Tribunal canadien des droits de la personne

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TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

KASHA A. WHYTE

La plaignante

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

La Commission

- et -

COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

L'intimée

ET:

CINDY RiCHARDS

La plaignante

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

La Commission

- et -

COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

L'intimée

DÉCISION SUR REQUÊTE

2009 TCDP 33
2009/10/23

MEMBRE INSTRUCTEUR : Michel Doucet

[1] Le 9 octobre 2009, le Tribunal canadien des droits de la personne (le TCDP) a donné la directive suivante :

[traduction]

Si l'intimée souhaite soulever des questions sur les coûts dans le cadre de ses arguments relatifs à la contrainte excessive dans l'affaire K. Whyte et C. Richards c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, elle fournira toutes les précisions pertinentes au TCDP, à la Commission canadienne des droits de la personne (la CCDP) et à l'avocate des plaignantes au plus tard le 13 octobre 2009.

[2] Le 14 octobre 2009, le TCDP a reçu une lettre de l'avocat de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN) visant à clarifier l'exposé des précisions modifié de sa cliente. Cette lettre était ainsi rédigée :

[traduction]

Le CN démontrera que le refus des plaignantes de se réinstaller lui a fait subir une contrainte excessive, en ce qu'il a nui à sa capacité de pallier la pénurie d'employés du personnel roulant à laquelle il faisait face à Vancouver en 2005 et en 2006. Le CN s'appuiera donc sur des documents prouvant la gravité de cette pénurie, montrant notamment l'importance des retards accusés par les trains en partance de la gare du CN à Vancouver. Le genre de travail qui était nécessaire aurait pu être accompli par les plaignantes si celles-ci s'étaient rendues à Vancouver afin de remédier à la pénurie. Ces retards ont à leur tour engendré des coûts que, en partie, le CN n'aurait pas eu à supporter si les plaignantes étaient allées à Vancouver.

[3] Dans une lettre datée du 16 octobre 2009, l'avocate de la CCDP a déclaré s'opposer à cette prétendue clarification du CN. Elle a fait valoir que cette clarification était un nouvel argument portant sur la question de droit relative à la contrainte excessive, argument que l'intimée n'avait pas présenté dans son exposé des précisions. Renvoyant à l'exposé des précisons modifié de l'intimée, l'avocate de la CCDP a souligné que la seule référence qui y était faite à la contrainte excessive était formulée en ces termes :

[traduction]

Le fait d'accorder à la plaignante la réparation qu'elle demande représenterait une contrainte excessive pour la Compagnie, car cela reviendrait à accorder de facto à tous les employés qui sont parents l'équivalent d'une ancienneté accrue dans le cadre de la convention collective, laquelle ancienneté ne se justifierait que par le statut de parent.

(Paragraphes 77 et 79 de l'exposé des précisions modifié du CN dans les affaires Whyte et Richards, respectivement)

[4] Bien que la question de la pénurie d'employés à Vancouver ait été abordée dans l'exposé des précisions modifié du CN, et qu'au paragraphe 41 de ce document, il soit question des heures supplémentaires que le CN a dû payer afin que le travail soit effectué, l'avocate de la CCDP a affirmé que les allégations contenues dans la lettre datée du 14 octobre 2009 ne se contentaient pas d'évoquer la pénurie qui sévissait à Vancouver. Elle a soutenu que [traduction] ces nouvelles allégations visaient à rendre les plaignantes responsables de toutes les conséquences de la pénurie qui frappait le CN à Vancouver.

[5] Finalement, la CCDP a déclaré que, en vue d'accélérer le processus, elle ne s'opposait pas à ce que la question soit soulevée, ajoutant toutefois que si l'intimée obtenait l'autorisation en question, elle demanderait alors à produire les états financiers du CN pour les années 2005 et 2006 devant le TCDP.

[6] Pour sa part, l'avocate des plaignantes s'est fermement opposée à l'introduction de ce qu'elle a qualifié de [traduction] nouvelles précisions et nouvelle question. Elle a ajouté, à l'instar de l'avocate de la CCDP, que le TCDP devait appliquer le paragraphe 9(3) des Règles de procédure du Tribunal canadien des droits de la personne (les Règles) et exiger du CN qu'il dépose une requête en autorisation de soulever cette nouvelle question.

[7] L'avocate des plaignantes a également soutenu qu'il était [traduction] beaucoup trop tard pour que le CN soulève cette nouvelle question. Elle a prétendu que les nouvelles précisions étaient exprimées en termes si vagues et généraux que leur étude convenable exigerait de prolonger l'audience de plusieurs jours, ce qui causerait un important préjudice à ses clientes. Pour finir, elle a prétendu que ces nouvelles précisions n'avaient jamais fait partie de la position du CN ou de quelque processus d'accommodement que ce soit.

[8] Le TCDP a étudié l'exposé des précisions et l'exposé des précisions modifié de l'intimée. Dans l'exposé des précisions, la question de la contrainte excessive a été abordée de la manière suivante :

[traduction]

La situation de la plaignante ne justifie pas la mise en place d'accommodements importants fondés sur sa situation de famille. Exiger de l'employeur qu'il dispense la plaignante de se réinstaller à Vancouver pour une période indéterminée, et ce, pour des raisons d'ancienneté accrue, représenterait une contrainte excessive compte tenu des circonstances.

(Paragraphe 47 de l'exposé des précisions du CN dans l'affaire Kasha Whyte)

[9] Au paragraphe 77 de son exposé des précisions modifié, l'intimée s'est ainsi exprimée au sujet de la contrainte excessive :

[traduction]

Le fait d'accorder à la plaignante la réparation qu'elle demande constituerait une contrainte excessive pour la Compagnie, qui accorderait ainsi de facto à tous ses employés qui sont parents l'équivalent d'une ancienneté accrue en vertu de la convention collective, laquelle ancienneté ne se justifierait que par le statut de parent.

[10] L'intimée n'a nullement précisé, que ce soit dans son exposé des précisions ou dans son exposé des précisions modifié, que le fait que les plaignantes ne se soient pas réinstallées à Vancouver afin de remédier à la pénurie avait constitué pour elle une contrainte excessive au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne. La directive donnée par le TCDP le 9 octobre 2009 ne devrait pas être interprétée comme une autorisation générale accordée à l'intimée de soulever de nouvelles questions ou de soumettre de nouvelles précisions.

[11] Le TCDP est d'avis que les autres parties se trouveraient injustement désavantagées par le fait d'autoriser le CN à se prévaloir de la directive afin de présenter des questions et des précisions complètement nouvelles.

[12] Le TCDP voudrait rappeler aux parties souhaitant soulever de nouvelles questions, questions qu'elles n'ont abordé ni dans l'exposé des précisions ni dans l'exposé des précisions modifié, qu'elles doivent en demander l'autorisation au TCDP conformément au paragraphe 9(3) des Règles. Toute partie demandant une telle autorisation devra démontrer que sa demande ne porte pas préjudice aux autres parties ou à la procédure du TCDP. Elle devra également démontrer valablement que sa requête tardive est justifiée.

Pour l'ensemble de ces raisons, j'accepte les objections des plaignantes à l'encontre de la lettre de l'avocat du CN datée du 14 octobre 2009, et je conclus que les questions soulevées dans ladite lettre ne sont pas des clarifications de l'exposé des précisions modifié du CN, mais bien de nouvelles questions à l'égard desquelles aucune autorisation n'a été demandée ni accordée.

Signée par

Michel Doucet

OTTAWA (Ontario)

Le 23 octobre 2009

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T1354/8408 et T1356/8608

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Kasha A. Whyte c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
et
Cindy Richards c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

DATE DE LA DÉCISION SUR REQUÊTE
DU TRIBUNAL :

Le 23 octobre 2009
(Décision sur requête orale rendue à l'audience le 22 octobre 2009)

ONT COMPARU :

Leanne Chahley

Pour les plaignantes

Sheila Osborne-Brown

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Simon-Pierre Paquette

Pour l'intimée

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