Tribunal canadien des droits de la personne

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CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

CRIS BASUDDE

- et -

SHIV CHOPRA

les plaignants

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -
SANTÉ CANADA

l'intimé

DÉCISION

2005 TCDP 21
2005/05/30

MEMBRE INSTRUCTEUR : M. Paul Groarke

[TRADUCTION]

I. LA REQUÊTE

II. ALLÉGATIONS SPÉCIFIQUES

A. La première allégation

B. La deuxième allégation

C. La troisième allégation

D. La quatrième allégation

E. La cinquième allégation

F. La sixième allégation

III. CONCLUSIONS

IV. DÉCISION

I. LA REQUÊTE

[1] La requête est fondée sur les plaintes déposées par le Dr Shiv Chopra. La situation est assez simple. En raison de la longueur du litige, l'intimé affirme qu'un certain nombre d'allégations figurant dans les plaintes sont assujetties au principe de la préclusion. Elles ont déjà été tranchées.

[2] Le litige entre le Dr Chopra et l'intimé dure depuis longtemps. Le Dr Chopra a déjà comparu devant le Tribunal dans le cadre de deux litiges antérieurs avec l'intimé. Les parties se sont également affrontées en Cour fédérale ainsi que devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique. Je n'ai pas compté, mais les parties se sont affrontées devant les tribunaux à de nombreuses occasions.

[3] Les préoccupations principales de l'intimé découlent des conclusions tirées par M. Hadjis dans Chopra c. Canada (Ministère de la Santé nationale et du Bien-être social) [2001] T.C.D.P. no 20 (QL). Elles découlent également des conclusions tirées dans la décision Alliance de la Capitale nationale sur les relations interraciales (ACNRI) c. Canada (Santé et Bien-être social), 1997 TCDP no 3 (QL), laquelle, toutefois, avait trait à une plainte contre le même employeur déposée en vertu de l'article 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Puis, il y a l'autre litige.

[4] Dans son avis de requête, l'intimé me demande de radier certains aspects de la plainte. Cela pose un problème. Le Tribunal est maître de sa procédure et a le droit de superviser l'instruction. Il n'a toutefois aucun pouvoir sur la procédure de renvoi. C'est la Commission qui décide ce qui sera renvoyé au Tribunal. Je ne vois pas comment je peux radier des passages des plaintes sans implicitement miner l'autorité de la Commission et entrer dans le processus de renvoi.

[5] Cela n'empêche pas le Tribunal de modifier les plaintes ou de décider de ce dont il est validement saisi. L'apport de modifications est une chose; la radiation en est une autre. Il existe des situations exceptionnelles, mais, en règle générale, je ne crois pas que je puisse enlever des passages de documents dont l'origine est externe au processus. L'intimé dispose d'autres sources de redressement. Je ne vois aucun problème, par exemple, avec une demande en radiation de paragraphes de l'énoncé des précisions. L'examen des plaidoiries relève du cadre normal des fonctions du Tribunal.

[6] Le problème en l'espèce est que les plaidoiries n'ont pas encore été échangées. Je crois que la phrase familière suivante résume le mieux la situation : les parties vont trop vite. Il est trop tôt pour traiter des subtilités de la cause et la requête est prématurée. Je suis néanmoins convaincu qu'il serait utile de donner un certains nombre de directives aux parties.

II. ALLÉGATIONS SPÉCIFIQUES

[7] Il serait peut être utile de formuler des observations sur les allégations spécifiques qui concernent l'intimé.

A. La première allégation

[8] La première allégation concerne la présumée omission d'avoir nommé le Dr Chopra au poste de directeur du Bureau de médecine vétérinaire en 1993. Je suis d'accord avec l'intimé pour affirmer que cette question a déjà été jugée.

[9] L'observation la plus simple est chronologique. Le Dr Chopra a déjà obtenu une conclusion de discrimination pour les évènements qui se sont déroulés jusqu'en 1992. Toutefois, le Tribunal qui a conclu en sa faveur a reçu des éléments de preuve se rapportant aux événements qui se sont déroulés entre 1992 et 1994. Ces éléments de preuve ont été présentés par la Commission, pour le compte du Dr Chopra, et ont manifestement fait partie de la plaidoirie du Dr Chopra. Il a eu l'avantage de disposer de ces éléments de preuve.

[10] M. Hadjis semble avoir traité ces éléments de preuve comme des éléments de preuve circonstanciels, ce qui peut renforcer la cause du plaignant. Toutefois, je dirai simplement, à ce moment-ci, que les parties sont liées par ses conclusions. Si l'une ou l'autre des parties était insatisfaite de sa décision, elles pouvaient demander réparation à la Cour fédérale.

B. La deuxième allégation

[11] La deuxième allégation concerne une plainte interne qui a été déposée contre le Dr Chopra en 1993. Elle a été décrite comme étant une tentative de le discréditer. M. Hadjis a été saisi d'éléments de preuve concernant ces aspects de l'affaire et il a conclu que les motifs de la personne qui a déposé la plainte n'étaient pas raciaux. Bien que l'on aurait tort d'entrer dans les détails de la décision de M. Hadjis, je tiens à préciser que les parties sont liées par ses conclusions.

[12] M. Yazbeck va toutefois plus loin. Il déclare que le plaignant veut produire des éléments de preuve concernant la façon dont l'intimé a traité l'affaire. Il se peut ou non que cela soulève une nouvelle série de questions dont je suis valablement saisi. Il est difficile de le dire à ce moment-ci. Toute décision quant aux questions précises qui pourraient être soulevées à cet égard devra être prise au moment approprié.

C. La troisième allégation

[13] La troisième allégation a trait à un document appelé la note de service Cuddihy. Il semble que ce document ait joué un rôle important dans les trois audiences qui ont déjà eu lieu. Il a manifestement joué un rôle dans la conclusion de discrimination de M. Hadjis.

[14] Il y a deux aspects à cette affaire. Le premier aspect a trait au bien-fondé de la plainte. À ce stade, je ne vois pas pourquoi le plaignant aurait besoin de se fier au document, étant donné que le Tribunal est déjà lié par la conclusion de M. Hadjis qu'il a été victime de discrimination au cours de la période de 1992.

[15] Ces commentaires ne vident pas la question. Il peut être encore nécessaire de soumettre au Tribunal un certain nombre d'éléments de preuve pour établir le contexte dans lequel les événements subséquents se sont produits. Ces genres de questions devraient être approfondies lorsque les allégations essentielles en l'espèce auront été clarifiées, soit au cours des plaidoiries, soit au cours du témoignage.

D. La quatrième allégation

[16] La quatrième allégation est que l'intimé n'a pas respecté l'ordonnance rendue par le Tribunal dans la décision Alliance de la Capitale nationale sur les relations interraciales (ACNRI) c. Canada (Santé et Bien-être social). L'intimé affirme que le plaignant n'était pas partie à l'audience et n'a pas qualité en l'espèce. Il a soumis au Tribunal une lettre du président dans laquelle il est mentionné que l'intimé a respecté l'ordonnance. Je suis d'accord avec l'intimé que toute question de conformité doit être réglée en Cour fédérale comme le prévoit la Loi.

[17] L'affaire va plus loin. M. Yazbeck a déclaré que le Dr Chopra a discuté de la question de la conformité avec ses supérieurs. Je ne peux dire si ces conversations concernent l'essentiel des plus récentes allégations ou ont une incidence sur la présente instruction. La pertinence de ce genre de preuve doit être décidée au cours de l'audience, lorsque les circonstances permettent une évaluation adéquate des intérêts en jeu.

E. La cinquième allégation

[18] Il y a également un différend qui porte sur une décision rendue par la Commission des relations de travail dans la fonction publique concernant une suspension de cinq jours. Il y a eu un débat quant à la signification exacte de la décision de la Commission. Ce n'est pas le moment, ni l'endroit pour discuter de questions juridiques techniques. À ce stade, il suffit de dire que ce n'est pas le rôle du Tribunal canadien des droits de la personne de réviser les conclusions tirées et les décisions prises par un autre organisme décisionnel dans le cadre approprié de ses responsabilités. Il s'ensuit que les parties n'ont pas le droit de débattre à nouveau une question qui a été soumise à la Commission des relations de travail.

F. La sixième allégation

[19] Enfin, il y a des allégations concernant le fait que le Dr Chopra n'ait pas obtenu le poste de directeur du Bureau de médecine vétérinaire durant la période de 1997 à 1998. Cela était bien après la période de temps visée par les plaintes antérieures mais avant que M. Hadjis n'examine la question de la réparation.

[20] Je ne vois pas en quoi cela est important. Ces allégations cadrent parfaitement avec les présentes plaintes. Elles n'ont jamais été soumises à M. Hadjis. Je ne vois pas comment on pourrait dire que les questions de fait et de droit soulevées par ces allégations ont été débattues. La préclusion pour question déjà tranchée ne s'applique pas en l'espèce.

III. CONCLUSIONS

[21] J'ai déjà déclaré que la présente requête est prématurée. Les questions qu'elle soulève n'ont pas été bien définies par les parties. Le Tribunal a décidé à de nombreuses occasions que les décisions rendues sur des questions de preuve ou de procédure devraient être réglées lorsque les intérêts pertinents sont dûment apparus devant le Tribunal. C'est une erreur de trancher ces questions trop tôt, avant que les répercussions d'une quelconque décision ne soient devenues évidentes.

[22] La Loi canadienne sur les droits de la personne garantit à toutes les parties la possibilité pleine et entière de présenter leurs arguments. Je suis d'accord avec la Commission que le mandat du Tribunal quant à la procédure, dans le processus menant à l'audience, est régi par un principe de prudence. Le Tribunal devrait prendre soin de ne pas priver un plaignant de la possibilité de présenter l'ensemble de ses arguments devant le membre qui entend l'affaire. Il est beaucoup trop tôt dans le processus pour établir les paramètres précis de l'instruction.

[23] Je devrais ajouter que, selon moi, la portée de la présente instruction est relativement large. Le plaignant a eu la possibilité de raconter son histoire au Tribunal, jusqu'à 1994 environ. L'histoire ne se termine toutefois pas là. Il y a une suite. Si je comprends bien, il entend maintenant reprendre le récit et le continuer, jusqu'à la date de cessation de son emploi. Il a le droit de faire cela.

[24] Je crois que les parties conviennent qu'il serait erroné d'envisager la tenue d'une autre audience dans l'avenir. L'un des objets visé par les instructions est d'apporter un certain caractère définitif à ce genre de différend. Par conséquent, j'estime que le plaignant devrait se voir accorder la latitude dont il a besoin pour présenter toute allégation de discrimination qui prévaut encore. Il est à espérer que cela règlera une fois pour toute les questions en litige entre les deux parties.

IV. DÉCISION

[25] Tout ce que je peux dire, sur la requête, c'est que les parties sont liées par les conclusions tirées par le Tribunal dans des décisions antérieures. Elles n'ont pas le droit de débattre à nouveau des questions qui ont déjà été décidées. Il appartient au Tribunal de décider, comme question de jugement, si les allégations ou les éléments de preuve sont semblables à celles ou ceux qui ont fait l'objet d'une décision de la part d'un autre Tribunal. Les objections particulières devraient être traitées dès qu'elles sont soumises.

[26] Il peut-être malgré tout nécessaire de faire un quelconque renvoi aux événements qui ont fait l'objet de décisions antérieures, simplement aux fins de faire au Tribunal actuel un petit historique des relations entre les parties. Il s'agit d'une partie essentielle de l'instruction. Il est bien établi que les éléments de preuve contextuels sont particulièrement utiles dans le processus en matière de droits de la personne.

[27] J'ai déjà ordonné aux plaignants de déposer leurs énoncés de précision au plus tard le 17 juin 2005. Si l'intimé estime que les détails vont au-delà de la portée légitime des plaintes, il devrait soulever la question le plus rapidement possible.

M. Paul Groarke

Ottawa (Ontario)

Le 30 mai 2005

PARTIES DU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL : T901/2104
INTITULÉ DE LA CAUSE : Cris Basudde et Shiv Chopra c. Santé Canada
DATE ET LIEU DE L'AUDIENCE : 10 mai, 2005 Ottawa, Ontario
DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL : 30 mai, 2005
ONT COMPARU :
David Yazbeck Pour les plaignants
Philippe Dufresne Pour la Commission canadienne des droits de la personne
David Migicovsky Pour l'intimé
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