Tribunal canadien des droits de la personne

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DT 16/ 89

Décision rendue le 27 novembre 1989

TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE AU SUJET D’UNE PLAINTE DEPOSEE PAR PHILIP W. S. JAMES CONTRE AIR CANADA FONDEE SUR L’AGE EN MATIERE D’EMPLOI CONTRAIREMENT AUX ARTICLES 7 ET 10 DE LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE.

ENTRE:

PHILIP W. S. JAMES, Plaignant,

-et

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE, La Commission,

-et

AIR CANADA, Intimée.

ORDONNANCE

L’intimée a soulevé en début d’audition, le 3 ao t 1989, trois (3) objections préliminaires à la compétence du Tribunal nommé en vertu la pièce T- 1 du présent dossier.

La première est une requête en récusation du membre unique de ce Tribunal. La seconde soulève l’invalidité et l’inopérabilité de diverses dispositions de la Loi Canadienne sur les droits de la personne. La troisième s’appuie sur la notion de litispendance, une action instituée par le plaignant étant actuellement pendante en Cour Supérieure de la province de Québec.

La demande de révocation du Tribunal se fonde sur la crainte raisonnable de partialité et de non- indépendance:

La crainte raisonnable de partialité, selon l’intimée, provient de l’exercice de la profession d’avocat en pratique privée, à Montréal, par le membre du présent Tribunal.

La non- indépendance du Tribunal, toujours selon l’intimée, résulte du processus de nomination du Tribunal décrit aux articles 48.1 et 48.2 de la Loi Canadienne des droits de la personne. Il est à remarquer que ces articles traitent de la nomination du Comité du Tribunal des droits de la personne et du président du Comité. La nomination des Tribunaux proprement dits est plutôt prévue à l’article 49, plus particulièrement aux paragraphes (1) et (1.1). Cela n’affecte pas cependant la substance des arguments de l’intimée. L’intimée plaide que la faculté pour le président du Comité de choisir une personne en particulier parmi celles qui en font partie pour siéger comme tribunal, que la possibilité pour la Commission de soumettre les tribunaux à ses directives en vertu de l’article 27, paragraphes (2) et (3) de la Loi et son pouvoir de décider de leur rémunération en vertu de son règlement numéro 4, entraînent la dépendance du Tribunal et, par conséquent, le disqualifient comme tel.

La deuxième objection de l’intimée soulève l’inopérabilité et l’invalidité du processus de nomination susdécrit du Tribunal des droits de la personne, lequel ne garantirait pas, selon l’intimée, le principe fondamental de l’indépendance des tribunaux.

Au soutien de cette objection, l’intimée reprend les arguments développés à l’égard de sa demande de récusation du Tribunal pour défaut d’indépendance, tout en précisant les articles de la Loi Canadienne des droits de la personne spécialement visés.

Selon l’intimée, les articles 27( 2), 27( 3) et 49( 1) de la Loi Canadienne des droits de la personne empêchent le Tribunal des droits de la personne d’être un tribunal indépendant étant donné qu’ils donnent à la Commission des droits de la personne le pouvoir de rendre des directives décidant des limites et des modalités d’application de la Loi, directives qui lient les Tribunaux des droits de la personne.

L’intimée, rappelant les principes établis dans l’arrêt VALENTE quant à l’indépendance des tribunaux, plaide de surcroit que les changements apportés récemment au processus de nomination des juges du Tribunal des droits de la personne ne sont en réalité que des modifications cosmétiques. En conséquence, la décision de la Cour Fédérale d’Appel dans l’arrêt MacBAIN déclarant inopérants les anciens articles 39( 1) et 39( 5) de la Loi Canadienne des droits de la personne parce qu’ils violaient les droits à une audition impartiale garantie par la Déclaration Canadienne des droits doit s’appliquer par analogie au présent cas.

L’intimée a donc invité le Tribunal à déclarer inopérantes et invalides les dispositions de la Loi Canadienne sur les droits de la personne relatives à sa Constitution et à sa nomination.

Le procureur de la Commission Canadienne des droits de la personne soutient pour sa part que des questions similaires relatives à la nomination des tribunaux en vertu de la Loi sont actuellement pendantes en Cour Fédérale et qu’il y aurait danger de jugements contradictoires sur cette question fondamentale en l’absence d’un renvoi des questions soulevées à la Cour Fédérale en vertu de la procédure de renvoi prévue à l’article 28( 4) de la Loi sur la Cour Fédérale. Il souligne de plus que la procédure de renvoi assurerait un traitement plus expéditif de la plainte. Les considérations relatives aux délais d’audition sont significatives dans le présent dossier (retraite obligatoire d’un pilote).

Le Tribunal considère que les deux premiers moyens du procureur de l’intimée nécessitent en effet un renvoi à la Cour Fédérale. Les objections soulevées quant à la crainte de partialité attribuable à la profession de la présidente de ce Tribunal et au processus de nomination prévu aux articles 48.1 et 48.2 de la Loi Canadienne des droits de la personne s’appuient en effet sur des principes de justice naturelle bien établis, ce qui rend un renvoi nécessaire dans l’intérêt de la justice et des parties elles- mêmes, selon la procédure prévue à l’article 28( 4) de la Loi sur la Cour Fédérale.

Le Tribunal prend acte de l’engagement pris en cours d’audition par les procureurs de l’intimée et ceux de la Commission quant à la préparation d’un exposé des faits pour permettre de constituer le dossier devant la Cour Fédérale.

Quant au troisième moyen préliminaire soulevé par l’intimée, à savoir la question de la litispendance, le Tribunal est d’avis qu’il serait prématuré d’en décider tant et aussi longtemps que sa compétence n’aura pas été établi.

Par conséquent, le Tribunal décide de renvoyer à la Cour Fédérale les questions suivantes de droit et de compétence en vertu de l’article 28( 4) de la Loi Fédérale.

  1. L’exercice de la profession d’avocat par un membre du tribunal des droits de la personne constitué en vertu de ladite Loi soulève- t- il une crainte raisonnable de partialité empêchant le tribunal de disposer de la plainte soumise devant lui et justifiant sa récusation?
  2. Le processus de constitution du tribunal par le président du Comité du Tribunal des droits de la personne selon les articles 48.1, 48.2, 49( 1), (1.1) et (5) de la Loi Canadienne sur les droits de la personnes. le mode de rémunération du Tribunal des droits de la personne prévu à l’article 49( 4), ainsi que les pouvoirs de la Commission décrits aux articles 49( 1), 27( 2) et 27( 3) affectent- ils l’indépendance administrative du Tribunal et l’empêchent- ils de constituer un Tribunal indépendant et impartial?

Montréal, le 31 octobre 1989

Nicole Duval Hesler, Tribunal

REFERENCES (1) Valente c. La Reine (1985) 2R. CS. 673

(2) MacBain c. Lederman (1985) 1 C. F. 856

COUR FEDERALE D’APPEL

AU SUJET D’UNE PLAINTE DEPOSEE PAR PHILIP W. S. JAMES CONTRE AIR CANADA FONDEE SUR L’AGE EN MATIERE D’EMPLOI CONTRAIREMENT AUX ARTICLES 7 ET 10 DE LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE.

RENVOI (Article 28( 4) de la Loi sur la Cour Fédérale)

En date du 17 février 1988, le plaignant Philip W. S. James a déposé une plainte alléguant la commission d’un acte discriminatoire par l’intimée Air- Canada. Le plaignant allègue avoir été mis à la retraite en raison de son âge contrairement aux dispositions des articles 7 et 10 de la Loi Canadienne sur les droits de la personne.

L’audition de cette plainte devait avoir lieu le 3 ao t 1989. En début d’audition, le procureur de l’intimée a soulevé trois objections préliminaires à la compétence du tribunal.

Le 31 octobre 1989, le tribunal des droits de la personne décidait de renvoyer à la Cour fédérale d’appel les deux questions suivantes soulevées par les objections préliminaires de l’intimée pour audition et jugement à la Cour Fédérale d’Appel conformément à l’article 28( 4) de la Loi sur la Cour Fédérale.

1. L’exercice de la profession d’avocat par un membre du tribunal des droits de la personne constitué en vertu de ladite Loi soulève- t- il une crainte raisonnable de partialité empêchant le tribunal de disposer de la plainte soumise devant lui et justifiant sa récusation?

2. Le processus de constitution du tribunal par le président du Comité du Tribunal des droits de la personne selon les articles 48.1, 48.2, 49( 1), (1.1) et (5) de la Loi Canadienne sur les droits de la personne, le mode de rémunération du Tribunal des droits de la personne prévu à l’article 49( 4), ainsi que les pouvoirs de la Commission décrits aux articles 49( 1), 27( 2) et 27( 3) affectent- ils l’indépendance administrative du Tribunal et l’empêchent- ils, de constituer un Tribunal indépendant et impartial?

Montréal, le 31 octobre 1989

Nicole Duval Hesler, Tribunal

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