Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien des droits de la personne

Entre :

Marlo Nastiuk

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

Commission

- et -

Couchiching First Nation

- et -

Thomas Sinclair

les intimés

Décision

Membre : Wallace G. Craig

Date : Le 8 juin 2012

Référence : 2012 TCDP 12

 


Table des matières

Page

 

I............. Le contexte. 1

A.           La portée de l’enquête. 1

B.           La récusation de l’arbitre. 2

C.           Le membre instructeur Wallace Gilby Craig. 3

II........... La preuve prima facie de la plaignante. 3

A.           Le programme du CGG.. 4

B.           L’embauche de Mme Nastiuk comme employée à temps plein. 6

C.           Le déménagement du bureau. 8

D.           L’incident du « Je vous ai manqué? ». 10

E.           La promotion de Mme Nastiuk. 11

F.            Les rapports entre Mme Nastiuk et M. Sinclair au cours de l’été 2005. 14

G.           Les faits survenus au cours de l’automne 2005. 22

H.           Les faits survenus au cours de l’hiver 2005-2006. 26

I.             Le travail relatif au programme de prévention du suicide. 30

J.             La confrontation avec M. Sinclair 32

K.           Les faits ayant mené à la plainte. 35

L.           La réunion avec le chef McPherson. 37

M.          Les plaintes. 39

N.           La plainte de représailles. 43

III......... La réponse de M. Sinclair 43

A.           Le travail avec Mme Nastiuk. 44

B.           Les relations de Mme Nastiuk avec le personnel du CGG.. 48

C.           Les problèmes de santé de Mme Nastiuk – Le témoignage de M. Sinclair 49

D.           La réponse de M. Sinclair à des allégations particulières de harcèlement 50

(i)           L’humiliation. 50

(ii)          Les commentaires de nature sexuelle. 53

(iii)         Les appels téléphoniques. 63

(iv)         Les visites au domicile de Mme Nastiuk. 63

(v)          La réparation de l’automobile de Mme Nastiuk. 64

(vi)         L’aide apportée à Mme Nastiuk pour l’achat d’une automobile. 65

(vii)       Le commentaire sexuel sur le « lesbianisme » allégué. 65

(viii)      Le commentaire de nature sexuelle allégué au sujet de l’odeur parfumée des cheveux de Mme Nastiuk. 66

E.           La rencontre avec le chef McPherson. 67

F.            Les traitements médicaux de Mme Nastiuk. 68

G.           Les remarques faites par M. Sinclair à la fin de son témoignage direct 70

IV......... La réponse de la PNC.. 71

A.           La connaissance de la plainte de Mme. 71

B.           La rencontre avec Mme Nastiuk, M. Emes et M. Sinclair 72

C.           L’embauche de Dale Morrisseau. 76

D.           L’enquête de Dale Morrisseau. 76

E.           La connaissance antérieure prétendue d’allégations contre M. Sinclair 80

F.            Le retour au travail de Mme Nastiuk. 81

G.           Le défaut allégué de la PNC de protéger Mme Nastiuk. 83

H.           La plainte de représailles de Mme Nastiuk. 86

I.             L’incident du sous-vêtement 88

J.             L’abandon, par Mme Nastiuk, de son poste. 89

V........... La norme de preuve. 92

VI......... L’évaluation de la crédibilité. 96

A.           La crédibilité de Mme Nastiuk. 96

B.           Le contre-interrogatoire, par M. Sinclair, de Mme Nastiuk. 101

VII....... La plaignante doit établir une preuve prima facie. 103

A.           Conclusion: La crédibilité de Mme Nastiuk. 103

B.           Conclusion: La crédibilité de M. Sinclair 105

C.           Conclusion : La crédibilité de Dale Morrisseau. 106

VIII..... La décision. 106

 

 


I.                   Le contexte

[1]               Il est question en l’espèce de trois plaintes qu’a déposées Marlo Nastiuk (Mme Nastiuk), une préposée aux soins en établissement qui était au service de l’intimée, la Première Nation de Couchiching (PNC), à son centre de guérison Giizhikaandag (CGG), lequel est situé à Fort Frances (Ontario), et ce, sous la supervision et la direction de l’intimé, Thomas Sinclair (M. Sinclair), le directeur administratif du CGG.

[2]               Le 1er mai 2009, conformément aux dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. 1985, ch. H 6) (la LCDP), la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) a demandé que le Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) instruise la plainte no 20060869, reçue le 25 juillet 2006, de Mme Nastiuk contre la PNC, ainsi que la plainte no 20061038 contre M. Sinclair; Mme Nastiuk alléguait avoir été victime de discrimination liée à des gestes de harcèlement sexuel en milieu de travail au sens de l’article 14 de la LCDP; ces gestes auraient été posés entre les mois de mars 2005 et juillet 2006.

[3]               Le 15 septembre 2009, la Commission a présenté une seconde demande d’instruction concernant une troisième plainte (no 20080128), reçue le 31 mars 2008, de Mme Nastiuk contre la PNC à l’égard de représailles, au sens de l’article 14.1 de la LCDP; ces représailles auraient été exercées [TRADUCTION] « à partir du 16 août 2006 ».

A.                La portée de l’enquête

[4]               Le 1er mars 2010, la membre instructrice Kerry Lynne D. Findlay, c.r., a commencé à instruire les trois plaintes que Mme Nastiuk avait déposées. L’instruction s’est poursuivie du 2 au 5 mars, du 31 mai au 4 juin et du 14 au 18 juin à Fort Frances (Ontario).

[5]               Dans les discussions menées au début de l’audition, la membre instructrice Findlay a expliqué quelle était la portée de l’instruction :


 

[TRADUCTION]

La présidente : Une autre chose, Mme Nastiuk, est-il clair pour vous que nous sommes ici pour traiter des plaintes relatives au harcèlement sexuel et aux représailles, et non à la déficience?

Mme Nastiuk : Oui, je suppose. Je le comprends, même si, pour moi, ces – cette déficience perçue, cette orientation perçue en fait partie, mais, oui, je le comprends.

La présidente : Fort bien, parce qu’il y a déjà eu une décision sur requête du Tribunal avant aujourd’hui, et c’est à cela que nous nous limitons, n’est-ce pas?

Mme Nastiuk : Oui.

Transcription : page 28, lignes 18 à 25; page 29, lignes 1 à 6.

[6]               Mme Nastiuk et M. Sinclair n’ont pas été représentés par un avocat lors de l’instruction; la PNC a été représentée par Me Chantelle Bryson (Me Bryson). Le Tribunal a reçu les observations finales des parties, ainsi que la réponse de Mme Nastiuk aux observations finales des intimés avant le 11 août 2010.

B.                 La récusation de l’arbitre

[7]               Le 6 juillet 2011, après avoir démissionné du Tribunal en raison de sa récente élection en tant que députée, Mme Findlay s’est récusée relativement à l’affaire, sans rendre de décision. L’affaire a donc été confiée à nouveau au vice-président du Tribunal, Susheel Gupta.

[8]               Après que le dossier lui a été assigné, le vice-président a présenté aux parties deux options concernant le traitement du dossier :

                    i.                        fixer des dates pour la tenue d’une instruction tout à fait nouvelle, avec rappel des témoins, production de preuves documentaires et présentation d’arguments tant oraux qu’écrits; laisser ensuite la procédure du Tribunal suivre son cours jusqu’à une décision finale; cette instruction serait présidée par le vice-président;

 

                  ii.                        si les parties y consentent, sans délai, permettre au vice-président et à un membre à temps plein du Tribunal d’écouter la totalité des enregistrements de l’instruction et d’examiner avec soin tous les éléments documentaires présentés au Tribunal qui font partie du dossier de l’instruction et permettre au Tribunal de rendre une décision finale.

[9]               Au 15 novembre 2011, le Tribunal avait reçu une réponse de toutes les parties, qui, par souci d’efficacité et d’économie, avaient choisi l’option ii. Toutefois, à cause de responsabilités additionnelles au Tribunal et d’affaires personnelles à domicile, le vice-président a décidé que, pour des raisons d’efficacité et de célérité, il serait dans l’intérêt des parties qu’il se désiste de l’affaire. Le vice président s’est désisté le 9 mars 2012 et a renvoyé l’affaire à la présidente, Shirish Chotalia, en vue d’une nouvelle désignation. Le 13 mars 2012, la présidente Shirish Chotalia a assigné l’affaire à un autre membre du Tribunal, Wallace Gilby Craig.

C.                Le membre instructeur Wallace Gilby Craig

[10]           Le 13 mars 2012, j’ai reçu une transcription de la totalité des témoignages présentés par tous les témoins qui avaient comparu, soit en personne soit par conférence téléphonique, devant Mme Findlay. De plus, j’ai reçu copie de toutes les pièces qui avaient été déposées en preuve, de même que les arguments écrits que les parties avaient produits à la suite de l’instruction.

[11]           Entre le 13 mars et le 30 avril 2012, j’ai lu les 3 500 pages de transcription des débats, j’ai examiné en détail les preuves documentaires pertinentes que Mme Findlay avait reçues, j’ai étudié les arguments écrits que les parties avaient présentés et j’ai rendu la présente décision.

II.                La preuve prima facie de la plaignante

[12]           Je fais tout d’abord référence au témoignage de Mme Gail Roach-Leforte, témoin de la plaignante, parce que ce témoignage décrit le lieu de travail au CGG ainsi que les circonstances entourant les allégations de la plaignante quant aux actes discriminatoires commis et aux représailles exercées par les intimés.

[13]           Mme Roach-Leforte a déclaré avoir travaillé dans le domaine du bien-être de l’enfance pendant seize ans à divers postes auprès de plusieurs organismes : préposée aux cas, préposée aux soins en établissement, gestionnaire de cas auprès de jeunes victimes d’abus sexuels, préposée aux placements familiaux spécialisés, instructrice de niveau collégial, et elle travaille actuellement comme travailleuse sociale. Mme Roach-Leforte a commencé à travailler au CGG (le centre de traitement en établissement de la PNC) à la fin de 2004, à titre d’employée occasionnelle sur appel fournissant des services individuels auprès de jeunes résidant au centre de traitement.

[14]           Douglas Broman a aussi été appelé comme témoin par Mme Nastiuk; il a déclaré qu’en 2005 il travaillait au centre de traitement de la PNC, où il s’occupait à titre individuel de jeunes en difficulté et que, au début de 2006, il a été nommé gestionnaire de cas par intérim.

A.                Le programme du CGG

[15]           Le centre de guérison Giizhikaandag (CGG) est administré par la PNC; il s’agit d’un centre de traitement en établissement pour jeunes délinquants sexuels. Le centre offre ou organise des thérapies, des traitements psychiatriques, des services médicaux, une formation scolaire ainsi que des renvois vers des services communautaires.

[16]           En décembre 2004, la directrice administrative par intérim du CGG, Estelle Simard, a informé Mme Roach-Leforte que le programme de traitement était un échec et qu’elle démissionnait. Venant tout juste de prendre connaissance du curriculum vitæ de Mme Roach-Leforte, elle a suggéré à cette dernière de demander au chef de la PNC de l’embaucher à titre de gestionnaire des programmes au CGG.

[17]           Quand Me Bryson, l’avocate de la PNC, lui a demandé de fournir des détails expliquant pourquoi le programme du CGG était sur le point de s’écrouler en 2004, Mme Roach-Leforte a déclaré que le ministère provincial avait fait état de 33 violations liées à la tenue de livres, à des questions de santé et de sécurité, au fait que les aliments ne concordaient pas avec les menus, ainsi qu’à des appareils d’éclairage cassés. Pour ce qui était des cas de violation ou d’inobservation relatifs au travail, elle a déclaré que le ministère était insatisfait de la gestion des cas et du fait que les rapports n’étaient pas signés ou que leur contenu semblait avoir été coupé-collé, et qu’il voulait que l’on crée un guide sur la prestation des services.

[18]           Mme Roach-Leforte et trois autres personnes se sont donc présentées devant le chef et le conseil pour leur présenter la proposition qu’elle prenne en charge le programme. Le chef et le conseil ont accepté de lui accorder un certain nombre de mois pour essayer de remettre le programme sur ses rails. Mme Roach-Leforte les a informés qu’elle n’avait pas d’expérience en tant que directrice administrative et qu’elle allait avoir besoin de conseils au sujet des fonctions financières et administratives de son nouveau poste.

[19]           Quelques semaines plus tard, à la fin de décembre 2004 ou au début de janvier 2005, le chef McPherson a téléphoné à Mme Roach-Leforte et lui a dit qu’elle était engagée pour gérer le programme et que la PNC avait obtenu les services d’un consultant, M. Sinclair, qui allait travailler avec elle pendant une période de six semaines à trois mois peut-être. Mme Roach Leforte a accepté la nomination, s’attendant à recevoir de l’aide en vue d’apprendre les fonctions financières et administratives. Lors de ses discussions avec le chef au sujet du consultant et de son propre rôle, il a été convenu qu’elle serait la gestionnaire de programme du CGG. Elle s’attendait à être nommée directrice administrative en temps voulu. Cependant, au printemps de 2005, le rôle que jouait M. Sinclair à titre de consultant avait pris fin et il était devenu évident aux yeux de tous les employés du CGG, y compris Mme Roach-Leforte et Mme Nastiuk, que c’était lui qui était devenu le directeur administratif du CGG, et qu’il était responsable de la totalité des activités et comptable seulement devant l’administrateur de bande et, par l’entremise de ce dernier, envers le chef et le conseil.

[20]           Quand l’avocate de la PNC lui a demandé d’expliquer quelles étaient ses fonctions et celles de M. Sinclair, Mme Roach-Leforte a déclaré que tous deux s’occupaient de définir clairement les tâches des préposés au CGG, y compris la gestionnaire de programme, le gestionnaire de cas et les chefs d’équipe. Cependant, il était évident que Mme Roach-Leforte devait sauver et gérer le programme existant, tout en travaillant avec M. Sinclair pour restructurer le programme d’une manière que la PNC, les autorités provinciales et un organisme de financement fédéral jugeraient satisfaisante.

B.                 L’embauche de Mme Nastiuk comme employée à temps plein

[21]           Le 10 septembre 2004, un mois après avoir obtenu son diplôme de l’Université du Manitoba, Mme Nastiuk est entrée au service du CGG. Le baccalauréat ès arts qu’elle avait décroché, avec mineure en psychologie et majeure en sociologie et criminologie, était le résultat d’une lutte acharnée qui avait duré huit ans, aggravée par des problèmes de santé, une fibromyalgie aux effets débilitants, une narcolepsie et une hernie discale. Mme Nastiuk a travaillé comme conseillère de relève occasionnelle au CGG jusqu’en février 2005.

[22]           Au début du mois de janvier 2005, Mme Roach-Leforte a convoqué une réunion du personnel du CGG. Comme elle l’a dit, elle a fait aux employés un laïus d’encouragement afin de leur remonter le moral. Elle leur a dit que l’examen du ministère était chose du passé, qu’elle ne voulait pas qu’ils perdent leurs emplois et qu’ils formaient une équipe qui devait renouveler son engagement; de plus, un consultant s’en venait et les aiderait à devenir une organisation plus professionnelle.

[23]           Mme Roach-Leforte a suggéré à M. Sinclair que Mme Nastiuk soit chargée de travailler avec eux en vue de concevoir un nouveau programme :

[TRADUCTION] […] Tom et moi […] la première semaine […] nous avons passé de nombreuses heures, probablement 10, 12 heures par jour […] je connais les soins en établissement, j’ai fait ce travail durant plusieurs années, mais – et je savais comment faire fonctionner un ordinateur et je savais comment […] créer des documents, mais ce n’était pas vraiment mon fort, et je savais que vous l’étiez, je veux dire la plaignante, et j’ai donc suggéré à Tom que j’avais vraiment besoin d’aide sur ce plan et j’ai pensé que c’était – une mauvaise utilisation de votre compétence et de votre instruction, et j’ai pensé qu’il serait bon que vous vous joigniez à nous et que vous m’aidiez à mettre au point un bon nombre de ces nouveaux éléments.

Transcription : page 976, lignes 12 à 25; page 977, ligne 1.

[…] Je ne me souviens pas s’il y a eu une entrevue, à part celle qu’il y a eu pour vous (Mme Nastiuk) faire venir. Je crois qu’on vous a simplement appelé au bâtiment et qu’on vous a parlé de, vous savez, pensez-vous être capable de faire ceci, et vous avez convenu que oui et ça m’a soulagée. Tout ce dont je me souviens, c’est que j’allais avoir un peu d’aide pour une tâche très très lourde.

Transcription : page 979, lignes 3 à 10, 24 et 25; page 980, lignes 1 à 10.

[24]           L’embauche à temps plein de Mme Nastiuk a été acceptée par M. Sinclair, et Mme Nastiuk, dans son témoignage, a décrit cela comme un travail intensif pendant les premières semaines. C’était le premier emploi de Mme Nastiuk dans le domaine des services sociaux auprès d’une Première Nation. Mme Roach-Leforte a également déclaré que, pour les trois d’entre eux, les heures de travail étaient extrêmement longues.

[TRADUCTION]

Me Bryson : Que faisiez-vous donc ensemble, vous tous?

Mme Roach-Leforte : Beaucoup de discussion. C’est-à-dire que je n’étais pas sur place durant les longues heures où je travaillais, je n’étais pas toujours dans ce bâtiment. J’avais d’autres tâches à accomplir.

Il fallait que je sois à l’autre programme – c’est-à-dire, directement sur place, et nous avions aussi beaucoup de rencontres avec le personnel. Le moral était à son plus bas, et je sais qu’une bonne part de ce que nous faisions, c’était essayer d’avoir beaucoup de réunions d’équipe et tenter de rassurer le personnel – ce que je peux vous dire, c’est que le programme était fini, cela ne faisait aucun doute.

Mais je crois que nous tentions d’insuffler en eux l’espoir qu’on redonnait vie au programme, parce que je crois que c’était le cas.

Me Bryson : Et le programme existe toujours, n’est-ce pas?

Mme Roach-Leforte : Il existe toujours.

Transcription : page 1119, lignes 1 à 23.

 

[25]           Mme Roach-Leforte a décrit en particulier le chaos qui régnait ces premiers temps, où ils faisaient de dix à douze heures de travail par jour dans une salle de conférence :

[TRADUCTION] Durant toute cette période nous n’avions pas de bureau, nous passions le plus clair de notre temps – il y avait des papiers éparpillés sur la table de conférence et dans le bureau de M. Sinclair et nous – nous ne faisions qu’étaler nos documents et nos piles de tâches différentes.

Transcription : page 981, lignes 14 à 19.

C.                Le déménagement du bureau

[26]           À la fin du mois de mars 2005, après avoir discuté avec Mme Nastiuk de l’impossibilité pratique de leur situation, Mme Roach-Leforte a suggéré à M. Sinclair, et elle soutient qu’il a accepté l’idée, que Mme Nastiuk et elle déménagent du bâtiment « est » du CGG à un bureau vacant situé dans le bâtiment « central ». Mme Roach-Leforte a aménagé un bureau en s’attendant à ce que Mme Nastiuk soit elle aussi déménagée de façon à ce qu’elles puissent continuer de travailler ensemble au remaniement du programme du CGG. Cependant, Mme Nastiuk ne l’a pas rejointe; elle a plutôt été affectée au bureau de M. Sinclair, où ce dernier a fait installer pour elle une table et un ordinateur. Dans son témoignage, M. Sinclair a affirmé qu’il n’avait aucune compétence en informatique et qu’il était indispensable qu’une personne compétente dans ce domaine travaille avec lui.

Mme Nastiuk a demandé à Mme Roach-Leforte :

[TRADUCTION] Où est-ce que j’ai fini par me retrouver?

Vous n’avez pas pu déménager, et – mais j’ai constaté – j’ai simplement constaté qu’il y avait des choses qui vous arrivaient. À un certain moment, vous êtes entrée dans mon bureau et vous êtes en quelque sorte laissée tomber sur la chaise et vous avez dit : oh, il faut juste que je m’éloigne de cette folie pendant un certain temps ou de sa folie pendant un certain temps. Et c’était vraiment difficile pour nous parce que nous étions – nous n’étions tout simplement pas capables d’accomplir le travail que nous devions faire ensemble.

Transcription : page 987, lignes 11 à 20.

[27]           Mme Nastiuk a déclaré qu’au cours de ces premières semaines elle a commencé à se sentir mal à l’aise vis-à-vis de M. Sinclair à cause des questions qu’il posait sur ses antécédents :

[TRADUCTION] Il a commencé à faire des commentaires, comme : oh, j’ai fréquenté son épouse, pendant que nous étions en train de fumer une cigarette à l’extérieur, et il y avait des hommes qui se joignaient à nous, ou alors il parlait de personnes différentes ou bien, oh, j’ai fréquenté sa conjointe.

Et, ensuite, il parlait de la façon dont les femmes l’appréciaient, et cela m’a toujours frappée, parce que je ne le connaissais pas vraiment, je n’étais qu’une employée sur appel, une employée à temps partiel, et cela me paraissait tout simplement déplacé. Et je ne réagissais pas – ou je ne faisais pas vraiment de commentaires sur ce qu’il disait. Je gardais une certaine distance.

Transcription : page 150, lignes 5 à 16.

[28]           Quand Mme Nastiuk a décrit son sentiment de frustration à l’égard du fait d’être affectée au bureau de M. Sinclair :

[TRADUCTION] D’autres employés allaient et venaient et faisaient ce qu’ils voulaient, et moi, j’avais l’impression qu’il fallait toujours que je sois là et disponible la plupart du temps durant la journée. Cela, je veux dire, dans n’importe quel lieu de travail, je suppose que – vous savez, c’est en quelque sorte normal, mais la façon dont tous les autres pouvaient avoir plus de liberté et ne pas avoir à lui rendre des comptes de la même façon m’agaçait en quelque sorte.

 […]

Et ensuite, un soir, il m’a demandé de travailler tard, et nous sommes restés au bureau jusqu’à 22 h. Je crois que c’était entre les mois de mars ou d’avril […], mais je n’en suis pas absolument sûre parce qu’il y avait tant de longues journées de travail que l’on ne peut pas vraiment revenir en arrière et déterminer exactement quel jour c’était. Vers 19 h – entre 19 h et 20 h […] je suis allée déposer un document sur son bureau. […] Pendant que je m’asseyais, il a dit : oh, je sens vos cheveux. Et, pendant que je m’asseyais, je me suis dit : c’est quoi ça? Et j’étais déjà suffisamment mal à l’aise. Et ce n’était pas […] typique […] comme quelqu’un qui essaie de vous toucher ou de parler des détails de sa vie sexuelle – comme des détails intimes de sa vie sexuelle. Ce n’était pas ce genre de chose, c’était juste – je ne sais pas du tout comment l’interpréter et comment le qualifier.

Mais ensuite cela a continué, et j’ai juste – je me suis assise et j’ai commencé à travailler. Et environ vingt minutes plus tard, les choses étaient vraiment tranquilles et j’essayais juste de travailler, et ensuite, tout à coup, il a pris son stylo et il l’a lancé sur la table et il a dit quelque chose comme, vous savez, Marlo, je travaille dans ce domaine depuis une vingtaine d’années […] et jamais il ne m’a été impossible d’arriver à comprendre quelqu’un, mais vous, je n’arrive pas à vous comprendre.

 […] Je sais que j’ai dit quelque chose comme, eh bien, je suis assez – on peut me juger assez sur mes apparences. […]

Transcription : page 153, ligne 25; page 154, lignes 1 à 7 et 17 à 25; page 156, lignes 14 à 25; page 157, lignes 1 à 16.

D.                L’incident du « Je vous ai manqué? »

[29]           Mme Roach-Leforte s’est souvenue d’une autre occasion, après s’être installée dans le bâtiment central, où Mme Nastiuk est venue lui parler et où M. Sinclair est [TRADUCTION]
« entré en trombe » dans son bureau sans frapper, et faisant sursauter Mme Nastiuk, qui lui a demandé : [TRADUCTION] « Je vous ai manqué? ». Peu après, Mme Nastiuk est retournée à son bureau. Mme Roach-Leforte a déclaré qu’elle s’était souciée du fait que Mme Nastiuk paraissait nerveuse et perturbée.

[30]           Mme Nastiuk a elle aussi témoigné au sujet de l’incident du « Je vous ai manqué? ». Elle a expliqué que quelque temps après, quand M. Sinclair l’avait amenée faire une promenade en automobile en dehors des limites de la ville, il avait commencé à parler du commentaire « Je vous ai manqué? ». Et Mme Nastiuk d’ajouter :

[TRADUCTION] […] j’ai su aussitôt ce qu’il avait peut-être en tête en en parlant, ou j’ai pensé que je savais ce qu’il avait peut-être en tête. Et j’ai tout simplement dit, non, vous savez, cela ne voulait rien dire. C’est une expression que j’emploie, avec, par exemple, les chiens de mes parents, ce n’est qu’une expression – ou avec les filles au travail. C’est tout simplement ce que nous nous disons quand nous ne nous sommes pas vues depuis un certain temps. Et, vous savez, quand on travaille de manière isolée, très souvent à cause de la séparation et de l’emplacement des différents bureaux et bâtiments.

La présidente : A-t-il laissé entendre que cela voulait effectivement dire quelque chose?

Eh bien, il a fait référence à ce commentaire, et je lui ai dit, ouais, mais cela ne voulait rien dire. C’est comme la fois où j’étais dans le bureau de Gail au mois de juin.

Et il a continué en disant quelque chose comme, non, mais ne vous m’écoutez pas, et moi j’ai répondu quelque chose comme cela ne voulait rien dire et quelque part dans la discussion, il a fait remarquer que je l’intéressais – il me trouvait attrayante et il s’intéressait à moi en tant que femme. Mais je – vraiment – je pense – je sais seulement que je n’ai rien dit. Je ne voulais pas l’entendre, je ne voulais pas avoir affaire à ça, je ne voulais pas avoir à le lui dire directement. C’est juste que – je ne l’ai pas fait parce que j’étais vraiment inquiète au sujet de mon revenu.

Je crois que j’étais toujours – je n’étais pas encore salariée. […]

 […] Ça m’a juste semblé vraiment horrible. C’était vraiment horrible.

Transcription : page 179, lignes 23 à 25; page 180, lignes 1 à 25; page 181, lignes 1 à 4, 15 et 16.

E.                 La promotion de Mme Nastiuk

[31]           Mme Roach-Leforte a déclaré qu’au CGG les fonctions de gestion de cas avaient été exécutées par divers membres du personnel, qu’à une occasion ces fonctions avaient été assignées à tous les préposés aux soins et, à une autre, elles l’avaient été aux chefs d’équipe. Quand le programme du CGG a été remanié, c’est le gestionnaire de cas qui a été chargé des fonctions décrites. Mme Roach-Leforte a déclaré qu’elle espérait que le CGG puisse avoir un gestionnaire de cas pour tous les jeunes qui suivaient des traitements :

[TRADUCTION] […] ces fonctions seraient plus une responsabilité de type « travail social ». Les préposés aux soins en établissement travailleraient avec les jeunes, ils prendraient note de certaines choses. Ils discuteraient avec le gestionnaire de cas des sujets de préoccupation, qu’il s’agisse de sujets de tous les jours, qu’il s’agisse de sujets liés au comportement, le clinicien consulterait le gestionnaire de cas à propos des choses qui se passaient sur le plan du travail clinique qui était fait auprès de leurs jeunes.

Transcription : page 1010, lignes 6 à 15.

[32]           Mme Nastiuk et un autre membre du personnel ont présenté leur candidature pour le nouveau poste de gestionnaire de cas, et ils ont été interviewés par M. Sinclair et Barbara Delsig. Mme Nastiuk a été choisie et nommée gestionnaire de cas le 20 juillet 2005.

[33]           Mme Nastiuk a décrit quelle était la nature de son travail lorsqu’elle a été officiellement nommée gestionnaire de cas au CGG :

[TRADUCTION] J’ai donc simplement commencé à faire beaucoup de recherches sur Internet et à mettre les morceaux ensemble. […] M. Sinclair m’a aidée à mettre au point un système de gestion de cas responsable. J’ai rencontré Paula Isler (ph.), la résidente auprès du ministère des Services sociaux et communautaires. Elle s’est présentée pour un examen à ce moment-là. Elle m’a remis ce qu’elle appelait sa bible, les éléments qu’elle avait de la Loi sur les services à l’enfance et à la famille et elle a dit que c’était ma bible. C’est ce qui guide ce que je fais, c’est ce qui guidera ce que vous ferez, et nous avons eu toute une discussion sur le sujet.

Transcription : page 186, lignes 13 à 25.

[TRADUCTION] Donc, cela m’a aidée à mettre au point le système que j’avais, et je crois que M. Broman jugeait qu’il y avait un – système de gestion de cas que l’on pouvait – que quelqu’un d’autre pouvait reprendre et suivre.

J’ai travaillé dur – bien, je ne peux pas dire, j’ai vraiment travaillé dur. C’était un travail stimulant, mais il demandait beaucoup de temps, beaucoup d’énergie. J’avais les fonctions de gestion de cas ordinaires, je passais beaucoup de temps avec M. Sinclair, et cette chère Gail, elle parle beaucoup. Je passais donc beaucoup de temps à écouter d’autres personnes parler de leurs réalisations au travail. Ou de – Gail surtout, une chose dont elle était vraiment fière et dont elle s’était occupée durant la journée ou des problèmes, et c’est ainsi que – ouais, ma journée était longue, et le travail était – il me semblait que j’étais responsable aussi d’une grande partie de la planification des traitements à l’époque.

Donc, pendant que j’avais à m’occuper de toute la partie administrative, il fallait aussi que je passe assez de temps avec les garçons pour évaluer ce qu’ils faisaient, et je crois avoir assez bien réussi à jongler avec toutes ces tâches différentes et aucune formation sur la gestion de cas. Cependant, je crois que j’ai appris, mais il y avait encore des pièces qui me manquaient, des pièces pour lesquelles je ne pouvais pas obtenir d’aide ou de conseils.

Je pourrais dire, je suppose que c’était – très accaparant. J’avais mon travail et, quand je rentrais à la maison, on aurait juste dit, j’avais encore mon – quelque chose lié au travail. Il y avait beaucoup – j’avais l’impression que l’on m’imposait beaucoup d’attentes et de pression. Je voulais faire du bon travail, mais essentiellement je suis une personne assez débrouillarde. Je travaille très bien de façon indépendante.

Transcription : page 187, lignes 1 à 19; page 188, lignes 5 à 22.

[34]           Mme Nastiuk a demandé à Mme Roach-Leforte de quoi sa transition [TRADUCTION]
« avait l’air dans le contexte tout entier du CGG ».

[TRADUCTION] Mme Roach-Leforte : […] d’un point de vue administratif, votre transition a été très positive en ce sens que vous aviez les compétences nécessaires pour mettre sur pied des choses comme celles-là, le ministère nous laissait savoir que cet élément se déroulait très bien, elle aimait bien le plan. Elle voyait d’un bon œil bien des changements que nous faisions. […] Pour ce qui était de l’équipe cependant – il y a eu quelques sentiments négatifs à l’égard du fait que l’on vous avait donné le poste. Vous étiez la plus qualifiée, vous aviez un diplôme, Joe avait un diplôme, mais elle avait travaillé plus longtemps dans le cadre du programme, et je crois qu’il y avait seulement – je crois qu’il y a eu au départ beaucoup d’amertume à ce sujet. Mais, comme bien des choses, je sais, de mon point de vue, j’ai toujours essayé de bâtir des ponts et, chaque fois qu’il y avait des commentaires négatifs j’essayais de ramener les membres de l’équipe ensemble et de passer en revue les problèmes. L’un des autres problèmes cependant était dû au changement de style de gestion de cas; les gens étaient vraiment contrariés par ça.

Transcription : page 1013, lignes 11 à 25; page 1014, lignes 1 à 11.

[35]           Mme Roach-Leforte a dit que le milieu de travail était plus positif lors des premiers jours de travail concernant la mise au point du nouveau programme. Quand l’avocate de la PNC a demandé combien de temps le personnel était resté, elle a toutefois déclaré qu’à l’été 2005, la situation avait déjà commencé à se dégrader.

[TRADUCTION] Et cela a duré – disons que cela a été assez irrégulier parce que je ne dis pas que c’est la faute à M. Sinclair, mais quand M. Sinclair est arrivé, cela a créé une tout autre combinaison, c’est devenu un changement au programme et ensuite, quand Mme Nastiuk a été affectée à la gestion de cas – ou à la partie gestion, cela a créé un autre changement. Et ensuite, les changements ont commencé à se produire, mais cela a débuté au cours de l’été, cette suspicion qui s’infiltrait chez les gens. On faisait des promesses au sujet de petites choses – vous savez, des éléments du programme et ensuite, ces promesses ne se concrétisaient pas, ou alors on mettait des choses en marche et ensuite elles étaient jetées à la poubelle ou – vous savez, le rôle était, vous savez, très très (inaudible) et la planification, oh mon Dieu, quel cauchemar, c’est donc dire que les choses ont commencé à empirer vers l’été, je crois.

Transcription : page 1136, lignes 12 à 25; page 1137, lignes 1 à 5.

F.                 Les rapports entre Mme Nastiuk et M. Sinclair au cours de l’été 2005

[36]           Mme Nastiuk a parlé de la tension qui a pris naissance entre elle-même et les autres membres du personnel. Cela a amené à M. Sinclair à agir comme intermédiaire, une situation que Mme Nastiuk a, selon ses dires, trouvé particulièrement frustrant.

[TRADUCTION] Oh, oui. Ouais, ça – c’est arrivé principalement au début du programme de gestion de cas. J’étais au courant qu’il y avait des problèmes avec le personnel, mais d’après ce que je comprenais, et je n’ai pas l’impression d’être – mes capacités d’évaluation sont assez bonnes, M. Sinclair avait l’habitude de le dire, et mon patron actuel dit cela. Et le sentiment que j’avais à l’égard du personnel – certains des problèmes avec le personnel, il y avait beaucoup de ressentiment de la part de certains des membres du personnel de longue date comme Brian, Nicky. Ils avaient du ressentiment face au fait que certains des employés à temps partiel et sur appel grimpaient dans la hiérarchie et qu’eux-mêmes restaient au bas de l’échelle. Et ils espéraient en quelque sorte que Jill obtiendrait le poste de gestionnaire de cas et il y avait juste – ou Krista, la sœur de Brian, elle n’acceptait vraiment pas le fait que je travaillais à l’étage avec M. Sinclair et Gail.

C’est donc là – c’est, selon moi, de cette façon qu’une bonne partie de cette situation a commencé, et quelque part là-dedans, je ne sais pas comment les choses ont fait pour mal tourner. Il y a peut-être eu quelques idées de ma part. Je me souviens que j’avais l’habitude de faire la remarque, parce que – cela les ennuyait tellement, alors j’essayais de dire, eh bien, c’est essentiellement une bonne chose parce que j’ai acquis beaucoup de compétences et de connaissances grâce à mes études.

Cela s’est avéré être la pire chose que j’aurais pu dire parce que cela a érigé une barrière encore plus haute. Et, dans tout cela, le fait que je ne pouvais pas faire affaire avec le personnel de première ligne, que je ne pouvais pas faire affaire avec le superviseur de quart ou le superviseur d’équipe, que je devais faire affaire directement avec lui pour les comptes rendus que j’aurais dû recevoir du personnel de première ligne, du superviseur de quart ou des chefs d’équipe, ou quelle que soit le nom qu’on leur donnait à l’époque.

Les renseignements sur la façon dont les garçons, la façon dont les groupes évoluaient, toutes les informations de ce genre devaient passer par M. Sinclair. Oh, une autre raison pour devoir aller à son bureau, et c’était très frustrant. […] Cela aurait eu lieu les premiers jours de juillet, quand on m’a dit que le poste était à moi, en juillet 2005.

Transcription : page 190, lignes 24 à 25; page 191, lignes 1 à 25; page 192, lignes 1 à 13 et 22 à 24.

[37]           Mme Nastiuk a parlé avec beaucoup d’intensité du travail qu’elle faisait au CGG, notamment des difficultés qu’elle avait avec M. Sinclair à cause de ce qu’elle percevait être son engouement envers elle :

[TRADUCTION] Et le genre d’attention et d’intensité de concentration de M. Sinclair, je devais faire face à ça et je – je le savais. À un certain point, il faut enlever les œillères, il faut arrêter de minimiser, il faut arrêter de nier, de détourner, de rationaliser – en fait, je ne peux pas dire nier, mais rationaliser.

Il fallait que je fasse quelque chose parce que j’ai commencé à être préoccupée par la manière dont M. Sinclair se comportait, c’était lui qui était aux commandes, il avait l’habitude d’obtenir ce qu’il voulait.

Comment faire pour faire face à cela et garder mon emploi et essayer de résister – essayer de faire en sorte que cela arrête, de sorte que finalement – il m’a fallu un certain temps. J’étais assez nerveuse, mais j’en ai finalement parlé à Gail Roach-Leforte, et c’était elle la gestionnaire de programme pour Giizhikaandag. Et, vous savez, je – je lui ai dit que – je lui ai dit qu’il semblait penser qu’il existait un lien d’amitié, et que je ne comprenais pas vraiment d’où cela venait (inaudible) parce que moi je ne le ressentais pas, et que moi – il s’arrêtait chez moi et cela – je ne le voulais pas.

J’avais tout simplement l’impression que je ne pouvais pas – je ne pouvais pas fuir le travail, à la maison, et c’était alors – je ne sais pas quel est le mot exact pour le dire. C’était effrayant. C’était vraiment effrayant parce que – et aussi pour dire – juste avant cela, je venais tout juste de finir plusieurs années d’aide du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées. J’étais partie (inaudible) pour une aide au logement. Je me sentais très très vulnérable.

Et j’ai dit en quelque sorte à Gail, je crois qu’il s’intéresse à moi – plus que comme une employée, et que lorsqu’il réalisera que ce n’est pas ce que je veux et je – je ne lui donnais aucune indication que c’était ce que je voulais, rien. Pour moi, cet espace personnel – comment dire – j’avais peur que si je devais le lui dire directement, parce que sinon il ne semblait pas le comprendre, cela aurait mis mon emploi en péril.

Donc – vous savez, j’ai juste continué à le subir – à me replier sur moi-même, à tâcher d’éviter, à créer une distance, à ne pas m’engager, à ne pas être émotive, à ne pas réagir, qu’il allait tout simplement s’en remettre et passer à autre chose.

Transcription : page 188, lignes 22 à 25; page 189, lignes 1 à 25; page 190, lignes 1 à 19.

[38]           Quand Mme Nastiuk s’est souvenue de la date du 20 juillet 2005 comme celle où elle est [TRADUCTION] « techniquement » devenue gestionnaire de cas avec plein salaire, elle a aussitôt fait un commentaire confus, que l’on peut attribuer au stress et à la confusion qu’elle éprouvait face au fait d’avoir à témoigner sans l’aide et les conseils d’un avocat compétent :

[TRADUCTION] Cela a tout simplement paru comme si soudain – comme, je veux dire, comme si – comme si tout à coup c’était comme s’il – je suppose que la façon de l’expliquer, c’est comme s’il avait fondu sur moi et c’était comme si je le lui avais dit à lui et non pas au – juste au titulaire du poste.

[39]           Mme Nastiuk a ensuite déclaré :

[TRADUCTION] Et je ne veux pas dire qu’il me demandait des faveurs sexuelles, ou des faveurs sexuelles ou alors, ce genre de choses, c’était juste comme si tout à coup il a pensé simplement que nous étions, comme – comme s’il y avait tout simplement un lien ou – c’était plus que comme une relation directeur administratif/superviseur/gestionnaire de cas.

Transcription : page 183, lignes 6 à 18.

[40]           Lors de son interrogatoire de Mme Roach-Leforte, Mme Nastiuk a demandé si elle lui avait fait part de ses préoccupations, et Mme Roach-Leforte a répondu :

[TRADUCTION] […] Oui, vous l’avez fait. C’était mon rôle, j’étais votre superviseure, ou je pensais que je l’étais, et c’est ainsi que je travaillais, je crois, avec toute l’équipe. Les membres de l’équipe venaient tout le temps me voir pour me faire part de leurs préoccupations. […] Oui, vous l’avez fait […], mais je m’y attendais. Je voyais des choses comme je l’ai dit plus tôt, à propos de l’incident survenu dans mon bureau […] il y avait des choses que je voyais. Il y a des choses qu’on voit et qu’on met ensuite sur la glace, mais ensuite quand vous êtes venue me parler de vos préoccupations je m’y attendais effectivement. […] Je ne m’attendais pas nécessairement à entendre ce dont vous êtes venue vous plaindre à moi.

Transcription : page 1015, lignes 5 à 24.

La présidente : Et de quoi s’agissait-il?

Eh bien, je savais que Mme Nastiuk se sentait très mal à l’aise à la simple idée d’évoquer cette question avec moi et elle – au début elle a vraiment tourné autour du pot. Elle m’a d’abord posé des questions. Je crois qu’elle essayait d’évaluer peut-être numéro un, si j’étais – si j’allais véritablement lui prêter l’oreille. Numéro deux, si – si c’était tout simplement une chose naturelle qui arrivait à tout le monde.

Par exemple, elle avait demandé si M. Sinclair m’avait déjà posé des questions personnelles au sujet de choses que j’avais vécues et je lui ai dit, ouais, je lui ai parlé de certaines choses. C’est-à-dire, il n’y avait rien de si personnel que ça, je lui ferais part de choses que je publierais de toute façon.

Et, vous savez, ces questions me sont en quelque sorte venues à l’esprit, j’ai dit pourquoi, qu’est-ce qui se passe? Et, là encore, en tournant un peu autour du pot, elle a parlé de la mesure dans laquelle elle se sentait mal à l’aise. Je ne me souviens pas des moindres détails, mais l’essentiel était qu’il y avait des choses qui vous arrivaient et qui vous mettaient très mal à l’aise, des choses que vous n’appréciez pas, des choses au sujet desquelles vous ne saviez pas quoi faire. Et, vous connaissez certains des détails, je me souviens juste de vous avoir dit, vous savez, il faut que vous fassiez quelque chose à ce sujet, je suppose que vous veniez me demander conseil, mais j’avais suggéré, je crois, que vous en parliez au chef ou au chef et au conseil.

La présidente : Quand cette conversation a-t-elle eu lieu?

C’était au cours de l’été. En juillet ou en août 2005.

Il y a eu plusieurs de ces discussions – nous en parlions parfois au travail, parfois nous – je sais que nous – vous et moi sommes allées au lac à un moment donné pour nous éloigner du programme et vous m’avez parlé de quelques préoccupations […]

La présidente : Vous a-t-elle donné des détails quelconques à ce moment-là?

Ouais, elle a parlé de M. Sinclair, vous savez, du fait qu’il se présentait à son domicile, elle a parlé de, vous savez, les heures tardives. Il y a bien des choses que j’ai vues avec lesquelles je n’étais pas à l’aise.

La présidente : Comme quoi?

Un jour, nous tenions une réunion du personnel et je me trouvais dans le bâtiment central, c’était l’été, et – et M. Sinclair m’avait appelée pour le rejoindre au – à son bâtiment afin de passer en revue des notes de l’ordre du jour avant une réunion du personnel, et donc quand j’y suis allée, Mme Nastiuk se trouvait dans son bureau, à genoux, en train d’arranger l’ourlet de ses pantalons et – oh mon Dieu, je vois encore le tableau. C’était perturbant pour moi de voir que, et –

La présidente : Que voulez-vous dire par « arranger »?

Elle était à genoux, en train d’ajuster l’ourlet, et ensuite il s’est en quelque sorte tourné vers moi, s’est esclaffé et a dit, vous savez, je n’étais pas à l’aise dans mes pantalons, ils étaient trop longs. Et, ensuite, il le lui a fait refaire parce qu’il a dit, oh, je pense maintenant qu’ils sont trop courts, ou quelque chose du genre.

Et je n’ai pas - je n’ai rien dit à ce moment, j’ai juste – c’était très perturbant. Et quand j’ai demandé plus tard à Marlo, plus tard à Mme Nastiuk, de quoi s’agissait-il? Pourquoi faisiez-vous cela? Pourquoi avez-vous fait cela? Et elle a juste dit qu’elle avait l’impression qu’elle devait le faire. Je lui ai donc dit – je crois lui avoir dit que cela correspond à la façon de faire dont elle parlait, et c’était juste plus, vous savez, une partie d’une discussion que – de plusieurs discussions que nous avions eues. Et d’une manière différente je lui avais suggéré d’aller voir le chef et le conseil, c’est du harcèlement, vous savez, peut-être que vous devriez vous en plaindre à la Commission des droits de la personne, ce n’est pas correct, peut-être que vous devriez vous adresser à la Commission des relations de travail.

Mais j’ai dit aussi qu’elle était – elle se sentait intimidée. Vous savez, personnellement, jamais je ne fausserais des comptes rendus et jamais je ne me mettrais à quatre pattes pour arranger l’ourlet de quelqu’un; pour moi c’est […] ce n’était tout simplement pas correct.

Transcription : pages 1016 à 1020.

[41]           Quand Mme Nastiuk lui a posé une question au sujet du comportement de M. Sinclair à l’extérieur du CGG, Mme Roach-Leforte a déclaré :

[TRADUCTION] Un grand nombre de (vos) préoccupations étaient centrées sur le fait qu’il se présentait chez vous dans la soirée, sans s’annoncer, pour des motifs non liés au travail. En fait, je me souviens d’être passée en automobile près de chez vous, pas directement devant, mais sur l’avenue Crow et d’avoir vue que sa camionnette s’y trouvait, et je vous en avais parlé le lendemain, et vous m’avez dit qu’il s’était présenté et que Tiffany, votre fille, se trouvait là et que vous lui avez dit ou chuchoté, vous savez, reste ici.

Là encore, même si chaque fois que vous aviez parlé de choses comme celle-là je vous disais – je vous demandais, vous savez, de faire quelque chose à ce sujet, vous devez faire quelque chose à ce sujet. Dites-lui que, vous savez, que vous ne voulez pas que cela se passe ou que ce n’est pas professionnel, mais vous aviez peur de le faire.

La présidente : Vous souvenez-vous du moment où cela a eu lieu à peu près?

[…] à la fin de l’été […] 2005.

Transcription : page 1027, lignes 12 à 25; page 1028, lignes 1 à 13.

[42]           Selon Mme Nastiuk, elle a demandé à Mme Roach-Leforte de garder ces confidences pour elle, car elle ne savait pas encore comment « qualifier » la conduite de M. Sinclair à son égard. Elle a déclaré avoir commencé à faire de recherches sur Internet sur le harcèlement sexuel.

[TRADUCTION] Je suppose qu’à cette époque-là environ, je me demandais, qu’est ce qui peut bien se passer, parce que ce n’était pas comme – vous savez, j’ai commencé à consulter le site Web – le site Web des droits de la personne, quelle est la définition, de quoi s’agit-il? Parce que ça ne figurait pas dans les exemples flagrants de harcèlement sexuel ou de ce genre de comportement que l’on trouve sur ces sites, cela ne correspondait pas tout à fait, mais on aurait dit simplement – c’était presque plus difficile d’y faire face et plus encore – je ne sais pas comment – c’était très dérangeant. C’était une véritable violation.

Mais j’allais sur le site Web et je cherchais les informations. Ce n’était pas – comme, mis à part, vous savez, les regards concupiscents, les commentaires sur la perte de poids, ce genre de choses. Ce n’était pas comme des attouchements ou le fait de dire que vous devez avoir des relations sexuelles avec moi sinon […], vous devez sortir avec moi pour dîner sinon […], ce n’était pas les genres de comportement que l’on voit énumérés sur le site.

Alors donc, de quoi s’agit-il, et c’était juste – ce n’était pas – ça ne semblait pas correct. Je savais que c’était répréhensible. Ce comportement me mettait vraiment à l'envers, mais, d’après la loi, il ne semblait pas correspondre aux critères que l’on voit affichés – il s’agissait d’exemples.

Transcription : page 193, lignes 1 à 25.

[43]           Mme Nastiuk a ensuite relaté que d’autres choses avaient commencé à se produire, de petites choses : elle avait amené un parapluie au travail, et ensuite M. Sinclair en avait acheté un; il savait qu’elle faisait du patin à roues alignées, il était allé s’en acheter une paire. Elle a déclaré que c’était une sorte de symbiose et que cela la mettait tout à l’envers. Elle a déclaré que, vers cette époque, en juillet août 2005, elle a découvert qu’elle avait une légère calvitie. Elle a soutenu que M. Sinclair téléphonait beaucoup et s’arrêtait souvent chez elle, toujours au sujet du travail, mais que sa visite tournait inévitablement à des questions personnelles que Mme Nastiuk assimilait à de la psychanalyse; elle avait le sentiment que les choses qu’il disait n’avaient pas de sens, elles ne justifiaient pas le fait qu’il se présente à son domicile.

[44]           Lors de son témoignage direct, Mme Nastiuk a fait quelques allégations très générales, ce qui a incité la présidente à lui demander de donner des exemples précis :

[TRADUCTION] Et je sais que c’était vers le 23 août quand – il me téléphonait beaucoup, me donnait beaucoup d’informations, s’arrêtait encore chez moi souvent. Il était toujours question du travail. Cela se transformait en questions sur moi-même, mais même cela n’était pas – c’est devenu plus intense. Cette partie de ce comportement est devenue plus intense à l’automne.

La présidente : Plus intense, voulez-vous dire plus personnel ou plus fréquent?

Mme Nastiuk : Je ne dirais pas plus souvent, mais c’était comme s’il essayait de bien se faire comprendre et c’était comme si cela avait changé et c’était plus comme une psychanalyse, mais cette psychanalyse c’est comme – et il commençait toujours par parler du travail et ensuite ça se transformait en cela et c’était comme, qu’est-ce que vous faites? Je me disais, pourquoi faites-vous cela?

Et tout ce qu’il disait n’avait tout simplement aucun sens. Pour moi, ce n’était pas logique. Jamais je n’avais entendu quelqu’un me dire ces choses auparavant, et cela – ce n’était pas logique.

La présidente : Et quand vous dites ces choses, quelles sont ces choses?

Mme Nastiuk : Ces choses – je ne me souviens pas exactement de ce que ces choses étaient parce qu’elles n’étaient pas logiques, elles me mettaient en colère. Elles n’avaient pas leur place dans ma vie pour nos conversations. Elles ne justifiaient pas le fait qu’il se présente chez moi. C’était simplement – je n’allais pas – c’était incongru. Pourquoi est-ce que je m’en souviendrais?

Après, à la fin, quand j’ai finalement commencé à mettre les choses ensemble et à enlever tout simplement mes œillères et à faire face à la situation, je me suis dit que c’était plus de la projection. C’était l’impression que ça faisait.

La présidente : Pouvez-vous m’en donner un exemple?

Mme Nastiuk : Pas vraiment. Non – pas vraiment – et je sais que j’ai essayé d’y penser, mais, pour moi, c’était incongru, je ne pouvais – je ne pouvais pas m’en souvenir. […]

La présidente : […], mais je veux dire les choses qu’il vous a dites que – vous employez des mots forts comme horrible et inapproprié […] psychanalyse et ceci, mais vous ne donnez aucun détail […]

Mme Nastiuk : Je me souviens juste exactement de la façon dont je me sentais, cela me mettait en colère. Cela me fâchait de savoir qu’il se présentait chez moi en faisant cela. Je ne sais même pas si – après un temps, c’était juste – j’étais tout simplement furieuse et effrayée et la seule – il y a une conversation dont je me souviens ou des commentaires qu’il a faits parce que les autres étaient tout simplement hors de propos.

Transcription : page 196, lignes 7 à 25; page 197, lignes 1 à 23; page 198, lignes 8 à 22.

[45]           Même si elle a déclaré à maintes reprises qu’elle souffrait en silence, et qu’il lui était impossible de confronter M. Sinclair et de lui demander d’arrêter quand il faisait des commentaires personnels qu’elle jugeait offensants à son égard, Mme Nastiuk a dit aussi qu’il arrivait parfois que M. Sinclair et elle aient des conversations personnelles normales et qu’il y avait d’autres occasions où elle le contredisait.

G.                Les faits survenus au cours de l’automne 2005

[46]           Selon Mme Roach-Leforte, le milieu de travail a continué de se détériorer et, de ce fait, sa relation avec Mme Nastiuk au cours des mois d’août à octobre 2005 en a souffert.

[TRADUCTION] À mon avis? Le milieu de travail dans son ensemble a semblé devenir de nouveau très négatif. Ce qui était – je veux dire, en rétrospective je crois que je peux l’expliquer, mais à l’époque, vous savez, les gens étaient en train de devenir – vous savez, ils commençaient à considérer le programme de manière vraiment positive, nous accomplissions des choses dans le programme qui faisaient du milieu de travail un endroit agréable, mais la situation devenait plus négative.

Je sais que M. Sinclair vous (Mme Nastiuk) a laissé entendre d’autres choses. Il allait vous envoyer suivre pour cela une formation, et vous aviez fait des commentaires sur la manière – je n’en suis pas sûre – de quel programme précis ou partie de programme il s’agissait, mais qu’il allait vous faire voyager davantage, et d’un autre côté il vous disait, vous savez, que je me plaignais de vous et que je me plaignais de votre travail. Et vous, vous me posiez la question, est-ce que j’ai fait quelque chose de mal, et je vous disais non, ou, vous savez, rien dont je ne suis au courant.

Je pense donc que – je n’ai pas – je n’étais pas – je n’étais pas – j’ai commencé à devenir très méfiante au sujet de ce qui était la vérité, qui disait quoi? Et vous et moi avons continué de parler de choses, mais c’était – je ne savais pas si M. Sinclair, il me disait des choses, et vous disiez ensuite non, pour ces choses. Et il vous disait des choses et je vous disais non, et nous étions donc en train de devenir très – comment dire, empoisonnées je suppose, juste le milieu de travail.

Transcription : page 1029, lignes 13 à 25; page 1030, lignes 1 à 19.

[47]           En octobre 2005, Mme Roach-Leforte et Mme Nastiuk sont allées à Madison (Wisconsin) pour assister à une conférence d’une semaine sur la violence sexuelle et, pendant ce temps, elles ont pu rétablir en partie leur relation :

[TRADUCTION] (Mme Roach-Leforte) […] et je crois que le simple fait d’être éloignée comme cela vous a permis de me parler davantage de ce qui vous préoccupait. […] que vous aviez l’impression, comment dire, d’être suffoquée par les exigences qu’il avait, la pression exercée par les tâches différentes qui vous étaient assignées. Vous […] m’avez parlé d’un certain nombre de ces incidents où il s’est présenté à votre domicile […] et encore une fois […] je vous ai simplement dit, il faut que vous appreniez à être plus assurée, il faut que vous soyez catégorique et que vous disiez, vous savez, cela n’est pas correct.

Transcription : page 1034, lignes 20 à 25; page 1035, lignes 1 à 8.

[48]           Mme Roach-Leforte a déclaré que M. Sinclair les avaient conduites jusqu’à l’aéroport, à International Falls, et qu’il était là pour les accueillir à leur retour, au volant de l’automobile de Mme Nastiuk :

[TRADUCTION] Quand il est venu nous chercher, j’ai été très impressionnée parce que Mme Nastiuk a pris les clés pour mettre nos bagages dans le coffre et elle a dit : c’est moi qui conduit, et après avoir franchi la frontière, M. Sinclair a dit : dites donc, vous pourriez déposer Gail en premier, et elle a répondu : non je conduirai jusque chez moi et vous deux pourrez prendre votre camionnette.

Et quand nous sommes arrivés à votre maison, que nous avons mis mes bagages dans sa camionnette et […] et quand il a pris place derrière le volant il a claqué la portière et pendant que nous roulions, il a dit : qu’est-ce qu’elle peut bien avoir celle là?

Transcription : page 1036, lignes 6 à 18.

[49]           À une occasion au cours de l’automne de 2005, M. Sinclair s’est présenté à l’improviste au domicile de Mme Nastiuk. Ne voulant pas l’inviter à entrer, elle est aussitôt sortie et ils ont passé une heure à parler à l’extérieur de la maison. Vers la fin de cette conversation, M. Sinclair a commencé à parler du clan de Mme Nastiuk, et quand celle-ci a dit que ce clan était originaire de l’Amérique du Nord, il a insisté pour dire qu’il fallait qu’elle fasse quelque chose à ce sujet :

[TRADUCTION] De toute façon, nous avons donc – c’était vraiment difficile, et j’étais vraiment frustrée – en fait j’étais livide. Et ensuite il a finalement juste – il est finalement parti dans son véhicule. Ce soir-là […] j’ai entendu frapper à la porte […] je savais que c’était lui […] Il a fini – il s’est essentiellement approché et a dit qu’il fallait qu’il s’excuse pour la discussion que nous avions eue plus tôt et pour son – il s’est excusé de son comportement.

Il n’y a pas eu d’autre conversation entre lui et moi sur le sujet. L’automne s’est déroulé à peu près de la même façon – comment dire, lui – lui qui se présentait chez moi. […] Pas tous les jours, je dirais à – probablement au moins quelques fois par semaine.

Transcription : page 200, lignes 1 à 7 et 15 à 19; page 203, lignes 1 à 4 et 9 à 11.

À ces très rares – il s’est tout simplement présenté quelques fois pour un véhicule que j’avais. Il a dit qu’il souhaitait l’acheter, et j’avais des problèmes avec l’autre véhicule. Et, à un moment donné, nous avions parlé du fait qu’il ferait quelques travaux sur celui-ci et que je lui ferais un bon prix pour le véhicule blanc. Mais pour tout dire, il n’a jamais – il n’a jamais acheté le véhicule, mais – ouais. Quelques fois par semaine en moyenne.

Transcription : page 203, lignes 18 à 25; page 204, lignes 1 et 2.

[50]           Mme Nastiuk a également parlé de longues réunions tenues dans le bureau de M. Sinclair au cours de cette période, des réunions qui n’étaient pas souvent liées au travail, ainsi que du fait qu’il a continué de se présenter chez elle, ce qui, selon ses dires, lui donnait l’impression qu’il essayait de la manipuler. À titre d’exemple, elle s’est souvenue d’avoir assisté à une conférence à Dryden (Ontario) en compagnie d’autres membres du CGG. Pour le retour à Fort Frances, elle s’était organisée pour faire le chemin du retour avec une collègue de travail, Mary Elder, à qui elle avait confié que le comportement de M. Sinclair à son égard la mettait mal à l’aise. Quand Mme Nastiuk et Mme Elder sont arrivées au terrain de stationnement, M. Sinclair et le chef McPherson s’y trouvaient; ils ont demandé à Mme Nastiuk si elle voulait rentrer avec eux à Fort Frances. Elle a refusé :

[TRADUCTION] Je me suis débrouillée du mieux que je pouvais et je leur ai juste fait savoir que j’avais déjà promis à Mary que j’allais rentrer avec elle.

Et Mary était consciente que j’étais mal à l’aise, mais je ne lui ai pas vraiment donné beaucoup de détails, parce que je n’étais pas vraiment sûre de la façon de décrire ce qui se passait.

Je savais que ce n’était pas – ce n’était pas approprié, mais c’était encore vraiment difficile de dire à ce stade de quoi il s’agissait […]

Transcription : page 206, lignes 9 à 21.

[51]           Mme Nastiuk s’est souvenue d’un autre incident survenu au cours de l’été ou de l’automne 2005, quand M. Sinclair et elle ont entamé une conversation. M. Sinclair, qui était originaire de Fort Frances, a commencé à parler de la grand-mère de Mme Nastiuk, disant qu’elle avait la réputation d’être une fêtarde. Mme Nastiuk s’est mise en colère parce qu’elle a trouvé que ses propos étaient humiliants et offensants pour elle :

[TRADUCTION] Et j’ai immédiatement répliqué. Il y a certaines choses pour lesquelles j’étais capable de répliquer sur-le-champ et dire simplement, vous savez, dire simplement – vous savez, cela a mis fin à la conversation. Je répliquais comme ça. Je répliquais pas mal comme ça – qu’il n’allait pas y avoir de discussion, qu’elle était finie, ces choses n’ont jamais été évoquées de nouveau.

Transcription : page 207, lignes 7 à 13.

[52]           Mme Nastiuk a ensuite parlé d’un troisième incident qui est survenu quand M. Sinclair et elle se trouvaient dans sa camionnette en direction du centre de guérison et où il a commencé à lui parler d’une formation de groupe à laquelle il avait pris part et dans laquelle ils s’asseyaient en cercle et chacun devait dire toutes les expressions familières qu’ils connaissaient pour les mots pénis et vagin :

[TRADUCTION] Ça c’est un autre incident qui m’a mis très en colère et qui a mis le – juste moi – je faisais face à mes problèmes. Je ne mériterais pas d’avoir obtenu mon baccalauréat ès arts si je n’avais pas été ouverte à ce genre de choses, et cela – cela a mis fin à la conversation. Je me disais, c’est si déplacé, et ça m’a mise vraiment en colère. Et, comprenez-vous, cela s’ajoutait à toutes les autres choses que je ressentais déjà.

Transcription : page 208, lignes 18 à 25; page 209, lignes 1 et 2.

[53]           Quand Mme Nastiuk a résumé la période de l’été et de l’automne 2005, période au cours de laquelle elle a eu nettement moins de contacts avec M. Sinclair et où il ne s’intéressait peut être plus à elle. Cela a été un répit de courte durée parce que sa fille lui a parlé de rumeurs selon lesquelles elle entretenait une relation personnelle avec M. Sinclair. Mme Nastiuk a immédiatement abordé M. Sinclair et lui a parlé des rumeurs; celui-ci a répondu qu’il s’en occuperait à une réunion du personnel, mais qu’il ne voulait pas qu’elle y assiste, ce qui, a jugé Mme Nastiuk, n’était pas correct :

[TRADUCTION] Je ne sais donc pas vraiment ce qui a été dit à cette réunion. Personne ne m’a vraiment dit ce dont il a été question à cette réunion et j’ai juste – ok, et je suis passée à autre chose.

Transcription : page 213, lignes 7 à 10.

H.                Les faits survenus au cours de l’hiver 2005-2006

[54]           La relation de Mme Nastiuk avec d’autres membres du personnel ne s’est pas améliorée et, en décembre 2005, un conflit avec un autre employé s’est soldé par une intervention de M. Sinclair.

[TRADUCTION] Et ensuite, vers le milieu de décembre 2005, Brian – Bryan Yerxa – j’étais en train de travailler à la maison dans des rapports, je faisais du rattrapage parce qu’il y avait trop d’appels téléphoniques et d’interruptions au travail, de sorte que M. Sinclair avait approuvé que je travaille à la maison, et Brian Yerxa m’a appelée à la maison, et il a commencé à hurler après moi. Il était fâché parce que mon bureau était verrouillé et qu’il n’avait pas accès à un ordinateur […]

Transcription : page 213, lignes 11 à 19.

[55]           M. Yerxa s’est entretenu avec M. Sinclair, qui a dit qu’il allait intervenir pour régler la situation. Mme Nastiuk lui a dit qu’elle n’était pas certaine qu’il serait capable de procéder de la bonne façon, mais elle a néanmoins accepté, à contrecœur, de le faire. À son avis, cela a été un fiasco.

[TRADUCTION] J’avais le sentiment que j’étais celle qui avait tort face aux deux, et je sentais bien que les choses n’allaient pas dans la bonne direction. J’étais vraiment en colère. J’étais contrariée. J’ai eu les larmes aux yeux et j’ai dit, vous savez, hier soir je me suis couchée en me sentant totalement impuissante. C’était comme si, avec les deux combinés, les choses allaient tourner mal pour moi, et j’espérais vraiment que cette partie de – que M. Sinclair – vous savez, je n’étais plus un problème pour lui maintenant, et j’avais tout simplement le sentiment que ce n’était probablement pas le cas. […] J’ai dit que je ne pouvais pas continuer. Je suis partie et – très contrariée, et cela a mis fin à cette affaire. C’est habituellement comme ça que tout se terminait.

Transcription : page 213, lignes 11 à 19; page 215, lignes 5 à 15; page 217, lignes 8 à 11.

[56]           Mme Nastiuk a déclaré qu’après l’échec de cette médiation, une série de choses sont survenues entre Brian Yerxa, un autre membre du personnel et elle, des interactions toutes similaires qui se sont soldées par le fait que M. Sinclair a déclaré que le personnel ne voulait plus travailler avec elle.

[TRADUCTION], Mais je sais – je lui (M. Sinclair) ai fait remarquer à un certain nombre d’occasions que ces genres de comportements et d’interactions n’étaient pas dus à moi ou à une chose qui se passait avec eux. C’étaient eux les responsables, comme si quelque chose se passait. Et je crois qu’il était essentiellement entendu et que cela a probablement été dit un certain nombre de fois que ces deux personnes avaient du ressentiment. Elles voulaient un bureau et elles voulaient un titre et je crois que presque tout le monde au centre le savait.

Transcription : page 224, lignes 7 à 16.

[57]           Mme Nastiuk s’est souvenue de remarques faites par M. Sinclair qui l’ont dérangée : l’une concernant les différents entre son collègue de travail Brian Yerxa et elle, soit le fait de savoir si elle était un atout ou la source de trop d’ennuis; une autre, selon laquelle elle avait besoin de suivre des séances de maîtrise de la colère; ainsi que des questions sur son état de  santé :

[TRADUCTION] Ouais, dans une autre conversation téléphonique, il – il m’a posé une question sur mes problèmes ou mes préoccupations de santé – les problèmes de santé, et je me suis dit, quoi? Je suis comme – je me suis sentie vraiment mal parce qu’après avoir fait face à tout ça, après avoir surmonté tout ça, et après avoir progressé dans la vie je me fais jeter ça à la figure, c’était comme – j’ai réagi très vivement à cela aussi, j’ai dit que je ne croyais pas que c’était un problème. Je travaillais 50 ou 60 heures par semaine. Je ne pensais pas qu’il y avait un problème. Et il a dit, non, je voulais dire le stress. Dans ma tête, la seule source de stress que j’ai vraiment c’est vous.

Transcription : page 230, ligne 4 à 17.

[58]           Douglas Broman, qui a été nommé gestionnaire de cas par intérim au début de 2006, a parlé de la tension qui régnait au CGG durant cette période :

[TRADUCTION] Pour être franc, la tension était considérable. Tout d’abord, les installations de soins en établissement sont des endroits parfois très explosifs. Nous travaillons avec un groupe d’enfants agités, extrêmement en colère, de sorte que le personnel subit beaucoup de pression, et le personnel ne peut pas se défouler sur les enfants, ce qui fait que parfois les employés ont tendance à – se défouler les uns sur les autres. Je ne connais pas d’autre façon de le dire. C’est un endroit assez difficile où travailler et – il y avait beaucoup de tension, pas juste – il y avait beaucoup de luttes internes à l’étage, comprenez-vous, des gens qui avaient leur propre opinion sur la façon dont un pensionnaire doit être traité, et ce genre de choses. Cela contribuait donc à un degré de tension qui rendait les choses parfois très inconfortables. Nous devons faire la distinction entre un comportement apparent et ce qu’un jeune ressent vraiment, et c’est à cela que servent les employés professionnels tandis qu’à l’étage lui-même, ils ont affaire aux comportements réels du jeune à mesure que le temps avance. […] et il y avait beaucoup de, comment dirais-je, de coups de poignard dans le dos, beaucoup d’insultes à propos de presque tout le monde là-bas. Vous savez, la situation était telle qu’il y avait des fois où je rentrais à la maison assez frustré par l’atmosphère qui y régnait.

Transcription : page 60, ligne 25; page 61, lignes 1 à 22, 24 et 25; page 62, lignes 1 à 4.

[59]           M. Broman a déclaré qu’il avait le sentiment qu’il se passait quelque chose entre Mme Nastiuk et le reste du personnel, ainsi qu’avec M. Sinclair. M. Broman s’est rappelé qu’à une occasion, pendant qu’il se trouvait chez Mme Nastiuk, M. Sinclair s’était présenté, sans s’annoncer, et que Mme Nastiuk était devenue très mal à l’aise :

[TRADUCTION] Vous vous êtes levée, vous avez marché de long en large, vous avez cherché ceci, vous avez cherché cela. Vous étiez très agitée.

Transcription : page 52, lignes 11 à 13.

[60]           Il a été demandé à M. Broman si M. Sinclair lui avait fait des commentaires au sujet de l’orientation sexuelle de Mme Nastiuk et il a répondu qu’après s’être creusé la cervelle pour se remémorer des cas précis, il y avait eu plusieurs fois, une demi-douzaine où M. Sinclair s’était demandé si Mme Nastiuk était lesbienne et avait demandé à M. Broman s’il pouvait le vérifier.

[61]           M. Broman a déclaré que, lors d’une conversation informelle, M. Sinclair lui avait demandé si Mme Nastiuk ne souffrait pas de dépression ou n’avait pas de problèmes de santé mentale, et que M. Sinclair paraissait compréhensif. M. Broman a fait part de la bonne opinion qu’il avait de M. Sinclair et a décrit Mme Nastiuk ainsi :

[TRADUCTION] une personne qui met les points sur les I et les barres sur les T, une gestionnaire de cas vraiment, vraiment bonne parce qu’il y a tant de choses à régler dans le cas d’un jeune. J’ai donc beaucoup appris d’elle aussi, juste comment être – comment, vous savez, s’occuper simplement des détails que représente le travail et créer les plans de formation auxquels je travaillais.

Transcription : page 66, lignes 16 à 24.

 

I.                   Le travail relatif au programme de prévention du suicide

[62]           Au début du mois de janvier 2006, M. Sinclair a informé Mme Nastiuk qu’une aide financière avait été approuvée pour l’établissement d’une initiative de prévention du suicide – appelée dans les témoignages le « STAT » – et qu’il voulait qu’elle fasse des travaux de recherche et de planification sur le sujet. Mme Nastiuk a considéré les idées de M. Sinclair comme problématiques, mais, malgré ses réserves, Mme Nastiuk a finalement convenu d’entreprendre le travail; le 21 janvier 2006, elle a été temporairement assignée au programme. Il s’agissait d’un poste contractuel, et sa rémunération a été majorée pour les mois de février et de mars. Après bien des discussions sur l’endroit où elle pourrait accomplir son travail, il a été convenu qu’elle aurait un bureau à domicile :

[TRADUCTION] Nous avons acheté tout ce qu’il fallait pour que je fasse le travail. Nous avons obtenu un télécopieur et c’était de cette façon que j’allais lui transmettre des documents ou, si nous avions à nous rencontrer, j’irais à Giizhikaandag et nous nous y rencontrerions pour faire le point sur le travail.

Transcription : page 239, ligne 14 à 19.

[63]           Au cours de la dernière semaine de janvier, Mme Nastiuk s’est rendue à Winnipeg pour recueillir des documents relatifs au projet, ainsi que certains documents dont M. Sinclair avait besoin pour un cours de céramique. Elle s’est souvenue d’avoir commencé à travailler au projet au début du mois de février, qu’elle se sentait mieux, moins stressée, mais ses espoirs se sont atténués quand elle a commencé à demander à M. Sinclair des détails sur le programme et qu’il n’en a fourni aucun. Mme Nastiuk s’est donc fiée à des renseignements qu’elle a recueillis dans ce qu’elle a appelé la description du Traité no 3 de ce dont ils avaient besoin pour une initiative de lutte contre le suicide. Au cours de cette période, le seul contact important avec M. Sinclair a eu lieu le jour de la Saint-Valentin, quand il s’est présenté à son domicile avec une mangeoire à chevreuil, quelques sacs de moulée de chevreuil et du foin, ainsi qu’une rose tirée d’un bouquet de roses qu’il amenait au CGG pour d’autres membres du personnel, avant de s’en aller tout simplement :

[TRADUCTION] La présidente : Donc, pendant le temps où vous travailliez à la maison au mois de février, avant le jour de la Saint-Valentin, s’est-il présenté chez vous ou téléphonait-il régulièrement ou non?

Mme Nastiuk : Il n’y a pas vraiment eu beaucoup de contacts à ce stade-là dont je me souviens précisément.

Transcription : page 242, ligne 5 à 12.

[64]           Lors de discussions ultérieures, M. Sinclair a demandé à Mme Nastiuk de devenir la gestionnaire de programme au sein de l’unité du STAT. Elle a résisté à son offre en invoquant son inexpérience, mais, plus tard, au milieu du mois de mars, elle a jugé que cela pourrait fonctionner :

[TRADUCTION] Il y avait donc quelques – il y avait d’abord une chose. J’ai pensé qu’il s’agissait d’un moyen dont il se servait peut-être pour parvenir à me faire travailler plus près de lui, et ça, je ne le voulais pas. L’autre chose, par contre, je l’avais déjà vu auparavant éliminer graduellement des postes, et une façon de le faire serait de – j’ai pensé que c’était peut être une façon d’essayer de se débarrasser de moi : si j’acceptais le poste, que le programme ne passait pas et qu’il avait promis la gestion de cas à quelqu’un d’autre, je n’aurais pas de travail.

Et, pour moi, toutes ces options étaient possibles. Mais juste la façon dont il faisait pression sur moi, et on entendait beaucoup de – il semblait seulement – il s’efforçait vraiment de rehausser ma confiance en moi-même et ma compétence et, je ne sais pas, il y avait quelque chose qui clochait.

Donc, de toute façon, quand il a fait ce – j’ai fait ce commentaire au sujet de la responsabilité des membres du personnel et de leur capacité à être honnêtes, il s’est retourné et a dit : les gens mentent, Marlo, ils sont ainsi. Et je me suis dit : hein? Mon retour, c’était comme […] heu […] au travail?

Et un autre point dont nous avons discuté, que notre relation – il y avait une certaine tension dans notre relation de travail, et c’était à cause de moi.

Quand nous sommes dans une réunion du personnel, par exemple, comment puis-je travailler avec vous et vous ne validez rien de ce que je dis et il faut que j’élève la voix et c’est comme si vous m’ignoriez. Et il a dit : eh bien, vous savez, quand vous entretenez des relations avec des femmes, vous apprenez simplement à les ignorer.

Transcription : page 244, lignes 1 à 25; page 245, lignes 1 à 6.

[65]           Mme Nastiuk a participé à un programme d’assistance au suicide à Winnipeg, du 17 au 20 mars 2006. Lors de ce dernier, d’autres participants lui ont dit qu’ils voyaient en elle des qualités qui confirmaient pourquoi M. Sinclair l’avait choisie comme gestionnaire de programme. Mme Nastiuk a donc pris note de certaines choses dont elle avait l’intention de discuter avec M. Sinclair :

[TRADUCTION] Juste – j’essayais de les formuler de manière à être aussi délicate et non confrontationnelle que possible, tout en me faisant bien comprendre. Numéro 1, respecter mon espace, ma maison; numéro 2, respecter les limites; numéro 3, quand je sens que vous essayez de me provoquer cela crée une certaine ambivalence de votre part, et cela me fait penser que vous êtes – je ne peux même pas […]

La présidente : Vouloir se débarrasser de moi?

Vouloir se débarrasser de moi. Le manque de professionnalisme de tout cela. Des réunions limitées dans le temps, une description de tâches écrite, ce que je passais mon temps à demander, un appui clair en matière de leadership, et un appui à l’égard du rôle de GP (gestionnaire de programme).

Transcription : page 247, lignes 7 à 21.

J.                  La confrontation avec M. Sinclair

[TRADUCTION] Mme Nastiuk : Donc, quand je suis revenue à Fort Frances, nous avons eu peu après une réunion et j’ai effectivement dit carrément à M. Sinclair que je soupçonnais que son intérêt envers moi, c’était plus ce qu’une relation employé employeur devait être, qu’il s’intéressait à moi en tant que femme, une relation, et je ne voulais pas cela, je voulais seulement qu’il soit mon patron, quelqu’un vers qui je pouvais me tourner pour obtenir des conseils et un appui.

La présidente : A-t-il répondu?

Mme Nastiuk : Ouais, il l’a fait. Là, il a dit – il a reconnu qu’il s’intéressait effectivement à moi.

La présidente : Rien d’autre?

Mme Nastiuk : Il a parlé un peu de la situation – son attraction envers moi, de son intérêt. Et cela a mis un terme à – juste à la fin de la réunion. Je voulais pouvoir en parler davantage, mais je voulais pouvoir en parler avec une plume à la main et je n’en voyais aucune de disponible, de sorte que les choses en sont restées là.

[…] C’est un peu comme si on avait prêté serment – comme une bible. C’est très sacré et on ne peut pas – s’exprimer avec mauvaise foi quand on a une plume à la main, je suppose, on pourrait dire que c’est un sacrilège. Il est possible de s’exprimer franchement.

Transcription : page 248, lignes 6 à 21; page 249, lignes 2 à 19.

[66]           Mme Nastiuk a fait référence aux notes relatives à un appel téléphonique que M. Sinclair a fait le 1er avril 2006 et au cours duquel celui-ci a dit qu’il voulait lui parler la semaine suivante au sujet de leur relation de travail et qu’elle pouvait s’exprimer très franchement, que cela n’aurait pas d’impact sur son travail au CGG.

[67]           Ensuite, Mme Nastiuk a déclaré avoir reçu un appel téléphonique de M. Sinclair le 6 avril 2006 au cours duquel il a commencé par dire qu’il voulait qu’ils se rencontrent afin de discuter de leur relation :

[TRADUCTION] Il a commencé cette réunion le 6 avril en disant que je voulais que l’on se rencontre pour discuter de notre relation de travail qui était affectée – négativement affectée par la relation personnelle, et je me disais : de quoi est-ce qu’il parle? Il passe son temps à parler d’une relation personnelle, mais il ne faut pas que je me laisse entraîner là-dedans. Et je lui ai répliqué : non, c’était vous.

Et il a ensuite ajouté, Marlo, je crois que je représente tout ce que vous détestez chez les hommes et que, oui, il s’intéressait à moi en tant que femme, mais que, non, il ne serait pas sorti avec moi. Et – oh, ouais, qu’il ne s’était jamais trouvé dans cette situation auparavant; et j’ai en quelque sorte arrêté et – de quel – de quelle position parliez vous?

Et il a dit : s’intéresser à – une femme avec laquelle il travaillait, une femme avec laquelle il travaillait ou au milieu de travail – je crois que c’était ça – et je ne crois pas qu’à ce moment-là il en a dit beaucoup plus sur le sujet.

Ensuite, bien sûr, il a continué de dire que la relation de travail, c’était de ma faute. Il a continué de faire pression, d’essayer de m’en attribuer la faute. J’ai continué à lever le bouclier, à essayer de renvoyer la pression vers lui. Non, c’est votre faute. Et, là encore, je lui ai dit – que c’était son intérêt envers moi qui était au cœur de tout ça.

Il a commencé à parler du fait qu’il était difficile pour moi de parler de ma vie personnelle, et il a commencé à parler de la façon dont d’autres employés s’adressaient à lui, et m’a demandé pourquoi je ne le faisais pas. Et je lui ai fait savoir que parce que je croyais que les choses personnelles n’avaient pas leur place au travail et je me disais parce que je ne veux vraiment pas – comprenez-vous, je ne veux pas vous parler de ma vie personnelle. Pourquoi dois-je le faire?

Et il m’a ensuite fait savoir qu’il n’était pas sûr qu’il souhaitait encore me garder comme gestionnaire de programme de l’unité du STAT parce que je n’étais pas assez enthousiaste. Il m’a dit qu’il – quelle était la remarque qu’il a faite ce jour-là? […] Ouais, je lui ai fait savoir que ce n’était pas facile de lui dire directement que je soupçonnais que son intérêt à mon égard était de nature personnelle parce que, qu’arriverait-il si je me trompais, étant donné surtout les genres de comportement?

Transcription : page 256, lignes 21 à 25; page 257, lignes 1 à 25; page 258, lignes 1 à 19.

[68]           Le lendemain, Mme Nastiuk et M. Sinclair ont eu une autre discussion au sujet de leur relation. Mme Nastiuk allègue qu’au cours de cette conversation, M. Sinclair lui a dit qu’il croyait qu’elle avait [TRADUCTION] « une crainte et une aversion profondément ancrées » à l’idée d’admettre qu’elle était lesbienne et qu’elle luttait contre cela. Mme Nastiuk s’est dite indignée par la discussion et, par la suite, elle n’a pas pu se concentrer sur son travail.

[69]           Le 14 avril 2006, M. Sinclair a téléphoné à Mme Nastiuk et a fait ce que Mme Nastiuk a décrit comme [TRADUCTION] « une tentative d’excuse » pour ses commentaires antérieurs. Selon Mme Nastiuk, M. Sinclair lui a également dit qu’il avait discuté, de façon générale, de certains des problèmes de leur relation avec son ami, le chef McPherson.


 

K.                Les faits ayant mené à la plainte

[70]           Mme Nastiuk a déclaré qu’après le 14 avril 2006, elle avait fait un certain nombre d’appels téléphoniques anonymes afin d’obtenir des conseils sur ce qu’elle devait faire à l’égard de M. Sinclair :

[TRADUCTION] […] parce que je sais que les membres des Premières nations n’aiment pas s’adresser à des organismes externes pour qu’on les aide à régler leurs problèmes. J’ai fait un certain nombre d’appels […] au Grand conseil du Traité no 3 pour cette région visée par le traité – anonymement. Je ne leur en ai pas parlé, à part ce qui se passait en général, pour voir s’ils avaient des suggestions. Ils n’en avaient pas, sinon téléphoner à la chef qui s’occupait de ce portefeuille.

Transcription : page 270, lignes 2 à 12.

[71]           Mme Nastiuk a eu une conversation téléphonique d’une heure avec la chef Pamela Johnson, qui l’a informée qu’ils n’avaient pas de ressources et pas de réelles suggestions, à part les cercles de discussion :

[TRADUCTION] Je voulais juste que ce soit consigné et faire savoir que j’avais eu une série de conversations avec d’autres personnes pour essayer que cette affaire reste entre nous avant qu’elle soit portée devant le tribunal.

Transcription : page 271, lignes 2 à 6.

[72]           Le 20 avril 2006, M. Sinclair a rencontré Mme Nastiuk afin de discuter de son travail au sein de l’unité du STAT. Mme Nastiuk a déclaré à M. Sinclair qu’elle trouvait le travail difficile et qu’elle avait de la difficulté à rester concentrée. Selon Mme Nastiuk, M. Sinclair a suggéré qu’elle prenne congé et lui a dit qu’elle pouvait même prendre un congé pour invalidité de courte durée, pendant une période maximale d’un an s’il le fallait.

[73]           À la suite de cette conversation, Mme Nastiuk a pris un congé, période au cours de laquelle elle a consulté un conseiller afin de l’aider à faire face à son anxiété qui, à son avis, découlait directement de son conflit avec M. Sinclair. Le 24 avril 2006, elle a également consulté un avocat, qui lui a dit : [TRADUCTION] « Marlo, il me semble que vous ne souffrez pas d’une invalidité, mais que vous êtes victime d’un comportement abusif. Ne laissez personne vous dire que vous êtes malade ou que vous avez besoin des soins médicaux si ce n’est pas le cas ».

[74]           Mme Nastiuk est donc retournée au travail au mois de mai en tant que gestionnaire de cas, mais elle soutient qu’elle a continué d’être distraite et qu’il lui était impossible de rester concentrée. Elle souffrait de graves maux de tête et de diarrhée, surtout lorsqu’elle était à proximité de M. Sinclair ou en contact avec lui.

[75]           Le 31 mai, une réprimande écrite a été versée dans le dossier du personnel de Mme Nastiuk :

[TRADUCTION] Je suis allée à une entrevue d’emploi le matin du 30 mai. J’étais censée prendre la parole à une réunion du personnel au sujet de la gestion de cas. La semaine d’avant, j’avais dit à Brian Yerxa à quelques reprises qu’il ne fallait pas m’inscrire à l’ordre du jour avant 11 h ce matin-là. Je crois que c’était un mardi. Donc, lundi – la veille du jour où j’avais parlé à Rick Adams, l’autre chef d’équipe, je me disais, juste au cas où Brian ne s’en souviendrait pas, afin qu’on ne m’inscrive pas à l’ordre du jour avant 11 h à la réunion du personnel du 30 mai.

La présidente : Mais ne l’avez-vous pas dit à M. Sinclair et n’était-il pas votre supérieur immédiat?

Mme Nastiuk : Oui.

La présidente : Et est-ce là la politique du personnel? Était-ce cela à l’époque?

Mme Nastiuk` : (Inaudible) ce serait une double norme. Les membres du personnel semblent aller et venir comme bon leur semblait. Il importait peu qu’ils soient sur appel ou qu’ils fassent partie de la direction, ils avaient des libertés et ils n’avaient pas à rendre des comptes comme j’étais tenue de le faire. Dans des circonstances ordinaires, mais, ouais.

La présidente : Et à ce moment, le 30 mai, le 31 mai, est-ce que vous travailliez à partir de chez vous la plupart du temps ou à partir d’un bureau?

Mme Nastiuk : J’ai fini par retourner au centre de guérison en mai – le début du mois de mai après avoir parlé au téléphone avec des avocats par l’intermédiaire du service de référence aux avocats, et il m’a dit – il a lu une lettre, il n’a pas lu ma documentation. Il a dit, Marlo, j’ai juste l’impression que cet homme s’intéresse à toi. Peut-être qu’il ne le fait pas comme il faut, et j’ai donc pensé qu’à cause de cela, très bien, il ne le définit pas. Il faut que je retourne – que j’essaye de retourner au travail. […] Donc, j’étais là.

Transcription : page 272, lignes 17 à 25; page 273, lignes 1 à 25; page 274, lignes 1 à 6.

L.                 La réunion avec le chef McPherson

[76]           Le 14 juin 2006, Mme Nastiuk a rencontré le chef McPherson et a porté plainte contre M. Sinclair, disant que ce dernier avait abusé de sa situation d’autorité et de pouvoir à son égard et qu’il avait fait preuve de discrimination à son endroit dans le cadre de son emploi. Mme Nastiuk a soutenu que M. Sinclair, en tant que son supérieur et en tant que directeur administratif du CGG, s’était livré à :

[TRADUCTION] […] une conduite persistante et avilissante envers moi-même du fait de mon sexe; fait des commentaires avilissants sur ma déficience; a parlé de mon orientation sexuelle et a voulu en parler davantage. La conduite de M. Sinclair a inclus une série de violations importunes et s’étendant au-delà du lieu de travail et de nature avilissante, persistante et abusive. Cela s’est soldé par la création d’un milieu psychologique et émotionnel négatif et inacceptable pour le travail.

[77]           À la suite d’un certain nombre de conversations entre Mme Nastiuk et le chef McPherson, une réunion de médiation a été fixée au 22 juin 2006 :

[TRADUCTION] Après un certain nombre de conversations entre le chef McPherson et moi, ceci a été le point culminant de cela, et j’ai dressé cette liste de certaines choses dont je voulais qu’on traite à la médiation informelle dont il m’avait parlé.

Et pour savoir en fait comment cela est arrivé, nous avons eu un certain nombre d’appels. Nous avons décidé de recourir à une médiation informelle. Il voulait que je participe simplement à une réunion entre lui-même, M. Sinclair et moi, et j’ai dit que je ne pouvais pas le faire, que j’aurais besoin d’une personne de confiance. […] Nous étions donc quatre. Nous avons parcouru cette liste. Les parties sous-jacentes sont essentiellement celles que j’ai dactylographiées (à l’avance et que j’ai apportées à la réunion). […] J’ai pu parler un peu, mais c’est M. Sinclair qui a parlé le plus clair du temps. Et il n’était pas d’accord avec moi pour ce qui est des choses qui figuraient ici.

 […] À la fin de la réunion, le chef McPherson m’a dit qu’il y avait un travail que j’avais à faire, mais qu’aucun changement ne serait apporté parce que cela reviendrait à admettre que Tom était coupable et il n’était pas disposé à faire cela, et il a fait un commentaire sur, par exemple, si que je vous donnais 5 000 $, cela reviendrait à admettre qu’il est coupable et ça, je ne peux pas le faire.

L’un des derniers commentaires a été que je devais lui en reparler plus tard et dire ce que je voulais. Mais je suis sortie de là en me disant, eh bien, il vient de me dire qu’il ne va rien faire de toute façon, donc je me suis adressée à la Commission.

Transcription : page 274, lignes 13 à 25; page 275, lignes 1 à 25; page 276, lignes 1 à 9.

[78]           Selon Mme Roach-Leforte, la plainte de Mme Nastiuk n’était pas la première que la PNC avait reçue contre M. Sinclair. Dans son témoignage, Mme Roach-Leforte a déclaré qu’en mai 2006, peu avant la rencontre de Mme Nastiuk avec le chef McPherson, elle avait déposé une plainte auprès de la PNC contre M. Sinclair, à propos de ce qui était, selon elle, un comportement non professionnel de la part de M. Sinclair à son égard et à l’égard des membres du personnel.

[79]           Quand on lui a demandé pourquoi elle avait déposé une plainte auprès de Dale Morrisseau, le gestionnaire de la PNC, Mme Roach-Leforte a déclaré que le comportement allégué n’était pas aussi marqué ou aussi constant que celui avec lequel Mme Nastiuk devait composer, et que les plaintes déposées par d’autres membres du personnel n’avaient pas trait à du harcèlement sexuel, mais plutôt au pouvoir et au contrôle que M. Sinclair exerçait sur le programme du CGG.

[80]           Elle a déclaré aussi que la raison pour laquelle elle ne s’était pas adressée au chef McPherson pour le compte de Mme Nastiuk était qu’elle aussi avait peur pour son emploi. (Transcription : page 1127, lignes 5 à 25; page 1128, lignes 1 à 24).

M.               Les plaintes

[81]           Le 25 juillet 2006, Mme Nastiuk a déposé la plainte no 20060869 contre la PNC et la plainte no 20061038 contre M. Sinclair, alléguant avoir été victime de harcèlement sexuel au travail entre les mois de mars 2005 et de juillet 2006.

[82]           Mme Nastiuk est partie en congé de maladie du 1er au 4 juin 2006, elle a pris ensuite trois semaines de vacances et a été absente du travail jusqu’au 28 janvier 2007. En octobre 2006, Mme Nastiuk a rencontré le chef et le conseil et a produit des demandes écrites qui, selon ses dires, n’étaient pas des exigences, mais avaient pour but de servir de fondement à des négociations ou à une médiation au sujet de sa plainte. Était incluse dans sa demande, à titre de compromis, une déclaration indiquant qu’elle accepterait un nouvel emploi auprès de la PNC, mais pas au CGG.

[83]           Pendant que cela se passait, Mme Nastiuk a présenté une demande de prestations d’assurance emploi compte tenu du fait qu’elle avait fait l’objet d’un congédiement déguisé :

[TRADUCTION] Me Bryson : Vous nous dites donc qu’à cette époque vous avez été victime d’un congédiement déguisé de la part de M. Sinclair?

Mme Nastiuk : Les circonstances, il s’agissait d’un congédiement déguisé.

Me Bryson : De la part de qui?

Mme Nastiuk : Il y avait des raisons pour lesquelles je ne pouvais pas retourner au centre de guérison, et M. Sinclair en était responsable en grande partie. La façon dont le programme avait été créé pour fonctionner, tout cela en faisait partie. C’était –

Me Bryson : Mais je vous le demande, qui vous a congédié? C’est cela que je vous demande.

Mme Nastiuk : C’était un congédiement déguisé. Je suis partie.

Me Bryson : Mais par qui? M. Sinclair ou le chef et le conseil […] ?

Mme Nastiuk : Eh bien, ce serait les deux parce que Couchiching n’était pas là pour faire preuve de diligence raisonnable. M. Sinclair était autorisé à diriger le programme, à embaucher et à congédier comme bon lui semblait.

Transcription : page 628, lignes 4 à 25; page 629, ligne 1.

[84]           Pendant toute cette période, Mme Nastiuk a fait plusieurs tentatives pour trouver un autre travail. Le 24 octobre 2006, elle a passé une entrevue pour un poste d’agente de probation au ministère de la Justice du Manitoba. On lui a dit qu’elle s’était bien débrouillée à l’entrevue. Cependant, la personne-ressource chargée du processus d’embauche, Rose Bear, a par la suite informé Mme Nastiuk qu’il lui avait été impossible d’obtenir des références de M. Sinclair et que cela était essentiel au processus, car il était le directeur administratif du CGG. Mme Nastiuk a aussi présenté sa candidature, sans succès toutefois, aux postes de conseillère en études postsecondaires, administratrice du logement, travailleuse des services familiaux et adjointe en éducation spécialisée, tous des postes qu’offrait la PNC.

[85]           En décembre 2006, Mme Nastiuk a présenté au gestionnaire de la PNC, Dale Morrisseau, une liste de conditions dans lesquelles elle retournerait travailler au CGG à titre de gestionnaire de cas, en n’ayant, notamment, aucun contact direct avec M. Sinclair.

[TRADUCTION] Me Bryson : Très bien. Je veux que ce soit clair. À partir du moment en juin 2006 où vous avez porté cette affaire à l’attention de la Première Nation de Couchiching, M. Sinclair n’a jamais eu de contact indépendant avec vous de nouveau, chez vous à la maison ou par votre téléphone résidentiel, n’est-ce pas?

Mme Nastiuk : Durant le mois de juin, je crois qu’il y a –

Me Bryson : Non, ce que je veux dire, c’est après la réunion avec le chef en juin – fin juin 2006?

Mme Nastiuk : Non, je ne m’en souviens pas.

Me Bryson : Donc, le seul contact que vous auriez eu avec M. Sinclair après ce stade aurait été au moment où vous seriez revenue au travail, au CGG, est-ce exact?

Mme Nastiuk : Oui.

Me Bryson : Et cela c’était conformément aux conditions dont vous aviez convenu avec M. Morrisseau et M. Sinclair, est-ce exact?

Mme Nastiuk : M. Morrisseau a souscrit aux conditions que j’avais rédigées conformément aux instructions de la Commission ou suivant sa recommandation.

Transcription : page 641, lignes 3 à 25; page 642, lignes 1 et 2.

[86]           Mme Nastiuk est ensuite retournée travailler au CGG, une expérience qu’elle a qualifiée de traumatisante. Selon elle, malgré les conditions de l’entente concernant son retour au travail, M. Sinclair a persisté à envahir ses limites personnelles et la PNC n’a rien fait de concret pour faire obstacle à ses agissements et à ses omissions :

[TRADUCTION] Mme Nastiuk : Je suis partie à cause de la façon dont M. Sinclair me rabaissait et avait totalement changé les responsabilités de ma – description de tâches et parce que je m’étais rendu compte au cours des quelques semaines précédentes que les choses s’aggravaient encore et je savais que je – je ne me sentais pas en sécurité, notamment avec la médiation qui s’en venait. Et je me disais que les choses allaient juste empirer – je savais que les choses allaient empirer et c’est pourquoi je suis partie.

Me Bryson : Et comment le saviez-vous?

Mme Nastiuk : Parce que c’était évident. Il y avait une constante. Chaque – quand il était – c’était comme – quand je suis revenue au cours de 2007, de temps en temps je sortais de mon bureau et il était là, assis droit – dans un fauteuil juste à l’extérieur de mon bureau et je me disais, eh bien, bon Dieu, cela est tout à fait contraire à l’entente, et je recevais plus tard un appel téléphonique de Krista Dezaso et je découvrais qu’en fait elle s’était entretenue avec M. Sinclair plus tôt ce jour-là. Pour moi, c’était donc de l’intimidation.

Me Bryson : Vous n’avez pas déposé un grief à ce sujet auprès de la PNC, n’est-ce pas?

Mme Nastiuk : Je ne pouvais pas déposer un grief pour tout, mais je suis sûre d’avoir discuté de ce genre de choses, pas chaque fois, cela arrivait trop souvent et je ne pouvais pas toujours arrêter et appeler Dale et dire, Dale […]

Mais assez souvent je le laissais savoir à Dale, soit par écrit, soit par téléphone. Et après un certain temps, il avait été probablement plus facile de téléphoner tout simplement, plutôt que de remplir tous les documents.

Me Bryson : Mais vous n’avez pas téléphoné –

Mme Nastiuk : À quoi bon? Rien ne marchait, même si j’en informais Dale. Les choses ne s’amélioraient pas, elles empiraient.

Transcription : page 663, lignes 14 à 25; page 664, 1 à 25; page 665, lignes 102.

[87]           En août 2007, agissant en vertu de son pouvoir d’administrateur de bande, M. Morrisseau a autorisé Mme Nastiuk à s’absenter du travail jusqu’à ce qu’une médiation préalablement organisée avec la Commission des droits de la personne ait lieu. Tant M. Morrisseau que Mme Nastiuk espéraient recourir à une médiation de la Commission en vue de régler sa plainte tout entière.

[88]           Vers le 15 août 2007, M. Morrisseau a transmis des conditions de règlement, obtenues par voie de médiation, au chef et au conseil; cependant, à sa grande surprise ainsi qu’à celle de Mme Nastiuk, le règlement a été rejeté. Au cours de la même période et par coïncidence, M. Sinclair a mis fin à l’emploi qu’il exerçait au sein de la PNC, ayant trouvé un emploi qui lui convenait davantage auprès d’une autre Première Nation.

[89]           Mme Nastiuk n’est pas retournée au travail et a déposé une plainte de congédiement déguisé auprès de Ressources humaines et Développement des compétences Canada en novembre 2007.

N.                La plainte de représailles

[90]           Le 31 mars 2008, Mme Nastiuk a déposé une plainte de représailles contre la PNC en vertu de l’article 14.1 de la LCDP, alléguant que les représailles avaient eu lieu [TRADUCTION] « à partir du 16 août 2006 ».

[91]           Mme Nastiuk soutient que la PNC était tenue d’offrir un lieu de travail sain et sûr et qu’elle ne l’avait pas fait. Elle allègue aussi que la PNC n’a pas pu prévenir sa plainte, ni réagi convenablement à cette dernière, même si elle était au courant des détails précis. Selon Mme Nastiuk, la PNC n’a prévu aucune mesure de prévention et a omis de prendre des mesures correctives concrètes et d’atténuer les conséquences et les préjudices qu’elle a subis.

III.             La réponse de M. Sinclair

[92]           M. Sinclair est un Ojibway, né et élevé à Fort Frances, le septième de neuf enfants. Il a grandi dans une famille où la mère était très bonne et le père violent. Il a travaillé dans le domaine de la construction pour un entrepreneur en maçonnerie, a appris le métier et a lancé sa propre entreprise tout en travaillant pour cet entrepreneur. À cette époque, il était au milieu de la vingtaine, marié et père de deux enfants. Usé par le travail physique, M. Sinclair a commencé à chercher comment devenir conseiller et il y est arrivé :

[TRADUCTION] C’est ainsi que depuis les trente dernières années, je consacre ma vie à travailler auprès des membres, des enfants et des familles des Premières nations, ainsi qu’à mettre sur pied des services de guérison pour mon peuple. Et j’ai mis au point de nombreux programmes et services au fil des ans.

Transcription : page 2079, lignes 22 à 25; page 2080, ligne 1.

 

[93]           À la fin de 2005, M. Sinclair a reçu un appel du chef McPherson, qui lui demandait d’aider à régler une crise de gestion qui avait éclaté au centre de guérison Giizhikaandag de la Bande, à Fort Frances. En moins d’une semaine, il avait passé en revue le programme du CGG, ses résultats et ses renseignements financiers, et il avait établi un plan de restructuration.

[94]           Le plan de restructuration a été présenté au ministère de la province, en compagnie du chef McPherson et de Mme Roach-Leforte. Le CGG a obtenu une licence provisoire lui permettant de continuer de fonctionner pendant trois mois; cependant, sa clientèle serait limitée à quatre jeunes en traitement, plutôt que le nombre maximal habituel de huit.

A.                Le travail avec Mme Nastiuk

[95]           M. Sinclair a décrit la situation à laquelle il était confronté ainsi que la façon dont il a travaillé avec Mme Roach-Leforte et Mme Nastiuk :

[TRADUCTION] […] Ma personne-ressource principale était Gail Roach-Leforte. […] Donc, au tout début, il y avait Gail et moi-même qui examinions le travail qu’il fallait faire pour améliorer le service et apporter des changements aux services fournis au centre de guérison Giizhikaandag.

J’avais maintenant besoin d’une personne pour s’occuper du traitement de texte, de la dactylographie. Il y avait des travaux de développement que je devais faire, mais nous avions quatre garçons en traitement et j’ai décidé que la meilleure façon de le faire, de me permettre de faire mon travail était de demander à Gail de s’occuper du volet « traitement », de se concentrer principalement sur le volet « traitement », le programme existant, et, moi, je m’occuperais du travail, du travail de développement en vue d’améliorer le service. Et c’est ce qui est arrivé.

Une partie de ce travail se faisait avec le traitement de texte. Moi, je suis nul devant un ordinateur et en dactylographie. J’ai toujours eu des membres du personnel qui faisaient ce travail. Et j’ai fait savoir à Gail que j’avais besoin de quelqu’un, il fallait que j’engage quelqu’un qui pouvait le faire et bien le faire. Elle a recommandé Marlo Nastiuk, qui était – travaillait au Giizhikaandag comme préposée de relève.

Gail et Marlo s’étaient déjà rencontrées auparavant […] Gail a dit qu’elle savait que Marlo voulait faire davantage d’heures de travail et avait d’excellentes compétences en matière de dactylographie, et je me suis donc organisé pour que Marlo vienne me rencontrer. Cela a eu lieu. Nous avons parlé du travail qu’il fallait faire. Et – comme, un guide de procédures et d’autres documents et ainsi de suite qu’il fallait améliorer. Et c’était – nous – nous nous sommes entendus et elle a convenu qu’elle ferait ce travail là.

Transcription : page 2097, lignes 8 à 25; page 2098, lignes 1 à 7 et 12 à 20.

[96]           M. Sinclair a déclaré qu’il y avait, à l’extérieur de son bureau, une vaste pièce dans laquelle se trouvait une table habituellement utilisée pour les réunions du personnel et les conférences. Il a déclaré que le premier poste de travail de Mme Nastiuk se trouvait dans cette pièce, à une table distincte située dans le coin, où elle avait son ordinateur et du matériel de bureau :

[TRADUCTION] […] des réunions avaient encore lieu dans cette zone externe et elle s’efforçait de faire son travail dans le coin de cette même pièce pendant que certaines réunions se déroulaient, elle est venue me voir et m’a dit : c’est impossible. Cela ne fonctionne pas. Et Mme Nastiuk a suggéré que, dans mon bureau, si je déplaçais quelques éléments du mobilier, elle pourrait installer son matériel dans mon bureau, dans le coin de mon bureau, et ça, c’est Mme Nastiuk qui l’a suggéré.

 […] c’était une situation fort inusitée. Je m’en méfiais. Elle en a parlé davantage et, en fait, c’est la façon dont mon épouse et moi-même travaillons lorsque j’effectue, à partir de chez moi, du travail de développement. […]

J’ai accepté que sa table de travail soit située dans le coin de mon bureau et que cela lui permette de quitter l’endroit où les réunions avaient lieu et – c’est cela qui s’est passé.

 […] le bureau de Marlo a fini par être aménagé dans l’autre bâtiment après un certain temps. […]

Transcription : page 2108, lignes 5 à 17; page 2109, lignes 2 à 5, 22 et 23.

[97]           M. Sinclair a parlé de son arrangement de travail avec Mme Nastiuk au cours des trois premiers mois de restructuration du programme du CGG :

[TRADUCTION] […] Je passais en revue les feuilles, j’effectuais des changements pour ce nouveau programme, je les lui remettais, elle apportait les changements à l’ordinateur. Et le délai prévu pour la restructuration de ce programme était de trois mois […] il fallait qu’il y ait une quantité considérable de travail parce que ce n’était pas juste le guide de procédures. Il y avait des changements qui avaient lieu dans d’autres secteurs du programme.

Il y avait des rapports, et il n’y avait pas eu de directeur depuis un certain temps. Il y avait des rapports qu’il fallait établir, qui étaient en retard. Il y avait donc du rattrapage à faire dans certains secteurs; en même temps, il y avait de nouveaux travaux de développement qui se produisaient […] c’était vraiment occupé […]

Mais, en plus de cela, il y avait d’autres travaux qui se déroulaient. Il y avait des documents qui étaient en retard, et parfois nous mettions de côté le travail relatif au guide de procédures et nous accomplissions d’autres tâches qu’il fallait effectuer. Il y avait donc aussi du rattrapage. […]

Transcription : page 2110, lignes 19 à 25; page 2111, lignes 1 à 7 et 21 à 25; page 2112, ligne 1.

[98]           M. Sinclair a déclaré qu’il avait eu des conversations personnelles avec Mme Nastiuk au cours des trois premiers mois de restructuration du programme du CGG :

[TRADUCTION] Vous savez, il arrivait que nous arrêtions de travailler, que nous prenions un café, et que nous bavardions. Et ça n’a pas été long – il ne m’a pas fallu longtemps pour me rendre compte que Mme Nastiuk […] avait d’excellentes compétences. […] Elle avait à cœur le travail qu’il fallait accomplir.

Travailler toute la journée et prendre une pause au souper ou prendre une pause avec les garçons ou qui que ce soit d’autre pour souper, sortir et aller chercher du poulet ou autre chose et le ramener pour souper, des choses comme celles-là arrivaient et le travail se poursuivait dans – dans la soirée. Prendre une pause, prendre un café et – parfois parler.

Il n’a pas fallu longtemps pour se rendre compte que cette – personne, vous savez, avec ce nouveau diplôme, elle était – cherchait du travail, mais n’avait pas été – et elle m’a fait savoir qu’elle n’avait pas eu de succès […] Mais il était évident qu’elle avait des compétences et […] qu’elle apprenait rapidement.

Pendant nos pauses, nous parlions surtout du travail. Du travail qui se faisait, du travail qui avait été fait, mais il y avait aussi des fois où nous parlions d’une émission de télévision ou d’un autre sujet, comprenez-vous? Nos pauses-café duraient dix, quinze minutes, et nous retournions au travail. La plupart du temps, le travail durait jusqu’à 18 h 30 ou 19 h pour ce manuel ou d’autres documents qu’il fallait établir – terminer.

Transcription : page 2113, lignes 10 à 25; page 2114, lignes 1 à 17.

[99]           M. Sinclair est revenu sur les conversations personnelles un peu plus tard lors de son témoignage direct :

[TRADUCTION] Lors des pauses-café, après un certain temps – je crois que c’est quand Mme Nastiuk et moi avons appris à nous connaître un peu plus après avoir travaillé ensemble pendant un certain temps, la conversation pouvait passer du niveau professionnel au niveau personnel. Elle parlait de – vous savez, elle avait une fille et nous pouvions parler de sa fille. Et il y avait mon épouse et mon fils à Thunder Bay, et mes enfants et mes petits-enfants à Sault Ste. Marie. Je crois donc qu’étant donné que nous, comment dire, travaillions ensemble, le fait d’apprendre à se connaître au cours d’une certaine période a créé un certain sentiment d’aise.

Il est arrivé des fois où, vous savez, au lieu de faire une pause pour souper – j’ailais au poste d’essence et là – il y avait des repas de poulet et que l’on pouvait préparer. Et, vous savez, j’y allais, j’en achetais et je le ramenais et le souper était prêt tout de suite. Après le souper, le travail se poursuivait pendant une heure à peu près. […] Cet arrangement a duré – voyons voir. C’est en février que j’ai embauché Mme Nastiuk. Je dirais donc mars, avril – deux mois probablement.

La présidente : Par arrangement, voulez-vous dire avec sa table de travail dans votre bureau?

M. Sinclair : Dans mon bureau, c’est exact.

Transcription : page 2120, lignes 11 à 25; page 2121, lignes 1 à 4 et 9 à 18.

[100]       M. Sinclair a déclaré qu’au cours de cette période très mouvementée de trois mois, il faisait de temps à autre des mises à jour à un comité de restructuration formé du chef, du conseiller Dick Bird, de Mme Roach-Leforte, ainsi que d’un membre du personnel qui rédigeait le procès-verbal de la réunion.

[101]       Dans son témoignage, M. Sinclair a décrit de quelle façon il avait restructuré le personnel et les rôles des employés, doté les postes vacants et pris les dispositions nécessaires pour que des consultants professionnels soient disponibles; il a ajouté qu’il avait créé un nouveau poste de gestionnaire de cas parce que l’habitude qu’avait le CGG de recourir à des travailleurs de première ligne pour produire des rapports donnait lieu à des incohérences qu’il attribuait à leurs compétences rédactionnelles différentes. Il est vraisemblable qu’il ait souscrit à l’avis de Mme Roach-Leforte à cet égard. En fin de compte, Mme Nastiuk est devenue la première gestionnaire de cas au CGG. M. Sinclair faisait partie du comité de sélection.

B.                 Les relations de Mme Nastiuk avec le personnel du CGG

[102]       En réponse aux allégations de Mme Nastiuk selon lesquelles le milieu de travail au CGG était hostile, tant l’avocate de la PNC que M. Sinclair ont interrogé Mme Nastiuk sur le rôle qu’elle a joué dans ce problème.

[TRADUCTION] M. Sinclair : Mme Nastiuk, combien de fois pensez-vous avoir – vous savez, être venue me voir au sujet de problèmes liés à vos collègues de travail?

Mme Nastiuk : Je ne sais pas, plusieurs.

M. Sinclair : Très bien. Et étiez-vous au courant que vos collègues de travail venaient aussi me voir au sujet de problèmes qu’ils avaient avec vous?

Mme Nastiuk : Je sais qu’il y en avait deux ou trois.

M. Sinclair : Très bien. Vous êtes donc consciente que je devais rencontrer certains de vos collègues de travail qui me faisaient part de problèmes liés à vous-même au travail?

Mme Nastiuk : Vous m’aviez dit que vous en aviez rencontré deux ou trois, oui.

M. Sinclair : Très bien. Appréciiez-vous le travail que vous faisiez en tant que gestionnaire de cas à Giizhikaandag?

Mme Nastiuk : Oui.

M. Sinclair : Appréciiez-vous les contacts que vous aviez avec les garçons à Giizhikaandag?

Mme Nastiuk : Oui, je les appréciais.

C.                Les problèmes de santé de Mme Nastiuk – Le témoignage de M. Sinclair

[TRADUCTION] M. Sinclair : Durant ces premiers mois de travail, après avoir embauché Mme Nastiuk, celle-ci m’a informé de quelques problèmes de santé qu’elle — dont elle souffrait et qui pouvaient avoir une incidence sur son travail. Cela a été apprécié.

Je – je – elle m’a informé qu’elle souffrait de fibromyalgie, et comme je ne connaissais pas très bien cette affection, elle m’a renseigné sur ce qu’était la fibromyalgie. Et la raison pour laquelle j’en parle, c’est que Mme Gail Roach-Leforte et moi étions tous deux inquiets au sujet de Mme Nastiuk – elle travaillait trop, apportait trop de travail à la maison et ne se reposait pas comme il faut, et cela allait se répercuter davantage sur son état de santé. Et nous l’avons donc arrêtée. Lorsque nous la voyions sortir de son bâtiment avec une pile de travail en main pour la soirée, nous lui faisions savoir que ce n’était pas une chose que nous voulions qu’elle fasse. Et, même au travail, à cause de la fibromyalgie, elle travaillait durant les heures de repas. C’était une personne qui avait très à cœur, c’est certain, le travail qu’il fallait faire, mais c’était au point de – de négliger sa – sa propre santé.

Et ainsi, vous savez, nous devions – il fallait que je lui dise de ne pas rester au bureau à l’heure du dîner, mais si vous – elle voulait rester au bureau, cela n’allait pas marcher. Elle devait faire une promenade, et les personnes souffrant de fibromyalgie doivent faire de l’exercice. Vous devriez – faire une promenade, vous détendre, vous éloigner du lieu de travail et ainsi de suite.

Donc – en tant que superviseur, je crois qu’une attention spéciale avait été accordée pour aider cette employée – et pour l’aider à rester au travail en lui rappelant qu’elle était censée prendre soin d’elle. Et cela est arrivé – je sais, c’est à – ces choses sont arrivées un certain nombre de fois.

Transcription : page 2159, lignes 22 à 25; page 2160, lignes 1 à 25; page 2161, lignes 1 à 6.

D.                La réponse de M. Sinclair à des allégations particulières de harcèlement

(i)                 L’humiliation

[103]       En contre-interrogatoire, M. Sinclair a posé des questions très pertinentes à la plaignante, lui présentant, au sujet des rapports qu’ils entretenaient, une version qui différait de ce qu’elle avait déclaré dans son témoignage direct. En agissant ainsi, il a donné à Mme Nastiuk la possibilité, au cours de son propre témoignage, d’adhérer ou non à sa version.

[104]       Un point important dans le contre-interrogatoire de M. Sinclair a été soulevé quand celui ci a attiré l’attention de Mme Nastiuk sur la pièce C 2, onglet 71, sous la section intitulée [TRADUCTION] « Humiliation », et il lui en a lu un passage.

[TRADUCTION] « M. Sinclair a tout fait pour me subjuguer mentalement, émotionnellement, spirituellement et physiquement en créant une dépendance à son égard parce qu’il est parvenu à convaincre d’autres membres du personnel à me prendre en aversion et à me marginaliser. » C’est très sérieux. Mme Nastiuk, comment ai je fait cela?

Mme Nastiuk : Quelle partie? Cela n’est pas très –

M. Sinclair : Parce qu’il est parvenu à convaincre d’autres membres du personnel à me prendre en aversion, cette partie-là. Cela concerne –

[…]

Mme Nastiuk : Très bien. Où est-ce que je commence avec ça? Nous étions montés à l’étage pour travailler avec vous et avec Gail, les membres du personnel avaient l’impression que je bénéficiais d’un traitement spécial que d’autres employés devraient – auraient dû probablement être choisis, car ils étaient là depuis plus longtemps. Un traitement spécial? M’apporter du café et des biscuits, me garder dans votre bureau pendant de longues heures, et vous saviez qu’au rez-de-chaussée, les employés voyaient cela d’un mauvais œil – ce genre de choses. Quand je vous ai demandé de régler certains de ces problèmes, vous avez refusé. Et plus tard, au fil du temps, il y a eu une sorte de – je ne sais pas si triangulation est le mot exact, nous monter les uns contre les autres.

La présidente : Quand vous dites « nous », de qui s’agit-il?

Mme Nastiuk : Divers employés. C’est-à-dire, cela – ce n’est pas juste à moi que cela est arrivé, c’est arrivé à d’autres employés, et ceux-ci voyaient ça d’un mauvais œil et vous mettiez en marche ce processus, mais, dans ce cas-ci, dans mon cas je suppose, M. Sinclair a fait remarquer que les employés ne m’appréciaient pas; quand j’ai commencé à gérer les cas, il m’a donc dit de m’adresser directement à lui pour les rapports, les informations dont j’avais besoin pour les garçons pour mon plan de soins. Je ne m’adressais pas directement au personnel. Il y avait – voici un exemple : un jour je suis allée au travail et mon classeur de gestion de cas avait disparu. J’ignorais où il se trouvait, ce classeur, qui est censé être verrouillé en tout temps.

La présidente : Est-ce qu’il ressemble à un classeur à dossiers?

Mme Nastiuk : Comme un classeur en métal. Il y avait deux tiroirs (inaudible), quelques étagères contenant des dossiers sur les garçons et, en dessous, il y avait quelques tiroirs. Je regardais partout, essayant de deviner où les dossiers de cas se trouvaient. Diane Bart (ph.) est arrivée et elle m’en a parlé et m’a demandé comment je me sentais? Et je lui ai dit que – je suppose qu’à ce stade j’ai dit, très bien, c’est juste un autre – un autre coup porté contre moi.

M. Sinclair : Où était le classeur?

Mme Nastiuk : Eh bien, quand je suis descendue au rez-de-chaussée j’ai vu qu’il se trouvait devant le bureau du personnel. Diane et – Diane Morrison et Georgina (inaudible) à l’époque, et Mike Henderson était présent lui aussi, et j’ai demandé qui avait déplacé le classeur. Et ils n’ont pas vraiment dit grand-chose, mais pendant que je m’éloignais ils ont fait un – ou Georgina a fait un commentaire : pourquoi est-ce qu’il faudrait obtenir sa permission ou quelque chose du genre, qui est-elle pour décider si on va prendre le classeur ou non. Et j’ai fait demi-tour, je suis rentrée de nouveau dans le bureau, Mike se trouvait juste là et j’ai dit depuis quand est-ce que le personnel se permet d’entrer dans – un bâtiment à bureaux et de déplacer le mobilier? Et on n’en a jamais parlé et il y a un certain nombre de choses comme celle-là dont on n’a jamais parlé.

Les employés ont vu qu’il était possible de me manquer de respect, on n’en a jamais parlé. Même si vous posez directement la question à M. Sinclair, cela n’est jamais arrivé. Sa réponse à cela a été tout simplement : trouvez-moi un nouveau classeur à dossiers. Je ne dis pas que toutes les difficultés que j’ai eues avec le personnel étaient dues à M. Sinclair, et j’en ai parlé hier, mais je crois, ou au cours des derniers jours quand j’ai fait référence au fait de parler de mon instruction, en essayant – en pensant que ce serait utile et j’ai réalisé que cela ne l’était pas, que c’était préjudiciable.

M. Sinclair : L’exemple que vous avez donné ne répond pas vraiment à la question, le scénario du classeur à dossiers.

La présidente : C’est juste.

Mme Nastiuk : Eh bien, j’ignore ce qui se passait en coulisse, mais il y avait sûrement des problèmes. C'est-à-dire que je ne peux pas parler à ceux parce que personne, jamais – eux tous – je peux parler de –

La présidente : Eh bien, je ne – j’essaie d’aider au bon déroulement de cette affaire, pas d’y faire obstacle, mais quand on vous a posé la question –

Mme Nastiuk : Très bien.

La présidente : – vous avez donné quelques exemples. Vous avez dit que lorsqu’on vous a déménagé à l’étage ou que vous avez déménagé à l’étage, cela a été perçu comme un traitement spécial, vous deviez rester dans le bureau durant de longues heures, il vous apportait du café ou du thé et des biscuits. Quand vous avez demandé qu’il règle ces problèmes et ensuite d’autres choses comme le classeur, il a refusé ou rien ne s’est tout simplement passé, le fait qu’il s’est livré à de la triangulation, qu’il vous a montée contre d’autres membres du personnel, et le fait que cela s’est passé avec des membres du personnel autres que vous-même également. Avez-vous quelque chose à ajouter à cela?

Mme Nastiuk : Hum –

La présidente : Et vous avez dit également que vos problèmes avec le personnel n’étaient pas tous de sa faute, mais vous dites que c’est lui qui a fait ces choses-là?

Mme Nastiuk : Oui. Je ne sais pas, comme, je n’en suis pas tout à fait sûre, mais je sais qu’il y a eu cet effet après mes contacts avec M. Sinclair, surtout Brian, Diane et Ida, c’est comme s’ils pensaient tous qu’ils pouvaient avoir mon poste, et que tous me traitaient – ils étaient très impolis, irrespectueux. Leur comportement n’a pas cessé, en fait à la longue il a empiré, jusqu’à ce que Dale intervienne avec Ida au moins et qu’il nous a empêchés, Barb et moi, de participer aux réunions. C’est comme si le manque de respect ne faisait qu’empirer. Il nous traitait de manière irrespectueuse, sans dignité, il nous humiliait, et c’était bien comme ça.

Transcription : page 920, lignes 15 à 25; page 921, lignes 1 à 3 et 8 à 25; page 922, lignes 1 à 25; page 923, lignes 1 à 25; page 924, lignes 1 à 25; page 925, lignes 1 à 25.

(ii)               Les commentaires de nature sexuelle

[105]       Vers la fin de son contre-interrogatoire de Mme Nastiuk, M. Sinclair est devenu très précis et a traité des allégations de Mme Nastiuk selon lesquelles il lui avait fait un certain nombre de commentaires d’ordre sexuel :

[TRADUCTION] M. Sinclair : Dans toute votre documentation, Mme Nastiuk, vous faites référence à des commentaires sexuels que j’aurais faits. Pouvez-vous m’en donner un exemple?

Mme Nastiuk : Des commentaires sexuels? Oh, j’ai fréquenté son épouse, j’ai fréquenté sa conjointe, les femmes m’apprécient, les femmes non autochtones.

M. Sinclair : Qu’est-ce que cela a à voir avec la sexualité?

Mme Nastiuk : Eh bien, c’était déplacé. Selon moi, c’était comme si vous me disiez quelque chose à votre sujet, cela semblait tout à fait déplacé. Cela –

M. Sinclair : En quoi –

Mme Nastiuk : – me mettait mal à l’aise.

M. Sinclair : Très bien. Dans quel contexte, ces choses que vous avez mentionnées, dans quel contexte et où cela a-t-il eu lieu?

Mme Nastiuk : Cela arrivait habituellement dans votre bureau, pendant que nous nous trouvions à l’extérieur.

M. Sinclair : Non, je fais référence aux commentaires que vous venez tout juste de faire. Où est-ce que cela est arrivé. Où est-ce que cela a eu lieu?

Mme Nastiuk : Oh, j’ai fréquenté son épouse, oh, j’ai fréquenté sa conjointe, les femmes m’apprécient, ces commentaires-là?

M. Sinclair : Dans une conversation que nous avons eue vous et moi? Le contexte est important, Mme Nastiuk.

Mme Nastiuk : Le contexte?

M. Sinclair : Dire une chose comme celle-là c’est préjudiciable, comprenez-vous, ça peut être très préjudiciable. C’est donc clair, dans quelle conversation et où a-t-elle eu lieu cette conversation qui est claire comme de l’eau de roche?

Mme Nastiuk : Pendant que nous nous trouvions à l’extérieur de votre bureau, en haut de l’escalier. Vous avez fait ce commentaire, je me souviens d’au moins un type entrant dans le centre dans lequel était placé un de ses enfants et vous avez dit : oh, j’ai fréquenté son épouse. Je ne me souviens pas du contexte exact.

M. Sinclair : Qui était cette personne, le savez-vous?

Mme Nastiuk : Dick Spencer. Dick Spencer.

M. Sinclair : Et quelle a été ma réponse quant au moment où j’aurais fréquenté son épouse?

Mme Nastiuk : C’est ce que vous avez dit.

M. Sinclair : Était-il marié? Était-elle mariée?

Mme Nastiuk : Je n’en ai aucune idée.

M. Sinclair : Étions-nous adolescents?

Mme Nastiuk : Je n’en ai aucune idée. Tout ce que vous avez dit, c’est : j’ai fréquenté son épouse.

M. Sinclair : Vous ne vous souvenez d’aucune réponse de ma part à ce commentaire?

Mme Nastiuk : Une réponse à quoi? Vous avez fait le commentaire, pourquoi voudriez vous y répondre? Je n’y ai pas répondu. J’ai juste pris un certain recul.

M. Sinclair : Dites-vous tout au sujet de ce commentaire, ou omettez-vous quelque chose, Mme Nastiuk? Passez-vous sous silence une partie de ce que j’ai dit?

Mme Nastiuk : Ces commentaires au sujet d’avoir fréquenté son épouse, ou oh, j’ai fréquenté sa conjointe, ces commentaires sortaient de nulle part, selon mon souvenir. Il est possible que, parfois, vous parliez de l’époque où vous étiez jeune et profitiez de (inaudible).

M. Sinclair : À ce moment particulier, est-ce de cela que je parlais?

[…]

Mme Nastiuk : Le contexte de l’ensemble – ou pas des conversations, parce que c’était juste vous qui parliez et qui me disiez, vous faisiez référence, je crois, aux années 60, quand vous étiez donc plus jeune, avec certains de ces commentaires. Et vous appréciiez vraiment la liberté des années 60. Je ne vous ai pas demandé de clarifier ce que vous disiez, je n’ai rien dit en retour, vous parliez tout bonnement et vous m’avez dit ça.

M. Sinclair : Mme Nastiuk, vous parlez de la vérité là, très bien. Et où cette conversation a-t-elle eu lieu? Vos souvenirs sont en train de revenir, où cette conversation –

Mme Nastiuk : Votre bureau.

M. Sinclair : – a-t-elle eu lieu?

Mme Nastiuk : Votre bureau ou parfois les commentaires – c’est surtout dans votre bureau, mais, comme, le oh, j’ai fréquenté son épouse, sa conjointe, je me souviens davantage de ceux-là – c’est arrivé dans votre bureau, mais plus souvent à l’extérieur, lorsque nous étions debout en train de fumer une cigarette au haut de l’escalier. Et, une fois, vous aviez dit que les femmes vous appréciaient, les femmes non autochtones aussi, lorsque nous nous trouvions dans votre véhicule le 7 avril 2006, devant ma maison. Ça, c’était après m’avoir tout dit au sujet de mon lesbianisme et des relations avec les hommes, des activités sexuelles avec les hommes.

M. Sinclair : Le 7 avril, quelle année?

Mme Nastiuk : Le 7 avril, c’était un vendredi, en 2006. C’était le jour où vous avez dit que des gens (inaudible) de l’unité de STAT allaient être là. C’était le jour où j’avais un rendez-vous avec le spécialiste de la vue chez le Dr Ludke. Cette date peut être vérifiée. Cela (inaudible), mais vous aviez fait ce commentaire avant.

M. Sinclair : Et je vous ai raccompagnée en automobile jusqu’à la maison ce jour-là, n’est-ce pas?

Mme Nastiuk : Oui, effectivement.

M. Sinclair : Et comment est-ce arrivé? Étiez-vous – vous aviez un véhicule?

Mme Nastiuk : Je vous avais dit au moins un mois plus tôt que j’avais rendez-vous chez un spécialiste de la vue ou – cela faisait au moins deux semaines que je vous avais laissé savoir que j’avais un rendez-vous avec le spécialiste de la vue parce que vous avez dit qu’il y aurait – peut-être que c’était juste quelques jours auparavant, mais je savais que vous saviez avant ce jour-là que j’avais un rendez vous avec le spécialiste de la vue et, ensuite, la veille, ou deux jours avant, vous m’avez dit que vous alliez rencontrer les gens du Traité no 3 le 7 avril pour présenter l’unité de STAT, et qu’il fallait donc que je vous envoie tout par courriel le 6. Et cela m’a un peu surprise parce que je savais qu’on allait me mettre des gouttes dans les yeux et que je ne serais donc pas en mesure de conduire; c’est donc Tiffany qui m’a conduite jusqu’au centre parce que j’ai dit, eh bien, je pourrais m’organiser pour être disponible pour fournir les informations ou combler les manques d’information nécessaires lors de la présentation.

Je m’y suis donc présentée, il n’y avait là personne du Traité no 3, vous étiez en pleine conférence de cas je crois et je ne savais pas quoi faire parce que Tiffany était, c’était (inaudible) et Tiff avait mon véhicule, je ne savais pas comment la joindre, vous avez offert de me ramener à la maison.

M. Sinclair : Vous étiez là pour une réunion – est-ce exact, vous –

Mme Nastiuk : Je me suis en quelque sorte invitée moi-même à cette présentation sur l’unité de STAT. Vous aviez accepté que je m’y présente.

[…]

M. Sinclair : Très bien. Dans tout ce que vous avez écrit, vous parlez de commentaires de nature sexuelle et vous y faites référence à de nombreuses occasions. Cependant, vous n’avez pas parlé du contexte dans lequel – et où cela est arrivé : est-ce exact?

Mme Nastiuk : Je ne me souviens pas de ce qu’il y a précisément dans mes documents. J’ignore pourquoi je le devrais. Je ne me souviens d’aucune discussion réelle, juste que vous me le disiez tout le temps.

[…]

M. Sinclair : (à la présidente) Sa réponse, vous l’avez entendue, et elle n’a pas précisé dans quel contexte c’était – cela a été fait ou dans quelle conversation – où la conversation a eu lieu, elle n’a pas répondu à cela.

Mme Nastiuk : Oui, je l’ai fait; votre bureau, ou à l’extérieur au haut de l’escalier, à l’extérieur de votre – à l’étage dans votre bâtiment.

M. Sinclair : Eh bien, il y a bien des conversations qui ont eu lieu à cet endroit – sûrement, Mme Nastiuk, mais c’est de cette conversation particulière dont nous parlons.

Mme Nastiuk : Excusez-moi, quelle conversation?

M. Sinclair : Au sujet des commentaires que, selon vous, j’ai faits moi-même qui étaient des commentaires de nature sexuelle. Et il est très important de bien préciser où cela a eu lieu et quel genre de conversation il y a eu. Nous travaillions donc dans une installation qui traitait des délinquants sexuels; est-ce exact?

Mme Nastiuk : Qui traitait des jeunes ayant des comportements sexuels inappropriés ou qui avaient été accusés.

M. Sinclair : Pour un comportement inapproprié –

Mme Nastiuk : Sexuel – des comportements sexuels inappropriés.

M. Sinclair : Très bien. Donc il était courant dans ce lieu de travail de parler de sexualité et de délinquance sexuelle; est-ce exact?

Mme Nastiuk : Pas de sexualité.

M. Sinclair : Que ces jeunes hommes avaient – ou ont eu, excusez-moi, avant de fréquenter le centre de traitement?

Mme Nastiuk : Ce serait habituel lors de la phase d’entretien, au cours du processus de planification du traitement, essentiellement au cours de ces deux processus. Ce n’était peut-être pas toujours directement à l’arrivée, mais, cette phase, quand, vous savez, on essaie de réunir des informations pour voir ce qui s’est passé, pour obtenir les renseignements de base sur ce qui se passait avec eux.

M. Sinclair : Mme Nastiuk, en tant que gestionnaire de cas vous êtes souvent le premier point de contact des travailleurs sociaux et/ou des membres de la famille; n’est-ce pas exact?

Mme Nastiuk : C’est exact.

M. Sinclair : Et vous êtes souvent la première personne qui entend cela de la bouche de ces personnes, ainsi que les infractions sexuelles qui ont été commises?

Mme Nastiuk : Pas toujours. Par exemple, je me souviens que vous et moi nous trouvions à Canora et que vous aviez rencontré le garçon et j’avais rencontré la travailleuse, et vous êtes revenu me raconter une partie de ces informations, ou des informations du garçon sur ses comportements, ce qu’il vous avait dit.

M. Sinclair : Donc, ce genre de conversation était très fréquent dans ce lieu de travail, n’est-ce pas, Mme Nastiuk?

Mme Nastiuk : Au sujet des garçons, c’est-à-dire, dans un certain contexte. Ce n’était pas une chose dont je parlais tout bonnement et – ou même dont je me souviens d’avoir parlé avec d’autres employés au hasard tout simplement. Il y a habituellement un lieu et un contexte pour cela.

M. Sinclair : Vous souvenez-vous d’une conversation qui a eu lieu un soir, quand vous m’avez invité à votre maison, Mme Nastiuk, pour arranger votre appareil de chauffage et après – votre appareil de chauffage manquait de mazout et, après, je suis entré et vous aviez fait du café et vous m’avez invité à rester? Vous souvenez-vous de cela, Mme Nastiuk?

Mme Nastiuk : Non.

M. Sinclair : Vous ne vous en souvenez pas du tout, Mme Nastiuk?

Mme Nastiuk : Non. […]

M. Sinclair : Regardez-moi Mme Nastiuk, voulez-vous? La soirée en particulier dont je vous parle, Mme Nastiuk, et je reviens à un commentaire fait plus tôt au sujet de la discussion sexuelle, ce soir-là est si important que vous pouvez vous en rappeler à ce stade-ci, parce que le contexte de la conversation est clair une fois qu’on en parle.

Mme Nastiuk : Nous n’avons jamais eu de discussions au sujet de commentaires de nature sexuelle quand nous étions dans ma maison, et je ne me souviens même pas que cela ait eu lieu à l’extérieur de ma maison à part le 7 avril quand vous avez commencé à parler du fait que j’étais une lesbienne, ainsi que de mes activités sexuelles avec des hommes et les relations avec les hommes. […]

M. Sinclair : Mme Nastiuk, lorsqu’une personne fait un commentaire et que le contexte dans lequel il se situe n’est pas donné, et que ce commentaire a été fait, est-ce que cela pourrait être préjudiciable? […] Préjudiciable pour moi […] dans ce cas particulier?

Mme Nastiuk : Je ne sais pas comment répondre à cela. Dans d’autres – d’autres situations, d’autres gens je veux dire – des variables, cela dépend d’un tas de variables différentes.

M. Sinclair : Et bien, dans ce cas particulier, je suis (inaudible) accusé ici de harcèlement sexuel, et pour moi il est très important que ces questions soient éclaircies. Le contexte dans lequel les commentaires ont été faits, le simple fait de dire que ceci c’est ce qui a été dit au sujet de commentaires sexuels ou d’une conversation sexuelle, sans donner d’autres informations pour l’éclaircir, ne croyez-vous pas que ce serait préjudiciable – que cela pourrait être préjudiciable, Mme Nastiuk?

Mme Nastiuk : Je suppose que je reviendrais à la fois où j’étais assise seule dans votre bureau et que vous avez commencé à parler et – à parler de vous même et à faire ces commentaires, et que vous n’avez absolument pas tenu compte de la gêne que je ressentais et du fait qu’il était inapproprié pour vous de me faire ces commentaires, et toute cette affaire d’ignorer tout simplement ma réaction ou mon manque de réaction.

M. Sinclair : Avez-vous jamais dit, Tom, ne dites pas ça? Ne parlez pas de ça? Est-ce que vous me l’avez jamais dit, Mme Nastiuk?

Mme Nastiuk : Pas avant – je vous l’ai bien dit, mais pas avant la fin de l’été, l’automne.

M. Sinclair : De quelle année s’agirait-il Mme Nastiuk?

Mme Nastiuk : 2005.

M. Sinclair : Et combien de fois est-ce que je l’ai dit – est-il arrivé que je dise quelque chose et que vous ne m’ayez jamais rien dit? […] Est-ce que cela arrivait souvent?

Mme Nastiuk : Je pense que c’était fréquent, que les employés – qu’ils connaissaient cet air que vous aviez et ils savaient qu’il ne fallait pas réagir, répondre, s’exprimer. C’était fréquent.

M. Sinclair : L’air que j’avais? Et bien, Mme Nastiuk, vous savez, je fais des efforts pour essayer d’éclaircir dans quel contexte vous avez fait des commentaires sur le fait que j’avais eu des propos de nature sexuelle.

Mme Nastiuk : Je crois l’avoir dit. Vous étiez dans votre bureau et vous faisiez ce genre de commentaires. Ou alors, nous étions debout, hors du bureau, au haut de l’escalier de votre bâtiment et vous faisiez des commentaires. Je ne – et ensuite, à part le 7 avril, il y a eu le trajet en automobile, je crois que nous revenions au centre et vous avez rapidement changé – je ne sais pas ce que c’était – ce qui se disait, juste que – je ne crois pas qu’il y avait un véritable contexte, vous avez tout à coup commencé – vous m’avez dit que vous aviez participé à un groupe de formation quelque part et que vous vous étiez tous assis en cercle et prononcé toutes les expressions familières que vous connaissiez pour pénis et vagin et cela m’a mis instantanément en colère. C’était déplacé. Pour quelqu’un qui travaille dans le domaine des services sociaux depuis 20, 25 ans, si vous croyez que la supervision, la formation, le fait d’être seuls dans un véhicule après m’avoir témoigné de force de vos attentions pendant tout ce temps je – il n’y a pas de contexte pour cela. Parler du fait que ma grand-mère avait une réputation, quel contexte peut-il y avoir pour cela?

M. Sinclair : Vous avez dit qu’il était question du fait que j’avais assisté à une formation, est-ce exact? N’est-ce pas ce que vous venez juste de dire, Mme Nastiuk? […] Vous venez juste de mentionner que – que c’était dans un contexte particulier, vous avez situé ce contexte, voyez-vous, que j’avais participé à une formation et que, dans cette formation, il était question de professionnels qui aidaient des gens qui avaient été victimes d’abus sexuels, cela vous ne l’avez pas dit, mais vous avez inclus une partie de cela dans le contexte quand vous avez dit que je suivais une formation quand cela est arrivé – quand – voyez vous ce que je veux dire?

Mme Nastiuk : Je me souviens de l’avoir dit, oui.

M. Sinclair : Voyez-vous ce que je veux dire?

Mme Nastiuk : Et c’est sorti de nulle part. Il y avait – c’est le contexte que vous voulez, mais mon contexte à moi était que j’étais seule dans le véhicule avec vous et que vous avez fait cette remarque. C’était déplacé. Nous ne parlions pas de questions d’ordre sexuel. Je n’ai jamais parlé de questions d’ordre sexuel avec vous et, tout à coup, voilà que vous commencez à faire ce genre de commentaires, surtout avec tout le reste. Ouais, j’étais très – j’en avais vraiment assez.

M Sinclair : Très bien, Mme Nastiuk. Est-ce que vous et moi avons jamais échangé des informations en tant que deux membres des Premières Nations qui ont subi, comment dire, des choses préjudiciables dans leur enfance? Est-ce que vous et moi avons déjà échangé des informations comme celles-là, ouvertement et volontairement?

Mme Nastiuk : Je n’ai pas échangé ce genre d’informations ouvertement et volontairement avec vous. C’était toujours vous qui me posiez des questions sur mes antécédents familiaux ou ma fibromyalgie. Vous disiez ouvertement – je crois que j’ai déjà abordé la question de ce dont vous aviez parlé, que les femmes vous appréciaient et que vous aimiez les années 60, la liberté des années 60, vous parliez de votre – vous essayiez de parler de vos relations et ce n’était pas une chose volontaire, c’était moi qui étais obligée de m’asseoir et de vous écouter ou vous qui tentiez d’obtenir de moi des informations, au point où je […] juste pour que vous arrêtiez […] je me mettais en colère, je vous répondais quelque chose et je me retirais ensuite. Il y a peut-être bien eu quelques conversations qui – quand les choses étaient plus amicales, mais, comprenez-vous, sans aborder – des antécédents d’abus ou des informations personnelles.

M. Sinclair : Est-il fréquent chez les membres des Premières Nations de s’asseoir ces jours-ci, avec toutes les activités de guérison qui ont lieu au sein de nos Premières Nations et de nos collectivités, de parler de questions de guérison? Mme Nastiuk, est-ce une chose fréquente, assez fréquente ces jours-ci?

Mme Nastiuk : Dans des groupes, j’ai entendu dire que c’est fréquent, des cercles d’échange.

M. Sinclair : Croyez-vous que c’est le seul endroit où ces choses se passent? Se partagent?

Mme Nastiuk : Les sueries – c’est – c’est-à-dire, j’ai participé – c’est-à-dire j’ai été présente à quelques cercles de discussion, des cercles de partage auxquels Nicky et Marty avaient participé avec les garçons, mais vous n’étiez pas présent. […]

M. Sinclair : Avez-vous jamais partagé des informations sur votre famille et sur votre enfance avec vous-même, Mme Nastiuk?

Mme Nastiuk : Oui, nous étions en auto – je pense que j’ai parlé de cette balade en auto jusqu’à la ferme d’élevage de wapitis, etc., et vous étiez insistant et j’ai finalement fait un commentaire. Et il y a eu aussi une autre fois dont vous parliez, oh, oui, je me souviens d’avoir vu des parents – (inaudible) des parents avec cinq petits enfants à leur remorque. Et je vous ai vu il y a de cela plusieurs années et – et oh, quoi d’autre? Je – parfois la conversation était amicale, et cela a peut-être été la même conversation, vous me posiez des questions sur mes relations avec mes parents, et je vous avais dit que c’était meilleur avec mon père qu’avec ma mère.

La présidente : Je vous entends mal.

Mme Nastiuk : J’ai effectivement dit à M. Sinclair que ma relation avec mon père était meilleure qu’avec ma mère, mais jamais je n’ai dit cela de moi-même. C’était juste une tentative constante pour me faire parler de moi-même.

M. Sinclair : Mme Nastiuk, le contexte dans lequel les conversations ont eu lieu est fort important, sinon cela peut paraître comme une simple conversation sexuelle. S’il en est question dans le contexte de la guérison de membres des Premières Nations, alors – ces commentaires, une conversation comme celle que nous avons eue, vous et moi. Vous rappelez-vous cela, Mme Nastiuk, les fois où des informations ont été partagées?

Mme Nastiuk : Non.

Transcription : page 1276, lignes 12 à 25; page 1277, lignes 1 à 25; page 1278, lignes 1 à 25, page 1279, lignes 1 à 12 et 21 à 25; page 1280, lignes 1 à 25; page 1281, lignes 1 à 25; page 1282, lignes 1 à 16; page 1284, lignes 4 à 14, page 1285, lignes 4 à 25; page 1286, ligne 1 à 25; page 1287, lignes 1 à 25; page 1288, lignes 1 à 5 et 9 à 23; page 1289, lignes 18 à 21; page 1290, lignes 10 à 11 et 14 à 25; page 1291, lignes 1 à 25; page 1292, lignes 2 à 25; page 1293, lignes 1 à 13 et 15 à 25; page 1294, lignes 1 à 25; page 1295, lignes 1 à 18 et 23 à 25; page 1296, lignes 1 à 5 et 17 à 25; page 1297, lignes 1 à 23.

(iii)             Les appels téléphoniques

[106]       M. Sinclair a parlé de questions liées au CGG, il avait téléphoné de nombreuses fois à Mme Nastiuk et elle l’avait appelé assez régulièrement; les appels de Mme Nastiuk commençaient par des questions relatives au travail, mais, parfois, il était ensuite question de sujets personnels. Certains des appels ont été faits à son domicile à Thunder Bay, mais la plupart du temps, c’était lorsqu’il vivait au domicile de sa mère à Fort Frances.

[TRADUCTION] La présidente : Très bien. Et êtes-vous en train de dire que ces appels ont commencé dès le moment où elle a commencé à travailler avec vous ou […] lorsqu’elle s’est sentie plus à l’aise, plus tard.

M. Sinclair : Pas au début. Après – une fois qu’elle s’est sentie plus à l’aise, vous savez, et que nous avions du temps pour parler simplement de – elle parlait de sa fille et je parlais de mes enfants. Et je pense qu’il y avait un sentiment d’aise dans – dans le fait de parler de – ça devait être la première fois pour nous deux.

Transcription : page 2135, lignes 10 à 12 et 15 à 22.

(iv)             Les visites au domicile de Mme Nastiuk

[TRADUCTION] M. Sinclair : Et ce soir là, après avoir jeté un coup d’œil à la chaudière, quand je suis monté à l’étage, Mme Nastiuk avait fait du café et m’a invité à rester pour en prendre une tasse. Je suis donc allé dans son salon et juste – il y avait un divan et en face du divan un fauteuil et il y avait un poste de télévision et une table de salon entre le fauteuil et le divan. Et – et je ne suis pas sûr des autres meubles qu’il y avait, mais je me suis assis sur le bord du divan, sur le coin du divan, et Mme Nastiuk a apporté le café et s’est assise dans le fauteuil. Et je pense qu’il y avait une table de salon entre les deux. Et je me suis assis au mauvais endroit sur ce divan, parce qu’elle avait un chat qui était très bien portant, un chat obèse, et j’ai fini par m’asseoir à l’endroit où le chat avait l’habitude de se coucher, et le chat est arrivé et m’a fait comprendre que je ne devais pas m’asseoir – m’asseoir là. Et c’était amusant et […] je crois que je me suis déplacé à cause du chat. Quoi qu’il en soit, c’était ce soir-là, comme si c’était seulement du lieu de travail. Il y avait une raison pour laquelle j’étais allé chez elle – à son domicile. Elle a offert du café. Nous nous sommes assis et nous avons parlé, et nous avons parlé comme deux membres des Premières Nations, et – à cause des choses dont nous parlions. C’était un échange c’était personnel et un échange personnel de certaines des […] de ce que c’était que de grandir dans ma maison et elle m’a fait part de ce que c’était que de grandir dans la sienne – sa maison.

Transcription : page 2151, lignes 8 à 24; page 2152, lignes 2, 3 et 5 à 13.

Donc, ce que je veux faire, c’est – c’est faire référence à cela et situer la conversation dans son juste contexte. Des informations communiquées par moi-même sur – les abus que j’ai vécus dans mon enfance et – et la raison pour laquelle je voulais le faire, c’était que, dans toutes les informations que Mme Nastiuk a données, elle fait référence à une conversation de – de nature sexuelle. Et bien, lorsque l’on situe cela dans son juste contexte comme – comme j’essaie de le faire ici – cela brosse un tableau de deux personnes qui sont assises et qui se parlent. Ce n’est pas – ce n’est pas moi qui fais des commentaires de nature sexuelle qui sont méprisants ou – qui la visent, elle.

Transcription : page 2152, lignes 24 et 25; page 2153, lignes 1 à 10.

(v)               La réparation de l’automobile de Mme Nastiuk

[TRADUCTION] M. Sinclair : Quand je travaillais à Giizhikaandag, j’étais en général éloigné de ma famille durant deux semaines à la fois. Et il y avait un certain nombre d’employés, de sexe féminin, qui avaient des véhicules et moi – j’ai offert de réparer les véhicules de trois employées. Mme Nastiuk en était une, Mme Gail Roach-Leforte était la deuxième et Mme Barb Dalsig était la troisième.

Et, pour pouvoir réparer la voiture de Mme Nastiuk, elle se trouvait à son domicile. La voiture se trouvait sur la route, la route principale qui passait devant sa maison. Et j’y ai jeté un coup d’œil et j’ai essayé de la réparer et je n’ai pas pu le faire. Il fallait trouver des pièces de rechange. Et, dans le cas de Mme Gail Roach-Leforte, son véhicule, j’ai laissé le mien chez elle. J’ai pris son véhicule et je me suis rendu chez mon neveu, et j’ai eu son véhicule pour la journée entière. Elle revenait, semble-t-il, de Winnipeg, s’était arrêtée pour faire l’entretien de son véhicule à Winnipeg, avait mis – le véhicule avait besoin d’huile, mais au lieu de mettre l’huile dans le moteur, elle l’avait mis dans – là où va le liquide du radiateur et l’huile s’était répandue dans tout le moteur. Et moi – il m’a fallu un jour pour le démonter et le purger et – et lui ramener son auto. Dans le cas de Mme Dalsig, son véhicule se trouvait tout simplement dans le terrain de stationnement. Il y avait un feu qu’il fallait changer, et ce sont là mes souvenirs de cette affaire.

Donc, il n’est pas juste question du véhicule de Mme Nastiuk. J’ai offert mon aide à d’autres membres du personnel – des membres de sexe féminin.

Transcription : page 2158, lignes 18 à 25; page 2159, lignes 1 à 20.

(vi)             L’aide apportée à Mme Nastiuk pour l’achat d’une automobile

[TRADUCTION] M. Sinclair : « Elle était en congé ce jour-là. Et elle m’a téléphoné […] elle a dit : où êtes-vous? Et je lui ai dit que je me trouvais dans l’ouest de la ville. Et j’ai demandé : pourquoi? Elle a dit, eh bien, je suis chez le concessionnaire Ford. J’ai trouvé un véhicule et j’aimerais que vous y jetiez un coup d’œil et que vous l’essayiez. Et j’ai dit : très bien.

Je suis allé chez le concessionnaire Fort, on m’a présenté le vendeur. Il a mis les plaques sur le véhicule, je me suis assis derrière le volant et, tous les trois, nous sommes allés faire un tour […] nous avons fait demi-tour et sommes revenus au garage.

Et j’ai dit à Mme Nastiuk que je pensais que c’était un bon véhicule. C’était un petit VUS. Et elle l’a finalement acheté. Et je me suis servi de cela comme exemple qu’elle se sentait, vous savez, libre de téléphoner et de demander un peu d’aide […]

Transcription : page 2902, lignes 1 à 20.

(vii)           Le commentaire sexuel sur le « lesbianisme » allégué

[TRADUCTION] M. Sinclair : C’était une après-midi de – vers la fin de l’automne. C’était une après-midi où il tombait un mélange de pluie et de neige. Mme Nastiuk devait se rendre au Centre d’accès aux services de santé, qui se trouve dans la réserve et où les gens peuvent recevoir des services médicaux.

C’est aussi un endroit où l’on amenait les garçons de notre programme pour leurs – leurs examens de santé, etc.

Et cette après-midi-là, Mme Nastiuk est allée au Centre d’accès aux services de santé. Elle est revenue vers trois heures de l’après-midi et, cette après-midi là, quand elle est revenue, Fern et moi étions sortis pour fumer une cigarette. Et c’est à ce moment-là que – que – nous finissions notre cigarette […] que Marlo est arrivée […] et m’a demandé si elle pouvait me parler. Fern est donc partie, et est retournée dans le bâtiment, et Mme Nastiuk et moi sommes restés à l’extérieur, sur le haut du palier de l’escalier. Elle s’est appuyée contre l’intérieur des escaliers et je me trouvais appuyé contre – debout contre l’autre côté […] et elle avait l’air très perplexe et elle a simplement demandé, et ce qu’elle m’a demandé c’est ce que je ferais si elle était lesbienne? Juste – ce sont là les mots exacts. Et j’étais là, debout, et – et je n’ai rien dit au début. Et ensuite, j’ai – je ne l’ai pas interrogée. Je n’ai pas posé de questions sur ce qu’elle venait juste de déclarer. Cela m’a certainement pris par surprise et j’avais besoin d’un peu de temps pour réfléchir et répondre. Et ma réponse a été la suivante : il y a une loi qui protège les personnes contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, et ces personnes ne peuvent pas être congédiées à cause de leur orientation sexuelle. C’est ce que j’ai répondu.

Transcription : page 2171, lignes 3 à 25; page 2172, lignes 1 à 13.

[107]       M. Sinclair a déclaré que Mme Nastiuk a répété le commentaire à deux reprises quand elle est entrée dans son bureau et a déclaré que Doug (M. Broman) était passé chez elle et avait essayé de la convaincre qu’elle était lesbienne.

(viii)         Le commentaire de nature sexuelle allégué au sujet de l’odeur parfumée des cheveux de Mme Nastiuk

[TRADUCTION] M. Sinclair : Et, une fois, elle est entrée – mon épouse m’avait acheté – nous allions tous nous faire coiffer à Thunder Bay. Nous fréquentons le même salon, de sorte que Delores, Cote est moi allions tous nous faire couper les cheveux en même temps. L’un après l’autre, et elle m’a acheté un nouveau – j’avais des problèmes de pellicules au printemps et mes cheveux étaient (inaudible) et elle m’a donc acheté ce nouveau shampoing.

Et j’utilisais ce nouveau shampoing. Mme Nastiuk est entrée dans le bureau un matin. J’étais à mon bureau. Ses cheveux étaient encore humides, et elle est entrée et je pouvais sentir le shampoing. Et je lui ai dit que je pouvais sentir ses cheveux. En vérité, j’ai dit un peu plus que cela. Très bien. Elle a fait un commentaire sur l’odeur des cheveux. J’ai dit que je pouvais sentir ses cheveux. Ils sentent comme le shampoing que j’utilise. C’est là tout ce que j’ai dit.

Transcription : page 2900, lignes 4 à 19.

 


 

E.                 La rencontre avec le chef McPherson

[108]       En réponse aux questions de Me Bryson, l’avocate de la PNC, M. Sinclair a expliqué que, le 14 juin 2006, on l’avait appelé pour assister à une réunion au CGG avec le chef McPherson, Mme Nastiuk et George Emes.

[TRADUCTION] Me Bryson : […] Il semble y avoir bien des désaccords sur ce que le chef McPherson a dit. Vous souvenez-vous qu’il ait dit à Mme Nastiuk qu’aucune mesure d’adaptation ne serait prise pour vous (Mme Nastiuk) au sujet du lieu de travail, arrêt complet?

M. Sinclair : Pas du tout. […]

Transcription : page 3068, lignes 12 à 17.

M. Sinclair : […] Et donc la chef a demandé le – son – comment elle voulait que l’on procède. Et elle a déclaré qu’elle voulait que l’on traite de ses préoccupations et de ses lettres.

Je sais qu’étant donné que l’on approchait de la fin de la réunion, le chef McPherson lui a demandé ce que l’on pouvait faire pour régler l’affaire et elle était sur le point de partir et il a demandé qu’elle lui fasse part plus tard de la façon dont elle voulait continuer, comprenez-vous, comment régler l’affaire à l’interne. Et M. Emes et elle ont quitté la pièce.

Me Bryson : Vous souvenez-vous si elle a fait des suggestions quelconques à cette réunion?

M. Sinclair : Non, je ne m’en souviens pas. […] Oh, il y a un commentaire dont je me souviens. Elle voulait que l’on me révoque en tant que directeur du centre.

Transcription : page 3070, lignes 7 à 20 et 23 à 25.

[…]

Et donc, je pense que le chef McPherson a donné à Mme Nastiuk la possibilité de parler de sa lettre et qu’elle l’a fait. J’ai eu la possibilité de parler après qu’elle eut fini de faire les commentaires qu’elle voulait et il y avait des choses qu’elle avait dites ou écrites que je n’acceptais pas. Et je – je l’ai fait, et il était donc clair dès le départ que ce qu’elle disait et que ce que, moi, je disais étaient très différents.

Transcription : page 3069, lignes 8 à 15.

F.                 Les traitements médicaux de Mme Nastiuk

[109]       En ce qui concerne les symptômes ou les effets que Mme Nastiuk a dit subir à cause de la conduite de M. Sinclair, c’est-à-dire le harcèlement allégué au cours de la période déclaré dans ses plaintes, l’avocate de la PNC et Mme Nastiuk se sont lancées dans une série de questions et de réponses incertaines qui ont pris fin lorsque Mme Nastiuk a dit : [TRADUCTION] « je ne me rappelle pas à ce moment ci quels traitements j’ai reçus exactement, ni quand » Transcription : page 683, lignes 20 et 21.

[110]       Plus tard, en contre-interrogatoire, Me Bryson est revenue sur la question des traitements médicaux.

[TRADUCTION] Me Bryson : Donc, dans ce paragraphe, vous dites que vous avez de la difficulté à dormir, que vous avez commencé à souffrir de douleur au bas du dos, de maux de tête et de troubles gastro-intestinaux, que vous avez commencé à perdre des cheveux à cause du stress et de plusieurs situations qui sont dues à Tom Sinclair. (Vous) avez vécu des moments de panique et d’anxiété.

Est-il juste de dire que la période qui s’applique à cela serait 2005, 2006.

Mme Nastiuk : Pas toute l’année 2005.

Me Bryson : Très bien. N’est-il pas vrai que vous n’avez reçu aucun traitement pour ces problèmes durant ce temps?

Mme Nastiuk : Il y a eu des médicaments.

Me Bryson : Et pour quoi?

Mme Nastiuk : Les maux de tête, les troubles gastro-intestinaux. C’est deux là en 2006. Mais, j’en souffre, mais ces problèmes sont habituellement plus contrôlés, et il peut se passer de longues périodes de temps, des mois, plus d’un an sans que j’aie besoin de ces affaires-là, parfois plus longtemps, mais les facteurs stressants amplifient tout cela, mais pas – le stress amplifie tout ça.

Me Bryson : Donc, êtes-vous en train de me dire que ces problèmes datent d’avant la période que visent vos plaintes, et que, par la suite, ils ont amplifié de temps à autre?

Mme Nastiuk : Les symptômes peuvent être maîtrisés pendant de longues périodes.

Transcription : page 716, lignes 11 à 24.

La présidente : Excusez-moi, ce que l’on vous demande, et c’est en fait juste de répondre oui ou non. Avez vous subi l’un quelconque de ces symptômes avant que surviennent les problèmes dont vous avez parlé avec M. Sinclair?

Mme Nastiuk : Oui.

La présidente : Très bien, c’est ce qu’elle veut dire par antérieur. Donc, vous les avez vécus auparavant et ensuite, je crois que, selon votre témoignage, ils s’amplifient en cas de stress, même s’il peut se passer de longues périodes où ils ne vous ennuient pas, est ce exact?

Mme Nastiuk : Oui.

Transcription : page 718, lignes 5 à 16.

[111]       Cela amène à tirer une inférence de fait, à savoir qu’à part le congé médical que son médecin avait autorisé, Mme Nastiuk n’a pas cherché à obtenir ni reçu des traitements médicaux atténuants durant la période de mars 2005 à mars 2008 pour les difficultés physiques et mentales négatives qu’elle attribuait à M. Sinclair.

 


 

G.                Les remarques faites par M. Sinclair à la fin de son témoignage direct

[112]       J’ai sélectionné plusieurs passages extraits du soliloque de M. Sinclair pour illustrer ses émotions.

[TRADUCTION] Ces cartables – cartables après cartable après cartable. Je les parcours, je regarde une section, et puis une autre, et toutes ces sections m’embrouillent. Pas d’avocat. Je n’ai pas de personnel de soutien pour m’aider. J’avais mon épouse qui m’aidait un peu. Je n’ai produit pas toutes sortes de documents. J’ai vu d’autres personnes en produire. J’ai vu ce que Mme Nastiuk produisait et cela lui prenait quelques heures pour le faire. Elle en a produit beaucoup. Elle mettait beaucoup d’efforts dans ce travail. Elle a fait beaucoup de travail. Je n’avais personne avec moi, pas d’avocat, aucun employé judiciaire. Je suis ici tout seul. Je me représente moi-même ici.

J’ai appris, quand j’étais petit garçon, qu’il ne faut pas mentir. C’est ma mère qui me l’a appris. Dis la vérité. Les mensonges font du mal aux gens. Tout ce que je peux faire, c’est de me présenter ici et de ne pas mentir.

C’est tout ce que je peux faire. Je ne sais pas si je vais gagner ou si je vais perdre. Je ne sais pas si je me suis bien représenté ou non. Je sais que, parfois, je n’avais aucune espèce d’idée de ce que je devais faire.

Transcription : page 2188, lignes 10 à 25; page 2189, lignes 1 à 3.

Vous savez, hier, M. Yerxa s’est assis sur cette chaise et a dit : « pourquoi n’avez-vous pas fait les choses – pourquoi n’avez-vous pas fait les choses à la façon indienne? » Je savais exactement ce qu’il disait.

Il est quatre heures. Il faut que je rentre à Thunder Bay en automobile ce soir. Vous avez demandé de finir à et quart; et bien, j’aurai fini d’ici quatre heures. Et cela a été – cela a été une longue semaine et j’ai hâte de rentrer chez moi.

Transcription : page 2190, lignes 14 à 22.


 

IV.             La réponse de la PNC

[113]       Le chef a expliqué que la PNC compte environ 2 000 membres, dont 750 vivent dans la réserve en compagnie d’un certain nombre de membres d’autres collectivités. Il a déclaré que, en général, suivant le moment de l’année, la PNC emploie entre 130 et 150 membres.

[114]       Le chef McPherson a ensuite déclaré qu’il connaissait M. Sinclair depuis longtemps, probablement une quarantaine d’années, et que, pendant toute cette période, jamais on ne l’avait mis au courant d’une allégation d’irrégularité de nature sexuelle à l’encontre de M. Sinclair. Il a de plus expliqué que quand le centre de guérison de la PNC a connu sa crise de gestion, cela allait obliger la PNC à le fermer, à faire en sorte qu’un autre organisme l’administre, ou à le restructurer.

A.                La connaissance de la plainte de Mme

[115]       Me Bryson, l’avocate de la PNC, a demandé à quel moment les plaintes de Mme Nastiuk ont été portées à son attention pour la première fois.

[TRADUCTION] Le chef McPherson : Au départ, j’ai eu un appel téléphonique de sa part dans lequel elle demandait un – si j’avais le temps de la rencontrer en juin 2006, je crois que c’était. Et elle est venue à mon bureau pour me rencontrer. […] Je crois que c’était, vous savez, un jour ou deux plus tard. […] Elle m’a demandé de lire quelques papiers qu’elle avait écrits. Elle les a présentés et m’a demandé si je voulais bien prendre le temps de les lire tout de suite.

Me Bryson : Et les avez-vous lus?

Le chef McPherson : Oui. Il y était question, je pense de quelques allégations présumées au sujet de M. Sinclair, mais il était surtout question de ses sentiments. Chaque page faisait allusion à ses sentiments. Comment elle se sentait à un moment précis. Comment elle se sentait à cause de ceci, comment elle se sentait à cause de cela, etc.

Et comme j’ai dit, cela – c’était ce qui ressortait principalement des documents, c’était la manière dont elle se sentait à des moments différents. […] C’était contre – contre M. Sinclair. Il était inféré que ce dernier avait commis à son endroit quelques irrégularités.

Me Bryson : De quelle nature?

Le chef McPherson : Sexuelle.

[…]

Me Bryson : Vous souvenez-vous de ce qui s’est passé – comment cette réunion a-t-elle pris fin après que vous avez lu les documents?

Le chef McPherson : Eh bien, je crois que l’on me mettait dans une situation où on me demandait d’agir en quelque sorte comme un juge et j’ai dit pourquoi est-ce que nous ne nous asseyions pas, question d’éclaircir les allégations? Tâchons d’obtenir quelques réponses et d’en arriver à une solution, et cela a déclenché une réunion avec M. Sinclair, Mme Nastiuk, moi-même et, je crois, un homme du nom de George Emes, un ancien agent de police municipal

 […]

Le chef McPherson : Et nous avons soumis à Tom ces (options) pour voir si (il) pouvait décider ou recommander comment utiliser l’installation de la meilleure façon possible.

Transcription : page 2926, ligne 25; page 2927, lignes 1 à 3, 6 à 7 et 10 à 25; page 2928, lignes 1 et 7 à 11; page 2930, lignes 14 à 24; page 2933, lignes 10 à 12.

B.                 La rencontre avec Mme Nastiuk, M. Emes et M. Sinclair

[TRADUCTION] Me Bryson : Très bien. Maintenant, faisons un saut en arrière, je veux que l’on parle de la réunion qu’il y a eu entre vous, Mme Nastiuk, M. Emes et M. Sinclair.

Le chef McPherson : Très bien, nous nous sommes rencontrés au centre de guérison au je – crois que c’était au bureau de Tom. Une discussion en table ronde et je crois avoir été le premier à prendre la parole. Vous savez, juste faire référence à la raison pour laquelle nous étions là et essayer d’en arriver à une certaine – vous savez, s’il y avait un conflit, comment allons-nous faire pour le régler? Et éclaircir les allégations, éclaircir les préoccupations, les commentaires, etc.

 […]

Me Bryson : Mme Nastiuk et M. Sinclair se sont ils entendus sur une version des faits ou –

Le chef McPherson : Non, il n’y avait pas de solution. Ils avaient – des idées différentes sur ce qui s’était passé.

[…]

Me Bryson : Ouais. Donc, ouais, ma question était, vous souvenez-vous d’avoir dit que si vous lui donniez 5 000 $ vous reconnaîtriez que M. Sinclair avait commis des actes répréhensibles?

Le chef McPherson : Je ne me souviens pas d’avoir précisé 5 000 $, mais cette position concorde avec la façon dont je fonctionne, le fait d’offrir de l’argent à Mme Nastiuk aurait été une reconnaissance de culpabilité de ma part à l’égard de M. Sinclair et je n’étais pas prêt à le faire.

Me Bryson : Vous rappelez vous si Mme Nastiuk vous a demandé de faire quoi que ce soit lors de cette réunion?

Le chef McPherson : Non, elle allait m’en reparler plus tard.

Transcription : page 2933, lignes 13 à 24; page 2936, lignes 21 à 25; page 2937, lignes 1 à 7.

[116]       Dans son contre-interrogatoire du chef McPherson, Mme Nastiuk a posé une série de questions et j’en ai choisi plusieurs concernant la première réunion organisée par le chef McPherson et à laquelle ont pris part Mme Nastiuk, M. Emes et M. Sinclair.

[TRADUCTION] Mme Nastiuk : Très bien. Je vais vous le présenter de la façon dont je m’en souviens. À la fin de cela, après avoir parlé des 5 000 $, vous – et les autres commentaires – selon lesquels – j’avais un travail auquel il fallait que je retourne, qu’aucun changement ne serait effectué et aucune mesure d’adaptation ne serait prise relativement au lieu de travail parce que faire cela serait reconnaître que M. Sinclair était coupable et vous n’étiez pas disposé à le faire. Et ensuite, vous m’avez dit de revenir vous dire ce que je voulais. Vous en rappelez vous?

Le chef McPherson : Je me souviens de vous avoir demandé ce qu’il fallait faire pour régler ce problème et du fait que vous alliez m’en reparler. […]

Mme Nastiuk : Je ne me souviens pas de « ce qu’il fallait faire pour régler » parce que vous m’aviez déjà dit que l’on ne pouvait effectuer aucun changement ni prendre de mesure d’adaptation parce que cela reviendrait à reconnaître que Tom était coupable et vous n’étiez pas disposé à faire cela.

La présidente : vous ne pouvez pas lancer simplement des déclarations en l’air comme ça. Avez-vous dit qu’aucun changement ne serait apporté et qu’aucune mesure d’adaptation ne serait prise relativement au lieu de travail parce que ce serait reconnaître la culpabilité de Tom Sinclair et que vous n’étiez pas disposé à le faire? Avez-vous déclaré cela à cette réunion?

Le chef McPherson : Je me souviens d’avoir dit que je n’étais pas prêt à être le juge, c’est vrai. Le juge et jury sur cette question particulière et je vous ai effectivement demandé de me faire part plus tard de ce qui était, selon vous, une solution valable à cette affaire.

[…]

Mme Nastiuk : Vous souvenez-vous de m’avoir dit quelque chose qui n’indiquait pas que je ne voulais pas retourner au travail? Mais je voulais retourner au travail et tout ce que j’ai retiré de cette réunion, c’est que M. Sinclair avait toujours un emploi et que vous n’alliez rien faire du tout pour m’aider à retourner au lieu de travail en toute sécurité et à régler ces problèmes à ce moment-là, donc –

La présidente : Est-ce exact? Son point de vue sur la réunion est-il exact, que vous ne considériez pas qu’il s’agissait juste d’elle qui essayait de revenir au travail dans un milieu sûr?

Le chef McPherson : Non, comme je l’ai dit, je peux juste répéter que j’ai demandé à Mme Nastiuk ce qu’elle considérait comme une solution valable à ce problème. Et, s'il vous plaît, de me revenir là-dessus le plus rapidement possible.

Mme Nastiuk : Très bien, au sujet du commentaire dont je me souviens, lorsque vous avez dit qu’aucun changement ne serait fait, qu’il n’y aurait pas de mesures d’adaptation parce que cela reviendrait à reconnaître que Tom était coupable pour ensuite me dire que je devais revenir – vous vouliez que je vous fasse part plus tard de ce que je voulais. Pouvez-vous voir en quoi cela créait pour moi une situation vraiment difficile? C’est à dire, que pourrais-je demander?

Le chef McPherson : Bien, si, en fait, les allégations sont véridiques, je peux concevoir que ce serait – que cela créerait une situation pour vous, mais à ce stade et à ce jour nous ne savons pas si les allégations sont vraies, de sorte que ce serait une réponse hypothétique de ma part. […] Vous me demanderiez de faire des hypothèses, et ça, je ne le peux pas.

Mme Nastiuk : Très bien. En tant qu’employeur, n’étiez-vous pas conscient que vous aviez l’obligation de me prendre au sérieux?

Le chef McPherson : Si je convoquais de nouveau la réunion – c’est la raison pour laquelle je vous ai demandé ce que serait une solution à la situation selon votre propre point de vue. Je pensais que je vous prenais au sérieux en convenant de tenir une réunion en vue d’élaborer une solution au problème et en me demandant de me revenir là-dessus.

[…]

Mme Nastiuk : Très bien. M. Sinclair a déclaré qu’après cette réunion vous êtes tous les deux restés là et avez discuté. Vous souvenez-vous de quoi vous avez parlé?

Le chef McPherson : Je lui ai posé la même question, comment réglons-nous cela? Quelle serait, selon vous, une solution?

Mme Nastiuk : Vous souvenez-vous de ce qu’il a répondu?

Le chef McPherson : Il a déclaré qu’il était innocent de toutes les allégations et il voulait que – vous savez, les choses soient mises au clair.

Transcription : Page 2998, lignes 21 à 25; page 2999, lignes 1 à 12 et 15 à 25; page 3000, lignes 12 à 25; page 3001, lignes 1 à 16 et 18 à 25; page 3002, lignes 1 à 3 et 8 à 19.

 


 

C.                L’embauche de Dale Morrisseau

[117]       Le chef McPherson a présenté la plainte de Mme Nastiuk au conseil de bande et, peu après, Dale Morrisseau a été embauché comme administrateur de bande et il s’est vu confier la tâche de faire enquête sur les plaintes de Mme Nastiuk. Le chef McPherson croyait qu’à l’époque où Mme Nastiuk avait formulé sa plainte, la PNC avait une politique relative au personnel qui incluait des dispositions concernant le harcèlement sexuel.

[TRADUCTION] Me Bryson : Vous souvenez-vous si Dale Morrisseau s’est présenté au chef et au conseil et a dit que Mme Nastiuk voulait revenir travailler au CGG vers ce moment, à l’automne 2006?

Le chef McPherson : Eh bien, elle avait quelques préoccupations, comme je l’ai dit, au sujet du fait que le milieu de travail n’était pas sûr. Et, comme je l’ai dit, à cette époque il y avait un certain nombre de choses qui se passaient à Couchiching. Et je pense que M. Morrisseau a accordé à Mme Nastiuk presque toutes les concessions possibles afin de – lui procurer un emploi.

Me Bryson : Et le chef et le conseil étaient-ils d’accord pour qu’il le fasse?

Le chef McPherson : Et bien, comme je l’ai dit, nous voulions être au courant de la situation. Nous lui avons donné beaucoup de latitude et, par la suite, avec elle, beaucoup de latitude.

Transcription : page 2943, lignes 2 à 17.

D.                L’enquête de Dale Morrisseau

[118]       Au début d’août 2006, Dale Morrisseau a reçu une copie de la plainte de Mme Nastiuk contre M. Sinclair. Il n’avait jamais eu de rapport avec l’une ou l’autre de ces deux personnes et se considérait comme une personne neutre et objective par rapport à la plainte.

[119]       M. Morrisseau a expliqué que le chef McPherson lui avait dit qu’il avait déjà eu une réunion avec Mme Nastiuk et M. Sinclair et qu’il lui avait demandé de faire enquête sur l’affaire.

[TRADUCTION] M. Morrisseau : Et bien, pour commencer l’enquête, je me suis efforcé de m’entretenir avec Marlo Nastiuk et Tom Sinclair – séparément, bien sûr – pour essayer de saisir le nœud de la plainte.

Me Bryson : Et leur avez-vous parlé?

M. Morrisseau : Oui.

[…]

Me Bryson : Très bien. Vous souvenez-vous de ce que Mme Nastiuk vous a dit?

M. Morrisseau : Elle a passé en revue les détails de la plainte, indiquant qu’elle était harcelée sexuellement par Tom Sinclair […] nous avons longuement parlé.

[…]

Me Bryson : Et lui avez-vous fait part des allégations de Mme Nastiuk afin qu’il puisse y répondre?

M. Morrisseau : Je suis sûr que nous avons discuté des détails des allégations, et il a déclaré catégoriquement qu’elles n’étaient pas vraies.

Transcription : page 2520, lignes 15 à 21; page 2521, lignes 3 à 7, 13 et 14; page 2522, lignes 5 à -9.

[120]       Quand l’avocate de la PNC a demandé s’il y avait des allégations précises qui le préoccupaient lui plus que d’autres, M. Morrisseau a déclaré qu’il semblait ne pas y avoir d’incident de harcèlement sexuel particulier, que ce que Mme Nastiuk lui avait mentionné était un fait général, qui revenait sous une forme ou sous une autre. Il a ajouté qu’il avait interrogé d’autres personnes et que, lors d’autres réunions avec Mme Nastiuk et M. Sinclair, il n’avait jamais dévoilé, à l’un ou à l’autre, les résultats de ses entretiens, mais qu’il les avait plutôt condensés dans un document écrit qu’il avait remis au chef et au conseil. En temps utile, on lui a donné pour instruction de laisser la plainte [TRADUCTION] « suivre les voies juridiques appropriées »

[121]       Le contre-interrogatoire auquel Mme Nastiuk a soumis M. Morrisseau a mené à des conclusions semblables.

[TRADUCTION]

Mme Nastiuk : Vous avez plusieurs membres du personnel de sexe féminin qui font des commentaires sur la façon dont M. Sinclair les mettait mal à l’aise; quelques commentaires sur le fait que son opinion à mon égard était inappropriée. Et avez-vous considéré que cela était fondé sur le fait d’être une femme, ce qui – et – très bien, fondé sur le fait d’être une femme?

M. Morrisseau : […] Je ne saisis pas sa question.

La présidente : La question que vous essayez de poser – lui demandez-vous s’il avait l’impression, d’après ses entretiens et ses discussions avec le personnel, que M. Sinclair traitait le personnel féminin différemment du personnel masculin?

Mme Nastiuk : Oui. […]

La présidente : Avez-vous senti cela?

M. Morrisseau : Ce n’est pas ce qui est ressorti de ces entretiens. C’est-à-dire, je – c’est-à-dire, même le personnel masculin n’aimait pas son style de gestion, et je ne crois donc pas que cela témoignait seulement de la perception que l’on avait du personnel féminin – au centre de guérison.

Mme Nastiuk : Donc, les commentaires faits par les hommes avaient trait à son style de gestion, mais les femmes faisaient des commentaires sur le fait qu’elles se sentaient mal à l’aise et qu’il s’agissait d’un comportement sexuel inapproprié?

M. Morrisseau : Elle n’a jamais précisé quoi que ce soit au sujet d’un comportement sexuel inapproprié dans cette entrevue.

Mme Nastiuk : Un comportement inapproprié fondé sur le fait d’être une femme.

M. Morrisseau : Et la question est?

Mme Nastiuk : Y avait-il une différence – avez-vous –

M. Morrisseau : Je crois y avoir répondu, je crois que non.

Transcription : page 2823, lignes 7 à 12 et 18 à 25; page 2824, lignes 4 à 25.

[122]       Mme Nastiuk a également pressé M. Morrisseau de questions sur ce qu’elle a décrit comme un milieu de travail hostile dont elle imputait la responsabilité à M. Sinclair et à la PNC.

[TRADUCTION]

Mme Nastiuk : Vous rappelez vous que nous avons parlé du milieu de travail hostile?

M. Morrisseau : Je me rappelle que vous avez dit qu’il s’agissait d’un milieu de travail hostile et j’ai examiné la question et il m’a semblé, après l’enquête, que vous étiez tout aussi responsable que les autres de la création du milieu de travail hostile.

[…]

Mme Nastiuk : Vous avez déclaré que les employés ont dit que leurs rapports – ou mes rapports avec eux étaient strictement professionnels, mais qu’il était difficile de faire affaire avec moi. Pouvez-vous expliquer ce que « difficile de faire affaire avec » était?

M. Morrisseau : Vous étiez refermée sur vous-même, selon eux, vous étiez très exigeante. […] Pas une personne très agréable.

Transcription : page 2756, lignes 12 à 18; page 2757, lignes 9 à 15, 17 et 18.

[123]       Vers la fin du contre-interrogatoire de M. Morrisseau, Mme Nastiuk a demandé naïvement ce qu’il pensait de la validité de ses plaintes.

[TRADUCTION] Mme Nastiuk : Lors de vos entretiens avec le personnel à la fin d’octobre, en novembre, décembre 2006 avez-vous eu une indication quelconque que – oh, mon Dieu – était-il possible – que – que mes plaintes avaient peut être une certaine validité, c’est assez – très bien, tenons-nous-en là.

M. Morrisseau : Donc, y a-t-il eu un signe quelconque que vos plaintes avaient une certaine validité?

Mme Nastiuk : Oui.

M. Morrisseau : Est-ce là la question?

Mme Nastiuk : Oui.

M. Morrisseau : Ce n’était toujours pas clair.

Mme Nastiuk : Ce n’était pas clair?

M. Morrisseau : Parce que personne ne m’avait fait part d’un cas précis où il avait été témoin d’un incident de harcèlement sexuel à votre égard.

Transcription : page 2837, lignes 8 à 25; page 2838, lignes 1 et 2.

E.                 La connaissance antérieure prétendue d’allégations contre M. Sinclair

[124]       Une question litigieuse dans la présente enquête a été celle de savoir si Mme Roach-Leforte avait parlé au chef McPherson des allégations de Mme Nastiuk en décembre 2005, à l’occasion de la réunion tenue avec lui et M. Sinclair. Quand on lui a demandé s’il se souvenait que Mme Roach-Leforte le lui avait dit, M. Morrison a dit que non, mais il a ajouté que si on le lui avait dit, il n’aurait pas oublié de le mettre par écrit.

[125]       Dans la même série de questions, l’avocate a interrogé M. Morrisseau sur l’entretien qu’il avait eu avec Barb Smith :

[TRADUCTION] Me Bryson : Lors de votre entretien avec Mme Smith, si elle vous avait dit : « Tom Sinclair m’a dit qu’il s’intéressait à Mme Nastiuk de manière romantique ou sexuelle », l’auriez-vous mis par écrit?

M. Morrisseau : Oui.

Me Bryson : Très bien. Vous rappelez vous qu’elle vous ait dit quelque chose du genre?

M. Morrisseau : Non.

Me Bryson : Et, dans le contexte de la présente plainte, est-ce que cela ressortirait dans vos souvenirs?

M. Morrisseau : Si elle avait dit quelque chose comme ça, j’aurais mis un point à côté. Je l’aurais (inaudible), je l’aurais souligné dans mes notes.

Transcription : page 2548, lignes 4 à 17.

F.                 Le retour au travail de Mme Nastiuk

[126]       Pour ce qui est du fait que Mme Nastiuk lui a parlé en octobre 2006 de son retour au travail au CGG, M. Morrisseau a déclaré que le seul moment dont il se rappelait était la période de décembre 2006 – janvier 2007, qu’elle voulait retourner au travail à des conditions bien précises et qu’elle lui avait remis une lettre contenant des conditions de retour au travail.

[TRADUCTION] Me Bryson : Nous sommes donc encore – nous avons parlé du numéro un et du numéro deux. Nous nous trouvons à l’onglet 18 de la pièce C-1, il s’agit de la lettre que Mme Nastiuk vous a adressée, à la page 1 sur 4. […] Passons donc à la page suivante, les conditions de retour au travail. Étiez-vous d’accord pour que M. Sinclair et Mme Nastiuk communiquent entre eux par écrit seulement? C’est de cette façon que j’interprète le premier point.

M. Morrisseau : Oui.

Me Bryson : Est-ce que cela vous posait un problème?

M. Morrisseau : Non, c’est ce que le préférais, en fait, parce que tout aurait été par écrit.

Me Bryson : M. Sinclair a-t-il eu des problèmes quelconques à ce sujet dont il vous a fait part?

M. Morrisseau : Non, pas à ce moment-là.

Me Bryson : Très bien. Est ce que vous vous opposiez au fait que Mme Nastiuk ne se rende pas à l’autre bâtiment où était situé le bureau de M. Sinclair, sauf pour les réunions du personnel ou du CGG?

M. Morrisseau : Je n’avais pas de problème avec ça. Son bureau se trouvait dans l’autre bâtiment et elle était capable d’exécuter ses fonctions dans son bureau.

Me Bryson : Et M. Sinclair a-t-il eu des objections qu’il – à cet égard dont il vous a fait part?

M. Morrisseau : Non.

Me Bryson : Juste pour clarifier les choses, avez-vous passé en revue ces conditions avec M. Sinclair à un moment donné?

M. Morrisseau : Oui.

Me Bryson : Très bien, parfait. Parfait. Et est-ce que chacun d’entre vous – et par chacun, je veux dire vous, Mme Nastiuk et M. Sinclair – étiez d’accord pour qu’il n’y ait pas de déplacements faits ensemble en dehors de la ville?

M. Morrisseau : Oui.

Me Bryson : Oui, très bien. Que M. Sinclair devait éviter Mme Nastiuk et ne pas chercher volontairement à la voir?

M. Morrisseau : Dans le cas de celui-là, je pense que nous voulions que les rapports soient professionnels, conformément aux conditions que nous essayions d’établir ici.

Me Bryson : Et par professionnels, voulez-vous dire n’importe quel rapport ou le fait qu’ils ne devaient avoir des rapports que de nature professionnelle?

M. Morrisseau : Oui. Des rapports liés au travail, et idéalement en présence d’une tierce partie s’il y avait de tels rapports.

Transcription : page 2581, lignes 5 à 25; page 2582, lignes 1 à 25; page 2583, lignes 1 et 2.

[127]       Dans le processus décrit plus tôt au sujet de l’élaboration des conditions de retour au travail, M. Sinclair ne voulait pas que Mme Nastiuk ait des contacts avec le ministère provincial et M. Morrisseau s’est dit d’accord parce que M. Sinclair était le porte-parole du CGG dans les rapports avec le ministère des Services sociaux et communautaires. Enfin, M. Morrisseau a déclaré que les conditions qui avaient été établies en vue du retour au travail de Mme Nastiuk n’avaient pas été signées par les parties, mais qu’elles étaient plutôt verbales.

G.                Le défaut allégué de la PNC de protéger Mme Nastiuk

[128]       M. Morrisseau a rejeté la prétention de Mme Nastiuk selon laquelle la PNC ne lui avait pas procuré un lieu de travail sain et sûr ni réagi d’une manière appropriée à sa plainte en prenant une mesure de redressement concrète, des interventions qui, selon elle, auraient atténué les conséquences et les préjudices qu’elle avait censément subis.

[TRADUCTION] Me Bryson : Avez-vous le sentiment d’avoir pris les mesures appropriées […] une fois que vous avez eu cette affaire entre les mains?

M. Morrisseau : Oh, oui. […] Dans tous les documents, je n’ai jamais vu un seul cas de harcèlement sexuel.

Transcription : page 2685, lignes 9 à 13 et 21 à 23.

[…]

Me Bryson : Et les affaires, les griefs qu’elle vous a soumis ou au sujet desquels elle vous a écrit entre janvier 2007 et août 2007, ou ceux dont nous avons parlé hier, s’agit-il des seuls griefs qu’elle a portés à votre attention durant ce temps?

M. Morrisseau : Oui.

Me Bryson : Et avez-vous le sentiment d’avoir répondu comme il faut à chacun de ces griefs?

M. Morrisseau : Je croyais que oui. C’est-à-dire – une fois de plus, c’est-à-dire – je pense que Marlo aurait dû assumer une bonne part de la responsabilité des interactions du personnel. C’est-à-dire, quand on évolue dans un milieu de travail c’est une rue à double sens et – et d’après les documents que j’ai reçus de certains des autres membres du personnel, ils étaient d’avis qu’elle était une personne avec qui il était difficile de travailler. C’est-à-dire, si 90 % des membres du personnel disent cela et qu’une seule personne dit le contraire, qui dois-je croire?

Transcription : page 2686, lignes 10 à 25; page 2687, lignes 1 à 4.

[129]       Dans son contre-interrogatoire, Me Bryson a également interrogé Mme Nastiuk au sujet (du document 71) ainsi que d’autres documents qui, selon ses dires, dénotaient que la PNC [TRADUCTION] « […] n’avait pris absolument aucune mesure préventive pour empêcher M. Sinclair de vous harceler ou de continuer de vous harceler ».

[TRADUCTION] Mme Nastiuk : Les mesures préventives, la première fois, je n’en ai vu aucune, et la seconde fois, Dale a été assigné, mais cela n’a pas été efficace.

Me Bryson : Très bien, mais n’avez-vous pas déclaré plus tôt aujourd’hui que vous n’avez eu aucun contact indépendant avec M. Sinclair à partir du moment où vous avez porté cette affaire à l’attention de la PNC, est-ce exact? Qu’il ne s’est pas présenté chez vous et que mis à part quelques appels téléphoniques auxquels vous avez participé quand vous êtes revenue au travail, que vous n’avez eu avec lui aucun contact personnel. N’est-ce pas exact?

Mme Nastiuk : Nous parlions effectivement une fois par mois, oui, nous le faisions.

Me Bryson : Et cela, vous le faisiez volontairement, est-ce exact?

Mme Nastiuk : Il y avait tant de choses qui se passaient au travail qu’il était impossible d’arrêter et d’intercepter quelqu’un tout le temps. Nous essayions de le minimiser, et il s’agissait donc d’une situation forcée. […] Mais ce n’était pas moi qui me rendais à son bureau.

Me Bryson : Non, ce n’est pas ce que j’ai dit, j’essaie juste de dire que, selon les conditions de votre retour au travail, vous n’étiez plus obligée d’avoir des contacts personnels avec M. Sinclair, que les choses devaient être mises par écrit, est-ce exact?

Mme Nastiuk : Oui.

Me Bryson : Ou en la présence d’une tierce partie, exact?

Mme Nastiuk : Oui.

Me Bryson : Vous étiez située dans un bâtiment différent de celui de M. Sinclair, n’est-ce pas?

Mme Nastiuk : J’ai toujours été située dans un bâtiment différent […] après juin 2005.

Me Bryson : Exact. Et nous avons déjà établi aujourd’hui, vous avez déclaré qu’il ne s’est plus présenté chez vous, qu’il ne vous a plus téléphoné après que vous avez présenté cette plainte à la PNC en juin 2006, exact?

Mme Nastiuk : À part quelques appels en vue de réunions en juin 2006.

Me Bryson : Non, je dis qu’après que vous avez porté cette affaire à l’attention de la Bande, ils, vous avez quitté le travail, vous n’étiez plus au travail, exact, depuis juin 2006 jusqu’à janvier 2007.

Mme Nastiuk : Il n’y aurait pas eu de contact entre nous.

Me Bryson : Parfait. Vous êtes donc de retour au travail et vous avez déclaré ce matin qu’il ne s’est pas présenté chez vous et n’a eu aucun contact avec vous en dehors du travail; n’est-ce pas exact?

Mme Nastiuk : Oui, en quelque sorte.

Me Bryson : Très bien. Et maintenant nous avons établi que vous n’étiez pas obligée d’avoir des contacts personnels avec lui au travail, exact, et que, si c’était le cas, vous le faisiez volontairement, n’est-ce pas?

Mme Nastiuk : Il y a eu des fois où j’ai dû téléphoner au sujet de quelque chose, oui. […] Du travail lié au bureau.

Me Bryson : Que vous avez téléphoné? Parce que n’était-ce pas une condition de votre retour au travail que vous ne deviez plus avoir de contacts personnels avec lui, sauf par écrit?

Mme Nastiuk : M. Sinclair avait déjà eu quelques contacts personnels avec moi au – au lieu de travail, à quelques reprises et, ouais, une partie de cette barrière s’est en quelque sorte effondrée.

Me Bryson : Et vous n’avez formulé aucun grief à ce sujet auprès de la Première Nation de Couchiching?

Mme Nastiuk : Je connais Dale et j’en ai discuté.

Me Bryson : Mais vous n’avez rien mis par écrit et dit : je ne veux pas – ceci n’est pas supposé se passer, je ne veux pas que ceci se passe, n’est-ce pas?

Mme Nastiuk : Je ne l’ai pas fait. J’ai fait savoir à Dale que cela se passait, de sorte que, non, je n’en ai rien fait et lui non plus.

[…]

La présidente : Mais il ne s’est plus présenté chez vous et il ne vous a plus téléphoné à la maison; est-ce exact?

Mme Nastiuk : C’est exact.

Transcription : page 746, lignes 18 à 25; page 747, lignes 1 à 3 et 16 à 25; page 748, lignes 1 à 6, 8 à 16 et 22 à 25; page 749, lignes 1 à 15 et 17 à 25; page 750, lignes 1 à 14; page 751, lignes 9 à 12.

H.                La plainte de représailles de Mme Nastiuk

[130]       Le fait que le retour au travail de Mme Nastiuk représentait beaucoup de problèmes pour elle, ses collègues de travail, M. Sinclair et M. Morrisseau ressort d’une réunion du personnel du CGG à laquelle M. Morrisseau a été appelé à assister le 28 mars 2007.

[TRADUCTION] M. Morrisseau : Quand j’y suis arrivé, les personnes présentes étaient déjà en train de s’asseoir autour de la table de conférence. J’ai dit : qu’est-ce qui se passe? Vous voulez que l’on ait une séance au sujet des problèmes liés au centre de guérison.

Me Bryson : Et qui a dit ça?

M. Morrisseau : Tom

[…]

Me Bryson : Et cela – les membres du personnel vous ont-ils fait part de leurs préoccupations?

[…]

M. Morrisseau : C’est-à-dire, ils avaient seulement des préoccupations au sujet de leurs interactions professionnelles avec Marlo. […] Brian se tient à distance d’elle. Rick, quand elle a besoin de lui, elle veut que ce soit tout de suite. Très exigeante. Très inabordable.

Transcription : page 2617, lignes 11 à 17 et 23 à 25; page 2618, lignes 4 à 6 et 12 à 14.

[…]

Me Bryson : Alors qu’avez-vous fait après cette réunion au sujet de leurs préoccupations?

M. Morrisseau : […] Je n’ai rien fait proactivement après la réunion. J’ai essentiellement mentionné que, vous savez, les problèmes liés au travail, les problèmes de rendement relèvent de Tom; qu’il serait préférable que nous fassions tous de notre de mieux pour agir de manière polie et plus professionnelle dans nos rapports avec les autres membres du personnel. Essentiellement, je leur ai dit : vous n’êtes pas obligés de les apprécier, vous devez seulement travailler avec eux.

Transcription : page 2623, lignes 23 et 24; page 2624, lignes 2 à 9.

[…]

Me Bryson : Le ou aux environs du – Mme Nastiuk est-elle entrée en contact avec vous au début d’août 2007 au sujet du fait d’avoir quitté la réunion du personnel.

M. Morrisseau : Oui. […] Elle m’a mentionné dans sa plainte qu’elle avait le sentiment que l’on exerçait des représailles contre elle – pour avoir déposé une plainte, et qu’elle allait déposer une seconde plainte pour représailles.

Me Bryson : Et – qui, selon ses allégations, exerçait les représailles?

M. Morrisseau : Tom Sinclair.

Transcription : page 2629, lignes 6 à 9 et 12 à 18.

I.                   L’incident du sous-vêtement

[131]       Mme Nastiuk a déclaré que, le jour même où elle a quitté le lieu de travail après la réunion du personnel, elle allait accompagner un jeune qui devait comparaître en cour, et M. Sinclair avait approuvé le fait qu’elle achète un sous-vêtement féminin pour un client que l’on soignait pour des problèmes de dysfonction sexuelle. M. Sinclair a toutefois déclaré qu’il avait autorisé Mme Nastiuk à acheter un sous-vêtement masculin pour le jeune en question, un sous-vêtement qui était fait d’un tissu que ce dernier apprécierait peut-être. Me Bryson a interrogé M. Morrisseau sur cet incident :

[TRADUCTION] Me Bryson : Et durant votre conversation avec Mme Nastiuk à propos du fait d’avoir quitté le lieu de travail, a-t-elle parlé d’un problème concernant l’achat d’un sous-vêtement féminin pour un jeune de sexe masculin qui était soigné et – d’une discussion à ce sujet?

M. Morrisseau : Il – cela a été un sujet litigieux. Elle a déclaré que Tom Sinclair l’avait autorisé à aller acheter des culottes pour le jeune en question. J’ai parlé à Tom de cette affaire parce que je me suis dit, eh bien, cela semble tout à fait inapproprié. Ce sont des délinquants sexuels. Et j’en ai parlé à Tom et il a déclaré qu’il ne lui avait absolument pas donné l’autorisation de faire cela. Et je ne lui ai certainement pas donné l’autorisation de le faire.

[…]

Elle se disait qu’il s’agissait là d’un sujet de préoccupation constant, non seulement pour elle, mais pour le centre de guérison. La question de savoir qui était responsable de – d’autoriser ces – l’achat d’un sous-vêtement féminin pour le client.

Me Bryson : Donc, avez-vous tiré une conclusion quelconque sur – sur cette question de sous-vêtement.

M. Morrisseau : Eh bien, seules mes propres décisions. Je ne peux pas – c’est-à-dire, d’après – c’est-à-dire – c’est une autre de ces affaires où chacun a une version différente des faits. […] Tom a dit catégoriquement qu’il ne l’avait pas autorisée, et Marlo que Tom l’avait autorisée à le faire. Pour moi, personnellement, je ne vois pas en quoi cela pourrait être avantageux pour une personne qui est un délinquant sexuel.

Me Bryson : Avez-vous parlé à quelqu’un d’autre, à l’un des autres membres du personnel du CGG au sujet de cette question en particulier?

M. Morrisseau : Je crois en avoir parlé à Nicky Morrisseau parce qu’elle m’avait envoyé la lettre de – essentiellement, c’était une lettre de plainte. Cette lettre la préoccupait – le fait que Marlo était partie et avait fait cela, et elle ignorait si c’était bon pour le client et (inaudible). Les seuls commentaires que j’ai faits à Nicky étaient que j’allais – j’allais faire enquête sur cette affaire.

Transcription : page 2632, lignes 8 à 21; page 2633, lignes 11 à 15; page 2634, lignes 2 à 22.

J.                  L’abandon, par Mme Nastiuk, de son poste

[132]       Le 17 août 2007, M. Sinclair a quitté le CGG pour un autre emploi dans une collectivité différente. Malgré son départ, Mme Nastiuk n’est pas retournée au travail. M. Morrisseau a déclaré qu’il ne voyait aucune justification à son absence, pas plus qu’il n’avait autorisé son absence après que le chef et le conseil eut rejeté la proposition de règlement de sa plainte par voie de médiation avec la Commission.

[133]       M. Morrisseau a déclaré que le chef et le conseil se sont occupés de l’absence de Mme Nastiuk du CGG en octobre ou en novembre 2007 en concluant qu’elle avait abandonné son poste. Cela a laissé M. Morrisseau dans un état de confusion parce que [TRADUCTION] « […] c’était une position difficile, le fait de me trouver au milieu de cette bataille. Je n’y avais aucun intérêt ». Transcription : page 2678, lignes 11 à 14.

[134]       Cependant, M. Morrisseau a déclaré qu’une fois que le chef et le conseil ont décidé que Mme Nastiuk avait abandonné son poste, il n’était plus habilité à dire à cette dernière qu’elle avait encore un travail qu’elle devait reprendre.

[135]       Me Bryson a posé un certain nombre de questions sur la décision du chef et du conseil selon laquelle Mme Nastiuk avait abandonné l’emploi qu’elle exerçait auprès du CGG.

[TRADUCTION] Me Bryson : Et si un employé était en congé pendant une longue période […] faudrait-il pour cela l’autorisation du chef et du conseil ou juste celle de Dale?

Le chef McPherson : Il l’approuverait, mais nous serions au courant.

Me Bryson : Vous souvenez-vous après – ou vous souvenez-vous que Dale Morrisseau se soit présenté au chef et au conseil après que ceux-ci eurent considéré qu’elle avait abandonné son poste et dise que Mme Nastiuk voulait de nouveau revenir au travail? Ce serait vers le mois de novembre 2007.

Le chef McPherson : Je ne m’en souviens pas parce que, à ce moment, comme je l’ai dit, nous étions d’avis qu’elle avait abandonné son emploi. […] Eh bien, le – comme je l’ai dit (inaudible) les problèmes sont du ressort de l’administrateur de bande. Pour ce qui est de l’abandon du poste, nous avons convenu avec M. Morrisseau qu’elle n’était tout simplement pas là, de sorte que le poste n’était pas occupé, et qu’en ce qui concernait l’abandon, nous étions tous d’accord pour dire qu’elle avait dû l’abandonner. Quand on ne se présente pas au travail, on ne se présente pas au travail.

Transcription : page 2947, lignes 12 à 25; page 2948, lignes 1 et 9 à 16.

[136]       Lors du contre-interrogatoire de la plaignante, l’avocate de la PNC a demandé avec insistance à Mme Nastiuk de fournir une preuve quelconque, pas juste une croyance injustifiée, que M. Sinclair ou la PNC étaient intervenus dans les efforts qu’elle avait faits pour trouver un autre emploi, sa réponse a été : [TRADUCTION] « on m’a dit le contraire ». Quand on lui a demandé : [TRADUCTION] « Par qui? », Mme Nastiuk a demandé : [TRADUCTION] « Est-ce que je dois répondre à cela? ». La présidente a dit que oui. Ce simple échange de questions et de réponses, à la page 687 de la transcription, a donné lieu à une série de quelque trente-cinq questions dont la plupart se sont soldées par des réponses vagues ou de simples dérobades. L’échange a atteint un point culminant à la page 695 :

[TRADUCTION] Me Bryson : Bien, vous avez allégué qu’il vous a été impossible d’obtenir du travail dans l’ensemble du territoire visé par le Traité no 3 à cause de rumeurs que la Première Nation de Couchiching avait répandues sur votre compte; n’est-ce pas vrai?

Mme Nastiuk : Oui.

Me Bryson : Et vous avez dit qu’il vous a fallu trouver un travail à un endroit où vous devez maintenant payer de l’impôt sur le revenu à cause de cela. N’est-ce pas vrai?

Mme Nastiuk : Ouais.

Me Bryson : Donc, ne croyez-vous pas qu’il est raisonnable de produire une preuve que c’est bien ce qui s’est passé?

Mme Nastiuk : Je ne sais pas comment je pourrais le faire – des gens l’ont dit et je ne vais quand même pas faire comparaître ces gens en cour.

Me Bryson : Très bien. Vous nous demandez donc d’admettre que ces choses sont vraies sans que personne vienne témoigner sous serment qu’elles sont véridiques, et vous voulez recevoir 160 000 $ pour cela, est-ce exact?

Mme Nastiuk : Oui.

Transcription : page 695, lignes 11 à 25; page 696, lignes 1 à7.

[137]       Ensuite, Me Bryson et Mme Nastiuk ont poursuivi leur échange dans le cadre d’une autre série d’au moins cinquante questions portant sur l’allégation de Mme Nastiuk selon laquelle l’intimée, la PNC, avait répandu des rumeurs qui l’empêchaient de trouver du travail, et que, selon elle, il s’agissait d’une façon de faire que l’on pouvait remonter aux [TRADUCTION] « personnes détenant le pouvoir ».

[TRADUCTION] Mme Nastiuk : Je ne soulève pas vraiment le problème, je ne fais pas de difficultés, il s’agit en général d’un problème global qui remonte aux personnes qui détiennent le pouvoir à Couchiching. Je ne pense pas que l’on puisse pointer du doigt une personne en particulier parce que les gens qui détiennent le pouvoir – c’est une norme acceptée qu’on – c’est-à-dire, qu’est-ce qui va être fait? Qui va – c’est-à-dire, ce que – je ne sais pas. J’ai l’impression d’avoir soulevé le problème. Pour ce qui est de Dan et de Chuck, je n’allais pas faire une allégation absolue contre deux personnes. Je formulais une allégation contre Couchiching, les personnes qui détenaient le pouvoir, parce que les personnes qui ne le faisaient pas auraient dû le faire et auraient pu assumer la responsabilité et s’élever contre tout cela et dire : c’est assez.

Transcription : page 710, lignes 8 à 25.

Me Bryson : Très bien. Je ne tiens pas à m’étendre beaucoup plus longtemps sur la question, alors je vais juste en faire ici un résumé. Donc, d’après notre discussion, n’est il pas exact de dire que vous n’avez aucune preuve directe de qui que ce soit sur le fait que le chef et le conseil aient dit quelque chose de négatif à votre sujet que vous avez entendu directement ou que vous n’avez aucun témoin qui puisse dire que cela vous a empêché d’obtenir un autre travail? N’est-ce pas vrai?

La présidente : Je crois qu’elle a répondu cela à plusieurs reprises. Elle n’a aucune preuve directe.

Transcription : page 712, lignes 18 à 25; page 713, lignes 1 à 4.

V.                La norme de preuve

[138]       Dans son arrêt récent F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, la Cour suprême du Canada a clarifié le droit concernant la norme de preuve dans les affaires civiles : ni plus ni moins que la prépondérance de la preuve.

[139]       La preuve doit toujours être claire et convaincante afin de satisfaire au critère de la prépondérance de la preuve.

[140]       La Cour suprême a également affirmé que, en première instance, le juge ne doit pas considérer le témoignage du témoin en vase clos. Il doit plutôt examiner l'ensemble de la preuve pour déterminer l'incidence des contradictions sur les questions de crédibilité touchant au cœur du litige.

[141]       Les remarques de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt McDougall s'inscrivent dans la foulée de ce qui a déjà été expliqué dans le contexte des droits de la personne. Dans Discrimination and the Law (W. Tarnopolsky, Thomson Carswell, 2006), on donne l'exemple de la décision Van Berkel c. MPI Security Ltd. (1997), 28 C.H.R.R. D/504 (B.C.H.R.C.), dans laquelle le membre instructeur Kenneth Attafuah affirme :

[TRADUCTION] Conformément à ces principes juridiques, la cohérence du témoignage de chacun des témoins a été examinée en regard de la prépondérance de la preuve compte tenu des circonstances actuelles entourant l'emploi de la plaignante avec [l'entreprise intimée] et ses interactions avec [l'individu intimé]. J'ai également examiné la preuve sous l'angle de la plausibilité dans les circonstances et évalué les motifs des témoins. En outre, j'ai porté attention à leurs pouvoirs d'observation, à leur capacité de se souvenir, ainsi qu'à leur attitude et à leur comportement sous serment, de même qu'à la manière dont ils ont témoigné. Enfin, j'ai examiné si leur témoignage manquait de cohésion ou s'il y avait des incohérences et des contradictions importantes. [À la page 15 57.]

[142]       Discrimination and the Law, en s'appuyant sur Zarankin c. Johnstone (1984), 5 C.H.R.R. D/2274 (B.C.Bc. Inq.) à la page D/2280, expose la norme de preuve dans les affaires de harcèlement sexuel :

[TRADUCTION] Le plaignant doit prouver, selon la prépondérance de la preuve, qu'on a contrevenu […] au code des droits de la personne. Cette preuve se fait en deux volets : (1) prouver que la conduite alléguée de l'intimé s'est produite; (2) prouver qu'il s'agissait de harcèlement sexuel dans les circonstances (par exemple, que les incidents ont eu lieu sans le consentement libre du plaignant). Si le plaignant produit une preuve qui satisfait à ces deux exigences, il incombe alors à l'intimé d'apporter une preuve établissant que les actes n'ont pas été commis ou qu'ils ne constituaient pas du harcèlement sexuel. [À la page 15 57.]

[143]       Une fois que le plaignant, dans une affaire de harcèlement sexuel, a établi sa preuve prima facie, le fardeau de la preuve passe à l'intimé, mais le fardeau général de prouver les allégations selon la prépondérance de la preuve incombe toujours au plaignant.

[144]       Les articles 14 et 14.1 de la LCDP sont rédigés ainsi :

14(1) Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait de harceler un individu :

a) lors de la fourniture de biens, de services, d'installations ou de moyens d'hébergement destinés au public;

b) lors de la fourniture de locaux commerciaux ou de logements;

c) en matière d'emploi.

(2) Pour l'application du paragraphe (1) et sans qu'en soit limitée la portée générale, le harcèlement sexuel est réputé être un harcèlement fondé sur un motif de distinction illicite.

14.1 Constitue un acte discriminatoire le fait, pour la personne visée par une plainte déposée au titre de la partie III, ou pour celle qui agit en son nom, d’exercer ou de menacer d’exercer des représailles contre le plaignant ou la victime présumée.

[145]       Le harcèlement sexuel en milieu de travail a été largement défini comme étant une conduite de nature sexuelle non sollicitée qui a un effet défavorable sur le milieu de travail ou qui a des conséquences préjudiciables en matière d'emploi pour les victimes de harcèlement : Janzen c. Platy Enterprises Ltd., [1989] 1 R.C.S. 1252, à la page 1284 (C.S.C.) Le premier élément à établir est que la conduite était non sollicitée. Un examen de la réaction de la plaignante au moment où l'incident ou les incidents se sont produits déterminera si la conduite était non sollicitée. Si la plaignante, soit expressément, soit par son comportement, montre que la conduite était non sollicitée, le premier élément est prouvé. Si la preuve démontre que la plaignante a souscrit à la conduite, alors la plainte sera rejetée. Le deuxième élément de la définition exige que la conduite soit de nature sexuelle. Tant la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Janzen, précité, que les tribunaux des droits de la personne ont reconnu qu'une vaste gamme de conduites, y compris les insultes d'ordre sexuel, les remarques sexistes, les commentaires concernant l'apparence d'une personne, sa tenue vestimentaire ou ses habitudes sexuelles, peuvent être considérées comme étant de « nature sexuelle ». La décision doit être fondée sur les faits propres à l'affaire, compte tenu de la norme de la personne raisonnable dans les mêmes circonstances : Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Forces armées canadiennes), [1999] A.C.F. no 757, aux paragraphes 32 à 40 (C.F.) (Franke).

[146]       Dans certaines circonstances, un seul incident suffit peut-être pour créer un milieu de travail hostile, mais le harcèlement exige souvent la présence d'un élément de persistance ou de répétition. Pour déterminer si la conduite est suffisamment grave ou persistante pour empoisonner le milieu de travail, il faut appliquer la norme objective de la « personne raisonnable » : décision Franke, précitée, aux paragraphes 43 à 46.

[147]       Dans le cas où un employeur a mis en place une politique complète et efficace concernant le harcèlement sexuel, l'employé doit avertir l'employeur de la conduite offensante alléguée afin de lui donner l'occasion de remédier à la situation : Franke, précitée, aux paragraphes 47 à 50.

[148]       Dans le cas où l'acte discriminatoire allégué a été commis par un employé, l'article 65 de la LCDP est également pertinent :

 

Sous réserve du paragraphe (2), les actes ou omissions commis par un employé, un mandataire, un administrateur ou un dirigeant dans le cadre de son emploi sont réputés, pour l'application de la présente loi, avoir été commis par la personne, l'organisme ou l'association qui l'emploie.

 

La personne, l'organisme ou l'association visé au paragraphe (1) peut se soustraire à son application s'il établit que l'acte ou l'omission a eu lieu sans son consentement, qu'il avait pris toutes les mesures nécessaires pour l'empêcher et que, par la suite, il a tenté d'en atténuer ou d'en annuler les effets.

[149]       Pour bénéficier de la disposition de disculpation du paragraphe 65(2), l'employeur doit établir selon la prépondérance de la preuve qu'il n'a pas consenti aux actes de l'employé, qu'il a pris toutes les mesures nécessaires pour empêcher les actes et que, par la suite, il a tenté d'en atténuer ou d'en annuler les effets.


 

VI.             L’évaluation de la crédibilité

[150]       Dans l'arrêt R. c. R.E.M., 2008 CSC 51, rendu en même temps que McDougall, précité, la juge en chef McLachlin a déclaré que les conclusions de fait sur la crédibilité sont fondées sur des facteurs difficiles à expliquer :

Bien qu'il soit utile que le juge tente d'exposer clairement les motifs qui l'ont amené à croire un témoin plutôt qu'un autre, en général ou sur un point en particulier, il demeure que cet exercice n'est pas nécessairement purement intellectuel et peut impliquer des facteurs difficiles à énoncer. De plus, pour expliquer en détail pourquoi un témoignage a été écarté, il se peut que le juge doive tenir des propos peu flatteurs sur le témoin. Or, le juge voudra peut-être épargner à l'accusé, qui a témoigné pour nier le crime, la honte de subir des commentaires négatifs sur son comportement, en plus de celle de voir son témoignage écarté et d'être déclaré coupable. Bref, l'appréciation de la crédibilité est un exercice difficile et délicat qui ne se prête pas toujours à une énonciation complète et précise. [Au paragraphe 49.]

A.                La crédibilité de Mme Nastiuk

[151]       Pour évaluer la crédibilité de la plaignante, Mme Nastiuk, j’ai analysé et étudié en détail son témoignage afin d’en déterminer la vraisemblance, j’ai examiné si son témoignage contenait des incohérences et des contradictions importantes, j’ai évalué son témoignage par rapport à la prépondérance des probabilités et aux circonstances qui existaient au lieu de travail du CGG durant la période où elle y avait travaillé et, en particulier, j’ai pris en considération la relation qu’elle entretenait avec le directeur administratif du CGG, l’intimé, M. Sinclair, les rapports qu’elle avait eus avec l’administrateur de bande, Dale Morrisseau, de même que ses interactions avec d’autres employés du CGG.

[152]       M. Broman, un ancien employé du CGG, a été appelé comme témoin par la plaignante; il a déclaré qu’il régnait une certaine tension au sein du lieu de travail au CGG : [TRADUCTION] « Tout d’abord, les installations de soins en établissement sont des endroits parfois très explosifs. Nous travaillons avec un groupe d’enfants agités, extrêmement en colère, de sorte que le personnel subit beaucoup de pression, et le personnel ne peut pas se défouler sur les enfants, ce qui fait que parfois les employés ont tendance à – se défouler les uns sur les autres. […] C’est un endroit assez difficile où travailler […] il y avait beaucoup de luttes internes à l’étage […] des gens qui avaient leur propre opinion sur la façon dont un pensionnaire doit être traité […] Cela contribuait donc à un degré de tension qui rendait les choses parfois très inconfortables […] et il y avait beaucoup de […] coups de poignard dans le dos, beaucoup d’insultes à propos de presque tout le monde là-bas. Vous savez, la situation était telle qu’il y avait des fois où je rentrais à la maison assez frustré par l’atmosphère qui y régnait ».

[153]       Une autre circonstance importante qui entoure les allégations de harcèlement sexuel de la plaignante a été la rupture de la relation de travail entre la plaignante et l’intimé, M. Sinclair, rupture qui a entraîné chez elle sa profonde aversion à son égard. Du point de vue de Mme Nastiuk, la dégradation de leur relation a débuté aussitôt après qu’elle a commencé à travailler avec M. Sinclair à mettre sur pied un nouveau programme pour le CGG, et cette dégradation découle des choses dites à Mme Nastiuk lors de banales conversations entre les deux, des commentaires qui l’ont mise [TRADUCTION] « mal à l’aise ». Je conclus que cette aversion à l’égard de M. Sinclair a déformé son objectivité et sa capacité à témoigner factuellement chaque fois qu’elle a décrit comme du harcèlement sexuel des incidents où le comportement était perçu comme [TRADUCTION] « inapproprié ».

[154]       Au début, Mme Nastiuk a travaillé à proximité de M. Sinclair et, pendant un temps, a partagé son bureau. Je conclus que cette situation a créé chez elle un grave problème émotionnel, qui l’a amené à croire qu’elle était à son service au point que cela l’a privée des libertés habituelles dont jouissaient tous ses collègues au travail. Elle a aussi commencé à sentir que son travail englobait tout, qu’il était soumis à la pression d’attentes élevées et aggravées par [TRADUCTION] « le genre d’attention et d’intensité de concentration de M. Sinclair […] Il fallait que je fasse quelque chose parce que j’ai commencé à être préoccupée par la manière dont M. Sinclair se comportait, c’était lui qui était aux commandes, il avait l’habitude d’obtenir ce qu’il voulait ».

[155]       Mme Nastiuk n’a pas dit à M. Sinclair de mettre fin à ces commentaires anecdotiques sur lui même ou à ses questions concernant sa vie privée et elle a soutenu que si elle l’avait fait, cela aurait pu mettre en péril son emploi. Même à l’époque où elle était officiellement employée à titre de gestionnaire de cas au CGG et travaillait dans un bâtiment différent, Mme Nastiuk considérait quand même qu’il s’était entiché d’elle : [TRADUCTION] « Et je ne veux pas dire qu’il me demandait des faveurs sexuelles, ou des faveurs sexuelles ou alors, ce genre de choses, c’était juste comme si tout à coup il a pensé simplement que nous étions, comme – comme s’il y avait tout simplement un lien ou – c’était plus que comme une relation directeur administratif/superviseur/gestionnaire de cas ».

[156]       À maintes reprises au cours de son témoignage, Mme Nastiuk a révélé une propension à se considérer comme irréprochable, pas à l’égard de ses allégations de discrimination, mais sur le plan du lieu de travail et de ses interactions avec les autres membres du personnel. Quand on l’a interrogé sur le fait que le personnel ne l’appréciait pas, elle a répondu :

[TRADUCTION] […] certains des problèmes avec le personnel, il y avait beaucoup de ressentiment de la part de certains des anciens membres du personnel de longue date […] Ils avaient du ressentiment face au fait que certains des employés à temps partiel et sur appel grimpaient dans la hiérarchie et qu’eux-mêmes restaient au bas de l’échelle […] C’est donc là – c’est, selon moi, de cette façon qu’une bonne partie de cette situation a commencé, et quelque part là-dedans, je ne sais pas comment les choses ont fait pour mal tourner. Il y a peut-être eu quelques idées de ma part. Je me souviens que j’avais l’habitude de faire la remarque, parce que – cela les ennuyait tellement, alors j’essayais de dire, eh bien, c’est essentiellement une bonne chose parce que j’ai acquis beaucoup de compétences et de connaissances grâce à mes études. Cela s’est avéré être la pire chose que j’aurais pu dire parce que cela a érigé une barrière encore plus haute.

[157]       Plus tard dans son témoignage sur le fait que M. Sinclair lui avait dit que le personnel ne voulait pas travailler avec elle, Mme Nastiuk a déclaré : [TRADUCTION] « […] ces genres de comportements et d’interactions n’étaient pas dus à moi ou à une chose qui se passait avec eux. C’étaient eux les responsables, comme si quelque chose se passait […] deux personnes avaient du ressentiment. Elles voulaient un bureau et elles voulaient un titre et je crois que presque tout le monde au centre le savait ».

[158]       Les mauvaises relations que Mme Nastiuk entretenait avec le personnel ont donné lieu à un arrangement dans le cadre duquel les informations dont elle avait besoin des travailleurs qui s’occupaient des jeunes devaient lui être transmises par l’intermédiaire de M. Sinclair, un fait qu’elle a déploré comme « une autre raison pour devoir aller à son bureau, et c’était très
frustrant ».

[159]       À ce stade de sa période d’emploi auprès du CGG, Mme Nastiuk a commencé à faire des recherches dans des sites Web axés sur les droits de la personne afin de savoir comment définir ce qu’elle vivait. [TRADUCTION] « Parce que ça ne figurait pas dans les exemples flagrants de harcèlement sexuel ou de ce genre de comportement que l’on trouve sur ces sites, cela ne correspondait pas tout à fait, mais on aurait dit simplement – c’était presque plus difficile d’y faire face et plus encore – je ne sais pas comment – c’était très dérangeant. C’était une véritable violation […]. Alors donc, de quoi s’agit-il, […] c’était juste – ce n’était pas – ça ne me semblait pas correct. Je savais que c’était répréhensible. Ce comportement me mettait vraiment à l'envers, mais, d’après la loi, il ne semblait pas correspondre aux critères que l’on voit affichés – il s’agissait d’exemples ».

[160]       Dans certains cas durant son témoignage direct, Mme Nastiuk a formulé des allégations très générales, ce qui a incité la présidente à lui demander de donner des exemples précis :

[TRADUCTION] Mme Nastiuk : […] Jamais je n’avais entendu quelqu’un me dire ces choses auparavant, et cela – ce n’était pas logique.

La présidente : Et quand vous dites ces choses, quelles sont ces choses?

Mme Nastiuk : Ces choses – je ne me souviens pas exactement de ce que ces choses étaient parce qu’elles n’étaient pas logiques, elles me mettaient en colère. […] Pourquoi est ce que je m’en souviendrais? Après, à la fin, quand j’ai finalement commencé à mettre les choses ensemble et à enlever tout simplement mes œillères et à faire face à la situation, je me suis dit que c’était plus de la projection. C’était l’impression que ça faisait.

La présidente : Pouvez-vous m’en donner un exemple?

Mme Nastiuk : Pas vraiment. Non – pas vraiment – et je sais que j’ai essayé d’y penser, mais, pour moi, c’était incongru, je ne pouvais – je ne pouvais pas m’en souvenir. […]

La présidente : […], mais je veux dire les choses qu’il vous a dites que – vous employez des mots forts comme « horrible » et « inapproprié » […] psychanalyse et ceci, mais vous ne donnez aucun détail […]

Mme Nastiuk : Je me souviens juste exactement de la façon dont je me sentais, cela me mettait en colère.

Transcription : page 196, ligne 25; page 197, lignes 1 à 7 et 11-23; page 198, lignes 8 à 10 et 13 à 17.

[161]       Tout en déclarant à maintes reprises qu’elle souffrait en silence, incapable d’affronter M. Sinclair et d’exiger qu’il cesse de lui faire des commentaires personnels qu’elle jugeait offensants, Mme Nastiuk a reconnu qu’il lui était arrivé d’avoir des conversations personnelles normales avec lui et que, parfois, elle contestait ce qu’il disait. Cela incluait, notamment, un incident survenu au cours de l’automne 2005, en dehors sa maison, quand M. Sinclair avait commencé à lui parler de son clan et, après que Mme Nastiuk se fut mise en colère et l’eut arrêté, il était parti dans son véhicule et était plus tard revenu pour s’excuser de son comportement. Mme Nastiuk a également convenu qu’elle avait discuté avec M. Sinclair de l’achat possible d’une des automobiles qui lui appartenaient. Mme Nastiuk a relaté une autre conversation avec M. Sinclair, au cours de l’automne 2005 dans laquelle il avait commencé à parler de la réputation de fêtarde qu’avait la grand-mère de Mme Nastiuk. Elle avait aussitôt réagi et mis fin à la conversation.

[162]       Au début du contre-interrogatoire auquel Me Bryson a soumis Mme Nastiuk, il a été établi qu’après la réunion infructueuse avec le chef McPherson en juin 2006, Mme Nastiuk a pris un congé de maladie du 19 juin au 4 octobre 2006. Durant cette période, Mme Nastiuk a fourni aux intimés des demandes écrites destinées à servir de fondement à des négociations ou à une médiation concernant ces plaintes. En même temps, Mme Nastiuk a présenté une demande de prestation d’assurance-emploi pour cause de congédiement déguisé. Quand Me Bryson l’a interrogée en vue de préciser les circonstances de son congédiement déguisé, Mme Nastiuk a déclaré : [TRADUCTION] « Il y avait des raisons pour lesquelles je ne pouvais pas retourner au centre de guérison, et M. Sinclair en était responsable en grande partie. La façon dont le programme avait été créé pour fonctionner, tout cela en faisait partie ». Quand Me Bryson a insisté pour qu’elle dise si c’était M. Sinclair ou le chef et le conseil qui avaient mis fin à son emploi, Mme Nastiuk a répondu : [TRADUCTION] « ce serait les deux parce que Couchiching n’était pas là pour faire preuve de diligence raisonnable. M. Sinclair était autorisé à diriger le programme, à embaucher et à congédier comme bon lui semblait ».

[163]       À un autre moment au cours du contre-interrogatoire, Mme Nastiuk a affirmé qu’elle avait commencé à se sentir mal à l’aise face à M. Sinclair en mars 2005, juste après que ce dernier eut commencé à travailler au CGG. L’avocate de la PNC a ensuite demandé si, durant cette période, Mme Nastiuk avait fait plusieurs déplacements en automobile avec M. Sinclair, si ce dernier avait été chez elle pour souper et dîner, si elle lui avait remis les clés de son automobile et avait discuté avec lui de la vente d’une automobile, si elle avait gardé les cadeaux qu’il lui avait faits (à elle, comme à tous les autres membres du personnel, en même temps) et si elle l’avait laissé réparer son automobile, sa chaudière au mazout et son climatiseur :

[TRADUCTION] Me Bryson : Était-ce parce qu’il était votre patron ou parce que vous vouliez qu’il fasse ces choses pour vous?

Mme Nastiuk : Je ne voulais pas qu’il le fasse. Il avait proposé de le faire pour moi – et c’était à une époque où je ne me trouvais pas au CGG depuis une partie du mois d’avril – ou une partie du mois d’avril, une partie du mois de mai, et les choses n’étaient pas tout à fait – pas vraiment mauvaises à ce moment-là.

Transcription : page 660, lignes 2 à 11.

B.                 Le contre-interrogatoire, par M. Sinclair, de Mme Nastiuk

[164]       M. Sinclair a posé un certain nombre de questions à Mme Nastiuk, lui présentant une version de leurs interactions qui différait de celle qu’elle avait présentée dans son témoignage direct. M. Sinclair a conclu son contre-interrogatoire de Mme Nastiuk en posant une longue série de questions précises, dont fait partie l’échange suivant :

[TRADUCTION] M. Sinclair : Et bien, dans ce cas particulier, je suis accusé ici de harcèlement sexuel, et pour moi il est très important que ces questions soient éclaircies. Le contexte dans lequel les commentaires ont été faits, le simple fait de dire que ceci c’est ce qui a été dit au sujet de commentaires sexuels ou d’une conversation sexuelle, sans donner d’autres informations pour l’éclaircir, ne croyez-vous pas que ce serait préjudiciable – que cela pourrait être préjudiciable, Mme Nastiuk?

Mme Nastiuk : Je suppose que je reviendrais à la fois où j’étais assise seule dans votre bureau et que vous avez commencé à parler et – à parler de vous-même et à faire ces commentaires, et que vous n’avez absolument pas tenu compte de la gêne que je ressentais et du fait qu’il était inapproprié pour vous de me faire ces commentaires, et toute cette affaire d’ignorer tout simplement ma réaction ou mon manque de réaction.

M. Sinclair : Avez-vous jamais dit, Tom, ne dites pas ça? Ne parlez pas de ça? Est-ce que vous me l’avez jamais dit, Mme Nastiuk?

Mme Nastiuk : Pas avant – je vous l’ai bien dit, mais pas avant la fin de l’été, l’automne.

M. Sinclair : De quelle année s’agirait-il Mme Nastiuk?

Mme Nastiuk : 2005.

M. Sinclair : Et combien de fois est-ce que je l’ai dit – est-il arrivé que je dise quelque chose et que vous ne m’ayez jamais rien dit? […] Est-ce que cela arrivait souvent?

Mme Nastiuk : Je pense que c’était fréquent, que les employés – qu’ils connaissaient cet air que vous aviez et ils savaient qu’il ne fallait pas réagir, répondre, s’exprimer. C’était fréquent.

Transcription : page 1290, lignes 20 à 25; page 1291, lignes 1 à 25; page 1292, lignes 2 à 7.

 


 

VII.          La plaignante doit établir une preuve prima facie

A.                Conclusion: La crédibilité de Mme Nastiuk

[165]       Une fois que l’instruction du Tribunal a débuté, la plaignante a eu la responsabilité de présenter un témoignage digne de foi qui établirait l’existence d’une preuve prima facie de harcèlement sexuel contre M. Sinclair, ainsi que de représailles de la part de la PNC. Elle était tenue de prouver, selon la prépondérance des probabilités, et au moyen de preuves claires et convaincantes, que l’intimé, M. Sinclair, l’avait harcelée sexuellement et que la PNC l’avait privé de ses possibilités d’emploi en exerçant des représailles après le dépôt de ses plaintes relatives aux droits de la personne auprès de la Commission.

[166]       Le fardeau de preuve initial exigeait que la plaignante présente une preuve digne de foi sur chaque élément constitutif de l’acte discriminatoire allégué qui, si on y ajoutait foi, serait suffisante pour justifier un verdict en sa faveur; à défaut d’une réponse de l’intimé.

[167]       Lorsqu’une preuve prima facie est établie, le fardeau de preuve se déplace vers l’intimé, qui doit produire une preuve constituant une explication raisonnable.

[168]       Cependant, avant de conclure si la plaignante a établi une preuve prima facie, il est absolument essentiel que l’arbitre commence par tirer une conclusion de fait sur la principale question qu’est la crédibilité de la plaignante. Cette conclusion de fait joue un rôle fondamental pour ce qui est de toutes les autres conclusions de fait qui se rapportent à la preuve produite.

[169]       L’affirmation de Mme Nastiuk selon laquelle la conduite de M. Sinclair était constante et d’une intensité croissante est contredite par ce qu’elle a déclaré au sujet des nombreuses interactions que les deux ont eues et qui étaient des activités ordinaires auxquelles elle avait pris part de son plein gré, comme le fait que M. Sinclair répare son automobile, son climatiseur et sa chaudière.

[170]       L’affirmation de Mme Nastiuk selon laquelle c’était M. Sinclair qui avait créé un milieu de travail hostile dans lequel elle travaillait s’est révélée fausse, comme elle l’a révélé dans son propre témoignage direct ainsi que dans les réponses qu’elle a données en contre-interrogatoire, et comme l’ont montré aussi les informations que l’administrateur de bande, Dale Morrisseau, avait reçues des collègues de travail de Mme Nastiuk. C’est l’irascibilité de cette dernière, ainsi que sa condescendance envers ses collègues de travail, qui ont été la source de l’hostilité à son égard.

[171]       Mme Nastiuk a déclaré avoir fait des recherches dans des sites Web axés sur les droits de la personne pour déterminer si ce qu’elle décrivait comme un comportement importun et déplacé de M. Sinclair envers elle était du harcèlement sexuel. Même si elle a déclaré que ce comportement ne correspondait à aucune des descriptions de harcèlement sexuel qu’elle avait trouvées en faisant ses recherches, Mme Nastiuk continue d’alléguer que le type de comportement déplacé de M. Sinclair est assimilable à du harcèlement sexuel.

[172]       Après avoir analysé et examiné avec soin le témoignage de Mme Nastiuk, je conclus qu’elle n’a pas été un témoin digne de foi. Premièrement, elle n’a pas informé M. Sinclair en temps opportun que les contacts de nature non professionnelle qu’il avait avec elle et les questions de nature personnelle qu’il lui posait étaient importuns et, deuxièmement, elle n’a pas établi que cette attitude était de nature sexuelle et constituait donc du harcèlement sexuel. Le témoignage de Mme Nastiuk a été incohérent et souvent conjectural, plutôt qu’objectif. Et par-dessus tout, son témoignage direct n’a pas résisté à l’épreuve du contre-interrogatoire.

[173]       Quand il a été demandé à Mme Nastiuk en contre-interrogatoire par l’avocate de la PNC et par M. Sinclair, ainsi que dans les questions de la présidente, de fournir des détails et de donner des exemples au sujet du harcèlement sexuel qui aurait été commis par M. Sinclair, elle a été incapable d’en décrire un seul.

[174]       Je souscris à l’observation que l’avocate de l’intimée, la PNC, a faite sur la plainte de représailles de Mme Nastiuk, car il s’agit d’une description exacte de son témoignage :

[TRADUCTION] Malgré de multiples tentatives en contre-interrogatoire, la PNC n’a pu avoir de Mme Nastiuk un seul exemple de la manière dont la PNC n’a pu la protéger au travail contre les effets allégués du harcèlement allégué de M. Sinclair. Les problèmes que Mme Nastiuk avait avec la PNC étaient axés sur les problèmes qu’elle disait avoir avec l’administration du CGG, lesquels doivent être considérés dans le contexte de ses études récentes et de son expérience limitée dans le domaine, de même que de la résurrection récente du programme du CGG. Dans les plaintes que Mme Nastiuk a déposées par la suite en matière de représailles ainsi qu’auprès de RHDSC à l’encontre de la PNC celle ci allègue de manière inexacte que la PNC ne s’est nullement occupée de ses préoccupations et ne l’a pas du tout protégée contre les effets du harcèlement de M. Sinclair. Elle ne donne au TCDP aucun exemple de cette omission alléguée, et sa déclaration ne correspond pas aux mesures que la PNC a prises pour la faire revenir au travail après une absence autorisée. Le CGG n’était pas disposé à prendre des mesures disciplinaires à l’endroit de M. Sinclair ou à dédommager Mme Nastiuk sans une preuve de probabilités définitive. M. Morrisseau a déclaré qu’il était déconcerté et incertain quant à la nature de la relation qu’entretenaient la plaignante et l’intimé, M. Sinclair, et quant à la véracité des allégations, de sorte qu’il a pris des mesures d’accommodement et a surveillé la situation.

[175]       Je conclus que Mme Nastiuk n’a pas été un témoin digne de foi et que ce qu’elle a déclaré à l’appui de ses allégations de harcèlement sexuel et de représailles n’est pas crédible.

B.                 Conclusion: La crédibilité de M. Sinclair

[176]       Les affirmations que l’intimé a faites dans son témoignage direct ont été vérifiées en contre interrogatoire et demeurent en grande partie intactes. J’ai examiné son témoignage par rapport aux circonstances uniques de l’affaire et à l’atmosphère stressante qui régnait au CGG de la PNC, et je conclus qu’il est un témoin digne de foi qui a fait un témoignage crédible. M. Sinclair a nié la totalité des accusations et des allégations de comportement déplacé de Mme Nastiuk, ou les a toutes expliquées de manière raisonnable, et il a nié catégoriquement avoir harcelé la plaignante sur le plan sexuel.

 


 

C.                Conclusion : La crédibilité de Dale Morrisseau

[177]       M. Morrisseau est indépendant de tous les autres témoins dans cette affaire. Neutre, objectif et impartial, il a témoigné de manière convaincante et pertinente. Il a estimé que ni Mme Nastiuk ni M. Sinclair ne lui avaient révélé tous les détails de leur relation professionnelle/personnelle, ce qui l’avait laissé aux prises avec le problème d’une double version des faits qu’il ne pouvait pas régler.

VIII.        La décision

[178]    Au vu des conclusions qui précèdent, je rejette la totalité des allégations d’actes discriminatoires et de représailles que la plaignante, Mme Nastiuk, a formulées contre l’intimé, M. Sinclair, ainsi que contre l’intimée, la PCN.

 

 

Signée par

Wallace G. Craig

Membre du tribunal

OTTAWA (Ontario)

Le 8 juin 2012

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T1406/3209 & T1407/3309

Intitulé de la cause : Marlo Nastiuk c. Couchiching First Nation et Thomas Sinclair

Date de la décision du tribunal : Le 8 juin 2012

Date et lieu de l’audience : Les 1 au 5 mars 2010

Les 31 mai au 4 juin, 2010

Les 14 au 18 juin 2010

Fort Frances (Ontario)

Comparutions :

Marlo Nastiuk, pour elle même

Aucune comparution, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Chantelle Bryson, pour l'intimé

Thomas Sinclair, pour lui même

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