Tribunal canadien des droits de la personne

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TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

ASSOCIATION DES EMPLOY�(E)S DE T�L�COMMUNICATION DU

MANITOBA INC., BARBARA CUSTANCE, CARMEN GIROUX, CHUCK HANDO,

KATHLEEN MULLIGAN ET JANICE SIRETT

les plaignants

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

MANITOBA TELECOM SERVICES

l'intim�

D�CISION SUR REQU�TE

2007 TCDP 26
2007/07/05

MEMBRE INSTRUCTEUR: J. Grant Sinclair

I. INTRODUCTION

II. LE CONTEXTE

A. L'instruction sur la LCDP

B. Les principes juridiques

C. Application en l'esp�ce

I. INTRODUCTION

[1] L'intim�e, Manitoba TeleCom Services Inc. (MTS), a pr�sent� une requ�te afin d'obtenir une ordonnance portant sur ce qui suit :

  1. les parties sont li�es par les conclusions de fait et de droit tir�es par un arbitre dans sa d�cision rendue en 2004 (la d�cision Graham) et les plaignants ne peuvent produire des �l�ments de preuve qui les contredisent;
  2. le plaignant Hando, parce qu'il a d�pos� un grief puis l'a retir� de la d�cision Graham, ne peut porter sa plainte devant le Tribunal;
  3. la Telephone Employees' Association of Manitoba (le syndicat) doit �tre ajout�e � titre d'intim�e dans le cadre de la plainte;
  4. le syndicat ne peut �tre un plaignant au sens des paragraphes 40(1) et 40(2) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP).

II. LE CONTEXTE

[2] Les plaignants dans la pr�sente instruction sont le syndicat et cinq individus membres du syndicat, soit Hando, Mulligan, Giroux, Sirett et Custance. Les cinq plaignants ont tous �t� mis � pied par la MTS en janvier 2003. Le syndicat a contest� les mises � pied en d�posant des griefs.

[3] Le syndicat a retir� un des griefs, qui avait �t� d�pos� au nom de Hando (le grief Hando). Ce faisant, le syndicat a affirm� que le retrait du grief ne causerait aucun pr�judice � Hando s'il portait sa plainte all�guant des violations des droits de la personne par MTS devant la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP). Le grief Hando ne faisait mention d'aucune pr�sum�e violation de la LCDP.

[4] Le syndicat a d�pos� un autre grief au nom d'un groupe de 14 personnes, dont Mulligan, Giroux, Sirett et Custance (le grief de groupe). Le grief de groupe a �t� rejet� dans la d�cision Graham.

[5] La port�e du grief de groupe s'est r�tr�cie entre le moment du d�p�t et le moment de l'arbitrage. Au moment o� il a �t� sign�, le grief portait sur de pr�sum�es violations de la convention collective et de la LCDP. Pourtant, le r�sum� du grief apparaissant dans la d�cision Graham ne comprenait aucune r�f�rence � la LCDP et celle-ci n'a �t� examin�e nulle part ailleurs dans le document.

[6] De m�me, selon les all�gations du grief de groupe dans sa forme originale, certains des employ�s mis � pied auraient �t� cibl�s de mani�re injustifi�e en raison de leurs absences dues � la maladie et(ou) en raison du fait qu'ils avaient r�cemment demand� des prestations d'invalidit� de longue dur�e. Cependant, avant l'arbitrage, le syndicat a fait savoir qu'il ne pr�senterait aucun argument quant � la question de la s�lection injustifi�e fond�e sur ces absences.

[7] En outre, dans la d�cision Graham, il est not� que [traduction] le syndicat a choisi de ne pas d�poser 14 griefs individuels dans le cadre desquels chaque plaignant aurait tent� de prouver que ses comp�tences individuelles, son rendement et ses qualifications m�ritaient qu'il soit gard� comme employ� au d�triment d'un autre employ� donn�. Bien qu'il ne soit pas clair que cela ait �t� l'intention du syndicat, la d�cision Graham donne � penser qu'il s'agissait l� d'une possibilit�.

[8] Par cons�quent, le grief de groupe ne portait que sur la m�thode utilis�e par MTS, laquelle �tait pr�vue � l'article 26.03 de la convention collective, pour choisir les employ�s qui allaient �tre mis � pied. Essentiellement, selon l'article 26, quand il est temps de d�terminer quels titulaires d'un poste doivent �tre mis � pied, l'anciennet� ne devient un facteur que lorsqu'il n'y a aucune diff�rence entre les titulaires pour ce qui est des comp�tences, des habilet�s, du rendement et des qualifications. Il ressort de cet article que MTS avait le droit de mettre � pied les employ�s qui, selon elle, �taient les moins qualifi�s.

[9] Dans l'examen du grief, l'arbitre de la d�cision Graham s'est pench� sur les mises � pied de MTS en vue d'�tablir : 1) si elles �taient conformes � la convention collective; 2) si la proc�dure appliqu�e, conform�ment aux normes de l'article 26, �tait juste, appropri�e et impartiale; 3) si la d�cision de proc�der � des mises � pied �tait raisonnable.

[10] En particulier, la d�cision Graham a port� sur un certain nombre d'all�gations avanc�es par le syndicat, et sur la preuve � l'appui de ces all�gations selon lesquelles les mises � pied de MTS furent fond�es sur des renseignements incomplets ou inexacts qui ont men� � une analyse comparative erron�e des employ�s mis � pieds par rapport aux autres employ�s.

A. L'instruction sur la LCDP

[11] Devant le Tribunal, les plaignants demandent que soit r�activ�e l'all�gation de discrimination soulev�e dans le grief de groupe, laquelle, pour une raison quelconque, n'a pas �t� examin�e en arbitrage. Les plaintes d�pos�es par Mulligan, Giroux, Sirett et Custance aupr�s de la CCDP mentionnent que chaque plaignant a �t� d�lib�r�ment cibl� par MTS dans ses mises � pied pour le motif qu'ils �taient consid�r�s comme �tant handicap�s. La plainte Hando et la plainte d�pos�e directement par le syndicat comportent les m�mes all�gations.

[12] En outre, dans leur expos� conjoint des pr�cisions, les plaignants visent directement l'analyse comparative men�e par MTS en application de l'article 26. Par exemple, au paragraphe 20 de leur expos�, ils affirment que Sirett, Mulligan, Giroux et Custance poss�dent des comp�tences, habilet�s et qualifications au moins �gales ou sup�rieures � celles d'autres employ�s ayant moins d'anciennet� qui n'ont pas �t� mis � pieds.

[13] L'intim�e MTS affirme que les plaignants ne devraient pas �tre autoris�s � mettre en doute la validit� de la proc�dure de mise � pied pr�vue � l'article 26, car elle a d�j� �t� contest�e dans le cadre de l'arbitrage et a �t� maintenue par la d�cision Graham. De plus, dans la mesure o� Hando n'est pas assujetti � la d�cision Graham (puisqu'il ne participait pas au grief de groupe), Hando devrait �tre �galement li� puisqu'il a renonc� � son droit � l'arbitrage.

[14] Les plaignants r�pliquent que le grief de groupe portait essentiellement sur la proc�dure; il ne portait pas sur les effets de l'analyse comparative sur chacun des plaignants. Par ailleurs, la preuve n�cessaire pour ce faire n'avait pas �t� produite. Finalement le grief Hando ne contenait d�lib�r�ment aucune all�gation de discrimination contraire � la LCDP.

B. Les principes juridiques

[15] La question de proc�dures multiples devant diff�rents tribunaux met en �vidence une des difficult�s pos�es par la LCDP. D'une part, une jurisprudence abondante, suivie dans des affaires comme Weber c. Ontario Hydro,[1995] 2 R.C.S. 929, et Danyluk c. Ainsworth Technologies, [2001] 2 R.C.S. 460, limite le droit de l'employ� de porter devant un tribunal un diff�rend en mati�re d'emploi qui a d�j� �t� tranch� ou qui aurait pu �tre tranch� par un arbitre. Ces d�cisions sont clairement motiv�es par l'int�r�t public, notamment la n�cessit� d'assurer le caract�re d�finitif des litiges et d'�viter les risques de r�sultats contradictoires.

[16] D'autre part, le l�gislateur semble avoir d�clar� que les recours pr�vus dans la LCDP sont cummulatifs ou s'ajoutent � d'autres recours. Voir Sherman c. Canada (Agence des douanes et du revenu du Canada), 2006 CF 715, aux paragraphes 23 et 24. Dans le m�me ordre d'id�e, le juge Sopinka a d�crit les lois sur les droits de la personne comme �tant le dernier recours des membres les plus vuln�rables de la soci�t� (Zurich Insurance c. Ontario (Commission des droits de la personne), [1992] 2 R.C.S. 321).

[17] La Cour f�d�rale a conclu que le Tribunal a comp�tence pour rejeter, par voie de requ�te pr�liminaire, une plainte pour abus de proc�dure, s'il y a des motifs valables de le faire. En outre, l'autorit� de la chose jug�e est un des moyens par lequel un tribunal peut pr�venir l'abus de proc�dure (C.C.D.P. c. Postes Canada, 2004 CF 81, aux paragraphes 19 et 31).

[18] Le principe de la chose jug�e ne sert pas qu'� emp�cher les parties de soumettre � nouveau au tribunal des questions qui ont d�j� �t� d�finitivement tranch�es (pr�clusion pour question d�j� tranch�e). Il sert �galement � pr�venir les [traduction] poursuites par �tape, o� les parties ont eu l'occasion de r�gler leur litige dans une proc�dure pr�c�dente, mais ont pr�f�r� ne pas le faire et intenter une poursuite plus tard. Une pareille situation est souvent consid�r�e comme un motif d'irrecevabilit� r�sultant de l'identit� des causes d'action (Postes Canada, aux paragraphes 29 � 32; Desormeaux c. Commission de transport r�gionale d'Ottawa-Carleton, 2002 CanLII 45932 (T.C.D.P.), au paragraphe 35)

C. Application en l'esp�ce

[19] En l'esp�ce, le dossier donne � penser que le syndicat a d�lib�r�ment d�cid� de ne pas exposer enti�rement devant l'arbitre ses craintes relatives � la possible nature discriminatoire des mises � pied. Il ressort �galement des documents que le syndicat a choisi d�lib�r�ment, lors de l'arbitrage relatif au grief de groupe, de ne pas contester la m�thode comparative pr�vue � l'article 26 pour les mises � pied dans la mesure o� elle touchait Sirett, Mulligan, Giroux et Custance. Le dossier de requ�te ne semble pas contenir d'explication justifiant les d�cisions du syndicat.

[20] Dans la mesure o� l'arbitrage a men� aux conclusions g�n�rales tir�es dans la d�cision Graham selon lesquelles la proc�dure de mise � pied comparative �tait conforme � l'article 26, le syndicat et les autres plaignants souhaitent maintenant contredire ces conclusions, semble-t-il en introduisant des �l�ments de preuve d�montrant que les absences des employ�s ont �t� prises en compte pour d�cider quels employ�s seraient mis � pied.

[21] Si le tribunal acueillait la requ�te, de toute �vidence, la capacit� de chaque plaignant de d�fendre sa cause telle que pr�sent�e dans son expos� des pr�cisions pourrait �tre r�duite, voire �limin�e. C'est le syndicat qui avait la responsabilit� de mener les griefs. Si le Tribunal accueillait la requ�te, il ferait payer aux plaignants les cons�quences de d�cisions prises par le syndicat, notamment la d�cision de ne pas soumettre � l'arbitrage l'�l�ment de la plainte portant sur la LCDP. Dans ces circonstances, il serait in�quitable d'exposer les plaignants � l'application du principe de la chose jug�e.

[22] Pour ce qui est de la requ�te de l'intim�e visant � faire ajouter le syndicat comme intim�, je n'en vois pas la n�cessit�. Le syndicat est d�j� partie � la plainte. Je souscris � la position des plaignants (expos�e � la page 9, paragraphe 31, du m�moire additionnel relatif � la requ�te dat� du 26 juin 2007) selon laquelle l'intim�e peut demander r�paration au syndicat si le Tribunal conclut qu'il y a eu acte discriminatoire de la part de l'intim�e et auquel le syndicat a particip�.

[23] Le Tribunal s'est pench� sur le droit du syndicat de d�poser une plainte en vertu de l'article 40 de la LCDP dans CTEA c. Bell Canada, [1999] D.C.D.P. no 3. Dans cette affaire, le Tribunal avait conclu que le syndicat, pour les motifs expos�s dans la d�cision, pouvait d�poser une plainte en vertu de l'article 40 de la LCDP. En l'esp�ce, dans sa plainte, le syndicat all�gue qu'il y a eu violation de l'article 10 de la LCDP. Le syndicat souhaite obtenir � titre de r�paration une ordonnance qui visera le syst�me, alors que les plaignants souhaitent obtenir des r�parations individuelles. Dans cette mesure, la plainte du syndicat est ind�pendante et se distingue de celles des plaignants (bien que les plaignants all�guent �galement qu'il y a eu violation de l'article 10, ils n'en font pas l'objet de leur recours), le syndicat doit avoir le droit d'agir dans la pr�sente instance.

[24] Pour tous ces motifs, la requ�te de l'intim�e MTS est rejet�e. La question des d�pens relatifs � la requ�te, le cas �ch�ant, sera examin�e par le Tribunal qui entendra les plaintes.

J. Grant Sinclair

Ottawa (Ontario)
Le 5 juillet 2007

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T1161/4306

INTITUL� DE LA CAUSE :

Association des employ�(e)s de t�l�communication du Manitoba inc., Barbara Custance, Carmen Giroux, Chuck Hando, Kathleen Mulligan et Janice Sirett c. Manitoba Telecom Services

DATE DE LA D�CISION SUR REQU�TE DU TRIBUNAL :

Le 5 juillet 2007

ONT COMPARU :

R. Ivan Holloway

Pour lui-m�me

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Gerry Parkinson
Paul McDonald

Pour l'intim�

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