Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Canadian Human Rights Tribunal
Entre :

Norm Murray

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

Commission

- et -

Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada

l'intimée

Décision sur requête

Membre: Edward P. Lustig

Date: Le 19 octobre 2012

Référence: 2012 TCDP 25

 



I.                   Contexte et objections préliminaires

[1]               Le 29 juillet 2011, la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) a demandé au président du Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) qu’il instruise la plainte de Norm Murray (le plaignant) contre la Commission de l’immigration et du statut de réfugiés (l’intimée) en vertu du paragraphe 49(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personnes, L.R.C. 1985, ch. H‑6 (la Loi).

[2]               Le 10 avril 2012, la Commission a déposé une requête pour qu’il soit ordonné à l’intimée de produire certains documents en sa possession ou sous son contrôle. Le 24 avril 2012, le plaignant a déposé sa propre requête pour qu’il soit ordonné à l’intimée de produire certains documents. Dans ses observations en réponse aux requêtes en divulgation, l’intimée a déposé les affidavits des personnes suivantes : Antonella Gullia et Angela Henry. En réponse aux observations de l’intimée, tant la Commission que le plaignant se sont opposés à l’admissibilité des affidavits de l’intimée.

[3]               Le 4 juin 2012, l’intimée a déposé une requête pour l’obtention d’une ordonnance de rejet de la plainte. À l’appui de sa requête en rejet, l’intimée se fonde aussi sur les affidavits de mesdames Gullia et Henry. En réponse à la requête en rejet, le plaignant s’oppose encore une fois à l’admissibilité des affidavits de l’intimée.

[4]               Pour sa part, l’intimée s’oppose au dépôt de la pièce F de l’affidavit de France Saikali. L’affidavit de Mme Saikali a été déposé par la Commission à l’appui de ses observations en réponse à la requête en divulgation.

II.                Les positions des parties

[5]               Selon la Commission, les affidavits de l’intimée sont inadmissibles. La Commission soutient que l’affidavit de Mme Gullia traite principalement du processus et de la décision de la Commission, à partir du dépôt de la plainte en 2004, jusqu’au moment où la plainte a été renvoyée au Tribunal. La Commission soutient qu’une telle discussion n’est pas pertinente quant à la question de la divulgation, et qu’il appert que l’intimée conteste la décision de la Commission. En ce qui a trait à l’affidavit de Mme Henry, la Commission avance qu’il contient un témoignage d’expert d’un témoin non qualifié, et que la Commission n’a pas eu l’occasion d’interroger l’intimée sur sa bonne foi dans la production d’un témoignage d’expert. La Commission ajoute que l’affidavit de Mme Henry contient des précisions sur la politique du Conseil du Trésor en matière d’équité en emploi qui ne sont pas pertinentes dans la présente instance du Tribunal.

[6]               Le plaignant souscrit aux observations de la Commission relativement à l’admissibilité des affidavits de l’intimée. En ce qui a trait en particulier à l’affidavit de Mme Henry, le plaignant avance que les affirmations faites relativement aux politiques et aux pratiques du Conseil du Trésor et d’autres ministères du gouvernement relativement à l’équité en emploi ne sont pas pertinentes quant aux requêtes. En outre, Mme Henry n’a pas été reconnue en tant qu’experte, et elle n’est pas en position de présenter un témoignage d’expert au Tribunal.

[7]               L’intimée a répondu aux arguments de la Commission et à ceux du plaignant en ce qui concerne l’admissibilité des affidavits dans la réplique faisant partie de la requête en rejet. Selon la Commission, cela équivaut à une réplique aux observations en réponse de la Commission et du plaignant relativement à la requête en divulgation, et, par conséquent, il s’agit d’une observation en réplique non appropriée. Par conséquent, la Commission demande que les paragraphes 5 à 7 des observations en réplique de l’intimée relativement à la requête en rejet soient radiés. Pour l’intimée, cela inclut ses arguments relatifs à l’objection aux affidavits dans sa réplique à la requête en rejet, parce que le plaignant a une fois de plus soulevé la question dans sa réplique à la requête en rejet.

[8]               En ce qui a trait à l’affidavit de Mme Gullia, l’intimée soutient qu’il ne vise pas la révision de la décision de la Commission, et ce n’est pas le but de cet élément de preuve. Plutôt, l’intimée soutient que cet élément de preuve est pertinent pour l’établissement de la portée de la plainte soumise au Tribunal. Quant à l’affidavit de Mme Henry, directrice au Secrétariat du Conseil du Trésor, l’intimée soutient que le Conseil du Trésor est l’employeur du plaignant, et il incombe au Conseil du Trésor d’établir des rapports pour tous les ministères figurant à l’annexe II de la Loi sur la gestion des finances publiques. Par conséquent, la position du Conseil du Trésor sur la possibilité de divulgation de renseignements sur l’équité en emploi est pertinente quant aux questions dont le Tribunal est saisi. L’intimée ajoute que, en ce qui concerne le fait que l’affidavit contient un témoignage d’expert, il est admissible compte tenu du fait que les témoins profanes peuvent donner des témoignages d’expert lorsqu’ils ont la capacité et l’expérience requise pour donner un avis sur la question pertinente, ou bien parce que les compétences de la personne qui souscrit l’affidavit sont telles qu’elle est qualifiée pour donner un témoignage d’expert sur un point précis.

[9]               En ce qui concerne l’affidavit de Mme Saikali, l’intimée s’oppose au dépôt de la copie non caviardée du rapport supplémentaire d’enquête de la Commission. L’intimée a déposé le même rapport, mais sous une forme caviardée. Pour l’intimée, les parties du rapport qu’elle a caviardées contiennent les renseignements qu’elle ne veut pas voir divulgués dans la requête en divulgation. L’intimée demande donc que le Tribunal ne permette pas le dépôt de ces parties des documents de la Commission.

III.             Décision sur requête

[10]           Conformément au paragraphe 48.9(1) de la Loi, « [l]’instruction des plaintes se fait sans formalisme et de façon expéditive dans le respect des principes de justice naturelle et des règles de pratique ». De plus, l’alinéa 50(3)c) de la Loi accorde au Tribunal de vastes pouvoirs pour ce qui est « de recevoir […] des éléments de preuve ou des renseignements par déclaration verbale ou écrite sous serment ou par tout autre moyen qu’il estime indiqué, indépendamment de leur admissibilité devant un tribunal judiciaire ».

[11]           La Commission et le plaignant s’opposent à la preuve par affidavit de l’intimée dans leurs répliques respectives aux requêtes en divulgation. À l’appui de sa requête en rejet, l’intimée se fonde sur la même preuve par affidavit. En réplique à la requête en rejet, le plaignant s’oppose encore une fois à l’admissibilité de la preuve par affidavit. L’intimée a répondu aux arguments dans ses observations en réplique à la requête en rejet. Étant donné que l’opposition à la preuve par affidavit était encore une fois soulevée dans le contexte de la requête en rejet et que le plaignant s’était fondé sur les mêmes arguments qu’il avait présenté dans le contexte de la requête en divulgation – à savoir le fait qu’il s’était fondé sur les observations de la Commission – il n’était pas incorrect que l’intimée réponde aux arguments du plaignant et de la Commission comme elle l’a fait. Par conséquent, le Tribunal n’est pas prêt à radier les paragraphes 5 à 7 de la réplique de l’intimée à la requête en rejet.

[12]           En ce qui concerne les affidavits de mesdames Gullia et Henry, ni la Commission ni le plaignant ne prétendent qu’un préjudice ou une injustice a été commis par le dépôt de ces affidavits. Plutôt, ils avancent que les renseignements contenus dans les affidavits ne sont pas pertinents et qu’ils contiennent des témoignages d’expert provenant de témoins non qualifiés. Vu le caractère non formel de la procédure devant le Tribunal, et vu les vastes pouvoirs prévus à l’alinéa 50(3)c) pour l’acceptation de renseignements et d’éléments de preuve, le Tribunal n’est pas porté à radier complètement les affidavits. Plutôt, le Tribunal examinera les objections de la Commission et du plaignant lorsqu’il soupèsera la valeur des renseignements présentés dans les affidavits.

[13]           En ce qui concerne la pièce F de l’affidavit de Mme Saikali, la Commission se fonde sur le rapport supplémentaire d’enquête à l’appui de son allégation selon laquelle pendant l’enquête relative à la plainte l’intimée a fourni des données statistiques sur la représentation pour 2003 et 2004 et elle a renoncé à réclamer la confidentialité des renseignements. Il n’est pas nécessaire que le Tribunal examine les données statistiques non caviardées contenues dans le rapport supplémentaire d’enquête pour que la Commission établisse le bien‑fondé de cet argument. Il suffit de dire que les données statistiques sur la représentation pour 2003 et 2004 ont été examinées comme faisant partie du rapport supplémentaire d’enquête. À la présente étape de la procédure, avant d’avoir à trancher les requêtes en divulgation, et les allégations de l’intimée quant à la confidentialité relative aux renseignements statistiques, il n’est pas approprié d’examiner la version non caviardée du rapport supplémentaire d’enquête. Par conséquent, la pièce F de l’affidavit de Mme Saikali est scellée aux fins des présentes requêtes, et jusqu’à ce qu’il soit statué sur les requêtes, le Tribunal se fondera sur la version caviardée du rapport supplémentaire d’enquête fourni par l’intimée.

 

 Signée par

Edward P. Lustig

Membre du tribunal

OTTAWA (Ontario)

Le 19 octobre 2012

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal: T1706/6111

Intitulé de la cause: Norm Murray c. la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada

Date de la décision sur requête du tribunal: Le 19 octobre 2012

Lieu de l’audience: Ottawa (Ontario)

Comparutions:

David Yazbeck, pour le plaignant

Samar Musallam and Ikram Warsam, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Christine Mohr and Liz Tinker, pour l'intimée

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