Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

D. T. 6/97 Décision rendue le 11 juillet 1997

Loi canadienne sur les droits de la personne L.R.C. (1985), chap. H-6 (version modifiée)

TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE

ENTRE :

CHERYL SENIOR WALL la plaignante et

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE la Commission et

CONSEIL D'ÉDUCATION DE KITIGAN ZIBI l'intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

DEVANT : Anne L. Mactavish Présidente Monique Bourgon Membre Gerald T. Rayner Membre

ONT COMPARU : Odette Lalumière Avocate de la Commission canadienne des droits de la personne

Agnès Laporte Avocate du Conseil d'éducation de Kitigan Zibi

Cheryl Senior Wall Pour son propre compte

DATES ET LIEU DE L'AUDIENCE : Les 21 et 22 mai et le 5 juin 1997 à Ottawa (Ontario)

2

Table des matières

I LA PLAINTE

II QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

i) Absence de compétences

ii) Chose jugée et litispendance

III LES FAITS

Cheryl Senior Wall

Robert Wall

Chef Jean-Guy Whiteduck

Hanney Panik

Lucille Tenasco

Debbie Whiteduck

Gilbert Whiteduck

IV LE DROIT

V ANALYSE

VI ORDONNANCE

I LA PLAINTE

La présente affaire concernait initialement des allégations de discrimination fondée sur le sexe (grossesse) et la situation de famille, en violation des dispositions de l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la LCDP). Le 24 novembre 1993, la plaignante, Cheryl Senior Wall, a déposé devant la Commission des droits de la personne (la Commission) une plainte dont les détails se lisent comme suit :

[TRADUCTION]

Le Conseil d'éducation de Kitigan Zibi a commis à mon égard, en matière d'emploi, un acte discriminatoire fondé sur le sexe et la situation de famille en refusant de continuer de m'employer en violation de l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

3

J'étais employée par l'intimé en qualité d'enseignante au niveau secondaire durant l'année scolaire 1992-1993. Vers la fin de mars 1993, le directeur de l'éducation m'a dit qu'il était très satisfait de mon rendement et m'a demandé de revenir pour l'année 1993-1994. Je l'ai informé que j'étais enceinte et que j'aurais besoin d'un congé de maternité de septembre 1993 à février 1994.

Le directeur m'a répondu que je ne pouvais prendre un congé de maternité parce qu'il était impossible de me remplacer pour une si brève période. J'ai demandé si je pouvais revenir pour l'année scolaire 1994-1995 et il m'a informée que je devrais faire une demande à ce moment-là et qu'on penserait à moi s'il y avait des vacances.

Lorsque j'ai fait une demande de prestations d'assurance-chômage, on m'a informée que je n'y avais pas droit parce que le directeur avait inscrit sur mon relevé d'emploi que j'avais quitté mon emploi. Il a nié à la Commission d'assurance-chômage que j'avais demandé un congé de maternité et leur a dit que j'avais tout simplement quitté mon emploi.

Mon poste a été confié à une parente du directeur qui venait de terminer ses études à l'université. Je crois que le directeur de l'éducation aurait pu accepter ma demande de congé de maternité. Aussi, je crois qu'il a profité de la situation pour me remplacer par une parente.

L'avocate de la Commission a informé le Tribunal, au début de l'audience, que la Commission laisserait tomber la situation de famille comme motif de plainte et ne procéderait qu'avec celui de la distinction fondée sur le sexe. En réponse aux questions du Tribunal, Mme Lalumière a informé le Tribunal que la décision d'abandonner la plainte fondée sur la situation de famille avait été prise la veille, mais qu'il lui avait été demandé de ne pas en informer l'avocate de l'intimé avant le début de l'audience.

A la conférence préparatoire, l'avocate de l'intimé a informé le Tribunal qu'elle présenterait, à l'audience, une requête préliminaire relativement à la conduite de la Commission avant le renvoi de la plainte au Tribunal. Dans ce contexte, Mme Laporte a signalé qu'un rapport de la Commission, qui est daté du 12 novembre 1996, portait que l'enquête de la Commission n'avait révélé aucune preuve du non-renouvellement du contrat de la plaignante en raison de sa situation de famille.

L'avocate de l'intimé a exprimé son désarroi face à la conduite de la Commission à ce propos, signalant qu'elle avait consacré beaucoup de temps à se préparer à réfuter les deux plaintes, à un coût considérable pour ses clients.

Quoique le Tribunal comprenne les contraintes auxquelles est soumise la Commission, il est en effet regrettable que la Commission n'ait pas jugé bon d'informer l'intimé, avant le début de l'audience, qu'elle n'irait pas

4

de l'avant avec la plainte fondée sur la situation de famille. Il a dû être évident à la Commission dès novembre 1996, lorsqu'elle a reçu le rapport qu'il y avait de sérieux problèmes en ce qui concerne la plainte fondée sur la situation de famille. Même si la Commission fut incapable d'en arriver à une décision avant la veille de l'audience, et si, comme l'a donné à penser l'avocate de la Commission, on a consciemment décidé d'attendre jusqu'à l'ouverture de l'audience pour informer l'avocate de l'intimé de l'abandon de la plainte fondée sur la situation de famille, ceci est inexcusable. Le processus judiciaire est déjà assez onéreux pour tous les intéressés sans y ajouter des frais non nécessaires.

II QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

Au début de l'audience, l'avocate de l'intimé a présenté deux requêtes préliminaires :

i) Absence de compétence

L'avocate de l'intimé a soutenu que le Tribunal n'avait pas compétence pour entendre cette plainte au motif que la Commission n'avait pas pris certaines mesures préliminaires nécessaires. En bref, la Commission n'avait pas vérifié, entre autres choses, si la plaignante devait être tenue d'épuiser le mécanisme interne d'appel prévu par le Manuel de la politique en matière de ressources humaines de l'intimé. L'avocate de l'intimé affirme que l'alinéa 41a) de la Loi exige une telle démarche. En outre, l'avocate de l'intimé soutient que la Commission s'était appuyée sur des renseignements inexacts et s'était fondée à tort sur des renseignements se rapportant au processus de conciliation, le rapport de conciliation en particulier, pour arriver à la décision de renvoyer cette affaire au Tribunal. L'avocate de l'intimé a indiqué qu'elle désirait appeler deux employés de la Commission à témoigner des faits sur lesquels reposait sa requête préliminaire.

Avant d'entendre de tels témoignages, le Tribunal a demandé aux parties de lui présenter des observations sur la nature et l'étendue du pouvoir du Tribunal, si pouvoir il y a, d'examiner les actions ou les omissions de la Commission pendant l'instruction de la plainte devant le tribunal.

Au reçu de ces observations, le Tribunal a jugé qu'il n'avait pas le pouvoir d'examiner la conduite ou les décisions de la Commission ni même de vérifier si des décisions n'avaient pas été rendues. Comme il est signalé dans des affaires telles que Spurrell v. Canadian Armed Forces (1991), 14 C.H.R.R. D/130 et Dhanjal v. Air Canada (décision inédite, 30 janvier 1995), la compétence du Tribunal est limitée, étant fondée sur le pouvoir que lui confère la LCDP, en particulier le paragraphe 50(1) qui porte :

Le tribunal .... examine l'objet de la plainte pour laquelle il a été constitué... Il revient à la section de première instance de la Cour fédérale de statuer sur les questions relatives à la conduite de la Commission pendant les phases d'enquête et de conciliation du processus de traitement des plaintes.

5

Le Tribunal a donc refusé d'entendre les témoignages des employés de la Commission et, par conséquent, a rejeté la première requête de l'intimé.

ii) Chose jugée et litispendance

Dans sa deuxième requête préliminaire, l'avocate de l'intimé a demandé au Tribunal de rejeter la plainte en invoquant les doctrines juridiques de la chose jugée et de la litispendance. L'avocate soutient que le rejet par Travail Canada de la plainte de congédiement injuste que lui a présentée Mme Senior Wall constitue une décision antérieure concernant les mêmes parties et touchant les mêmes faits. A l'appui de son argument, l'avocate cite les décisions de la Cour suprême du Canada dans les affaires Rocois Construction Inc. c. Dominion Ready Mix Inc. et autres, [1990] 2 R.C.S. 440, et Béliveau St-Jacques c. FEESP, [1996] 2 R.C.S. 345.

Un examen de la documentation produite par l'intimé révèle que la plaignante a bien présenté une plainte de congédiement injuste à Travail Canada, en vertu des dispositions de l'article 240 du Code canadien du travail. Par une lettre datée du 10 décembre 1993, Travail Canada a informé Mme Senior Wall que sa plainte :

[TRADUCTION]

... ne satisfait pas aux exigences du paragraphe 240(1) qui stipule: ...toute personne qui se croit injustement congédiée peut déposer une plainte auprès d'un inspecteur..."

On informait également Mme Senior Wall qu'à moins qu'elle ne fournisse d'autres renseignements probants, l'examen de sa plainte ne serait pas poussé plus loin.

Il paraît que la plainte de Mme Senior Wall ne satisfaisait pas aux exigences techniques de l'article 240 du Code canadien du travail, du fait qu'elle était employée en vertu d'un contrat d'une durée déterminée, qui a expiré et n'a pas été renouvelé. Cela étant, il n'y a pas eu de congédiement au sens du Code. Sa plainte n'a à aucun moment été jugée sur le fond aux termes du Code.

Comme le signalait le juge Gonthier dans l'affaire Rocois Construction, supra., à la p. 448, les concepts la chose jugée et de la litispendance visent à éviter une multiplicité des procès et la possibilité de jugements contradictoires.

Aucune autre action n'est pendante devant un autre forum et, par conséquent, le concept de la litispendance ne s'applique pas en l'espèce. De même, la question du double recouvrement abordée dans la décision Béliveau St-Jacques n'est pas pertinente en l'espèce.

Le Tribunal note en outre qu'il n'y a pas eu de décision antérieure sur le fond de la plainte de Mme Senior Wall et, donc, qu'il n'y a pas de risque de jugements contradictoires.

Pour qu'il y ait chose jugée ou litispendance, l'identité des parties, d'objet et de cause est nécessaire.

6

Les parties dans les deux affaires ne sont pas les mêmes. La plainte faite en vertu du Code canadien du travail se rapportait à un conflit privé entre la plaignante et son ancien employeur. La Commission canadienne des droits de la personne, qui a pour tâche de représenter l'intérêt public, n'était pas partie à la plainte déposée en vertu du Code canadien du travail, alors qu'elle est partie en l'espèce.

Comme il manque un des trois éléments nécessaires pour établir qu'il y a chose jugée, il est inutile d'examiner si l'objet et la cause dans les deux affaires étaient les mêmes.

La deuxième requête préliminaire de l'intimé a donc été rejetée.

III LES FAITS

La présente affaire a exigé, finalement, la détermination de questions de crédibilité et, par conséquent, il est nécessaire d'examiner dans un certain détail les déclarations des divers témoins.

Cheryl Senior Wall

Mme Senior Wall a été embauchée par le Conseil d'éducation de Kitigan Zibi à titre d'enseignante au niveau secondaire à l'école de la bande dans la Réserve de Kitigan Zibi Anishinabeg. L'école comptait environ 100 élèves au niveau secondaire et un nombre comparable au niveau élémentaire. Il y avait environ vingt enseignants.

Mme Senior Wall était employée en vertu d'un contrat de travail écrit pour une période d'un an allant du 24 août 1992 au 20 août 1993. Il était reconnu que Mme Senior Wall ne serait tenue de fournir des services d'enseignement que pendant l'année scolaire, soit jusqu'à la fin de juin. Le contrat de travail de Mme Senior Wall comprenait par renvoi les dispositions du Manuel de la politique en matière de ressources humaines de l'intimé. Avant de commencer à travailler pour l'intimé, Mme Senior Wall avait été suppléante à Brockville (Ontario), sa ville natale.

Le mari de Mme Senior Wall, Robert, avait travaillé à temps partiel comme conducteur d'autobus à Brockville. M. Wall a quitté son emploi à Brockville pour suivre son épouse dont le nouvel emploi se trouvait près de Maniwaki (Québec). M. Wall n'a malheureusement pu trouver de l'emploi à Maniwaki, au moins en partie parce qu'il ne parlait pas français. Selon Mme Senior Wall, peu après leur arrivée à Maniwaki, M. Wall s'est rendu compte qu'il ne pourrait pas trouver du travail dans cette région et, par conséquent, il a commencé à en chercher ailleurs.

Au printemps de 1993, Mme Senior Wall a constaté qu'elle était enceinte. Selon le témoignage de Mme Senior Wall, elle et son mari ont eu diverses discussions quant à leurs projets concernant le bébé. Elle a témoigné qu'ils avaient décidé qu'elle demanderait un congé de maternité de six mois et qu'après le congé, elle laisserait probablement le bébé à Brockville avec sa mère et M. Wall, pendant qu'elle reprenait ses tâches

7

d'enseignante. Mme Senior Wall a témoigné qu'elle a informé deux collègues de ses projets, notamment Theana Papadopoulos et Bob McCooey.

Vers la fin de mars ou le début d'avril, Gilbert Whiteduck, directeur de l'éducation de l'intimé, a rencontré chaque enseignant afin de connaître leur projet pour la prochaine année scolaire. Mme Senior Wall a témoigné que ses rapports avec M. Whiteduck avaient été bons. Leurs rencontres avaient été peu nombreuses, mais il avait été très agréable. Selon Mme Senior Wall, M. Whiteduck lui a dit qu'il était très satisfait de son rendement et lui a donné à penser qu'il aimerait qu'elle revienne enseigner l'année suivante. Mme Senior Wall a alors informé M. Witeduck qu'elle était enceinte et qu'elle aurait besoin d'un congé de maternité de septembre à la fin de février. Selon Mme Senior Wall, M. Whiteduck s'est laissé aller en arrière dans son fauteuil et a dit non, parce qu'il était trop difficile de faire venir un enseignant à la réserve pour une si brève période. Mme Senior Wall a alors demandé si elle pouvait ravoir son emploi l'année scolaire suivante. M. Whiteduck a répondu que s'il y avait des postes vacants, elle pourrait faire une demande à ce moment-là.

Mme Senior Wall a témoigné qu'elle croyait que M. Whiteduck était au courant de sa grossesse avant qu'elle l'en informe au cours de la rencontre. Mme Senior Wall a affirmé qu'elle était déçue des actions de M. Whiteduck, mais elle estimait qu'il y avait peu à faire parce que son contrat n'était que d'un an.

Mme Senior Wall a confirmé qu'on lui avait remis une copie du Manuel de la politique en matière de ressources humaines de la bande lorsqu'elle a commencé à travailler pour l'intimé. La section 13.3 du manuel renferme ce qui suit :

[Traduction]

Congé de maternité Il est accordé à l'employée, sur demande, un congé de maternité non rémunéré, à condition que la demande de congé soit présentée au moins six semaines avant le début prévu du congé. La période totale de congé de maternité sera déterminée par la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada (CEIC).

L'employée à qui est accordé un congé de maternité a le droit de reprendre ses tâches comme suit :

  1. A l'échéance de six semaines après l'accouchement ou avant cette date selon la recommandation de son médecin. L'employée doit donner avis à son superviseur immédiat de son intention de reprendre ses tâches.
  2. L'employée peut reprendre ses tâches à toute date convenue avec son superviseur immédiat.
  3. Une fois que l'employée a commencé son congé de maternité, le superviseur immédiat doit lui permettre de reprendre le poste occupé avant son départ.

8

Le manuel établit en outre une procédure d'appel à suivre au cas où un employé n'est pas satisfait d'une décision. Le manuel prévoit ce qui suit :

[TRADUCTION]

... L'appel est présenté, par écrit, au plus tard cinq (5) jours ouvrables après la décision ou l'action qu'il vise, au directeur compétent, à l'organe élu, au directeur de la bande ou au Conseil de Kitigan Zibi Anishinabeg.

b) Le comité d'appel sera composé de trois personnes ayant de l'expérience dans le domaine de travail de l'employé qui interjette appel...

Mme Senior Wall a témoigné qu'elle n'avait pas discuté de nouveau de sa demande de congé de maternité avec M. Whiteduck ni n'avait tenté d'en appeler de sa décision de la refuser. Mme Senior Wall a témoigné initialement qu'elle n'en avait pas appelé de la décision de M. Whiteduck parce qu'il était responsable de l'éducation sur la réserve. En contre- interrogatoire, Mme Senior Wall a été demandée de préciser pourquoi elle n'avait pas interjeté appel. Elle a alors témoigné qu'elle estimait que la famille Whiteduck contrôlait la réserve et qu'elle ne croyait pas pouvoir y obtenir justice. Dans un formulaire rempli pour les autorités de l'Assurance-chômage le 23 août 1993, Mme Senior Wall a écrit qu'elle n'avait pas interjeté appel parce que :

[TRADUCTION]

Les enseignants dans la réserve ne sont pas membres de la Fédération, [par conséquent] forcer le responsable de l'éducation à m'accorder un congé ne ferait qu'entraîner de graves conséquences pour moi à titre d'employée.

Mme Senior Wall n'a pas communiqué avec un avocat à ce moment-là ni avec des organismes externes dans le but de protéger son emploi. Mme Senior Wall savait que deux autres employées de l'école étaient alors enceintes, soit Lisa Whiteduck et la directrice de l'école, Lucille Tenasco. Mme Senior Wall n'a parlé ni à Mme Tenasco ni à Mme Whiteduck du refus de sa demande de congé de maternité. Mme Senior Wall a témoigné qu'elle a bien informé une employée de l'école du refus de sa demande. Selon Mme Senior Wall, cette conversation a eu lieu lorsqu'elle et son mari sont allés à un brunch avec Marilyn Tolley. Mme Tolley était la secrétaire de l'école.

Mme Senior Wall a mentionné qu'elle n'avait à aucun moment remis une lettre de démission à l'intimé, bien que le Manuel de la politique en matière de ressources humaines exige un avis écrit lorsqu'un employé met fin de lui-même à son emploi. Mme Senior Wall a témoigné qu'alors qu'elle avait par le passé remis une telle lettre à ses employeurs, elle ne l'avait pas fait dans ce cas, parce qu'elle n'avait pas démissionné volontairement.

9

Mme Senior Wall a continué de travailler jusqu'au 28 juin 1993. Ce jour-là, un relevé d'emploi lui a été remis aux fins de l'assurance- chômage. Il y était inscrit que la raison de sa délivrance était que l'employée avait quitté son emploi.

Mme Senior Wall a témoigné que lorsqu'elle a vu qu'il était inscrit sur le formulaire qu'elle avait quitté son emploi, elle a conclu qu'une erreur avait été faite et est allée parler à Gilbert Whiteduck. M. Whiteduck n'était pas à son bureau à ce moment-là. M. et Mme Wall étaient sur le point de retourner à Brockville, et Mme Senior Wall a témoigné qu'elle avait décidé qu'elle ferait corriger le formulaire à son arrivée à Brockville. Elle a mentionné qu'elle ne s'inquiétait pas de l'inexactitude sur le formulaire à ce moment-là.

Mme Senior Wall a communiqué avec le bureau de l'Assurance-chômage une fois installée à Brockville. Il semble, d'après la documentation, que le premier contact a eu lieu le 30 juillet 1993. Mme Senior Wall s'est alors rendue compte pour la première fois qu'il pourrait y avoir un problème en ce qui concerne son admissibilité aux prestations d'assurance-chômage par suite de l'inscription sur son relevé d'emploi portant qu'elle avait quitté son emploi. Le 3 août 1993, elle a rempli une demande de prestations d'assurance-chômage. Dans sa demande, Mme Senior Wall a indiqué qu'elle n'avait pas quitté son emploi, mais qu'elle avait été renvoyée lorsqu'elle a informé son employeur de sa grossesse. Sur l'avis d'un agent de l'Assurance-chômage, Mme Senior Wall a communiqué avec Gilbert Whiteduck afin de faire corriger le relevé d'emploi. Par une lettre adressée aux autorités de l'Assurance-chômage vers la fin de septembre ou le début d'octobre 1993, Mme Senior Wall affirmait ce qui suit :

[TRADUCTION]

Au cours de la deuxième semaine de septembre, j'ai parlé à Gilbert Whiteduck de notre dernière conversation. Il a affirmé qu'il ne se rappelait pas de ma demande de congé de maternité. Il a également affirmé qu'il n'aurait pu refuser ma demande de congé parce que cela est contraire à la politique de l'école. Il a dit que j'étais entrée dans son bureau et l'avait informé que je quittais mon emploi.

A un moment donné, sur l'avis de représentants de l'Assurance-chômage, Mme Senior Wall a communiqué avec Travail Canada et une Commission des droits de la personne. La date où ces contacts ont eu lieu n'est pas claire, mais il semble que ce soit vers la fin de l'été ou le début de l'automne de 1993. Quelle que soit la date, ils ont eu lieu après le 23 août 1993, soit la date à laquelle Mme Senior Wall a rempli un formulaire de demande de prestations d'assurance-chômage dans lequel elle a répondu Non à la question :

[Traduction]

Avez-vous communiqué avec un ministère quelconque pour protéger votre emploi - par exemple : Droits de la personne, ministère du Travail? Mme Senior Wall a par la suite consulté un avocat, à Brockville, qui l'a dirigée vers la Commission canadienne des droits de la personne, ce qui a mené finalement au dépôt de la présente plainte.

10

La demande de prestations d'assurance-chômage de Mme Senior Wall a initialement été refusée le 2 septembre 1993, au motif qu'elle avait volontairement quitté son emploi. Mme Senior Wall a par la suite réussi à obtenir des prestations d'assurance-chômage, ayant interjeté appel devant un conseil arbitral qui a conclu qu'elle n'avait pas quitté son emploi mais qu'on lui avait plutôt refusé un congé. Cette décision a été rendue le 20 octobre 1993. L'intimé a ensuite interjeté appel devant un juge- arbitre. Le juge-arbitre a conclu que puisque le contrat de travail de Mme Senior Wall s'était terminé le 20 août 1993, elle avait droit à des prestations. Il n'était pas nécessaire, par conséquent, de trancher la question de savoir si un congé de maternité avait été refusé.

Mme Senior Wall a accouché d'un fils le 4 novembre 1993. Elle a été en chômage pendant les deux années scolaires suivantes, période durant laquelle elle a eu un deuxième enfant. Mme Senior Wall a fini par obtenir un nouvel emploi à l'automne de 1995, à titre d'enseignante, à Pawitik (Ontario).

Robert Wall

Le témoignage de M. Wall a largement confirmé celui de Mme Senior Wall. Il a affirmé qu'il était en chômage pendant qu'ils vivaient à Maniwaki. M. Wall a touché des prestations d'assurance-chômage jusqu'à leur épuisement en février ou mars 1993.

M. Wall a confirmé les difficultés qu'il avait eues à trouver du travail à Maniwaki. En contre-interrogatoire, il a été demandé à M. Wall quelles étaient ses intentions au sujet de rester à Maniwaki. Il a témoigné :

[TRADUCTION]

Q. Dois-je comprendre que c'était décidé que vous ne resteriez pas à Maniwaki? R. Telle avait été la situation depuis notre arrivée... ...Q. Et peu de temps après votre arrivée, vous semblez convaincu de devoir aller ailleurs pour gagner votre vie. R. J'étais convaincu de cela avant de déménager, parce que j'avais appelé la société d'autobus locale, j'avais parlé à plusieurs employeurs, des employeurs possibles dans la région de Maniwaki, et je savais que ce serait très difficile d'y trouver un emploi.

Afin de trouver un nouvel emploi, M. Wall a fait de nombreuses demandes dans la région de Maniwaki, ainsi qu'à Ottawa et au sud d'Ottawa. M. Wall a produit les lettres de refus qu'il avait reçues durant l'année scolaire 1992-1993. Le Tribunal a noté que ces lettres portaient une adresse de Brockville comme adresse de retour et a demandé une explication. M. Wall a expliqué que cette adresse était celle de l'appartement que son épouse et lui avaient occupé lorsqu'ils vivaient à Brockville, immédiatement avant de s'installer à Maniwaki. L'appartement était situé au-dessus d'un magasin que possédaient les parents de Mme Senior Wall. C'est l'adresse postale qu'il utilisait, parce que certaines des demandes qu'il avait expédiées avant leur déménagement l'avaient été de Brockville où les réponses avaient donc été envoyées, souvent quelque temps après.

11

M. Wall a confirmé les projets du couple quant au congé de maternité de Mme Senior Wall, après lequel sa belle-mère et lui s'occuperaient du bébé à Brockville. M. Wall a mentionné que Brockville était à trois heures de Maniwaki.

Selon M. Wall, après que Gilbert Whiteduck eut refusé un congé de maternité à Mme Senior Wall, le couple a décidé de retourner à Brockville où vivaient les parents de Mme Senior Wall, parce qu'ils n'avaient nul autre endroit où aller. Ils ont alors décidé que M. Wall retournerait à l'école, ce qu'il a fait en septembre 1993. M. Wall a par la suite trouvé de l'emploi à Ottawa.

Chef Jean-Guy Whiteduck

Le chef Whiteduck a témoigné qu'il était le chef de la communauté de Kitigan Zibi Anishinabeg depuis 1976. Le témoignage du chef Whiteduck a porté principalement sur la structure de la bande, y compris celle du Conseil d'éducation. En outre, le chef Whiteduck a expliqué les politiques de la bande, en particulier celles se rapportant au congé de maternité et à l'accessibilité et au fonctionnement du processus d'appel.

Le chef Whiteduck a également témoigné que le concept du congé de maternité était fort prisé dans sa communauté et que la bande faisait des efforts pour répondre aux besoins de ses employées.

Hanney Panik

En interrogatoire principal, Mme Panik a témoigné qu'elle était employée par l'intimé comme enseignante depuis 16 ans. Elle a témoigné qu'elle n'est pas membre de la bande. Selon Mme Panik, ayant appris que Mme Senior Wall était enceinte, elle lui a demandé si elle allait revenir à l'école. Mme Panik a affirmé que Mme Senior Wall lui a dit qu'elle ne reviendrait pas, qu'elle voulait se rapprocher de ses parents et que son mari n'avait pu trouver d'emploi sur la réserve ou à Maniwaki.

Mme Panik a également témoigné qu'au cours de son emploi chez l'intimé, elle a donné naissance à deux enfants. Dans le cas du premier enfant, elle a pris un congé de maternité de trois mois. Dans le cas du deuxième, elle a pris une année, mais elle a précisé qu'elle n'avait obtenu aucune garantie qu'elle serait réembaucher et qu'elle avait dû faire une nouvelle demande d'emploi. Mme Panik a témoigné qu'elle avait négocié ses congés avec Gilbert Whiteduck et qu'elle n'avait pas connu aucune difficulté dans ses rapports avec lui. Mme Panik a également expliqué qu'au retour de son congé de trois mois, elle laissait son bébé chez une famille de la réserve et allait l'allaiter tous les quatre heures pendant la journée. Mme Panik faisait cela avec l'approbation des autorités scolaires qu'elle estimait fort obligeantes.

12

Mme Panik a témoigné que lorsque sa fille a été malade au cours de la dernière année et été hospitalisée durant deux mois, l'école lui a accordé le temps nécessaire pour être avec elle et n'a pas exigé qu'elle prenne un congé de maladie.

L'avocate de la Commission a choisi de ne pas contre-interroger Mme Panik.

Lucille Tenasco

En interrogatoire principal, Mme Tenasco a témoigné qu'elle est membre de la communauté Kitigan Zibi Anishinabeg et directrice de l'école de la bande depuis 1992. A ce titre, elle était la supérieure hiérarchique de Mme Senior Wall.

Selon Mme Tenasco, elle a eu une discussion avec Mme Senior Wall en mai ou juin 1993 concernant ses projets pour l'année scolaire 1993-1994. Au cours de cette conversation, elles ont discuté du fait qu'elles étaient toutes deux enceintes, et Mme Tenasco a demandé à Mme Senior Wall quels étaient ses projets pour l'année suivante. Mme Tenasco a témoigné que Mme Senior Wall lui a dit qu'elle irait chez sa mère et emménagerait probablement dans la maison de cette dernière. Mme Senior Wall avait ajouté que cela pourrait être mieux pour son mari, qui n'avait pu trouver d'emploi dans la région de Maniwaki, et qu'il aurait une meilleure chance d'obtenir un nouvel emploi là d'où ils venaient.

Mme Tenasco a également témoigné au sujet de ses propres expériences au chapitre des congés à titre d'employée du Conseil d'éducation de Kitigan Zibi. Mme Tenasco a expliqué qu'elle a eu deux enfants pendant qu'elle travaillait pour l'école. Dans le cas du premier enfant, elle a pris un congé de douze semaines. Elle a expliqué que la durée de son congé tenait de son choix et était dicté par ses circonstances financières personnelles, et qu'elle aurait pu prendre un plus long congé si elle l'avait voulu. Voilà pour l'enfant qu'elle attendait en 1993. Dans le cas du deuxième enfant, Mme Tenasco a pris tout le temps, soit quelque 20 semaines selon son estimation.

Mme Tenasco a témoigné qu'au retour de chaque congé, on lui a permis de quitter l'école deux fois par jour pour allaiter ses enfants.

L'avocate de la Commission a contre-interrogé Mme Tenasco brièvement, mais non au sujet de la discussion que cette dernière a dit avoir eue avec Mme Senior Wall au sujet de ses projets pour l'année scolaire suivante.

Debbie Whiteduck

Mme Whiteduck, qui est une cousine germaine du chef Whiteduck et de Gilbert Whiteduck, a été employée par l'intimé à titre d'enseignante durant l'année scolaire 1993-1994. Mme Whiteduck a obtenu son brevet d'enseignement au printemps de 1993. Mme Whiteduck a expliqué qu'aucun de ses cousins germains n'a participé à l'entrevue pour éviter toute perception de conflit d'intérêts, eu égard au lien de parenté. Elle a

13

témoigné au sujet des cours qu'elle a suivis, et il semble qu'elle ait assumé au moins certaines des tâches d'enseignement de Mme Senior Wall.

Mme Whiteduck a décrit l'aide qu'elle a reçue à la fois de Mme Senior Wall et de Theana Papadopoulos pour obtenir un poste d'enseignante à l'école. Selon Mme Whiteduck, elles lui ont expliqué le type de questions auxquelles elle pouvait s'attendre à l'entrevue, à la lumière de leurs propres expériences. Cela lui a permis de préparer des réponses réfléchies avant l'entrevue.

Gilbert Whiteduck

M. Whiteduck a témoigné qu'il était employé à titre de directeur de l'éducation par le Conseil d'éducation de Kitigan Zibi depuis 1980. En cette qualité, il relève du Conseil d'éducation de Kitigan Zibi, qui est l'organe élu responsable de l'élaboration de politiques et de la prestation de services d'enseignement aux 500 membres de la communauté. Le Conseil d'éducation s'occupe de la prestation de services d'enseignement aux niveaux pré-scolaire, élémentaire, secondaire, postsecondaire et adulte.

Selon M. Whiteduck, tous les enseignants de l'école étaient employés aux termes de contrats d'un an, qui seraient normalement renouvelés d'année en année.

M. Whiteduck a affirmé qu'il rencontrait tous les enseignants au printemps de chaque année afin de déterminer s'ils allaient revenir ou non à l'école, de sorte que le Conseil de l'éducation puisse annoncer le plus tôt possible les postes vacants à combler. Il a rencontré Mme Senior Wall le 22 avril 1993. Il a confirmé qu'au début de la réunion, il avait informé Mme Senior Wall que les choses s'étaient assez bien passées et qu'il y avait une possibilité de contrat pour l'année suivante. M. Whiteduck a affirmé que Mme Senior Wall l'a alors informé qu'elle était enceinte et ne reviendrait pas à l'école l'année suivante. Elle a également mentionné que son mari retournerait aux études l'année suivante. Elle a bien demandé s'il était possible pour elle de revenir l'année suivante. M. Whiteduck a témoigné qu'il a dit à Mme Senior Wall qu'elle aurait à faire une demande à ce moment-là.

M. Whiteduck a affirmé que si Mme Senior Wall avait été intéressée à revenir à l'école, elle aurait obtenu un nouveau contrat.

M. Whiteduck a affirmé que Mme Senior Wall n'a pas demandé de congé de maternité durant la réunion. Si un tel congé avait été demandé, il l'aurait accordé. Outre qu'il croyait personnellement dans la valeur de tels congés, M. Whiteduck a fait remarquer que le Manuel de la politique en matière de ressources humaines stipule que les employées ont droit au congé de maternité. S'il n'avait pas respecté la politique, il aurait pu être puni par la bande et son poste aurait été en jeu.

M. Whiteduck a bien reconnu qu'il avait entendu des rumeurs de la grossesse de Mme Senior Wall avant de la rencontrer le 22 avril, mais il n'en avait pas été officiellement informé.

14

M. Whiteduck a expliqué que le relevé d'emploi de Mme Senior Wall a été rempli comme il l'a été parce qu'il croyait que si une personne n'acceptait pas un nouveau contrat, il était légalement tenu d'inscrire qu'elle avait quitté son emploi. En rétrospective, il admet qu'il aurait dû indiquer fin de contrat sur le relevé d'emploi.

M. Whiteduck a témoigné qu'au cours des années, le Conseil d'éducation a accédé à diverses demandes des employés, y compris celles de congé de maternité, et a facilité les choses aux employées ayant des enfants malades ou désirant les allaiter. Cela tient de la croyance Anishinabeg dans le rôle central que joue la maternité dans la vie, croyance qu'il a incorporé à son propre système de valeurs.

M. Whiteduck a confirmé que deux autres enseignantes (Mme Tenasco et Lisa Whiteduck) ont pris des congés de maternité en 1993-1994. Lorsqu'une enseignante prenait un congé de maternité, l'école soit essayait de réaménager le calendrier interne pour permettre au personnel d'assumer ses tâches, soit embauchait une remplaçante. M. Whiteduck a témoigné que chaque année, le Conseil d'éducation reçoit un grand nombre de demandes de la part d'enseignants, surtout de jeunes enseignants, qui cherchent de l'emploi et qu'il n'a eu aucune difficulté à combler des postes temporaires.

M. Whiteduck a témoigné qu'à aucun moment durant ou à la fin de sa réunion avec Mme Senior Wall il n'avait senti d'animosité ou de la colère de la part de cette dernière. Il n'a jamais senti non plus quelquonque animosité entre eux jusqu'à la fin de l'année scolaire, lors de réunions du personnel ou lors de rencontres fortuites à l'école.

M. Whiteduck a témoigné que le 17 septembre 1993, il a reçu un appel téléphonique de Mme Senior Wall au sujet de son relevé d'emploi. M. Whiteduck avait manifestement pris note de la conversation dans son journal. Il a confirmé qu'il avait informé Mme Senior Wall qu'il ne se rappelait pas qu'elle ait demandé un congé de maternité.

IV LE DROIT

L'article 7 de la LCDP stipule, en partie, ce qui suit : Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

a) de refuser d'employer ou de continuer d'employer un individu...

La discrimination fondée sur la grossesse est réputée être de la discrimination fondée sur le sexe, qui est un motif de distinction illicite.

15

Dans un cas de ce genre, il incombe au plaignant de faire une preuve suffisante à première vue de discrimination. Cela fait, il appartient à l'intimé de fournir une explication raisonnable de la conduite en litige (Commission ontarienne des droits de la personne c. Etobicoke, [1982], 1 R.C.S. 202, à la p. 208, et Commission ontarienne des droits de la personne et O'Malley c. Simpson Sears Limited, [1985], 2 R.C.S. 536, à la p. 558).

Une preuve suffisante à première vue est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante en l'absence de réponse de l'intimé (O'Malley, supra, p. 558).

Si l'intimé fournit une explication raisonnable du comportement par ailleurs discriminatoire, le plaignant a alors le fardeau de prouver que l'explication était un prétexte et que le comportement de l'employeur était effectivement empreint de discrimination (Israeli c. La Commission canadienne des droits de la personne, 4 C.H.R.R. D/1616, à la p. 1617 (confirmée par 5 C.H.R.R. D/2147) et Basi c. Compagnie des chemins de fer nationaux (1988), 9 C.H.R.R. D/5029).

La jurisprudence reconnaît la difficulté, dans les cas de discrimination, de prouver les allégations par des preuves directes. Comme il était signalé dans l'affaire Basi :

La discrimination n'est pas un phénomène qui se manifeste ouvertement comme on serait porté à le croire. Il est rare en effet qu'on puisse prouver par des preuves directes qu'un acte discriminatoire a été commis intentionnellement (à la p. D/5038).

Il revient plutôt au Tribunal d'examiner toutes les circonstances pour déterminer s'il existe ce qui a été appelé, dans l'affaire Basi, de subtiles odeurs de discrimination.

Le degré de preuve dans les cas de discrimination est le degré de preuve civile ordinaire de la prépondérance des probabilités. Dans le cas de preuves circonstancielles, le test peut-être énoncé comme suit :

«... on peut conclure à la discrimination quand la preuve présentée à l'appui rend cette conclusion plus probable que n'importe quelle autre conclusion ou hypothèse (B. Vizkelety, Proving Discrimination in Canada (Toronto), Carswell, 1987, à la p. 142.)

V ANALYSE

Mme Senior Wall et Gilbert Whiteduck ont raconté des histoires fondamentalement différentes quant à ce qui a été dit à la rencontre du 22 avril 1993. Ayant eu la possibilité d'examiner l'ensemble des témoignages, le Tribunal préfère celui de M. Whiteduck pour les raisons suivantes :

16

  1. M. Whiteduck a témoigné de façon claire et directe. Nous notons que l'avocate de la Commission n'a pas contre-interrogé M. Whiteduck sur les événements du 22 avril. Relativement à notre mandat légal d'examiner l'objet de la plainte (article 50 de la LCDP), le Tribunal a bien interrogé M. Whiteduck au sujet de la rencontre du 22 avril. M. Whiteduck a répondu de façon franche et candide aux questions du Tribunal.
  2. Le témoignage de M. Whiteduck, selon lequel Mme Senior Wall l'a informé qu'elle ne désirait pas revenir enseigner durant l'année scolaire 1993-1994, a été confirmé par ceux de Lucille Tenasco et Hanney Panik. Ni Mme Tenasco ni Mme Panik n'ont mentionné que Mme Senior Wall a dit qu'elle ne reviendrait pas à l'école l'année suivante parce qu'on lui avait refusé un congé de maternité.
  3. Les actions de Mme Senior Wall après la rencontre du 22 avril s'accordent plus avec la conclusion qu'elle avait volontairement décidé de ne pas revenir enseigner durant l'année scolaire suivante. Pour arriver à cette conclusion, le Tribunal a tenu compte du fait que Mme Senior Wall n'a pas tenté d'en appeler de la décision de M. Whiteduck en recourant au processus d'appel interne de la bande ni n'a parlé à Mme Tenasco du fait que sa demande de congé de maternité aurait prétendument été refusée. Les explications de Mme Senior Wall quant aux raisons pour lesquelles elle n'a pas eu recours au processus d'appel interne variaient et n'étaient pas satisfaisantes. De même, Mme Senior Wall n'a pas consulté d'avocat ni communiquer avec des organismes externes avant qu'elle y soit encouragée par les autorités de l'Assurance-chômage, lorsqu'elle a également constaté qu'ayant quitté volontairement son emploi, son admissibilité aux prestations d'assurance-chômage pouvait être en péril. En réalité, ce n'est qu'en août 1993, quelque quatre mois après sa rencontre avec M. Whiteduck, que Mme Senior Wall a pour la première fois allégué qu'on lui avait refusé un congé de maternité.
  4. Malgré le témoignage de Mme Senior Wall quant à sa consternation au sujet de l'inscription sur son relevé d'emploi (reçu le 28 juin 1993) portant qu'elle avait quitté son emploi, elle n'a pas en fait parlé à M. Whiteduck pour faire corriger le relevé avant le 17 septembre 1993 et, alors, seulement après le refus de sa demande initiale de prestations d'assurance-chômage.
  5. Les témoignages de Gilbert Whiteduck, Hanney Panik et Lucille Tenasco établissent que l'intimé a généralement fait preuve d'une souplesse considérable pour répondre aux besoins parentaux de ses employés, qu'ils soient membres ou non de la bande. Aucune explication n'a été offerte de la raison pour laquelle Mme Senior Wall aurait, à la différence des autres, fait l'objet d'un traitement discriminatoire. En réalité, selon le témoignage de Mme Senior Wall, elle avait, à tout moment au cours de son emploi chez l'intimé, jouit d'une relation de travail cordiale avec Gilbert Whiteduck. En outre, le témoignage de Mme Senior Wall établit que, même si M. Whiteduck savait qu'elle était enceinte, il l'a informée le 22 avril 1993, qu'il était satisfait de son rendement et voulait qu'elle revienne à l'école.
  6. 17

  7. La version de Gilbert Whiteduck des événements est compatible avec la déception manifeste de M. Wall et de Mme Senior Wall en raison de l'incapacité de M. Wall de trouver un nouvel emploi dans la région de Maniwaki.
  8. Même si Mme Senior Wall a témoigné que Mme Papadopoulos, M. McCooey et Mme Tolley savaient tous qu'elle désirait prendre un congé de maternité, aucune de ces personnes n'a témoigné devant le Tribunal.
  9. Comme le contrat initial de Mme Senior Wall avec l'intimé a expiré, le Tribunal n'a accordé aucune importance au fait que Mme Senior Wall n'ait pas remis de lettre de démission à l'intimé.

Le Tribunal conclut donc que l'intimé a offert une explication raisonnable et non discriminatoire des événements en question, et que la Commission et Mme Senior Wall n'ont pas établi que cette explication est un prétexte.

VI ORDONNANCE

Pour les motifs précités, la présente plainte est rejetée.

Fait ce 26e jour de juin 1997.


Anne L. Mactavish

Monique Bourgon

Gerald T. Rayner
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.