Tribunal canadien des droits de la personne

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LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

L.R.C. 1985, chap. H-6 (version modifiée)

TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE

ENTRE:

ROBERT DOKIS

le plaignant

et

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

et

BANDE INDIENNE DE DOKIS

l'intimée

DÉCISION DU TRIBUNAL

TRIBUNAL: Keith C. Norton, c.r. président Kathleen Jordan membre Anne L. Mactavish membre

ONT COMPARU: Odette Lalumière, avocate de la Commission canadienne des droits de la personne

Geoffrey M. Laplante, avocat de l'intimée

DATES ET LIEU DE L'AUDIENCE: 9 et 10 août 1995 Sudbury (Ontario)

TRADUCTION

1. La plainte

Le plaignant, Robert Dokis, allègue que l'intimée, la bande indienne de Dokis, l'a privé d'une chance d'emploi en raison de son âge, acte interdit à l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP).

L'article 7 de la LCDP est ainsi conçu :

7. Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects : a) de refuser d'employer ou de continuer d'employer un individu; b) de le défavoriser en cours d'emploi.

Le paragraphe 3.(1) de la LCDP est ainsi libellé :

3. (1) Pour l'application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'état matrimonial, la situation de famille, l'état de personne graciée ou la déficience.

2. Les faits

Le plaignant, Robert Dokis, est né à Sturgeon Falls, en Ontario, le 30 juillet 1930 et fait partie de la bande indienne de Dokis, ayant habité dans la réserve de Dokis toute sa vie.

En janvier 1981, le plaignant s'est vu offrir un emploi de conducteur de la clinique ou de conducteur affecté au transfert des patients pour le compte de la bande de Dokis. Cet emploi l'obligeait à utiliser son propre véhicule pour transporter à l'hôpital ou à la clinique les résidents de la réserve qui avaient besoin de soins. A cette époque, aucune offre d'emploi n'a été affichée et aucun concours en bonne et due forme n'a eu lieu.

Robert Dokis a dit qu'il accomplissait ce travail à plein temps, ce qui signifiait pour lui qu'il était en disponibilité à toute heure, tous les jours de la semaine. Toutefois, il n'était rémunéré que pour le nombre d'heures de travail effectivement fourni soit pour conduire les gens soit pour les attendre à la clinique ou à l'hôpital. Il touchait une paie hebdomadaire mais aucun avantage social.

Plusieurs autres personnes ont aussi fait ce travail durant la période de janvier 1981 à juillet 1994, mais il ressort des témoignages qu'il était généralement reconnu qu'il fallait appeler Robert Dokis en premier et n'appeler les autres que si celui-ci avait déjà répondu à un appel ou n'était pas libre, par exemple lorsqu'il remplissait la fonction de guide, deux semaines par année.

Par conséquent, il assurait le service la plupart du temps et certainement beaucoup plus souvent que tout autre.

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Naturellement, au fil des ans, sa famille et la collectivité ont fini par considérer le poste de conducteur de la clinique comme le travail de Robert, même si d'autres le faisaient à l'occasion et personne n'occupait ce poste à plein temps au sens d'un poste à traitement annuel.

Le 30 avril 1991, la bande de Dokis a conclu un nouvel Accord de financement du programme du service de santé avec le ministère de la Santé nationale et du Bien-être social (pièce R-1) qui stipulait notamment de façon assez détaillée les objectifs et les activités en matière de transport des patients (pièce R-1, annexe A-1), y compris les exigences concernant les dossiers et la comptabilité.

Apparemment en conformité avec ce nouvel accord, le conseil de bande a décidé de créer deux nouveaux postes relatifs au transport des patients : conducteur du service de santé (poste à plein temps) et conducteur du service de santé suppléant (en disponibilité), et de tenir un concours en bonne et due forme pour ces deux postes.

C'est donc avec étonnement et amertume que Robert Dokis a appris au début de 1992, sans préavis, que son travail avait fait l'objet d'un avis de concours (pièce HR-2, onglets 2 et 3) et que des candidatures étaient reçues pour un concours. Quant à lui, c'était le travail qu'il faisait depuis onze ans.

Sur les premiers avis de concours affichés, la date limite de présentation des demandes avait été fixée au 17 février 1992. Parmi les conditions de candidature qui y étaient clairement énoncées, figurait la preuve fournie par le candidat qu'il possédait un permis de conduire de la catégorie B et un bon dossier de conducteur. On y lisait aussi que les candidats devaient accepter d'acquérir [TRADUCTION] une formation spécialisée entre autres en RCR et en premiers soins (pièce HR-2, onglets 2 et 3).

Peu après, de nouveaux avis ont été affichés. Ils étaient identiques à tous points de vue, excepté que la date limite était reportée au 27 février 1992, que les demandes devaient être remises au conseil de bande plutôt qu'à Denise Restoule et que la condition relative au permis de conduire était le permis de la catégorie E au lieu de la catégorie B (pièce HR-2, onglets 4 et 5).

Bien que l'avocat de la Commission ait mis en doute ces modifications, il appert des témoignages entendus que le remplacement du nom de Denise Restoule par celui du conseil de bande résultait d'un incident, qui n'a été attesté que par ouï-dire, dans lequel étaient en cause le fils du plaignant, John, qui a été vexé par l'annonce d'un concours pour le travail de son père, et Denise, et par suite duquel la police est intervenue et un engagement de garder la paix a été souscrit. Il appert en outre des témoignages entendus que le conseil avait réduit l'exigence relative au permis de conduire parce que des membres de la collectivité avaient émis l'avis que la condition initiale était trop rigoureuse.

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Par lettre datée du 26 février 1992, le plaignant a postulé l'emploi de conducteur du service de santé à plein temps et précisé clairement qu'en cas de rejet de sa candidature, il voulait que sa candidature au poste à temps partiel soit examinée. D'après sa lettre, il était titulaire d'un permis de conduire provisoire de catégorie G-E et il attendait son permis définitif. Il s'est également dit disposé à acquérir une formation spécialisée en RCR et en premiers soins (pièce HR-2, onglet 7).

L'administrateur de la bande a communiqué avec lui et une date d'entrevue a été fixée au 23 mars 1992. Les dossiers de quatre candidats ont été soumis au comité de recrutement désigné par le conseil de bande en vue de l'entrevue avec les candidats. Les quatre candidats étaient Robert Dokis, Shirley Dokis, Chris Dokis et Wayne Restoule.

Robert Dokis, qui avait alors soixante-deux ans, était beaucoup plus âgé que les autres. Chris Dokis et Wayne Restoule avaient environ 26 ans et l'âge de Shirley Dokis est inconnu, quoique de l'avis de tous elle soit beaucoup plus jeune que le plaignant.

Le comité de recrutement était formé de cinq personnes : Denise Restoule, coordinatrice du transport dans les hôpitaux, Marie Dokis, représentante du service de santé communautaire, et trois membres du conseil de bande, Jack Restoule (maintenant chef), Peter Restoule et Gordon Restoule.

Les examinateurs avaient en main une liste préétablie de dix questions portant sur les exigences du poste et destinées à vérifier les connaissances, la compétence, les qualités et l'aptitude à résoudre un problème et de dix miniquestions se rapportant aux qualités personnelles. Ces questions ont été posées à chacun des candidats et les examinateurs disposaient d'un éventail de réponses possibles et d'un barème (pièce R-7).

A la fin des entrevues, le jury a rédigé un rapport à l'intention du conseil de bande, dans lequel étaient incluses la classification des candidats et une recommandation quant aux candidats qui devraient être reçus (pièce R-3). Le comité a recommandé la nomination de Chris Dokis au poste de conducteur à plein temps et de Robert Dokis à celui de conducteur à temps partiel.

Quatre des cinq membres du jury ont attribué la meilleure note à Chris Dokis et le cinquième, Jack Restoule, qui a témoigné avoir beaucoup de respect pour le plaignant et qui a parlé en sa faveur à plusieurs reprises, a donné la même note à Robert Dokis et à Chris Dokis. Compte tenu de la moyenne générale, Chris Dokis était nettement le gagnant.

Lors d'une réunion du conseil de bande convoquée le 26 mars 1992, l'administrateur de la bande, Pat Restoule, a présenté les recommandations du comité de recrutement. Un différend a surgi entre deux des conseillers qui avaient fait partie du comité à propos de la question de savoir s'il y aurait eu lieu de faire une présélection des candidats afin d'éliminer ceux qui ne remplissaient pas les conditions énoncées (pièce R-3).

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Les témoignages sur ce point qui a été soulevé par Jack Restoule à la réunion du 26 mars 1992 sont un peu confus. Denise Restoule, une examinatrice, a fait valoir durant son témoignage que les examinateurs ignoraient s'il y avait eu une présélection avant les entrevues des candidats. L'administrateur de la bande a également indiqué que ses instructions étaient de simplement faire passer les demandes au comité de recrutement. Il a aussi émis l'avis dans une note annexée à la copie du procès-verbal de la réunion du 26 mars 1992 (pièce R-3) que Jack Restoule aurait pu faire part de sa préoccupation en temps utile, parce qu'il faisait partie du comité de recrutement et du conseil de bande, et qu'il était un conseiller en emploi.

Malgré cette lacune dans le processus, quatre membres du conseil de bande ont voté pour l'acceptation des recommandations du comité de recrutement, un a voté contre et deux, Jack Restoule et le chef Tim Restoule, se sont abstenus.

Par une lettre datée du 27 mars 1992, l'administrateur de la bande a informé Robert Dokis qu'il avait été choisi conducteur à temps partiel (pièce HR-2, onglet 8).

Le 30 avril 1992, le plaignant a écrit au chef, au conseil de bande, à l'administrateur et au comité de la santé pour en appeler de la décision de lui attribuer le poste à temps partiel au lieu du poste à plein temps. Il appert de cette lettre qu'il fonde son opposition sur le fait qu'il avait onze ans d'expérience, un permis de conduire de la catégorie E et une formation en RCR et en premiers soins. Il y souligne de plus que le candidat reçu pour le poste à plein temps ne possédait pas ces titres et qualités (pièce HR-2, onglet 9).

Il ressort clairement de cette lettre que le plaignant estime qu'on a mis fin à son emploi de conducteur à plein temps, qu'il a été renvoyé, rétrogradé au poste à temps partiel.

Lors de la réunion du conseil de bande tenue le 14 avril 1992, à laquelle assistaient 47 membres de la bande, l'appel du plaignant était inscrit à l'ordre du jour (pièce HR-2, onglet 10). Le procès-verbal de cette réunion indique qu'elle a donné lieu à une discussion qui a entraîné un sérieux désaccord entre les participants, au cours de laquelle des allégations ont été faites, des questions ont été posées et peu de solutions ont été apportées. Jack Restoule a demandé le vote des membres présents et le vote à main levée a donné 32 voix en faveur de la réintégration du plaignant comme conducteur à plein temps.

Par la suite, aucune décision n'a été prise sur l'appel. En fait, il ressort des témoignages que la question a mis la division et la perturbation dans cette petite collectivité intimement liée, au point où le conseil de bande a été pratiquement paralysé -- il ne s'est pas réuni pendant plusieurs mois.

Le 29 juin 1992, Robert Dokis a déposé une plainte officielle auprès de la Commission canadienne des droits de la personne, alléguant que la

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bande indienne de Dokis avait fait à son endroit un acte discriminatoire fondé sur son âge, ce qui est interdit par l'article 7 de la LCDP.

Les témoignages indiquent que le conseil de bande a mis plus de deux ans à faire une nomination au nouveau poste. Au dire de Pat Restoule, administrateur de la bande, [TRADUCTION] personne ne voulait faire de la peine à Bob (le plaignant).

Durant cette période, le plaignant a continué à travailler et la nouvelle fourgonnette destinée au transport des patients a été achetée. Ce véhicule est resté inutilisé pendant plus d'un an jusqu'à ce que finalement, le conseil de bande actuel, élu dans l'intervalle, ordonne qu'il soit donné suite à la décision du 26 mars 1992. La fourgonnette a été mise en service et Chris Dokis a commencé à occuper le poste de conducteur du service de santé à plein temps le 20 juillet 1994.

Le plaignant a cessé de travailler comme conducteur du service de santé à cette date.

3. Le droit

La Cour suprême du Canada a clairement précisé à qui incombe la charge de la preuve à l'égard des plaintes déposées auprès de la CCDP dans l'arrêt Commission ontarienne des droits de la personne c. Municipalité d'Etobicoke, [1982] 1 R.C.S. 202, à la p. 208 :

Lorsqu'un plaignant établit devant une commission d'enquête qu'il est, de prime abord, victime de discrimination [...] il a droit à un redressement en l'absence de justification de la part de l'employeur.

Par conséquent, la charge initiale incombe au plaignant, qui doit faire une preuve suffisante jusqu'à preuve contraire. La charge se déplace ensuite sur l'intimé, qui doit prouver la justification.

La norme de preuve dans les affaires de droits de la personne visées par la LCDP est la règle normale en matière civile, c'est-à-dire la prépondérance des probabilités.

La preuve suffisante jusqu'à preuve contraire a été définie dans l'arrêt Commission ontarienne des droits de la personne et O'Malley c. Simpsons-Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536, à la p. 558, comme étant :

[...] celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l'absence de réplique de l'employeur intimé.

Dans l'affaire Shakes v. Rex Pak Limited (1982) C.H.H.R. D/1001, à la p. D/1002, mettant en cause le régime du Code ontarien des droits de la personne, la commission d'enquête énonce certains critères relatifs à la

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preuve suffisante jusqu'à preuve contraire dans les cas de plaintes en matière d'emploi :

[TRADUCTION]

[...] la Commission fait habituellement une preuve suffisante jusqu'à preuve contraire en prouvant : a) que le plaignant avait les qualifications pour l'emploi en cause; b) que le plaignant n'a pas été embauché, et c) qu'une personne qui n'était pas mieux qualifiée, mais qui n'avait pas le trait distinctif à l'origine de la plainte auprès de la Commission des droits de la personne, a obtenu le poste. Si la preuve de ce qui précède a été faite, il incombe alors à l'intimé de fournir une explication des événements qui concourt à établir que la discrimination pour des motifs prohibés par le Code n'est pas la bonne explication aux événements survenus. Si l'intimé fournit une telle explication, la plainte de discrimination doit être rejetée, car la charge ultime de la preuve incombe à la Commission.

4. Requêtes

Par une requête préliminaire, l'avocat de l'intimée a, en alléguant l'article 67 de la LCDP, élevé une exception déclinatoire pour contester la compétence de la Commission canadienne des droits de la personne et du Tribunal des droits de la personne. A ce moment-là, après avoir entendu les plaidoyers, le Tribunal a étudié le droit et fait consigner au dossier les motifs pour lesquels il concluait à l'absence de preuve montrant que cette affaire était visée par la Loi sur les Indiens ou par une disposition prise en vertu de cette loi.

En conséquence, quoique le Tribunal fût d'avis qu'il était compétent en l'espèce, il a décidé de surseoir au prononcé du jugement définitif afin d'entendre et d'apprécier tous les éléments de preuve pertinents.

Cela fait, le Tribunal n'ayant entendu aucune preuve qui l'incite à modifier sa décision préliminaire, il conclut en conséquence, pour les motifs déjà consignés au dossier à la fin des plaidoyers sur la requête, qu'il y a lieu de rejeter la requête et qu'il est compétent.

Quant la Commission a clos sa preuve, l'avocat de l'intimée a présenté une requête en irrecevabilité, alléguant qu'aucun élément de preuve n'avait été produit qui eut raisonnablement permis de rendre une décision en faveur du plaignant.

Le Tribunal a demandé à l'avocat de faire son choix, après lui avoir donné une explication assez détaillée de la procédure, explication qu'il a fait consigner au dossier. L'avocat a choisi de citer des témoins et a renouvelé sa requête après avoir terminé sa preuve. Le Tribunal a alors réservé son jugement.

Comme il appert de la présente décision, le Tribunal a conclu que la Commission avait fait une preuve suffisante jusqu'à preuve contraire et la requête en irrecevabilité est par conséquent rejetée.

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5. Analyse

Il n'est pas difficile de comprendre pourquoi le plaignant, Robert Dokis, et nombre d'autres membres de la collectivité estimaient que le poste de conducteur du service de santé lui appartenait. Pendant onze ans, il a été celui qui, principalement, a fourni ce service à la collectivité. Il n'est pas étonnant non plus que, lorsque l'avis de concours pour les deux postes a été affiché ou publié, il lui a semblé que son emploi était l'objet d'un concours qui permettrait à d'autres de le postuler.

Toutefois, le fait est que le poste que le plaignant a occupé pendant onze ans ne lui revenait pas exclusivement. Au fil des ans, bien d'autres ont aussi fourni ce service -- encore que ce fût dans une mesure beaucoup moins grande que le plaignant -- et tous ont été rémunérés à un taux horaire seulement pour le nombre d'heures fourni.

Le poste à temps plein, avec avantages sociaux, annoncé au début de 1992 était de toute évidence un nouveau poste. Il était tout à fait raisonnable que le conseil de bande tienne un concours public à l'égard de ce nouveau poste.

Il est très malheureux qu'à ce moment-là, avant que l'avis de concours soit affiché, aucun représentant de l'autorité n'ait pris le temps d'expliquer à Robert Dokis ce qui se passait. Cette simple marque de considération aurait pu permettre d'éviter bien des malentendus et des rancunes.

Le Tribunal est appelé à décider quel rôle, le cas échéant, l'âge de Robert Dokis a joué dans le concours.

Le Tribunal estime que, suivant les critères énoncés dans l'arrêt O'Malley, précité, et dans l'affaire Shakes v. Rex Pak, précitée, le plaignant a fait une preuve suffisante jusqu'à preuve contraire :

  1. Le plaignant avait les qualifications pour l'emploi en cause. Il avait les titres et qualités de conducteur requis, beaucoup d'expérience, une formation en premiers soins et en RCR.
  2. Il n'a pas été embauché pour le poste à plein temps qu'il avait postulé et pour lequel il avait marqué sa préférence.
  3. Le candidat reçu, Chris Dokis, à ce moment-là non seulement n'était pas mieux qualifié, mais n'avait pas les titres et qualités de conducteur requis, n'avait aucune formation en premiers soins et en RCR, avait moins d'expérience et était beaucoup plus jeune que Robert Dokis.

En conséquence, en l'absence d'explication de l'intimée, la preuve pourrait être suffisante pour rendre une décision en faveur du plaignant.

La réponse est fournie en fait non seulement par l'intimée, mais encore par certains des témoins cités par le plaignant.

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De toute évidence, le conseil de bande a tenté d'établir un processus de recrutement objectif et juste. Il a désigné un comité de recrutement formé de trois conseillers et deux administrateurs. Le comité disposait de questions types à poser à chaque candidat à l'entrevue ainsi que de réponses possibles et d'un barème (pièce R-7).

Il est difficile de trouver à redire à ce processus. Comme pour toute entrevue, un élément subjectif ne manquera pas de se glisser dans la notation individuelle des réponses. Toutefois, la présence de cinq examinateurs a tendance à compenser l'effet de cet élément.

Deux témoins, Denise Restoule et Jack Restoule, tous deux membres du comité de recrutement, ont produit les notes qu'ils ont prises durant les entrevues (pièces R-6, R-8). Il appert des pièces que les réponses de Robert Dokis et de Chris Dokis présentaient des différences importantes.

Fait particulièrement important, quatre des cinq examinateurs ont accordé la note la plus haute à Chris Dokis et le cinquième, Jack Restoule, qui a admis appuyer le plaignant, a donné la même note à Chris et à Robert Dokis.

Rien n'indique que le facteur âge ait joué dans le processus. Tous les témoignages indiquent que Chris s'est distingué à l'entrevue.

Le défaut le plus évident du processus est l'absence de présélection des candidats en fonction de l'énoncé des exigences fondamentales -- titres et qualités de conducteur et consentement à acquérir une formation en premiers soins et en RCR.

Il n'était de toute évidence pas essentiel d'avoir reçu la formation en premiers soins et en RCR avant l'entrevue -- il suffisait de se dire disposé à acquérir la formation. Chris Dokis a dit dans sa demande qu'il y était disposé.

Les titres et qualités de conducteur étaient cependant une condition préalable énoncée -- la preuve devait en être fournie dans la demande avec la preuve d'un bon dossier de conducteur.

L'administrateur de la bande a témoigné que ses instructions étaient de transmettre les enveloppes (c'est-à-dire les demandes) au comité de recrutement et il a manifestement interprété ces instructions comme excluant tout mandat de faire lui-même la présélection des candidats.

Quant à lui, le comité de recrutement a semblé interpréter son rôle comme se limitant à procéder aux entrevues, puis à faire une recommandation au conseil de bande en se fondant sur ces entrevues. Selon le témoignage de Denise Restoule, le comité ignorait si une présélection avait été effectuée.

C'est ainsi que le candidat reçu par suite des entrevues a obtenu le poste à plein temps même si, à l'époque, il ne possédait pas les titres et qualités nécessaires.

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Si une présélection convenable des candidats avait été faite, on peut présumer que Chris Dokis aurait été rejeté dès lors, car il ne possédait pas les titres et qualités de conducteur avant l'entrevue. Robert Dokis, qui a été classé au deuxième rang à l'entrevue, aurait alors été le candidat reçu.

Nous sommes d'avis que le processus de recrutement comportait un défaut grave, du fait qu'il n'y a pas eu de présélection. Toutefois, nous estimons que la preuve de discrimination fondée sur l'âge, à l'endroit du plaignant, n'a aucunement été faite. Le fait qu'on lui a offert le poste à temps partiel, qui exigeait qu'il soit en disponibilité à toute heure pour les urgences ainsi que les fins de semaine -- emploi à bien des égards plus astreignant que le travail régulier de jour -- semble aussi indiquer que son âge n'a pas joué dans la décision.

Après avoir examiné les réponses des candidats à l'entrevue à la lumière des réponses suggérées ou souhaitées, nous estimons que l'intimée a fourni une explication crédible de la décision de préférer Chris Dokis -- il a été le plus fort à l'entrevue.

N'ayant pas conclu à la discrimination fondée sur un motif illicite, le présent tribunal n'est pas habilité à ordonner que soit corrigé un processus de recrutement défectueux ou injuste.

6. Ordonnance

Le Tribunal rejette la plainte.

FAIT le jour de novembre 1995.

(signature) Keith C. Norton

(signature) Kathleen Jordan

(signature) Anne L. Mactavish

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