Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

ASSOCIATION DES EMPLOYÉ(E)S DE TÉLÉCOMMUNICATION DU

MANITOBA INC., BARBARA CUSTANCE, CARMEN GIROUX, CHUCK HANDO

KATHLEEN MULLIGAN ET JANICE SIRETT

les plaignants

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

MANITOBA TELECOM SERVICES

l'intimé

DÉCISION SUR REQUÊTE

2007 TCDP 29
2007/07/16

MEMBRE INSTRUCTEUR : Michel Doucet

Canadian Human
Rights Tribunal

Tribunal canadien
des droits de la personne

[1] L'intimée a présenté oralement une requête au début de l'audience dans laquelle elle demandait au Tribunal d'interdire aux plaignants de produire des preuves ou de présenter des arguments subsidiaires à leurs principaux arguments selon lesquels leur employeur avait [traduction] présumé qu'ils souffraient d'une déficience en raison de la façon dont il les avait mis à pied. L'intimée conteste principalement l'argument soulevé par l'avocat des plaignants dans une lettre datée du 6 juillet 2007, dans laquelle il soutenait que l'intimée avait l'obligation de prendre des mesures d'accommodement tant qu'il n'en résultait pas pour elle une contrainte excessive.

[2] L'avocat de l'intimée a soutenu que ces arguments étaient de nouvelles allégations qui modifiaient les plaintes.

[3] Après avoir examiné les plaintes, l'exposé des précisions et l'exposé modifié des précisions, je note qu'à chaque fois, les plaignants ont mentionné la [traduction] présomption d'une déficience. Par conséquent, je ne vois pas comment les allégations ou les arguments présentés dans la lettre du 6 juillet 2007 pourraient causer un préjudice à l'intimée.

[4] En ce qui a trait à la question de la contrainte excessive et des mesures d'accommodement, je crois qu'il est important d'examiner le droit en matière de droits de la personne. Les plaintes ont été déposées en vertu des articles 7 et 10 de la Loi. L'article 7 prévoit que constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait de refuser d'employer ou de continuer à employer un individu. L'article 10 prévoit que constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite et s'il est susceptible d'annihiler les chances d'emploi ou d'avancement d'un individu ou d'une catégorie d'individus, le fait pour un employeur de fixer ou d'appliquer des lignes de conduite. Contrairement aux plaintes présentées en vertu de l'article 7 de la Loi, qui porte sur les actions d'un employeur affectant un individu précis, l'article 10 de la Loi porte sur les effets discriminatoires que les lignes de conduite d'un employeur peuvent avoir sur un individu ou sur un groupe d'individus.

[5] L'article 3 de la Loi précise que la déficience constitue un motif de distinction illicite. De plus, il est maintenant bien établi que la protection de la Loi s'étend à ceux qui, à tort, sont présumés souffrir d'une déficience. (Voir Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville), [2000] 1 R.C.S. 665, au paragraphe 49.)

[6] Depuis les arrêts de la Cour suprême dans les arrêts Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3 [appelé également Meiorin] et Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights), [1999] 3 R.C.S. 868 [appelé également Grismer], la distinction classique entre la discrimination directe et la discrimination indirecte fait place à une méthode unifiée de traitement des plaintes relatives aux droits de la personne. Selon cette méthode, il incombe d'abord à la partie plaignante d'établir une preuve prima facie de discrimination. La preuve prima facie est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la partie plaignante, en l'absence de réplique de la partie intimée.

[7] Une fois qu'une preuve prima facie de discrimination a été établie, il revient à la partie intimée de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la politique ou la norme discriminatoire comporte un motif justifiable. Dans cette optique, la partie intimée doit prouver :

  1. qu'elle a adopté la norme à une fin ou dans un but qui est rationnellement lié à la fonction exécutée. À cette étape, l'analyse porte non pas sur la validité de la norme particulière en cause, mais plutôt sur la validité de son objet plus général, par exemple la nécessité d'exécuter la tâche de manière sûre et efficace. Si l'objet général est d'assurer l'exécution de la tâche de manière sûre et efficace, il ne sera pas nécessaire de consacrer beaucoup de temps à cette étape;
  2. qu'elle a adopté la norme en question en croyant sincèrement qu'elle était nécessaire pour réaliser le but légitime lié au travail, et sans qu'elle ait eu l'intention de faire preuve de discrimination envers le demandeur. À cette étape, l'analyse passe de l'objet général de la norme à la norme elle-même;
  3. que la norme contestée est raisonnablement nécessaire pour atteindre le but poursuivi, c'est-à-dire l'exécution de la tâche de manière sûre et efficace. L'employeur doit démontrer qu'il ne peut composer avec le plaignant et les autres personnes touchées par la norme sans en subir une contrainte excessive. Il doit veiller à ce que la procédure adoptée pour étudier la question de l'accommodement tienne compte de la possibilité qu'elle puisse être indûment discriminatoire sur la base d'un motif de distinction illicite. En outre, la teneur réelle d'une norme plus conciliante qui a été offerte par l'employeur doit être adaptée à chaque cas. Subsidiairement, l'employeur doit justifier pourquoi il n'a pas offert une telle norme.

[8] Les arrêts Meiorin et Grismer comportent des paramètres qui permettent de déterminer si l'argument fondé sur une contrainte excessive a été prouvé. Dans Meiorin, la Cour suprême fait observer que l'utilisation du mot excessive laisse supposer qu'une certaine contrainte est acceptable. Pour satisfaire à la norme, il faut absolument que la contrainte imposée soit excessive. Il peut être idéal, du point de vue de l'employeur, de choisir une norme d'une rigidité absolue. Encore faut-il, pour être justifiée en vertu de la législation sur les droits de la personne, que cette norme tienne compte de facteurs concernant les capacités uniques ainsi que la valeur et la dignité inhérentes de chaque personne, dans la mesure où cela n'impose aucune contrainte excessive.

[9] Compte tenu de l'état du droit et du fait que les plaignants ont mentionné dès le départ la [traduction] présomption d'une déficience, je rejette l'argument de l'intimée selon lequel la lettre du 6 juillet 2007 soulève de nouvelles allégations.

Michel Doucet

OTTAWA (Ontario)
Le 16 juillet 2007

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T1161/4306

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Association des employé(e)s de télécommunication du Manitoba Inc., Barbara Custance, Carmen Giroux, Chuck Hando, Kathleen Mulligan et Janice Sirett c. Manitoba Telecom Services

DATE ET LIEU DE L'AUDIENCE :

Les 9 au 11 juillet 2007
Winnipeg (Manitoba)

DATE DE LA DÉCISION SUR REQUÊTE DU TRIBUNAL :

Le 16 juillet 2007

ONT COMPARU :

R. Ivan Holloway
Luke Bernas

Pour les plaignants

Aucune représentation

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Gerry Parkinson
Paul McDonald

Pour l'intimé

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.