Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien des droits de la personne

Entre :

Leslie Palm

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

Commission

- et -

International Longshore and Warehouse Union, Section Locale 500,

Richard Wilkinson et Cliff Willicome

les intimés

Décision sur requête

Numéros des dossiers : T1625/17110, T1626/17210 et T1627/17310

 Membre : Robert Malo

Date : Le 24 juin 2014

Référence : 2014 TCDP 18

 



I.                   Contexte

[1]               La plaignante, Madame Leslie Palm, a déposé des plaintes de discrimination contre les intimés International Longshore and Warehouse Union, local 500 (ci-après I.L.W.U.) Richard Wilkinson et Cliff Wellicome (« les intimés »), et ce, en vertu des dispositions des articles 3, 3.1, 7, 9, 10 et dans un tout récent amendement, elle a présenté une plainte en représailles en vertu des articles 14.1 et 65 de la Loi canadienne des droits de la personne (« Loi »).

[2]               Principalement, la plaignante allègue que les intimés ont exercé de la discrimination en son endroit en la soumettant à des traitements différentiels, soit en poursuivant ou en établissant une politique discriminatoire qui l’aurait privée de certaines opportunités dans son emploi et également, elle allègue qu’elle aurait été harcelée par les intimés sur le base de son sexe.

[3]               Tel qu’indiqué ci-dessus, la plaignante a présenté un exposé de précisions amendé afin d’y inclure une plainte de représailles à l’encontre des intimés.

[4]               Dans une requête datée du 11 septembre 2013, les intimés demandent au Tribunal d’adjoindre à titre de défendeur au présent dossier Monsieur Antonio Pantusa à titre personnel, et ce, au regard des allégations de représailles portées contre l’I.L.W.U.

[5]               Ainsi, l’intimée I.L.W.U. allègue que la majorité des allégations de représailles au soutien de l’exposé de précisions amendé de la plaignante concerne des actions qui auraient été posées par Monsieur Pantusa.

[6]               À cet égard, l’intimée I.L.W.U. fait référence à une décision du vice-président du Tribunal, Monsieur Susheel Gupta dans laquelle il est indiqué que les allégations de représailles de la plaignante sont en relation directe avec les agissements de Monsieur Pantusa, « un ancien délégué syndical et coordonnateur de la répartition ».

[7]               Également dans sa requête, l’I.L.W.U. indique que la constitution du syndicat ne régit pas la conduite des membres lors de leur emploi.

[8]               De même, l’intimée I.L.W.U. fait référence que le syndicat est responsable du comportement de ses officiers qui agissent à l’intérieur de leur autorité à titre d’officiers du syndicat. Cependant, le syndicat n’est pas responsable des agissements personnels des membres à leur endroit de travail ou ailleurs.

[9]               Incidemment, l’intimée I.L.W.U. fait référence au fait que les agissements de Monsieur Pantusa, lors de son travail, relève de son employeur soit le « British Columbia Maritime Employers Association » (BCMEA) (laquelle association représente les compagnies impliquées dans les opérations de débardage sur la côte ouest canadienne) et qu’ultimement, lesdits employeurs sont responsables afin de superviser et de discipliner les conduites inappropriées de ses employés.

[10]           Additionnellement, l’intimée I.L.W.U. allègue que Monsieur Pantusa doit répondre de ses actions individuelles, lesquelles ne sont pas sanctionnables par le syndicat.

[11]           Également, l’intimée I.L.W.U. allègue que si Monsieur Pantusa n’était pas partie à titre d’intimé dans les présentes procédures intentées par la plaignante, cette dernière n’aurait aucun recours afin d’appliquer les sanctions qu’elle recherche pour la conduite de Monsieur Pantusa.

[12]           Subséquemment, l’intimée I.L.W.U. allègue que Monsieur Pantusa aurait agit à l’extérieur des limites de son autorité à titre d’officier du syndicat au moment où il a traité Madame Palm de façon vexatoire tel qu’allégué dans les procédures amendées de la plaignante.

[13]           L’intimée I.L.W.U. allègue que même si Monsieur Pantusa aurait agit à titre d’agent du syndicat, le syndicat serait exonéré des actions de Monsieur Pantusa et ce, en vertu des dispositions de l’article 65(2) de la Loi qui se lisent comme suit :

65. (1) Sous réserve du paragraphe (2), les actes ou omissions commis par un employé, un mandataire, un administrateur ou un dirigeant dans le cadre de son emploi sont réputés, pour l’application de la présente loi, avoir été commis par la personne, l’organisme ou l’association qui l’emploie.

(2) La personne, l’organisme ou l’association visé au paragraphe (1) peut se soustraire à son application s’il établit que l’acte ou l’omission a eu lieu sans son consentement, qu’il avait pris toutes les mesures nécessaires pour l’empêcher et que, par la suite, il a tenté d’en atténuer ou d’en annuler les effets.

[14]           Finalement, l’I.L.W.U. nie de façon catégorique toute responsabilité au regard des actions de représailles qui sont reprochées à Monsieur Pantusa et allègue que si Monsieur Pantusa n’était pas joint aux présentes procédures à titre d’intimé, la plaignante n’aurait aucun remède au regard de la conduite de Monsieur Pantusa.

[15]           Relativement à la requête présentée par l’intimée I.L.W.U. afin d’adjoindre Monsieur Pantusa à titre d’intimé, la Commission canadienne des droits de la personne n’a pas présenté d’objection formelle.

[16]           Toutefois, la plaignante s’objecte catégoriquement à ce que Monsieur Pantusa soit joint à titre d’intimé.

[17]           Ainsi, dans sa réponse datée du 1er décembre 2013 au regard de la requête de l’intimée I.L.W.U. afin d’adjoindre Monsieur Pantusa, la plaignante soulève que son exposé de précisions amendé daté du 20 août 2013 fait spécifiquement référence aux agissements du syndicat, par la voie de son représentant, Monsieur Pantusa, pour les agissements de ce dernier alors qu’il était officier du local 500 de l’I.L.W.U.

[18]           Dans son exposé de précisions amendé, la plaignante indique également que Monsieur Pantusa aurait abusé de son autorité à titre d’officier du syndicat et cela, afin de viser personnellement la plaignante et de nier à cette dernière des possibilités d’emploi. Conséquemment, tenant compte qu’elle avait déjà déposé des plaintes en vertu de la présente loi à l’encontre de l’I.L.W.U., la plainte pour représailles en vertu de l’article 14.1 de la Loi vise donc directement l’intimée I.L.W.U.

[19]           De même, la plaignante allègue ce qui suit dans son exposé de précisions amendé (« Amended Statement of Particulars of the Complainant », 20 août 2013, page 13, paragraphe 67) :

[Traduction] Les actes représailles continues ont été exercées avec le consentement direct ou implicite du Syndicat (section locale 500) ou du représentant syndical. Par ailleurs, le syndicat était au courant des incidents, ou aurait dû l’être, et il a fermé les yeux ou a acquiescé au comportement de personnes agissant pour le compte du syndicat, comportement qui constituait des représailles.

[20]           Additionnellement, la plaignante allègue ce qui suit dans sa réponse au regard de la requête de l’intimée (Réponse de la plaignante, 1er décembre 2013, page 8, paragraphe 40) :

[Traduction] La plaignante réitère son argument selon lequel le Syndicat a eu de multiples positions en ce qui concerne le comportement de M. Pantusa; le problème qui subsiste est le manque d’initiative du Syndicat de mettre fin à ce genre de comportement abusif au sein de ses rangs. Le Syndicat continue d’esquiver ses responsabilités à l’égard de ses membres, en permettant que les actes de mauvaise conduite se produisent à répétition.

[21]           Un peu plus loin dans sa réponse, elle allègue également ce qui suit (Réponse de la plaignante, 1er décembre 2013, page 9, paragraphes 44 et 45) :

[Traduction]

Les événements dont a souffert Mme Palm de la part du Syndicat se sont produits avec le consentement direct ou implicite du Syndicat (section locale 500) ou du représentant syndical. Par ailleurs, le syndicat était au courant des incidents, ou aurait dû l’être, et il a fermé les yeux ou a acquiescé au comportement de personnes agissant pour le compte du syndicat, comportement qui constituait des représailles.

En effet, le Syndicat a encouragé et approuvé le comportement, en ce sens qu’il n’a pris aucune mesure immédiate pour prévenir ou corriger la conduite des personnes. Le Syndicat a encouragé et approuvé les actes de représailles en omettant de prendre des mesures et d’atténuer la discipline.

II.                Le droit

[22]           Après avoir révisé les exposés de précisions des parties de même que les exposés de précisions amendés fournis, après avoir examiné les représentations des parties au regard de la requête de l’intimée I.L.W.U. afin d’adjoindre Monsieur Pantusa à titre d’intimé et après avoir consulté la jurisprudence en l’espèce, le Tribunal en vient à la conclusion de ne pas faire droit à la requête de l’intimée afin de joindre Monsieur Pantusa à titre d’intimé et ce, pour les motifs ci-après exprimés.

[23]           À cet égard, le Tribunal aimerait référer les parties aux dispositions de l’article 14.1 de la Loi qui se lit comme suit :

Constitue un acte discriminatoire le fait, pour la personne visée par une plainte déposée au titre de la partie III, ou pour celle qui agit en son nom, d’exercer ou de menacer d’exercer des représailles contre le plaignant ou la victime présumée.

[24]           La requête présentée par l’I.L.W.U. fait référence à une plainte en représailles déposée par la plaignante contre le syndicat, et ce, tel qu’il appert à la première page de la requête de l’intimée qui indique qu’elle désire adjoindre Monsieur Pantusa à titre d’intimé à titre personnel, suite à la plainte en représailles contre l’intimée.

[25]           Tel que l’indiquent les dispositions de l’article 14.1 de la Loi en matière de représailles, deux possibilités s’offrent à un plaignant afin de déposer une telle plainte. Ainsi, une plainte peut être déposée à l’égard d’un acte discriminatoire contre « une personne visée par une plainte déposée au titre de la partie III ou pour celle qui agit en son nom, d’exercer ou de menacer d’exercer des représailles contre un plaignant ».

[26]           Or, l’argument du texte de la Loi ne donne guère le choix au Tribunal.

[27]           Ainsi, la première portion de l’article 14.1 de la Loi fait référence à une personne visée par une plainte déposée au titre de la partie III. Il appert de toute évidence que cette personne est l’intimée aux présentes, soit I.L.W.U., local 500.

[28]           À cet égard encore une fois, aucune plainte n’a été déposée contre Monsieur Pantusa personnellement au moment du dépôt des procédures originales par la plaignante et en ce sens, Monsieur Pantusa n’est donc pas une personne visée par une plainte déposée au titre de la partie III.

[29]           L’argument du texte apparaît comme étant fatal pour les besoins de la requête de l’intimée.

[30]           D’autre part, il appert, jusqu’à preuve du contraire, qu’au moment des faits reprochés par la plaignante à l’encontre de l’intimée, Monsieur Pantusa agissait au nom de l’intimée, soit I.L.W.U., local 500.

[31]           Le Tribunal a pris note des arguments au soutien de la requête de l’intimée à savoir que l’intimée n’a nullement autorisé les actions reprochées par la plaignante à l’encontre de Monsieur Pantusa et également, du fait que l’intimée serait exonérée des actions de Monsieur Pantusa, et ce en vertu des dispositions de l’article 65(2) de la Loi à l’effet que l’intimée n’aurait pas consenti aux actions reprochées par la plaignante et également qu’elle aurait pris toutes les mesures nécessaires afin d’empêcher de telles actions ou tenter d’en annuler les effets.

[32]           Même en prenant pour acquis que la clause disculpatoire de l’article 65(2) soit applicable en l’instance suivant l’intimée au regard des agissements commis ou possiblement commis par Monsieur Pantusa à l’endroit de la plaignante, cela reviendrait à toutes fins utiles d’adjoindre Monsieur Pantusa à titre personnel, et cela, en vertu de la première partie des dispositions de l’article 14.1 de la Loi, ce qui ne peut se faire en l’espèce, tenant compte que Monsieur Pantusa n’est pas une personne visée par une plainte déposée au titre de la partie III tel qu’il appert au dossier de la Cour.

[33]           Encore une fois, il est utile de rappeler que tant de l’exposé de précisions amendé de la plaignante et également dans sa réponse à la requête de l’intimée afin d’adjoindre Monsieur Pantusa à titre d’intimé, la plaignante réitère que la plainte de représailles est adressée directement à l’encontre du syndicat et non pas à l’encontre de Monsieur Pantusa personnellement.

[34]           Conséquemment, l’argument du texte de l’article 14.1 de la Loi ne laisse au Tribunal aucune alternative et à cet égard, il n’est pas du ressort du Tribunal d’interpréter cette disposition d’une façon différente que celle que le législateur lui a donnée dans sa rédaction.  (Voir Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), 2011 SCC 53 (Mowat) aux paragraphes 33 et 62 de la décision :

[33] Il nous faut interpréter le texte législatif et discerner l’intention du législateur à partir des termes employés, compte tenu du contexte global et du sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la Loi, son objet et l’intention du législateur (E. A. Driedger, Construction of Statutes (2eéd. 1983), p. 87, cité dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, par. 21). Dans le cas d’une loi relative aux droits de la personne, il faut se rappeler qu’elle exprime des valeurs essentielles et vise la réalisation d’objectifs fondamentaux. Il convient donc de l’interpréter libéralement et téléologiquement de manière à reconnaître sans réserve les droits qui y sont énoncés et à leur donner pleinement effet (voir, p. ex., R. Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes (5e éd. 2008), p. 497-500). On doit tout de même retenir une interprétation de la loi qui respecte le libellé choisi par le législateur. (Nous soulignons)

[…]

[62] Certes, la LCDP demeure considérée comme une loi quasi constitutionnelle qui appelle une interprétation large, libérale et téléologique en rapport avec cette nature particulière. Toutefois, on ne saurait substituer à l’analyse textuelle et contextuelle une interprétation libérale et téléologique dans le seul but de donner effet à une autre décision de principe que celle prise par le législateur (Bell Canada c. Bell Aliant Communications régionales, 2009 CSC 40, [2009] 2 R.C.S. 764, par. 49-50, la juge Abella; Gould, par. 50, le juge La Forest, motifs concordants). 

(Voir également la décision Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Restaurant Marchand 2002 Ltée., 2002 CanLII 61234 (Qc T.D.P.), où une interprétation plus large apparaît possible tenant compte des dispositions de l’article 82 de la Charte québécoise des droits de la personne qui fait référence au mot « quiconque » contrairement aux dispositions de l’article 14.1 de la Loi canadienne des droits de la personne.)

III.             Conclusion

[35]           Conséquemment, Monsieur Pantusa ne peut pas être ajouté à titre d’intimé aux présentes procédures intentées par la plaignante, et cela, en vertu de l’exposé de précisions amendé de la plaignante et de la requête de l’intimée qui vise l’exposé de précisions amendé de la plaignante en matière de représailles selon l’article 14.1 de la Loi.

[36]           La requête de l’intimée I.L.W.U., local 500 est donc rejetée.

Signée par

Robert Malo

Membre du tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 24 juin 2014

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T1625/17110, T1626/17210 et T1627/17310

Intitulé de la cause : Leslie Palm c. International Longshore and Warehouse Union, section locale 500, Richard Wilkinson et Cliff Willicome

Date de la décision du tribunal : Le 24 juin 2014

Comparutions :

Leslie Palm, pour elle même

Ikram Warsame, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Joanna Gislason et Lindsay Watson, pour les intimés

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