale.

M. Smith va plus loin en admettant dans sa réponse envoyée par courriel au syndicat le 31 juillet 2014 que M. Hrechuk s’est rendu à différents endroits à l’extérieur du territoire de son district d’ancienneté (le district no 3) et, en fait, à l’extérieur des limites affichées pour son poste à l’atelier radio de Winnipeg. M. Smith a aussi mentionné que rien ne l’empêchait de donner du travail à des employés sur le territoire d’autres employés et dans d’autres districts d’ancienneté.

(traduction)

[6] Le redressement demandé par la FIOE comprenait l’indemnisation d’autres membres de l’unité de négociation. La FIOE a aussi informé le CP qu’elle attribuerait à M. Hrechuk le 31 juillet 2014 comme date d’ancienneté sur la prochaine liste d’ancienneté qui serait publiée au plus tard le 31 janvier 2015 :

Par conséquent, afin de régler ce grief, le syndicat demande que tous les techniciens S&C, tous territoires confondus, ayant subi les conséquences des actes de M. Smith soient indemnisés pour les pertes subies en raison du salaire et des avantages perçus par M. Hrechuk et que le poste permanent de celui-ci à l’atelier radio soit affiché dans le prochain bulletin publié.

Enfin, le syndicat supprimera toute l’ancienneté accumulée par M. Hrechuk dans la catégorie de technicien S&C et lui attribuera le 31 juillet 2014 comme date d’ancienneté dans cette catégorie. Ce changement sera apporté à la liste d’ancienneté du syndicat pour le district no 3 qui sera publiée au plus tard le 31 janvier 2015 à l’intention des employés concernés.

(traduction)

[7] Le Conseil a examiné la plainte de manquement au DRJ de M. Hrechuk, a conclu que celui‑ci avait établi une preuve prima facie, et a demandé à la FIOE de même qu’à l’employeur, le CP, de présenter leurs observations. Le bien‑fondé de la plainte de manquement au DRJ sous‑jacente n’est pas en cause dans la présente décision procédurale.

[8] La FIOE a présenté sa réponse à la plainte de M. Hrechuk le 14 novembre 2014 et en a fourni une copie à M. Hrechuk. Le CP a fourni sa réponse limitée le 19 novembre 2014.

[9] Dans ses observations, la FIOE a demandé au Conseil de déclarer sa réponse datée du 14 novembre 2014 confidentielle de sorte qu’elle ne soit pas communiquée au CP :

M. Hrechuk a déposé une plainte auprès du Conseil canadien des relations industrielles le 7 octobre 2014, avant qu’une entente ne soit conclue conformément à la procédure de règlement des griefs décrite dans la convention collective, que nous joignons à la présente afin que vous puissiez en prendre connaissance (Articles 12 et 13).

Cela dit, le syndicat s’inquiète de devoir répondre au Conseil avant qu’une décision définitive ne soit rendue concernant le grief. Cette inquiétude légitime tient au fait que la position du syndicat dans cette affaire risque d’être compromise si l’entreprise reçoit une copie de ces observations.

Le syndicat a inclus tous les renseignements pertinents et en a remis une copie à M. Hrechuk. Le syndicat demande respectueusement que ces observations demeurent confidentielles et qu’elles ne soient pas communiquées à l’entreprise, en vertu des dispositions du paragraphe 22. (2) du Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles (DORS/2001‑520) intitulé Confidentialité des documents, qui est libellé ainsi : Le Conseil peut, de sa propre initiative ou sur demande d’une partie, déclarer qu’un document est confidentiel.

 (traduction; c’est nous qui soulignons)

[10] Dans sa lettre adressée à la FIOE en date du 21 novembre 2014, le Conseil a confirmé avoir reçu la demande de confidentialité et a informé le CP de la question :

Nous accusons réception, par télécopieur, de votre lettre datée du 14 novembre 2014 concernant la plainte mentionnée ci-dessus.

Dans votre réponse, vous avez demandé que votre réponse soit maintenue confidentielle conformément à l’article 22 du Règlement du Conseil.

Cette demande a été transmise au Conseil aux fins d’examen. Une copie de la présente lettre a été envoyée à l’employeur pour l’informer de votre demande.

(traduction)

[11] Le CP a contesté la demande de confidentialité de la FIOE. Un extrait de la lettre du CP datée du 26 novembre 2014 résume sa position :

Étant donné que la demande du syndicat semble avoir pour objet précis d’empêcher l’entreprise de voir les observations du syndicat, l’entreprise se trouve dans l’impossibilité de répondre à nouveau ou de se préparer en vue d’une audience, le cas échéant. À ce titre, les mesures prises par le syndicat mettent en cause les principes d’équité et de justice.

Si l’entreprise ne peut prendre connaissance des documents présentés au Conseil, comment peut‑elle dûment se préparer en vue d’une audience? De même, comment l’entreprise peut‑elle accepter les conclusions du Conseil si elle ne sait pas quels documents le Conseil est susceptible de prendre en considération pour rendre une décision? Cette demande a pour effet de jeter le discrédit sur l’administration de la justice en ce qui concerne la présente plainte.

Du reste, il semblerait que la demande du syndicat repose sur une interprétation erronée de l’article 22 du Règlement sur le CCRI. Le paragraphe 22(1) exige expressément qu’un document soit versé au dossier visé au paragraphe 22(2) s’il est pertinent à l’instance. Le paragraphe 22(2) prévoit que le Conseil peut, de sa propre initiative ou à la demande d’une partie, déclarer qu’un document est confidentiel. L’objet d’une telle demande a trait à la publication ou à un renvoi dans une décision écrite. Elle ne vise pas à empêcher une partie à l’affaire de voir le document et d’y répondre. Cela ressort clairement des dispositions du paragraphe 22(4) lorsqu’un document est déclaré confidentiel.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[12] La FIOE n’a fourni aucune autre observation en réponse à la contestation du CP.

III. Analyse et décision

A. Le rôle restreint de l’employeur dans le cadre d’une plainte de manquement au DRJ

[13] En règle générale, l’employeur a un rôle d’observateur dans le cadre d’une plainte de manquement au DRJ. Une plainte de manquement au DRJ concerne un syndicat et ses membres. En l’espèce, le CP, comme le font la plupart des employeurs de compétence fédérale, a présenté une réponse limitée, puisqu’il n’avait aucun renseignement sur les allégations formulées par M. Hrechuk contre la FIOE.

[14] Cependant, le CP a affirmé, comme le font la plupart des employeurs dans les affaires de manquement au DRJ, qu’il ne devrait pas être tenu responsable des redressements que le Conseil pourrait ordonner contre la FIOE, s’il y a eu violation du Code. Un employeur a tout intérêt à se préoccuper des mesures de redressement ordonnées pour un manquement au DRJ.

[15] Dans Singh, 2012 CCRI 639 (Singh 639), le Conseil a expliqué le rôle restreint de l’employeur dans le cadre d’une plainte de manquement au DRJ :

C – Le rôle de l’employeur

[91] Comme le Conseil se concentre sur le processus que le syndicat a concrètement suivi, par opposition à ce que ce dernier aurait pu faire, l’employeur joue habituellement un rôle restreint d’observateur pour ce qui est du bien-fondé d’une plainte de manquement au DRJ. Cependant, comme il est possible que l’employeur soit touché par tout redressement ordonné, l’employeur peut participer pleinement au processus lorsqu’il est question de redressement.

[92] Parfois, le Conseil peut autoriser un employeur à participer de manière plus étendue à l’examen du bien-fondé d’une plainte de manquement au DRJ, comme il a été récemment décrit dans la décision Société canadienne des postes, 2010 CCRI 558 (CPC 558) :

[15] Le Conseil est d’avis que la présente demande de réexamen doit être analysée en tenant compte de sa pratique de longue date relativement au rôle de l’employeur dans les plaintes de manquement au DRJ.

[16] En règle générale, l’employeur a un rôle d’observateur en ce qui concerne le bien-fondé d’une plainte de manquement au DRJ.

[17] Une plainte de manquement au DRJ oppose un membre d’une unité de négociation à son syndicat. Le litige porte sur le processus décisionnel interne du syndicat, un examen qui, habituellement, ne concerne pas l’employeur.

[18] De plus, le Conseil ne veut pas que les employeurs assument l’obligation qu’ont les syndicats de défendre leurs processus. Dans la majorité des cas, les plaintes de manquement au DRJ sont déposées par des personnes inexpérimentées. Il incombe au syndicat d’expliquer son processus, que ce soit par l’intermédiaire de ses propres représentants ou d’un avocat externe.

[19] Dans la récente décision Schiller, 2009 CCRI 435, le Conseil a résumé sa pratique de longue date en la matière :

[36] Les employeurs ont un rôle limité dans les plaintes de manquement au devoir de représentation juste. Le Conseil explique brièvement pourquoi au paragraphe 47 de McRaeJackson et autres, précitée :

[47] L’employeur n’est pas une partie principale dans les procédures fondées sur l’article 37. Ses actions ne sont pas en cause, et il n’a rien à défendre. Dans la pratique, on l’ajoute à la liste des parties comme partie intéressée, puisque le résultat de la plainte (autrement dit le redressement imposé par le Conseil s’il l’accueille) peut avoir des répercussions sur ses intérêts. C’est pour cette raison que le Conseil donne à l’employeur la possibilité de présenter ses observations sur la question du redressement. L’employeur n’est qu’un observateur en ce qui concerne le bien-fondé de la plainte.

[37] Le Conseil a statué dans Rousseau (1995), 98 di 80; et 95 CLLC 220-064 (CCRT no1127) que « [l]e Conseil refusera d’entendre de la part de l’employeur une deuxième défense pour le syndicat » (pages 110; et 143,561). Le Conseil a aussi expliqué, dans Gagnon (1986), 63 di 194 (CCRT no 547), qu’il a limité le rôle de l’employeur afin d’éviter que le syndicat et l’employeur fassent front commun dans des plaintes de manquement au devoir de représentation juste :

La pratique du Conseil, au nom d’un minimum de fair‑play envers le plaignant, est d’inviter l’employeur à s’en tenir à un rôle très discret dans les causes portant sur une violation de l’article 136.1 [maintenant l’article 37], du moins quant au bien-fondé de la plainte. En revanche, on l’invitera à se manifester lorsqu’il sera question de redressements susceptibles de neutraliser les conséquences négatives d’une pareille pratique déloyale, si le Conseil devait y faire droit.

[38] Dans certains cas, le Conseil peut autoriser l’employeur à fournir des renseignements à propos du bien-fondé de la plainte, afin de tirer certains faits au clair, mais il reste que, en règle générale, le rôle de l’employeur doit se limiter à celui d’observateur. Il appartient au syndicat de défendre lui-même ses actions.

[20] Le Conseil peut accorder à l’employeur le droit d’intervenir de façon restreinte relativement au bien-fondé de la plainte de manquement au DRJ s’il est allégué que le plaignant et le syndicat ont collaboré afin de se servir du Conseil pour renvoyer un grief à l’arbitrage malgré l’expiration du délai prévu (voir la décision Desrosiers, 2001 CCRI 124) :

[40] L’employeur, malgré le fait qu’il soit mis en cause peut comparaître, mais son droit d’intervention au débat est en principe limité et restreint. Il pourrait toutefois être autorisé à soulever des objections de compétence, de hors-délai et même à participer activement à l’enquête s’il s’avérait qu’il y a risque de collusion entre le salarié et le syndicat : Haley (1980), 41 di 295; [1980] 3 Can LRBR 501; et 81 CLLC 16,070 (CCRT no271).

[21] Néanmoins, sauf dans ces cas exceptionnels, le rôle normal de l’employeur se limite à présenter des observations sur la question des mesures de redressement. Cela est attribuable au fait que la responsabilité potentielle de l’employeur peut être engagée lorsque l’on permet qu’un grief, par ailleurs présenté à l’extérieur du délai, soit renvoyé à l’arbitrage.

[93] Bien que le Conseil puisse comprendre l’intérêt qu’a UPS pour ce qui est de démontrer qu’elle avait des motifs valables pour congédier M. Singh, le Code lui prescrit d’examiner le pouvoir exclusif qu’ont les syndicats de représenter les membres de l’unité de négociation. Le Conseil n’examine pas si un employeur avait une cause juste pour congédier un employé. À part les situations exceptionnelles comme celles dont il est question dans la décision CPC 558, le rôle d’un employeur se limite habituellement à celui d’un observateur quand il est question de savoir comment un syndicat a représenté l’un de ses membres.

[16] Comme il est indiqué dans Singh 639, un employeur peut aller au‑delà du rôle d’observateur qui lui est normalement accordé dans une affaire de manquement au DRJ, notamment s’il y a un risque de collusion entre un syndicat et un employé, s’il est le seul à pouvoir éclaircir certains faits ou si la compétence du Conseil est en litige.

B. Le Conseil peut‑il restreindre l’accès d’un employeur aux observations dans le cadre d’une plainte de manquement au DRJ?

[17] La FIOE n’a pas convaincu le Conseil de restreindre l’accès du CP à la réponse qu’elle a formulée à la plainte de M. Hrechuk.

i. L’article 22 du Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles (le Règlement)

[18] La FIOE a invoqué l’article 22 à l’appui de sa demande. L’article 22, qui s’intitule « Confidentialité des documents », est libellé de la façon suivante :

CONFIDENTIALITÉ DES DOCUMENTS

22. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le Conseil verse au dossier public les documents pertinents à l’instance.

(2) Le Conseil peut, de sa propre initiative ou sur demande d’une partie, déclarer qu’un document est confidentiel.

(3) Afin de déterminer si un document est confidentiel, le Conseil évalue si sa communication causerait un préjudice direct à une personne et si ce préjudice l’emporterait sur l’intérêt public.

(4) Si le Conseil déclare qu’un document est confidentiel, il peut, selon le cas :

a) ordonner que le document ou une partie de celui-ci ne soit pas versé au dossier public;

b) ordonner qu’une version ou une partie du document ne contenant pas de renseignements confidentiels soit versée au dossier public;

c) ordonner que toute partie d’une audience – y compris les plaidoiries, les interrogatoires et les contre-interrogatoires – qui porte sur le document confidentiel soit tenue à huis clos;

d) ordonner que tout ou partie du document soit fourni aux parties ou à leurs conseillers juridiques ou représentants seulement, et que le document ne soit pas versé au dossier public;

e) rendre toute autre ordonnance qu’il juge indiquée.

(c’est nous qui soulignons)

[19] Diverses dispositions du Règlement précisent clairement que le mot « document » comprend les observations écrites des parties. Par exemple, les termes « réponse » et « réplique » sont définis de la façon suivante :

1. Les définitions qui suivent s’appliquent au présent règlement.

« réplique » Le document par lequel le demandeur réplique par écrit à la réponse et qui constitue l’étape finale dans le processus d’une demande.

« réponse » Le document par lequel l’intimé répond par écrit à la demande.

(c’est nous qui soulignons)

[20] De façon similaire, l’article 7 inclut les observations dans « tout autre document » à déposer et à signifier :

7. (1) Lorsqu’une demande, une réponse, une réplique, une demande d’intervention ou tout autre document doit être déposé auprès du Conseil ou signifié à une personne, auquel cas il peut l’être à cette personne ou à son conseiller juridique ou son représentant, la signification ou le dépôt se fait de l’une des façons suivantes :

a) remise en mains propres du document;

b) envoi par courrier à l’adresse de signification au sens du paragraphe (2);

c) envoi par télécopieur fournissant une preuve de la réception;

d) toute autre façon autorisée par le Conseil.

(c’est nous qui soulignons)

[21] Bien que l’article 22 soit suffisamment vaste pour englober les observations, il existe une différence fondamentale entre l’accès public aux observations et l’accès pour les parties elles‑mêmes.

[22] L’article 22 permet à une partie de protéger des documents, y compris des observations, pour qu’ils ne soient pas rendus publics. La partie doit alors convaincre le Conseil que la communication des documents causerait un préjudice direct et que ce préjudice direct l’emporterait sur l’intérêt public (paragraphe 22(3)).

[23] Souvent, les demandes de confidentialité sont présentées lorsqu’un document contient prétendument des renseignements commerciaux de nature délicate. Lorsque la situation concerne les parties à l’instance, le Conseil cherche à déterminer si des passages d’un document peuvent être masqués s’ils ne sont pas pertinents.

[24] Cependant, lorsque la situation concerne une ou plusieurs parties et le grand public, le Conseil peut élargir le champ d’application de son ordonnance et déclarer qu’un document au complet est confidentiel, si sa communication à de tierces parties risque de causer un préjudice.

[25] La demande de la FIOE va beaucoup plus loin que ce qui est décrit dans les deux situations communes ci‑dessus. La FIOE a demandé une ordonnance de confidentialité pour empêcher le CP, qui a un intérêt juridique à l’égard de cette instance, de recevoir une copie de sa réponse écrite à la plainte de M. Hrechuk.

[26] Le Conseil peut difficilement imaginer comment il pourrait s’acquitter du devoir d’agir équitablement et respecter les règles de justice naturelle s’il empêchait une partie à une plainte ou à une demande d’avoir accès aux observations d’une autre partie.

[27] Il est vrai que le rôle de l’employeur dans le cadre d’une plainte de manquement au DRJ se limite habituellement à celui d’un observateur. Mais ce rôle peut parfois être accru, selon les faits de l’affaire. Si le CP se voyait refuser l’accès aux observations de la FIOE, il n’aurait alors aucun moyen de déterminer s’il devrait ou non demander un rôle accru.

[28] La Commission des relations de travail de l’Ontario, dans R. Baun Construction Inc., [2009] O.L.R.D. No. 2648 (QL), a dû traiter une demande similaire et a refusé d’examiner les observations de manière confidentielle :

3 La Commission ne peut rendre de décisions de manière confidentielle. Il s’agit d’un tribunal administratif devant lequel des parties comparaissent pour régler des différends. Les décisions ont un effet juridiquement contraignant et ne peuvent être rendues sans que l’affaire soit communiquée à toutes les parties et que celles‑ci aient la possibilité de formuler des observations sur cette communication.

4 Les parties ne sont pas sans savoir que les renseignements et les documents présentés à la Commission ne doivent être utilisés qu’aux fins du litige pour lequel ils ont été produits. Les parties peuvent, s’il y a lieu, masquer des renseignements qui ne sont pas pertinents au regard de la procédure. Une partie peut aussi demander que la Commission ne nomme pas une personne dans sa décision, demande à laquelle la Commission peut acquiescer, si elle le juge approprié.

5 La demande présentée à la Commission pour que celle‑ci examine les observations de manière confidentielle est rejetée. Le demandeur aura jusqu’au 14 avril 2009 pour indiquer s’il souhaite poursuivre le traitement de cette demande  il devra alors fournir l’ensemble de ses observations aux autres parties conformément aux règles de procédure de la Commission –, ou s’il souhaite retirer sa demande de réexamen.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[29] En appliquant le paragraphe 22(3) du Règlement à la demande de la FIOE, le Conseil n’est pas convaincu qu’un « préjudice direct » découle de la réponse de la FIOE à la plainte de M. Hrechuk. Les observations limitées de la FIOE semblent indiquer que le préjudice découle du fait de devoir exposer ses arguments ou sa position concernant le grief qu’elle a présenté contre le CP le 15 août 2014. Étant donné que la procédure de règlement des griefs a pour objet de susciter des discussions exhaustives et franches à propos des griefs avant l’arbitrage, les observations de la FIOE n’ont pas permis d’illustrer comment un « préjudice direct » pourrait être causé aux fins du paragraphe 22(3) du Règlement.

[30] Même si la FIOE avait fait état de ce type de préjudice ou en avait fait la preuve, le Conseil est convaincu qu’il ne pourrait pas se prononcer sur la plainte de M. Hrechuk si le CP se voyait refuser l’accès à des observations écrites essentielles. Ainsi, le préjudice, même s’il est présumé, ne l’emporterait pas sur l’intérêt public si l’on communiquait les observations présentées par la FIOE en réponse à la plainte de M. Hrechuk.

ii. Les observations pouvant porter préjudice à l’arbitrage ultime du plaignant

[31] Le Conseil a souligné plus tôt qu’il n’était pas question en l’espèce d’une situation où un syndicat demande au Conseil de rendre une ordonnance de confidentialité de sorte que son obligation de répondre à une plainte de manquement au DRJ ne nuise pas par inadvertance à l’arbitrage éventuel ou prévu d’un employé s’estimant lésé.

[32] De telles questions ont été soulevées par le passé, bien que le Conseil n’ait encore jamais été appelé à se prononcer sur ce sujet intéressant.

[33] Étant donné que la demande de la FIOE avait trait au risque de porter atteinte à son propre grief contre le CP, plutôt qu’à un grief présenté au nom de M. Hrechuk, la question ne s’est pas posée en l’espèce.

IV. Dispositif

[34] Le Conseil ne déclarera pas que la réponse de la FIOE est confidentielle aux termes de l’article 22 du Règlement. La FIOE aura quinze (15) jours à compter de la date de la présente décision pour déterminer s’il y a lieu de modifier et de présenter une réponse révisée. Si aucune réponse modifiée n’est reçue à l’intérieur de cette période, le Conseil enverra une copie de la réponse initiale de la FIOE au CP.

[35] Le CP aura alors quinze (15) jours suivant la réception de la réponse de la FIOE pour présenter des observations supplémentaires, le cas échéant. M. Hrechuk aura dix (10) jours suivant la réception de la réponse modifiée du CP pour présenter sa réplique, s’il y a lieu.

[36] Le Conseil demande aussi à M. Hrechuk de confirmer s’il a l’intention de donner suite à ses allégations de violation de l’alinéa 95g) du Code. S’il a l’intention de le faire, le Conseil exigera, dans un délai de quinze (15) jours à compter de la date de la présente décision, les motifs sur lesquels il fonde ses allégations, étant donné que l’alinéa 95g) du Code a trait aux « normes de discipline du syndicat » :

95. Il est interdit à tout syndicat et à quiconque agit pour son compte :

g) de prendre des mesures disciplinaires contre un employé ou de lui imposer une sanction quelconque en lui appliquant d’une manière discriminatoire les normes de discipline du syndicat.

[37] Si M. Hrechuk donne suite à sa plainte fondée sur l’alinéa 95g), la FIOE aura quinze (15) jours pour présenter sa réponse. M. Hrechuk aurait alors dix (10) jours pour y répliquer, au besoin.

[38] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

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