Tribunal canadien des droits de la personne

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Contenu de la décision

Tribunal canadien des droits de la personne

Entre :

Stephen Leung

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

Commission

- et -

Agence du Revenu du Canada

l'intimée

Décision sur requête

Membre : Wallace G. Craig

Date : Le 27 mars 2012

Référence : 2012 TCDP 7

 



I.                   La plainte

[1]               Le 28 février 2003, Stephen Leung (le plaignant) a déposé la plainte no 20030099 (la plainte B) auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission), dans laquelle il allègue avoir été victime de discrimination de la part de l’intimée, l’Agence du revenu du Canada, du fait de sa race et de son origine nationale ou ethnique, ce qui est contraire aux articles 7 et 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la LCDP), ainsi que de représailles, ce qui est contraire à l’article 14.1 de la LCDP.

[2]               Le 23 décembre 2010, la Commission a renvoyé la plainte B au Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal).

II.                La requête de l’intimée

[3]               Le 22 septembre 2011, l’intimée a déposé auprès du Tribunal un avis de requête sollicitant :

1.                  une ordonnance radiant, en tout ou en partie, l’exposé des précisions du plaignant;

2.                  subsidiairement, une ordonnance limitant l’instruction du Tribunal uniquement aux représailles exercées à l’égard du concours pour le poste FI‑04 en 2002;

3.                  une ordonnance obligeant le plaignant à fournir les résumés des témoignages de témoins prévus, conformément à l’alinéa 6(1)f) des Règles de procédure du Tribunal.

[4]               Les moyens invoqués à l’appui de la requête sont les suivants :

1.                  Le 4 juillet 2011, le plaignant a déposé un exposé des précisions lié à sa plainte en matière de droits de la personne (dossier no 20030099 de la Commission) que la Commission a renvoyée au Tribunal.

2.                  La Commission a enquêté sur un grand nombre des points soulevés dans l’exposé des  précisions dans le cadre des plaintes que le plaignant a déposées antérieurement, et elle les a rejetées. Le plaignant n’a pas sollicité le contrôle judiciaire de ces décisions, et la décision prise par la Commission de rejeter les plaintes doit être maintenue.

3.                  Dans sa décision, la Cour d’appel fédérale a renvoyé l’affaire en vue de la tenue d’un examen supplémentaire portant uniquement sur la classification concernant le poste FI‑04 en 2002.

[5]               À l’appui de sa requête, l’intimée se fonde sur l’affidavit de Mme Lisa Minarovich, souscrit le 21 septembre 2011.

[6]               Au premier paragraphe de son affidavit, Mme Minarovich, une employée du ministère de la Justice, déclare avoir [traduction] « [...] examiné les dossiers de la Commission qui sont associés à la plainte et, cela étant, [être] au courant des questions mentionnées ci‑après ». Cet affidavit résume l’enquête que la Commission a menée ainsi que la décision que celle-ci a rendue à l’égard des plaintes du plaignant, et de nombreux documents, vraisemblablement obtenus lors de l’examen que Mme Minarovich a fait des dossiers, y sont joints en tant que pièces. Je suis toutefois persuadé que cette dernière n’a aucune connaissance personnelle des circonstances entourant la plainte dont le Tribunal est actuellement saisi, pas plus qu’elle n’a l’expertise voulue pour étayer les opinions exprimées dans son affidavit.

[7]               L’intimée affirme que l’exposé des précisions du plaignant vise à tort à soulever des questions dont la Commission a déjà traité; elle soutient que ces questions ont force de chose jugée ou qu’il convient de les exclure par application du principe de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée.


 

III.             La réponse du plaignant à la requête

[8]               L’avocat du plaignant soutient que la requête de l’intimée est prématurée :

[traduction] Les observations de cette nature sont à faire dans le cadre d’une audience, et non avant. Nous nous trouvons présentement au stade de la divulgation, et il n’est pas encore temps de débattre de la preuve. À l’audience, les deux parties ont le droit de s’opposer à la preuve présentée. Au stade actuel, le décideur ne peut pas évaluer si la preuve est pertinente ou non. À l’audience, il peut accueillir des preuves ou non, suivant le poids qu’elles méritent.

Il demande au décideur d’aller au‑delà de la plainte renvoyée par la Commission et de la reformuler. Il souhaite que le décideur, sans avoir entendu la moindre preuve, passe en revue les documents pour, essentiellement, se prononcer sur la nature de l’affaire. La requête est une tentative de l’employeur pour plaider sa cause avant que qui que ce soit ait présenté une preuve quelconque.

[9]               Le plaignant soutient également que les affirmations faites aux paragraphes 4, 13, 19, 22, 29 et 30 de l’affidavit de Mme Minarovich sont trompeuses ou mal interprétées, ou qu’elles omettent des faits pertinents.

IV.             Le contexte

[10]           Pendant toute la période en cause, le plaignant a été au service de l’intimée.

[11]           Les circonstances de la plainte B ont eu lieu entre les mois de mars 2001 et d’août 2002. La Commission a renvoyé la plainte B au Tribunal le 23 décembre 2010.

[12]           Le 26 mai 2000, avant le dépôt de la plainte B, le plaignant a déposé la plainte no 20000565 (la plainte A), dans laquelle il allègue avoir été victime de discrimination entre les mois d’octobre 1997 et de mai 2000, période au cours de laquelle il aurait pu avoir accès à deux postes de cadre. Il a tenté d’obtenir chacun de ces deux postes, mais sans succès, d’où son allégation de discrimination du fait de sa race, de son origine nationale ou ethnique et de son âge, ce qui est contraire à l’article 7 de la LCDP. Après enquête sur la plainte A, la Commission a rejeté cette dernière.

[13]           Le 10 février 2006, après le dépôt de la plainte B, le plaignant a déposé la plainte no 2006307 (la plainte C), dans laquelle il allègue être victime de représailles continues de la part de l’intimée, notamment d’un employé de cette dernière, M. Steven Hertzberg, relativement aux directives données au plaignant par la Commission de recourir aux processus d’examen interne de l’intimée pour essayer de régler la plainte B. Le paragraphe 6 de la plainte C est important :

[traduction] Conformément aux directives de la Commission, j’ai rencontré M. Hertzberg le 14 février 2005 en vue de mettre en marche les processus d’examen interne. À la réunion, plutôt que d’entreprendre une discussion constructive sur ces processus, M. Hertzberg a unilatéralement suspendu mon emploi, il a confisqué ma carte d’identité et ma carte d’accès au bâtiment et au terrain de stationnement et il m’a interdit de me présenter au travail. Il a dit que j’étais trop malade pour travailler et il m’a contraint à prendre un congé de maladie d’une durée indéterminée. […]

[14]           La plainte C a été rejetée par la Commission en l’absence du rapport d’un enquêteur.

V.                Les circonstances de la plainte B

[15]           En août 2002 ou aux environs de cette date, l’intimée a rejeté la demande de promotion du plaignant à un poste de cadre nouvellement créé, celui de directeur adjoint des Finances (niveau FI‑04). Par la suite, le 28 février 2003, le plaignant a déposé la plainte B.

[16]           La Commission a examiné la plainte B et l’a rejetée au motif qu’il n’y avait aucune preuve à l’appui de l’allégation selon laquelle le plaignant avait été victime de représailles pour avoir déposé la plainte A le 26 mai 2000. Au départ, la Commission a refusé de renvoyer la plainte B au Tribunal et elle l’a rejetée.


 

A.                Les représailles

[17]           Selon l’article 14.1 de la LCDP :

Constitue un acte discriminatoire le fait, pour la personne visée par une plainte déposée au titre de la Partie III, ou pour celle qui agit en son nom, d’exercer ou de menacer d’exercer des représailles contre le plaignant ou la victime présumée.

[18]           L’avocat du plaignant a résumé la relation qui existe sur le plan de la preuve entre les plaintes A, B et C, ainsi que la synergie commune :

[traduction] Il ressort clairement d’un examen détaillé de l’ordre dans lequel les trois plaintes ont été déposées que ces dernières se suivent logiquement l’une après l’autre. La plainte B est fondée sur la race et, maintenant, des représailles liées à la race. La plainte C est fondée sur des représailles supplémentaires. Les trois plaintes mettent en cause le même lieu de travail et les mêmes personnes, mais elles portent sur des manifestations différentes du problème qu’il mentionne.

La requête de l’employeur sous-entend que M. Leung est un plaignant à répétition, qui ne cesse de remettre sur le tapis les mêmes questions que l’on a rejetées. Il s’agit là d’une description inappropriée de la situation et d’une description que dément un examen détaillé des dates de dépôt ainsi que des allégations formulées dans les trois plaintes.

En fait, le moment des interventions de l’employeur est douteux, et les plaintes de représailles dans les deux cas font suite aux mesures qui ont été prises au lieu de travail, et qui ont été encouragées par le fait que l’enquêteuse a rejeté les plaintes de M. Leung ou en a fait abstraction.

Pour faire valoir sa cause devant le Tribunal, M. Leung doit avoir la possibilité de pouvoir présenter ce qu’il considère être une preuve de l’acte fautif. L’employeur est bien au fait des difficultés qu’aura le plaignant s’il n’est pas autorisé à présenter des éléments de preuve concernant les trois plaintes. Il s’agit là du but réel de la requête de l’employeur : priver M. Leung de la possibilité d’établir le bien-fondé de ses allégations.

[19]           L’avocat du plaignant a souligné la pertinence des circonstances mentionnées dans la plainte C, où son client allègue avoir été victime d’autres représailles :

[traduction] [...] par suite des directives par lesquelles la Commission l’a renvoyé pour recours interne auprès de la même personne dont il s’était plaint dans les plaintes A et B. Le gestionnaire, M. Hertzberg, est la même personne que celle dont il est question dans les trois plaintes. C’est lui qui est le lien essentiel.

B.                 Le contrôle judiciaire

[20]           Le plaignant a présenté une demande de contrôle judiciaire concernant le rejet, par la Commission, de la plainte B et, le 4 juin 2008, la Cour fédérale a rejeté sa demande.

[21]           Le plaignant a porté la décision en appel devant la Cour d’appel fédérale, qui, le 11 février 2009, a infirmé la décision de la Cour fédérale. Ainsi que l’a déclaré le juge d’appel Nadon :

[19] […] j’accueillerais donc l’appel avec dépens, j’annulerais la décision de la Cour fédérale et, rendant la décision qui aurait dû être prononcée, j’accueillerais la demande de contrôle judiciaire de l’appelant avec dépens et je renverrais l’affaire à la Commission pour qu’elle réexamine la plainte de l’appelant en conformité avec les présents motifs.

[22]           Les paragraphes 15 et 16 de la décision de la Cour d’appel fédérale sont pertinents en l’espèce :

[15] J’estime donc que l’enquêteuse n’a pas examiné correctement une question qui portait sur un point essentiel de la plainte en ne se renseignant pas suffisamment au sujet de la procédure de classification qui s’est soldée par l’obligation pour l’appelant de participer à un concours pour le nouveau poste créé. On comprend mal pourquoi le dossier demeure aussi obscur sur cette question, compte tenu du fait qu’il devrait être facile d’obtenir de l’employeur les renseignements requis pour éclaircir la question.


 

[16] Ainsi, quelles décisions ont effectivement été prises à l’automne 2001 par un ou plusieurs comités de classification? Qui faisait partie de ces comités? Étaient-ce les mêmes personnes ou d’autres personnes? À mon avis, ces renseignements sont essentiels pour pouvoir répondre à la question de savoir si l’employeur a pris ou non des mesures de représailles contre l’appelant.

[23]           Le 23 décembre 2010, près de deux ans après la décision de la Cour d’appel fédérale, M. David Langtry, le président par intérim de la Commission, a renvoyé la plainte B à la présidente du Tribunal.

[24]           L’intimée n’a pas demandé que la décision de la Commission soit soumise à un contrôle judiciaire.

VI.             Le droit applicable

[25]           Dans l’arrêt Halifax (Regional Municipality) c. Nouvelle-Écosse (Human Rights Commission), 2012 CSC 10, publié le 16 mars 2012, la Cour suprême du Canada, dans une décision unanime, a éclairci la nature des décisions que prend une commission des droits de la personne de rejeter ou de renvoyer une plainte.

[26]           Le juge Cromwell :

[19] J’abonde pour ma part dans le sens de la Cour d’appel. Lorsqu’elle décide de confier l’examen d’une plainte à une commission d’enquête, la Commission ne conclut pas que la plainte tombe sous le coup de la Loi. Suivant le régime législatif, la Commission est plutôt appelée à exercer des fonctions d’examen préalable et d’administration. Elle peut notamment renvoyer la plainte à une commission d’enquête pour que cette dernière tranche une question de compétence.

[20] La Loi établit, pour le règlement des plaintes relatives aux droits de la personne, un régime complet dans le cadre duquel la Commission accomplit un certain nombre de fonctions dans le but de faire respecter et de promouvoir les droits de la personne. Pour ce qui est des plaintes, elle joue en quelque sorte un rôle de gardien et d’administrateur. […]

[21] Lorsque la plainte ne fait l’objet d’aucune décision, y compris un règlement, la Commission peut nommer une commission d’enquête pour l’examiner (par. 32A(1)). Elle jouit d’un grand pouvoir discrétionnaire lorsqu’il s’agit de prendre ou non cette mesure. Elle peut opter pour cette avenue lorsqu’elle est [traduction] « convaincue, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, que l’examen de celle‑ci est justifié » (Boards of Inquiry Regulations, règl. 221/91 N.‑É., art. 1). Elle n’est pas légalement tenue de conclure que l’affaire relève de sa compétence ou que la plainte a un minimum de fondement avant de nommer une commission d’enquête; il lui suffit d’être « convaincue », compte tenu des circonstances relatives à la plainte, que l’examen de celle‑ci est justifié.

[22] Une fois nommée, la commission d’enquête tient une audience publique à l’issue de laquelle elle statue sur la plainte. Elle a le pouvoir de trancher toute question de fait ou de droit lorsque cela est nécessaire pour déterminer s’il y a eu contravention à la Loi; elle possède aussi le pouvoir d’ordonner réparation lorsqu’il y a eu contravention […].

[23] Il importe de souligner en l’espèce que même si la Commission décide du renvoi à une commission d’enquête, elle ne conclut pas pour autant que la plainte est fondée ni même qu’elle tombe sous le coup de la Loi, des conclusions qui ressortissent plutôt à la commission d’enquête. Lorsqu’elle confie l’examen d’une plainte à une commission d’enquête, la Commission exerce une fonction d’examen préalable et d’administration; elle ne statue pas au fond.

[…]

[50] […] Certes, la Commission soupèse quelque peu la plainte pour décider si les allégations justifient la tenue d’une enquête, mais il ne lui appartient pas de statuer sur les points qui sous‑tendent sa décision de passer à l’étape suivante; cette tâche incombe à la commission nommée […]

VII.          L’évaluation du bien fondé de la requête de l’intimée

[27]           L’intimée cherche à restreindre la portée de l’instruction du Tribunal au sujet de la plainte B.

[28]           Selon l’intimée, l’exposé des précisions du plaignant est une tentative qui vise à [traduction] « ressusciter des allégations que la Commission a examinées et rejetées dans le cadre de plaintes antérieures. Les allégations formulées dans l’exposé des précisions ont le même objet et la même portée que les allégations figurant dans une ou plusieurs des plaintes en matière de droits de la personne que le plaignant a déposées » (non souligné dans l’original).

[29]           La position de l’intimée reflète une méconnaissance des règles de procédure du Tribunal, ainsi que de l’objet de l’exposé des précisions. Je souscris à la description que fait l’avocat du plaignant de cet exposé :

[traduction] L’article 6 des Règles de procédure du Tribunal canadien des droits de la personne (03‑05‑04) expose la nécessité de faire une divulgation et précise ce que doit contenir un « exposé des précisions ». L’objet de ce dernier n’est pas explicitement mentionné, mais il est quand même possible de le déterminer à partir des paragraphes 1(1) et (2). Cet objet consiste à communiquer les arguments que M. Leung a l’intention de faire valoir. L’intimée saura ainsi ce contre quoi elle aura à se défendre.

L’exposé des précisions n’est pas un « exposé conjoint des faits ». Les parties n’ont pas à souscrire aux précisions, aux perceptions que ces dernières contiennent, ou à l’argument qui en découlera à leur avis.

En fait, l’exposé des précisions de M. Leung satisfait aux exigences énoncées dans les Règles de procédure car celui-ci a présenté les faits importants sur lesquels il entend se fonder. L’employeur sait quels sont les arguments que M. Leung entend invoquer.

[30]           J’ai examiné l’exposé des précisions du plaignant et j’ai conclu que cet exposé correspond aux attentes que représentent les exigences procédurales du Tribunal.

[31]           Plus important encore, la tentative préventive que fait l’intimée pour limiter la portée de l’instruction reflète une méconnaissance des rôles administratifs et d’enquête de la Commission ainsi que du fait, comme l’a récemment clarifié l’arrêt Halifax, que la décision que rend la Commission de rejeter une plainte, ou de la renvoyer au Tribunal pour instruction, n’est pas une décision par laquelle elle statue sur le fond de l’affaire; il ne s’agit donc pas d’un litige soumis aux principes de la chose jugée ou de la préclusion pour question déjà tranchée.

[32]           Les procédures que comporte l’enquête sur une plainte déposée auprès de la Commission et le règlement de celle‑ci, ainsi que la décision que rend la Commission de rejeter cette plainte ou de la renvoyer au Tribunal, sont toutes de nature administrative. Le rapport qu’un enquêteur désigné présente à la Commission sur ses constatations, comme l’exige l’article 44, de même que les motifs du pouvoir discrétionnaire qu’exerce la Commission pour rejeter une plainte ou la renvoyer au Tribunal pour instruction, demeurent une affaire privée au sein de la Commission jusqu’à ce que l’une ou l’autre des parties sollicite un contrôle judiciaire.

[33]           La plainte écrite que la Commission renvoie au Tribunal, ainsi que la demande qu’elle présente en même temps pour qu’il procède à l’instruction de cette plainte, consiste seulement à transmettre la plainte proprement dite et les informations qui identifient les parties. Par la suite, comme le prévoit l’article 51 de la LCDP, la Commission peut devenir partie à l’instruction, en adoptant la position la plus proche, à son avis, de l’intérêt public, compte tenu de la nature de la plainte.

[34]           La décision que prend la Commission de renvoyer une plainte au Tribunal n’a aucun effet sur les procédures de ce dernier, pas plus que sur l’exercice de son rôle décisionnel, ni sur l’important degré d’indépendance qu’exercent les membres du Tribunal procédant à une instruction publique.

[35]           Le membre désigné mènera l’instruction en public et, en temps utile par la suite, il fournira aux parties une décision écrite. Un aspect essentiel d’une décision est la détermination de la crédibilité de chaque témoin, et cela implique un examen de la cohérence de la preuve principale et de la façon dont chaque témoin a répondu au contre-interrogatoire. Le décideur peut juger nécessaire de prendre en considération la preuve d’un témoin par rapport aux probabilités découlant des circonstances qui entourent l’acte discriminatoire allégué.


 

VIII.       La décision

[36]           L’avocat du plaignant m’a persuadé que les circonstances entourant les plaintes A et C sont pertinentes à l’égard des allégations de discrimination et de représailles dont il est question dans la plainte B. Je souscris à son argument suivant :

[traduction] Le rejet de la plainte A ne veut pas dire que les faits survenus durant le délai visé par la plainte rejetée ne sont pas factuels et utilisables dans un examen de la plainte B. Il peut y avoir des faits communs. Les allégations propres à la plainte A peuvent être rejetées, mais pas les faits. Le Tribunal n’examinera que les allégations découlant de la plainte B, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas lieu de prendre en considération les faits qui sont à l’origine de la plainte B. Ce serait particulièrement le cas en l’espèce, car la plainte de représailles dont il est question dans la plainte B résulte des mesures que l’employeur a prises par suite de la plainte A.

[37]           Par ailleurs, même si l’arrêt Halifax peut être déterminant pour la requête, j’ai également pris en compte chacune des objections que le plaignant a formulées à l’encontre des diverses affirmations figurant dans l’affidavit de Mme Minarovich et qui, d’après l’avocat du plaignant, sont trompeuses ou mal interprétées ou omettent des renseignements pertinents. Je suis d’accord avec lui, et je conclus que l’affidavit de Mme Minarovich est peu fiable et peu convaincant.

[38]           Compte tenu des motifs qui précèdent, la requête de l’intimée est rejetée.

 

Signée par

Wallace G. Craig

Membre du tribunal

OTTAWA (Ontario)

Le 27 mars 2012

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal: T1629/17510

Intitulé de la cause: Stephen Leung c.Agence du revenu du Canada

Date de la décision sur requête du tribunal: Le 27 mars 2012

Comparutions:

Steve Eadie, pour le plaignant

François Lumbu, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Gillian Patterson, pour l'intimée

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