Tribunal canadien des droits de la personne

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TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

WILLIAM G.M. SHMUIR

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

CARNIVAL CRUISE LINES

l'intimée

DÉCISION SUR REQUÊTE

2009 TCDP 39
2009/12/31

MEMBRE INSTRUCTEUR : Shirish P. Chotalia, c.r.

[1] William Shmuir prétend que Carnival Cruise Lines, Castaway et Disney Cruise Lines (Carnival Cruise Lines) ont exercé de la discrimination à son endroit en refusant de l'embaucher en raison de sa déficience, et ce, en contravention de l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la LCDP).

[2] M. Shmuir a déposé une plainte, en date du 21 mars 2007, auprès de la Commission canadienne des droits de la personne dans laquelle il prétend avoir été victime de discrimination en raison de sa déficience, et ce, en contravention de l'article 7 de la LCDP. M. Shmuir prétend que, le 11 octobre 2006, il a répondu à une offre d'emploi pour un poste de formateur en entreprise. Il prétend qu'il a fait mention de sa déficience, c'est-à-dire une déficience visuelle, à la société de recrutement et au personnel de l'intimée. M. Shmuir prétend que l'intimée n'a pris aucune mesure d'accommodement quant à sa déficience et, suite à une évaluation fondée sur des impressions, l'a privé de la possibilité de travailler pour elle.

[3] Le 3 juillet 2009, la Commission a renvoyé pour audition au Tribunal canadien des droits de personne la plainte en matière de droits de la personne déposée par M. Shmuir.

[4] Dans son exposé des précisions qu'il a déposé auprès du Tribunal, M. Shmuir prétend que les lois qui s'appliquent en l'espèce sont la Loi de 2005 sur l'Accessibilité pour les personnes handicapées de l'Ontario, 2005, L.O. 2005, ch.11 (la LAPHO), les Normes d'accessibilité pour les services à la clientèle, Règlement de l'Ontario 429/07 (le Règlement) et la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte). Il prétend que l'intimée a violé ses droits constitutionnels garantis par la Charte, tant par la manière selon laquelle elle l'a traité que par son défaut de prendre des mesures d'accommodement quant à sa déficience. M. Shmuir prétend également que l'intimée a violé la LAPHO. Le plaignant demande que le Tribunal applique la LAPHO et ses règlements, à la fois sur le plan de la responsabilité et à la fois sur le plan des redressements. Il affirme que le tribunal de la LAPHO du gouvernement de l'Ontario n'a pas encore été constitué et que le paragraphe 16(1) de la LCDP autorise le Tribunal à appliquer la LAPHO.

[5] Carnival Cruise Lines conteste la compétence du Tribunal d'appliquer une loi provinciale, en l'espèce la LAPHO, et elle conteste la capacité du Tribunal d'accorder des redressements en vertu de la LAPHO et de ses règlements. L'intimée prétend de plus que le Tribunal n'a pas compétence pour rendre une décision eu égard à la Charte.

[6] La Commission canadienne des droits de la personne souscrit en partie aux observations formulées par l'intimée. La Commission souscrit à l'affirmation selon laquelle le Tribunal n'a pas compétence pour accorder des redressements en vertu de la LAPHO ou de ses règlements, même si les dispositions étaient complètement en vigueur. La Commission prétend que le Tribunal a compétence pour rendre des décisions eu égard à la Charte dans certaines circonstances où la constitutionnalité de la LCDP est en litige. Toutefois, en l'espèce, la Commission souligne que l'intimée est une entité privée et que, par conséquent, la question de la Charte ne s'applique pas.

LA COMPÉTENCE DU TRIBUNAL

[7] Le Tribunal tire sa compétence de l'article 2 de la LCDP, qui mentionne que la loi s'applique dans le champ de compétence du Parlement du Canada, c'est-à-dire dans les domaines visés par l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867. Dans un contexte d'emploi, la LCDP s'applique à la Couronne fédérale, aux sociétés d'État, aux entreprises et aux employés qui oeuvrent dans le cadre d'une entreprise fédérale ainsi qu'aux entreprises décrites au paragraphe 92(10) de la Loi constitutionnelle de 1867. De plus, selon l'article 4 de la LCDP, les actes discriminatoires prévus aux articles 5 à 14.1 peuvent faire l'objet d'une plainte en vertu de la partie III et toute personne reconnue coupable de ces actes peut faire l'objet des ordonnances prévues aux articles 53 et 54.

[8] L'article 48.1 de la LCDP prévoit la constitution du Tribunal qui peut faire enquête sur les plaintes et délivrer les ordonnances mentionnées à l'article 4. Le Tribunal ne détient que les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi ou qui en découlent implicitement.

[9] Le plaignant comprend mal le paragraphe 16(1) de la LCDP qui renvoie à des programmes spéciaux. Cet article prévoit que le fait d'adopter des programmes, des plans ou des arrangements spéciaux destinés à prévenir les désavantages ne constitue pas un acte discriminatoire. Si le plaignant demande, à titre de redressement, l'adoption d'un programme spécial en vertu du paragraphe 16 de la LCDP, il doit démontrer comment cette demande peut se justifier au regard de l'alinéa 53(2)a) de la LCDP. Il ne peut pas faire cette demande en invoquant la LAPHO. L'article 16 de la LCDP ne confère pas au Tribunal la compétence de trancher des questions relevant de la compétence provinciale et il n'autorise pas le Tribunal à appliquer les lois provinciales.

[10] En ce qui concerne la demande de redressement sollicitée par le plaignant en vertu de la Charte, bien qu'il ne soit pas juste d'affirmer que le TCDP n'a pas compétence pour appliquer la Charte (voir Nouvelle-Écosse (W.C.B.) c. Martin 2003 CSC 54), le plaignant n'a pas démontré en quoi, en l'espèce, la Charte s'appliquait à une entité comme Carnival Cruise Lines. (voir, p. ex., Greater Vancouver Transportation Authority c. Fédération canadienne des étudiantes et étudiants, 2009 CSC 31, aux paragraphes 13 à 16). Le plaignant n'a pas non plus affirmé qu'une disposition de la LCDP était incompatible avec la Charte.

[11] Par conséquent, la requête de Carnival Cruise Lines est accueillie en partie. Aucun pouvoir conféré par la loi n'autorise le TCDP à appliquer la LAPHO, ni à rendre une décision ou à statuer en vertu de cette loi provinciale ou de ses règlements.

[12] Le Tribunal n'a pas compétence pour accorder des dépens. (voir Canada (P.G.) c. Mowat 2009 CAF 309)

[13] Par conséquent, tous les renvois à la Charte, à la LAPHO et à ses règlements sont radiés de l'exposé des précisions du plaignant.

Shirish P. Chotalia, c.r.

OTTAWA (Ontario)
Le 31 décembre 2009

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T1423/4909

INTITULÉ DE LA CAUSE :

William G.M. Shmuir c. Carnival Cruise Lines

DATE DE LA DÉCISION SUR REQUÊTE
DU TRIBUNAL :

Le 31 décembre 2009

ONT COMPARU :

Ben Bishop

Pour le plaignant

Sheila Osborne-Brown

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Linda Nguyen/
David Rice

Pour l'intimée

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