Tribunal canadien des droits de la personne

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TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

MAUREEN TANZOLA

la plaignante

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

AZ BUS TOURS INC.

l'intimée

DÉCISION

MEMBRE INSTRUCTEUR : Michel Doucet

2007 TCDP 38

2007/08/22

I. INTRODUCTION

A. Les faits

B. L'analyse juridique

II. CONCLUSION

I. INTRODUCTION

[1] Le 17 mai 2002, Maureen Tanzola (la plaignante) a déposé une plainte en vertu des articles 7 et 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la Loi) contre AZ Bus Tours Inc. (l'intimée). La plaignante prétend que l'intimée a commis, en cours d'emploi, un acte discriminatoire fondé sur le sexe. Plus précisément, elle prétend que l'intimée l'a traitée d'une manière différente et défavorable par rapport à ses collègues de sexe masculin. Elle prétend de plus que, à de nombreuses occasions, M. Ron Roffey, le directeur de l'exploitation de l'intimée, l'a harcelée parce qu'elle était une femme. La plaignante prétend également que l'intimée l'a mutée à son unité de Toronto, lui occasionnant ainsi des déplacements de trois heures par jour, et qu'elle a diminué son nombre d'heures de travail, l'obligeant ainsi à démissionner.

[2] L'intimée nie les allégations de la plaignante.

A. Les faits

[3] L'intimée est une société d'autobus nolisé. Elle a commencé ses activités en 1998. À l'origine, son objectif principal était le transport de passagers de Toronto vers le Casino Rama, à Orillia (Ontario). Par la suite, l'intimée s'est mise à offrir des services d'autobus nolisé vers toutes les destinations au Canada et aux États-Unis.

[4] Le service d'exploitation d'autobus nolisé vers le Casino Rama de l'intimée est divisé en deux unités d'exploitation. Le bureau principal est situé à Toronto, où la plus grande partie de la flotte d'autobus de l'intimée est stationnée. L'intimée possède également une petite unité d'exploitation à Orillia. Les deux unités d'exploitation fournissent les mêmes services aux mêmes clients, lesquels se rendent au même endroit, c'est-à-dire le Casino Rama. Les services d'autobus nolisé quant aux destinations plus éloignées que Toronto et Orillia sont exploités uniquement à partir de Toronto. M. Terry Barnett, le directeur général de l'intimée à l'époque, a témoigné que l'établissement du cahier de travail des chauffeurs à l'unité de Toronto était fait par aiguillage, alors que l'établissement de l'horaire de travail des chauffeurs à l'unité d'Orillia était fait par le superviseur de cette unité d'exploitation en collaboration avec le répartiteur de Toronto.

[5] Jusqu'en 1999, le mari de la plaignante, Tim Tanzola, travaillait comme superviseur à l'unité d'exploitation d'Orillia. Il fut ensuite remplacé par John Westwood. Ce dernier a occupé le poste de superviseur jusqu'en 2003, année où il a été congédié par l'intimée. Le superviseur de l'unité d'Orillia rendait compte à M. Ron Roffey, lequel rendait compte à M. Terry Barnett, le directeur général. M. Barnett a affirmé dans son témoignage que M. Westwood et M. Roffey, n'avaient pas l'autorité pour mettre fin à l'emploi d'un employé. C'était lui qui prenait la décision.

[6] La plaignante a travaillé pour l'intimée comme chauffeur d'autobus entre octobre 1997 et novembre 2001. Elle a travaillé à l'unité d'Orillia jusqu'en 2001.

[7] La plaignante a affirmé dans son témoignage que c'est au cours de 1999 que la situation a commencé à se détériorer pour elle au travail. Je souligne que cela correspond à la période au cours de laquelle son mari a démissionné de son poste de superviseur de l'unité d'exploitation d'Orillia.

[8] Au cours de l'année susmentionnée, l'intimée a mis en place un système de primes de conduite prudente, lesquelles primes étaient accordées aux chauffeurs qui n'avaient eu aucun accident au cours de l'année. Le montant de cette prime était de 1 000,00 $. La plaignante a affirmé dans son témoignage qu'elle n'a reçu aucune prime parce que, selon l'intimée, elle avait été impliquée dans un accident. Elle a de plus affirmé que bien qu'ils eurent déclaré avoir eu des accidents, de nombreux chauffeurs de sexe masculin ont reçu une prime. Elle a donné les noms de trois chauffeurs, c'est-à-dire Jean-Guy Desmarais, John Westwood et Tim Tanzola, son mari, qui ont reçu ou à qui on a offert une prime, et ce, bien qu'ils furent impliqués dans des accidents. Dans ses documents, la plaignante a mentionné les noms de plusieurs autres chauffeurs qui ont également reçu une prime dans des situations semblables. Aucun d'eux n'a été appelé à témoigner.

[9] Bien que la plaignante soit convaincue qu'elle aurait dû recevoir une prime de conduite prudente, elle n'a pas réussi à établir comment la décision de l'intimée de ne pas lui accorder la prime constitue une pratique discriminatoire en vertu de la Loi. M. Barnett a affirmé dans son témoignage que l'octroi de cette prime était discrétionnaire et il a catégoriquement affirmé que la plaignante ne l'avait pas reçue pour la seule raison qu'elle avait été impliquée dans un accident qui aurait pu être évité. La plaignante a été incapable d'établir que cette décision avait été prise en raison de son sexe et que, par exemple, les autres chauffeurs de sexe féminin s'étaient également vu refuser l'octroi de la prime.

[10] La plaignante a ensuite parlé d'un incident qui s'est produit le 3 juillet 2000, alors que l'autobus qu'elle conduisait est tombé en panne pendant qu'elle faisait route vers Orillia. Elle a appelé au bureau de Toronto et elle a mentionné au répartiteur l'endroit où l'autobus de rechange devrait être amené. Ron Roffey a amené l'autobus de rechange. Lorsqu'il est arrivé à l'endroit où la plaignante et son autobus étaient immobilisés, la plaignante a affirmé dans son témoignage qu'il a commencé à crier après elle et à faire des remarques désobligeantes devant les passagers. Selon elle, il y avait eu une certaine confusion quant à la direction que le répartiteur avait donnée à M. Roffey et ce dernier la tenait responsable de cette situation. La plaignante a affirmé dans son témoignage que M. Roffey lui avait dit ce qui suit devant les autres passagers : [traduction] Les directions que tu m'as données ne valent rien. Elle a de plus ajouté que ce comportement injurieux l'avait fait pleurer, qu'elle avait eu de la difficulté à retrouver son calme et qu'elle s'était sentie humiliée.

[11] Une semaine après l'incident susmentionné, une lettre, dans laquelle il était écrit que la plaignante avait fait preuve d'insubordination envers un supérieur, a été insérée dans le dossier personnel de la plaignante. Aucune explication quant à l'insubordination n'a été donnée à l'audience. La plaignante a affirmé dans son témoignage que, après cet incident, elle a dit à M. Barnett que, à l'avenir, elle communiquerait directement avec lui plutôt que par l'entremise de M. Roffey.

[12] La plaignante a affirmé dans son témoignage que plusieurs anciens employés de l'intimée pourraient étayer ses allégations selon lesquelles M. Roffey avait fait des remarques désobligeantes sur les femmes, mais aucun de ces anciens employés n'a été appelé à témoigner. La plaignante a affirmé dans son témoignage que, personnellement, elle n'avait jamais entendu M. Roffey faire ces remarques. M. Tanzola, le mari de la plaignante, a affirmé à l'enquêteur de la Commission canadienne des droits de la personne au cours d'une entrevue qui a eu lieu le 29 mars 2005, qu'il [traduction] ne pouvait honnêtement pas affirmer qu'il avait entendu M. Roffey tenir des propos désobligeants envers la plaignante ou envers les femmes en général. Il a ajouté qu'il savait que sa femme avait eu des problèmes avec M. Roffey mais il a ajouté que [traduction] de nombreux chauffeurs avaient eu des frictions avec Ron - des chauffeurs de sexe masculin et des chauffeurs de sexe féminin. Il était inflexible et traitait les gens de manière irrespectueuse (Non souligné dans l'original.) À l'audience, M. Tanzola a confirmé une fois de plus qu'il n'avait pas personnellement entendu M. Roffey faire le genre de remarque susmentionnée.

[13] Le seul élément de preuve à cet égard était de John Westwood, lequel a affirmé dans son témoignage qu'il avait entendu M. Roffey faire le genre de remarques susmentionnées au cours d'une conversation téléphonique ou pendant qu'il se trouvait au siège social de l'intimée à Toronto. Il n'a donné aucune précision quant à savoir quand ces incidents s'étaient produits ou quant à savoir combien de fois ils se sont produits, mais il a ajouté ce qui suit : [traduction] Bien, je l'ai tout simplement pris avec un grain de sel de la part de la personne qui affirme cela parce que je croyais que c'était tout simplement terrible la manière selon laquelle il se comportait à l'égard des hommes et des femmes, pas seulement à l'égard des femmes, vous savez, et je croyais-pour moi c'était dégradant d'entendre une personne qui occupe un poste de ce genre parler des employés de cette manière (Non souligné dans l'original.)

[14] Il est impossible de tirer une conclusion définitive à partir d'éléments de preuve aussi vagues. Le fait que M. Roffey était peut-être un directeur avec lequel il était difficile de travailler et qu'il manquait peut-être de courtoisie et qu'il était peut-être grossier lorsqu'il s'adressait à ses employés, homme ou femme, ne suffit pas pour conclure que l'intimée a agi de façon discriminatoire à l'égard de la plaignante ou à l'égard des autres employés de sexe féminin en raison du sexe.

[15] La plaignante a pris un congé de maladie entre décembre 2000 et mars 2001. En mars 2001, comme elle n'avait pas l'intention de retourner travailler pour l'intimée, la plaignante a remis sa démission. Toutefois, elle a affirmé dans son témoignage que Terry Barnett lui avait dit qu'elle pouvait revenir travailler quand elle s'en sentirait capable. La plaignante est éventuellement retournée travailler en juin 2001, comme chauffeur à temps partiel. Selon M. Barnett, c'était M. Westwood, le superviseur à Orillia, qui l'avait réembauchée.

[16] La plaignante a mentionné dans son témoignage un autre incident qui s'est produit le 14 juillet 2001, alors qu'un inspecteur du ministère des Transports de l'Ontario a demandé d'inspecter l'autobus qu'elle conduisait. L'inspecteur a découvert qu'il y avait un problème avec les pneus arrière et a ordonné que l'autobus soit mis hors service. La plaignante a affirmé qu'elle a alors appelé au bureau de l'intimée afin de l'informer de la situation. Elle a parlé à Terry Barnett, lequel lui a dit ce qu'elle devait faire. Elle a parlé dans son témoignage d'une conversation qu'elle avait eue plus tard avec un certain Greg Larson, qui, à l'époque, travaillait comme répartiteur chez l'intimée. Elle a affirmé que celui-ci lui avait dit que Ron Roffey avait fait certains commentaires à propos de cet incident. Comme Greg Larson n'a pas été appelé à témoigner, ses présumés commentaires quant aux remarques de Ron Roffey constituent du ouï-dire et ne sont pas admissibles en preuve en l'espèce.

[17] La plaignante a également parlé d'un autre incident qui s'est produit le 26 juillet 2001. Ce jour-là, M. Roffey lui a demandé pourquoi elle avait traversé, sans faire un arrêt complet, ce qu'elle a décrit comme étant une voie ferrée fermée sur Weston Road. Elle a répondu que la voie ferrée n'était plus utilisée et que l'autobus était vide. M. Roffey lui a dit que tous les autobus doivent faire un arrêt aux passages à niveau non munis d'un dispositif de protection et il lui a dit qu'elle devrait considérer la conversation qu'ils venaient d'avoir comme étant une mise en garde. Le mari de la plaignante et M. Westwood ont affirmé dans leur témoignage qu'ils ne faisaient jamais aucun arrêt à ce passage à niveau. Quoi qu'il en soit, je ne peux tirer aucune conclusion de discrimination à partir de cet incident.

[18] La plaignante a affirmé dans son témoignage que, en août 2001, son superviseur, John Westwood, s'est rendu chez elle et lui a dit que M. Roffey n'était pas content qu'il la réembauche. Selon la plaignante, M. Westwood lui a dit que la direction lui avait ordonné de mettre fin à son emploi. Lorsqu'elle lui a demandé pourquoi, il lui a répondu qu'il ne le savait pas. John Westwood a affirmé dans son témoignage que, personnellement, il ne voulait pas congédier la plaignante mais que comme il était âgé de 64 ans et que son épouse était très malade, il a estimé qu'il n'avait pas d'autre choix que d'obéir à la direction.

[19] À l'époque où l'audience a eu lieu, les relations entre la plaignante et M. Westwood semblaient excellentes. Il semble qu'elles n'étaient pas aussi bonnes en 2001. Au cours de l'automne 2001, il semble que les rapports que M. Westwood entretenait avec la plaignante se sont rapidement détériorés. Lors de l'audience, la plaignante et M. Westwood ont donné à penser qu'on avait obligé ce dernier à adopter une attitude hostile envers elle.

[20] Les mauvaises relations qui existaient entre ces deux personnes sont illustrées par une note datée du 18 octobre 2001. Le 16 octobre 2001, on a demandé à la plaignante de participer à un cours de formation en conduite. Selon la note, M. Westwood était très déçu du comportement de la plaignante lors de ce cours de formation. Il a mentionné qu'elle s'était comportée d'une manière très peu professionnelle et qu'il avait reçu de nombreux commentaires à propos de son attitude. M. Westwood a dit à la plaignante qu'il voulait qu'elle améliore son comportement. Des copies de cette note ont été envoyées à M. Barnett et à M. Roffey. Au cours de l'audience, M. Westwood a tenté d'assouplir son interprétation de cet événement. Il a essentiellement expliqué que l'attitude de la plaignante durant le cours de formation avait plus rapport avec son sens de l'humour qu'avec ce qu'il a qualifié dans ses notes de conduite non professionnelle.

[21] M. Westwood a également prétendu que la note du 24 octobre 2001 ainsi que les autres notes se rapportant à la plaignante, avaient été écrites par le bureau de Toronto, lequel les lui avait imposées. Il a étayé cette allégation en déclarant que d'ordinaire il ne tapait pas ses lettres; il les écrivait plutôt à la main. Bien que cela soit possible, il n'en reste pas moins que M. Westwood a signé ces notes. De plus, la nature des renseignements figurant dans celles-ci ne permet pas de conclure que M. Westwood n'a aucunement participé à leur rédaction. Dans son témoignage, M. Barnett a admis qu'il se pouvait que M. Westwood eût envoyé un certain nombre de notes manuscrites à Toronto afin de les faire taper car l'unité d'Orillia n'était pas dotée des ressources nécessaires sur le plan du secrétariat.

[22] La plaignante a affirmé dans son témoignage que, le 21 octobre 2001, le répartiteur de l'intimée lui a dit que Terry Barnett lui avait dit que l'on avait mis fin à son emploi. Elle a affirmé qu'elle avait alors téléphoné à M. Westwood, son superviseur, afin de vérifier si elle avait été congédiée. Selon son témoignage, M. Westwood [traduction] a fait une de ces colères. Il lui a dit de monter dans l'autobus et de conduire. Elle a ajouté qu'il s'était mis à crier après elle. Cette réaction de la part de M. Westwood ne témoigne certainement pas de l'existence d'une bonne relation de travail entre la plaignante et ce dernier.

[23] Deux jours plus tard, Terry Barnett a dit à la plaignante qu'on l'avait confondue avec Barbara Tanzos, une collègue, dont l'emploi chez l'intimée venait tout juste de prendre fin. Le 24 octobre 2001, M. Westwood a écrit une note de service à la plaignante dans laquelle il s'est excusé pour la colère qu'il avait faite le 21 octobre 2001. Il a également écrit ce qui suit : [traduction] Maureen, vous êtes un bon chauffeur et vous avez dépanné l'unité d'Orillia à de nombreuses reprises dans des cas d'urgence et je vous en suis reconnaissant. Mais, vous avez de la difficulté à contrôler vos colères, colères dont j'ai déjà été témoin et dont j'ai fait l'objet à de nombreuses reprises Dans sa note, il a également renvoyé à d'autres incidents impliquant la plaignante et il lui a demandé de lui remettre une réponse écrite.

[24] La plaignante n'a jamais répondu. Elle a expliqué à l'audience qu'elle n'avait pas répondu parce qu'elle estimait qu'il n'y avait [traduction] en réalité rien à répondre. Elle a affirmé ce qui suit : [traduction] Ils ont inventé tout ça et j'ai pensé que si je daignais répondre, cela leur fournirait des preuves écrites quant à mon présumé mauvais tempérament et ils insèreraient ma réponse dans leurs documents.

[25] Le 6 novembre 2001, M. Westwood a répondu ce qui suit : [traduction] Comme vous n'avez pas répondu [...], j'ai décidé de prendre les mesures suivantes. À cette note, était jointe une note de service à l'attention de M. Roffey avec copie conforme à M. Barnett. Dans cette note de service, M. Westwood a fait la déclaration suivante : [traduction] Pendant environ deux ans, j'ai eu de nombreux conflits avec Maureen en raison de sa haine et de son ressentiment envers le personnel de la direction. Jusqu'à tout récemment, sa carrière de chauffeur était sans tache. Après avoir fait un examen sérieux, et afin de conserver des relations respectueuses entre les chauffeurs d'Orillia et moi-même, je recommande que Maureen soit mutée à Weston Road (Toronto), et ce, à compter du 9 novembre 2001. La plaignante a affirmé dans son témoignage que, en raison de sa mutation à l'unité de Toronto, elle doit maintenant consacrer trois heures par jour pour faire la navette entre sa résidence et son nouveau lieu de travail.

[26] En ce qui concerne la mutation de la plaignante à l'unité de Toronto, lorsque celle-ci a interrogé M. Westwood, elle a tenté de lui faire admettre que la raison de cette décision était de donner l'occasion à Ron Roffey de mettre fin à son emploi. La première réponse de M. Westwood a été la suivante : [traduction] À l'époque, ils croyaient qu'ils pouvaient vous accorder un emploi à temps plein à Weston Road. Lorsque la plaignante lui a demandé ce qui suit : [traduction] Mais dans votre fort intérieur, vous ne croyez tout de même pas que Ron Roffey a fait les choses dans les règles en affirmant qu'il allait m'accorder un travail à temps plein à Toronto; c'était une façon de m'éloigner de vous de telle sorte qu'il puisse s'en occuper. N'est-ce pas?. Il a répondu avec hésitation et d'une manière très peu convaincante et il a ajouté ceci : [traduction] C'est fort possible. À l'époque, il semblait [...] que si c'était l'intention-je crois que son intention était tout simplement celle que vous venez tout juste de mentionner, mais je ne l'ai pas cru à l'époque.

[27] À l'audience, M. Westwood a affirmé que les nombreux conflits auxquels il faisait allusion dans la note susmentionnée étaient ceux qui avaient eu lieu avec la direction à Toronto et non pas nécessairement les conflits qu'il avait personnellement eus avec la plaignante. Tout au long de son témoignage, les souvenirs des événements relatés par M. Westwood étaient pour la plupart vagues et imprécis. M. Westwood semblait également très craintif, il semblait même s'excuser lorsqu'il a évalué l'attitude de la plaignante à l'époque où il était superviseur de l'unité d'Orillia. Il n'a blâmé que la direction, c'est-à-dire Ron Roffey et Terry Barnett, quant à la situation. Il est important de se rappeler que M. Westwood avait eu ses propres problèmes avec l'intimée; des problèmes qui l'avaient amené à perdre son emploi. Il avait même entrepris des procédures judiciaires pour congédiement injuste contre l'intimée et a éventuellement signé une entente de règlement avec elle. Il entretenait certainement ce que l'on pourrait appeler du ressentiment à l'égard de AZ Bus Tour car il estimait que celle-ci l'avait traité d'une manière injuste. Cela a certainement eu un effet sur son appréciation des faits.

[28] Bien qu'il puisse être vrai que M. Westwood a pu être quelque peu réticent en rapport avec certaines décisions prises par la direction concernant la plaignante, il a néanmoins signé les notes de service qui étaient adressés à cette dernière, lesquelles notes de service ont été rédigées, comme nous l'avons vu, dans des termes durs. Il ne m'a pas convaincu que, à l'époque, il ne souscrivait pas à l'appréciation qui était faite de la plaignante dans les notes de service susmentionnées. Je crois qu'il a souscris à l'opinion que la plaignante avait un problème de colère et qu'elle entretenait du ressentiment à l'égard de la direction. Il a affirmé dans son témoignage que lorsqu'il avait remplacé Tim Tanzola comme superviseur de l'unité d'Orillia, cela [traduction] avait rendu les choses plutôt embarrassantes pour la plaignante. Il a ajouté que, à un certain moment, la plaignante [traduction] espérait que Tim conserve le poste de superviseur et qu'elle a été [traduction] froissé que son mari démissionne de ce poste. Il a réitéré que la relation que la plaignante entretenait avec lui, à l'époque, était [traduction] plutôt embarrassante, mais il a affirmé dans son témoignage qu'ils ont éventuellement réglé les choses. Il est possible que les choses soient maintenant réglées, mais ce n'était pas le cas en 2001.

[29] La plaignante a renvoyé à la note de service concernant les chauffeurs à temps partiel travaillant sur des quarts de travail alternatifs qui a été écrite par M. Westwood et qui a été distribuées aux chauffeurs de l'unité d'Orillia le 2 novembre 2001. Elle a affirmé dans son témoignage que lorsque son mari occupait le poste de superviseur à l'unité d'Orillia, il n'y avait jamais eu aucun quart de travail alternatif. Elle a ajouté ce qui suit : [traduction]Pendant ce temps, nous avons organisé nos quarts de travail selon ce qui nous convenait le mieux. Certaines personnes aimaient travailler l'après-midi, certaines aimaient travailler le jour, et, comme je l'ai déclaré, mon mari et moi s'étions partagés les quarts de travail, l'un de nous deux travaillait le jour, l'autre travaillait le soir. Elle a affirmé dans son témoignage que John Westwood savait très bien que, en mettant en place ce système de rotation, il l'obligerait à quitter son travail. Elle a expliqué ce qui suit : [traduction] Ils savaient que, comme mon mari travaillait le jour, je devais travailler le soir ou que s'il travaillait le soir, je devais travailler le jour et que si la société alternait ces quarts de travail, je ne pourrais plus travailler pour elle. Bien qu'il soit possible que cette nouvelle organisation de la rotation des quarts de travail ait occasionné certains désagréments à la plaignante ainsi qu'à son époux, je ne vois pas le lien que cela peut avoir avec les allégations de discrimination fondée sur le sexe. Il est vrai que, comme elle l'a affirmé dans son témoignage, lorsque son mari était superviseur, ils avaient été capables d'établir une routine de travail qui répondait à leurs besoins familiaux et que cette routine était compromise par les changements qui étaient apportés, mais elle ne m'a pas convaincu que ces changements furent apportés dans le seul but d'agir de façon discriminatoire à son égard.

[30] La plaignante a cessé de travailler chez l'intimée le 9 novembre 2001.

B. L'analyse juridique

[31] La présente procédure n'est pas une action en congédiement injustifié. Ce dont je suis saisi, c'est d'une allégation faite par la plaignante selon laquelle elle a été victime de discrimination en cours d'emploi en raison de son sexe. Je dois répondre à cette question en me demandant si l'intimée a traité la plaignante d'une manière différente et préjudiciable en comparaison de ses collègues de sexe masculin ou si elle a été victime de harcèlement en raison de son sexe.

[32] Il est manifeste que la plaignante a ressenti beaucoup de frustration au cours de son emploi chez l'intimée, à tout le moins de 1999 au 9 novembre 2001. Il est également manifeste qu'elle est convaincue que l'intimée l'a traitée de manière injuste. Mais cela ne permet pas d'étayer ses allégations selon lesquelles elle a été victime de discrimination en raison de son sexe, et ce, en contravention des articles 7 et 10 de la Loi.

[33] L'article 7 prévoit ce qui suit : constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait de refuser d'employer ou de continuer d'employer un individu. Le sexe est compris dans les motifs de distinction illicite mentionnés à l'article 3 de la Loi. L'article 10 prévoit ce qui suit : constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, et s'il est susceptible d'annihiler les chances d'emploi ou d'avancement d'un individu ou d'une catégorie d'individus, le fait, pour l'employeur, de fixer ou d'appliquer des lignes de conduite. Contrairement aux plaintes déposées en vertu de l'article 7 de la Loi, lequel article a trait aux actes des employeurs touchant des personnes précises, l'article 10 de la Loi a trait à l'effet discriminatoire que les lignes de conduites fixées par un employeur peuvent avoir sur un individu ou sur une catégorie d'individus. Rien en l'espèce ne me permet de conclure que l'intimée a violé l'article 10 de la Loi.

[34] En ce qui a trait à la plainte déposée en vertu de l'article 7, la plaignante prétend que l'intimée a commis un acte discriminatoire, au sens de cet article, en la défavorisant en cours d'emploi, par des moyens directs ou indirects, pour un motif de distinction illicite, soit le sexe.

[35] Pour avoir gain de cause, les plaignants dans les causes en matière de droits de la personne doivent établir une preuve prima facie de discrimination. Une preuve prima facie est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur du plaignant, en l'absence de réplique de l'employeur intimé. (Ontario (Commission ontarienne des droits de la personne) c. Simpsons Sears Ltd, [1985] 2 R.C.S. 536, paragraphe 28.)

[36] La plaignante ne s'est pas acquittée de ce fardeau. Elle n'a jamais établi que l'intimée a commis un quelconque acte discriminatoire envers elle au cours de son emploi. La preuve n'a pas révélé qu'il existait, au lieu d'affaires de l'intimée, une inégalité découlant de lignes de conduite et que la plaignante a été victime de discrimination en raison de son sexe.

[37] Rien dans la preuve ne démontre que les lignes de conduite de l'intimée étaient fondées sur des préjugés et qu'elles étaient préjudiciables aux chauffeurs de sexe féminin. Au contraire, la preuve démontre que les employés de sexe masculin et les employés de sexe féminin devaient répondre aux mêmes exigences et posséder les mêmes compétences. La preuve n'a pas démontré que les chauffeurs de sexe masculin étaient mieux traités que les chauffeurs de sexe féminins. Les lignes de conduite de l'intimée n'empêchaient pas les employés de sexe féminin d'obtenir et de faire le même travail que les employés de sexe masculin.

[38] Les allégations de la plaignante n'établissent aucun lien entre la manière selon laquelle elle prétend avoir été traitée et le fait qu'elle était une femme. Afin de faire une analyse plus approfondie, je dois être convaincu que la plaignante s'est acquittée de son premier fardeau et qu'elle a établi une preuve prima facie de discrimination. La plaignante ne s'est pas acquittée de ce fardeau.

[39] La Loi n'a pas pour objet de sanctionner ce qui, selon un plaignant, constitue une faute de la part de son employeur, mais de prévenir la discrimination. Rien ne prouve qu'il y a eu discrimination en l'espèce.

II. CONCLUSION

[40] La plainte est donc rejetée.

Michel Doucet

OTTAWA (Ontario)
Le 22 août 2007

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T1107/8805

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Maureen Tanzola c. AZ Bus Tours Inc.

DATE ET LIEU
DE L'AUDIENCE :

Les 5 au 7 mars 2007

Le 3 mai 2007

Barrie (Ontario)

DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL :

Le 22 août 2007

ONT COMPARU :

Maureen Tanzola

Pour elle-même

Aucun représentant

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Natalia Chang

Pour l'intimée

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