Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Tribunal canadien des droits de la personne

Entre :

Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada

- et -

Assemblée des Premières Nations

les plaignantes

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Procureur général du Canada (Représentant le ministre des Affaires indienne et du Nord canadien)

l'intimé

- et –

Chefs de l’Ontario

- et –

Amnistie Internationale

les parties intéressées

Décision sur requête

Membres : Sophie Marchildon, Réjean Bélanger et Edward P. Lustig

Date : Le 24 août 2012

Référence : 2012 TCDP 18


I.                   Le contexte

[1]               Les plaignantes ont déposé une plainte relative aux droits de la personne, alléguant que le financement inéquitable des services de bien-être à l’enfance fournis dans les réserves des Premières Nations était assimilable à de la discrimination fondée sur la race et l’origine nationale ou ethnique, ce qui est contraire à l’article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, c H-6 (la Loi). Vu le caractère singulier et l’importance de la présente affaire, ainsi que l’intérêt de la collectivité autochtone à pouvoir observer les débats, l’Aboriginal Peoples Television Network (APTN) (le Réseau de télévision des peuples autochtones) a demandé au Tribunal, dans une lettre datée du 22 octobre 2009, l’autorisation de filmer l’audition de la plainte, ce qui inclut les déclarations préliminaires et finales, les dépositions des témoins, les questions posées, les objections formulées et les arguments invoqués. Dans une décision datée du 28 mai 2010 (2010 TCDP 16), le Tribunal a rejeté cette demande au motif que le fait d’autoriser la présence de caméras serait préjudiciable à l’équité de l’audition et que cela pouvait miner l’intégrité des débats. APTN a par la suite déposé une demande de contrôle judiciaire concernant cette décision.

[2]               Le 14 mars 2011, dans la décision 2011 TCDP 4, le Tribunal a fait droit à une requête de l’intimé en vue de faire rejeter la plainte au motif que les questions qui y étaient soulevées excédaient la compétence du Tribunal (la requête relative à la compétence). Cette décision a elle aussi été ensuite l’objet d’une demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale.

[3]               Le 3 juin 2011, la Cour fédérale a rendu sa décision sur la question de la demande concernant la présence de caméras lors des débats du Tribunal (2011 CF 810). Elle a conclu que le Tribunal avait rendu la décision 2012 TCDP 16 sans tenir compte des documents qu’il avait en main et que cette décision était déraisonnable lorsqu’on l’évaluait par rapport au dossier disponible. Considérant que la décision était loin de satisfaire au critère de la justification, de la transparence et de l’intelligibilité qu’exige l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick [2008] 1 R.C.S. 190, 2008 CSC 9, elle a fait droit à la demande de contrôle judiciaire d’APTN. Cependant, compte tenu de la décision 2011 TCDP 4 dans laquelle le Tribunal avait conclu qu’il n’était pas compétent pour examiner la plainte sous-jacente, la question du réexamen de la décision de ne pas autoriser la présence de caméras a été reportée jusqu’à la prise d’une décision judiciaire sur la requête relative à la compétence.

Le 18 avril 2012, la Cour fédérale, dans une décision publiée sous la référence 2012 CF 445, a infirmé la décision 2011 TCDP 4 du Tribunal et renvoyé l’affaire à une formation différemment constituée du Tribunal pour que la décision soit réexaminée d’une manière conforme à ses motifs. Le 10 juillet 2012, le vice-président et président par intérim, M. Gupta, a désigné une formation collégiale de trois membres en vue d’instruire la plainte.

[4]               Compte tenu de la décision 2012 CF 445 par laquelle la Cour fédérale a tranché la requête relative à la compétence, la formation collégiale doit maintenant procéder au réexamen de la requête relative à la présence de caméras d’une manière conforme aux motifs que la Cour fédérale a rendus dans la décision 2011 CF 810.

II.                L’analyse

[5]               La formation a examiné les observations que les parties avaient présentées en 2009 à la suite de la première demande d’APTN concernant la présence de caméras, de même que la récente demande que l’intimé a faite dans une lettre datée du 21 août 2012 afin de pouvoir présenter des observations supplémentaires sur la question de la présence de caméras. Cependant, compte tenu des motifs que la Cour fédérale a rendus dans sa décision 2011 CF 810, la formation collégiale est d’avis que, même s’il reste à trancher la question des directives d’exécution concernant la présence de caméras, la Cour fédérale rejette d’une manière définitive les motifs que le Tribunal a invoqués à l’appui d’une interdiction complète de télédiffusion. En fait, ces motifs obligent la formation collégiale à conclure qu’il y a lieu d’autoriser la présence de caméras lors des débats et que, de ce fait, des observations supplémentaires sur la question ne feraient que retarder inutilement la présente affaire.

[6]               Il faudra toutefois autoriser la présence de caméras conformément à des directives d’exécution qu’il reste encore à définir. Ces directives viseront à trouver un juste équilibre entre les effets défavorables possibles de la prise d’images et l’intérêt qu’ont les personnes vivant dans les réserves à observer les débats. À cet égard, la formation collégiale s’engage à entreprendre avec les parties des discussions visant à établir des directives d’exécution qui conviendront à tous. La formation fixera une date pour ces discussions dans un avenir rapproché et s’informera sous peu des disponibilités des parties à cet égard.

III.             La décision

[7]               Le Tribunal fait droit à la requête d’APTN concernant la présence de caméras, sous réserve des directives d’exécution qu’il établira sans délai.

 

Signée par

Sophie Marchildon

Présidente de la formation collégiale

 

Réjean Bélanger

Membre instructeur

 

Edward P. Lustig

Membre instructeur

Ottawa (Ontario)

Le 24 août 2012


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T1340/7008

Intitulé de la cause : Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et al. c. Procureur général du Canada (pour le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien)

Date de la décision sur requête du tribunal : Le 24 août 2012

Comparutions :

Paul Champ, pour la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada, la plaignante

David Nahwegahbow, pour l’Assemblée des Premières Nations, la plaignante

Daniel Poulin et Samar Musallam, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Jonathan Tarlton, Melissa Chan et Edward Bumburs, pour l'intimé

Michael Sherry, pour les Chefs de l’Ontario, partie intéressée

Justin Safayeni, pour Amnistie Internationale, partie intéressée

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.