Tribunal canadien des droits de la personne

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CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

JIM SMITH

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX

l'intimée

DÉCISION QUANT À L'AJOUT D'UNE PARTIE À LA PLAINTE ET
QUANT À LA MODIFICATION DE LA PLAINTE

2005 TCDP 23
2005/06/15

MEMBRE INSTRUCTEUR : Karen A. Jensen

[TRADUCTION]

I. L'article 14.1 de la Loi 10

[1] Le 28 février 2002, Jim Smith a déposé une plainte devant la Commission canadienne des droits de la personne dans laquelle il prétend que la Compagnie des chemins de fer nationaux (CN) a agi de façon discriminatoire en matière d'emploi à son endroit en raison de sa déficience. Le 19 mai 2004, la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) a renvoyé la plainte au Tribunal pour instruction.

[2] M. Smith demande maintenant que la plainte soit modifiée en vue d'ajouter des allégations de représailles exercées contre lui par le CN. Il demande également que la Workers' Compensation Board de la Colombie-Britannique (la WCB) soit ajoutée comme partie à la plainte et que la plainte soit modifiée en vue d'y ajouter des allégations de représailles et de menaces de représailles de la part de la WCB, et ce, au nom du CN.

[3] Le CN ne s'oppose pas à ce que la plainte soit modifiée en vue d'ajouter des allégations de représailles de sa part.

I. L'historique

[4] M. Smith a commencé à travailler pour le CN en avril 1979. En novembre 1997, M. Smith s'est blessé au dos alors qu'il était en train de travailler. Il a déposé une demande auprès de la WCB. Sa demande a été acceptée et il a reçu des traitements de physiothérapie ainsi que d'autres traitements pendant plusieurs mois, puis il est retourné au travail en avril 1998.

[5] Malheureusement, l'état du dos de M. Smith s'est aggravé et, en mars 1999, M. Smith a dû subir une intervention chirurgicale. Celui-ci n'a pas travaillé pendant le restant de 1999, mais il a participé à deux programmes de réentraînement à l'effort conçus pour augmenter la force et la souplesse dans le but d'un éventuel retour au travail. Ces programmes ont été parrainés par la WCB.

[6] En janvier 2000, un conseiller médical pour la WCB a jugé que l'état de M. Smith s'était stabilisé. La WCB a imposé certaines restrictions quant aux activités professionnelles de M. Smith, mais elle a déclaré qu'il pourrait terminer le plan de retour graduel au travail élaboré par le kinésithérapeute et chirurgien orthopédiste qui s'est occupé de son cas.

[7] Le premier plan de retour au travail en 2000 consistait en une tentative de retour graduel de M. Smith au poste de mécanicien de locomotive qu'il occupait avant de se blesser. Ce plan a été conçu par un kinésithérapeute à l'emploi du CN. La WCB l'a approuvé et a formulé des recommandations afin que le retour au travail de M. Smith soit un succès. La WCB lui a également accordé des prestations d'invalidité de courte durée et des prestations pour soins de santé, lesquelles prestations il devait recevoir jusqu'au 21 janvier 2001.

[8] Le premier plan de retour au travail n'a pas fonctionné. M. Smith a apparemment souffert de douleur au dos et de spasmes pendant toute la durée du plan. Il a consulté son médecin, le Dr Appleton, à propos de sa douleur au dos et de ses spasmes. Le Dr Appleton a recommandé un examen neurologique et a déclaré que M. Smith ne pouvait pas demeurer assis pendant plus de six heures.

[9] La WCB a acheminé pour examen le dossier médical de M. Smith à l'un de ses conseillers médicaux. Dans une lettre datée du 2 mars 2001, Mme C. Arujo, une gestionnaire de cas à l'emploi de la WCB, a déclaré que, selon l'opinion fournie par le conseiller médical de la WCB, M. Smith pouvait occuper le poste qu'il détenait avant de se blesser.

[10] Par conséquent, à compter du 21 janvier 2001, la WCB a cessé de verser à M. Smith ses prestations d'invalidité de courte durée. Mme Arujo a déclaré que la réadaptation professionnelle n'était pas nécessaire car on avait estimé que M. Smith était capable d'occuper le poste qu'il détenait avant de se blesser. Toutefois, elle a déclaré que son dossier serait renvoyé au Disablity Awards Department pour qu'une décision soit rendue quant à un calcul d'incapacité fonctionnelle permanente.

[11] M. Smith a interjeté appel à la Workers' Compensation Review Board de la décision de la WCB qu'il était capable d'occuper le poste qu'il détenait avant de se blesser et que l'on devrait cesser de lui verser ses prestations.

[12] Dans l'intervalle, le CN a conçu plusieurs autres plans de retour au travail auxquels M. Smith a participé. Ceux-ci se sont en bout de ligne avérés infructueux.

[13] Le 28 février 2002, M. Smith a déposé une plainte contre le CN devant la Commission canadienne des droits de la personne, alléguant avoir fait l'objet de discrimination fondée sur la déficience.

[14] En juin 2002, le syndicat de M. Smith a présenté un grief en son nom alléguant que la Compagnie avait violé la convention collective en omettant de prendre des mesures d'accommodement visant à répondre aux besoins occasionnés par la déficience de M. Smith.

[15] Le 14 mars 2003, la Workers' Compensation Review Board a accueilli l'appel interjeté par M. Smith de la décision de la WCB qu'il était capable d'occuper le poste qu'il détenait avant de se blesser et que l'on devrait cesser de lui verser ses prestations. Le Review Board a jugé que M. Smith était incapable d'occuper le poste de mécanicien de locomotive. La Review Board a également ordonné qu'il reçoive des prestations de continuité de revenu à compter du 21 janvier 2001 ainsi que pour la perte de revenu à moins qu'il ne soit recyclé dans un emploi adapté à sa déficience, ce qui atténuerait sa perte de revenus. Le CN a interjeté appel de cette décision.

[16] En avril 2003, le CN a proposé que M. Smith suive une formation relative à un nouveau poste de contrôleur de la circulation ferroviaire à Prince George (C.-B.) durant les mois de juin et juillet 2003. S'il réussissait le programme de formation, M. Smith devait se voir offrir le poste de contrôleur de circulation ferroviaire.

[17] M. Smith a commencé à suivre le programme de formation en juin 2003. Il a terminé un module d'autoformation à Vancouver en juin, puis s'est rendu à Prince George en juillet 2003.

[18] Les 4 et 7 juillet 2003, M. Todd McDonald, un conseiller en réadaptation professionnelle à l'emploi de la WCB, a communiqué par fax et par lettre avec M. Smith à propos de sa participation au programme de formation et de ses chances de se voir offrir le poste à Prince George.

[19] Dans ces communications, M. McDonald a informé M. Smith que la WCB croyait que le plan de retour au travail à Prince George était adéquat, raisonnable et nécessaire pour que M. Smith puisse retourner au travail. Il a souligné à quel point il était important que M. Smith participe volontairement au programme de formation de contrôleur de la circulation ferroviaire à Prince George malgré le fait que lui et son syndicat eurent pris la position, dans le grief ainsi que dans la plainte en matière de droits de la personne, que l'on devrait prendre à Terrace des mesures d'accommodement visant à répondre à ses besoins.

[20] M. McDonald a également informé M. Smith que s'il continuait à insister sur l'obtention d'un poste à Terrace, de sorte que le CN ne pourrait pas lui offrir le poste à Prince George, alors il pourrait devenir nécessaire que la WCB examine le dossier afin de décider si on devrait fournir une aide supplémentaire de réadaptation professionnelle.

[21] Le 9 juillet 2003, le grief du syndicat contre le CN a été entendu par l'arbitre Michel Picher. Le 14 juillet 2003, l'arbitre Picher a rendu une décision par laquelle il a rejeté le grief. Dans sa décision, l'arbitre Picher a conclu que le CN s'était acquitté de ses responsabilités prévues dans la convention collective ainsi que dans la Loi canadienne sur les droits de la personne (la Loi) quant aux mesures d'accommodement visant à répondre aux besoins de M. Smith.

[22] Dans une note de service datée du 21 juillet 2003, Todd McDonald de la WCB a rapporté une conversation téléphonique qui a eu lieu entre Tanya Gordon et le CN concernant les problèmes du CN en rapport avec les coûts reliés à l'implication continue de la WCB dans la cause de M. Smith, advenant le cas où M. Smith ne réussirait pas à obtenir le poste à Prince George. Selon la note de service, M. McDonald a affirmé à Mme Gordon que, compte tenu des éléments de preuve actuels figurant au dossier, M. Smith n'avait pas besoin de mesures d'accommodement supplémentaires quant à la possibilité de pouvoir s'étendre au travail ou de pouvoir rentrer tôt chez lui.

[23] Dans une lettre datée du 29 juillet 2003, le CN a informé M. Smith que l'on avait mis fin au programme de formation à Prince George. Le lettre mentionnait que bien que M. Smith fût capable d'effectuer le travail de contrôleur de circulation ferroviaire à Prince George, il devait démontrer qu'il voulait vraiment apprendre le travail.

[24] La lettre mentionnait également que M. Smith avait refusé de suivre les directives quant à la façon d'inscrire correctement ses entrées de journal et qu'il semble qu'il avait pris l'habitude de quitter son aire de travail et (ou) de laisser son travail sans surveillance pour des raisons non liées au travail. La lettre mentionnait que d'autres [Traduction] observations objectives avaient été faites par les superviseurs du transport à Prince George et qu'elles étayaient la décision de mettre fin au programme.

[25] Dans une lettre, datée du 21 août 2003, qu'il a envoyée au syndicat de M. Smith, M. McDonald de la WCB a semblé répondre aux accusations faites par le syndicat qu'il avait menacé M. Smith dans les communications antérieures qu'il avait eues avec lui. M. McDonald a fait valoir que si le syndicat avait utilisé le mot menacer dans le sens figurant dans le dictionnaire Webster, c'est-à-dire [Traduction] laisser craindre ou [Traduction] informer d'une sanction éventuelle, alors il a pu menacer M. Smith. Toutefois, M. McDonald a soutenu que les communications qu'il avait eues avec M. Smith, lesquelles avaient trait à sa demande d'indemnisation des accidents du travail, ne visaient tout simplement qu'à informer ce dernier que son manque d'engagement évident quant au programme de retour au travail à Prince George pouvait avoir des conséquences potentielles.

[26] Dans une lettre datée du 1er octobre 2003, Todd McDonald a informé M. Smith de la décision de la WCB qu'il ne pourrait plus bénéficier de l'aide en réadaptation professionnelle dont il bénéficiait après la fin du plan de retour au travail. M. McDonald a déclaré que selon la WCB, le plan était adéquat, raisonnable et nécessaire, qu'il tenait compte des restrictions des indemnités de M. Smith et permettait beaucoup de souplesse dans l'exécution du travail. Il a déclaré qu'il y avait des barrières non indemnisables quant au retour au travail de M. Smith.

[27] Ces barrières comprenaient le manque de volonté de la part de M. Smith à se consacrer entièrement au poste à Prince George comme en témoigne sa recherche continue quant aux possibilités de demeurer à Terrace. De plus, la décision faisait part d'une incapacité démontrée de la part de M. Smith à travailler pendant des quarts de travail complets, et ce, sans que des restrictions médicales ne justifient cette incapacité.

[28] M. Smith a interjeté appel de la décision prise le 1er octobre 2003 par la WCB de mettre fin à son aide en réadaptation professionnelle. Cette décision fut toutefois confirmée le 12 juillet 2004 par un agent de révision des indemnisations des accidentés du travail.

[29] Dans une décision datée du 22 mars 2004, la Workers' Compensation Appeal Board a rejeté l'appel interjeté par le CN concernant la capacité de M. Smith à travailler comme mécanicien de locomotive.

A. Les positions des parties

[30] M. Smith prétend que le CN a exercé des représailles contre lui en nuisant à l'arbitrage de ses demandes d'indemnisations auprès de la WCB, et ce, parce qu'il avait déposé une plainte en matière de droits de la personne. Il déclare de plus que l'abolition anticipée par le CN du programme de formation à Prince George constituait des représailles.

[31] Quant à la WCB, M. Smith prétend que Todd McDonald l'avait menacé que s'il ne retirait pas son grief ainsi que sa plainte en matière de droits de la personne, ses prestations de la WCB cesseraient. Il prétend de plus que la cessation de ses prestations de la WCB à la suite de l'abolition du programme de formation à Prince George constituait des représailles exercées au nom du CN pour le dépôt d'une plainte en matière de droits de la personne contre le CN.

[32] Bien qu'il n'admette d'aucune façon l'une ou l'autre des allégations, le CN ne s'oppose pas à cette partie de la requête de M. Smith de modification de la plainte qui traite des allégations de représailles de la part du CN. Toutefois, le CN s'oppose à la modification de la plainte visant à ajouter des allégations de représailles et de menaces de la part de la WCB à l'égard de M. Smith. Le CN adopte les prétentions de la WCB quant à cette partie de la requête.

[33] La WCB prétend que la requête devrait être rejetée parce qu'il n'y a aucune chance que les allégations figurant dans la modification concernant la WCB puisse être acceptées. De plus, la WCB fait valoir que le Tribunal n'a pas compétence à l'endroit de la WCB, un organisme qui relève de la compétence exclusive du gouvernement provincial.

B. Les questions en litige

[34] La première question à trancher dans la présente requête est celle qui consiste à savoir si la WCB devrait être ajoutée comme partie à la plainte. S'il est opportun d'ajouter la WCB comme partie à la plainte, alors la question que l'on doit se poser est si la plainte devrait être modifiée en vue d'ajouter les allégations contre la WCB.

[35] Toutefois, afin de décider si on doit ajouter la WCB comme partie à la plainte, on doit d'abord examiner les exigences prévues dans la Loi concernant les plaintes de représailles et (ou) de menaces de représailles au nom d'un intimé.

(i) L'article 14.1 de la Loi

[36] L'article 14.1 de la Loi mentionne que constitue un acte discriminatoire le fait, pour la personne visée par une plainte ou pour celle qui agit en son nom, d'exercer ou de menacer d'exercer des représailles contre le plaignant ou la victime présumée. Bien que le Tribunal ait déjà été saisi de cas de représailles exercées par des intimés, il n'a pas encore été saisi d'allégations de représailles exercées par une personne agissant au nom de la personne contre laquelle une plainte a été déposée.

[37] Afin de déterminer ce que signifie l'expression celle qui agit en son nom, il convient d'examiner d'abord le contexte législatif de la disposition.

[38] L'article 4 de la Loi prévoit que les actes discriminatoires prévus aux articles 5 à 14.1 peuvent faire l'objet d'une plainte en vertu de la partie III et que toute personne reconnue coupable de ces actes peut faire l'objet des ordonnances prévues aux articles 53 et 54.

[39] Le paragraphe 65(1) de la Loi prévoit que sous réserve de la disposition relative à la diligence raisonnable prévue au paragraphe 65(2), les actes ou omissions commis par un employé, un mandataire, un administrateur ou un dirigeant dans le cadre de son emploi sont réputés, pour l'application de la présente loi, avoir été commis par la personne, l'organisme ou l'association qui l'emploie. Par conséquent, un organisme, par exemple, peut être tenu responsable des actes discriminatoires de son mandataire s'ils ont été commis dans le cours de l'emploi. Toutefois, le mandataire ne devient pas personnellement responsable des actes discriminatoires par le seul effet du paragraphe 65(1)

[40] En vertu de l'article 4 de la Loi, l'article 65 s'applique aux plaintes de représailles déposées en vertu de l'article 14.1, ce qui a pour résultat qu'un organisme peut être tenu responsable des actes de représailles posés par son mandataire. Toutefois, encore une fois, le mandataire ne serait pas personnellement responsable de ses actes de représailles par le seul effet du paragraphe 65(1).

[41] Compte tenu que l'article 65 s'applique à l'article 14.1, les mots qui agit en son nom qui figurent à l'article 14.1 doivent avoir une autre signification que ce qui est exprimé au paragraphe 65(1) de la Loi. Autrement, il n'aurait pas été nécessaire d'ajouter les mots qui agit en son nom à l'article 14.1.

[42] L'une des principales différences est que, contrairement à la responsabilité prévue à l'article 65 de la Loi, la personne qui agit au nom d'un intimé à des fins de représailles est directement responsable d'un acte discriminatoire et peut faire l'objet d'une ordonnance en vertu des articles 53 et 54 de la Loi.

[43] Il est possible de trouver une signification additionnelle des mots qui agit en son nom dans la version française de la Loi. Le libellé français de l'article 14.1 décrit la person acting on behalf of the respondent comme celle qui agit en son nom, c'est-à-dire une personne qui agit au nom de l'intimé.

[44] Le libellé français de l'article 14.1 dirige notre attention vers la deuxième des deux définitions figurant dans le Canadian Oxford Dictionary pour en son nom. Dans ce dictionnaire, l'expression est définie comme signifiant dans les intérêts d'une personne ou comme représentant de.

[45] Compte tenu de l'analyse qui précède du contexte législatif de la disposition, je conclus que pour qu'elle soit visée par l'article 14.1, la personne qui agit au nom de l'intimé doit exercer des mesures de représailles ou faire des menaces au nom de l'intimé ou comme représentant de l'intimé. De plus, les mesures de représailles exercées ou les menaces faites au nom de l'intimé doivent être liées au dépôt d'une plainte en matière de droits de la personne contre l'intimé.

[46] Comme l'article 14.1 ouvre la porte à ce que l'autre personne, en l'espèce la WCB, puisse faire l'objet d'une ordonnance en vertu de l'article 53 de la Loi, la personne doit être ajoutée comme partie à la plainte. Quel est le droit en matière d'ajout d'une partie à la plainte?

C. L'ajout d'une partie à la plainte

[47] Le Tribunal a jugé qu'il avait le pouvoir discrétionnaire d'ajouter des parties à une instruction dans les circonstances appropriées (jugement de vive voix rendu le 2 octobre 2002 par la présidente Mactavish dans Desormeaux c. Commission de transport régionale d'Ottawa-Carleton (T701/0602), mentionnée dans Syndicat des employés d'exécution de Québec-téléphone c. Telus Comunications 2003 TCDP 31, paragraphes 23 à 27). Toutefois, le Tribunal a également déclaré que le contexte législatif entourant ce pouvoir discrétionnaire milite en faveur de la retenue ou de la prudence en matière d'ajout de parties.

[48] Dans quelles circonstances convient-il d'ajouter une partie? De nombreuses décisions rendues par le Tribunal après Desormeaux fournissent un certain nombre de réponses à cette question.

[49] Par exemple, dans la décision Telus, le Tribunal a refusé d'ajouter le syndicat comme partie à la plainte. Parmi les facteurs qui militaient contre l'ajout du syndicat comme partie, il y avait le fait que rien dans les documents soumis au Tribunal ne donnait à penser que le syndicat ou ses membres avaient agi, ou ont pu avoir agi d'une manière discriminatoire.

[50] Le Tribunal dans Telus a également souligné que l'ajout d'un nouvel intimé à l'étape de l'instruction du Tribunal sur la plainte, alors qu'aucune plainte officielle n'a été déposée contre lui, prive le nouvel intimé de la possibilité de présenter certains motifs de défense devant la Commission.

[51] Dans Brown c. CCN 2003 TCDP 43, le membre Groarke a accueilli une requête déposée par la Commission canadienne des droits de la personne en vue d'ajouter Travaux publics et Services gouvernementaux Canada comme intimé dans les procédures. Il a conclu que l'ajout de Travaux publics comme partie était nécessaire si on voulait fournir au plaignant un recours approprié advenant qu'il réussirait à prouver qu'il existait de la discrimination.

[52] Par conséquent, ce qui ressort des décisions rendues à ce jour par le Tribunal quant à cette question, c'est que la prudence est de rigueur lorsque l'on ajoute une partie. Une nouvelle partie ne devrait être ajoutée à l'étape de l'instruction que si l'ajout de la partie est nécessaire pour que l'on puisse trancher convenablement la plainte et s'il existe un fondement valide aux allégations portées contre la nouvelle partie.

[53] En ce qui concerne ce dernier point, je tiens à affirmer clairement que les exigences relatives à la preuve d'un fondement valide quant aux allégations portées contre une nouvelle partie ne sont pas élevées. Le Tribunal n'entreprendra pas un examen approfondi du bien-fondé des allégations. Toutefois, il reste qu'il doit y avoir un fondement valide aux allégations portées contre la nouvelle partie pour que l'exercice par le Tribunal de son pouvoir discrétionnaire d'ajouter une partie soit justifié.

[54] En l'espèce, je suis disposé à accepter qu'il peut y avoir un certain fondement quant aux allégations que la WCB aurait exercé des représailles et aurait menacé d'exercer des représailles contre M. Smith. Toutefois, je ne suis pas convaincu qu'il existe un fondement valide quant aux allégations que la WCB avait commis ses actes au nom du CN.

[55] M. Smith fait valoir que les pièces au dossier suivantes étayent les allégations que la WCB agissait au nom du CN : (1) les documents relatifs aux discussions entre le CN et la WCB concernant les frais relatifs aux mesures d'accommodement visant à répondre aux besoins de M. Smith; (2) les documents relatifs aux rencontres tenues entre la WCB et le CN pour discuter du retour au travail de M. Smith ainsi que du progrès dans le programme de formation de Prince George; (3) les documents concernant l'acceptation par la WCB des positions du CN sur un certain nombre de questions.

[56] Selon moi, ces documents n'établissent pas un fondement viable quant à l'allégation que c'est au nom du CN que la WCB a commis ses actes à l'égard de M. Smith.

[57] L'article 16 de la Workers' Compensation Act de la Colombie-Britannique (la WCA) accorde à la WCB le pouvoir discrétionnaire de [Traduction] prendre les mesures et d'engager les dépenses qu'elle juge nécessaires afin d'aider les travailleurs à retourner au travail ou afin d'aider à diminuer ou à faire disparaître une invalidité occasionnée par un accident de travail ou une maladie.

[58] Je crois qu'il convient d'inférer que, compte tenu du libellé de la WCA, afin de s'acquitter du mandat qui lui est conféré par l'article 16 d'aider les travailleurs à retourner au travail, la WCB peut devoir travailler avec [Traduction] l'employeur de l'accident.

[59] Selon moi, les documents auxquels M. Smith renvoie dans son dossier ne font rien de plus que de laisser supposer l'existence d'une relation de travail entre les représentants de la WCB et le CN concernant le retour au travail de M. Smith. La preuve de l'existence d'une relation de travail n'est toutefois pas suffisante pour accorder quelque vraisemblance que ce soit à l'allégation que la WCB agissait au nom du CN, ou afin de favoriser l'intérêt présumé du CN à exercer des représailles contre M. Smith pour avoir déposé la plainte.

[60] En d'autres mots, la preuve de l'existence d'une relation de travail entre les deux organismes ne soulève pas une présomption implicite que la WCB agissait au nom du CN en exerçant apparemment des représailles ou en menaçant apparemment d'exercer des représailles contre M. Smith.

[61] En l'espèce il manque un élément qui, selon moi, est essentiel quant au succès de la requête de M. Smith. Cet élément consiste en des allégations et en certains éléments de preuve concernant la relation ou les évènements qui se sont produits entre la WCB et le CN et qui expliqueraient pourquoi la WCB agirait comme représentant du CN contre M. Smith. Je ne vois rien dans les observations de M. Smith ou dans le dossier qui traite de cet élément manquant.

[62] Par conséquent, je conclus qu'il n'y a pas de fondement valide aux allégations de M. Smith que la WCB a agi au nom du CN. Pour ce motif, je conclus qu'il ne convient pas d'ajouter la WCB comme partie à la plainte. Selon moi, s'il ne convient pas d'ajouter la WCB comme partie à la plainte, alors la demande de modification de la plainte présentée par M. Smith doit également être rejetée.

II. Ordonnance

[63] Compte tenu du fait que le CN ne s'oppose pas à la demande de modification de la plainte de M. Smith en vue d'ajouter des allégations de représailles de la part du CN, cette partie de la requête est accueillie. La plainte devrait être modifiée en conséquence.

[64] Toutefois, la demande d'ajout de la WCB comme partie et de modification de la plainte en vue d'ajouter les allégations de représailles et de menaces de représailles de la part de la WCB au nom du CN est rejetée.

Karen A. Jensen

Ottawa (Ontario)

Le 15 juin 2005

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL : T939/5904
INTITULÉ DE LA CAUSE : Jim Smith c. la Compagnie des chemins de fer nationaux
DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL : Le 15 juin 2005
ONT COMPARU :
Jim Sayre Pour Jim Smith
Daniel Pagowski Pour la Commission canadienne des droits de la personne
Joseph H. Hunder Pour la Compagnie des chemins de fer nationaux
Scott A. Nielsen Pour la Workers' Compensation Board de la Colombie-Britanique
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