Tribunal canadien des droits de la personne

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Contenu de la décision

Tribunal canadien des droits de la personne

Entre :

Diane Carolyn Emmett

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

Commission

- et -

Agence du Revenu du Canada

l'intimée

Décision sur requête

Membre : Shirish P. Chotalia, c.r.

Date : Le 24 février 2012

Référence : 2012 TCDP 3

 



I.                   La plainte et la demande d’ajournement

[1]               Le 25 août 2011, la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) a demandé, en vertu de l’alinéa 44(3)a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la Loi), que le Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) instruise la plainte déposée par Diane Carolyn Emmett (la plaignante) contre l’Agence du revenu du Canada (l’intimée). La plaignante allègue avoir été victime d’une différence de traitement défavorable dans le cadre de son emploi, étant donné qu’on ne lui a pas accordé les mêmes chances de perfectionnement et d’avancement que celles qu’on avait accordé à ses collègues masculins et à des employés plus jeunes. À cet égard, elle soutient également que l’intimée a fait preuve de discrimination systémique à l’endroit des femmes en leur refusant des possibilités d’emploi. Elle prétend donc avoir été victime de discrimination du fait de son sexe et de son âge, ce qui est contraire aux articles 7 et 10 de la Loi.

[2]               Le 26 septembre 2011, l’intimée a déposé un avis de demande de contrôle judiciaire concernant la décision de la Commission de renvoyer la présente affaire au Tribunal. Le 16 novembre 2011, elle a demandé que le Tribunal ajourne l’instruction de la présente affaire en attendant l’issue de sa demande de contrôle judiciaire et, le cas échéant, de l’appel connexe.

II.                Le droit applicable et l’analyse

[3]               Aux termes du paragraphe 48.9(1) de la Loi, l’instruction des plaintes se fait sans formalisme et de façon expéditive dans le respect des principes de justice naturelle et des règles de pratique. C’est donc dire que, pour décider s’il convient d’accorder un ajournement ou non, le Tribunal doit soupeser l’objectif consistant à régler en temps opportun les plaintes relatives aux droits de la personne par rapport à l’obligation de faire preuve d’équité envers toutes les parties et de donner à ces dernières la possibilité pleine et entière de présenter leur position (voir Leger c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, [1999] Décision no 1, dossier du


 

TCDP no T527/2299, (26 novembre 1999), aux paragraphes 4 à 6 [Leger]; et Baltruweit c. Service canadien du renseignement de sécurité, 2004 TCDP 14, aux paragraphes 12 à 17 [Baltruweit]).

[4]               Se fondant sur les décisions Leger et Baltruweit, l’intimée soutient que, comme le Tribunal est maître de ses propres procédures, il a le pouvoir discrétionnaire d’ajourner une instance lorsqu’il le juge approprié, en tenant compte des principes de justice naturelle. À cet égard, elle soutient que l’absence de décision sur le contrôle judiciaire nuit à sa capacité de préparer sa défense contre les allégations de la plaignante. Comme l’enquêteur de la Commission a recommandé que la plainte soit rejetée et qu’elle ne dispose pas de motifs écrits adéquats dans lesquels la Commission expose le fondement du renvoi, l’intimée n’est pas au courant des arguments préliminaires qu’il lui faut réfuter et, de ce fait, elle ne peut présenter à la plaignante une réponse valable, ce qui aurait été par ailleurs le cas si des motifs avaient été fournis.

[5]               L’argument de l’intimée ne tient pas compte des rôles distincts que jouent la Commission et le Tribunal sous le régime de la Loi. Pour ce qui est d’une plainte de discrimination déposée en vertu de la Loi, le rôle de la Commission consiste à faire enquête sur cette plainte et à décider s’il est justifié que le Tribunal l’instruise (voir les articles 43, 44 et 49 de la Loi). Si la Commission demande que la plainte soit instruite, l’article 50 de la Loi prévoit que le Tribunal donne à toutes les parties la possibilité pleine et entière de comparaître et de présenter des éléments de preuve ainsi que leurs observations. Cela étant, l’instruction du Tribunal se déroule sans que ce dernier se fonde sur le rapport d’enquête de la Commission ou sur les motifs de renvoi de la plainte. Dans chaque affaire dont le Tribunal est saisi, la partie plaignante doit établir une preuve prima facie de discrimination et, si cette preuve est établie, la partie intimée a la possibilité de prouver que la discrimination en question n’a pas eu lieu ou qu’elle était justifiée selon la Loi. C’est donc dire qu’au moyen de l’instruction du Tribunal, la partie intimée sera mise au courant de la position de la plaignante et aura une possibilité pleine et entière de présenter la sienne.

[6]               En l’espèce, l’intimée fait également valoir que, si la demande d’ajournement est refusée et si la demande de contrôle judiciaire est accueillie, l’instruction du Tribunal deviendra nulle en droit et il y sera mis fin. Il s’agirait donc d’une dépense inutile de ressources tant publiques que privées. De plus, elle fait remarquer que la plaignante a aussi déposé deux autres plaintes comportant des allégations semblables et que ces plaintes se situent actuellement au stade de l’enquête devant la Commission. Il serait peut-être donc avantageux pour toutes les parties que les trois plaintes soient instruites ensemble.

[7]               Ces deux arguments sont de nature conjecturale et ne soulèvent pas de questions de justice naturelle ou d’équité procédurale. À défaut d’une question d’équité quelconque, suivant le paragraphe 48.9(1) de la Loi, l’instruction de la plainte dont il est question en l’espèce doit se poursuivre de la manière la plus expéditive possible.

[8]               Pour ces motifs, il est justifié à mon avis que le Tribunal rejette la demande d’ajournement de l’intimée.

Signée par

Shirish P. Chotalia, c.r.

Présidente du Tribunal

OTTAWA (Ontario)

Le 24 février 2012

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal: T1727/8211

Intitulé de la cause: Diane Carolyn Emmett c. Agence du revenu du Canada

Date de la décision sur requête du tribunal: Le 24 février 2012

Comparutions:

Diane Carolyn Emmett, pour la plaignante

Ikram Warsame, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Gillian Patterson, pour l'intimée

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