Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

D.T. 1/95 Décision rendue le 12 janvier 1995

LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE L.R.C. (1985), chap. H-6 (version modifiée)

TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE

ENTRE: JEFF WOROBETZ

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

l'intimée

DÉCISION DU TRIBUNAL

TRIBUNAL: RAYMOND W. KIRZINGER, Président

ONT COMPARU: Patricia Spencer, pour le plaignant Odette Lalumière, pour la Commission Zygmunt Machelak, pour l'intimée

DATES ET LIEU DE L'AUDIENCE: 17, 18, 19, 20 et 21 janvier 1994 12, 13, 14 et 15 avril 1994 Edmonton (Alberta)

TRADUCTION

- 2 -

Le plaignant, Jeff Worobetz, a travaillé pour la Société canadienne des postes pendant une brève période au cours des mois de novembre et de décembre 1988. Les points litigieux relatifs à cet emploi forment la matière de la plainte de M. Worobetz, qui porte :

[TRADUCTION]

La Société canadienne des postes a exercé de la discrimination à mon égard en refusant de continuer à m'engager en raison de ma déficience (paralysie cérébrale) en violation de l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

J'ai été engagé à titre d'employé occasionnel le 14 novembre 1988 et j'ai reçu une formation d'une semaine à titre de préposé au tri du courrier dans la section des messageries prioritaires. Ainsi, j'y ai travaillé du 20 novembre 1988 au 7 décembre 1988. Le 22 décembre 1988, M. Dave Cruickshank de la Société canadienne des postes m'a avisé qu'ils pensaient que je ne pouvais m'acquitter de la charge de travail. Puis le 24 décembre 1988, il m'a informé que je ne serais plus appelé à travailler pour la Société canadienne des postes. J'étais très surpris d'apprendre cela car le 8 décembre 1988, en ma présence, M. Dave Cruickshank avait dit au superviseur du quart du matin de m'appeler au travail si un employé était malade ou absent.

On ne m'a jamais avisé du degré de productivité qu'on attendait de moi. Il y a aussi au sein de l'opération tri du courrier un certain nombre d'autres postes que je suis pleinement capable d'occuper mais on ne m'a pas donné l'occasion de le faire.

La réparation demandée par M. Worobetz pour la prétendue violation de l'article 7 comprend une indemnité pour préjudice moral, le salaire perdu, l'intérêt et les frais judiciaires, de même qu'une demande de réintégration.

M. Worobetz semble être une personne tenace et déterminée comme en fait foi son excellence en natation (il a gagné une médaille d'argent au cours des jeux para-olympiques de 1988 qui se sont tenus à Séoul, en Corée). Dans le cadre de sa préparation en vue de la compétition, il a maintenu un régime alimentaire rigoureux et un programme d'exercices (par ex. lever à 3 h 00 pour déjeuner, puis natation et repas à des moments fréquents et précis au cours de la journée), programme qu'il semble avoir suivi jusqu'au moment de l'audience.

M. Worobetz souffre de certaines déficiences physiques puisque sa démarche est particulière, qu'il ne peut ainsi parcourir qu'une certaine distance, et qu'il éprouve un peu de difficulté à articuler. Même si dans sa plainte il affirme souffrir de paralysie cérébrale, il semble qu'il a effectivement une déficience mentale qui a été provoquée par un accident d'automobile survenu le 2 octobre 1979. Toutefois, M. Worobetz ignorait jusqu'à tout récemment (comme d'ailleurs la Société canadienne des postes avant comme après la période d'emploi) le fait qu'il souffre d'une déficience mentale, jusqu'à ce que l'expert en neuropsychologie expose en détail la nature et l'étendue de sa déficience mentale lors de l'audience. Appelé à répondre à des questions au cours du contre-interrogatoire, M. Worobetz a déclaré fermement à plusieurs reprises ignorer qu'il

- 3 -

souffrait d'une déficience mentale. La déposition du neuropsychologue portait aussi que M. Worobetz n'avait pas conscience de sa déficience mentale.

Le Dr John F. Keegan a, du consentement de toutes les parties, été reconnu comme témoin expert en neuropsychologie et en évaluation professionnelle. Le Dr Keegan a déclaré toujours employer des normes conservatrices dans l'évaluation de lésions cérébrales, de sorte que s'il lui arrivait de commettre une erreur, ce serait en concluant qu'une personne n'a pas de lésions cérébrales alors qu'elle en a (plutôt qu'en tombant dans l'erreur contraire, qui consisterait à diagnostiquer la présence de lésions cérébrales alors qu'elles sont inexistantes).

L'évaluation générale faite par le Dr Keegan porte que [TRADUCTION] «M. Worobetz souffre d'importantes déficiences cognitives par suite de lésions cérébrales». Son rapport indique aussi que le plaignant éprouve des problèmes à l'égard de toute tâche qui exige de la rapidité dans le traitement de l'information ou de nouveaux apprentissages. Il manifeste aussi des problèmes à l'égard de tâches faisant appel à la mémoire verbale, visuelle et spatiale. Il éprouve de la difficulté à employer une langue expressive, et il a des problèmes évidents de motricité. Sa capacité de lecture correspond à celle d'un élève de cinquième année, et sa capacité d'épeler à celle d'un élève de quatrième année, le rendant à bien des égards analphabète fonctionnel. En outre, selon le Dr Keegan, le plaignant n'est pas réellement conscient de ses limites ni prêt à y faire face, et il a tendance à en nier l'existence ou à se trouver des excuses.

Le Dr Keegan a aussi décrit M. Worobetz comme une personne honnête et déclaré que tout refus de se reconnaître une déficience mentale tenait plus à sa condition psychologique (dénégation) qu'à un manque d'honnêteté. Après avoir vu M. Worobetz à l'audience, force m'est d'accepter cette déclaration comme absolument exacte.

Le Dr Keegan a également estimé que la déficience mentale de M. Worobetz n'avait pas beaucoup changé depuis 1981 ou 1982 (deux à trois ans environ après les lésions) et, comme cela se produit habituellement dans les cas de lésions cérébrales, qu'on ne pouvait prévoir d'améliorations significatives dans l'avenir, même s'il pouvait acquérir des compétences et des techniques compensatoires pour améliorer son rendement.

Afin de mieux comprendre le contexte de la présente plainte, il importe donc de savoir qu'au moment en cause, M. Worobetz souffrait d'une déficience mentale assez importante, sans toutefois en avoir conscience lui-même.

Abordons maintenant les faits relatifs à l'occasion d'emploi. Dans son témoignage, M. Worobetz affirme avoir postulé un emploi à la Société canadienne des postes, à la suggestion de son père et d'un ami qui croyaient que l'intimée, à titre de société de la Couronne, avait mis en oeuvre un programme d'équité en matière d'emploi qui visait certaines minorités, dont les personnes souffrant de déficiences. M. Worobetz a postulé cet emploi parce qu'il se considérait comme une personne souffrant

- 4 -

d'une déficience physique. Il y a lieu de noter ici qu'aucune preuve n'a été présentée pour établir l'existence d'un programme d'équité en matière d'emploi au sein de la Société canadienne des postes à la période pertinente; en fait, le seul élément de preuve portant sur cette question provient des employés de la Société canadienne des postes qui ont déclaré ignorer si un tel programme existait.

La première entrevue du plaignant s'est déroulée en présence de M. Rhem, au bureau de la Société canadienne des postes. Selon le plaignant, l'entrevue a été brève et elle a porté principalement sur ses exploits sportifs et sur son expérience de travail décrite dans son curriculum vitae, qui faisait état d'emplois à court terme qu'il avait occupés dans le domaine de la réparation d'appareils électroniques. M. Rhem n'a procédé à aucune évaluation; le seul échange en cette matière a porté sur le fait que M. Worobetz souffrait d'une déficience physique qui l'empêchait de marcher normalement. A la fin de l'entrevue, M. Rhem a promis au plaignant qu'il le rappellerait dès que se libérerait un emploi qui lui convienne.

Sans nouvelles de la Société canadienne des postes depuis un certain temps, M. Worobetz a communiqué avec le bureau, puis il a été convoqué à une entrevue pour un poste temporaire de réparation et d'installation de boîtes postales communautaires. M. Worobetz a indiqué au représentant de la Société canadienne des postes qui a communiqué avec lui par téléphone qu'il craignait de ne pouvoir faire le travail parce qu'il avait une déficience et qu'il comptait se rendre aux jeux para-olympiques pour y représenter le Canada. Comme le représentant de la Société canadienne des postes lui a répondu qu'il ne pourrait obtenir un congé pour se rendre à ces jeux, M. Worobetz n'a pas donné suite à l'offre d'emploi.

A son retour des jeux para-olympiques, M. Worobetz a été convoqué à une entrevue avec M. Joly, qui occupait le poste de surintendant des messageries prioritaires d'octobre 1988 à avril 1989. M. Joly a décrit le service des messageries prioritaires comme [TRADUCTION] «la Cadillac des services» offerts par la Société canadienne des postes. En novembre 1988, à l'approche de la saison des Fêtes et en prévision de l'accroissement du volume du courrier qui en résulte, il avait l'intention d'établir une liste d'employés occasionnels sur appel auxquels il pourrait avoir recours pour remplacer les travailleurs réguliers qui s'absenteraient et pour assurer le traitement du volume excédentaire du courrier.

Globalement, il semble que la Société canadienne des postes ait eu un processus de présélection des employés occasionnels engagés sur appel très sommaire et très superficiel. Les candidats n'étaient soumis à aucun examen, seuls les candidats qui postulaient des emplois permanents faisant l'objet de d'examens de présélection (notamment le Test de dextérité national). Dès lors que le candidat à un poste occasionnel sur appel paraissait convenable au gestionnaire après une évaluation sommaire, il était formé et évalué en cours d'emploi. Dans le cas de M. Worobetz, il semble que M. Rhem ait recommandé de le convoquer à une entrevue subséquente en raison de ses capacités athlétiques et de son expérience en électronique.

- 5 -

M. Joly a procédé à une brève entrevue. Les versions respectives du plaignant et de M. Joly divergent sur la question de savoir si ce dernier a parlé de détails précis sur le travail occasionnel sur appel au sein des messageries prioritaires et sur les attentes liées au poste. M. Worobetz a déclaré n'avoir eu pratiquement aucune explication au sujet des exigences du poste, et avoir entendu M. Joly lui dire tout simplement qu'il [TRADUCTION] «avait besoin de gens», sans lui indiquer si l'emploi était permanent ou sur appel seulement. Plus précisément, M. Worobetz a affirmé qu'on ne lui avait pas dit que le travail était difficile physiquement, ni que l'exactitude et la productivité étaient des éléments très importants de l'emploi.

Le témoignage de M. Joly est venu contredire directement celui de M. Worobetz sur ce point. A son dire, il aurait affirmé à M. Worobetz que l'entrevue visait un poste sur appel et que les messageries prioritaires étaient la [TRADUCTION] «Cadillac des services». Il aurait aussi indiqué qu'en cette période de l'année, le volume du courrier aux messageries prioritaires était élevé et que la direction avait des attentes très élevées à l'égard des employés attachés à ce service. M. Joly a déclaré n'avoir remarqué aucune déficience chez M. Worobetz au cours de l'entrevue, si ce n'est une certaine lenteur dans son débit. Après avoir donné à M. Worobetz des explications sur l'emploi, il lui a demandé s'il pensait pouvoir accomplir le travail, ce à quoi M. Worobetz a répondu par l'affirmative, sans manifester de souci quant à sa capacité d'accomplir le travail.

Se pose donc la question de savoir quelle version des faits mérite d'être retenue. A mon avis, il serait injuste, inéquitable et contraire au but et aux objets visés par la Loi canadienne sur les droits de la personne de rejeter la preuve du plaignant uniquement parce qu'un diagnostic a établi qu'il souffrait d'une déficience mentale et de problèmes de mémoire. Une telle façon de faire obligerait le tribunal à accepter la preuve de l'intimée chaque fois qu'il y a deux versions des faits. A mon avis, cela serait contraire au but et aux objets de la Loi canadienne sur les droits de la personne. J'entends donc examiner ce qui est raisonnable et logique en tenant compte des deux versions des faits.

Je crois et j'estime avéré que M. Joly a donné au plaignant un aperçu très bref et très sommaire de la description de l'emploi qui, du point de vue de la Société canadienne des postes, constituait une explication très brève et très sommaire des exigences de l'emploi. De même, en l'absence de problème flagrant et évident, il y avait lieu de donner au plaignant l'occasion de travailler, et c'est là, dans les circonstances pratiques de l'emploi, que l'explication concrète de l'emploi serait donnée et que s'effectuerait l'évaluation de sa capacité à s'acquitter des exigences du travail. Quant à M. Worobetz, l'entrevue ne lui a donné aucune compréhension particulière du travail en jeu, mais il était tellement tenté par le travail qu'il ne s'est pas trop préoccupé du reste, tout excité qu'il était d'avoir l'occasion de travailler. De façon plus précise, je ne crois pas que l'on ait parlé à M. Worobetz des normes de la Société canadienne des postes (exprimées en taux d'exactitude visé et en termes d'unités de courrier à la minute). En termes généraux, tous les détails relatifs à l'emploi, tels que les attentes, les tâches, les exigences,

- 6 -

devaient être appris sur le tas en cours d'emploi.

A la suite de l'entrevue du 8 novembre 1988, un représentant de l'intimée a appelé M. Worobetz au téléphone pour lui demander de se présenter devant M. Cruickshank pour le quart de minuit du 14 novembre 1988; depuis lors, il a travaillé en tout quatorze quarts de huit heures jusqu'au 7 décembre 1988, toujours durant le quart de minuit.

Encore une fois, il existe certaines divergences entre les versions respectives du plaignant et de l'intimée quant à la formation en cours d'emploi qui a eu lieu et quant à la mesure dans laquelle M. Worobetz a été informé de ses erreurs de tri, et des attentes de la Société canadienne des postes en ce qui a trait au taux d'exactitude et à la vitesse d'exécution. Au cours du contre-interrogatoire, M. Worobetz a déclaré avoir été informé des erreurs qu'il aurait apparemment commises à deux ou trois occasions, mais n'avoir jamais été avisé des attentes de la Société canadienne des postes, etc. jusqu'au moment où on l'a notifié de la décision de ne plus le rappeler. Il ne savait pas non plus que ces erreurs étaient inacceptables et qu'elles pouvaient entraîner la décision de ne plus l'appeler à travailler. Pour sa part, M. Cruickshank, qui était le superviseur du quart de minuit des messageries prioritaires, a décrit un certain nombre de circonstances dans lesquelles la Société a avisé le plaignant des erreurs de tri, déployé des efforts pour corriger la situation, et présenté au plaignant une description des attentes des messageries prioritaires.

A mon avis, M. Cruickshank est un très bon témoin. Il a travaillé comme superviseur chez l'intimée durant onze ans, et il supervise le quart de minuit de la section des messageries prioritaires depuis cinq ans. Le témoignage qu'il a donné était assez détaillé et cohérent. En outre, à titre de parent nourricier, il a eu l'expérience de deux [TRADUCTION] «enfants très handicapés» (selon ses propres termes) et il en a même adopté un. Il m'a paru faire preuve de compréhension, d'ouverture et de compassion à l'endroit des personnes qui souffrent de déficiences. Quant à M. Joly, il m'a donné l'impression d'être un gestionnaire plus dynamique et plus pressé qui n'était pas prêt à consacrer beaucoup de temps à ce qu'il pouvait considérer comme des [TRADUCTION] «questions plus prosaïques», telles les entrevues, sauf en cas de problème, ce qui selon moi s'est reflété dans sa façon de diriger l'entrevue avec M. Worobetz. Par contraste, M. Cruickshank m'a semblé plus minutieux et consciencieux dans son évaluation en cours d'emploi du plaignant.

Les versions des deux parties concordent quelque peu en ce qui a trait au local affecté aux messageries prioritaires à l'époque pertinente. La salle de tri était apparemment quelque peu encombrée de divers sacs, casiers etc. de tri, et trois ou quatre personnes y travaillaient pendant le quart de minuit. Il semble que la salle de travail était quelque peu bondée et encombrée, quoique de façon organisée, de casiers, etc. marqués pour les divers tris à effectuer. Il y avait aussi sur les murs une carte et d'autres éléments utiles au tri.

M. Cruickshank a déclaré avoir dit à M. Worobetz qu'il devait viser une exactitude de 100 pour 100 pour les tris. Il semble qu'après l'arrivée de M. Worobetz au quart, on ait constaté un nombre significatif d'erreurs

- 7 -

de tri -- comme par exemple l'expédition de sacs postaux complets au mauvais bureau de poste dans la ville d'Edmonton. Des collègues (de deux à trois fois par quart, selon ses dires) se sont aussi plaints de ce que M. Worobetz causait des erreurs de tri, et un employé a même demandé à la direction de [TRADUCTION] «se débarrasser» de M. Worobetz. M. Cruickshank et une représentante syndicale, Ursulla Webber, qui a été appelée à témoigner par la Commission, ont tous deux déclaré que les travailleurs des messageries prioritaires étaient fiers du faible nombre d'erreurs de tri de leur unité et qu'ils s'étaient montrés très inquiets de la hausse du nombre d'erreurs de tri survenue au cours de la période d'emploi de M. Worobetz.

On a affecté un collègue pour accompagner M. Worobetz dans son travail et, une semaine plus tard (soit après cinq quarts), M. Cruickshank s'est entretenu avec M. Joly au sujet de ce qu'il percevait comme la cause des erreurs de tri commises par le plaignant. Lors de l'audience, M. Cruickshank a expliqué que, à son avis, le plaignant semblait souffrir d'un [TRADUCTION] «problème de mémoire». Au terme de cette réunion, il fut décidé d'accorder à M. Worobetz une semaine supplémentaire. Il semble que dans la plupart des cas, on offre aux postulants une période de formation et d'évaluation en cours d'emploi d'environ une semaine.

Il semble aussi que l'engagement de M. Worobetz à titre d'employé occasionnel sur demande par la Société canadienne des postes ait causé une certaine tension au sein du syndicat et entraîné le dépôt d'un grief. En raison de son statut d'employé occasionnel sur appel, M. Worobetz n'était pas couvert par la convention collective et le syndicat était d'avis que ce poste aurait dû revenir à un syndiqué. Je dois noter toutefois que le tribunal n'a été saisi d'aucune preuve que la tension syndicale ait été à la base des plaintes des collègues au sujet du rendement de M. Worobetz ou que ceux-ci aient pu saboter les efforts de M. Worobetz en causant des erreurs de tri pendant les quarts où il travaillait. En fait, le seul élément de preuve sur cette question (qui était cependant très minime) révélait que les plaintes des collègues n'avaient aucun lien avec le conflit syndical.

Au terme de la semaine supplémentaire, la Société canadienne des postes a finalement décidé de ne plus faire appel aux services de M. Worobetz. M. Cruickshank a déclaré que les erreurs de tri s'étaient poursuivies et que le travail de M. Worobetz ne semblait pas s'améliorer. A l'instar du traitement accordé à tous les travailleurs occasionnels de Postes Canada qui se trouvent dans une situation semblable, on n'a tout simplement plus rappelé M. Worobetz pour lui donner du travail. M. Worobetz a déclaré qu'après un silence de six jours (soit le 13 décembre), il est entré en communication avec M. Cruickshank qui lui a tout simplement dit qu'une autre personne était en formation et qu'on ne le rappellerait plus au travail. M. Worobetz a persisté et il a communiqué de nouveau avec Postes Canada le 22 décembre, en se rendant au centre de tri au cours d'un quart de travail. M. Cruickshank l'a alors pris à part dans l'aire de chargement pour lui expliquer que, à son avis, il ne pouvait s'acquitter de sa charge de travail et qu'il ne serait plus rappelé. M. Worobetz était très contrarié et vexé par ce commentaire. Il a déclaré que c'était la première fois qu'on l'avisait des attentes précises et des exigences de productivité applicables. Il estimait qu'on ne lui avait tout

- 8 -

simplement pas donné [TRADUCTION] «une chance raisonnable de faire ses preuves.»

Dans son témoignage, M. Worobetz a révélé avoir été très affecté par la nouvelle qu'il ne serait plus rappelé par Postes Canada. A titre d'exemple, lui qui se demandait à l'époque s'il devait ou non subir une vasectomie a conclu, par suite de l'effet de cette décision sur sa propre estime, qu'il ne voulait plus avoir d'enfants et il a subi une vasectomie.

M. Worobetz a déclaré qu'il savait qu'il était un employé occasionnel, mais qu'il espérait qu'on lui reconnaisse un jour le statut d'employé permanent. Au cours du contre-interrogatoire, il a reconnu avoir fait des erreurs de tri, sans toutefois se rendre compte que ces erreurs étaient inacceptables. Essentiellement, il ne s'est pas rendu compte que la Société canadienne des postes visait un taux d'exactitude des tris qui s'approchait des 100 pour 100.

Il appert en outre que M. Worobetz a postulé un emploi chez Alberta Forestry, qui lui a offert un poste à compter du 1er décembre 1988. M. Worobetz a effectivement commencé à travailler chez Alberta Forestry le 15 décembre 1988, et y est resté jusqu'au 25 avril 1989. Il a apparemment quitté son emploi chez Alberta Forestry parce qu'il éprouvait certaines difficultés liées à la qualité de l'air.

La preuve a montré que M. Worobetz recevait des prestations de supplément de revenu garanti pour les handicapés («programme AISH») de la province de l'Alberta, qui s'élevaient à 605 $ par mois au moment de l'audience. Richard Thurman, superviseur des données du programme AISH, a déclaré que pour être admissible aux prestations de l'AISH, le requérant devait certifier, ainsi que son médecin, qu'il n'était pas capable de [TRADUCTION] «détenir un emploi soumis à la concurrence». Le médecin personnel du plaignant, le Dr Weeks, a été appelée à déposer au sujet de la demande de l'AISH qu'elle avait remplie. Elle a reconnu essentiellement ne pas avoir procédé à des examens détaillés et ne pas être experte en matière de déficience mentale. Elle a aussi déclaré n'avoir jamais dit au plaignant qu'il avait une déficience mentale. Sur la formule d'évaluation de l'AISH, elle a affirmé qu'il souffrait d'une incapacité permanente, d'une déficience mentale et qu'il n'était pas capable de détenir un emploi soumis à la concurrence, mais elle a reconnu que cette évaluation était fondée non sur un examen et des tests qu'elle aurait administrés, mais principalement sur un diagnostic et une feuille de renvoi de l'hôpital qui remontaient à la date à laquelle M. Worobetz a obtenu son congé de l'hôpital à la suite de son accident d'automobile en 1979, et sur un rapport d'un comité de la santé d'Edmonton.

Appelé à commenter le programme AISH de même que l'exigence d'une attestation de l'incapacité des bénéficiaires à détenir un emploi soumis à la concurrence, le Dr Keegan a déclaré qu'à son avis les formulaires médicaux du requérant sont normalement remplis par son médecin de famille, lequel ne possède pas les connaissances professionnelles nécessaires pour procéder à une telle évaluation. Je souscris à l'évaluation du Dr Keegan et je conclus que ce n'est pas parce que M. Worobetz a demandé et obtenu des prestations du programme AISH, et que le formulaire de demande exige

- 9 -

qu'on certifie que le requérant ne peut détenir un emploi soumis à la concurrence que l'on peut conclure qu'en fait il n'est pas capable de détenir un emploi soumis à la concurrence. Il est certain que le témoignage de l'expert, le Dr Keegan, sur ce point prévaut sur les indications figurant dans le formulaire de la demande d'AISH. Toutefois, comme cela a déjà été mentionné, le Dr Keegan a aussi indiqué qu'il a tendance à employer une approche conservatrice en matière d'évaluation des déficiences mentales. En d'autres mots, il a tendance à pencher du côté de la solution consistant à ne pas diagnostiquer une insuffisance mentale pour éviter qu'une personne soit ainsi qualifiée par erreur.

Aussi catégorique qu'ait été le Dr Keegan dans son évaluation portant que M. Worobetz avait subi des lésions cérébrales qui avaient affecté son processus cognitif, il l'était moins quant à la question de savoir si M. Worobetz pouvait détenir un emploi soumis à la concurrence, s'il était capable de s'acquitter de l'emploi au sein des messageries prioritaires en cause, ou encore de tout autre emploi qu'il pourrait occuper. En résumé, son opinion en matière d'évaluation professionnelle était quelque peu limitée.

En premier lieu, il n'a pas examiné les exigences de l'emploi en matière de capacité physique, ni la capacité physique de M. Worobetz, puisque cela ne relevait pas de son champ de spécialité. En deuxième lieu, certaines de ses évaluations professionnelles étaient très générales et quelque peu atténuées par d'autres éléments de preuve plus précis. En troisième lieu, comme il avait adopté un point de vue conservateur, il a évité de donner des opinions tranchées qui pourraient restreindre les possibilités d'avancement du plaignant et sa capacité de détenir un emploi (selon moi, le Dr Keegan ne se résignerait à dire que le plaignant n'est pas capable de détenir un emploi soumis à la concurrence que si ce fait ressortait clairement et sans l'ombre d'un doute).

Dans son rapport, le Dr Keegan a défini deux domaines professionnels à l'égard desquels M. Worobetz a démontré des aptitudes et de l'intérêt, à savoir le travail des employés de bureau et travailleurs assimilés, plus précisément des emplois de réceptionniste, d'hôtesse d'accueil, de facteur et de messager. Les tests ont en outre révélé une aptitude pour des emplois dans le domaine des arts, de la littérature et du théâtre et autres emplois semblables, ce qui, selon le Dr Keegan, serait probablement le fruit d'une erreur puisque cela n'avait pas de sens dans son cas, car cela impliquait nécessairement un type de travail créatif et spontané, tandis que M. Worobetz était davantage intéressé par du travail routinier et répétitif (comme dans la catégorie des employés de bureau et travailleurs assimilés).

Même si le groupe des employés de bureau et travailleurs assimilés comprenait la fonction «distribution du courrier» dans l'une de ses catégories, un employé du Centre d'emploi du Canada a été appelé par l'intimée à donner entre autres indications des renseignements précis sur la catégorie des employés de bureau et travailleurs assimilés. Il ressort de la déposition de ce témoin, Edward McGreer, agent de perfectionnement des ressources humaines du Centre d'emploi du Canada, que le groupe des employés de bureau et travailleurs assimilés est très vaste et qu'il

- 10 -

englobe une grande variété de classifications d'emplois. La catégorie précise mentionnée dans le rapport du Dr Keegan comme [TRADUCTION] «distribution du courrier» vise par exemple la personne qui livre du courrier et des messages de bureau, et non le commis au courrier ou le préposé au tri du courrier dont l'emploi exige des habiletés de tri à grande vitesse. Ces derniers emplois se trouvent dans un autre groupe englobé dans le grand groupe des employés de bureau et travailleurs assimilés. Par exemple, les emplois de réceptionnistes, hôtesses d'accueil, facteurs et messagers se trouvent dans le grand groupe portant le numéro 4179. M. McGreer a déclaré que les commis au courrier et aux postes figurent dans le grand groupe portant le numéro 4173, et que le commis au courrier figure dans le sous-groupe 4173-126, tandis que le préposé au tri du courrier figure dans le sous-groupe 4173-130. Ces distinctions visent à montrer que même si le rapport de l'examen du Dr Keegan décelait chez M. Worobetz une aptitude pour la distribution du courrier, il ne s'agissait pas de la «distribution du courrier» au sens d'un commis au courrier ou d'un préposé au tri du courrier de la Société canadienne des postes, qui figurent dans d'autres groupes. Comme cela a été mentionné, il s'agit davantage de la fonction d'une personne qui distribue le courrier à l'intérieur d'un bureau, etc.

Puisque dans son évaluation le Dr Keegan n'a pas donné une estimation concluante des capacités du plaignant en ce qui a trait à l'emploi au sein des messageries prioritaires en cause, il incombe au tribunal d'examiner la déposition donnée par le Dr Keegan en regard des observations faites par les collègues et le superviseur de M. Worobetz et de procéder à une évaluation fondée sur la prépondérance des probabilités. J'ai tenu compte de l'[TRADUCTION] «approche d'évaluation conservatrice» adoptée par le Dr Keegan, de même que de l'évaluation qu'il a faite de M. Worobetz ([TRADUCTION] «importantes déficiences cognitives», problèmes avec la [TRADUCTION] «rapidité dans le traitement de l'information» et problèmes à l'égard de tâches faisant appel à la mémoire verbale, visuelle et spatiale). J'ai aussi pris en considération les observations du superviseur du plaignant, M. Cruickshank, et celles de sa collègue de travail, Ursulla Webber (qui a déclaré avoir travaillé avec M. Worobetz pendant deux ou trois quarts et avoir noté qu'il faisait un certain nombre d'erreurs de tri). Je conclus selon la prépondérance des probabilités que M. Worobetz n'avait pas la capacité pour s'acquitter des tâches de l'emploi aux messageries prioritaires et qu'on ne pouvait s'attendre à ce qu'il l'acquière jamais. Il semble peu probable que M. Worobetz aurait pu effectuer le travail requis même une fois prises toutes les mesures d'accommodement voulues (même jusqu'à la contrainte excessive) pour l'aider à accomplir adéquatement son travail. Bref, à mon avis, ses difficultés de nature cognitive ne lui permettaient tout simplement pas de s'acquitter du travail en question.

Je conclus donc que le plaignant souffrait d'une importante déficience mentale qui l'empêchait de s'acquitter adéquatement du travail en cause aux messageries prioritaires, et que cette déficience l'empêcherait d'accomplir cette tâche dans l'avenir même si nombre de mesures de formation et d'accommodement étaient prises, etc. De plus, M. Worobetz ignorait de bonne foi qu'il avait une déficience mentale avant la présentation du rapport du Dr Keegan à l'audience. Enfin, la Société canadienne des postes

- 11 -

ignorait elle aussi la déficience mentale de M. Worobetz au moment de l'entrevue, lors des heures de travail que celui-ci a effectuées pour elle et lorsqu'elle a pris la décision de ne plus le rappeler au travail.

Ce contexte factuel et ces conclusions de fait ayant été établis, je passe maintenant à la question du droit applicable.

La plainte de M. Worobetz est fondée sur l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui porte :

Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

  1. de refuser d'employer ou de continuer d'employer un individu;
  2. de le défavoriser en cours d'emploi.

Des faits exposés plus haut, il ressort selon moi que la raison pour laquelle l'intimée a refusé de continuer d'employer M. Worobetz est que celui-ci n'était pas capable de trier le courrier avec rapidité et exactitude. Si l'on exprimait cette raison sous forme de règle imposée par la Société canadienne des postes à ses employés comme condition du maintien de leur emploi, elle se formulerait ainsi : «les employés doivent être capables de trier le courrier avec rapidité et exactitude».

Dans l'examen que je dois faire de la question, il est trois points fondamentaux qui doivent être considérés à l'égard de cette règle ou à l'égard du fait que l'emploi de M. Worobetz n'a pas été continué en raison de son incapacité à trier le courrier avec rapidité et exactitude. Les trois points peuvent se formuler ainsi :

  1. a-t-on établi une preuve suffisante jusqu'à preuve contraire qu'il y a eu discrimination au sens de l'article 7?
  2. si cette preuve a été établie, la discrimination peut-elle être qualifiée de discrimination directe ou de discrimination par suite d'un effet préjudiciable?
  3. une fois la discrimination qualifiée de directe ou de discrimination par suite d'un effet préjudiciable, l'intimée a-t- elle établi une défense fondée soit sur des exigences professionnelles justifiées soit sur des mesures d'accommodement, selon le cas?

Avant d'analyser précisément chacun de ces points, je dois dire que je trouve qu'en l'espèce la distinction entre l'existence ou non d'une pratique discriminatoire et entre le fait qu'il s'agisse de discrimination directe ou de discrimination par suite d'un effet préjudiciable est quelque peu artificielle. Comme l'a indiqué Anne M. Molloy dans l'article Disability and the Duty to Accommodate, à la page 37 du Canadian Labour Law Journal, volume 1, no 1, printemps/été 1992, au sujet des deux types de

- 12 -

discrimination :

[TRADUCTION]

En ce qui a trait à la discrimination fondée sur une déficience, la ligne de démarcation entre les deux sortes de discrimination est encore beaucoup plus floue. Si un employeur publie une offre d'emploi pour un poste de réceptionniste et stipule qu'aucune personne aveugle ne sera acceptée, cela constitue clairement de la discrimination directe. Il s'agit toutefois d'une situation qui ne se produit pratiquement jamais. En pratique, les exigences du poste ne comprennent aucune exclusion manifestement discriminatoire, mais stipulent plutôt que le postulant doit être capable d'utiliser le matériel informatique existant du bureau, lequel n'est pas adapté à l'utilisation par un aveugle. S'agit-il de discrimination directe parce qu'aucun aveugle ne pourra jamais répondre aux conditions d'emploi? Ou s'agit-il de discrimination par suite d'un effet préjudiciable parce qu'on est en présence d'une exigence neutre qui est applicable à toutes les personnes postulant l'emploi et qui défavorise les personnes souffrant de déficience visuelle?

J'abonde dans le sens de ce commentaire dans la présente espèce de discrimination fondée sur la déficience. Par exemple, j'ai déjà formulé ainsi la règle imposée par la Société canadienne des postes : «les employés doivent être capables de trier le courrier avec rapidité et exactitude»; toutefois, comme l'a prétendu l'avocat de l'intimée à l'audience, on pourrait aussi formuler la règle de la façon suivante : «les personnes qui souffrent de déficience mentale ne devraient pas postuler d'emploi aux messageries prioritaires».

De même, je trouve également floue la qualification selon laquelle le refus de la Société canadienne des postes de continuer d'employer M. Worobetz était ou non fondée sur un motif de distinction illicite. En l'espèce, le plaignant ne pouvait pas accomplir les fonctions fondamentales et essentielles de l'emploi, à savoir le tri rapide et exact du courrier. La raison pour laquelle il ne pouvait accomplir ces fonctions est qu'il souffrait d'une déficience mentale. Lorsqu'une personne ne peut accomplir les fonctions fondamentales et essentielles d'un emploi, cela signifie-t-il qu'on a refusé de continuer de l'employer en raison d'un «motif de distinction illicite» uniquement parce qu'une déficience mentale sous-tend l'incapacité d'accomplir les fonctions fondamentales et essentielles?

Dans l'exercice qui consiste à analyser et à faire ces distinctions (que je considère comme) quelque peu artificielles, je trouve consolation dans le fait que les résultats se confirment à tout coup. Peu importe la qualification que l'on donne au refus de l'intimée de continuer d'employer M. Worobetz, qu'il s'agisse ou non de geste discriminatoire ou de discrimination directe ou par suite d'un effet préjudiciable, à mon avis, le résultat est semblable.

Il incombe au plaignant d'établir une preuve suffisante jusqu'à preuve

- 13 -

contraire qu'il y a eu discrimination (voir par exemple l'arrêt Commission ontarienne des droits de la personne c. Etobicoke, [1982] 1 R.C.S. 202, à la page 208, et l'arrêt O'Malley c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536, à la page 558). Comme l'a dit expressément le juge McIntyre dans l'arrêt O'Malley, à la page 558 :

Dans ce contexte, la preuve suffisante jusqu'à preuve contraire est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l'absence de réplique de l'employeur intimé. Une partie de la difficulté que j'éprouve à déterminer que le plaignant a catégoriquement établi la preuve suffisante jusqu'à preuve contraire qu'il y a eu discrimination provient en partie des dispositions de l'article 2 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui prévoit : «...le droit de tous les individus ... à l'égalité des chances ...» (souligné par mes soins). Cela signifie-t-il que l'employeur doit continuer à employer une personne qui n'est tout simplement pas capable d'accomplir les fonctions fondamentales et essentielles d'un emploi uniquement parce qu'une déficience sous-tend l'incapacité? Supposons par exemple la situation d'un autre employé occasionnel sur appel qui ne satisferait pas aux exigences de la Société canadienne des postes en matière de rapidité et d'exactitude dans le tri du courrier. Il se peut que cet employé souffre de certaines lacunes intellectuelles (comme la mémoire et la rapidité de raisonnement) sans qu'il doive pour autant être qualifié de personne souffrant d'une «déficience mentale». Il se peut aussi, en termes généraux, que cet employé n'ait tout simplement pas l'habileté naturelle pour s'acquitter adéquatement de cette tâche. Dans une telle situation, la Société canadienne des postes n'est pas tenue de rappeler l'employé occasionnel sur appel au travail et celui-ci ne dispose vraisemblablement d'aucun recours. Par contre, dans les cas comme l'espèce, lorsque la personne n'a pas la capacité de s'acquitter des tâches de son poste parce que son état est tel qu'il peut être qualifié de «déficience mentale», le fait de refuser d'appeler l'employé occasionnel est qualifié de discriminatoire (du moins jusqu'à preuve contraire). Cela n'équivaut pas à traiter les personnes qui ont des déficiences intellectuelles sur un pied d'égalité avec les autres personnes qui n'ont pas la capacité et l'habileté pour accomplir les exigences fondamentales et essentielles de l'emploi. Même si la Loi canadienne sur les droits de la personne doit recevoir une interprétation large et libérale, l'objet et le but de la Loi, comme nous l'avons déjà indiqué, visent une égalité et non une supériorité des chances pour les personnes souffrant d'une déficience.

Ce point a été examiné dans le contexte du Code des droits de la personne de l'Ontario, dans l'affaire Chamberlain v. 599273 Ontario Ltd. (1989), 11 C.H.R.R., D/110, à la page D/116 : [TRADUCTION] ... le Code n'ignore pas le fait que certains handicaps puissent avoir un effet négatif sur la capacité de la personne à accomplir certains types de travail. Si une personne est incapable d'accomplir adéquatement une tâche particulière en raison d'un handicap, le Code ne lui donne

- 14 -

pas un droit à cet emploi. Le Code vise à faire en sorte que les personnes qui ont un handicap ne soient pas l'objet de discrimination à l'égard des emplois qu'elles sont capables d'occuper.

Avec en tête l'objet ou le but fondamental de la Loi selon la description qui en est donnée dans l'affaire Chamberlain, je me sens quelque peu forcé de conclure que l'article 7 de la Loi ne s'applique pas lorsque l'emploi prend fin en raison de l'incapacité d'accomplir les tâches fondamentales et essentielles et que la déficience (qui sous-tend cette incapacité) n'a été découverte pour la première fois par les deux parties que longtemps après le refus de continuer d'employer la personne -- c'est- à-dire que le refus n'est pas fondé sur un motif de distinction illicite et que la preuve suffisante jusqu'à preuve contraire n'a pas été établie. J'estime que si la présence d'une déficience sous-jacente avait été connue de l'employeur avant la fin de l'emploi, le tribunal pourrait devoir examiner les circonstances entourant ce refus en allant au-delà de la simple question de savoir si l'employé pouvait s'acquitter des exigences fondamentales et essentielles de l'emploi. Parmi les autres points que le tribunal aurait à examiner figurerait probablement la question des mesures d'accommodement.

Toutefois, lorsque la déficience qui sous-tend le rendement insuffisant au travail n’est pas connue avant la fin de l’emploi et que cette lacune ne provient pas d’un aveuglement volontaire ou d’une négligence de l’employeur (et je crois que c’est le cas en l’espèce), la mise à pied n’est pas du tout fondée sur un motif discriminatoire et il n’y a pas établissement d’une preuve suffisante jusqu’à preuve contraire. Parvenir à une autre conclusion conduirait à des conséquences peu réalistes et déraisonnables pour les employeurs qui ignorent de bonne foi la déficience de l’employé et pourrait entraîner la création de droits supplémentaires et non réalistes pour de tels employés.

J’ai indiqué qu’à mon avis il était difficile d’établir si la mise à pied était fondée sur un motif de distinction illicite parce que cette distinction est floue; par conséquent, je crois nécessaire d’examiner l’issue de la plainte si jamais il s’avérait que la preuve suffisante jusqu’à preuve contraire a effectivement été établie.

Si la preuve suffisante jusqu’à preuve contraire a effectivement été établie, il est alors nécessaire de déterminer s’il s’agit d’une discrimination directe ou d’une discrimination par suite d’un effet préjudiciable. La définition la plus courante des deux types de discrimination a été énoncée par le juge McIntyre dans l’arrêt O’Malley, précité, à la page 551 :

À cet égard, il y a discrimination directe lorsqu’un employeur adopte une praticque ou une règle qui, à première vue, établit une distinction pour un motif prohibé. Par example, «Ici, on n’embauche aucun catholique, aucune femme ni aucun Noir ». En l’espèce, il est évident que personne ne conteste que la discrimination directe de cette nature contrevient à la Loi. D’autre part, il y a le concept de las discrimination par suite d’un effect préjudiciable. Ce genre de discrimination se produit lorsqu’un employeur adopte, pour des raisons d’affaires véritables, une règle ou une norme qui est neutre à première vue et s’applique également à tous les employés, mais qui a un effet discriminatoire pour un motif prohibé sur un seul employé ou un groupe d’employés en ce qu’elle leur impose, en raison d’une caractéristique spéciale de cet employé ou de ce groupe d’employés, des obligations, des peines ou des conditions restrictives non imposées aux autres employés.

Comme je l’ai déjà mentionné, j’estime que la ligne de démarcation entre ces deux types de discrimination en l’espèce est quelque peu artificielle et [TRADUCTION] « floue », comme l’a fait valoir l’article Disability and the Duty to Accommodate, déjà mentionné. À mon avis, la règle ou la norme établie par la Société canadienne des postes, à savoir que les employés doivent être capables de trier le courrier avec rapidité et exactitude semble, à première vue, correspondre à la définition de la discrimination par suite d’un effet préjudiciable, puisque même si elle est neutre à première vue, la règle ou la norme a un effet discriminatoire sur les employés qui ont une déficience mentale.

On pourrait toutefois formuler la règle de la façon suivante : « La Société canadienne des postes n’engage pas de personnes souffrant d’une déficience mentale dans son service des messageries prioritaires »; la règle serait alors qualifée de discrimination directe. S’il s’agissait en l’espèce d’une situation de discrimination directe ainsi fondée, je conclurais que l’intimée s’est acquitée de la charge d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la règle découle d’exigences professionnelles justifées, conformément à l’alinéa 15a) de la Loi. Comme cela a été énoncé dans l’arrêt Etobicoke (précité), pour constituer une exigence professionnelle justifée, une règle doit (en bref), quant à l’élément subjectif, être imposée de bonne foi par l’employeur et, quant à l’élément objectif, être raisonnablement nécessaire pour assurer l’exécution efficace et économique du travail. En l’espèce , je n’éprouve aucune difficulté à accepter que la norme ou la règle imposée par la Société canadienne des postes a été imposé honnêtement et de bonne foi ect. De même, je suis convaincu que l’intimée a satisfait à la norme objective exigée. Compte tenu de la preuve produite à l’audience et de la simple logistique nécessaire au fonctionnement de Postes Canada décrit en l’espèce (dont l’objectif, particulièrement aux messageries prioritaires, est d’expédier le courrier le plus rapidement et le plus exactement possible), la règle est raisonnablement nécessaire pour assurer l’exécution efficace et économique du travail.

Toutefois, comme j’ai conclu que l’espèce correspond davantage à la catégorie de la discrimination par suite d’un effet préjudiciable, je dois déterminer si l’intimée s’est acquitée du fardeau ou de la charge qui lui incombait de démonter qu’elle a composé avec la déficience du plaignant tant qu’il n’en a pas résulté pour elle une contrainte excessive. La décision faisant autorité en matière de discrimination par suite d’un effet préjudiciable et d’obligation d’accommodement est l’arrêt Alberta Human Rights Commission c. Central Alberta Dairy Pool, [1990] 2 R.C.S. 489. Il s’agissait dans cette affaire de discrimination fondée sur la religion, et le plaignant devait être légalement autorisé à pratiquer sa religion et à ne pas être forcé de travailler un jour particulier, contrairement à ses croyances religieuses. Dans les motifs qu’elle a rédigés pour la majorité, le juge Wilson a dit, aux pages 520 et 521 :

C’est à l’empolyeur qu’incombe le fardeau de prouver qu’il s’est efforcé de tenir compte des croyances religieuses du plaignant, dans la messure où cela ne comportait pas une contrainte excessive.

Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de définir de façon exhaustive ce qu’il faut entendre par contrainte excessive mais j’estime qu’il peut être utile d’énumérer certains facteurs permettant de l’apprécier. J’adopte d’abord à cette fin les facteurs identifiés par la commission d’enquête en l’espèce – le coût financier, l’atteinte à la convention collective, le moral du personnel et l’interchangeabilité des effectifs et des installations. … Cette énumération ne se veut pas exhaustive et les résultats qu’on obtiendra en mesurant ces facteurs par rapport au droit de l’empolyé de ne faire l’objet de discrimination varieront nécessairement selon le cas.

Dans l’arrêt Renaud c. Central Okanagan School District No. 23, [1992] 2 R.C.S. 970, à la page 984, le juge Sopinka qui a rédigé les motifs de la Cour suprême du Canada, donne une explication concise et plus détaillée de l’expression « contrainte excessive » :

Il faut plus que de simples efforts négligeables pour remplir l’obligation d’accommodement. L’utilisation de l’adjectif «excessive» suppose qu’une certaine contrainte est acceptable; seule la contrainte «excessive» répond à ce critére. Les mesures que l’auteur de la discrimination doit prendre pour s’entendre avec le plaignant sont limitées par les expressions « raisonnables» et « sans imposer de contrainte excessive ». Il s’agit là non pas de critères indépendants, mais de différentes façons d’exprimer le même concept. Ce qui constitute des mesures raisonnables est une question de fait qui variera selon les circonstances de l’affaire.

Les facteurs que j’ai examinés pour déterminer si l’intimée a pris des mesures d’accommondement envers le plaignant sans s’imposer de contrainte excessive en l’espèce comprennent : l’évalution et la formation en cours d’emploi de M. Worobetz effectuées par l’intimée; la nature de l’emplois du plaignant, sa durée et le type de statut dont il jouissait; la preuve produite à l’égard des exigences de rapidité et d’exactitude du traitement du courrier de la Société canadienne des postes; la nature et l’étendue de la déficience de M. Worobetz selon la description qui en est principalement donnée dans le rapport du Dr Keegan; le moral du personnel de l’unité des messageries prioritaires; la détrogation à la convention collective et les difficultés découlant d’une nouvelle affectation de M. Worobetz; la conclusion du tribunal quant à la capacité de M. Worobetz d’accomplir les tâches fondamentales et essentielles de l’emploi au sien du service des messageries prioritaires au moment pertinent ou à toute autre époque raisonnables par la suite.

D’entrée de jeu, j’ai été frappé par l’absence de processus siginificatif de présélection des employés occasionnels sur appel au sein de la Société canadienne des postes. En dernière analyse toutefois, j’estime que même s’il semble préférable d’effectuer un degré raisonnable d’évaluation pour un travail qui nécessite des habiletés de lecture et de tri, il ne serait ni raisonnable ni pratique d’exiger que l’employeur soumette à une évaluation les personnes qui seront employées occasionnellement et sur appel. Outre l’aide qu’y trouve l’employeur aux prises avec un accroissement du volume de travail, il n’est que raisonnable de voir la relation d’emploi occasionnel sur appel come un moyen qui donne à l’employeur l’occasion d’évaluer, sans que cela lui cause de préjudice, la capacité d’un employé à accomplir les fonctions nécessaire de l’emploi. Je voudrais aussi dire en passant que même si à mon avis on aurait dû pocéder à une évaluaiton adéquate des éventuels employés occasionnels sur appel, le défaut d’évaluation en l’espèce ne constitue pas une violation de l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. En supposant qu’une évaluation ou une présélection adéquate ait été faite par la Société canadiene des postes, à partir de la preuve don’t le tribunal a été saisi, M. Worobetz n’aurait jamais été placer sur la listes des employés occasionnales sur demade parce qu’il n’avait pas la capacité mentale de trier le courrier avec rapidité et exactitude. Il n’a subi aucun préjudice par suite du défaut de présélection pour l’emploi aux messageries prioritaires sauf dans la mesure où il a été mis dans une situation de travail pour laquelle, à mon avis, il n’avait pas l’aptitude nécessaire pour s’acquitter avec succès des tâches requises, ce qui fut pour lui une expérience désolante. De façon plus précise, la question de l’évaluation et de la possibilité d’une violation de l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne en l’espèce est liée à l’évaluation en cours d’emplois faite par l’intimée, et, par suite de cette évaluation en cours d’emploi, à sa décision de ne plus rappeler M. Worobetz au travail.

Je crois que les questions d’évaluation et de formation sont liées dans ce domaine et qu’en l’espèce, la Société canadienne des postes a offert à M. Worobetz des mesures raisonnables d’évaluation et de formation sans s’imposer de contraire excessive. La pratique normale prévoit des mesures d’évaluation et de formation sur une période d’une semaine. En l’espèce, la période a été prolongée à deux semaines. Il fallait qu’il y ait des indices qui permettent de croire que le rendement de M. Worobetz s’améliorerait sur une période raisonnable et ave un effort raisonnable. S’il y avait eu de tels indices, l’intimée aurait pu être tenue de lui accorder plus de temps. Je crois cepedant que l’évaluation en cours d’emplois faite par la Société canadienne des postes à l’époque est confirmée par l’évaluation qu’a faite le Dr. Keegan de M. Worobetz. Même si dans son avis le Dr. Keegan ne s’est pas prononcé sur la question de savoir si M. Worobetz pouvait accomplir les tâches du travail en cause, je crois que les observations qu’il a faites sur les difficultés cognitives de M. Worobetz et les aptitudes spéciales prescrites pour les commis au courrier appuient l’évaluation faite par Postes Canada. En outre, comme cela a déjà été mentionné, j’ai aussi conclu, en me fondant sur les éléments de preuve et la déposition du témoin expert à l’audience, que M. Worobetz ne pouvait s’acquitter de telles fonctions et qu’il ne pourrait probablement jamais parvenir à s’en acquitter à un degré raisonnable. Compte tenu de ces faits, il était inutile de prévoir une prolongation de la période d’évaluation et de formation.

Certaines décisions ont décrit la responsibilité qui incombe à l’intimé de procéder à une évaluation individuelle (voir notamment l’affaire Friesen c. Regina (City) Commissioners of Police, (1991), 13 C.H.R.R., D/11 [Commission des droits de la personne de la Saskatchewan]). Dans les circonstances de l’espèce, où M. Worobetz travaillait avec une autre employée dans un groupe d’employés relativement restreint (c’est-à-dire composé d’au plus quatre personnes) avec un superviseur, j’estime qu’il a obtenu une évaluation équitable et individuelle.

De plus, en l’espèce, compte tenu du statut de l’emplois occupé par M. Worobetz au sein de la Société canadienne des postes (employé occasionnel sur appel qui vient de commnecer à travailler), je suis convaincu que ce serait imposer une contrainte excessive que de forcer l’employeur à tenter de réaffecter M. Worobetz à un autre secteur lorsqu’il s’avère que ce dernier ne peut s’acquitter adéquatement de la tâche visée au sein du secteur des messageries prioritaires. La preuve dont a été saisi le tribunal suggère qu’il existe un besoin de rapidité et d’exactitude dans pratiquement toutes les sections d’un bureau de tri. Même s’il est possible qu’une importante société comme Postes Canada dispose aulleurs au pays de certains postes où une personne ayant la déficience de M. Worobetz soit en messure d’accomplir les tâches fondamentales et essentielles de l’emploi, je considère que cela dépasse le seuil des contraintes excessives étant donné le fait que M. Worobetz était un employée occasionnel sur appel à tres court terme, et le fait que la preuve a rélévé l’existence d’une convention collective qui régissait l’affectation des employés etc. Toute affectation à un poste autre qu’occasionnel sur appel aurait entraîné une dérogation à la convention collective en vigueur entre la Société canadienne des postes et ses employés, ce qui en soi ne suffit pas à constituer une contrainte excessive. Toutefois, étant donné l’ensmble des circonstances, cela s’ajoute tout simplement à la contrainte que cause à l’intimée le fait de retenir un employé occasionnel sur appel en le réaffectant – au point où la contrainte est excessive.

J’aimerais aussi souligner que sur la question de la réaffectation d’un employé, l’obligation d’accommodement, décrite dans l’arrêt Central Alberta Dairy Pool, a été interprétée comme significant que l’employeur doit [TRADUCTION] « …accommoder l’employé à l’égard de son poste actuel » (voir Re : Royal Alexandra Hospital and Alberta Hospital Employees Union, Local 41 (1992), 29 L.A.C. (4th) 58, à la page 76). Je ne suis pas certain d’être d’accord avec cette observation dans tous les cas, mais j’abonde certainement en ce sens en l’espèce étant donné le statut et la durée de l’emploi de M. Worobetz. Obliger l’employeur à le réaffecter constituerait une contrainte excessive.

De plus, la preuve a fait état de l’effet négatif que pourrait avoir sur le moral du personnel le maintien de l’emploi de M. Worobetz au sein de la Société. À l’instar de certains des autres facteurs qui ont déjà été mentionnés, cela ne suffit pas en soi à constituer un fondement suffisant pour déterminer que le maintien de l’emploi de M. Worobetz constituerait une contrainte excessive. On reconnaît en outre qu’il faut éviter de donner trop de poids à ce facteur. Dans l’arrêt Renaud précité, le juge Sopinka a fait le commentaire suivant à ce sujet, à la page 988 :

Ce facteur doit être appliqué avec prudence. Il faut tenir compte de l’opposition des employés qui résulte de craintes légitimes que leurs droits soient lésés. Par contre, les oppositions fondées sur des attitudes incompatibles avec les droits de la personne ne sont pas pertinentes.

Compte tenu des relations tendues avec le syndicat à l’époque en cause, je prends ce facteur en considération avec un certain degré de prudence. Cependant, la fierté que tirent les employés des messageries prioritaires du faible nombre d’erreurs de tri est une considération valable et raisonnable. Considéré avec les autres facteurs, y compris les conclusions du tribunal au sujet de la possibilité que M. Worobetz soit capable d’accomplir la tâche dans l’avenir un degré raisonnable d’accommodement et d’effort, cela semblerait à nouveau constituer une contrainte excessive pour l’employeur s’il était tenu de maintenir l’emploi, et entraîner un effet négatif sur le moral du personnel de la section des messageries prioritaires.

En résumé, M. Worobetz ne semblait tout simplement pas doué pour le poste en cause. Il est malheureux qu’une telle évaluation de sa capacité n’ait pu être faite avant qu’il ne commence à travailler à la section des messageries prioritaires. M. Worobetz est un individu très déterminé, qui n’était pas conscient qu’il avait une déficience mentale. La frustration qu’il a connue lorsque les choses ne sont pas bien passées et que la Société canadienne des postes l’a avisé que, selon elle, il n’était pas capable d’accomplir adéquatement le travail, est compréhensible étant donné son ignorance de sa déficience mentale. J’estime en outre qu’une bonne partie de sa frustration à l’égard de sa plainte s’explique par cette méconnaissance de sa condition. Si malheureuse que puisse être cette situation du point de vue de M. Worobetz, je crois qu’à partir des faits dont on a saisi le tribunal et des circonstances en l’espèce, la Société canadienne des postes a fait tous les efforts raisonnables pour accommoder M. Worobetz, sans s’imposer de contrainte excessive, et que, partant, l’intimée s’est acquittée du fardeau qui lui incombait à cet égard.

Je conclus donc qu’on n’a pas réussi à établir le bien-fondé de la plainte, laquelle est rejetée.


RAYMOND W. KIRZINGER, président
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.