Tribunal canadien des droits de la personne

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D. T. 5/ 89 Décision rendue le 17 mars 1989 DANS L’AFFAIRE DE LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA

PERSONNNE S. R. C. 1985, c. H- 6, version modifiée

ET DANS L’AFFAIRE d’une audience devant un tribunal des droits de la personne nommé en vertu de l’article 39 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

ENTRE: RICHARD RODERICK MORGAN Plaignant et LES FORCES ARMÉES CANADIENNES Mises en cause et LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE Commission

Tribunal Lyman R. Robinson, C. R.

DÉCISION DU TRIBUNAL

ONT COMPARU P. Lindsey- Peck Avocate de la Commission

M. Vincent et C. Starkey Avocats du plaignant

B. Saunders et Lt. Col. R. A. McDonald Avocats des mises en cause

Dates et lieu de l’audience Les 25 et 26 janvier 1989 Victoria (B.- C.)

TRADUCTION >

- 2 A moins de mentions contraires, dans la présente décision, le mot Loi désigne la Loi canadienne sur les droits de la personne, S. R. C. 1985, c. H- 6.

Dans le formulaire de plainte signé par Richard Morgan (ci- après appelé le plaignant), daté du 31 juillet 1983, celui- ci allègue avoir présenté sa candidature pour se rengager dans les Forces armées canadiennes et que sa demande a été rejetée pour le motif qu’il n’était pas en bonne santé. Le plaignant soutient que le ministère de la Défense nationale a alors perpétré un acte discriminatoire, lui refusant un emploi en violation de l’article 7 a) de la Loi. Le motif illicite de discrimination invoqué dans la plainte est la déficience physique.

Dès le début de l’audience, les avocats des parties se sont mis d’accord pour dire que le nom correct des mises en cause dans la présente affaire était les Forces armées canadiennes, et non pas le ministère de la Défense nationale, comme le mentionne le formulaire de la plainte et l’Avis de nomination d’un tribunal des droits de la personne, daté du 9 juin 1988.

RECONNAISSANCE DE RESPONSABILITÉ

Avant que le premier témoin ne soit appelé, les avocats des mises en cause ont annoncé que ces dernières reconnaissaient leur responsabilité à l’égard de ce qui suit : (traduction)

"n’avoir pas tenu compte comme il se doit de la demande de M. Morgan en 1980 c’est- à- dire avoir négligé d’obtenir à ce moment une évaluation psychiatrique récente du plaignant".

EXPOSÉ PRÉLIMINAIRE DES FAITS

Le plaignant est devenu membre des Forces armées canadiennes en 1973. Ayant reçu la formation de base, obligatoire pour toutes les recrues, il fut affecté au second bataillon de la Princess Patricia’s Canadian Light Infantry. Avant 1973, il avait fait partie des Cadets des Forces armées canadiennes.

En 1975, comme il était en poste à Winnipeg (Manitoba), il subit un grave accident de voiture. Cet accident se produisit un jour de congé et non pas dans le cadre de ses fonctions. Il fut gravement blessé à la tête et resta inconscient pendant plusieurs semaines.

Le 30 mars 1978, il reçut son congé des Forces armées canadiennes, en vertu de ce qu’il est convenu d’appeler une libération médicale 3A. Cette mesure se fondait sur une opinion médicale, selon laquelle M. Morgan avait subi une lésion au cerveau par suite de l’accident de voiture mentionné

plus haut. > - 3 Avant son licenciement, le plaignant avait le rang de simple soldat, à l’échelon salarial 4, et il occupait, dans les Forces armées, un poste de fantassin.

DEMANDE DE RÉENGAGEMENT

Après avoir été libéré pour raisons médicales, le plaignant chercha à obtenir la rente d’invalidité versée aux membres des Forces armées par la Maritime Life Insurance. Pour être admissible à ce régime, il devait subir un examen médical, ce qu’il fit. On lui déclara alors qu’il n’y avait rien d’anormal chez lui. Fort de ce renseignement, il voulut s’enrôler à nouveau dans les Forces. Il présenta une demande d’enrôlement d ment remplie, datée du 12 juin 1979, au bureau de recrutement des Forces armées, à Victoria. Dans une entrevue avec l’agent de recrutement, il sollicita un poste dans un des trois métiers suivants : cuisinier, technicien de véhicules et conducteur de matériel mobile de soutien (CMMS). Il déclara à l’agent de recrutement qu’il ne souhaitait pas réintégrer un poste de fantassin, mais qu’il accepterait de faire partie de l’infanterie si cela était indispensable pour être enrôlé de nouveau. Après une série de démarches, dont nous reparlerons, le plaignant reçut des Forces armées canadiennes une lettre datée du 17 avril 1980 l’informant qu’il n’avait pas été jugé médicalement apte au réenrôlement.

DÉDOMMAGEMENTS DEMANDÉS

Le plaignant demande à être dédommagé de la façon suivante :

  1. une ordonnance, en vertu de l’alinéa 52 (2) b) de la Loi, exigeant des Forces armées canadiennes qu’elles réenrôlent le plaignant et lui offrent, à la première occasion raisonnable, l’un des postes pour lesquels il a posé sa candidature;
  2. une ordonnance en vertu de l’alinéa 53 (2) c) de la Loi, exigeant des Forces armées canadiennes qu’elles accordent au plaignant une compensation pour les rémunérations qu’il aurait gagnées entre le moment où il aurait vraisemblablement d être réenrôlé, par suite de sa demande de 1980, et maintenant;
  3. l’adjudication de dommages- intérêts pour préjudice moral, aux termes de l’alinéa 53 (3) b) de la Loi;
  4. l’adjudication des intérêts courus sur les indemnités accordées. > - 4 -

OBJET DE LA LOI

L’objet de la Loi, énoncé dans l’article 2, est de donner effet au principe selon lequel tous ont droit, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l’égalité des chances d’épanouissement, indépendamment des considérations fondées sur certains motifs précis, y compris la déficience. Dans l’affaire Via Rail Canada Inc. c. Butterill et al [1982] 2 C. F. 830 (C. A. F.), le juge en chef Thurlow cite, à la page 841, sans en faire la critique, le passage suivant de la décision provisoire du tribunal:

"... la partie lésée doit être remise dans la position où elle aurait été si le tort qui lui a été causé ne s’était pas produit, dans la mesure où l’argent peut dédommager la partie lésée et dans la mesure où celle- ci reconnaît son obligation de prendre des mesures raisonnables pour atténuer ses pertes."

Dans l’affaire Greyhound Lines et al c. la Commission canadienne des droits de la personne (1987), 78 N. R. 192 (C. A. F.), M. le juge Heald, à la page 199, souscrit à la déclaration du président du tribunal, M. Kerr, lorsqu’il déclare:

(traduction)

"en ce qui concerne le refus d’embaucher le plaignant, ce dernier a le droit d’être rétabli dans le poste qu’il aurait occupé, n’e t été l’application par la mise en cause de sa politique relative à l’âge..."

DEMANDES DE RÉENROLEMENT ET D’INDEMNISATION POUR PERTES DE SALAIRE

Pour déterminer si, et dans quelle mesure, le plaignant a droit à une indemnisation pour pertes de salaire, il est nécessaire de se demander si la discrimination illicite que les mises en cause ont reconnue a eu pour effet de faire perdre un poste au plaignant ou de l’empêcher de concourir pour un poste.

Les avocats du plaignant et de la Commission ont soutenu que celui- ci avait perdu un poste auprès des mises en cause et qu’il y aurait lieu de lui accorder, à titre d’indemnité, les rémunérations qu’il aurait gagnées dans ce poste s’il avait été réengagé en 1980.

Les avocats des mises en cause ont affirmé que le plaignant n’avait pas été empêché d’occuper un poste, mais plutôt qu’on ne lui avait pas donné la chance de se présenter à un poste dans les Forces armées canadiennes, et de concourir avec d’autres candidats. La position des mises en cause est la suivante: même

> - 5 si le plaignant était médicalement apte en 1980, sa demande de réenrôlement n’aurait pas nécessairement été reçue, puisqu’il y avait plus de candidats

que de postes et que le choix se fonde sur plusieurs critères en plus de celui de l’état de santé.

Quelle différence y a- t- il entre se faire refuser un poste et se faire refuser la possibilité de concourir pour un poste? Si le plaignant a fait le nécessaire pour poser sa candidature et que le rejet de sa demande repose uniquement sur un motif illicite de discrimination, il s’agit d’un déni d’emploi. Lorsque le plaignant est éliminé de toute concurrence avant que sa demande d’emploi ne soit considérée, cela constitue la perte d’une possibilité de concourir pour un poste, si cette élimination est fondée sur un motif illicite de discrimination.

L’affaire Via Rail Canada Inc. c. Butterill et al, [1982] 2 C. F. 830 (C. A. F.) nous offre un très bon exemple de refus d’emploi. Dans cette affaire, le tribunal avait arrêté que la norme d’acuité visuelle ne constituait pas une exigence professionnelle justifiée et avait refusé d’accorder une indemnisation. En appel, le tribunal, dans une décision provisoire, avait jugé que les plaignants avaient droit à une indemnisation pour pertes de salaire, sans toutefois évaluer le montant de cette indemnité. La Cour d’appel fédérale a maintenu la décision provisoire du tribunal d’appel. Dans sa demande auprès de la Cour d’appel fédérale, Via Rail avait soutenu qu’il n’existait aucune preuve au dossier permettant au tribunal d’appel de conclure que les plaignants pouvaient satisfaire à des exigences moins sévères en matière de vision. Parlant au nom de la Cour, le juge en chef Thurlow déclare, à la page 844:

"A mon avis, la preuve de l’aptitude des plaignants à subir avec succès l’examen de la vue mentionné dans l’ordonnance du tribunal des droits de la personne ne constituait pas un élément qu’il leur incombait de prouver à l’appui de leur demande d’indemnité pour la perte de salaire subie de l’acte discriminatoire. A mon avis, ils ont mon avis, ils ont établi le bien- fondé de leur plainte lorsqu’ils ont prouvé qu’on avait refusé de les engager par suite d’un acte discriminatoire illégal."

Et plus bas sur la même page: ... si la requérante VIA pouvait repousser cette présomption en établissant des faits indiquant que les plaignants ne pouvaient satisfaire aux exigences professionnelles normales quant à leur vue..... c’était à elle qu’il appartenait de rapporter la preuve de tels faits devant le tribunal. Une telle preuve n’ayant pas été faite, son objection ne saurait être accueillie.. (Soulignement ajouté)

> - 6 En ce qui concerne la perte d’une possibilité de concourir pour un poste, nous en trouvons un excellent exemple dans l’affaire Greyhound Lines et al c. la Commission canadienne des droits de la personne et al (1987), 78 N. R. 192 (C. A. F.). Le plaignant s’était fait refuser la possibilité d’être

admis au programme de formation des chauffeurs de Greyhound, en raison d’un motif illicite de discrimination. La réussite à ce programme de formation constituait un préalable à une candidature. Le tribunal a ordonné à Greyhound d’offrir au plaignant la première place disponible dans son programme de formation, et non pas de lui donner un poste. Il est clair que la discrimination illicite avait ici pour effet d’empêcher le plaignant d’acquérir le préalable qui lui aurait permis de solliciter un poste. Même après avoir réussi au programme de formation des chauffeurs, le plaignant aurait encore d répondre aux autres exigences liées à l’emploi de chauffeur d’autobus.

Il existe d’autres exemples de possibilités perdues, notamment des cas où des candidats devaient répondre à toute une gamme de normes ou réussir à une série de tests, mais ont été empêchés d’exécuter complètement la démarche de sollicitation d’emploi en raison de motifs illicites de discrimination. Citons les affaires Lewington et al c. Vancouver Fire Department et al (1985), 7 C. H. R. R. D/ 3247 (Commission d’enquête de la Colombie- Britannique; Dantu c. North Vancouver District Fire Department et al, (1986), 8 C. H. R. R. D/ 3649 (Commission d’enquête de la Colombie- Britannique; Boucher c. Le Service correctionnel du Canada (1988) 9 C. H. R. R. D/ 4910 (tribunal des droits de la personne). Dans chacune de ces affaires le plaignant avait été éliminé et empêché, pour un motif illicite de discrimination, de participer à un concours, avant la fin de sa démarche. On peut ajouter à cette série l’affaire Chapdelaine et al c. Air Canada et al (1987), 9 C. H. R. R. D/ 4449 (tribunal des droits de la personne).

Dans l’affaire qui nous occupe, la preuve nous met- elle en présence d’un cas de perte d’emploi ou de perte de possibilité de concourir pour un emploi? Pour répondre à cette question, il nous faut examiner brièvement la filière par laquelle passe la demande de réenrôlement dans les Forces armées canadiennes. Le déroulement nous en a été décrit par Eugene A. Flewelling, qui, à l’époque où la demande du plaignant aurait été examinée, était responsable de la section des opérations, à la direction du recrutement et de l’organisation de la sélection des Forces armées canadiennes. Toute demande de réenrôlement déposée par un ancien membre des Forces dans les cinq ans de son départ était traitée différemment d’une demande émanant d’une personne qui n’avait jamais appartenu aux Forces armées. C’est le Centre de recrutement des Forces qui s’occupait de la présélection. Dans le cas du plaignant, sa demande a été soumise au centre de

> - 7 recrutement de Victoria, et la présélection a été entreprise par ce bureau. Les formalités comprenaient l’examen des exigences d’admissibilité de base et l’examen du dossier de l’ancien membre afin de déterminer s’il avait fourni un service satisfaisant et s’il avait connu des problèmes de discipline. En l’absence d’obstacles, on prenait les arrangements en vue d’un examen médical.

C’est généralement le médecin chef de la base qui effectue les examens médicaux. Lorsqu’un candidat a fait l’objet d’un examen et d’un rapport médical par un membre des Forces armées dans l’année précédant l’instruction de sa demande d’enrôlement, ce rapport est considéré comme toujours valide. Le plaignant avait été examiné par le Dr Henderson de la BCA d’Esquimalt dans l’année précédant l’instruction de sa demande. Le rapport du Dr Henderson a été déposé en tant que pièce R- 1, étiquette 3. Après avoir fait passer quelques tests psychologiques au plaignant, le Dr Henderson a conclu qu’il était apte à l’enrôlement.

Lorsqu’un candidat est jugé médicalement apte à l’enrôlement, le centre de recrutement convoque un jury, composé d’au moins deux officiers, pour rencontrer le candidat en entrevue. Ce jury procède à un examen complet de tout ce que le candidat a fait depuis qu’il a quitté les Forces armées. Il évalue ensuite le candidat et recommande son réenrôlement ou son rejet. L’évaluation et la recommandation sont transmises par le commandant du Centre de recrutement au Quartier général de la Défense nationale, à Ottawa.

L’évaluation du plaignant, M. Morgan, a été établie par le Capitaine Ujimoto, commandant du Centre de recrutement de Victoria. Il a recommandé que le plaignant soit réenrôlé.

La décision d’accepter ou non une demande de réenrôlement se prend à la Section des opérations du Quartier général de la Défense nationale à Ottawa. Les raisons pour lesquelles les décisions finales à cet égard se prennent à Ottawa sont multiples. Étant donné qu’une étape ou l’autre de la formation peut avoir été escamotée, il est nécessaire d’évaluer le niveau et l’actualité des compétences acquises précédemment par le candidat au regard des fonctions qu’il souhaite occuper. Les demandes des anciens membres sont regroupées ensemble et le principe de la concurrence leur est appliqué, pour les postes disponibles. La section des opérations tient compte de l’état de santé, du niveau d’instruction et des caractéristiques personnelles du candidat par rapport aux exigences de la classification professionnelle à laquelle celui- ci prétend. M. Flewelling a expliqué qu’à certaines occasions, lorsque le dossier d’un candidat indique un éventuel problème médical, la section des opérations peut demander

> - 8 une réévaluation du dossier. C’est ce qui s’est produit pour le plaignant. Ainsi, le Colonel R. B. Pritchard, qui était directeur par intérim des services des traitements médicaux au bureau du Chef, Service de santé, a procédé au réexamen. Son rapport, daté du 26 mars 1980, a été déposé en tant que pièce R- 1, étiquette 7. Il y déclare ce qui suit:

(traduction)

"Sur la foi d’un examen complet du dossier, nous ne jugeons pas indiqué pour des raisons médicales, de recommander une reprise du service militaire."

Les responsables de l’enrôlement à Ottawa décidèrent que le plaignant ne serait pas réenrôlé. Le Colonel Vandal, directeur du service de l’enrôlement à Ottawa, communiqua cette décision au centre de recrutement de Victoria. Ce message a été déposé comme pièce R- 1, étiquette 8. On y lit ce qui suit:

(traduction)

"Le bureau du Chef du service de santé a procédé à un examen très complet du cas. Les résultats nous amènent à conclure que le sujet n’est pas médicalement apte au réenrôlement. Affaire classée."

Une lettre du Capitaine Ujimoto, datée 17 avril 1980, a fait connaître cette décision au plaignant. Elle a été déposée comme pièce R- 1 étiquette 9. L’auteur ne donne qu’une seule raison au rejet de la demande du plaignant, à savoir que ce dernier n’avait pas été jugé médicalement apte à l’enrôlement.

D’après la preuve documentaire présentée dans cette affaire, la seule raison du rejet qui soit mentionnée aussi bien dans la décision communiquée par le quartier général au centre de recrutement de Victoria que dans la lettre envoyée au plaignant, est l’état de santé du plaignant. Les mises en cause n’ont déposé devant le présent tribunal aucun élément de preuve démontrant que le plaignant était incapable de remplir une exigence professionnelle justifiée.

Les mises en cause ont déposé des pièces tendant à prouver que les demandes qu’elles avaient reçues au cours de l’année 1980 étaient environ trois fois plus nombreuses que les postes disponibles et qu’elles s’étaient donc trouvées dans l’impossibilité de les accepter toutes. Il a également été démontré en preuve qu’à l’époque où le plaignant a sollicité un réenrôlement, les Forces armées étaient surdotées en cuisiniers, en techniciens de véchicules, et en conducteurs de matériel mobile de soutien. Toutefois, rien ne nous a été présenté pour démontrer que les mises en cause avaient rejeté la demande du plaignant parce que,

> - 9 dans le cadre de la concurrence avec d’autres anciens membres du service, les compétences, l’instruction et les autres caractéristiques du plaignant avaient été jugées moins méritoires. Qui plus est, rien ne prouve que les mises en cause aient rejeté la demande du plaignant parce que tous les postes que celui- ci sollicitait étaient surdotés.

M. Flewelling a déclaré dans son témoignage qu’au moment d’examiner la demande du plaignant, à Ottawa, les responsables s’étaient interrogés sur trois points. Premièrement, certaines préoccupations ont été soulevées quant à l’avis médical reçu du Dr Pritchard. Deuxièmement, des questions se posaient à propos de l’impolitesse du plaignant à l’égard du personnel administratif et du personnel du centre des examens médicaux. Troisièmement on s’est inquiété du fait que le plaignant avait été condamné

au cours de l’année antérieure pour un délit lié à l’alcool (conduite d’un véhicule moteur alors que la teneur aloolique de son sang dépassait 0,08). En ce qui concerne la deuxième préoccupation, c’est le capitaine Ujimoto, du Centre de recrutement de Victoria, qui était le mieux placé pour en juger. Or, il avait recommandé l’acceptation de la demande du plaignant. Pour ce qui touche la troisième préoccupation, M. Flewelling a reconnu en contre- interrogatoire, qu’il n’était pas inhabituel pour les Forces armées canadiennes d’enrôler un candidat qui a déjà été condamné pour un délit lié à l’alcool. Ce qui est plus important, toutefois, c’est que ni la deuxième ni la troisième préoccupations n’ont été invoquées en tant que raison du rejet de la demande du plaignant.

Quant à toutes les raisons éventuelles de rejeter la demande du plaignant, si elles avaient réellement constitué un motif, la chose aurait certainement été consignée dans les documents et signifiée au plaignant. En l’absence de mention de ces raisons, je dois conclure qu’à défaut de motif médical, les mises en cause auraient accepté la demande du plaignant en vue d’un réenrôlement. En fait, M. Flewelling a expliqué que les candidats au réenrôlement qui n’avaient pas quitté les Forces armées depuis longtemps recevaient un traitement plus favorable que les candidats n’ayant reçu aucune formation militaire, en raison de l’économie que cela pouvait représenter.

En conséquence, je conclus que la seule raison que les mises en cause avaient pour rejeter la demande du plaignant en 1980 était son dossier médical. D’ailleurs, les mises en cause ont reconnu n’avoir pas tenu compte de cet aspect de façon appropriée. D’après la preuve devant moi, je constate que l’effet de la négligence des mises en cause de tenir d ment compte de la demande du plaignant a été, pour le plaignant, de se voir refuser un emploi pour un motif illicite de discrimination.

> - 10 Plusieurs conséquences s’ensuivent. Premièrement, le plaignant a droit à une ordonnance en vertu de l’alinéa 53 (2) b) exigeant que les mises en cause l’enrôlent de nouveau et qu’elles lui offrent, à la première occasion raisonnable, l’un des postes auxquels il a posé sa candidature. Deuxièment, le plaignant a droit à une ordonnance en vertu de l’alinéa 53 (2) c) exigeant que les mises en cause lui versent une indemnisation proportionnée aux rémunérations dont il a été privé. Il sera question plus bas du montant exact de cette indemnisation.

LA DEMANDE DE RÉENROLEMENT DU PLAIGNANT

En ce qui concerne l’ordonnance d’enrôler le plaignant à nouveau, les avocats des mises en cause ont soutenu qu’une telle ordonnance, si elle était émise, ne devrait être exécutoire qu’à condition que le plaignant passe un nouvel examen médical. A mon avis, cette condition n’est pas justifiée. L’objectif visé est de rétablir le plaignant, dans la mesure du possible, dans la situation où il aurait été si sa demande avait été traitée équitablement en 1980. A l’époque, il était en possession d’une

évaluation médicale valide, émanant du Dr Henderson, selon laquelle il était apte à l’enrôlement. Il est possible que l’état de santé du plaignant se soit détérioré quelque peu depuis son dernier examen médical à titre de militaire, en 1979. Si cela était le cas, il faudrait qu’il soit traité après son réenrôlement, de la même manière que s’il était entré à nouveau dans les Forces armées en 1980 et que ce nouvel état de santé n’avait été découvert qu’en 1989.

L’ordonnance devra disposer que les mises en cause réenrôleront le plaignant et lui offriront, à la première occasion raisonnable, un des postes qu’il a sollicités. D’après la preuve, le plaignant a déclaré à l’agent de recrutement qu’il se portait candidat à l’un ou l’autre des trois postes suivants : cuisinier, technicien de véhicules et conducteur de matériel mobile de soutien, et qu’il accepterait de travailler comme fantassin si cela était nécessaire pour être réenrôlé.

Les avocats des Forces armées ont fait remarquer que si l’ordonnance disposait seulement que leur client devait offrir un poste au plaignant à la première occasion raisonnable, on pourrait se demander s’il ne suffirait pas, pour remplir cette obligation, d’offrir un poste dans n’importe laquelle des catégories professionnelles susmentionnées, le plaignant étant tenu d’accepter la première offre. Afin de lever cette incertitude, l’ordonnance devra disposer que les mises en cause sont tenues d’offrir au plaignant le premier poste disponible dans l’une ou l’autre des catégories évoquées plus haut. Dans le cas où la première offre concernerait un poste de fantassin et que le

> - 11 plaignant ne l’accepterait pas, les mises en cause seraient tenues d’offrir au plaignant le premier poste vacant parmi les autres catégories mentionnées. En cas de refus d’une première offre parmi les trois catégories restantes, les mises en cause se seront acquittées de ce volet de leurs obligations et ne seront pas tenues de faire une autre offre au plaignant.

MONTANT DE L’INDEMNISATION POUR PERTES DE SALAIRE

J’ai déjà conclu que le plaignant avait droit à une indemnisation pour pertes de salaire. Il reste donc à évaluer le montant de son manque à gagner. A cette fin, de nombreux facteurs doivent être pris en compte.

LA DATE A LAQUELLE DOIT COMMENCER LE CALCUL DE L’INDEMNITÉ

L’acte de discrimination illicite, que les mises en cause ont reconnu, s’est produit au moment où elles ont pris la décision de rejeter la demande de réenrôlement du plaignant, pour motifs médicaux. Cette décision a été prise le ou vers le 15 avril 1980. Si l’on avait décidé d’accueillir la demande du plaignant, d’après le témoignage de M. Flewelling, il aurait fallu consulter le chef d’équipe de la catégorie professionnelle en question et déterminer où le plaignant serait envoyé ainsi que la mesure

dans laquelle ses états de service antérieurs et compétences seraient reconnus. Ces formalités demandent généralement entre un et trois mois, à partir de la date de la décision. Le plaignant n’aurait donc reçu aucun salaire avant la fin de cette démarche et son affectation auprès d’une unité quelconque. En preuve, les mises en cause ont déposé à titre de pièce R- 3, trois tableaux indiquant le revenu que le plaignant aurait reçu, selon qu’il aurait commencé le 1er mai 1980, le 1er juin 1980 ou le 1er juillet 1980. Je n’estime pas déraisonnable de choisir le 1er juillet 1980 comme date à laquelle le plaignant aurait commencé à gagner un revenu s’il avait été réenrôlé. Le scénario 1C de la pièce R- 3 indique quelle solde le plaignant aurait reçue s’il avait commencé à être rémunéré le 1er juillet 1980.

LA DATE A LAQUELLE LE CALCUL DE L’INDEMNITÉ DOIT S’ARRETER

Normalement, l’ordonnance d’indemnisation pour perte de salaire vise la période se terminant par l’audience du tribunal. En l’espèce, toutefois, nous devons retenir certaines considérations. Le plaignant n’a déposé sa plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne que le 31 juillet 1983, soit plus de trois ans après la date à laquelle il a été informé que sa demanded’enrôlement avait été rejetée. En vertu de la Loi, le dépôt des plaintes n’est pas sujet à une limite de temps. Néanmoins, le fait que le plaignant ait laissé s’écouler un délai

> - 12 substantiel avant d’amorcer sa démarche doit peser dans la balance lorsqu’il s’agit d’évaluer l’indemnité pour pertes de salaire et si une ordonnance disposant que les mises en cause doivent offrir au plaignant le premier poste vacant est émise. Si, dans ces circonstances, l’on ne tenait pas compte du retard, les mises en cause seraient tenues de rémunérer le plaignant pour ses services pendant une longue période, sans avoir pu en tirer avantage. Il a fallu un certain temps au plaignant, après réception de la lettre annonçant le rejet de sa demande, pour réfléchir à sa situation, prendre des renseignements et consulter des experts. J’estime raisonnable d’attendre d’un plaignant qu’il dépose sa plainte dans un délai d’une année. Si cela avait été le cas, l’audience du tribunal aurait probablement déjà été tenue et les ordonnances relatives au réenrôlement et au versement de l’indemnisation pour perte de salaire aurait, peut- on supposer, été prononcées au moins deux ans plus tôt. En conséquence, les mises en cause auraient pu profiter des services du plaignant depuis le 1er janvier 1987. Nous estimons donc que le plaignant ne devrait recevoir aucune indemnisation pour le salaire qu’il aurait gagné au cours des années 1987 et 1988 et des premiers mois de 1989.

Le plaignant devra donc recevoir une indemnisation pour les rémunérations perdues au cours de la période s’étendant du 1er juillet 1980 au 31 décembre 1986.

ATTÉNUATION DES DOMMAGES

Il revient nettement au plaignant, dans de telles circonstances, de veiller

à atténuer ses pertes de salaire en cherchant un autre emploi rémunéré. Toutes les sommes que le plaignant a gagnées au cours de la période ouvrant droit à une indemnisation (du 1er juillet 1980 au 31 décembre 1986), doivent être déduites de son indemnisation. S’il a négligé, entièrement ou partiellement, de remplir ce devoir d’atténuation de ses pertes, nous devons en tenir compte en réduisant son indemnisation.

Comme le plaignant ne sera pas indemnisé pour les salaires perdus au cours des années 1987, 1988 et 1989, les revenus reçus au cours de ces années n’entraîneront aucune déduction.

Si le plaignant a omis de chercher un emploi rémunérateur ou s’il a abandonné volontairement un poste, cela peut constituer un manquement à son devoir d’atténuation de ses pertes. Le plaignant, dans son témoignage, a énuméré ses tentatives d’obtenir un emploi stable après que sa demande d’enrôlement eut été rejetée. Il a présenté sa candidature à la Gendarmerie royale du Canada, au Service pénitentiaire fédéral, au service correctionnel provincial, à divers corps municipaux de police et au service du Shériff de la Colombie- Britannique. Ces tentatives de trouver un emploi

> - 13 stable ont été corroborées par M. O’Sullivan, qui était un voisin du plaignant pendant la majeure partie de la période qui nous intéresse, et qui l’a conseillé pour ses démarches. Le plaignant a également déclaré dans son témoignage qu’au cours de cette période, il était retourné aux études dans le but d’améliorer ses chances d’emploi. Il a notamment suivi un cours d’anglais au Camosun College et obtenu un diplôme équivalent au niveau de la douzième année. Il a également suivi un cours de conduite à la Victoria School of Driving et obtenu un permis de catégorie 3, qui le rendait apte à devenir chauffeur de camion. Il a aussi suivi le cours de premiers soins de l’Ambulance Saint- Jean. Malheureusement, la plupart des postes qu’il a obtenus étaient ou bien à temps partiel ou bien de courte durée. A plusieurs reprises, il a travaillé pour un employeur qui a fait faillite au cours de la récession économique survenue au début des années 80 en Colombie- Britannique. Sauf en deux occasions, j’estime que le plaignant a rempli son devoir, en ce qui concerne l’atténuation de ses pertes de salaire.

En deux occasions, en effet, le plaignant n’a pas entièrement rempli son devoir à cet égard. Il a démissionné volontairement deux fois d’un poste à plein temps. En 1980, il travaillait au service de l’alimentation du Royal Jubilee Hospital de Victoria. Il a délibérément donné sa démission parce que, selon son témoignage, il préférait travailler au grand air. En 1981, il a travaillé en tant que manoeuvre chez Steel Brothers Canada Ltd., où il manipulait des panneaux préfabriqués. Là encore, il a délibérément donné sa démission. Son explication est la suivante : on risque vraiment de se blesser à force d’emballer des panneaux préfabriqués sans arrêt. Dans ces deux cas, rien ne nous indique qu’il avait une autre situation en vue. En conséquence, il ne faudrait pas que les mises en cause soient obligées d’indemniser le

plaignant pour les salaires qu’il aurait gagnés dans ces postes pendant un certain temps (nous en reparlerons) à la suite de ces démissions volontaires.

Une bonne partie des éléments de preuve concernant l’atténuation des pertes nous ont été présentés en fonction des années civiles. J’adopterai donc le même calendrier pour établir ma décision.

1980 La copie de travail de la déclaration de revenus du plaignant pour 1980 (pièce C- 1, étiquette 4) indique que son revenu total provenant d’un emploi pour cette année, avant toute déduction, a été de 1833,24 $. D’après le témoignage du plaignant, il semble que l’ensemble de ce montant a été gagné après le 15 avril 1980.

> - 14 Il faut donc le déduire entièrement de l’indemnisation à laquelle le plaignant devrait autrement avoir droit pour 1980.

Outre les revenus annoncés dans sa déclaration de revenus, le plaignant a déclaré avoir gagné d’autres sommes en aidant au chargement et au déchargement de camions de déménagement. Pour ce travail, il a été payé en espèces et n’a reçu aucun feuillet T- 4 pour fins fiscales. Il n’a pas pris note des montants ainsi gagnés. En contre- interrogatoire, il a déclaré ne pas avoir gagné plus de 200 $ de cette façon en 1980. Il faut également soustraire cette somme de l’indemnisation à laquelle le plaignant aurait autrement droit pour l’année 1980.

Toujours en 1980, le plaignant a travaillé à l’emploi du Royal Jubilee Hospital. Il a démissionné de son propre chef et, apparemment, sans autre situation en vue. Rien ne nous a été fourni en preuve sur les tarifs salariaux ni sur la durée au cours de laquelle le plaignant a occupé son poste cette année- là au Royal Jubilee Hospital, ni non plus sur le salaire qu’il y recevait. D’après le montant total gagné à cet hôpital, il est évident que le plaignant n’y est resté que très peu de temps. Il s’agissait d’un poste syndiqué. Il est donc probable qu’il gagnait plus que le salaire minimum. En conséquence, je pose comme hypothèse que le montant gagné au Royal Jubilee Hospital, à savoir 325,28 $, représente un salaire hebdomadaire de 162,64 $. Le plaignant a occupé, au cours de 1980, des postes chez quatre autres employeurs, qui lui ont transmis chacun un feuillet T- 4. La plupart de ces quatre emplois ne concernaient pas un travail susceptible d’être exécuté au cours des mois d’été. J’en déduis donc que le plaignant a été à l’emploi du Royal Jubilee Hospital au cours des deux dernières semaines de septembre 1980. Les emplois dans les hôpitaux ne sont pas sujets aux fluctuations saisonnières, et rien ne nous permet de croire que le plaignant n’aurait pas pu conserver son poste jusqu’à la fin de 1980, c’est- à- dire pendant 13 semaines supplémentaires. Il aurait alors gagné 2 114,32 $ de plus. Ce montant doit donc aussi être déduit de l’indemnisation à laquelle le plaignant aurait autrement droit

pour l’année 1980. Les déductions à soustraire de l’indemnisation à laquelle le plaignant aurait droit pour 1980 sont les suivantes :

Revenus selon les feuillets T- 4 1 833,24 $ Revenus occasionnels en espèces 200,00 Défaut de conserver

le poste du Royal Jubilee Hospital 2 114,32 DÉDUCTION TOTALE POUR 1980 4 092,56

> - 15 1981

La copie de travail de la déclaration de revenus du plaignant pour l’année 1980 (pièce C- 1, étiquette 5) indique que son revenu total provenant d’emplois en 1980 a été de 770,17 $. Ce montant doit être entièrement déduit de l’indemnisation à laquelle le plaignant aurait autrement droit pour l’année 1981.

Dans son témoignage le plaignant a déclaré avoir gagné un revenu supplémentaire en aidant au chargement ou au déchargement de camions de déménagement. Il a été payé en espèces et n’a reçu aucun feuillet T- 4 pour fins fiscales. Il n’a pas pris note des sommes gagnées de cette façon. En contre- interrogatoire, le plaignant a déclaré avoir peut- être gagné jusqu’à 500 $ de cette façon au cours de 1981. Ce montant doit donc être déduit de l’indemnisation brute à laquelle il a droit.

Le plaignant a gagné 699,48 $ chez Steel Brothers Canada Ltd. Il a délibérément démissionné de ce poste, sans avoir d’autre situation en vue. La preuve ne contient aucun renseignement sur la période de l’année à laquelle le plaignant a occupé son poste chez Steel Brothers ni sur le tarif de sa rémunération. D’après le montant gagné, le plaignant n’y est manifestement pas resté longtemps. Il s’agissait d’un poste syndiqué. Il est donc probable que ses rémunérations aient été supérieures au salaire minimum. Je déduis que la somme de 699,48 $ représente un salaire hebdomadaire de 349,74 $. Les emplois dans l’industrie du bâtiment ne sont pas aussi stables que dans certains autres secteurs de l’économie. Les postes ne durent souvent que jusqu’au moment où l’entrepreneur ou le sous- traitant achève son projet. Il est impossible de déterminer pendant combien de temps le plaignant aurait été à l’emploi de Steel Brothers Canada Ltd. s’il n’avait pas délibérément donné sa démission. Je ne crois pas déraisonnable de supposer que son poste de manoeuvre chez Steel Brothers Canada Ltd. se serait prolongé pendant encore 10 semaines. Il aurait alors gagné 3 497,40 $ de plus. Cette somme doit donc être déduite de l’indemnisation à laquelle le plaignant aurait autrement droit pour l’année 1981.

Les déductions à soustraire de l’indemnisation à laquelle le plaignant aurait autrement droit pour 1981 sont :

Revenus selon les feuillets T- 4 770,17 $ Revenus occasionnels en espèces 500,00 Défaut de conserver son poste

chez Steel Brothers Canada Ltd. 3 497,40 DÉDUCTIONS TOTALES POUR 1981 4 767,57

> - 16 1982

La copie de travail de la déclaration de revenus du plaignant pour 1982 (pièce C- 1, étiquette 6) indique que son revenu total provenant d’emplois pour 1982 a été de 901,46 $. Toute cette somme doit être déduite de l’indemnisation à laquelle il aurait autrement droit.

En contre- interrogatoire, le plaignant a nié avoir gagné en 1982 un revenu non déclaré en chargeant ou en déchargeant des camions de déménagement. En conséquence, aucune déduction à cet égard ne sera faite pour 1982 ni pour les années suivantes.

La seule déduction à soustraire de l’indemnisation à laquelle il aurait autrement droit pour 1982 sera donc de 901,46 $.

1983 La copie de travail de la déclaration de revenus du plaignant pour 1983 (pièce C- 1, étiquette 7) indique que son revenu total provenant d’emplois a été de 4 861,80 $. Toute cette somme doit être déduite de l’indemnisation brute payable pour 1983.

1984 La copie de travail de la déclaration de revenus du plaignant pour 1984 (pièce C- 1, étiquette 8) indique que son revenu total provenant d’emplois a été de 5 511,12 $. L’ensemble de cette somme doit être déduite de l’indemnisation à laquelle il aurait autrement droit pour 1984.

1985 La copie de travail de la déclaration de revenus du plaignant pour 1985 (pièce C- 1, étiquette 9) indique que son revenu total provenant d’emplois pour 1985 a été de 508,52 $. Toute cette somme doit être déduite de l’indemnisation à laquelle il aurait autrement droit pour cette année là.

En outre, cette même année, le plaignant a reçu des prestations d’assurance- chômage totalisant 8 761 $. Pour des raisons que nous expliquerons plus tard, cette somme ne doit pas être déduite de l’indemnisation brute mais plutôt remise par les mises en cause au Receveur général du Canada.

> - 17 1986

Dans son témoignage, le plaignant a déclaré avoir travaillé, cette année là, à trois projets au chantier de construction navale. Aucune copie de travail de la déclaration de revenus du plaignant n’a été déposée en preuve, mais un imprimé informatique a été obtenu auprès de Revenu Canada et déposé à titre de pièce C- 1 étiquette 10. Ce document indique que le revenu total tiré d’emplois du plaignant pour 1986 a été de 9 391 $. Toute cette somme doit être déduite de l’indemnisation à laquelle il aurait autrement droit pour 1986.

En outre, le plaignant a reçu, cette même année, 376 $ en prestations d’assurance- chômage. Cette somme ne sera pas déduite, pour des raisons qui seront expliquées plus bas.

CALCUL DE L’INDEMNISATION POUR PERTES DE SALAIRE

Pertes de sal. selon R- 3 Déduction Année scénario 1C d’atténuation Pertes de sal. net

1980 : 6 504 $ - 4 092,56 $ = 2 411,44 $ 1981 : 14 319 $ - 4 767,57 $ = 9 551,43 $ 1982 : 16 392 $ - 901,46 $ = 15 490,54 $ 1983 : 17 592 $ - 4 861,80 $ = 12 730,20 $ 1984 : 21 918,33 $ - 5 511,12 $ = 16 407,21 $ 1985 : 24 538 $ - 508,52 $ = 24 029,48 $ 1986 : 25 950,33 $ - 9 391 $ = 16 559,33 $

TOTAUX : 127 213,66 $ 30 034,03 $ = 97 179,63 $ PRESTATIONS D’ASSURANCE- CHOMAGE L’avocate de la Commission a soutenu que le montant des prestations d’assurance- chômage ne devrait pas être déduit de l’indemnisation brute. A l’appui de son argument, elle a cité les affaires Piazza c. Airport Taxicab (1987), 9 C. H. R. R. D/ 4548 (Cour suprême de l’Ontario); Torres c. Royalty Kitchenware Limited (1982), 3 C. H. R. R. D/ 858 (Comm. d’enquête de l’Ontario) et Gadowsky c. School Committee of the County of Two Hills, No. 21 (Alberta, B. R.). Elle a également, du même coup, signalé à mon attention l’affaire Foulger c. Bremco Holdings Ltd. (1984), 5 C. H. R. R. D/ 2229 (C.- B. Commission d’enquête), dans laquelle la Commission avait déduit les prestations d’assurance- chômage de l’indemnisation brute à payer.

> - 18 L’avocate de la Commission a également soutenu que le bénéficiaire de

prestations d’assurance- chômage n’était nullement tenu de rembourser ses prestations lorsqu’il recevait subséquemment une indemnisation pour pertes de salaire.

Dans l’affaire DeJager c. Ministère de la Défense nationale (1987) C. H. R. R. D/ 3963 (Tribunal des droits de la personne), l’ordonnance disposait que la compensation devait s’accompagner d’un remboursement des prestations d’assurance- chômage.

D’après mon interprétation des articles 37 et 38 de la Loi sur l’assurance- chômage, S. R. C. 1985, c. U- 1, le montant des prestations d’assurance- chômage reçues par le plaignant au cours d’une période pour laquelle il reçoit une indemnisation doivent être remboursées au Receveur général du Canada. Trois scénarios différents sont envisagés dans ces articles 37 et 38.

  1. Si une ordonnance visant le paiement d’une indemnisation pour pertes de salaire est faite en application d’une sentence arbitrale, d’un jugement d’un tribunal ou de toute autre décision, à l’égard de la même période pour laquelle les prestations d’assurance- chômage ont été versées à un prestataire (en l’espèce le plaignant) et que l’ordonnance ne tient pas compte de l’assurance- chômage, d’après le paragraphe 38 (1), l’employeur ou une personne autre (en l’occurrence les mises en cause) se trouvent par la suite tenus de vérifier quel montant a été versé en prestations d’assurance- chômage pendant la période en question et de rembourser le montant total au Receveur général.
  2. Si la sentence arbitrale, le jugement du tribunal ou une autre décision ordonne que soient déduites les prestations d’assurance- chômage payables par le mis en cause au plaignant, ce mis en cause se trouve par la suite tenu, en vertu du paragraphe 38 (2) de la Loi sur l’assurance- chômage, de rembourser au Receveur général du Canada un montant équivalant à la déduction.
  3. Si la sentence arbitrale, le jugement du tribunal ou une autre décision n’ordonne pas que soient déduites les prestations d’assurance- chômage et que l’employeur ou une autre personne (en l’occurrence, les mises en cause) omettent de déduire le montant des prestations d’assurance- chômage ainsi que l’exige le paragraphe 38 (1) et payent le montant total adjugé au plaignant, celui- ci se trouve par la suite tenu, d’après l’article 37, de verser au Receveur général un montant équivalant aux prestations d’assurance- chômage qui ne lui auraient pas été versées si, au moment où elles l’ont été, la rémunération avait été ou devait être versée.

> - 19 Quelle que soit la façon dont la question de l’indemnisation est traitée, donc, les prestations d’assurance- chômage doivent être remboursées.

Dans notre affaire, la preuve indique que le plaignant a reçu 9 137 $ en prestations d’assurance- chômage au cours de la période à l’égard de laquelle les mises en cause doivent, en vertu de l’ordonnance, lui verser une indemnisation pour pertes de salaire. Aucune déduction ne sera faite sur l’indemnisation adjugée, mais il faudra que l’ordonnance visant l’indemnisation exige des mises en cause qu’elles se conforment à l’article 38 de la Loi sur l’assurance- chômage. Cet article 38, oblige légalement les mises en cause à vérifier le montant des prestations versées au cours de la période à l’égard de laquelle elles sont tenues, en vertu de l’ordonnance, de verser l’indemnisation, puis de rembourser ce montant au Receveur général.

VERSEMENTS D’AIDE SOCIALE

Au cours du contre- interrogatoire du plaignant, nous avons appris qu’outre ses revenus d’emplois et ses prestations d’assurance- chômage, il avait reçu une aide des services du Bien- être social de la province de Colombie- Britannique pendant différentes périodes, entre avril 1980 et mai 1988. Le plaignant ne considérait pas les versements d’aide sociale comme un revenu et n’a pas consigné les sommes reçues. L’avocat n’avait pas prévu l’incidence possible de ces paiements sur la question de l’indemnisation. Ayant compris l’importance de la chose, l’avocat du plaignant a déposé une demande urgente auprès du ministère des services sociaux et du logement de la Colombie- Britannique afin qu’on lui transmette certains renseignements à ce sujet. Avec l’assentiment de tous les avocats, une lettre de ce ministère, datée du 26 janvier 1989, a été déposée en preuve à titre de pièce C- 2. Il est dit dans la lettre que le plaignant (traduction) ... a reçu environ 17 248,44 $ en prestations du ministère des services sociaux et du logement au cours de la période allant de janvier 1980 à mai 1988. L’avocat m’a informé que le ministère n’était pas en mesure de ventiler les sommes reçues selon chacune des années civiles.

Dans l’affaire Foulger c. Bremco Holdings Ltd. (1984), 5 C. H. R. R. D/ 2229 (Commission d’enquête de la Colombie- Britannique), la Commission avait appliqué à l’indemnisation adjugée pour pertes de salaire une déduction équivalant au montant des versements d’aide sociale reçus du ministère des ressources humaines au cours de la période visée.

> - 20 L’avocate de la Commission a soutenu qu’il n’y avait pas lieu de déduire du montant adjugé les versements d’aide sociale reçus par le plaignant. En revanche, a- t- elle proposé, l’ordonnance devrait disposer que le montant de ces versements soit remboursé au Receveur général de la Colombie- Britannique.

A mon avis, le principe qui s’applique ici est le suivant : les versements d’aide sociale reçus par un plaignant au cours d’une période à l’égard de laquelle il reçoit une indemnisation pour pertes de salaire ne doivent pas être déduits de la somme adjugée, mais c’est plutôt le mis en cause qui

doit être tenu de rembourser la somme en question au Receveur général de la province, soit ici la Colombie- Britannique. Le plaignant n’aurait pas eu à solliciter d’aide sociale s’il n’avait pas été victime d’une discrimination. En conséquence, il faut donc que l’aide sociale soit remboursée à l’organisme qui l’a versée.

INDEMNISATION POUR PRÉJUDICE MORAL

L’avocat du plaignant a invoqué l’alinéa 53 (3) b) et réclamé une indemnisation de 5 000 $ pour préjudice moral, au nom de son client.

Se fondant sur les décisions des affaires Chapdelaine, Brazeau, et Boucher, mentionnées plus haut, l’avocat des mises en cause a convenu qu’une somme de l’ordre de 2 000 $ à 2 500 $ serait appropriée. Néanmoins, il a cité l’affaire DeJager c. Le ministère de la Défense nationale (1987) C. H. R. R. D/ 3963 (tribunal des droits de la personne) dans laquelle une somme de 300 $ avait été adjugée à un plaignant qui avait été libéré de son emploi auprès du ministère de la Défense en raison de son asthme. Par ailleurs, une autre décision inédite a été rendue publique depuis la date de l’audience de la présente affaire, soit la décision Gauthier et al. c. Les Forces armées canadiennes, 14 février 1989 (tribunal des droits de la personne). Le tribunal a jugé qu’il y avait eu discrimination sexuelle et il a accordé 1 000 $ à la plaignante, à titre d’indemnisation, en application du paragraphe 53 (3) b).

Certains éléments de preuve indiquent que le plaignant a effectivement subi un préjudice moral. Il a été frustré lors de ses tentatives de faire reconnaître par les Forces armées canadiennes le fait qu’il était médicalement apte, puisqu’il avait reçu de la part de certains autres experts l’attestation de son bon état de santé. En ce qui concerne l’amour- propre du plaignant, il convient de souligner que son père et son oncle, qu’il tient en haut respect, ont tous deux servi longuement dans les Forces armées canadiennes. Le rejet de sa demande de réenrôlement signifiait qu’il ne serait pas en mesure de maintenir

> - 21 la tradition familiale, ce qui a froissé sa fierté face à certains membres de sa famille.

Il s’agit ici d’établir à quel niveau se situe le préjudice moral subi par le plaignant par rapport à l’échelle d’indemnisation prévue au paragraphe 53 (3) de la Loi. D’après les éléments depreuve dont je dispose, le préjudice en question n’est en rien comparable à l’humiliation et à l’embarras dont souffrent les personnes victimes d’une discrimination publique fondée sur la race, la religion, la couleur ou le sexe, en particulier lorsqu’ily a perpétration répétée et que le préjudice moral subi entraîne des manifestations physiques ou mentales de stress. A mon avis, le haut de l’échelle s’applique à cette dernière catégorie de situations.

Dans notre affaire, près de neuf ans se sont écoulés depuis la discrimination reconnue qui est à l’origine du préjudice moral, et six ans ont passé depuis que le plaignant a déposé sa plainte en vertu de la Loi. N’e t été de la longueur de cette période, j’aurais fixé plus bas le montant de l’indemnisation à payer en vertu du paragraphe 53 (3) b), mais, étant donné les circonstances, j’ai décidé de l’établir à 1 000 $.

INTÉRETS

L’avocat du plaignant a demandé que soient accordés à son client des intérêts sur toutes les sommes adjugées. L’avocate de la Commission a souscrit à cette demande. Leur position s’appuie sur les alinéas c) et d) du paragraphe 52 (2) de la Loi. Un certain nombre de décisions prises en vertu de la Loi comprennent l’adjudication d’intérêts, notamment : Boucher c. Le Service correctionnel du Canada (1988), 9 C. H. R. R. D/ 4910 (tribunal des droits de la personne); Kearns c. P. Dickson Trucking Limited, décision inédite du tribunal des droits de la personne (7 décembre 1988); Chapdelaine et al. c. Air Canada (1987), 9 C. H. R. R. 4449 (tribunal des droits de la personne). On m’informe que cette dernière décision a fait l’objet d’un appel.

Les avocats des mises en cause ont pris la position suivante : à moins que la Loi ne prévoie expressément l’adjudication d’intérêts, le Tribunal nommé en vertu de la Loi n’est pas habilité à accorder de tels intérêts. Par analogie, l’avocat s’est reportéau refus de certains tribunaux d’accorder le paiement des frais juridiques, vu l’absence d’une disposition expresse dans la Loi. Il a cité l’affaire Corlis c. Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada (1985), 8 C. H. R. R. D/ 4146 (tribunal des droits de la personne), dont l’auteur, à son tour, cite en y souscrivant un passage de l’affaire Morrell c. Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada (1985), 6 C. H. R. R. D/ 3021.

> - 22 Dans ces deux cas, les tribunaux ont refusé d’accorder les frais juridiques. Par ailleurs, une demande visant les intérêts a été rejetée, sans motif, dans l’affaire DeJager c. Le ministère de la Défense nationale (1987) C. H. R. R. D/ 3963 (tribunal des droits de la personne).

Ces dernières années, la plupart des provinces canadiennes ont adopté des lois concernant ce qu’il est convenu d’appeler l’intérêt antérieur au jugement ou l’intérêt ordonné par le tribunal. Il existe très peu de précisions dans les lois fédérales sur l’adjudication d’intérêts pour la période allant de l’événement qui a entraîné la demande d’indemnisation à la date de la décision. Les articles 36 et 41 de la Loi sur la Cour fédérale, S. R. C. 1985, c. F- 7, qui traitent de l’adjudication d’intérêts ne s’appliquent qu’à cette seule Cour. L’article 3 de la Loi sur l’intérêt, S. R. C. 1985, c. I- 15, fixe le taux à 5 p. 100 par an, lorsqu’aucun taux n’est prévu en droit. Toutefois, cette loi ne prévoit rien en ce qui concerne les circonstances où des intérêts peuvent être adjugés.

L’alinéa 53 (2) c) de la Loi canadienne sur les droits de la personne dispose qu’un tribunal peut ordonner à un mis en cause d’indemniser la victime de la totalité ou de la fraction qu’il juge indiquée, des pertes de salaire et des dépenses entraînées par l’acte;.

Ces termes sont- ils assez larges pour sous- entendre l’adjudicationd’intérêts? Un problème analogue s’est posé dans l’affaire Société Radio- Canada c. Le conseil de la radiodiffusion du Syndicat canadien de la fonction publique et al., (1987) 3 C. F. 515 (C. A. F.). Dans ce dossier, le Conseil canadien des relations du travail avait arrêté que l’employeur devait indemniser l’employé pour pertes de salaire, mais il avait pris plusieurs questions en délibéré, y compris celle de savoir si l’employé avait droit à des intérêts sur les rémunérations impayées à partir du moment de sa suspension. Après réflexion, le Conseil avait adjugé des intérêts sur les salaires perdus. L’employeur s’était pourvu devant la Cour d’appel fédérale, afin de faire réviser cette dernière décision. La Cour d’appel fédérale avait maintenu l’adjudication d’intérêts. A l’époque, c’est le Code canadien du travail, S. R. C. 1970, c. L- 1, art. 96.3 qui habilitait le Conseil canadien des relations du travail à arrêter les adjudications, et, singulièrement à enjoindre à l’employeur :

> - 23 c) de verser à tout employé actuel ou ancien, victime de l’infraction une indemnité ne dépassant pas le montant que, à son avis, l’emloyeur aurait versé à l’employé à titre de rémunération s’il n’y avait pas eu infraction;"

A partir de la page 521, la Cour déclare ce qui suit : (traduction) Que la somme soit considérée comme des intérêts ou comme faisant partie du montant adjugé, je ne constate aucune erreur dans cette interprétation, pour ce qui concerne la simple interprétation des termes.

Les ressemblances sont évidentes entre l’alinéa 96.3c) du Code canadien du travail et l’alinéa 53 (2) c) de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Les deux textes parlent d’ indemnisation pour pertes de salaire. S’il y avait une différence, c’est le pouvoir du Conseil canadien des relations du travail d’adjuger des intérêts aux termes du Code du travail du Canada qui serait le plus restreint, puisque le montant de l’indemnité s’y trouve limité par les mots ne dépassant pas la rémunération. Malgré cette réserve, la Cour a approuvé l’adjudication d’intérêts par le Conseil canadien des relations du travail.

Plus haut dans la présente décision, à propos de l’objectif de la Loi, j’ai cité un passage tiré de la décision du président du Tribunal dans l’affaire Via Rail Canada Inc. c. Butterill et al., (1982) 2 C. F. 830 (C. A. F.). A la page 841, le juge en chef cite le passage suivant tiré de la décision du

président du Tribunal : le principe applicable était que la partie lésée doit être remise dans la position où elle aurait été si le tort qui lui a été causé ne s’était pas produit, dans la mesure où l’argent peut dédommager la partie lésée...

Lorsqu’il s’agit de pertes de salaire le plaignant ne peut être entièrement rétabli dans la situation qui aurait été la sienne, que si l’indemnisation dont il est question à l’alinéa 53 (2) c) est complète, y compris les intérêts sur les sommes qui auraient d être payées à partir des dates où le plaignant aurait d recevoir les rémunérations. Cela me convainc que la Loi canadienne sur les droits de la personne habilite le tribunal à adjuger des intérêts à titre d’indemnisation.

Ce même raisonnement s’applique à l’indemnisation découlant du paragraphe 53 3) de la Loi.

> - 24 Les avocats des mises en cause ont fait valoir subsidiairement que, même si un tribunal a le pouvoir en vertu de la Loi d’adjuger des intérêts, cela ne devrait pas être le cas en l’occurrence, puisque les faits de l’affaire qui nous occupe sont analogues à ceux du cas Villeneuve c. Bell Canada (1985) C. H. R. R. D/ 2988 (tribunal des droits de la personne) dans lequel l’intérêt sur le montant adjugé pour pertes de salaire n’avait pas été accordé au plaignant. Le tribunal expose ses raisons à cet égard au paragraphe 24156, comme suit :

(traduction)

"... aucun intérêt n’est accordé, puisque l’argent aurait été acquis par le plaignant de façon graduelle et qu’il l’aurait utilisé pour ses dépenses courantes. De plus, rien ne nous a été fourni en preuve concernant les intérêts que le plaignant aurait pu gagner sur une éventuelle épargne prise sur son salaire."

Je ne souscris pas à ce raisonnement. A mon avis, les intérêts accordés mon avis, les intérêts accordés doivent compenser le fait que le plaignant a été privé d’un montant d’argent qui, de l’avis de ce tribunal, lui revenait de droit. Dans l’affaire Harbatt’s Plasticine Ltd. c. Wayne Tank and Pump Co., (1970) 1 Q. B. 447, Lord Denning parle de la question des intérêts à la page 468, en ces termes :

(traduction)

"... le mis en cause a privé le plaignant de son argent; de plus, il en a eu lui- même l’usage. Il doit donc indemniser le plaignant en conséquence."

TAUX D’INTÉRET

Les avocats des mises en cause dans la présente affaire ont soutenu que, dans l’éventualité où des intérêts seraient adjugés, le taux devrait en

être de 5 p. 100 selon les dispositions de l’article 3 de la Loi sur les intérêts, S. R. C. 1985, c. I- 15. Même si les avocats des mises en cause et de la Commission ont déclaré être disposés à accepter un taux d’intérêt de 5. p. 100, je ne suis pas du même avis.

Dans l’affaire Boucher c. Le Service correctionnel du Canada (1988), 9 C. H. R. R. D/ 4910 (tribunal des droits de la personne), l’ordonnance précisait que le taux d’intérêt devait être (traduction) ... le taux préférentiel en vigueur dans l’une des banques à charte du Canada. Dans l’affaire Chapdelaine et al. c. Air Canada (1987), 9 C. H. R. R. 4449 (tribunal des droits de la personne), l’ordonnance précisait que le taux d’intérêt devait équivaloir ... au taux préférentiel des principales banques du mis en cause.... Dans Kearns c. P. Dickson Trucking Limited,

> - 25 décision inédite du tribunal des droits de la personne (7 décembre 1988), l’ordonnance dispose que l’intérêt doit s’établir au taux dit Registrar’s rate. Je suppose qu’il s’agit là d’une allusion à l’habitude qu’ont les tribunaux de la Colombie- Britannique d’établir l’intérêt antérieur au jugement au niveau fixé par le greffier (Registrar) de la Cour suprême de la Colombie- Britannique pour les intérêts à payer sur les jugements par défaut. Dans l’affaire Scott c. Foster Wheeler Ltd. (1987) 8 C. H. R. R. D/ 4179, la Cour suprême de l’Ontario (Cour divisionnaire) a approuvé la décision d’une commission d’enquête qui avait arrêté simplement que les intérêts devaient être calculés au taux préférentiel. Cette même commission d’enquête avait également précisé qu’il ne devait pas s’agir d’intérêts composés.

Dans l’affaire Société Radio Canada c. Conseil de la radiodiffusion du Syndicat canadien de la fonction publique et al. 1987) 3 C. F. 515 (C. A. F.), le Conseil canadien des relations du travail a adjugé des intérêts au taux préférentiel de la Banque du Canada. La Cour d’appel fédérale a maintenu cettedécision. Ce faisant, je suppose que la Cour fédérale avait conscience d’approuver un taux d’intérêt plus élevé que celui prévu à l’article 3 de la Loi sur l’intérêt. On peut probablement justifier ce taux plus élevé du fait que l’adjudication vise une indemnisation plutôt qu’un intérêt et que, en conséquence, la Loi sur l’intérêt ne s’applique pas.

Plusieurs raisons semblent militer en faveur du recours au taux préférentiel de la Banque du Canada, mais la détermination de ces taux en vigueur depuis 1980 serait par trop fastidieuse. Pour certaines raisons, qui deviendront manifestes plus tard, je préfère me fonder sur le taux préférentiel imposé par la Banque canadienne impériale de commerce à ses meilleurs clients. J’adopte ainsi une position compatible avec la décision Boucher c. Le Service correctionnel du Canada (1988), 9 C. H. R. R. D/ 4910 (tribunal des droits de la personne).

PÉRIODE OUVRANT DROIT A DES INTÉRETS

Aussi bien dans Boucher c. Le Service correctionnel du Canada (1988), 9 C. H. R. R. D/ 4910 (tribunal des droits de la personne) que dans Chapdelaine et al. c. Air Canada (1987), 9 C. H. R. R. 4449 (tribunal des droits de la personne), l’ordonnance disposait que les intérêts à payer devaient être calculés à partir de la date où le tribunal avait été nommé. Aucune date n’était précisée quant à la fin de la période d’accumulation des intérêts, mais l’on peut supposer que celle- ci correspondait au jour du versement de la somme adjugée.

> - 26 Dans l’affaire Kearns c. P. Dickson Trucking Limited, décision inédite d’un tribunal des droits de la personne (7 décembre 1988), l’ordonnance prévoyait que les intérêts devaient être calculés à partir de la date du renvoi fondé sur un motif illicite de discrimination, jusqu’à une date correspondant à deux jours avant l’adjudication.

Dans l’affaire Scott c. Foster Wheeler Ltd. (1987) 8 C. H. R. R. D/ 4179 (Cour suprême de l’Ontario), la Commission d’enquête avait accordé des intérêts calculés à partir de la date où la plainte avait été déposée. La Cour suprême de l’Ontario (Cour divisionnaire) a par la suite réduit le montant adjugé pour pertes de salaire, mais sans modifier la période ni le taux devant servir à calculer l’intérêt ordonné par la Commission d’enquête. Quant au jour du dépôt de la plainte, dans l’affaire qui nous occupe, nous avons établi, en accord avec les avocats, qu’il s’agit du 16 ao t 1983.

Il ne m’apparaît pas logique de choisir la date de nomination du tribunal en tant que date du début de la période ouvrant droit à des intérêts. Le début de cette période doit varier selon la nature du dédommagement. En ce qui concerne l’indemnisation pour préjudice moral, l’intérêt doit commencer à courir le jour où le plaignant commence à subir le tort. Normalement, il s’agit de la date où le plaignant apprend que le mis en cause a exercé contre lui une discrimination illicite.

Si nous appliquons ces principes dans l’affaire qui nous occupe, il s’ensuit que les intérêts sur le montant adjugé à titre d’indemnisation pour préjudice moral doivent commencer à courir le jour où l’on peut supposer que le plaignant a reçu la lettre datée du 17 avril 1980. En supposant que les services de la poste fonctionnaient normalement, cela a d se passer dans les deux semaines. En conséquence, il convient de calculer les intérêts sur le montant adjugé pour préjudice moral à partir du 1er mai 1980.

En ce qui concerne l’indemnisation pour pertes de salaire, normalement, les intérêts doivent commencer à s’accumuler à la date où la rémunération aurait d être versée. Si nous appliquions ce principe d’une façon stricte, il nous faudrait calculer les intérêts sur les salaires perdus à partir de la fin de chaque période de paie. Bien que le tarif mensuel des salaires perdus par le plaignant soit facile à déterminer d’après le scénario 1C de la pièce R- 3, en ce qui concerne les sommes à déduire, pour motif, soit d’atténuation, soit de défaut d’atténuation, nous ne pouvons

nous fonder que sur un taux annuel. C’est pourquoi, en l’occurrence, il ne nous sera possible d’établir le calcul que d’après le salaire net perdu à la fin de chaque année civile.

> - 27 D’autre part, le calcul des intérêts devrait nous mener jusqu’à la date de l’adjudication. Toutefois, en l’espèce, comme nous l’avons déjà dit, le plaignant est partiellement responsable du retard qui a marqué l’instruction de cette affaire par letribunal. Si le plaignant avait déposé sa plainte en vertu de la Loi dans un délai raisonnable, l’on peut supposer que, dès le 31 décembre 1986, une décision aurait été prise. C’est pourquoi, du moins pour ce qui concerne les intérêts sur l’indemnisation, le calcul portera uniquement sur la période se terminant le 31 décembre 1986.

Quant à l’établissement des intérêts antérieurs à la décision, il apparaît plus simple si nous nous reportons au Rapport de la Commission de réforme du droit de la Colombie- Britannique intitulé Report on The Court Order Interest Act, (1987). Dans son annexe F, à la page 133, ce document présente une série de tables de multiplication des taux préférentiels. On en trouvera copie à l’Annexe I de la présente décision. Le tableau figurant au début de cette annexe F concerne le calcul des intérêts jusqu’au 31 décembre 1986, date que j’ai choisie en l’occurrence. Certaines remarques s’imposent en ce qui concerne l’élaboration du tableau figurant à l’annexe F. C’est le taux préférentiel de la Banque canadienne impériale de commerce, moins 0,25 p. 100, qui a servi ici. Cette déduction de 0,25 p. 100 sur le taux préférentiel vise à compenser le recours à un taux composé mensuellement plutôt que semi- annuellement, comme cela est l’usage dans la pratique commerciale. L’intérêt composé est en effet plus conforme à la pratique commerciale dans les institutions financières.

Voici comment s’établissent les éléments du montant adjugé, intérêt ajouté, le calcul ayant été fait en fonction du tableau des multiplicateurs du taux d’intérêt présenté à l’Annexe I :

Indemnisation pour préjudice moral : Principal de 1 000 $ plus intérêtscourant du 1er mai 1980 au 31 décembre 1986 : 1 000 $ x 2,37 = 2 370,00 $

Indemnisation pour pertes de salaire : 1980 : pertes de salaire

nettes = 2 411,44 $ Principal plus intérêts courantdu 1er janvier 1981 au 31 décembre 1986 : 2 411,44 $ x 2,171 = 5 235,24 $

> - 28 1981 : pertes nettes de

salaire = 9 551,43 $ Principal plus intérêts courant du 1er janvier 1982 au 31 décembre 1986 : 9 551,43 $ x 1,794 = 17 135,27 $

1982 : pertes nettes de salaire = 15 490,54 $ Principal plus intérêts courant du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1986 : 15 490,54 $ x 1,531 = 23 716,02 $

1983 : pertes nettes de salaire = 12 730,20 $ Principal plus intérêts courant du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1986 :

12 730,20 $ x 1,372 = 17 465,83 $ 1984 : pertes nettes de

salaire = 16 407,21 Principal plus intérêts courant du 1er janvier 1985 au 31 décembre 1986 :

16 407,21 x 1,22 = 20 016,80 $ 1985 : pertes nettes de

salaire = 24 029,48 Principal plus intérêts courant du 1er janvier 1986 au 31 décembre 1986 :

24 029,48 x 1,1 = 26 432,43 $ 1986 : Les pertes nettes de salaire s’établissent à 16 559,33 $, mais si nous appliquons le principe voulant que les intérêts soient calculés sur les pertes nettes de salaire accumulées à la fin de chaque année civile, il s’ensuit qu’au 31 décembre 1986 ces pertes accumulées n’ont engendré aucuns intérêts.

D’après cette méthode de calcul de l’indemnisation nous pouvons établir comme suit le montant attribuable aux intérêts :

> - 29

En ce qui concerne l’indemnisation pour préjudice moral, la composante intérêt est la suivante :

Principal etintérêts Principal Intérêts

2 370 $ - 1 000 $ = 1 370 $ En ce qui concerne l’indemnisation pour pertes de salaire, la composante intérêt s’établit comme suit :

Pertes nettesde salaire et Pertes nettes Composante Année intérêts de salaire intérêts

1980 : 5 235,24 $ - 2 411,44 $ = 2 823,80 $ 1981 : 17 135,27 $ - 9 551,43 $ = 7 583,84 $ 1982 : 23 716,02 $ - 15 490,54 $ = 8 225,48 $ 1983 : 17 465,83 $ - 12 730,20 $ = 4 735,63 $ 1984 : 20 016,80 $ - 16 407,21 $ = 3 609,59 $ 1985 : 26 432,43 $ - 24 029,48 $ = 2 402,95 $ 1986 : 16 559,33 $ - 16 559,33 $ = 0,00 $ Total 126 560,92 $ 97 179,63 $ = 29 381,29 $

INTÉRETS SUR LES MONTANTS A REMBOURSER

Si le plaignant à droit à des intérêts sur ses indemnisations, le montant qui doit être remboursé au Receveur général du Canada pour les prestations d’assurance- chômage reçues par le plaignant au cours de la période indemnisée doit- il s’accompagner d’un intérêt? Les articles 37 et 38 de la Loi sur l’assurance- chômage ne font allusion qu’au remboursement du montant réel des prestations versées au cours de la période en question et il n’y est nullement question d’intérêts.

On peut se poser la même question en ce qui concerne le montant à rembourser au Receveur général de la province de la ColombieBritannique pour les prestations d’aide sociale reçus par le plaignant au cours de la période indemnisée. Ce montant devrait- il s’accompagner d’intérêts? Les lois qui s’appliquent ne nous aident pas à répondre à cette question. En principe, si l’indemnisation pour pertes de salaire comprend une somme supplémentaire correspondant aux intérêts, le remboursement des prestations d’aide sociale devrait suivre la même règle. Un problème pratique se pose toutefois en l’occurrence, puisque nous ne possédons que peu de renseignements en preuve sur le moment où les paiements ont été faits. Dans son témoignage, le plaignant a déclaré avoir reçu des paiements d’aide sociale en 1981. Il est probable que cela a également été le cas au cours des années civiles 1981 et 1982, puisque ces années- là, son revenu d’emplois

> - 30 -

a été inférieur à 1 300 $. Faute de renseignements plus précis, je pose comme hypothèse qu’un tiers des 17 248,44 $ ont été reçus au cours de chacune des années civiles 1980, 1981 et 1982. De surcroît, il convient de se rappeler que l’indemnisation correspondant aux intérêts n’est consentie au plaignant que jusqu’au 31 décembre 1986. Donc, si nous calculons l’intérêt sur les 17 248,44 $ en utilisant le même tableau que pour le calcul de l’intérêt sur les pertes nettes de salaire, nous obtenons ce qui suit :

Principal de 5 749,48 $ et intérêts courant du 1er janvier 1981 au 31 décembre 1986 :

5 749,48 $ x 2,171 = 12 482,12 $ Principal de 5 749,48 $ et intérêts courant du 1er janvier 1982 au 31 décembre 1986 :

5 749,48 $ x 1,794 = 10 314,57 $ Principal de 5 749,48 $ et intérêts courant du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1986 :

5 749,48 $ x 1,531 = 8 802,45 $ TOTAL Principal et intérêts = 31 599,14 $

Composante principal = 17 248,44 $ Composante intérêts = 14 350,70 $ AUTRES RAISONS POSSIBLES D’ACCORDER UNE INDEMNISATION - SI LE PLAIGNANT A PERDU LA POSSIBILITÉ DE CONCOURIR POUR UN POSTE

Si je me trompe en considérant que l’effet de la discrimination en l’espèce a été d’empêcher le plaignant d’obtenir un poste, j’adjugerais une indemnisation en fonction des facteurs évoqués dans les deux affaires suivantes : Lewington et al c. Vancouver Fire Department et al, cité plus haut, à la page D/ 3249, et Dantu c. North Vancouver District Fire Department et al (1986), 8 C. H. R. R. D/ 3649 (Commission d’enquête de la Colombie- Britannique) à la page D/ 3650. Dans cette dernière affaire, le président a déclaré ce qui suit :

(traduction)

"Ils ont également convenu, pour ce qui concerne l’établissement du montant de l’indemnisation à adjuger dans un tel cas, qu’il fallait tenir compte entre autre chose

> - 31 - (a) des chances que le plaignant aurait eues de remporter le concours

pour le poste en question;

(b) des rémunérations que le plaignant aurait reçues s’il avait été embauché;

(c) du montant que le plaignant a gagné dans d’autres emplois et de tous les autres revenus reçus par lui depuis la date du premier rejet; et

(d) des efforts déployés par le plaignant pour atténuer ses pertes. Dans l’affaire Lewington et al c. Vancouver Fire Department et al, cité plus haut, le président déclare (page D/ 3249) :

(traduction)

"Manifestement, la perte d’un emploi représente une valeur supérieure à la perte de la possibilité de concourir pour un emploi."

Dans l’affaire qui nous occupe, il convient de se rappeler que le plaignant est maintenant âgé de près de 33 ans et qu’il lui sera beaucoup plus difficile, physiquement, de concourir avec d’autres candidats de 15 ans ses cadets. De plus, il y a maintenant plus de 5 ans qu’il a quitté les Forces armées, et n’est donc plus considéré comme un ancien membre, aux fins du réenrôlement, puisque sa formation est considérée comme désuète. Compte tenu de ces facteurs et de ceux mis en lumière dans l’affaire Dantu, je prendrais le résultat du calcul de l’indemnisation pour pertes nettes de salaire (après déduction des montants gagnés à titre de revenu d’emploi et des sommes à soustraire pour défaut d’atténuation) et je le réduirais de moitié. Ainsi, l’évaluation de la perte d’une possibilité de concourir s’établirait comme suit :

97 179,83 x ½ = 48 589,92 $ Le plaignant aura également droit à une indemnisation sous forme d’intérêts. Comme la perte de la possibilité de concourir s’est produite lorsqu’il a reçu la lettre de rejet de sa demande d’emploi, les intérêts devraient couvrir la somme entière à partir du 1er mai 1980 jusqu’au 31 décembre 1986, et être calculés comme ci- dessus. Donc, en nous fondant sur le tableau de l’Annexe I comme nous l’avons fait précédemment, le montant total, principal et intérêts, à attribuer pour la perte de la possibilité de concourir pour un poste s’établirait de la façon suivante :

48 589,92 $ x 2,370 = 115 158,11 $ > - 32 DÉPENS

Selon la position adoptée aussi bien par les avocats des mises en cause que par l’avocate de la Commission, un tribunal n’est pas habilité, en vertu de la Loi, à émettre une ordonnance relative aux dépens. Étant donné qu’aucune demande à cet égard n’a été faite par l’avocat du plaignant, je n’ai pas l’intention de me pencher sur cette question. Il n’y aura aucune ordonnance relative aux dépens.

IMPOT SUR LE REVENU

Les mises en cause seront peut- être tenues en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu de retenir à la source et de remettre au Receveur général du Canada, tous les impôts à payer sur le montant adjugé à titre d’indemnisation pour pertes de salaire.

ORDONNANCES

1. Les mises en cause doivent réenrôler le plaignant et lui offrir, à la

première occasion raisonnable, un poste dans l’une des catégories suivantes : cuisinier, technicien de véhicules, conducteur de matériel mobile de soutien, et fantassin. Si le premier poste offert au plaignant est un poste de fantassin, et que le plaignant n’accepte pas cette offre, les mises en cause devront lui offrir le premier poste disponible dans l’une des autres catégories évoquées plus haut dans ce paragraphe. Si le plaignant rejette cette deuxième offre, les obligations des mises en cause aux termes de ce paragraphe de l’ordonnance seront considérées comme remplies.

2. (a) Conformément à l’alinéa 53 (2) c), les mises en cause doivent indemniser le plaignant pour pertes de salaire. Le montant de cette indemnisation s’établit comme suit :

(i) Indemnisation pour pertes nettes de salaire après déduction des montants relatifs à l’atténuation, 97 179,63 $ et;

(ii) Indemnisation pour les intérêts sur le montant évoqué en (i) 29 381,29 $

(b) A même l’ensemble des sommes mentionnées à l’alinéa (a), les mises en cause doivent verser :

> - 33 (i) au Receveur général du Canada, pour les prestations d’assurance- chômage reçues par le plaignant au cours de la période indemnisée pour pertes de salaire : 9 137,00 $ ou toute autre somme que les mises en cause se trouveront obligées de rembourser en application de la Loi sur l’assurance- chômage;

(ii) au Receveur général de la Colombie Britannique, pour les prestations d’aide sociale reçues par le plaignant au cours de la période indemnisée pour pertes de salaire, à titre de principal : 17 248,44 $

et à titre d’intérêts : 14 350,70 $ (iii) au Receveur général du Canada,

toutes sommes devant être retenues et remises à titre d’impôt sur le revenu, conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu.

(iv) le reste au plaignant. 3. Aux termes de l’alinéa 53 (3) b) de la Loi, les mises en cause doivent

indemniser le plaignant : (a) Pour préjudice moral, en lui versant la somme de 1 000 $. (b) A titre d’indemnisation pour les intérêts perdus sur le montant

devant être payé en vertu de l’alinéa (a), en lui versant la somme de 1 370 $.

Signé à Victoria, dans la province de Colombie- Britannique, ce 11e jour de mars 1989.

Lyman R. Robinson, C. R. >-

ANNEXE I

Commission de réforme du droit de la Colombie- Britannique

RAPPORT CONCERNANT LA COURT ORDER INTEREST ACT Annexe F TABLES SUPPLÉMENTAIRES DE MULTIPLICATEURS

MULTIPLICATEURS DES TAUX PRÉFÉRENTIELS Décembre 1986 - Février 1987 MULTIPLICATEURS DES TAUX PRÉFÉRENTIELS AJUSTÉS, DÉCEMBRE 1986 AJ. DU TAUX > -0,25 %

JAN FEB MAR APR MAY JUN JUL AUG SEP OCT NOV DEC 1975 4.057 4.021 3.987 3.957 3.928 3.900 3.871 3.843 3.816 3.788 3.758 3.729 1976 3.699 3.670 3.642 3.613 3.583 3.553 3.524 3.495 3.466 3.437 3.409 3.381 1977 3.354 3.329 3.305 3.281 3.258 3.235 3.213 3.191 3.170 3.149 3.128 3.108 1978 3.087 3.067 3.046 3.026 3.005 2.982 2.960 2.938 2.916 2.893 2.870 2.844 1979 2.818 2.791 2.764 2.738 2.711 2.685 2.659 2.633 2.606 2.580 2.553 2.522 1980 2.492 2.461 2.432 2.402 2.370 2.338 2.312 2.287 2.264 2.242 2.219 2.196 1981 2.171 2.139 2.107 2.076 2.046 2.016 1.984 1.952 1.917 1.882 1.850 1.820 1982 1.794 1.769 1.746 1.722 1.699 1.675 1.652 1.628 1.605 1.584 1.565 1.548 1983 1.531 1.516 1.501 1.487 1.473 1.460 1.447 1.435 1.422 1.409 1.397 1.384 1984 1.372 1.360 1.348 1.336 1.323 1.311 1.298 1.285 1.271 1.257 1.244 1.232 1985 1.220 1.209 1.198 1.187 1.176 1.166 1.156 1.146 1.136 1.127 1.118 1.109 1986 1.100 1.091 1.081 1.069 1.059 1.049 1.041 1.032 1.024 1.016 1.008 1.000 1987 1988 1989

ADJ. PRIME RATE MULTIPLIERS JAN. 1987 RATE ADJ. > -0.25 %

JAN FEB MAR APR MAY JUN JUL AUG SEP OCT NOV DEC 1975 4.089 4.053 4.019 3.988 3.959 3.931 3.902 3.874 3.846 3.818 3.788 3.758 1976 3.729 3.699 3.670 3.642 3.611 3.582 3.552 3.523 3.494 3.465 3.436 3.408 1977 3.381 3.356 3.331 3.307 3.284 3.261 3.238 3.217 3.195 3.174 3.153 3.132 1978 3.111 3.091 3.070 3.050 3.029 3.006 2.984 2.961 2.939 2.916 2.892 2.867 1979 2.840 2.814 2.786 2.759 2.732 2.706 2.680 2.654 2.627 2.600 2.573 2.542 1980 2.511 2.481 2.451 2.421 2.389 2.356 2.330 2.305 2.282 2.259 2.237 2.214 1981 2.188 2.156 2.124 2.092 2.062 2.032 2.000 1.967 1.933 1.897 1.864 1.834 1982 1.809 1.783 1.760 1.736 1.712 1.689 1.665 1.641 1.618 1.597 1.577 1.560 1983 1.544 1.528 1.513 1.499 1.485 1.472 1.459 1.446 1.433 1.420 1.408 1.395 1984 1.383 1.371 1.358 1.346 1.334 1.321 1.309 1.295 1.281 1.267 1.254 1.241 1985 1.229 1.218 1.207 1.196 1.185 1.175 1.165 1.155 1.145 1.136 1.126 1.117 1986 1.108 1.099 1.089 1.087 1.067 1.058 1.049 1.040 1.032 1.024 1.016 1.008 1987 1.000 1988 1989

ADJ PRIME RATE MULTIPLIERS FEB. 1987 RATE ADJ > -0.25 %

JAN FEB MAR APR MAY JUN JUL AUG SEP OCT NOV DEC 1975 4.122 4.085 4.051 4.020 3.991 3.962 3.933 3.905 3.876 3.848 3.818 3.788 1976 3.758 3.829 3.699 3.670 3.640 3.610 3.580 3.511 3.521 3.492 3.463 3.435 1977 3.408 3.382 3.357 3.333 3.310 3.287 3.264 3.242 3.221 3.199 3.178 3.157 1978 3.136 3.115 3.095 3.074 3.053 3.030 3.007 2.985 2.963 2.939 2.915 2.889 1979 2.862 2.836 2.808 2.781 2.754 2.727 2.701 2.675 2.648 2.621 2.593 2.562 1980 2.531 2.501 2.470 2.440 2.408 2.375 2.349 2.323 2.300 2.277 2.255 2.231 1981 2.205 2.173 2.140 2.109 2.079 2.048 2.015 1.983 1.948 1.912 1.879 1.849 1982 1.823 1.798 1.773 1.750 1.726 1.702 1.679 1.654 1.631 1.609 1.590 1.572 1983 1.556 1.540 1.525 1.511 1.497 1.484 1.470 1.457 1.444 1.432 1.419 1.406 1984 1.394 1.381 1.369 1.357 1.344 1.332 1.319 1.305 1.291 1.277 1.264 1.251 1985 1.239 1.118 1.217 1.206 1.195 1.184 1.174 1.164 1.154 1.145 1.135 1.126 1986 1.117 1.108 1.098 1.086 1.076 1.066 1.057 1.048 1.040 1.032 1.024 1.016 1987 1.008 1.000 1988 1989

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