Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien des droits de la personne

Entre :

Heather Lynn Grant

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

Commission

- et -

Manitoba Telecom Services Inc.

l'intimée

Décision

Membre : Sophie Marchildon

Date : Le 20 septembre 2012

Référence : 2012 TCDP 20

 



I.                   Le contexte

[1]               Dans la décision Heather Lynn Grant c. Manitoba Telecom Services Inc., 2012 TCDP 10 [Grant], le Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) a conclu que la plainte que Mme Grant, la plaignante, avait déposée contre Manitoba Telecom Services Inc. (l’intimée ou MTS) en vertu de l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C., 1985, ch. H‑6 (la Loi), était fondée. Conformément au paragraphe 53(2) de la Loi, le Tribunal a ordonné à l’intimée de verser à la plaignante une indemnité d’un montant de 10 000 $ au titre du préjudice moral qu’elle avait subi par suite de l’acte discriminatoire commis, ainsi qu’une indemnité d’un montant de 10 000 $ pour avoir commis cet acte de manière délibérée ou inconsidérée (voir la décision Grant, aux paragraphes 132 et 133). Il lui a également ordonné de s’efforcer, avec le concours de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission), de renseigner les membres de la haute direction sur l’obligation d’accommodement et d’établir des politiques appropriées à cet égard (voir la décision Grant, aux paragraphes 130 et 134).

[2]               La plaignante a également sollicité des mesures de redressement concernant sa réintégration dans ses fonctions auprès de l’intimée, la perte de salaire, la perte de cotisations de retraite, la perte d’autres prestations, les dépenses et les coûts qu’elle avait supportés, de même que les intérêts y afférents. Dans la décision Grant, le Tribunal a demandé aux parties de lui présenter d’autres observations et éclaircissements sur ces mesures de redressement et a mentionné qu’il demeurerait saisi de l’affaire jusqu’à ce que les parties aient présenté ces observations et ces éclaircissements (voir la décision Grant, aux paragraphes 135 et 136).

[3]               Le 10 juillet 2012, une audience a eu lieu sous forme de conférence téléphonique en vue d’obtenir des parties des éclaircissements additionnels sur leurs observations concernant les mesures de redressement en suspens.

[4]               Voici la décision du Tribunal concernant les mesures de redressement en suspens qui découlaient de la décision Grant.

II.                Les mesures de redressement en suspens

A.                La réintégration dans les fonctions

[5]               La plaignante souhaite être réintégrée dans ses fonctions au même endroit, ou à un poste coté de manière équivalente au même endroit.

[6]               Conformément au raisonnement exposé dans la décision McAvinn c. Strait Crossing Bridge Ltd. D.T. 13/01 (TCDP), la plaignante mentionne que s’il existe une « sérieuse possibilité » qu’elle ait conservé son emploi, le Tribunal doit dans ce cas ordonner sa réintégration. Cependant, même si cette possibilité peut être un élément à prendre en considération pour déterminer la mesure de redressement qui convient en l’espèce, il ne s’agit pas du seul. Une démarche aussi restrictive priverait le Tribunal du pouvoir discrétionnaire de redressement dont il dispose pour concevoir une mesure de redressement appropriée en vertu du paragraphe 53(2) de la Loi. Une fois qu’il a été conclu que la plainte est fondée, l’objectif que l’on vise en rendant une ordonnance en vertu du paragraphe 53(2) de la Loi est, dans toute la mesure du possible, d’indemniser pleinement la partie plaignante. Il faut pour cela que le Tribunal exerce son pouvoir discrétionnaire de redressement en obéissant à des principes, en tenant compte du lien qui existe entre l’acte discriminatoire commis et la perte alléguée (voir l’arrêt Chopra c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 268, au paragraphe 37 [Chopra]). Autrement dit, le Tribunal doit exercer son pouvoir discrétionnaire en matière de redressement de manière raisonnable, eu égard aux circonstances particulières de l’affaire ainsi qu’aux éléments de preuve présentés (Hughes c. Élections Canada, 2010 TCDP 4, au paragraphe 50).

[7]               Dans la décision Grant, le Tribunal a conclu qu’on avait évalué le rendement au travail de la plaignante sans prendre sérieusement en compte les effets de sa déficience sur son rendement. L’intimée s’était servie des appréciations du rendement de la plaignante pour comparer cette dernière à une autre employée, Sharon Horner, dans le but de décider laquelle des deux serait licenciée. Sur ce fondement, le Tribunal a conclu que la déficience de la plaignante avait joué dans la décision prise par l’intimée de ne plus la garder à son service. Cependant, même si le Tribunal a conclu qu’il y avait un lien entre le rendement et l’appréciation négative du rendement de la plaignante, la déficience de cette dernière et son licenciement, les éléments de preuve présentés n’étaient pas suffisants pour que le Tribunal puisse maintenant revenir en arrière et apprécier quel aurait réellement été le rendement de la plaignante si l’on avait tenu compte de sa déficience. Le Tribunal n’avait pas non plus en main suffisamment d’éléments de preuve concernant le rendement de Sharon Horner. Pour comparer les deux employées avant le licenciement, l’intimée n’a pas seulement utilisé les appréciations du rendement; elle a aussi interrogé leurs gestionnaires. La gestionnaire de Sharon Horner n’a pas témoigné devant le Tribunal, pas plus que Sharon Horner. Sans ces informations, le Tribunal n’est pas en mesure aussi d’apprécier à nouveau les deux candidates au licenciement et de décider laquelle il aurait fallu licencier; il ne conviendrait pas non plus de le faire eu égard à l’alinéa 54(2)a) de la Loi et de la conclusion du Tribunal selon laquelle il n’existait aucune preuve prima facie d’animosité discriminatoire dans la décision prise par l’intimée de licencier des employés (voir la décision Grant, aux paragraphes 44 à 47). Ce que le Tribunal tente de redresser dans les circonstances de l’espèce est plutôt, selon moi, la chance qu’a perdue la plaignante de faire apprécier son rendement de manière non discriminatoire et, par conséquent, la possibilité qu’elle avait, tout comme une autre candidate, de conserver l’emploi qu’elle exerçait auprès de l’intimée. La difficulté que pose la conception d’une mesure de redressement appropriée dans le cas présent réside dans le fait que, indépendamment de l’acte discriminatoire commis, il y avait au moins une possibilité de 50 % qu’on aurait licencié la plaignante de toute façon. C’est là un point important dont il faut tenir compte pour décider si, dans les circonstances de l’espèce, la réintégration est une mesure appropriée et ce point, de pair avec les autres motifs susmentionnés, m’amène à croire qu’il n’est pas raisonnable d’ordonner que la plaignante soit réintégrée dans ses fonctions.

B.                 La perte de salaire

[8]               La plaignante sollicite une indemnité pour perte de salaire. Au moment de son licenciement, elle a reçu une indemnité de départ : deux semaines de rémunération pour chaque année de service auprès de l’intimée, soit un montant total de 62 000 $. Après avoir été licenciée en février 2007, la plaignante a été sans travail pendant quelques mois. Elle a commencé à exercer un nouvel emploi en octobre 2007, et elle travaille régulièrement depuis ce temps. Les déclarations de revenus de la plaignante pour 2006 à 2009 ont été présentées au Tribunal et ces déclarations indiquent que le revenu de la plaignante a augmenté au cours des années suivant la date où l’intimée l’a licenciée.

[9]               La plaignante soutient qu’il lui a fallu accomplir un plus grand nombre d’heures de travail pour gagner le même revenu qu’elle aurait touché auprès de MTS. À cet égard, elle n’a pas conservé ses bordereaux de paie, mais elle a présenté au Tribunal un tableau qu’elle a établi avec son syndicat et qui présente la différence, sur une base horaire, entre le montant qu’elle a gagné dans ses nouveaux postes et le montant qu’elle aurait touché auprès de MTS entre les années 2007 et 2010. Ce tableau n’inclut pas de dates, pas plus qu’il n’indique ses heures de travail, mais il généralise ses gains sur une base annuelle. Dans son témoignage, la plaignante a tenté d’expliquer le raisonnement qui sous-tendait les calculs contenus dans le tableau, mais elle n’a pas présenté d’autres preuves à l’appui de ces chiffres. En se fondant sur le tableau, et en disant qu’elle a accompli un plus grand nombre d’heures de travail, la plaignante demande au Tribunal de conclure qu’elle a subi une perte de salaire. À l’audience du 10 juillet 2012, le Tribunal a demandé à la plaignante d’éclaircir sa prétention de perte de salaire fondée sur le fait qu’elle avait accompli un plus grand nombre d’heures de travail pour toucher la même rémunération, ainsi que d’étayer cette prétention à l’aide de décisions jurisprudentielles et des dispositions de la Loi. Elle a répondu que même si l’on détermine habituellement la perte de salaire à partir du revenu annuel brut, plutôt que sur une base horaire, le Tribunal se devait de souscrire aux calculs qu’elle avait faits au sujet de sa perte de salaire en se fondant sur une approche générale et libérale à l’égard de l’interprétation de la Loi, voire dans les limites d’une approche littérale relativement à l’interprétation des dispositions de l’alinéa 53(2)c). J’admets que cet alinéa ne précise pas comment calculer la perte de salaire, mais cela ne change rien au fait que le Tribunal doit tirer la conclusion qui s’impose au mieux de ses compétences, en se fondant sur les éléments de preuve présentés. Les calculs de la perte de salaire que la plaignante a faits sur une base horaire, de même que les explications connexes, étaient vagues et non étayés


 

par des éléments de preuve suffisants pour permettre au Tribunal de conclure qu’elle avait subi une perte de salaire ou n’avait pu atténuer les dommages subis à cet égard. J’ajouterais que le principe de l’atténuation des dommages repose sur la prémisse suivante :

[…] La société a intérêt à encourager l’efficience économique en exigeant que les personnes qui ont subi des pertes prennent des mesures pour minimiser leur perte, puisqu’il n’est pas dans l’intérêt public de permettre que des membres de la société maximisent leur perte au détriment d’autres personnes, même ci celles-ci sont responsables de la perte […].

(Voir l’arrêt Chopra, au paragraphe 40).

[10]           Il est difficile de souscrire à l’argument de la plaignante selon lequel elle a subi une perte de salaire compte tenu de ses déclarations de revenus officielles et du principe de l’atténuation des dommages. De ce fait, je conclus que l’indemnité de départ que la plaignante a reçue de l’intimée fait plus que compenser la perte qu’elle a subie au cours de sa période d’absence de travail et que les déclarations de revenus applicables aux années postérieures à son licenciement de MTS indiquent qu’elle n’a pas subi de perte de rémunération, comparativement à ce qu’elle aurait gagné auprès de MTS. Pour ces motifs, je ne crois pas qu’il soit raisonnable en l’espèce d’ordonner l’octroi d’une indemnité pour perte de salaire.

[11]           La plaignante prétend également avoir subi une perte liée au régime de rémunération variable et au régime des primes versées relativement aux ventes de groupe de l’intimée. Cependant, après avoir examiné les renseignements que les parties ont fournis sur ces deux régimes, je conviens avec l’intimée que le régime de rémunération variable et celui des primes versées relativement aux ventes de groupe font partie de la perte de salaire de la plaignante. Il s’agit de primes qui auraient été incluses dans son revenu. Ayant conclu que la plaignante a atténué sa perte de salaire, je n’accorde pas d’indemnité au titre du régime de rémunération variable ou du régime des primes versées relativement aux ventes de groupe.


 

C.                La pension

[12]           La plaignante sollicite une indemnité pour les cotisations de retraite perdues. Elle soutient que, compte tenu de l’âge et des années de service qu’elle avait au moment de son licenciement, la perte de sa pension a eu pour elle de graves conséquences. Les parties ont reconnu que la plaignante ne bénéficie plus d’un régime de retraite auprès de son nouvel employeur. Selon la plaignante, il lui faudra maintenant effectuer beaucoup plus d’années de travail qu’il ne lui en aurait fallu auprès de MTS pour subvenir à ses besoins dans l’avenir et au moment de la retraite.

[13]           L’intimée est d’avis que toute perte qu’allègue la plaignante par rapport à sa pension doit être considérée de pair avec sa perte de salaire. Je ne suis pas d’accord. L’alinéa 53(2)c) confère au Tribunal le pouvoir d’indemniser les victimes d’acte discriminatoire de toute perte de salaire. L’alinéa 53(2)b) autorise le Tribunal à accorder à la victime d’un acte discriminatoire les « avantages » dont cet acte l’a privée. Une pension est un avantage de retraite qui, même s’il est souvent calculé ou si l’on y cotise en fonction du salaire d’un employé, ne fait pas partie de la rémunération de cet employé. Ce ne sont pas tous les employeurs qui offrent un programme de retraite, et ce dernier peut être une importante mesure d’encouragement à l’emploi. En ce sens, je crois qu’un tel programme peut être considéré plus justement comme un « avantage », plutôt que comme un élément inclus dans la rémunération d’un employé. Le Tribunal a adopté une approche semblable pour déterminer des mesures de redressement en matière de pension dans la décision Levac c. Forces armées canadiennes, D.T.2/95 (TCDP), une affaire dans laquelle une indemnité pour perte de salaire n’a pas été accordée.

[14]           Comme il a été mentionné plus tôt, à cause de l’acte discriminatoire commis par l’intimée la plaignante a perdu une possibilité d’au moins 50 % de conserver son emploi auprès de l’intimée, ainsi que des prestations de retraite y afférentes. Conformément à l’alinéa 53(2)b) de la Loi, la plaignante s’est vue privée de la possibilité de conserver l’avantage de ces prestations en raison de l’acte discriminatoire commis. Pour cette raison, il faudrait maintenant mettre à sa disposition une partie des prestations de retraite perdues. À l’instar du raisonnement exposé dans la décision Shiv Chopra c. Santé Canada, 2004 TCDP 27, où l’indemnité pour perte de salaire a été divisée par trois en vue de tenir compte du nombre de candidats intéressés par le poste dont, d’après le Tribunal, la victime de discrimination avait été privée, je crois qu’il convient pareillement en l’espèce de réduire de 50 % les cotisations de retraite perdues au cours de la période qui a suivi le licenciement de la plaignante afin de tenir compte du fait que celle-ci n’a pas perdu son emploi par suite d’un acte discriminatoire, mais a plutôt perdu la possibilité de conserver son emploi par rapport à une autre candidate.

[15]           Compte tenu des motifs qui précèdent, et par souci non pas de sanctionner l’intimée, mais, dans toute la mesure du possible, d’indemniser pleinement la plaignante en application de l’alinéa 53(2)b) de la Loi, j’ordonne à l’intimée de replacer les prestations de retraite de la plaignante dans la situation où elles se trouvaient au moment du licenciement. Pour la période s’étendant entre la date du licenciement et la date d’application des dispositions de la présente ordonnance, l’intimée contribuera au régime de retraite de la plaignante la moitié des cotisations qu’elle aurait effectuées au cours de cette période si la plaignante était restée à son service. S’il est impossible de rétablir le régime de retraite antérieur, il faudra prendre les dispositions nécessaires pour rétablir les prestations de retraite perdues, de la manière décrite ci-dessus, dans un régime ou un programme comparable en veillant à ce que la plaignante puisse recevoir des prestations de retraite comparables à celles qu’elle aurait reçues par l’entremise de MTS. Compte tenu des difficultés et des considérations qui peuvent entrer en jeu dans la détermination de l’application de cette ordonnance, compte tenu du manque de preuves permettant de déterminer le mieux possible l’application de la présente ordonnance, compte tenu de l’admission des parties selon laquelle il faudra peut-être recourir aux services d’un actuaire pour effectuer ces calculs de retraite, et compte tenu du fait que les preuves qui m’ont été présentées pour faire ces calculs sont insuffisantes, je laisserai donc d’abord aux parties le soin de régler les détails des prestations de retraite perdues de la plaignante dans le cadre des paramètres susmentionnés. Je demeurerai saisie de l’affaire au cas où les parties ne parviendraient pas à s’entendre à cet égard.

D.                Le régime d’actionnariat des employés

[16]           La plaignante a déclaré avoir pris part au régime d’actionnariat des employés. MTS est une société publique qui a créé un régime dans le cadre duquel les employés peuvent contribuer de 4 % à 6 % de leur revenu en investissant dans des actions de l’entreprise. La plaignante a déclaré qu’elle contribuait 4 % de son revenu à ce régime et que MTS effectuait une quote-part parallèle équivalant à 1 % de ce revenu. La plaignante estime que si elle était restée au service de l’intimée, la quote-part de cette dernière aurait été d’environ 2 441,06 $. L’intimée ne conteste pas ce calcul, mais elle soutient une fois de plus que ce montant doit être considéré plus justement comme un élément de rémunération et que la plaignante a atténué sa perte de rémunération. Je crois que le régime d’actionnariat des employés, à l’instar d’une pension, peut être considéré plus justement comme un « avantage » au sens de l’alinéa 53(2)b) de la Loi, plutôt que comme un élément de la rémunération de l’employé. Il s’agit d’un fonds de placement, offert par l’employeur, auquel les employés contribuent durant leur période d’emploi et dont ils bénéficient à une date ultérieure. En appliquant le même raisonnement que celui que j’ai suivi pour calculer la perte de pension de la plaignante, à savoir que cette dernière avait une chance de 50 % de conserver son poste, j’ordonne à l’intimée de replacer le régime d’actionnariat des employés de la plaignante dans la situation où il se trouvait au moment du licenciement. Pour la période qui s’étend entre la date du licenciement et celle de l’application des dispositions de la présente ordonnance, l’intimée contribuera au régime d’actionnariat de la plaignante la moitié des cotisations qu’elle aurait faites au cours de cette période si la plaignante était restée à son service. S’il est impossible de rétablir le régime d’actionnariat antérieur, il faudra prendre les dispositions nécessaires pour rétablir les prestations perdues, de la manière décrite plus tôt, dans un régime ou un programme comparable en veillant à ce que la plaignante puisse recevoir les prestations du régime d’une manière comparable à ce qu’elle aurait reçu par l’entremise de MTS. Compte tenu, d’une part, des difficultés et des considérations qui peuvent entrer en jeu dans la détermination de l’application de cette ordonnance et, d’autre part, du manque de preuves qui permettraient au Tribunal de déterminer de la meilleure façon possible l’application de la présente ordonnance, je laisserai donc tout d’abord aux parties le soin de régler les détails de la perte des prestations du régime d’actionnariat de la plaignante, conformément aux paramètres exposés plus tôt. Je demeurerai saisie de l’affaire au cas où les parties ne parviendraient pas à s’entendre à cet égard.


 

E.                 Les autres dépenses

[17]           Conformément au régime de prestations de MTS, la plaignante demande qu’on lui rembourse diverses dépenses qu’il lui a été impossible de recouvrer à la suite de son licenciement ainsi qu’au cours de la période où la présente plainte a été examinée. La plaignante a supporté des frais de médicaments d’un montant de 282,61 $, des frais de services dentaires d’un montant de 147,40 $ ainsi que des frais de services d’orthodontie d’un montant de 4 500 $. Selon le régime d’assurance dentaire de MTS, les soins dentaires ordinaires sont assurés à 100 % jusqu’à concurrence d’un montant de 1 250 $ par année, et les services d’orthodontie sont assurés à 50 %, jusqu’à concurrence d’un montant de 1 000 $ par année. La plaignante soutient qu’elle aurait demandé le remboursement des dépenses liées aux services d’orthodontie sur deux ans, soit un montant total de 1 000 $ chaque année. L’intimée n’a pas contesté ce montant. Si j’applique le même raisonnement que celui que j’ai suivi pour calculer les prestations de retraite de la plaignante, à savoir que cette dernière avait une chance de 50 % de conserver son emploi, j’ordonne à l’intimée de payer la somme de 1 000 $ pour rembourser la moitié des dépenses liées aux services d’orthodontie et la somme de 73,70 $ pour rembourser la moitié des dépenses liées aux services dentaires. On ne m’a pas fourni assez de preuves pour déterminer quel aurait été le montant de l’assurance couvrant le coût des médicaments, mais l’intimée n’a pas non plus contesté le montant déclaré. J’ordonne donc à cette dernière de payer la somme de 141,31 $, qui représente la moitié du coût des médicaments.

[18]           La plaignante sollicite également une indemnité compensant les frais qu’elle a supportés pour suivre un cours de conduite de camion de classe 1. Ce cours coûte 4 800 $, mais elle ne réclame que la somme de 1 200 $, car le solde a été payé par un programme gouvernemental. Je suis convaincue que cette dépense a été supportée par suite de l’acte discriminatoire commis. À la suite de son licenciement, la plaignante a suivi ce cours afin d’acquérir les compétences nécessaires pour trouver du travail dans un autre domaine. En appliquant le même raisonnement que celui que j’ai suivi pour calculer les pertes de pension de la plaignante, à savoir qu’elle avait une chance de 50 % de conserver son emploi, j’ordonne à l’intimée de payer la somme de 600 $ en vue de rembourser la moitié du coût du cours de formation.

[19]           En résumé, conformément à l’alinéa 53(2)c), j’ordonne à l’intimée de verser à la plaignante une indemnité totale de 1 815,01 $ au titre des dépenses qu’elle a supportées par suite de l’acte discriminatoire commis.

F.                 Les dépens

[20]           La plaignante sollicite une indemnité pour les dépenses qu’elle a supportées dans le cadre de l’audition de la présente affaire, et elle a présenté un tableau de dépenses à cet égard à l’audience du 10 juillet 2012. Elle sollicite la somme de 2 000 $ au titre de l’hébergement, des repas, du stationnement et des déplacements. Dans l’arrêt Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 53 [Mowat], la Cour suprême du Canada a conclu qu’il ressort clairement du texte, du contexte et de l’objet de la Loi que le Tribunal n’est pas habilité à adjuger des dépens. Selon le raisonnement exposé dans cet arrêt, et compte tenu du fait qu’il n’y a aucun lien entre les types particuliers d’indemnité décrits à l’article 53 et les dépens que réclame la plaignante en l’espèce, je ne puis voir dans la Loi une source quelconque qui autoriserait le Tribunal à accorder une indemnité pour les dépenses supportées par la plaignante relativement à l’audition de la présente affaire. De ce fait, aucune indemnité ne peut être accordée pour ces dépens.

G.                Les intérêts

[21]           Conformément au paragraphe 53(4) de la Loi, la plaignante sollicite des intérêts sur toute indemnité qu’accorderait le Tribunal. J’accorderai de ce fait des intérêts sur les indemnités accordées, au taux en vigueur de la Banque du Canada, comme suit :

                     l’indemnité pour préjudice moral et pour dommages-intérêts spéciaux inclura des intérêts calculés à compter de la date du licenciement de la plaignante jusqu’à la date de la présente décision;

                     l’indemnité relative aux services d’orthodontie inclura des intérêts calculés à compter du mois d’octobre 2010, date à laquelle la plaignante a fait le dernier paiement relatif à cette dépense, jusqu’à la date de la présente décision;

                     l’indemnité relative aux services dentaires inclura des intérêts calculés à compter du mois de février 2008, date à laquelle la plaignante a fait le dernier paiement relatif à cette dépense, jusqu’à la date de la présente décision;

                     l’indemnité relative aux dépenses de médicaments inclura des intérêts à compter du mois d’avril 2008, date à laquelle la plaignante a fait le dernier paiement relatif à cette dépense, jusqu’à la date de la présente décision;

                     l’indemnité relative au cours de formation inclura des intérêts à compter du mois de juillet 2007, date à laquelle la plaignante a fait la dépense, jusqu’à la date de la présente décision.

Je signale que les mesures de redressement liées à la pension de retraite et au régime d’actionnariat de la plaignante ne sont pas des paiements d’indemnité car elles ont pour but de rétablir un avantage suivant l’alinéa 53(2)b) de la Loi.

III.             L’ordonnance

[22]           Après avoir conclu que la plainte déposée dans la décision Grant est fondée, et compte tenu des motifs du Tribunal au sujet des mesures de redressement en suspens dont il a été question plus tôt, conformément au paragraphe 53(2) de la Loi l’ordonnance du Tribunal à l’encontre de l’intimée englobe tout ce qui suit :

                     L’intimée replacera les prestations de retraite de la plaignante dans la situation où elles se trouvaient au moment du licenciement. Pour la période s’étendant entre la date du licenciement et celle de l’application des dispositions de la présente ordonnance, l’intimée contribuera au régime de pension la moitié des cotisations de retraite qu’elle aurait faites au cours de cette période si la plaignante était restée à son service. S’il est impossible de rétablir le régime de retraite antérieur, il faudra prendre les dispositions nécessaires pour rétablir les prestations de retraite perdues, de la manière décrite plus tôt, dans un régime ou un programme comparable en veillant à ce que la plaignante puisse toucher des prestations de retraite qui se comparent à celles qu’elle aurait reçues par l’entremise de MTS. Je laisserai d’abord aux parties le soin de régler les détails des prestations de retraite que la plaignante a perdues, conformément aux paramètres indiqués dans mes motifs.

                     L’intimée replacera le régime d’actionnariat des employés de la plaignante dans la situation où il se trouvait au moment où celle-ci a été congédiée. Pour la période s’étendant entre la date du congédiement et celle de l’application des dispositions de la présente ordonnance, l’intimée contribuera au régime d’actionnariat des employés de la plaignante la moitié des cotisations qu’elle aurait faites durant cette période si la plaignante était restée à son service. S’il est impossible de rétablir le régime d’actionnariat des employés antérieurs, il faudra prendre les dispositions nécessaires pour rétablir les prestations perdues, de la manière décrite plus tôt, dans un régime ou un programme comparable, en veillant à ce que la plaignante puisse toucher les prestations du régime d’une manière comparable à celles qu’elle aurait reçues par l’entremise de MTS. Je laisserai d’abord aux parties le soin de régler les détails des prestations du régime d’actionnariat des employés que la plaignante a perdues conformément aux paramètres indiqués dans mes motifs.

                     L’intimée paiera à la plaignante une indemnité totale de 1 815,01 $ au titre des dépenses qu’elle a supportées par suite de l’acte discriminatoire commis. Elle paiera des intérêts sur cette somme, conformément aux dispositions décrites plus tôt dans les présents motifs.

                     L’intimée paiera à la plaignante une indemnité d’un montant de 10 000 $ pour le préjudice moral qu’elle a subi par suite de l’acte discriminatoire commis. L’intimée paiera des intérêts sur cette somme à compter de la date du licenciement de la plaignante jusqu’à la date de la présente décision.

                     L’intimée paiera à la plaignante une indemnité d’un montant de 10 000 $ pour avoir commis l’acte discriminatoire en question de manière délibérée ou inconsidérée. Elle paiera des intérêts sur cette somme à compter de la date du licenciement de la plaignante jusqu’à la date de la présente décision.

                     L’intimée s’efforcera, de pair avec la Commission, de renseigner les membres de sa haute direction, comme les directeurs et les chefs du service des relations de travail, sur l’obligation d’accommodement ainsi que sur la LCDP. L’intimée s’efforcera, de pair avec la Commission, de veiller à disposer d’une politique appropriée sur l’obligation d’accommodement et, sinon, elle en établira une ou modifiera sa politique actuelle. Elle consultera les syndicats dans le cadre de ce processus afin de tenir compte du point de vue des employés. Cette mesure de redressement sera exécutée dans l’année suivant la présente décision.

[23]           Je demeurerai saisie de l’affaire au cas où les parties ne parviendraient pas à s’entendre sur le rétablissement du régime de retraite et du régime d’actionnariat des employés de la plaignante, et au cas où les parties auraient besoin de plus d’éclaircissements sur la mesure de redressement relative aux activités de formation et à l’élaboration d’une politique.

 

Signée par

Sophie Marchildon

Juge administrative

OTTAWA (Ontario)

Le 20 septembre 2012

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal: T1452/7809

Intitulé de la cause: Heather Lynn Grant c. Manitoba Telecom Services Inc.

Date de la décision du tribunal: Le 20 septembre 2012

Comparutions:

R. Ivan Holloway, pour la plaignante

Scott Whitelaw, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Paul A. McDonald, pour l'intimée

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