Contenu de la décision
Entre :
Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada
- et -
Assemblée des Premières Nations
les plaignantes
- et -
Commission canadienne des droits de la personne
la Commission
- et -
Procureur général du Canada (Représentant le ministre des Affaires indienne et du Nord canadien)
l'intimé
- et –
Chefs de l’Ontario
- et –
Amnistie Internationale
les parties intéressées
Décision sur requête
Membres : Sophie Marchildon, Réjean Bélanger et Edward P. Lustig
Date : Le 23 août 2012
Référence : 2012 TCDP 17
I. Le contexte
[1] Les plaignantes ont déposé une plainte relative aux droits de la personne, alléguant que le financement inéquitable des services de bien-être à l’enfance fournis dans les réserves des Premières Nations était assimilable à de la discrimination du fait de la race et de l’origine nationale ou ethnique, ce qui est contraire à l’article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, c H-6 (la Loi). Dans une décision datée du 14 mars 2011 et publiée sous la référence 2011 TCDP 4, le Tribunal a fait droit à une requête de l’intimé en vue de faire rejeter la plainte au motif que les questions qui y étaient soulevées excédaient sa compétence : la « requête relative à la compétence ». Le Tribunal a statué qu’il ne possédait pas la compétence requise aux termes de l’alinéa 5b) de la Loi pour instruire la plainte car, en l’absence d’un groupe de comparaison approprié, on ne pouvait pas conclure à l’existence d’un motif de distinction illicite de la part du gouvernement du Canada. Cette décision a par la suite fait l’objet d’une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale.
[2] Le 18 avril 2012, dans une décision publiée sous la référence 2012 CF 445, la Cour fédérale a infirmé la décision du Tribunal et renvoyé l’affaire à une formation différemment constituée afin que l’affaire soit réexaminée d’une manière conforme à ses motifs.
[3] Lors de la conférence téléphonique de gestion d’instance qui a eu lieu le 25 janvier 2012, et que le Tribunal a plus tard résumée dans une lettre datée du 29 juin 2012, les parties ont demandé que la membre instructrice Marchildon établisse une directive sur la manière d’interpréter l’ordonnance de renvoi que la Cour fédérale a rendue dans sa décision 2012 CF 445. Plus précisément, elles ont demandé conseil sur la question de savoir si cette ordonnance, qui renvoyait l’affaire au Tribunal pour réexamen conformément aux motifs énoncés, exigeait que ce dernier instruise de nouveau la requête en rejet qui avait été l’objet du contrôle judiciaire devant la Cour fédérale. La membre instructrice Marchildon a demandé que les parties présentent des observations sur la question, en exigeant que les observations initiales et les réponses connexes soient déposées au cours des deux semaines suivantes.
[4] Le 10 juillet 2012, le vice-président et président intérimaire, M. Gupta, a révisé sa décision initiale de désigner un membre instructeur seul pour entendre l’affaire et il a désigné une formation collégiale constituée des trois membres instructeurs Marchildon, Lustig et Bélanger (2012 TCDP 16). La décision qui suit a donc été rendue par tous les membres de cette formation.
II. L’analyse
[5] Il convient de signaler que, dans chacune de leurs observations concernant la présente question, les parties ont demandé que le Tribunal procède à une audition sur le fond de la plainte sous réserve de l’audition des requêtes préliminaires pendantes.
[6] Dans cette optique et après avoir examiné avec soin les observations des parties sur la présente question, ainsi que les motifs que la Cour fédérale a rendus dans sa décision 2012 CF 445, la formation collégiale est d’avis que la Cour fédérale, en infirmant la décision du Tribunal selon laquelle il n’était pas compétent pour instruire la plainte, a tranché de manière définitive la question relative à la compétence. En fait, lorsqu’elle a renvoyé l’affaire au Tribunal, la Cour fédérale n’a pas laissé entendre qu’il fallait que le réexamen revête la forme d’une autre audition et, plus important encore, elle a rendu des motifs précis qui obligent le Tribunal à conclure qu’il y a lieu de rejeter la requête relative à la compétence : voir la décision Turanskaya c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] A.C.F. no 254, au paragraphe 6, ainsi que la décision Marsh c. Canada (Gendarmerie royale du Canada), 2006 CF 1466, au paragraphe 45. Soumettre la requête à une autre audition irait à l’encontre de l’objet même du processus de contrôle judiciaire.
[7] En conséquence, étant lié par la décision de la Cour fédérale et les motifs qui y figurent, le Tribunal se doit maintenant, sous réserve d’autres requêtes préliminaires pendantes, de procéder à l’instruction de la plainte sur le fond.
III. La décision
[8] Le Tribunal rejette la requête de l’intimé en vue de faire rejeter la plainte du fait de la question relative à la compétence.
Signée par
Sophie Marchildon
Présidente de la formation collégiale
Réjean Bélanger
Membre instructeur
Edward P. Lustig
Membre instructeur
Ottawa (Ontario)
Le 23 août 2012
Tribunal canadien des droits de la personne
Parties au dossier
Dossier du tribunal : T1340/7008
Intitulé de la cause : Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et al. c. Procureur général du Canada (pour le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien)
Date de la décision sur requête du tribunal : Le 23 août 2012
Comparutions :
Paul Champ, pour la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada, la plaignante
David Nahwegahbow, pour l’Assemblée des Premières Nations, la plaignante
Daniel Poulin et Samar Musallam, pour la Commission canadienne des droits de la personne
Jonathan Tarlton, Melissa Chan et Edward Bumburs, pour l'intimé
Michael Sherry, pour les Chefs de l’Ontario, partie intéressée
Justin Safayeni, pour Amnistie Internationale, partie intéressée