Tribunal canadien des droits de la personne

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D.T. 7/98

Décision rendue le 29 juillet 1998

LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

(L.R.C., 1985, ch. H-6 (version modifiée))

TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE

ENTRE :

L'ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

la plaignante

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

CONSEIL DU TRÉSOR

l'intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL - PHASE II

Tribunal : Donna Gillis, présidente Norman Fetterly, membre Joanne Cowan-McGuigan, membre

Comparutions : Andrew Raven Avocat de l'Alliance de la fonction publique du Canada

Rosemary Morgan et René Duval Avocats de la Commission canadienne des droits de la personne

Duff Friesen, Lubomyr Chabursky et Deborah Smith Avocats du Conseil du Trésor

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Renvoi: D.T. 2/96 15 fevrier 1996

TRADUCTION

TABLE DES MATIÈRES

I. INTRODUCTION

A. L'étude sur la parité salariale

B. Historique des plaintes fondées sur l'article 11

C. Le processus d'enquête de la Commission relatif aux plaintes fondées sur l'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne

D. Témoignages d'expert

II. QUESTIONS À TRANCHER

III. ARGUMENTS DES PARTIES

A. L'intimé

B. La Commission

C. L'Alliance

IV. MÉTHODE DE RAJUSTEMENT DES SALAIRES

A. La méthode de la Commission : niveau/segment

B. La méthode de l'Alliance :

C. La méthode de l'intimé

(i). La méthode des groupes entiers

(ii). Inférence défavorable

V. LE SYSTÈME DE CLASSIFICATION DE L'EMPLOYEUR

VI. L'ARTICLE 11 DE LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

A. Discrimination systémique

(i). Le concept de causalité

(ii). Historique de l'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne

B. Preuve prima facie de discrimination

(i). Le concept de l'équivalence

(ii). Le principe de l'égalité

VII. L'ORDONNANCE SUR LA PARITÉ SALARIALE

A. Historique de l'Ordonnance sur la parité salariale107

B. Articles 12 et 13 de l'Ordonnance sur la parité salariale

(i). Groupes professionnels

C. Article 14 de l'Ordonnance sur la parité salariale

D. Validité de l'article 14 de l'Ordonnance sur la parité salariale

E. Article 15 de l'Ordonnance sur la parité salariale

(i). Comparaisons directe et indirecte

F. Interprétation de l'article 15 de l'Ordonnance sur la parité salariale

VIII. SÉLECTION DE LA MÉTHODE DE RAJUSTEMENT SALARIAL

A. Choix de la méthode

B. L'effet de cliquet

IX. TAUX SALARIAUX RÉGIONAUX

X. RÉPARATION

A. Rétroactivité

B. Méthode de paiement et calcul du paiement

C. Intérêts

D. Préjudice moral et indemnité spéciale

E. Dépens

XI. ORDONNANCES

ANNEXE A - GLOSSAIRE

I.INTRODUCTION

A. L'étude sur la parité salariale

1. Le 19 décembre 1984, le groupe Commis aux écritures et aux règlements (CR) de la fonction publique fédérale a déposé auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) une plainte alléguant un traitement discriminatoire en contravention des articles 7 et 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C., 1985, ch. H-6 (la Loi). La plainte porte que les membres de ce groupe exécutent des fonctions équivalentes à celles des membres du groupe Administration des programmes (PA), à prédominance masculine. La plainte (pièce HR-10) se lit en partie comme suit :

[Traduction]

Nous alléguons que les membres du groupe Commis aux écritures et aux règlements, à prédominance féminine, de la fonction publique fédérale qui exécutent des fonctions équivalentes à celles des membres du groupe Administration des programmes, à prédominance masculine, ont touché depuis la création de ces groupes et touchent actuellement un salaire inférieur pour ces fonctions, en contravention des articles 7 et 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

2. En mars 1985, le gouvernement a lancé un programme de mesures proactives visant à déceler et à éliminer les écarts salariaux attribuables à une partialité fondée sur le sexe dans la fonction publique fédérale. Le gouvernement a annoncé ces mesures le 8 mars 1985, déclarant qu'il entendait [TRADUCTION] faire en sorte que le principe de la parité salariale pour fonctions équivalentes soit appliqué dans la fonction publique fédérale [...]. L'initiative du gouvernement a officiellement débuté trois mois après le dépôt de la plainte survenu le 19 décembre 1984.

3. Les syndicats de la fonction publique fédérale ont été invités à prendre part à l'initiative du gouvernement dans le cadre d'un comité mixte syndical-patronal sur la mise en oeuvre de la parité salariale (le Comité mixte). Le Tribunal a donné des détails sur les travaux du Comité mixte dans deux décisions antérieures (voir Alliance de la fonction publique du Canada et al. c. Conseil du Trésor, (1992), (la décision du voir-dire) et Alliance de la fonction publique du Canada et al. c. Conseil du Trésor, (1996), D.T. 2/96 (la décision de la Phase I).

4. Le Comité mixte a mené une étude (l'étude sur la parité salariale) afin de déterminer le degré de discrimination salariale fondée sur le sexe présent dans la fonction publique fédérale. La Commission a été invitée à participer à l'étude en tant qu'observatrice. La Commission a également donné des conseils au Comité mixte chargé de l'initiative. En raison des travaux du Comité mixte, la Commission a accepté de laisser en suspens jusqu'à la fin de l'étude la plainte fondée sur l'article 11 déposée en 1984. Elle a également accepté de reporter l'examen de toutes les plaintes fondées sur l'article 11 déposées à l'encontre du Conseil du Trésor après l'annonce de l'étude, et d'attendre les résultats de cette dernière avant de faire enquête sur toute plainte en suspens.

5. L'étude sur la parité salariale s'étant soldée par un échec, le plan d'action convenu par le Comité mixte n'a jamais été mené à terme. Selon ce plan, le Comité mixte devait concevoir des méthodes permettant d'apporter des correctifs à l'échelle du système afin de supprimer les disparités salariales fondées sur le sexe. Le plan n'a jamais été mis en oeuvre. Au lieu de cela, au début de 1990, le gouvernement a pris unilatéralement des mesures pour appliquer des rajustements paritaires à trois groupes professionnels : Commis aux écritures et aux règlements (CR), Soutien de l'enseignement (EU) et Secrétariat, sténographie et dactylographie (ST). Le gouvernement s'est servi des résultats des évaluations effectuées dans le cadre de l'étude sur la parité salariale pour calculer les rajustements paritaires.

6. Après l'échec de l'étude sur la parité salariale, l'Alliance de la fonction publique du Canada (l'Alliance) a déposé le 16 février 1990 une plainte séparée au nom de six groupes professionnels à prédominance féminine qui avaient été évalués dans le cadre de l'étude. La plainte alléguait qu'il y avait discrimination salariale en contravention de l'article 11 de la Loi. La plainte avait trait aux membres du groupe professionnel CR et de cinq autres groupes professionnels à prédominance féminine. Voici un extrait de cette plainte (pièce HR-10) :

[Traduction]

Nous alléguons que les résultats obtenus à la suite des travaux du Comité mixte syndical-patronal sur la mise en oeuvre de la parité salariale ont montré l'existence de taux de rémunération qui contreviennent à l'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Plus précisément, les salaires versés aux membres des groupes professionnels CR, ST, DA, EU, HS et LS, à prédominance féminine, sont inférieurs aux salaires des employés des 53 groupes professionnels à prédominance masculine inclus dans l'étude qui exécutent des fonctions équivalentes. Nous alléguons de plus que cette disparité salariale est fondée sur le sexe et que les rajustements paritaires appliqués aux groupes CR et ST, que le Conseil du Trésor a annoncés le 26 janvier 1990, ne sont pas suffisants pour corriger cette violation de l'article 11.

7. Durant l'étude sur la parité salariale, la Commission a été mise au courant des résultats de l'évaluation des emplois effectuée. La Commission et l'Alliance se fondent sur les résultats de l'étude pour alléguer qu'il y a eu contravention de l'article 11 de la Loi.

B. Historique des plaintes fondées sur l'article 11

8. Mme Elizabeth Millar, chef, Section de la classification et de l'égalité de rémunération, Direction de la négociation collective à l'Alliance, a fait l'historique des plaintes fondées sur l'article 11 que l'Alliance avait déposées auprès de la Commission après l'entrée en vigueur de l'article 11 de la Loi le 1er mars 1978. En novembre 1979, la première plainte a été déposée au nom de 3 300 fonctionnaires de trois sous-groupes à prédominance féminine du groupe Services divers (GS), alléguant une discrimination comparativement aux quatre sous-groupes à prédominance masculine du même groupe professionnel (la plainte visant le groupe GS). Le groupe GS, qui comportait alors 12 100 membres, comptait sept sous-groupes ayant chacun un taux de rémunération différent. Les trois sous-groupes les moins bien rémunérés, soit les services alimentaires, les services de blanchisserie et les services personnels divers, étaient majoritairement composés de femmes selon les calculs de la Commission, tandis que les quatre autres, c'est-à-dire les services de messagerie, de garde, des bâtiments et des magasins, étaient à prédominance masculine. Cette plainte était encore compliquée par le fait qu'il existait 22 zones ou régions où les taux de salaire étaient différents des taux nationaux. Un tribunal a été constitué pour entendre la plainte. Une entente a été conclue en mars 1982, avant l'audience de ce tribunal. Aux termes de l'entente, la courbe de régression des salaires de chaque sous-groupe à prédominance féminine était rajustée en fonction de la courbe de régression moyenne des salaires des quatre sous-groupes nationaux à prédominance masculine (voir la section IX). Selon Mme Millar, la méthode adoptée pour le règlement de la plainte visant le groupe GS a été incorporée dans les modifications apportées à l'Ordonnance de 1986 sur la parité salariale (l'Ordonnance), prise en application de la Loi, pour les fins du rajustement des salaires dans le cas des plaintes collectives.

9. Mme Millar ainsi que M. Paul Durber, directeur de la Parité salariale à la Commission, ont fait état de la plainte concernant le groupe professionnel Bibliothéconomie (LS), également déposée en 1979, qui soulevait la question des comparaisons indirectes. Le groupe LS est un groupe professionnel de l'intimé. L'Alliance avait déposé cette plainte au nom de l'ensemble du groupe LS, à prédominance féminine, et alléguait une discrimination comparativement au groupe Recherche historique (HR), à prédominance masculine, de l'intimé. Au cours de l'enquête, la Commission a évalué des emplois sélectionnés dans chaque niveau de chaque groupe. La plainte a fait l'objet d'un règlement en 1980. La méthode de rajustement est énoncée dans un document intitulé Equal Pay for Work of Equal Value in the Federal Public Service of Canada, rédigé en 1983 par M. John G. Campbell, chef, Parité salariale et recherche sur la classification, Direction de la politique du personnel, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (pièce PSAC-94). Dans ce document, M. Campbell décrit à la p. 47 la méthode que l'on a appliquée pour rajuster les salaires du groupe LS :

[Traduction]

On a obtenu le rajustement pour chaque niveau de rémunération du groupe Bibliothéconomie en calculant la différence entre la courbe des salaires du groupe Recherche historique et le salaire intermédiaire de chaque niveau du groupe Bibliothéconomie au point d'évaluation moyen pour ce niveau. [C'est nous qui soulignons.]

10. Selon Mme Millar, une autre plainte a découlé de la plainte visant le groupe GS. En 1981, l'Alliance a déposé une plainte au nom du groupe Services hospitaliers (HS). Les emplois faisant l'objet de la plainte comprenaient les suivants : cuisinier, aide-diététicien, préposé aux soins, infirmier auxiliaire, assistant dentaire et d'autres membres du groupe professionnel des Services hospitaliers, à prédominance féminine. Les emplois comparatifs étaient les emplois majoritairement occupés par des hommes dans le groupe GS, comprenant les suivants : cuisinier, messager, blanchisseur, préposé aux magasins et préposé à l'entretien des terrains. On a comparé les emplois du groupe HS à ceux du groupe GS en faisant appel à une norme de classification (plan d'évaluation des emplois pour les postes du groupe GS). On est parvenu en juillet 1987 à un règlement concernant le rajustement du taux de salaire de chaque niveau du groupe HS en fonction du niveau correspondant dans le groupe GS. On a convenu que les emplois ayant une cote numérique analogue dans les deux groupes recevraient le même salaire. Cela signifiait, par exemple, qu'un emploi du groupe HS ayant une cote de 200 points serait rémunéré au même taux qu'un emploi du groupe GS ayant une cote de 200 points. Le règlement a été incorporé dans une ordonnance d'un tribunal des droits de la personne; en 1987, le tribunal en question a ordonné à l'employeur de verser à 5 000 employés le montant prévu dans l'entente. L'Alliance et l'intimé ont convenu devant le présent Tribunal que l'ordonnance de 1987 n'empêcherait pas de procéder à des rajustements additionnels si le Tribunal concluait, à la suite de l'étude sur la parité salariale, qu'il existe encore aujourd'hui un écart salarial.

11. M. Durber a donné des exemples d'autres plaintes fondées sur l'article 11 que la Commission avait examinées depuis 1978. La majorité de ces plaintes ont été réglées avec le consentement de la Commission. On y trouve tant des plaintes individuelles que des plaintes collectives. La Commission a accepté des plaintes fondées sur l'article 11 déposées par divers syndicats de la fonction publique au nom de sous-groupes de groupes professionnels. Fait digne de mention, dans une plainte, on comparait les fonctions d'un sous-groupe à celles d'un autre sous-groupe du même groupe professionnel.

12. M. James Sadler, conseiller principal à la Section de la parité salariale de la Commission, a affirmé dans son témoignage que les plaintes déposées auprès de la Commission ne concernaient pas toutes le Conseil du Trésor ni la fonction publique fédérale. Parmi les autres employeurs, on compte une société minière, une entreprise nationale de camionnage, une entreprise de services de sécurité, une compagnie aérienne, un conseil de bande autochtone et une administration territoriale. Ces employeurs ne possèdent pas la même structure officielle de classification des emplois par groupes qui existe dans la fonction publique fédérale. La preuve révèle que l'on est parvenu à des règlements en appliquant des méthodes de comparaison tant directes qu'indirectes (voir la section VII, E(i)).

13. De plus, la preuve montre que les groupes qui ont déposé des plaintes ne sont pas tous des groupes professionnels de l'intimé.

C. Le processus d'enquête de la Commission relatif aux plaintes fondées sur l'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne

14. M. Sadler a décrit le processus d'enquête qu'adopte la Commission relativement aux plaintes fondées sur l'article 11. Selon son témoignage, une plainte prend d'ordinaire naissance lorsqu'un plaignant communique avec la Commission et fait une allégation de discrimination aux termes de l'article 11 de la Loi. À ce stade, la Commission obtient du plaignant le plus grand nombre possible de renseignements sur les faits. Les employés de la Commission examinent et analysent ensuite l'information obtenue pour déterminer : s'il y a en fait un problème de partialité fondée sur le sexe; s'il s'agit d'un problème individuel ou collectif; si le groupe plaignant et le groupe auquel on le compare travaillent pour le même employeur dans le même établissement. La Commission conseille ensuite les plaignants éventuels sur l'à-propos de déposer une plainte officielle.

15. Après l'acceptation de la plainte par la Commission, on nomme un enquêteur chargé d'examiner la question. Même si elle n'est pas tenue de le faire en vertu de la Loi ou de l'Ordonnance, la Commission avise alors l'employeur mis en cause de la nature de la plainte et lui en communique certains détails. L'avis indique le nom de l'enquêteur et demande au mis en cause de présenter tout moyen de défense dont il dispose. On demande également au mis en cause de produire les documents pertinents nécessaires à une enquête préliminaire, par exemple, un système de classification, des descriptions de travail, une liste des employés et d'autres renseignements opportuns.

16. Au reçu de la réponse de l'employeur, on procède à une analyse de celle-ci pour déterminer si l'information qu'elle contient contredit les renseignements obtenus du plaignant. Lorsque la Commission estime que l'employeur invoque un moyen de défense valable, elle détermine s'il y a lieu de poursuivre l'enquête ou de l'interrompre à ce stade.

17. Si la plainte dépasse ce stade, l'enquêteur entreprend un processus de collecte de données de fait sur les emplois. Il peut notamment envoyer à tous les employés, ou à un échantillon statistique d'employés, des descriptions de travail accompagnées de questionnaires portant sur les quatre critères énoncés dans la Loi, c'est-à-dire les qualifications, les responsabilités, les connaissances et les conditions de travail. À ce stade, la Commission s'attend à ce que des surveillants et des gestionnaires de l'organisation en cause examinent les questionnaires remplis et fassent des commentaires sur les réponses. Après une étude des questionnaires, la Commission interroge des titulaires choisis ainsi que leurs supérieurs et, dans certains cas, examine les manuels et la documentation. L'enquêteur peut observer la nature des appareils ou de l'équipement requis pour l'accomplissement des tâches. Généralement, l'enquêteur effectue une vérification sur place afin d'observer les employés au travail. Il peut aussi procéder à une vérification au bureau, qui consiste à examiner la documentation, les questionnaires sur les emplois et les descriptions de travail.

18. Après la collecte de toutes les données de fait sur les emplois, la Commission constitue normalement un comité d'évaluation des emplois, d'ordinaire composé de trois personnes, qui est chargé d'évaluer les postes. Si l'employeur possède déjà un système d'évaluation des emplois, la Commission se prévaut de l'article 9 de l'Ordonnance pour analyser ce système et en déterminer la pertinence dans le cadre d'une plainte d'iniquité salariale. Sinon, elle a recours au plan Aiken ou au plan Hay d'évaluation des emplois. L'article 9 de l'Ordonnance est ainsi libellé :

Méthode d'évaluation

9 Lorsque l'employeur a recours à une méthode d'évaluation pour établir l'équivalence des fonctions exécutées par des employés dans le même établissement, cette méthode est utilisée dans les enquêtes portant sur les plaintes dénonçant une situation de disparité salariale si elle :

(a) est exempte de toute partialité fondée sur le sexe;

(b) permet de mesurer la valeur relative des fonctions de tous les emplois dans l'établissement; et

(c) permet d'évaluer les qualifications, les efforts, les responsabilités et les conditions de travail visés aux articles 3 à 8.

19. L'étape suivante du processus, selon M. Sadler, est l'analyse de l'écart salarial; elle consiste à comparer les fonctions et les salaires du groupe d'emplois féminins aux fonctions et aux salaires du groupe d'emplois masculins pour déterminer s'il y a des différences. Cette étape, a-t-il expliqué, complète l'enquête. Avant qu'un rapport officiel ne soit présenté aux Commissaires, l'enquêteur communique les conclusions de l'enquête au plaignant et à l'employeur mis en cause. À ce stade, l'enquêteur avise les parties des recommandations prévues par la Commission et leur donne des conseils officieux.

20. La Commission rédige ensuite un rapport d'enquête officiel qui est remis aux Commissaires et transmis au plaignant et à l'employeur à des fins d'examen. On accorde 30 jours aux parties pour soumettre des observations sur le rapport et soulever les points dont elles souhaitent l'examen. Le délai maximal imparti est de 60 jours, mais la Commission accepte d'étudier les demandes de prolongation. Si les parties font des observations, l'enquêteur chargé de la plainte est tenu de prendre en considération tous les faits mentionnés et de déterminer s'il y a lieu ou non de reprendre certains aspects de l'enquête. L'enquêteur peut aussi décider si les documents soumis par les parties justifient une réponse de la Commission. On transmet copie des observations à la partie adverse afin de lui donner la possibilité de répliquer. Lorsque cette étape est terminée, les observations sont jointes au rapport final, accompagnées des commentaires de l'enquêteur.

21. Par conséquent, on remet soit le rapport initial, soit une version modifiée de celui-ci aux Commissaires, lesquels examinent la plainte dans le cadre de leurs réunions ordinaires. Après discussion, les Commissaires décident de classer l'affaire, de la renvoyer à un tribunal ou de suggérer un mode approprié de règlement de la plainte. Par la suite, le secrétaire de la Commission avise les parties par écrit de la décision des Commissaires.

22. Nous remarquons que la Commission n'a pas suivi toutes les étapes du processus d'enquête décrit par M. Sadler dans les enquêtes sur les plaintes dont le Tribunal est maintenant saisi.

23. L'enquête de la Commission sur les deux plaintes que nous avons à trancher a débuté en mars 1990, après l'échec de l'étude sur la parité salariale. L'enquête de la Commission a été décrite en détail dans la décision de la Phase I du Tribunal, qui portait sur la question de la fiabilité. Au stade de l'enquête, la Commission a retenu les services de M. Sunter, ancien directeur de Statistique Canada, pour l'aider dans son examen. Celui-ci a notamment analysé la partialité fondée sur le sexe dans les résultats de l'évaluation des emplois et analysé l'écart salarial, ce qui entraînait un examen critique de la méthode de rajustement des salaires que le Conseil du Trésor avait utilisée pour apporter unilatéralement les rajustements salariaux en janvier 1990.

24. M. Sunter a entrepris l'analyse des données de l'étude sur la parité salariale le 5 avril 1990. Il a rédigé cinq rapports concernant la partialité fondée sur le sexe et l'analyse de l'écart salarial. La méthode de rajustement des salaires qu'il recommandait a par la suite été adoptée par la Commission.

25. Nous remarquons que le premier rapport de M. Sunter, intitulé Sex-Based Wage Disparity in the Public Service of Canada - I (pièce HR-156), est daté de mai 1990. Le deuxième rapport rédigé pour la Commission, Sex-Based Wage Disparity in the Public Service of Canada - II, Analysis for Seven Female-Dominated Groups (pièce HR-199), n'est pas daté, mais M. Sunter a affirmé dans son témoignage qu'il l'avait rédigé à un moment quelconque entre avril et juin 1990.

26. Le rapport suivant de M. Sunter, intitulé Sex-Based Wage Disparity in the Public Service of Canada (pièce HR-206), n'est pas daté lui non plus, mais a été parachevé à un moment quelconque entre avril et juin 1990. Son quatrième rapport sur le sujet, intitulé Sex-Based Wage Disparity in the Public Service of Canada (pièce HR-146), est daté d'octobre 1991. À la p. 2 de ce rapport, il fait mention des rapports antérieurs. Selon cette mention, la date du quatrième rapport correspond à septembre 1991. Le dernier rapport de M. Sunter (pièce HR-200), daté d'octobre 1992, est un supplément à son deuxième rapport et est intitulé Sex-Based Wage Disparity in the Public Service of Canada - Supplement to Report II.

27. En raison de la mise en oeuvre de l'étude sur la parité salariale, l'enquête de la Commission sur ces plaintes a été modifiée de diverses façons importantes, dont voici les plus notables :

  1. Le Comité mixte s'est servi des groupes professionnels établis au sein du système de classification de l'employeur pour sélectionner les emplois à évaluer dans le cadre de l'étude sur la parité salariale. Dans la fonction publique fédérale, les emplois sont classés par groupes professionnels. Le Comité mixte a convenu que seuls les groupes professionnels composés majoritairement d'hommes et composés majoritairement de femmes, au sens de l'article 13 de l'Ordonnance, seraient inclus dans l'étude. D'après les dispositions de l'article 13 de l'Ordonnance, une fois exclue la catégorie de la direction, le Comité mixte a convenu en mars 1985 qu'il y avait neuf groupes à prédominance féminine, 53 groupes à prédominance masculine et huit groupes sans prédominance d'un sexe sur l'autre. Les postes de ces huit derniers groupes ont alors été exclus de l'étude. L'Alliance, la Commission et l'intimé ont accepté les groupes professionnels désignés par le Comité mixte et ont avisé le Tribunal que la question de la prédominance d'un sexe sur l'autre dans les groupes plaignants et dans les groupes de comparaison n'était pas en litige. De la sorte, la Commission s'est trouvée déchargée de sa tâche initiale consistant à déterminer la prédominance d'un sexe sur l'autre dans les groupes plaignants et dans les groupes de comparaison en application de l'article 13 de l'Ordonnance.
  2. La Commission ne s'est pas elle-même engagée dans un processus d'évaluation des fonctions. Au lieu de cela, elle a accepté les résultats d'évaluation de l'étude sur la parité salariale à titre de preuves de la valeur des fonctions. Puisque les enquêtes de la Commission relatives aux plaintes fondées sur l'article 11 mettant en cause le Conseil du Trésor étaient suspendues pendant la durée de l'étude sur la parité salariale, la Commission a interrompu ses travaux à cet égard dans l'attente des résultats de l'étude. Les résultats en question ont été présentés au Tribunal à titre de preuves de la valeur des fonctions exécutées par les employés de sexe masculin et de sexe féminin touchés par ces plaintes.

28. L'analyse de l'écart salarial effectuée par M. Sunter au nom de la Commission a été communiquée aux parties dans le rapport d'enquête de la Commission daté du 28 septembre 1990 (pièce HR-43). Ce rapport faisait état des cotes révisées, lesquelles tenaient compte des rajustements généraux dont l'intimé s'était servi pour calculer les paiements paritaires effectués en février 1990. Il comprenait également la critique de M. Sunter sur la méthode du Conseil du Trésor et décrivait la méthode niveau/segment que M. Sunter proposait et que la Commission a adoptée.

29. Le rapport d'enquête final de la Commission a été soumis aux Commissaires à la fin septembre 1990. Le 16 octobre 1990, la Commission a décidé de renvoyer la question des salaires à un tribunal (pièces HR-10 et PSAC-25). Cela comprenait la plainte de 1984 et celle de 1990. Le 23 janvier 1991, le présent Tribunal de trois membres a été constitué pour entendre les deux plaintes touchant les membres de l'Alliance et les autres plaintes fondées sur l'article 11 qu'avait déposées l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l'Institut). Le 10 mai 1991, conformément à la Loi, la Commission a demandé que les attributions du Tribunal s'étendent à la rémunération indirecte (pièce T-2).

30. Le 9 septembre 1991, l'audience a officiellement débuté. Le Tribunal n'est plus saisi des plaintes de l'Institut, lesquelles ont été réglées à la suite d'une entente négociée en 1995. Le 31 mai 1995, le Tribunal a rendu une ordonnance sur consentement qui donnait effet à ce règlement.

D. Témoignages d'expert

31. La plus grande partie de la preuve concernant le calcul des écarts salariaux a été présentée par trois experts qualifiés. Deux d'entre eux, cités par la Commission, étaient des statisticiens : M. Alan Sunter et M. Richard Shillington. M. Sunter, auparavant directeur à Statistique Canada, avait été embauché par la Commission dans le cadre de son enquête sur les plaintes. M. Sunter a fourni à la Commission une analyse de l'écart salarial en faisant appel à une méthode de rajustement des salaires appelée niveau/segment. De l'avis de M. Sunter, cette méthode démontre l'existence d'un écart salarial entre les employés plaignants et les employés des groupes de comparaison.

32. M. Shillington a témoigné à propos de sa participation à l'étude sur la parité salariale. Durant son témoignage, il a donné son avis sur l'analyse de M. Sunter concernant la technique statistique de l'analyse de régression et sur les méthodes de rajustement des salaires en général.

33. Le troisième expert, M. Eugene Swimmer, cité par l'Alliance, a été accepté à titre d'expert en économique du travail et en statistique. Son témoignage a presque exclusivement porté sur la méthode de rajustement des salaires privilégiée par l'Alliance, appelée niveau/courbe composite.

34. Outre les experts en statistique, le Tribunal a eu l'avantage d'entendre le témoignage de Mme Nan Weiner, spécialiste de l'équité salariale de renommée internationale, que la Commission avait citée en vue d'éclairer le Tribunal sur les aspects divers de l'équité salariale, notamment les méthodes de rajustement des salaires. M. Norman Willis, expert en équité salariale dont le plan Willis a servi de base à l'étude sur la parité salariale, avait fourni des services consultatifs au Comité mixte. Il a donné au Tribunal son avis sur de nombreux aspects de l'équité salariale, dont les méthodes appropriées de rajustement des salaires.

35. Enfin, M. Terry Ranger a présenté au nom de l'Alliance des preuves de nature statistique. M. Ranger est au service de l'Alliance depuis septembre 1976 et est actuellement chef de la Section de la recherche de la Division de la négociation collective. Son emploi requiert la connaissance des méthodes et des principes statistiques. Il a donné au Tribunal un aperçu historique des méthodes de rajustement des salaires. Il a expliqué la démarche de l'Alliance en ce qui concerne la méthode de rajustement des salaires fondée sur la courbe composite.

36. Deux témoins experts de la Commission, M. James Sadler et M. Paul Durber, ont témoigné à propos de l'interprétation que la Commission fait de l'application de l'article 11 de la Loi et de l'Ordonnance connexe lorsqu'elle mène une enquête concernant une plainte fondée sur l'article 11. M. Durber a fourni des renseignements généraux sur les travaux de M. Sunter et donné l'avis de la Commission sur la méthode de rajustement des salaires de M. Sunter.

II. QUESTIONS À TRANCHER

37. La question fondamentale que le Tribunal doit trancher est de savoir si les plaignants ont établi prima facie l'existence d'une discrimination en contravention de l'article 11 de la Loi. Cela met en question l'interprétation de l'article 11 de la Loi et des articles de l'Ordonnance connexe qui visent les plaintes collectives. Ces dispositions sont ainsi libellées :

La Loi :

11. (1) Constitue un acte discriminatoire le fait pour l'employeur d'instaurer ou de pratiquer la disparité salariale entre les hommes et les femmes qui exécutent, dans le même établissement, des fonctions équivalentes.

(2) Le critère permettant d'établir l'équivalence des fonctions exécutées par des salariés dans le même établissement est le dosage de qualifications, d'efforts et de responsabilités nécessaire pour leur exécution, compte tenu des conditions de travail.

(3) Les établissements distincts qu'un employeur aménage ou maintient dans le but principal de justifier une disparité salariale entre hommes et femmes sont réputés, pour l'application du présent article, ne constituer qu'un seul et même établissement.

(4) Ne constitue pas un acte discriminatoire au sens du paragraphe (1) la disparité salariale entre hommes et femmes fondée sur un facteur reconnu comme raisonnable par une ordonnance de la Commission canadienne des droits de la personne en vertu du paragraphe 27(2).

(5) Des considérations fondées sur le sexe ne sauraient motiver la disparité salariale.

(6) Il est interdit à l'employeur de procéder à des diminutions salariales pour mettre fin aux actes discriminatoires visés au présent article.

(7) Pour l'application du présent article, salaire s'entend de toute forme de rémunération payable à un individu en contrepartie de son travail et, notamment :

a) des traitements, commissions, indemnités de vacances ou de licenciement ou des primes;

b) de la juste valeur des prestations en repas, loyers, logement et hébergement;

c) des rétributions en nature;

d) des cotisations de l'employeur aux caisses ou régimes de pension, aux régimes d'assurance contre l'invalidité prolongée et aux régimes d'assurance-maladie de toute nature;

e) des autres avantages reçus directement ou indirectement de l'employeur.

1976-77, ch. 33, art. 11.

L'Ordonnance :

Plaintes collectives

12 Lorsqu'une plainte dénonçant une situation de disparité salariale est déposée par un groupe professionnel identifiable ou en son nom, ce groupe doit être composé majoritairement de membres d'un sexe et le groupe auquel il est comparé doit être composé majoritairement de membres de l'autre sexe.

13 Pour l'application de l'article 12, un groupe professionnel est composé majoritairement de membres d'un sexe si, dans l'année précédant la date du dépôt de la plainte, le nombre de membres de ce sexe représentait au moins :

(a) 70 pour cent du groupe professionnel, dans le cas d'un groupe comptant moins de 100 membres;

(b) 60 pour cent du groupe professionnel, dans le cas d'un groupe comptant de 100 à 500 membres;

(c) 55 pour cent du groupe professionnel, dans le cas d'un groupe comptant plus de 500 membres.

14 Si le groupe professionnel ayant déposé la plainte est comparé à plusieurs autres groupes professionnels, ceux-ci sont considérés comme un seul groupe.

15 (1) Pour l'application de l'article 11 de la Loi, lorsque la plainte déposée dénonce une situation de disparité salariale entre un groupe professionnel et un autre groupe professionnel et qu'une comparaison directe de ces deux groupes ne peut être faite quant à l'équivalence des fonctions et aux salaires des employés, une comparaison indirecte de ces éléments peut être faite.

(2) Pour la comparaison des salaires des employés des groupes professionnels visés au paragraphe (1), la courbe des salaires du groupe professionnel mentionné en second lieu doit être utilisée pour établir l'écart, s'il y a lieu, entre les salaires des employés du groupe professionnel en faveur de qui la plainte est déposée et de l'autre groupe professionnel.

38. Le Tribunal examinera la question de la méthode de rajustement des salaires qui convient le mieux pour estimer l'existence et l'étendue de la disparité salariale dans les plaintes qu'il doit trancher.

39. La méthode de comparaison et l'application du droit dans le cas d'une plainte collective sont également en litige.

III. ARGUMENTS DES PARTIES

A. L'intimé

40. Toutes les parties s'accordent à dire qu'il est nécessaire d'appliquer une méthode de rajustement des salaires pour déterminer l'étendue d'une disparité salariale au sens de l'article 11 de la Loi. L'intimé prétend que les méthodes de rajustement des salaires de la Commission et de l'Alliance posent deux problèmes au Tribunal. Ce sont les suivants :

(i). Les méthodes proposées par la Commission et l'Alliance présupposent que l'article 14 de l'Ordonnance est valide. L'intimé soutient que l'article 14 de l'Ordonnance n'est pas valide parce qu'il n'est pas conforme à l'article 11 de la Loi.

(ii). Si, cependant, le Tribunal juge que l'article 14 est valide, l'intimé adopte comme position qu'il faut rejeter les méthodes de la Commission et de l'Alliance pour d'autres raisons. Selon lui, la méthode proposée par la Commission canadienne des droits de la personne n'est pas conforme à l'article 14 de l'Ordonnance parce qu'elle est basée sur la sélection, pour les besoins de la comparaison, d'emplois masculins individuels dans une combinaison de groupes professionnels à prédominance masculine et que le groupe de comparaison segmenté qui en résulte n'est pas un groupe professionnel. De plus, l'intimé soutient que la méthode de la Commission ne se conforme pas à l'article 15 de l'Ordonnance parce qu'elle utilise uniquement, pour la comparaison, des parties des groupes professionnels à prédominance masculine, c'est-à-dire les valeurs qui se situent dans les plages inférieures ou supérieures de ces groupes (appelées valeurs plafonds et valeurs planchers par l'intimé). À son avis, le libellé de l'article 15 de l'Ordonnance exige expressément que l'on choisisse des groupes entiers à prédominance masculine pour la comparaison, et non pas les valeurs plafonds ou planchers.

L'intimé croit que la méthode de l'Alliance, même si elle est compatible avec le libellé de l'article 14 de l'Ordonnance, est contraire au principe des fonctions équivalentes que l'on trouve à l'article 11 de la Loi parce qu'elle combine des groupes professionnels à prédominance masculine qui n'exercent pas des fonctions équivalentes.

41. L'intimé fait valoir que sa méthode de rajustement des salaires est la seule qui soit conforme tant à l'article 14 de l'Ordonnance qu'à l'article 11 de la Loi. Le concept de causalité est un élément décisif de son argumentation. L'intimé invoque à l'appui de cette argumentation la décision de la Phase I, supra, que le Tribunal a rendue le 15 février 1996. L'écart salarial visé par l'article 11 de la Loi, soutient-il, doit être causé par une discrimination sexuelle. Dans cette décision antérieure, le Tribunal avait à déterminer si les cotes numériques d'évaluation des emplois produites par l'étude sur la parité salariale étaient fiables pour les besoins des plaintes fondées sur l'article 11. L'intimé prétend maintenant que, comme le Tribunal a jugé que l'article 11 de la Loi visait à corriger la discrimination systémique fondée sur le sexe, il incombe aux plaignants et à la Commission de prouver que toute disparité salariale entre employés de sexe masculin et de sexe féminin est causée par une discrimination fondée sur le sexe et n'est attribuable à aucun autre motif.

42. De concert avec le facteur de causalité, l'intimé fait valoir que deux autres principes de droit sont explicitement ou implicitement contenus dans l'article 11 de la Loi. Ce sont les suivants :

  1. Il est nécessaire de comparer le salaire des employés de sexe féminin uniquement avec le salaire des employés de sexe masculin qui exercent des fonctions équivalentes.
  2. Le terme employés doit avoir le même sens relativement aux hommes et aux femmes, de sorte que les comparaisons doivent se faire soit de personne à personne, soit de groupe à groupe.

43. Suivant les principes contenus dans l'article 11 de la Loi, l'intimé affirme que sa méthode de rajustement des salaires, fondée sur le concept de la tendance centrale (voir la section IV, c(i)), est une façon opportune de déterminer si deux groupes professionnels majoritairement composés d'employés de sexe différent exécutent des fonctions équivalentes. L'avocat de l'intimé soutient de plus que les articles 12 à 15 de l'Ordonnance sont clairs et obligatoires et que les groupes professionnels doivent servir de base de comparaison dans les plaintes collectives.

44. L'avocat de l'intimé affirme que l'Ordonnance a pour objet de mettre en application le grand principe général de l'égalité de rémunération pour fonctions équivalentes établi à l'article 11 de la Loi. Selon l'intimé, l'article 14 de l'Ordonnance n'est pas valide parce qu'il permet de combiner, pour les besoins de la comparaison, des groupes professionnels à prédominance masculine et de les considérer comme un seul groupe. À son avis, cela n'est pas compatible avec les concepts de la causalité et des fonctions équivalentes imposés par l'article 11 de la Loi. L'intimé prétend que, pour éliminer la discrimination aux termes de l'article 11 de la Loi, on peut uniquement comparer le groupe professionnel plaignant à prédominance féminine au groupe professionnel à prédominance masculine qui exerce des fonctions équivalentes et qui touche le plus faible salaire. Selon lui, toute disparité salariale issue de cette comparaison résulte d'une discrimination sexuelle et satisfait donc à l'exigence de causalité imposée par l'article 11 de la Loi.

45. L'intimé soutient que l'article 14 de l'Ordonnance est incompatible avec le concept de causalité parce que la différence de salaire entre le groupe de comparaison à prédominance masculine qui touche la rémunération la plus faible et le groupe de comparaison à prédominance masculine qui exerce des fonctions équivalentes et qui touche la rémunération la plus élevée ne peut pas être attribuée à la discrimination sexuelle, car l'article 11 de la Loi ne s'applique qu'aux groupes professionnels composés majoritairement d'employés de sexe différent. Pour ce motif, l'intimé prétend qu'il n'est pas loisible au Tribunal de déduire qu'une différence salariale entre un groupe professionnel à prédominance féminine et un groupe à prédominance masculine considéré comme un seul groupe aux termes de l'article 14 de l'Ordonnance est imputable à la discrimination sexuelle. L'intimé interprète le groupe considéré comme un seul groupe comme la combinaison de tous les groupes professionnels à prédominance masculine de manière à former le groupe de comparaison (voir la section IV, c(i)). La cause en est que le groupe constitué de plusieurs groupes comprend non seulement le groupe professionnel à prédominance masculine touchant le plus faible salaire, mais aussi d'autres groupes professionnels à prédominance masculine qui sont mieux rémunérés.

46. L'intimé prétend donc que l'article 14 de l'Ordonnance a pour effet de permettre un rajustement d'écarts salariaux qui peuvent être imputables à d'autres facteurs comme la valeur sur le marché ou la puissance d'une unité de négociation et, par surcroît, de permettre l'inclusion de groupes professionnels à prédominance masculine n'exerçant pas des fonctions équivalentes, comme dans le cas de la courbe composite de l'Alliance.

47. L'intimé affirme que le lien de causalité est opérationnalisé de deux façons par l'article 11 de la Loi. Le Tribunal ne discerne pas précisément le sens du mot opérationnalisé et l'interprète comme signifiant mis en action. La première de ces façons concerne la notion d'équivalence des fonctions visée par l'article 11 de la Loi. L'intimé soutient que cette équivalence se reflète dans sa propre méthode de rajustement des salaires, qui compare un groupe professionnel entier à un autre groupe professionnel entier et qui utilise la tendance centrale comme étalon de mesure. La deuxième façon dont le lien de causalité est opérationnalisé est la suivante : le choix par l'intimé du groupe professionnel à prédominance masculine touchant le plus faible salaire établit clairement que l'écart salarial par rapport au groupe professionnel à prédominance féminine est causé par la discrimination sexuelle. Selon l'intimé, si l'on inclut des groupes professionnels à prédominance masculine mieux rémunérés dans le groupe de comparaison, on fait entrer en jeu la zone de non-discrimination (expression utilisée par l'intimé dans ses arguments) en contravention de l'article 11 de la Loi. Cette zone est une représentation graphique de la différence salariale entre tous les groupes professionnels à prédominance masculine qui exécutent des fonctions équivalentes et le groupe professionnel à prédominance masculine qui touche le plus faible salaire.

48. Selon la prétention de l'intimé, si le Tribunal rejette le concept de causalité aux termes de l'article 11 de la Loi et juge que l'article 14 de l'Ordonnance est valide, tout rajustement des salaires fondé soit sur la courbe composite de l'Alliance, soit sur la méthode des groupes professionnels entiers considérés comme un seul groupe proposée par l'intimé, ouvrira la voie au dépôt de plaintes futures fondées sur l'article 11 de la Loi par tout groupe professionnel à prédominance masculine ayant été inclus dans le groupe considéré comme un seul groupe aux termes de l'article 14 de l'Ordonnance. L'intimé fait valoir que, si un groupe à prédominance masculine touche un salaire moyen inférieur à celui du groupe constitué de plusieurs groupes, il pourra alors se plaindre à la Commission en vertu de l'article 11 de la Loi, et affirmer qu'il a droit à un rajustement salarial pour obtenir le salaire moyen du groupe de comparaison. L'intimé appelle effet de cliquet le phénomène qui en résulte. Si une telle plainte était accueillie, le rajustement du salaire du groupe à prédominance masculine touchant la plus faible rémunération ferait augmenter le salaire moyen du groupe considéré comme un seul groupe, ce qui créerait un nouvel écart salarial entre les hommes et les femmes, ce qui ferait redébuter le processus de rajustement. Si le processus de rajustement et de contre-rajustement se poursuivait, l'intimé soutient-il, le salaire de tous les groupes ayant servi à l'analyse en viendrait à atteindre le taux de salaire du groupe professionnel de comparaison à prédominance masculine qui touche la rémunération la plus élevée.

B. La Commission

49. La Commission prétend que l'égalité constitue le but et l'objet de la Loi et de l'article 11 de celle-ci. Selon elle, l'article 11 de la Loi est l'une des dispositions fondamentales qui permettent de déterminer et d'éliminer la discrimination systémique dans les pratiques de rémunération de l'intimé. La Commission fait valoir que le concept d'égalité consacré par l'article 11 est prépondérant et conforme à la nature et à l'objet de la Loi énoncés à l'article 2. La Loi, affirme-t-elle, a pour but d'assurer l'égalité des chances, la protection des droits et privilèges en matière d'emploi et la prestation de services à toutes les personnes. Dans ce contexte, la Commission soutient que l'article 11 a également pour objet d'assurer l'égalité de rémunération des employés sans égard à leur sexe.

50. La Commission prétend que le concept d'égalité inclut une norme du raisonnable qui ne doit pas être limitée par une interprétation technique ou restrictive de la Loi et de l'Ordonnance. Selon la Commission, l'équité présuppose le caractère raisonnable et l'article 11 devrait être interprété comme prescrivant un traitement raisonnable ou équitable. Ainsi, soutient-elle, l'article 11 vise à assurer l'équité en moyenne : non pas nécessairement la meilleure solution ni la moindre solution possible, mais la solution qui est la plus raisonnable.

51. La Commission fait valoir que l'expression fonctions équivalentes contenue dans l'article 11 de la Loi donne naissance au principe de l'établissement de la moyenne dans les plaintes collectives. À son avis, dans le contexte des politiques et des pratiques de rémunération, le Tribunal est fondé à se fier aux experts en rémunération, en équité salariale et en statistique pour déterminer la façon de parvenir à l'équité salariale.

52. Afin d'assurer l'égalité, la Commission prétend qu'il est nécessaire d'examiner les tendances dans la façon dont le travail des hommes est traité pour obtenir une égalité de résultats qui produira une équité en moyenne. La meilleure façon de déterminer les tendances en question consiste, selon la Commission, à appliquer sa propre méthode niveau/segment.

53. La Commission se fonde sur l'interprétation libérale qu'a faite la Cour suprême du Canada des dispositions de la Loi pour donner effet et conférer un sens aux droits que celle-ci consacre; elle invoque à cette fin les arrêts Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1987] 1 R.C.S. 1114, et Commission ontarienne des droits de la personne et O'Malley c. Simpsons-Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536. Elle plaide en faveur d'une interprétation de l'article 11 fondée sur l'objet visé, compatible avec l'esprit de la Loi.

54. La Commission soutient que ce n'est pas la classification des fonctions que l'article 11 de la Loi entend corriger. Elle prétend que l'élément essentiel dans l'examen du paragraphe 11(1) de la Loi est le sens à donner au mot fonctions dans l'expression les hommes et les femmes qui exécutent [...] des fonctions équivalentes. Selon elle, la détermination de groupes professionnels exerçant des fonctions équivalentes, qui constitue le fondement de la méthode de l'intimé, déroge à la préoccupation centrale de l'article 11, laquelle est la détermination de fonctions équivalentes et non de groupes exécutant des fonctions équivalentes. La Commission affirme qu'afin d'aider à la détermination des fonctions équivalentes, elle a promulgué l'Ordonnance en application du paragraphe 27(2) de la Loi. Les dispositions applicables aux plaintes collectives, ajoute-t-elle, sont les articles 12 à 15 de l'Ordonnance.

55. La Commission veut que l'on donne un sens large au mot fonctions; elle prétend que ce ne sont pas les groupes qui définissent les fonctions, mais bien les fonctions qui définissent les groupes. À son avis, une interprétation trop restrictive de l'article 11 de la Loi et du sens du mot fonctions pourrait conduire à des résultats absurdes. Par exemple, elle fait valoir que les établissements des employeurs ne disposent pas tous d'un système de classification constitué de groupes professionnels. Il peut y avoir chez un employeur des emplois masculins non regroupés, qui n'ont aucun lien sur le plan des tâches ou de la structure salariale. Une interprétation du mot fonctions se limitant aux groupes rendrait l'article 11 inopérant, ce qui, de l'avis de la Commission, est incompatible avec les buts de la Loi. La Commission soutient que l'article 11 de la Loi doit avoir pour objet de permettre une comparaison des fonctions exécutées par des hommes et des femmes, peu importe la désignation de groupe professionnel des employés plaignants et des employés auxquels on les compare.

56. Selon la Commission, d'après le témoignage de M. Durber, l'une des étapes initiales de l'enquête sur une plainte collective fondée sur l'article 11 de la Loi consiste à déterminer la prédominance masculine ou féminine du groupe plaignant et du groupe de comparaison. La Commission soutient que les articles 12 et 13 de l'Ordonnance énoncent la façon de déterminer si les fonctions sont exécutées par des hommes ou par des femmes. À ce stade, la Commission détermine les groupes professionnels. Les critères de pourcentage permettant d'évaluer la prédominance des membres d'un sexe se trouvent à l'article 13 de l'Ordonnance. La Commission affirme qu'elle se sert des groupes pour déterminer la prédominance des membres d'un sexe, mais qu'elle n'inclut pas ces groupes dans son évaluation de la disparité salariale visée aux articles 14 et 15 de l'Ordonnance.

57. La Commission prétend que dans le cas des plaintes collectives déposées par un groupe important, comme dans l'affaire dont le Tribunal est saisi, l'article 14 de l'Ordonnance permet d'amalgamer les fonctions dont on a établi qu'elles sont exécutées par des hommes, et que la combinaison des fonctions exécutées par les hommes devient le groupe considéré comme un seul groupe au sens de l'article 14 de l'Ordonnance. En conséquence, il est alors possible de faire une comparaison d'équivalence entre les fonctions exécutées par des femmes et les fonctions exécutées par des hommes pour déterminer si les groupes plaignants (femmes) reçoivent une rémunération égale pour les fonctions équivalentes exécutées par les comparateurs du sexe opposé (hommes). La Commission soutient que sa méthode permet d'atteindre cet objectif. Selon elle, sa méthode permet de déterminer les tendances dans les salaires versés aux hommes, de sélectionner des données sur les employés de sexe masculin dans le groupe considéré comme un seul groupe qui correspondent en moyenne aux cotes numériques des postes du niveau professionnel étudié dans le groupe plaignant (femmes), et d'atteindre ainsi une équité en moyenne dans la rémunération conformément à l'esprit de l'article 11 de la Loi. La Commission prétend que la méthode niveau/segment fait appel aux données les plus pertinentes pour les besoins des comparaisons.

58. La Commission affirme que le processus de détermination des fonctions équivalentes au sens de l'article 11 de la Loi comprend quatre étapes, que voici :

  1. Déterminer si le groupe de comparaison et le groupe plaignant sont de sexe opposé, en appliquant les dispositions de l'article 13 de l'Ordonnance.
  2. Évaluer les fonctions à l'aide d'un plan d'évaluation des emplois exempt de discrimination sexuelle. À cette étape, on ne tient pas compte des groupes professionnels ni du sexe.
  3. Séparer les sexes selon les fonctions à prédominance masculine et à prédominance féminine, puis comparer les fonctions pour déterminer si elles sont équivalentes.
  4. Choisir une méthode afin de déterminer s'il y a un écart salarial.

59. La Commission fait valoir que l'article 11 de la Loi n'oblige pas à tirer une conclusion de fait selon laquelle le sexe est la cause de la différence salariale entre les hommes et les femmes. De plus, selon la Commission, les différences salariales issues de sa méthode sont fondées sur les critères d'évaluation des qualifications, des connaissances, des responsabilités et des conditions de travail, facteurs qui ont tous été évalués dans le cadre de l'étude sur la parité salariale. Ces critères sont énoncés au paragraphe 11(2) de la Loi et précisés dans les articles 3 à 8 de l'Ordonnance. La Commission se sert des résultats fiables d'évaluation des emplois produits par l'étude sur la parité salariale pour estimer la différence dans les salaires. Elle soutient que l'écart salarial démontré par la méthode niveau/segment de rajustement des salaires doit alors découler de disparités salariales fondées sur le sexe.

60. La Commission affirme de plus que, si le lien de causalité est un facteur, elle n'a qu'à prouver que le sexe est uniquement l'une de plusieurs causes possibles de la discrimination au sens de l'article 11 de la Loi; elle invoque à cet égard les arrêts Holden c. Chemins de fer nationaux du Canada (1990), 112 N.R. 395 (C.A.F.), et Uzoaba c. Service correctionnel du Canada, D.T. 7/94, à la p. 91 (T.C.D.P.), confirmé (21 avril 1995), 94 F.T.R. 192 (CFSPI)). La Commission soutient que l'écart salarial dont l'existence a été constatée dans les évaluations du Comité mixte démontre la discrimination fondée sur le sexe.

61. Enfin, la Commission rejette le phénomène de l'effet de cliquet tant du point de vue juridique que dans la pratique. M. Durber a affirmé dans son témoignage que la Commission rajuste de la même façon les valeurs relatives aux femmes et les valeurs relatives aux hommes afin d'obtenir une comparaison en appliquant des techniques d'établissement de la moyenne. Selon M. Durber, le processus de rajustement des résultats de l'évaluation des emplois féminins en fonction d'une courbe de régression des valeurs moyennes relatives aux hommes n'engendre pas de discrimination à l'encontre des résultats de l'évaluation des emplois masculins. Par conséquent, les hommes ne font pas l'objet d'une discrimination à rebours parce que, comme dans le cas des résultats pour les emplois féminins, certaines valeurs se trouvent au-dessus et certaines, au-dessous de la courbe de régression des valeurs moyennes concernant les emplois masculins.

C. L'Alliance

62. L'Alliance, agent négociateur qui représente les plaignants, souscrit à l'interprétation que la Commission fait de l'article 11 de la Loi et à la validité de l'article 14 de l'Ordonnance. L'Alliance souligne que l'article 11 de la Loi avait pour objet d'éliminer un type de discrimination systémique, c'est-à-dire le versement d'un salaire différent ou inégal à des groupes d'employés à prédominance masculine et à prédominance féminine qui exécutent des fonctions équivalentes. Elle prétend que l'article 11 de la Loi ne vise pas l'écart salarial général entre les hommes et les femmes, mais bien un problème systémique qui trouve ses origines dans l'histoire et dans les attitudes envers le travail des femmes, attitudes qui tendaient à sous-évaluer les fonctions traditionnellement exercées par les femmes.

63. L'Alliance fait valoir que la décision de la Phase I du Tribunal, supra, ne doit pas être interprétée comme obligeant la Commission et l'Alliance à démontrer la cause de l'écart salarial issu de leur méthode respective. Elle soutient qu'il faut interpréter les décisions rendues à l'époque par le Tribunal dans le contexte de la question que celui-ci avait alors à trancher, et qui se rapportait au sens de la partialité fondée sur le sexe et à la présence ou à l'absence de celle-ci dans les résultats d'évaluation des emplois.

64. L'Alliance prétend de plus que l'on n'a aucune raison de prouver la cause aux termes de l'article 11 de la Loi car cet article traite d'un problème systémique qui, de par sa nature même, est difficile à circonscrire avec précision. Elle croit que l'inclusion par le législateur du paragraphe 11(4) de la Loi, si on l'interprète concert avec l'article 16 de l'Ordonnance où sont énumérés des facteurs raisonnables permettant à un employeur de justifier l'écart salarial dans certaines circonstances, réfute la prétention de l'intimé voulant que la cause soit un élément nécessaire en matière de discrimination systémique. L'Alliance souscrit à la position de la Commission selon laquelle la cause n'est pas une exigence imposée par l'article 11 de la Loi. De plus, prétend l'Alliance, la plaignante n'est pas tenue de démontrer que la discrimination sexuelle est la cause principale ou majeure de la discrimination pour établir l'existence d'une violation de l'article 11 de la Loi. Par surcroît, toute question sur le lien de causalité, selon l'Alliance, devrait viser à déterminer si l'écart salarial résulte de l'application des pratiques de rémunération et des systèmes de rémunération de l'employeur, y compris les systèmes de classification distinctifs de l'intimé, qui existaient à l'époque de l'étude sur la parité salariale et qui existent toujours.

65. L'Alliance soutient que, pour l'application de l'article 11 de la Loi, on aura établi prima facie l'existence d'une discrimination lorsqu'on aura prouvé une disparité salariale en fonction des quatre critères énoncés au paragraphe 11(2) de la Loi et définis plus en détail aux articles 3 à 8 de l'Ordonnance.

66. Selon l'Alliance, pour respecter l'esprit et l'objet de l'article 11 de la Loi, il ne faut pas interpréter de façon restrictive la référence aux groupes professionnels sous la rubrique Plaintes collectives de l'Ordonnance. S'appuyant sur la preuve qu'elle a produite concernant les fonctions exercées par les membres du groupe professionnel CR, à prédominance féminine, et la vaste gamme de fonctions accomplies dans ce groupe professionnel, l'Alliance prétend que la méthode de rajustement des salaires par groupes entiers adoptée par l'intimé doit présupposer d'importantes caractéristiques communes, comme la similitude du travail, dans chacun des groupes professionnels du système de classification de l'employeur.

67. Dans son témoignage, Mme Millar a illustré l'ampleur de la variation dans les fonctions exercées par le groupe à prédominance féminine le plus important en nombre, c'est-à-dire le groupe professionnel CR. Quatre questionnaires d'évaluation distincts en provenance du groupe CR démontrent la variation dans les fonctions des employés de ce groupe. Selon Mme Millar, le groupe CR est composé à plus de 80 % de femmes. Il compte environ 50 000 employés et il est relativement important en nombre comparativement aux groupes professionnels à prédominance masculine qui ont pris part à l'étude sur la parité salariale. Les quatre questionnaires qui ont été évalués dans le cadre de l'étude du Comité mixte concernaient les postes de commis de détachement à la GRC, de chef des services administratifs, d'analyste de la sécurité en matière de SV et d'adjoint d'unité des services aux requérants. Ces quatre postes choisis par Mme Millar illustrent la répartition en deux grands types des fonctions exercées dans le groupe professionnel CR, à savoir, les travaux d'écriture et les fonctions de prestation de conseils au public sur les lois et les règlements fédéraux.

68. L'Alliance soutient que l'intimé n'a produit aucune preuve de l'existence de caractéristiques communes au sein des groupes professionnels qui vienne justifier l'utilisation de son système de classification.

69. L'Alliance plaide par ailleurs en faveur d'une interprétation libérale et large de l'expression groupe professionnel, puisque l'intimé a arbitrairement établi son système de classification par groupes professionnels en exerçant son pouvoir absolu dans le domaine de la structure de classification. L'Alliance prétend que la séparation du travail au sein du système de classification de l'employeur a contribué à la discrimination systémique qui fait l'objet des plaintes fondées sur l'article 11 et à laquelle l'étude sur la parité salariale devait remédier. Elle fait valoir que des groupes établis de façon arbitraire qui ont contribué au problème ne devraient pas maintenant servir de bases de comparaison pour l'application de l'article 11 de la Loi et des articles 14 et 15 de l'Ordonnance.

70. L'Alliance soutient que l'argument de l'intimé concernant l'effet de cliquet n'est pas valide. Selon elle, le Tribunal est fondé à se fier au témoignage des spécialistes de l'équité salariale ainsi que des témoins de la Commission qui n'ont trouvé aucun motif de croire à cet effet de cliquet et qui ont affirmé que les recours institués par l'article 11 de la Loi visent à apporter des correctifs aux emplois à prédominance féminine en raison d'une discrimination attribuable à la sous-évaluation historique du travail des femmes.

71. L'Alliance affirme que la méthode de rajustement fondée sur la courbe composite des données masculines est la plus appropriée pour mettre en oeuvre l'équité salariale. Dans le cadre de l'étude sur la parité salariale, signale-t-elle, on avait sélectionné des postes à des fins d'évaluation dans neuf groupes professionnels à prédominance féminine et 53 groupes professionnels à prédominance masculine. L'Alliance soutient que la sélection et l'échantillon témoignent du fait que les parties s'entendaient à l'époque sur l'adoption d'une courbe composite pour le groupe de comparaison à prédominance masculine à titre de méthode de rajustement des salaires. Elle prétend que la norme qui était prévue par la loi en 1987, avec la promulgation de la nouvelle Ordonnance révisée, était la courbe composite et que celle-ci a été la norme adoptée par les parties à l'étude sur la parité salariale. L'Alliance rejette la prétention de l'intimé voulant que les parties à l'étude sur la parité salariale ne se soient pas conformées à la norme prévue par la loi.

72. L'Alliance affirme que la courbe composite quadratique pondérée des données masculines constitue une mesure des fonctions équivalentes qui satisfait aux exigences de l'article 11 de la Loi. Elle soutient qu'on obtient des fonctions équivalentes en appariant les valeurs correspondant à des cotes numériques données dans le groupe professionnel à prédominance féminine (établies par sous-groupe ou par niveau) et les valeurs représentant les mêmes cotes sur la courbe composite quadratique pondérée des données masculines. La courbe composite reflète le rapport salaire-cote numérique de l'intimé pour les groupes professionnels à prédominance masculine (voir la section IV, B).

73. L'Alliance soutient de plus que diverses considérations de principe sont liées à la question de la méthode la plus appropriée de rajustement des salaires. Elle énumère les considérations suivantes au paragraphe 158 des arguments écrits qu'elle a soumis à l'appui de sa méthode :

[Traduction]

(1) la conformité aux textes législatifs applicables;

(2) l'équité envers les personnes touchées;

(3) la cohérence des rajustements salariaux entre les groupes plaignants;

(4) la fiabilité;

(5) la méthode sur laquelle les parties se sont entendues;

(6) la méthode la plus compatible avec l'avis des experts en équité salariale;

(7) la méthode acceptable du point de vue statistique;

(8) la méthode qui fait appel aux données les plus facilement disponibles;

(9) la méthode apte à être expliquée aux personnes touchées et à être comprise par celles-ci;

(10) la méthode qui comporte le moins d'anomalies;

(11) la méthode qui est la plus simple à appliquer avec le moins grand nombre de règles de décision;

(12) la méthode que les parties ont utilisée avec succès dans d'autres cas;

(13) la méthode qui peut être utilisée par le même employeur dans une gamme d'établissements.

IV. MÉTHODE DE RAJUSTEMENT DES SALAIRES

74. Une méthode de rajustement des salaires est une méthode statistique qui sert à mettre en oeuvre la parité salariale. Chacune des méthodes mises de l'avant par les parties faisait appel à la technique statistique de l'analyse de régression, laquelle permet d'obtenir des courbes de régression des salaires. La courbe de régression utilisée dans chaque méthode est une estimation du rapport entre les cotes numériques des emplois échantillonnés et évalués dans l'étude sur la parité salariale et le salaire horaire versé pour les mêmes emplois. La Commission et l'Alliance se servent des courbes de régression uniquement pour le groupe de comparaison de sexe masculin. L'intimé trace des courbes de régression tant pour le groupe de comparaison à prédominance masculine que pour le groupe plaignant à prédominance féminine. Une courbe de régression est une forme de calcul d'une moyenne; les parties s'en servent dans leur méthode respective de rajustement des salaires pour calculer s'il y a une différence entre le salaire moyen versé à un groupe plaignant à prédominance féminine et le salaire moyen versé à un groupe de comparaison masculin.

75. Les valeurs numériques en l'espèce sont les cotes numériques attribuées aux emplois par les comités d'évaluation dans le cadre de l'étude sur la parité salariale. Les 15 comités d'évaluation des emplois ont évalué environ 1 700 emplois dans des groupes professionnels à prédominance féminine et 1 407 emplois dans des groupes professionnels à prédominance masculine, emplois qui avaient été sélectionnés au hasard pour les fins de l'évaluation.

76. Le système d'évaluation utilisé par les comités d'évaluation était le plan Willis; ce plan, basé sur des facteurs numériques, comporte une échelle de cotation pour les quatre critères d'emploi énumérés au paragraphe 11(2) de la Loi, c'est-à-dire les qualifications, les efforts, les responsabilités et les conditions de travail.

77. Les salaires horaires utilisés pour le calcul des courbes de régression correspondent aux taux de rémunération des différents emplois évalués durant l'étude, et consignés dans les conventions collectives pertinentes conclues entre l'intimé et l'Alliance pour l'exercice financier 1987-1988. Les taux de rémunération se rapportent à la période allant du 1er avril 1987 au 31 mars 1988 (pièce HR-256).

A. La méthode de la Commission : niveau/segment

78. M. Sunter a tout d'abord considéré tous les groupes professionnels à prédominance masculine qui avaient été examinés dans l'étude sur la parité salariale comme un seul groupe à des fins de comparaison. Après avoir reçu la série complète d'évaluations des comités, il a entrepris son analyse en traçant une courbe de régression pour l'ensemble de données des 1 700 emplois féminins évalués. Il a affirmé lors de son témoignage que la courbe de régression obtenue présentait une relation linéaire entre le salaire et la cote numérique pour les emplois féminins. Il a noté qu'à mesure que le nombre de points augmentait, le salaire augmentait, ce qui créait une relation linéaire. Il a appliqué la même démarche à l'ensemble de données sur les emplois masculins et il a obtenu le même résultat linéaire.

79. M. Sunter s'est servi des courbes de régression linéaires concernant les femmes et les hommes comme façon d'explorer les données en vue de déterminer le type de courbe de régression qui serait opportun dans les circonstances. Il a indiqué que la distance entre les deux courbes pourrait être utilisée pour calculer les rajustements salariaux. Il a appelé cette façon de procéder la méthode courbe/courbe. Cependant, M. Sunter n'a pas utilisé les courbes de régression globales à titre de base concrète pour le rajustement. Il est d'avis qu'une courbe de régression de l'ensemble des cotes d'évaluation des emplois masculins est un outil trop grossier pour être utile dans le calcul d'un écart salarial (volume 108, p. 12995). Il s'en est servi uniquement pour montrer qu'il y avait une différence de taux de rémunération entre les groupes professionnels à prédominance féminine et les groupes professionnels à prédominance masculine.

80. M. Sunter a examiné la question du degré de variation engendré par les régressions globales concernant les hommes et les femmes en procédant à un type d'analyse de sensibilité pour déterminer la stabilité de l'analyse de régression. Pour cette analyse, il a inventé une population importante en faisant appel aux résultats de l'étude sur la parité salariale. Il s'est servi de cette population pour sélectionner des échantillons répétés d'une taille analogue à celle des ensembles de données utilisés lors de l'étude sur la parité salariale. Il a calculé les régressions pour déterminer les variations et a constaté qu'il obtenait une estimation très stable des différences entre les valeurs de régression dans chacune des simulations. M. Sunter a conclu de cette analyse que ses régressions pour les données masculines et féminines démontraient la différence globale entre la courbe salariale des hommes et celle des femmes.

81. M. Sunter a alors resserré son champ d'analyse et, se servant d'une courbe de régression des données masculines se situant dans la même gamme de valeurs que les données de l'ensemble du groupe à prédominance féminine, il a comparé la distance moyenne entre chaque valeur du groupe, sous-groupe ou niveau à prédominance féminine étudié et la courbe de régression des données masculines. Il a appelé cette façon de procéder la méthode niveau/courbe.

82. M. Sunter a resserré encore davantage le champ de sa comparaison en appliquant la méthode niveau/segment. À cette fin, il a calculé la distance moyenne entre chaque cote d'évaluation des emplois pour le niveau ou sous-groupe professionnel à prédominance féminine et une courbe de régression pour les données masculines se situant dans la même plage de valeurs que les données du niveau ou sous-groupe à prédominance féminine étudié. Il a inclus toutes les cotes disponibles pour les emplois masculins qui se situaient à l'intérieur de la fourchette des valeurs du niveau ou du sous-groupe à prédominance féminine étudié lorsqu'il a tracé chaque courbe de régression des données masculines. Par exemple, le groupe professionnel CR se compose de sept niveaux distincts et ne comporte aucun sous-groupe. M. Sunter a calculé sept courbes de régression segmentées distinctes pour les emplois masculins, soit une courbe correspondant à chaque niveau du groupe CR.

83. M. Sunter a utilisé des courbes de régression pondérées tout au long de ses travaux. La pondération tient compte des différences dans la probabilité liée à l'échantillonnage. Les groupes masculins n'avaient pas tous la même probabilité pour l'échantillonnage et les cotes d'évaluation ont donc été pondérées en fonction des taux d'échantillonnage.

84. On trouve les calculs effectués par M. Sunter à l'aide de la méthode niveau/segment à la pièce HR-219. Cette pièce montre qu'il existe un écart salarial entre les groupes professionnels plaignants à prédominance féminine et les groupes de comparaison.

85. M. Sunter considérait la méthode niveau/segment comme la meilleure façon de calculer un écart salarial en utilisant le niveau ou sous-groupe à prédominance féminine et les données masculines correspondantes se situant dans la même gamme de valeurs. La Commission a accepté la méthode niveau/segment de M. Sunter comme produisant la meilleure estimation de l'écart salarial et assurant une certaine équité aux plaignants.

86. Dans le cadre de cette méthode, les différences observées pour chaque niveau ou sous-groupe par rapport au segment, dans un groupe professionnel à prédominance féminine, sont combinées pour produire un paiement total (la cagnotte) pour le groupe à prédominance féminine en question. Selon M. Sunter, cette méthode nécessite un affinement additionnel. Elle ne permet pas de déterminer comment la cagnotte doit être répartie au sein d'un groupe plaignant. Ce sont l'Alliance et l'intimé qui doivent déterminer cette répartition. M. Sunter a examiné diverses méthodes de répartition de la cagnotte (pièce HR-219).

87. M. Sunter a parlé dans son témoignage de la raison d'être du regroupement en une cagnotte des rajustements issus de chacune des comparaisons niveau/segment dans chaque groupe professionnel plaignant à prédominance féminine. On vise ainsi, a-t-il expliqué, à supprimer les erreurs statistiques. Il affirme (volume 118, de la p. 14283, ligne 6, jusqu'à la p. 14285, ligne 11) :

[Traduction]

Q. Dans quelles circonstances, d'un point de vue statistique, la prise en considération de chaque niveau isolément pourrait-elle poser des problèmes? Vous avez bien pris soin, tout au long de vos explications, d'affirmer que la meilleure formule pour le groupe consiste à additionner l'ensemble des valeurs individuelles.

R. Oui.

Q. D'un point de vue statistique, pouvez-vous nous dire quels problèmes pourraient être liés à l'utilisation distincte de chaque niveau comme mesure de l'écart salarial?

R. Les erreurs-types liées à chacune de ces valeurs peuvent être suffisamment grandes pour qu'il n'y ait aucune justification réelle -- même s'il s'agit des meilleures estimations numériques, en quelque sorte, pour chaque niveau, l'examen des erreurs connexes peut néanmoins indiquer qu'il n'y a pas de différence statistiquement significative entre un niveau, par exemple, et son successeur. Ainsi, un statisticien pourrait dire : Non, vous devez combiner ces deux niveaux pour le calcul d'un rajustement.

En outre, si l'on songe aux erreurs-types en soi -- et cela pourrait à mon avis être rangé parmi les raisons statistiques --, il peut arriver que les erreurs-types elles-mêmes fassent l'objet d'erreurs d'estimation. Elles ne sont pas coulées dans le bronze. Ce sont des estimations de l'erreur.

[...]

Q. S'il existe des problèmes lorsqu'on est à l'échelon des valeurs individuelles -- et vous nous avez dit que la meilleure estimation de l'écart salarial consiste à faire la somme de toutes les valeurs individuelles --, pouvez-vous m'expliquer pourquoi ces problèmes disparaissent lorsqu'on atteint l'échelon du paiement total?

R. C'est à cause de la façon dont les erreurs s'additionnent. Une fois que l'on a additionné toutes ces valeurs jusqu'à l'échelon de l'ensemble du groupe, ou même de l'ensemble du sous-groupe, les estimations du rajustement lui-même et les estimations de l'erreur-type que l'on associe à ce rajustement deviennent très fiables. C'est donc tout simplement le résultat de la somme des valeurs de l'échantillon jusqu'au point où l'on obtient un échantillon suffisamment important.

88. À son avis, la méthode niveau/segment est la méthode la plus favorable de calcul du paiement total pour les groupes professionnels à prédominance féminine parce que la régression linéaire simple utilisée pour les données masculines est une façon très commode de résumer les données relatives aux hommes sur des plages restreintes de valeurs. Il a résumé cette méthode et exprimé sa préférence pour celle-ci au volume 112 (de la p. 13490, ligne 5, jusqu'à la p. 13491, ligne 13) :

[Traduction]

Q. Pouvez-vous nous résumer pourquoi vous préférez cette méthode du point de vue statistique?

R. Parce que la régression linéaire simple est une façon très commode de résumer l'apparence générale des données. Cependant, si l'on procède à un examen plus approfondi, on constate que la régression ne présente pas un ajustement particulièrement bon dans des segments donnés de la plage globale de valeurs. Il est donc raisonnable de choisir, pour chaque niveau, la plage de valeurs qui y correspond le mieux.

En procédant ainsi, on ne se fonde plus sur une hypothèse générale voulant qu'une droite présente un bon ajustement sur une plage étendue de valeurs. On se dit plutôt : Non, non, il suffit de résumer les données sur une plage restreinte. C'est ce que fait la méthode niveau/segment. Et, bien sûr, les erreurs d'échantillonnage ou les erreurs de traitement lors des calculs ont tendance à se résorber lorsqu'on fait la somme des valeurs des divers segments.

Si l'on examine les valeurs présentées, on constate que pour un niveau donné, l'erreur-type de la distance peut être relativement importante. Cependant, si l'on fait la somme de toutes les valeurs et si on les pondère, cette erreur-type devient négligeable dans presque tous les cas. Elle disparaît, tout simplement. J'ai donc beaucoup confiance dans l'ajustement global produit par la méthode niveau/segment.

Toutes les autres méthodes, c'est-à-dire les méthodes courbe/courbe et niveau/courbe, reposent sur l'hypothèse d'un bon ajustement sur l'ensemble de la plage de valeurs pour la courbe des données masculines et, dans certains cas, pour la courbe des données féminines. Or, l'ajustement n'est pas bon sur l'ensemble de la plage de valeurs. Ou, du moins, on obtient un beaucoup meilleur ajustement si l'on utilise une série de segments.

89. M. Sunter croit que la méthode niveau/segment est plus viable, robuste et défendable que toute méthode qui repose sur des hypothèses quant à la nature de la progression globale des salaires, ce que requiert la méthode privilégiée par l'Alliance. En ce sens, M. Sunter fait très soigneusement une distinction entre ce qu'il appelle les études analytiques, dans lesquelles les statisticiens tentent de faire concorder des modèles avec des situations réelles, et les études descriptives, dans lesquelles les statisticiens tentent simplement de faire des estimations (volume 120, p. 14515). C'est cette dernière façon de procéder que M. Sunter préférait et sur laquelle il a fondé son analyse.

90. M. Shillington n'a pas lui-même procédé à des analyses, mais il préférait une série de régressions plus courtes à une régression plus globale portant sur une gamme plus étendue de valeurs pour un groupe. M. Shillington privilégiait la série de régressions niveau/segment parce que cette méthode permet de ne pas capter la forme de la courbe salaire-traitement, laquelle est une régression sur l'ensemble du groupe. Il fait remarquer (volume 135, à la p. 16531, lignes 16 à 23) :

[Traduction]

La situation n'est pas la même dans le cas d'une plage de valeurs très restreinte parce que l'on ne tente pas de capter la forme de la courbe salaire-traitement. On se contente de faire la moyenne des données. Je préfère l'accumulation d'une série de segments car chacun de ceux-ci est moins sensible à la forme de la courbe salaire-traitement que l'ensemble des données relatives à tout le groupe.

91. M. Sunter a affirmé dans son témoignage que la méthode niveau/segment produit la meilleure estimation disponible de l'écart salarial. Il a indiqué qu'à partir des données disponibles produites par l'étude sur la parité salariale, il n'était pas en mesure de procéder à une comparaison de point à point entre les valeurs des emplois féminins et les valeurs des emplois masculins. Il a qualifié ce genre de processus d'application descriptive de la statistique. Il a fait les observations suivantes (volume 108, de la p. 13012, ligne 8, jusqu'à la p. 13014, ligne 7) :

[Traduction]

LE TÉMOIN : Permettez-moi de revenir un peu en arrière. Ce que j'aimerais, si j'avais les données en main et si ces données étaient disponibles, c'est disposer d'une série de valeurs sur les salaires versés aux hommes pour chacun de ces points représentant les emplois féminins; pour chacun de ces points chez les femmes, je disposerais d'une série correspondante de salaires chez les hommes. Par exemple, pour le point que voici, j'aurais en main une série d'observations sur les emplois masculins ayant la même valeur et je ferais la moyenne du salaire de ceux-ci.

C'est impossible parce que nous ne disposons pas d'une telle série de points. Toutefois, si tel était le cas, j'aurais alors en main une estimation très simple de l'écart salarial. Tout ce que j'aurais à faire, c'est établir, pour chaque point, la distance entre le salaire des emplois féminins et la moyenne des salaires correspondants pour les emplois masculins, puis calculer la moyenne de ces distances. Cela représenterait une estimation simple dans la catégorie des applications descriptives et tous s'entendraient là-dessus. Aucun modèle ne serait nécessaire...

LA PRÉSIDENTE : On n'aurait pas besoin d'une courbe de régression.

LE TÉMOIN : On n'aurait pas besoin d'une courbe de régression.

LA PRÉSIDENTE : On ferait tout simplement des comparaisons point par point.

LE TÉMOIN : Uniquement de point à point. Ce serait une application descriptive simple.

Je dirais alors que cette façon de procéder appartient clairement à la catégorie des applications descriptives de la statistique, et c'est bien ce que c'est : c'est la meilleure estimation disponible de l'écart salarial.

Malheureusement, je ne dispose pas de ces données. Je peux en obtenir des approximations très précises, mais je ne peux pas obtenir les données absolument exactes. La meilleure chose que je puisse faire, c'est tracer cette petite courbe de régression segmentée, que l'on voit ici dans la pièce HR-204, et calculer les distances moyennes par rapport à cette courbe. C'est le plus près que je puisse m'approcher de l'application purement descriptive.

LA PRÉSIDENTE : Donc, ce que vous disiez auparavant, lorsque vous affirmiez qu'il s'agit du meilleur modèle du point de vue statistique, c'est que si l'on ne dispose pas de points correspondant aux hommes pour chacun de ces points correspondant aux femmes, l'approximation la plus précise que l'on puisse faire consiste à tracer une courbe de régression entre les deux segments. Est-ce bien ce que vous dites?

LE TÉMOIN : Oui. J'ai subdivisé les données jusqu'au niveau de détail le plus précis que les données me permettaient d'obtenir.

92. M Shillington approuve la façon de procéder de M. Sunter, qui consiste à utiliser les régressions de façon descriptive plutôt qu'à choisir une méthode axée sur la nature de la relation entre les cotes et les salaires des emplois masculins. M. Shillington a exprimé cette opinion au volume 135, de la p. 16533, ligne 5, jusqu'à la p. 16536, ligne 9 :

[Traduction]

Q. Quand vous avez parlé, plus tôt dans votre réponse, d'une régression raisonnable, qu'entendiez-vous par là? Qu'est-ce au juste... je ne préciserai pas davantage ma question. Vous avez utilisé cette expression : vous voulez vous assurer d'obtenir une régression raisonnable.

R. La raison pour laquelle je préfère une série de régressions distinctes plus brèves, si je puis m'exprimer ainsi, à une régression plus globale sur une plage de valeurs plus étendue pour le groupe, c'est que l'analyse de régression globale sera plus sensible -- le résultat que l'on obtiendra sera plus sensible au fait que l'on aura ou non procédé à une transformation logarithmique de la régression dont nous avons parlé, pour l'exprimer en d'autres paramètres de courbe. Cette régression plus globale dépendra de la façon dont on caractérisera le modèle de régression. Les petites régressions plus brèves n'en dépendront pas autant.

Q. Est-il juste de dire que cela a un effet sur la forme de la courbe de régression?

R. Oui.

Q. À propos de la réponse que vous venez de donner, si l'on examine la courbe composite qui représente l'ensemble de l'univers des emplois masculins -- ce que vous appelez la courbe composite des données masculines --, quel effet, le cas échéant, l'affirmation que vous venez de faire a-t-elle sur l'utilisation de la courbe composite masculine ?

R. C'est le même débat, mais à une échelle plus vaste. Préférerais-je une série de régressions sur des plages restreintes et une réduction des données obtenues, plutôt qu'une ligne de régression calculée pour toutes les données masculines? Je préférerais les régressions plus brèves, sous réserve ici encore de la taille de l'échantillon. La raison en est la suivante : si l'on effectue une régression unique pour toutes les lignes...

Q. Pour toutes les lignes?

R. Excusez-moi. Si l'on calcule une régression unique pour tous les points correspondant aux questionnaires sur les emplois masculins, il faut alors être très, très sûr d'avoir caractérisé cette courbe correctement.

Dans cette situation [niveau/segment], il n'y a pas de courbe véritable. On résume à nouveau les données. Personne ne prétend qu'il y a une relation linéaire, ou logarithmique, ou réelle, entre les cotes numériques de Willis et les salaires qui est naturelle. Ce n'est pas comme si l'on calculait la régression de la relation entre la hauteur d'un immeuble de laquelle on laisse tomber une balle, et la vitesse de la balle au moment où elle atteint le sol.

Dans ce dernier cas, supposons que l'on fait une série d'expériences; la taille de l'immeuble se trouve sur un axe et la vitesse de la balle au moment où elle touche le sol se trouve sur l'autre axe. On trace une courbe de régression à partir de ces points. Un physicien vous dira que la relation est quadratique, qu'il y a un terme élevé au carré dans l'équation, et ce n'est pas...

Q. Donc, dans le monde réel, il existe une formule qui permet de calculer une équation correspondant à la chute d'une balle par la fenêtre d'un immeuble.

R. Parce que c'est ainsi que fonctionne la physique, à l'intérieur de certaines limites. Dans ce cas, cependant, personne ne vient vous dire qu'à cause du système de classification, à cause de la physique, il existe une relation linéaire ou une relation logarithmique. Nous essayons tout simplement de tracer une courbe qui correspond aux données. Si l'on décide d'utiliser une seule courbe globale, il faut être très sûr de ne pas se tromper.

Dans les circonstances actuelles, compte tenu du nombre de questionnaires et de la taille de l'échantillon, il n'est pas nécessaire de procéder à cette analyse composite parce que l'on dispose d'un nombre suffisant d'observations, d'un nombre suffisant de questionnaires dans les diverses plages pour pouvoir dire qu'à la valeur de deux cents (200), par exemple, ou entre deux cents (200) et deux cent cinquante (250), si l'on veut déterminer le salaire que reçoivent les hommes dans cette plage, on peut se contenter d'utiliser les valeurs correspondant aux hommes dans cette plage et l'on n'a pas à formuler une équation de régression qui correspondra correctement à la forme globale de toutes les données. [C'est nous qui soulignons.]

93. En 1990, l'intimé a rajusté les résultats de l'évaluation des emplois (cotes numériques) pour tenir compte de la partialité fondée sur le sexe qui, à son avis, entrait en jeu dans le processus d'évaluation des emplois. M. Sunter a affirmé dans son témoignage que les rajustements apportés par l'intimé aux résultats d'évaluation de l'étude sur la parité salariale, présentés par l'intimé dans son exposé sur la méthode (pièce HR-185), avaient eu pour effet de modifier la courbe de régression des données féminines et la courbe de régression des données masculines. La modification avait réduit l'écart salarial et donné lieu au paiement de sommes plus petites lors des rajustements paritaires effectués par l'intimé après l'échec de l'étude du Comité mixte. L'intimé a également tronqué les données en retranchant les 10 % supérieurs et les 10 % inférieurs des cotations numériques dans le cadre de la méthode qu'il a appliquée en 1990.

94. M. Sunter a critiqué la méthode adoptée en 1990 par l'intimé parce qu'on avait retranché toutes les cotes d'évaluation au-dessous et au-dessus d'un certain seuil. Il a affirmé dans son témoignage (volume 110, de la p. 13254, ligne 15, jusqu'à la p. 13255, ligne 21) :

[Traduction]

Q. Comment ce retranchement de données se compare-t-il à la suppression des valeurs aberrantes à laquelle vous avez procédé dans vos analyses et dont vous avez parlé plus tôt dans votre témoignage?

R. Ce que j'ai appelé les valeurs aberrantes, ce sont les observations qui sont si extrêmes, si éloignées de la moyenne pour la variable à l'étude -- par exemple, les cotes numériques ou, peut-être, la relation entre le salaire et les cotes numériques. Ces valeurs sont si éloignées de la moyenne des autres observations que j'ai des motifs de soupçonner qu'elles n'appartiennent pas à la même population ou qu'elles n'ont pas été créées par le même processus. Autrement dit, une erreur quelconque s'est produite. C'est une explication possible. J'ai certaines raisons qui me justifient de les rejeter pour ces motifs ou de les écarter pour l'analyse actuelle. Généralement, le nombre est très petit : j'écarte des valeurs, par exemple, au 1er et au 99e centile.

Je procède ainsi uniquement après avoir examiné les données. Il se peut que je n'écarte aucune valeur.

Cette façon de procéder est très différente de la technique de la distribution tronquée ou de la distribution censurée, comme on l'appelle parfois, qui consiste à déterminer à l'avance que je tiendrai compte uniquement des observations qui se trouvent entre le 10e et le 90e centile.

La première façon de procéder a une justification dans les méthodes statistiques. S'il existe une quelconque justification pour la deuxième, il faut que cette justification soit liée à la procédure qui suivra le retranchement des données.

95. M. Sunter a rejeté la courbe composite comme méthode de comparaison. Il a témoigné qu'une courbe composite engendre un problème statistique d'incohérences ponctuelles. Selon M. Sunter, des incohérences ponctuelles surviennent lorsque les données s'écartent de façon très significative de la régression générale; elles sont mesurées par la distance entre les données masculines et la courbe de régression. Si cela se produit, la courbe de régression représente de façon inexacte les données masculines par rapport à leur emplacement réel. M. Sunter n'a pas examiné les données en détail pour évaluer la question des incohérences ponctuelles; il a plutôt rejeté en principe la courbe composite.

96. Selon M. Shillington, l'utilisation des courbes segmentées a pour avantage que cette méthode permet d'éviter les incohérences ponctuelles ou les situations dans lesquelles on applique de force la courbe de régression à des données qui, en réalité, ne correspondent pas très bien à celle-ci. L'analyse niveau/segment peut tenir compte de petites variations dans la relation entre les cotes Willis et les salaires auxquelles une courbe composite peut ne pas être sensible.

97. Selon ce qu'a affirmé M. Sunter, il a utilisé l'analyse de régression comme outil de calcul pour résumer les données afin de déterminer une distance moyenne entre les points correspondant aux emplois féminins et les points correspondant aux emplois masculins selon la méthode niveau/segment. Dans ce contexte, il a témoigné que des facteurs statistiques comme l'adéquation (une courbe de régression présente une bonne adéquation par rapport à une série de points si la distance moyenne entre ces points et la courbe est très petite), la distribution des points (la distribution des valeurs entre les groupes masculins et les groupes féminins) et les incohérences ponctuelles ne sont pas significatifs. M. Sunter a ajouté que si l'on utilise l'analyse de régression dans le contexte de l'établissement d'un modèle afin de décrire un processus existant dans la réalité et que l'on entend se servir de ce modèle comme base pour des interventions, ce qui est le cas, par exemple, de la courbe composite, la validité de la courbe de régression devient une considération de premier plan et l'adéquation revêt beaucoup d'importance.

98. La preuve indique qu'il y a une distribution différente des valeurs entre les groupes féminins et les groupes masculins auxquels ils sont comparés. M. Sunter a affirmé que la différence dans la distribution des valeurs dans les plages étudiées par rapport à la distribution des valeurs dans le groupe professionnel à prédominance féminine ne faisait pas problème. Il a affirmé ce qui suit (volume 126, de la p. 15351, ligne 20, jusqu'à la p. 15354, ligne 3) :

[Traduction]

LE TÉMOIN : Il n'y a pas de différence en principe entre la comparaison courbe/courbe de deux régressions sur l'ensemble de la plage de valeurs pour un groupe professionnel, et la comparaison des régressions sur la plage de valeurs pour un niveau donné du groupe professionnel. En principe, c'est le même problème et, dans les deux cas, il serait préférable que les deux ensembles de données aient une distribution analogue et que la distribution soit bonne sur l'ensemble de la plage des observations.

Cela dit, nous n'avons d'autre choix que de travailler à partir des données dont nous disposons et il se peut que nous n'ayons pas ce genre de répartition égale ou de données bien distribuées dans l'un ou l'autre cas. Cela n'invalide pas en soi la régression. Si les distributions sont particulièrement différentes, on peut vouloir se pencher sur ce problème au cas où cela aurait un effet sur la régression. Et l'on peut effectivement introduire une certaine pondération pour faire en sorte que les distributions soient officiellement les mêmes.

Dans ce contexte, la différence entre la méthode courbe/courbe et la méthode niveau/segment n'est pas liée à ce problème. C'est la suivante : quand on adopte la méthode niveau/segment, où le niveau de détail est plus poussé, on utilise généralement des plages de valeurs beaucoup plus petites pour les régressions; ainsi, la distribution, ou les différences de distribution dans cette plage deviennent beaucoup moins importantes. Voilà tout.

Ce n'est pas, bien entendu, la principale raison pour laquelle j'ai privilégié la méthode niveau/segment. C'était essentiellement pour régler ce que j'ai appelé le problème des incohérences ponctuelles dans l'analyse de régression globale. Cependant, puisque cette question a été soulevée, c'est l'une des considérations qui entrent en jeu dans le choix de la méthode niveau/segment; ce n'est pas la principale considération.

LA PRÉSIDENTE : J'aimerais poursuivre l'examen de cette question,

Madame Morgan.

Pourquoi les différences dans la distribution deviennent-elles moins importantes dans la méthode niveau/segment?

LE TÉMOIN : Parce qu'on se préoccupe d'une plage de valeurs beaucoup plus petite et parce que, comme vous vous en souviendrez, le calcul niveau/segment pour un niveau donné -- j'ai toujours dit qu'il fallait être très prudent quant à la façon d'interpréter cette valeur. C'est seulement lorsqu'on additionne les valeurs pour une série complète de niveaux que l'on peut avoir l'assurance que les erreurs liées à tel ou tel niveau commencent à s'annuler.

Donc, si l'on répète l'opération sur une série de petites plages de valeurs au lieu de l'appliquer à une grande plage de valeurs -- j'espère être clair là-dessus --, on règle d'une part, dans une certaine mesure, le problème des incohérences ponctuelles et l'on règle d'autre part le problème des différences dans la distribution des deux ensembles de données; les deux phénomènes se produisent simultanément.

99. La méthode de M. Sunter a produit environ cinquante courbes de régression des données masculines pour les groupes plaignants de l'Alliance. Une difficulté liée au caractère inadéquat des échantillons a surgi dans quelques cas. M. Sunter a constaté que, dans certains cas, le nombre d'observations (les résultats ou cotes d'évaluation des emplois) dans le niveau professionnel à prédominance féminine restreignait l'étendue de la plage de valeurs, ce qui limitait la possibilité d'inclure un nombre suffisant d'observations (données) sur les emplois masculins dans le segment de comparaison. Il a réglé ce problème en étendant la plage de valeurs des emplois féminins pour inclure un plus grand nombre d'observations concernant les emplois masculins et faire en sorte que la régression soit statistiquement valide. Il a appelé règle de décision cette extension de la plage de valeurs des emplois féminins. Ce problème n'est pas survenu dans les calculs pour les groupes de l'Alliance. Il concernait les groupes plaignants représentés par l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada. Le Tribunal n'est plus saisi des plaintes des groupes représentés par l'Institut.

100. M. Sunter a jugé insatisfaisante l'utilisation d'une courbe composite pour le calcul d'un écart salarial. À son avis, les régressions circonscrites calculées à partir d'un segment des données féminines sont plus exactes et par conséquent plus fiables, tandis que la courbe composite est plus précise, mais on pourrait faire valoir qu'elle est moins exacte. M. Sunter s'est cependant servi d'une courbe composite dans son analyse initiale pour les besoins de la régression globale, en vue de démontrer la différence entre les salaires versés aux hommes et les salaires versés aux femmes (méthode courbe/courbe).

101. M. Sunter a conclu que la méthode niveau/segment était la plus exacte pour le calcul de l'écart salarial. Il a affirmé au volume 112 (de la p. 13492, ligne 21, jusqu'à la p. 13499, ligne 5) :

[Traduction]

LA PRÉSIDENTE : Avant que vous ne passiez à cela, Madame Morgan, j'ai seulement une autre question à poser.

Monsieur Sunter, dans votre témoignage, lorsque vous décriviez la méthode 3 (niveau/segment), vous avez utilisé des mots comme précis et exact et l'une des méthodes pourrait être plus exacte, mais non précise, ou peut-être précise, mais non exacte.

LE TÉMOIN : Oui.

LA PRÉSIDENTE : Il y a certaines définitions dans votre glossaire qui décrivent brièvement la différence entre ce qui est précis et ce qui est exact. Pourriez-vous nous en dire un peu plus? Quelle est la différence entre une chose qui est précise, mais non exacte, et une chose qui est exacte, mais non précise, et comment cela s'applique-t-il à ces diverses méthodes et à l'interprétation qui a été donnée dans votre glossaire?

Si vous avez besoin de temps pour y réfléchir, je suis d'accord pour laisser Mme Morgan poursuivre. Mais le sens de ces termes m'apparaît un peu nébuleux.

LE TÉMOIN : Je crois pouvoir vous donner une réponse impromptue.

La précision est un terme que l'on utilise généralement pour désigner la capacité de répétition. Si je mesure la longueur de ce stylo, par exemple, dix fois à l'aide d'un instrument et si les dix mesures obtenues sont toutes très proches l'une de l'autre, je dirai que la série de mesures est très précise.

Cependant, elle n'est pas nécessairement exacte. Si l'instrument dont je me suis servi pour mesurer est faussé d'une quelconque façon, je dirai alors que le résultat obtenu est inexact. Ainsi, un résultat peut être à la fois inexact et précis, selon le sens que l'on donne à ces termes en statistique.

Le résultat pourrait être exact, mais imprécis. Je pourrais dire : voici un instrument qui permet de mesurer la longueur des stylos; cet instrument est très grossier. Cependant, en moyenne, il produit exactement la bonne valeur. Il se peut que l'on ait à mesurer la longueur du stylo 100 fois pour obtenir la bonne valeur, ou un résultat suffisamment proche de la bonne valeur, mais cette mesure sera très exacte. Cependant, l'instrument de mesure lui-même et la série de mesures sont imprécis.

Donc, si un instrument ou une méthode produit en moyenne le bon résultat, on dit qu'il est exact. S'il produit le bon résultat à l'aide de très peu de mesures, on dit qu'il est précis, puisque chaque mesure prise isolément est proche de la moyenne.

Pour ce qui est de ces régressions, je crois me rappeler avoir dit que lorsqu'on passe de la méthode courbe/courbe à la méthode niveau/segment, on échange la précision contre l'exactitude.

LE MEMBRE FETTERLY : Pourriez-vous répéter?

LE TÉMOIN : On échange la précision contre l'exactitude pour un niveau donné. Ce que j'entendais par là, c'est que si l'on calcule simplement la distance entre les deux courbes et si l'on utilise le résultat pour calculer le rajustement pour un niveau donné au sein d'un groupe professionnel, on utilise un instrument qui peut être très précis, mais qui est relativement inexact parce que les régressions elles-mêmes ne présentent pas un très bon ajustement. Cependant, les distances calculées une à une peuvent être très proches l'une de l'autre. En moyenne, elles produisent la mauvaise réponse, mais elles sont très précises.

Lorsqu'on passe à la méthode niveau/segment, on perd un certain degré de précision parce que les tailles d'échantillon sont très petites, mais on obtient des résultats beaucoup plus exacts.

Lorsqu'on fait la somme de ces distances niveau/segment sur l'ensemble des valeurs, on récupère, pour ainsi dire, la précision car on accroît le nombre d'observations, de sorte que l'on obtient le meilleur compromis entre l'exactitude et la précision quand on procède ainsi pour le rajustement total.

LE MEMBRE FETTERLY : Merci.

LA PRÉSIDENTE : Quelle est la définition d'exactitude et quelle est la définition de précision?

LE TÉMOIN : Je ne suis pas sûr de pouvoir vous donner une définition précise. Un instrument est précis si son erreur-type est petite. J'essayais de vous donner une description en termes simples de la signification de ce mot, mais si vous me demandez une définition... Un instrument est exact si la valeur prévue du résultat concorde avec la valeur réelle.

LA PRÉSIDENTE : Si l'on examine la régression courbe/courbe qui a été effectuée selon la méthode du Conseil du Trésor, ce dont vous venez de parler -- cette précision et cette exactitude -- s'applique-t-il à une méthode de ce genre? Est-ce que vous dites que cette méthode est très précise, mais qu'elle n'est pas très exacte?

LE TÉMOIN : Oui, c'est bien le cas pour la méthode courbe/courbe à ce niveau de compromis, si vous voulez, dans cette gamme qui va de la grande exactitude à la grande précision. De toute évidence, on souhaiterait obtenir les deux, mais il y a très souvent un compromis. Ce compromis se produit à l'extrémité inexactitude du spectre.

C'est essentiellement... Voyez-vous, l'argument en faveur de l'utilisation de cette méthode est issu des discussions des représentants du Conseil du Trésor sur les questions de la taille de l'échantillon et du plan d'échantillonnage. En fait, voici ce qu'ils disent : il faut procéder de cette façon parce que le plan d'échantillonnage et la taille de l'échantillon ne permettent d'obtenir un degré suffisant de précision que lorsqu'on traite les valeurs à ce niveau d'agrégation -- je suis peut-être en train de leur faire dire ce qu'ils n'ont pas dit. Ils n'ont pas concrètement dit cela, mais c'est l'essentiel de l'argument.

Voici comment je réagis à cela : oui, le résultat est très précis, mais il est aussi inexact. Un statisticien bien connu a dit un jour qu'il était préférable d'obtenir des réponses approximatives aux bonnes questions que des réponses très précises aux mauvaises questions et je ne trouve pas grand-chose à redire à cela.

LA PRÉSIDENTE : À ce sujet précisément -- je ne veux pas trop approfondir la question, mais qu'est-ce qu'un statisticien s'efforce de faire lorsqu'il applique une méthode? L'un des éléments a-t-il plus d'importance que l'autre : la précision l'emporte-t-elle sur l'exactitude, l'exactitude l'emporte-t-elle sur la précision? Y a-t-il une norme dans votre profession selon laquelle la précision est la clé ou l'exactitude est la clé dans ce domaine? Lequel est important?

LE TÉMOIN : Non, il n'y a pas de norme. Nous inventons par ailleurs des mesures qui combinent ces facteurs. Une technique que l'on appelle l'erreur quadratique moyenne combine, si on veut, l'exactitude et la précision. Ainsi, les techniques d'échantillonnage, par exemple, ont pour objet de réduire la somme au minimum. Ce n'est pas une simple somme, mais c'est plutôt le genre de somme géométrique des biais et de la variance d'échantillonnage. C'est ce qu'on appelle l'erreur quadratique moyenne.

En ce sens, donc, il existe une norme. Nous essayons de gagner sur les deux tableaux. Très souvent, cependant, il est passablement clair que l'on doit faire un compromis. On doit viser l'un ou l'autre des éléments.

LA PRÉSIDENTE : Dans ce processus qui nous occupe, dans la tentative de déterminer s'il existait un écart salarial, etc., que devrait-on, à votre avis, s'efforcer de faire?

LE TÉMOIN : Je crois qu'il est passablement clair -- du moins il est clair à mes yeux -- que dans ce cas, on doit viser l'exactitude. Après tout, les différences entre... si l'on prend simplement en considération l'ampleur des différences dont il est question entre les taux de rémunération des hommes et les taux de rémunération des femmes, la précision jusqu'au dernier sou n'est pas d'une grande importance dans le calcul. En moyenne, nous devrions viser à obtenir le bon résultat. À mon avis, donc, c'est ici l'exactitude qui est l'essentiel, et non pas la précision.

B. La méthode de l'Alliance : niveau/courbe composite

102. La méthode de rajustement des salaires proposée par l'Alliance consiste à rajuster le salaire des femmes en utilisant des valeurs calculées par groupe et par niveau et, s'il y a lieu, par sous-groupe et par niveau pour les groupes plaignants, et en les comparant à une courbe composite des données masculines. La courbe composite des données masculines, dans la méthode de l'Alliance, est une courbe de régression tracée à partir des données sur tous les emplois échantillonnés dans les groupes à prédominance masculine lors de l'étude sur la parité salariale. Cette méthode est appelée méthode niveau/courbe composite.

103. M. Eugene Swimmer, expert en économique du travail et en statistique, a procédé pour le compte de l'Alliance à l'analyse statistique qui a produit la courbe composite. Il a témoigné à propos de la validité de la courbe composite des données masculines. D'après son analyse, M. Swimmer était d'avis qu'une équation quadratique reflétait le mieux les données masculines produites par l'étude sur la parité salariale. Contrairement à la façon dont M. Sunter utilise les courbes de régression, M. Swimmer se sert de la courbe de régression comme modèle pour prédire le salaire de tous les employés des groupes professionnels à prédominance masculine dans la fonction publique fédérale.

104. Se servant d'un diagramme de dispersion (un graphique sur lequel sont reportés les divers points ou cotes d'évaluation), M. Swimmer a remarqué que les données masculines présentaient une courbe ascendante qui avait tendance à s'aplatir aux valeurs supérieures des points d'évaluation des emplois. À cause de cet aplatissement à l'extrémité supérieure des valeurs, M. Swimmer préférait une équation quadratique à une équation linéaire pour la prédiction du salaire versé aux hommes. Il a affirmé que l'équation quadratique, plus complexe, produit une courbe de régression curviligne pour les données masculines.

105. M. Swimmer a fait remarquer que le procédé d'échantillonnage utilisé dans le cadre de l'étude n'était pas également représentatif de tous les groupes professionnels. Dans certains cas, les données masculines avaient tendance à être surreprésentées dans certains groupes professionnels et à être sous-représentées dans d'autres. M. Swimmer estimait qu'il convenait de rajuster les données pour tenir compte de cette différence. Il a donc pondéré les observations individuelles de manière à refléter la probabilité liée à l'échantillonnage. Il a ainsi fait en sorte que chacune des cotes d'évaluation des emplois masculins contribue également à la formule permettant de tracer la courbe de régression.

106. Selon M. Swimmer, puisque la courbe de régression ainsi produite sert à prédire la relation entre le salaire et la cote pour une population d'environ 100 000 employés de la fonction publique fédérale, l' adéquation de cette courbe devient une importante question statistique. M. Swimmer a expliqué que les statisticiens ont mis au point un indice, appelé r2, qui donne une indication de l'adéquation de la courbe. En langage statistique, la valeur de r2 représente l'erreur-type de l'ensemble de la courbe de régression. Pour chaque courbe de régression, la valeur de r2 se situe entre 0 et 1. Plus cette valeur est proche de 1, plus la courbe de régression est fiable à titre de prédicteur des salaires. Lorsque ce rapport est exprimé par un graphique, une courbe de régression où la plus grande partie des données se situe sur la courbe, et quelques données se trouvent au-dessus ou au-dessous de la courbe, présente un meilleur ajustement que si les points sont dispersés sur l'ensemble du graphique.

107. M. Swimmer a témoigné que la valeur de r2 pour la courbe de régression linéaire simple des données masculines provenant de l'étude était de 0,72. La pondération de la régression produit une valeur de r2 de 0,71. M. Swimmer a comparé la valeur de r2 de l'équation quadratique, sous ses formes pondérée et non pondérée, aux équations linéaires respectives et cette comparaison l'a amené à penser que le modèle quadratique pourrait être supérieur au modèle linéaire pour des raisons statistiques.

108. M. Swimmer a ensuite officiellement vérifié si le modèle quadratique (curviligne) était significativement supérieur au modèle linéaire en faisant appel à un test statistique appelé le test F de Wald. D'après les résultats obtenus, M. Swimmer a conclu que l'équation quadratique représentait une meilleure façon de résumer les données relatives aux 1 408 emplois masculins environ qui constituaient l'échantillon.

109. M. Swimmer a déclaré que les statisticiens se préoccupent de deux attributs des estimations de régression : l'absence de biais et l'efficacité. Il a décrit une estimation non biaisée comme une estimation qui, si le processus est répété à de multiples reprises, a pour effet que la moyenne des estimations est pratiquement identique à la pente de la courbe de régression pour la population véritable. Selon lui, on dit d'une estimation de régression qu'elle est efficace lorsqu'il n'y a aucun autre procédé non biaisé et lorsque l'estimation produit des valeurs proches de celles de l'ensemble de la population, comme c'est le cas pour la méthode ordinaire des moindres carrés (la courbe de régression).

110. M. Swimmer a assuré au Tribunal que ces deux attributs étaient présents dans la méthode de la courbe composite de l'Alliance. On a pu le déterminer en se penchant sur encore une autre considération statistique, appelée le terme d'erreur. Il a défini le terme d'erreur comme représentant la différence entre la valeur réelle des salaires et leur valeur prédite à partir de l'équation de régression à un nombre donné de points d'évaluation des emplois. M. Swimmer a fait appel à des techniques algébriques pour corriger un problème qu'il a appelé hétéroscédasticité, soit la présence d'erreurs de plus en plus grandes dans la prédiction des salaires à mesure que la cote numérique des emplois augmente. En conséquence, il a produit l'équation quadratique pondérée suivante pour les données de 1987 : salaire 1987 = 4,029 + 0,060 point - 0,000014 point2 (pièce PSAC-164).

111. Les résultats de l'analyse de M. Swimmer se trouvent à la p. 22 de son rapport (pièce PSAC-164) et sont les suivants :

[Traduction]

Pour les raisons exposées plus haut, d'après mon analyse des données et l'application des tests statistiques reconnus, je crois :

a. qu'une régression composite unique présente un excellent ajustement pour ces données;

b. que les équations quadratiques pondérées, corrigées pour tenir compte de l'hétéroscédasticité, produisent des estimations non biaisées et efficaces des caractéristiques de la population et représentent donc la meilleure caractérisation du modèle général décrivant la relation entre les taux de rémunération horaire et les cotes d'évaluation des emplois pour les employés des groupes professionnels à prédominance masculine;

c. que les taux de rémunération horaire des employés masculins prédits à partir de ces régressions quadratiques pondérées et corrigées seraient de bons points de référence pour le rajustement du salaire horaire des membres des groupes à prédominance féminine.

112. M. Swimmer n'a donné aucune opinion sur la méthode niveau/segment ni sur la méthode des groupes entiers, cette dernière étant la méthode utilisée par l'intimé. M. Ranger, de l'Alliance, a présenté des calculs de l'écart salarial effectués selon la méthode niveau/courbe composite dans la pièce PSAC-187. La méthode concrète de calcul est analogue à celle de la méthode niveau/segment de M. Sunter, sauf que l'Alliance utilise la courbe composite quadratique pondérée, plutôt qu'une série de courbes segmentées distinctes, pour calculer les différences entre les groupes à prédominance féminine et les groupes à prédominance masculine. À partir de l'équation quadratique pondérée, l'Alliance a montré l'existence d'un écart salarial entre les groupes professionnels plaignants, à prédominance féminine, et les groupes de comparaison.

113. L'Alliance prétend que les parties avaient convenu, dans le cadre de l'étude sur la parité salariale, d'utiliser la courbe composite pour calculer l'ampleur de l'écart salarial au stade de cette étude qui devait suivre le stade de l'évaluation des emplois. L'essentiel de la prétention de l'Alliance sur ce point se trouve aux paragraphes 173 et 174 de ses arguments écrits, lesquels se lisent comme suit :

[Traduction]

173. L'Alliance soutient respectueusement que la preuve, orale et documentaire, confirme clairement que les parties se sont entendues sur l'utilisation de la courbe composite des données masculines comme base de comparaison pour calculer l'ampleur de l'écart salarial après le stade de l'évaluation des emplois de l'étude. L'Alliance reconnaît qu'aucun accord final n'a été conclu au début ni au cours de l'étude sur la façon dont on utiliserait les valeurs relatives aux groupes plaignants à prédominance féminine, mais il paraît clair que la seule question à régler à ce sujet était de savoir si l'on comparerait les groupes à prédominance féminine en tant que groupes complets, ou par niveau au sein de chaque groupe ou sous-groupe, selon le cas.

174. L'Alliance soutient que l'accord sur la façon de traiter les données masculines de comparaison a été confirmé par Mme Manseau, Mme Jaekl, Mme Millar, M. Sadler, M. Ranger, Mme Brookfield et, particulièrement, M. Norman Willis. Cet accord est également confirmé dans la pièce de M. Gower concernant la taille de l'échantillon, compte tenu du fait que le mode de comparaison des données masculines exerçait une influence décisive sur la détermination de la taille de l'échantillon d'emplois masculins. Aucune partie, y compris la Commission, ne s'est par la suite opposée à l'utilisation de la courbe composite des données masculines au cours de l'étude. [C'est nous qui soulignons.]

114. Le caractère adéquat du plan d'échantillonnage utilisé dans l'étude sur la parité salariale n'est pas en litige en l'espèce. À l'origine, l'intimé voulait utiliser un échantillon plus petit que ne le souhaitait l'Alliance pour procéder à l'évaluation des emplois. La taille de l'échantillon a par la suite fait l'objet d'une entente entre les parties et a été approuvée par Statistique Canada. L'échantillon initial a été réduit avec l'approbation de Statistique Canada. L'échantillon du groupe plaignant (emplois féminins) était plus important que l'échantillon du groupe de comparaison (emplois masculins). L'échantillon du groupe plaignant était caractérisé selon le groupe, le sous-groupe et le niveau pour les groupes professionnels à prédominance féminine et selon le groupe pour les groupes professionnels de comparaison à prédominance masculine.

115. L'Alliance fait référence à un document rédigé par M. Allen R. Gower, Division des méthodes d'enquêtes sociales, Statistique Canada, daté du 12 février 1987 et intitulé Observations Regarding Sample Size -- Equal Pay for Work of Equal Value. Dans ce document, M. Gower décrivait la méthode de sélection de l'échantillon adoptée dans le cadre de l'étude sur la parité salariale comme un échantillonnage avec probabilités égales (pièce PIPSC-12). Il faisait des commentaires sur les tailles d'échantillon proposées pour l'étude sur la parité salariale et les méthodes de rajustement des salaires. Nous remarquons que ses commentaires se fondaient sur l'hypothèse voulant que l'on rajuste le salaire des employés du groupe à prédominance féminine en comparant le niveau professionnel à prédominance féminine et la courbe composite. M. Gower examinait deux propositions concernant la taille des échantillons préliminaires, la première correspondant à 5 200 postes et suggérée par M. Willis et l'autre, correspondant à 2 550 postes et suggérée par M. Jean Bourdeau, du Conseil du Trésor. Selon le rapport de M. Gower, la fiabilité d'une courbe composite des données masculines établie à partir de divers échantillons dépend de la taille de l'échantillon. Il écrit, à la p. 5 de son rapport :

[Traduction]

Les tailles d'échantillon des groupes à prédominance féminine sont de 2 422 et de 1 950, respectivement, dans la proposition Willis et dans la note de service Bourdeau. Cependant, les tailles d'échantillon respectives pour les groupes à prédominance masculine sont de 2 436 et 600. Pour les groupes à prédominance masculine, la différence réside dans les hypothèses faites sur la méthode de rajustement. Une taille d'échantillon de 2 436 engendrerait vraisemblablement une bonne fiabilité pour une courbe composite des données masculines (et pour des courbes distinctes des données masculines dans bon nombre des groupes). Une taille d'échantillon de 600 produirait des données moins fiables (si l'on suppose l'adoption de la même méthode de sélection de l'échantillon). Les résultats seraient suffisamment fiables (± 500 $) pour les besoins d'une courbe composite des données masculines (d'après les données antérieures relatives aux plaintes de la CCDP), mais ils ne seraient pas assez fiables pour permettre de tracer des courbes séparées pour la plupart des groupes à prédominance masculine.

116. Les extraits des comptes rendus des réunions du Comité mixte sur lesquels l'Alliance se fonde pour prétendre que les parties ont convenu d'utiliser une courbe composite des données masculines comme base de comparaison pour les hommes en vue du rajustement des salaires sont reproduits ci-dessous :

[Traduction]

(i) Le 9 octobre 1986

Méthode statistique

Puisque les représentants syndicaux n'ont pas eu l'occasion de discuter à fond de cette question, le Comité n'est pas en mesure de parvenir à un accord. Les représentants patronaux indiquent qu'ils préfèrent que le salaire de chaque groupe à prédominance féminine soit rajusté selon un pourcentage par rapport à la courbe composite des données masculines. Christine Manseau convient de faire connaître la position des représentants syndicaux lors de la prochaine réunion, le 29 octobre.

(ii) Le 29 octobre 1986

Méthode statistique

Les représentants syndicaux indiquent leur préférence pour la méthode de comparaison entre la courbe composite des données masculines et le niveau professionnel du groupe féminin, à une fiabilité de 300 $ et pour un nombre de postes allant de 3 100 à 5 300. Ils indiquent également qu'il serait utile à ce stade d'obtenir les commentaires de M. Willis.

(iii) Le 30 janvier 1987

Courbe composite des données masculines

La fourchette salariale de la courbe composite des données masculines devrait se situer entre environ 15 000 $ et 75 000 $. Puisque nous nous intéressons uniquement à une bonne relation salaire-cote pour la courbe composite des données masculines, un échantillon de 600 postes serait [fiable]. Nous pourrions ajouter comme contrainte qu'au moins de trois à cinq postes devraient être échantillonnés dans chaque groupe professionnel à prédominance masculine.

(iv) Du 2 au 6 mars 1987

Méthode statistique ou de rajustement

Ted Ulch, représentant de la CCDP, affirme que l'Ordonnance de 1986 sur la parité salariale prescrit l'utilisation des cotations par niveau.

-Le Comité convient de reporter sa décision sur la méthode de rajustement à la fin de l'évaluation des postes échantillonnés.

(v) Le 14 octobre 1988

Lettre de la Commission canadienne des droits de la personne

M. Willis affirme qu'il serait possible de donner suite à la recommandation de M. Ulch concernant les groupes à prédominance masculine car la courbe des salaires masculins est censée être traitée comme un univers; il ne serait peut-être pas possible de le faire pour les postes à prédominance féminine, pour lesquels on utiliserait le groupe professionnel et le niveau pour déterminer une courbe des salaires. Le Comité mixte a convenu d'utiliser la courbe composite des données masculines, mais aucune décision n'a été prise quant aux groupes à prédominance féminine.

117. L'Alliance se fonde aussi sur le témoignage de M. Willis concernant le plan d'échantillonnage et la taille de l'échantillon pour prétendre que les participants au Comité mixte se sont entendus sur l'utilisation de la courbe composite des données masculines. M. Willis a affirmé lors de son témoignage que, d'après ce qu'il avait compris, l'échantillon de postes sélectionnés en vue de l'évaluation avait été constitué selon le principe suivant : les postes à prédominance masculine seraient traités comme un univers et les postes à prédominance féminine seraient subdivisés en fonction du groupe et du niveau pour les besoins du rajustement salarial.

C. La méthode de l'intimé

(i) La méthode des groupes entiers

118. La méthode de l'intimé repose sur l'utilisation de groupes professionnels entiers à titre de base de comparaison. Les groupes professionnels entiers sont ceux que le système de classification de l'employeur établit et qui ont été utilisés dans l'étude sur la parité salariale.

119. La méthode de l'intimé consiste en deux formules distinctes. La formule qu'il préfère consiste à rajuster le salaire des membres d'un groupe professionnel à prédominance féminine lorsqu'il y a écart salarial entre ce groupe et un seul et unique groupe professionnel entier à prédominance masculine : celui qui touche le plus faible salaire parmi les groupes qui exécutent des fonctions équivalentes à celles du groupe à prédominance féminine. Puisque l'article 14 de l'Ordonnance prévoit la constitution d'un groupe de comparaison composé de tous les groupes professionnels à prédominance masculine, la deuxième formule de l'intimé consiste à comparer les salaires du groupe plaignant à ceux du groupe considéré comme un seul groupe. Ce dernier se compose de tous les groupes professionnels à prédominance masculine dont on a établi qu'ils exerçaient des fonctions équivalentes à celles du groupe plaignant.

120. Le choix du groupe de comparaison masculin, c'est-à-dire le choix entre le seul et unique groupe professionnel à prédominance masculine et les groupes multiples considérés comme un seul groupe, dépend de la validité de l'article 14 de l'Ordonnance. Selon l'avocat de l'intimé, si l'article 14 de l'Ordonnance est jugé invalide, la possibilité de considérer plusieurs groupes comme un seul groupe se trouve supprimée et le Tribunal doit se reposer sur le groupe professionnel à prédominance masculine touchant le plus faible salaire à titre de groupe de comparaison. L'avocat de l'intimé a fourni au Tribunal comme option, en l'absence de tout conflit entre l'article 11 de la Loi et l'article 14 de l'Ordonnance, que l'intimé pourrait accepter à la place la formule des groupes multiples considérés comme un seul groupe. Cette dernière formule, à laquelle, aux dires de l'intimé, on doit se conformer si l'article 14 est appliqué, ne permet que la méthode de comparaison par groupes entiers, les méthodes niveau/segment et niveau/courbe composite devenant exclues.

121. L'intimé fonde sa méthode sur le concept de la tendance centrale. M. Shillington a décrit ainsi l'expression tendance centrale (volume 140, à la p. 17281, lignes 1 à 10) :

[Traduction]

"Tendance centrale" est une expression que l'on utilise en statistique pour désigner diverses façons de déterminer où se situe le milieu dans un ensemble de données. La moyenne est l'une de ces méthodes de mesure. La médiane en est une autre. On peut aussi recourir à d'autres méthodes. Toutes ces façons de procéder cherchent à déterminer ce qui peut être typique, moyen, se trouver au milieu. Ainsi, la tendance centrale désigne tous ces modes de mesure.

La méthode de l'intimé a pour objet de déterminer si le groupe professionnel à prédominance féminine et le groupe professionnel à prédominance masculine touchant le plus faible salaire ont la même tendance centrale. L'intimé soutient qu'il est possible de comparer les tendances centrales des deux groupes à l'aide de la moyenne ou de la médiane" pour vérifier si elles sont égales.

122. M. Shillington a affirmé dans son témoignage que la moyenne d'un ensemble de données correspond à la moyenne arithmétique, c'est-à-dire la somme de toutes les valeurs divisée par le nombre d'unités de l'échantillon. La moyenne comporte comme limite qu'elle peut être influencée de façon marquée par quelques valeurs extrêmes. D'autre part, M. Shillington a décrit la médiane comme la valeur qui se trouve au milieu lorsqu'on dispose dans l'ordre croissant ou décroissant les valeurs d'un ensemble de données. La médiane est synonyme du 50e centile. Elle a comme important avantage de ne pas être fortement influencée par quelques valeurs extrêmes. Selon M. Shillington, la médiane est influencée par la distribution des valeurs et l'ordre des valeurs (de la plus faible à la plus élevée).

123. D'après M. Shillington, on peut utiliser l'expression tendance centrale lorsqu'on présente des conclusions uniques ou regroupées sur la valeur des fonctions exécutées par un échantillon de membres d'un groupe.

124. L'intimé a appliqué sa méthode des groupes entiers après l'échec de l'étude sur la parité salariale. Au début de 1990, il s'est servi des résultats de cette étude pour procéder unilatéralement à des rajustements salariaux pour trois des groupes professionnels à prédominance féminine examinés dans le cadre de l'étude. La preuve documentaire de ces rajustements est contenue dans un exposé de la méthode que l'intimé a remis à la Commission en mars 1990 (pièce HR-185). M. Sunter a procédé à une analyse de la méthode de l'intimé dans le cadre des travaux qu'il a effectués pour le compte de la Commission. M. Sunter et M. Shillington ont tous deux formulé des critiques à l'endroit de la méthode appliquée en 1990 par l'intimé. L'intimé n'a produit aucune preuve pour expliquer le fondement de la méthode qu'il avait utilisée en 1990. Il a conservé certains aspects de la méthode exposée à la pièce HR-185 dans la méthode qu'il a fait valoir dans ses arguments devant le Tribunal.

125. En 1990, l'intimé a utilisé un test statistique dans le cadre de sa méthode de rajustement des salaires. Ce test statistique normalisé, appliqué en 1990 et basé sur des comparaisons par groupes entiers, s'appelle le test de Wilcoxon. L'intimé s'en est servi comme test de signification pour déterminer la différence entre deux groupes : le groupe plaignant et le groupe de comparaison. Plus précisément, le test permettait de comparer une série de valeurs de chaque groupe pour déterminer si la médiane (c'est-à-dire le 50e centile) était différente dans les deux groupes. S'il y avait une différence significative entre la médiane du groupe plaignant, à prédominance féminine, et celle du groupe composite, à prédominance masculine, l'intimé rejetait le groupe de comparaison à prédominance masculine. M. Shillington a critiqué la pertinence de l'utilisation du test de Wilcoxon en matière de rajustement des salaires et a rejeté la notion de l'utilisation d'un quelconque test de signification pour effectuer des comparaisons. La préoccupation de M. Shillington envers le test de Wilcoxon est la suivante : à mesure que la taille de l'échantillon s'accroît, le test montre que tous ces groupes sont différents. M. Shillington a affirmé dans son témoignage que le test de Wilcoxon posait la mauvaise question, celle-ci étant axée sur la détermination exacte des valeurs.

126. L'intimé fait maintenant valoir que l'on devrait appliquer le concept de la tendance centrale pour évaluer l'égalité, plutôt que le test statistique qu'il a utilisé en 1990 pour déterminer l'ampleur de l'écart salarial.

127. M. Shillington a également manifesté son désaccord avec la formule de l'intimé requérant l'utilisation de groupes professionnels entiers à prédominance masculine comme groupes de comparaison. Il a énergiquement soutenu que, s'il lui fallait utiliser la moyenne ou la médiane pour faire des comparaisons entre les groupes, il faudrait que la formule soit axée sur la conservation des données plutôt que sur leur exclusion. Il a affirmé que les données doivent éclairer l'analyse dans le cas d'une plainte collective. Nous nous reportons à son témoignage (volume 140, de la p. 17306, ligne 4, jusqu'à la p. 17307, ligne 20) :

[Traduction]

Q. J'aimerais comprendre un peu mieux. Prétendez-vous que l'on ne devrait pas utiliser un test des tendances centrales pour déterminer les groupes de comparaison? Est-ce votre prétention fondamentale?

R. Non. Je crois que je l'ai affirmé le plus clairement que je pouvais le faire dans ma réponse à une question de la Présidente sur l'établissement des critères.

J'aborderais la question de la façon suivante. S'il faut utiliser les données masculines selon la formule du groupe et qu'un groupe entier se trouve soit inclus, soit exclu, on se dit alors qu'il faut inclure les groupes masculins dont les valeurs recoupent suffisamment les données féminines, dont les valeurs sont collectivement suffisamment semblables, pour que l'on puisse se sentir à l'aise d'affirmer que ces données sont comparables, qu'elles éclairent l'analyse.

Il ne s'agit pas de savoir si les médianes ou les moyennes sont identiques ou non.

M. Monsieur Shillington, je dirais qu'avec cette affirmation, vous vous engagez sur le terrain de la décision concernant le sens du terme comparabilité. Vous nous avez dit plus tôt que c'est là un point que vous laisseriez les avocats débattre.

R. Non, non, non. Ce que les avocats ont à débattre, c'est l'interprétation du texte de loi et la question de savoir si les dispositions signifient que les groupes doivent être identiques -- et je vous souhaite bonne chance.

La question de savoir si, lorsqu'on choisit des groupes de comparaison -- lorsqu'on détermine les groupes d'emplois masculins qui sont comparables --, on doit appliquer un test de signification, ou plutôt une technique qui inclut des groupes sans faire appel aux tests de signification, mais en fonction d'une quelconque règle empirique -- la moyenne du groupe doit se situer en deçà de deux écarts-types, ou encore la médiane du groupe devrait se situer à l'intérieur de l'écart interquartile, ou encore... et j'ai dit que je ne connaissais pas la bonne réponse. Cependant, je suis persuadé que, si l'on utilise un test de signification, on tombe dans l'incohérence logique de l'application d'une technique qui montrerait, si la taille de l'échantillon était suffisante, qu'il n'existe aucun groupe de comparaison. [C'est nous qui soulignons.]

128. La méthode que l'intimé proposait maintenant découlait d'une suggestion impromptue faite par M. Shillington lors de son interrogatoire principal par l'avocate de la Commission. L'avocate de la Commission avait demandé à M. Shillington de donner son avis sur la conception d'une méthode exigeant que seuls des groupes entiers à prédominance masculine soient utilisés pour les comparaisons avec les groupes à prédominance féminine. La réponse de M. Shillington se trouve au volume 132 (de la p. 16176, ligne 18, jusqu'à la p. 16185, ligne 3) :

[Traduction]

Et si le Tribunal décide en l'espèce que, selon la Loi canadienne sur les droits de la personne, l'analyse de la discrimination salariale exige que seuls des groupes entiers à prédominance masculine peuvent être utilisés pour les comparaisons avec les groupes plaignants à prédominance féminine? Avez-vous réfléchi à cette question, et qu'est-ce qui vous paraîtrait important dans la conception d'une méthode possible?

R. Oui, j'ai quelque peu réfléchi aux formules que l'on pourrait envisager.

Pour revenir de nouveau à la question de recherche fondamentale, il faut déterminer les groupes masculins à inclure dans l'analyse en vue des comparaisons. Il s'agirait donc de groupes pour lesquels on dispose d'un nombre considérable d'observations concernant les fonctions comparables à celles des emplois féminins.

À nouveau, sans que j'aie aucunement approfondi l'étude de cette question avec les données ni tenté de mettre la formule en application, on pourrait envisager diverses techniques selon lesquelles au moins la moitié, ou au moins les trois quarts des données masculines se situeraient dans la plage des données féminines. On pourrait poser comme condition que la médiane des données masculines doit se situer entre le 25e et le 75e centile de la plage des données féminines. Il y a diverses façons de formuler une définition opérationnelle qui viserait à faire en sorte que les observations dans les groupes de comparaison masculins soient approximativement comparables aux valeurs liées aux emplois du groupe à prédominance féminine.

Q. Avant que vous ne passiez à d'autres suggestions ou que vous ne donniez des précisions sur les quelques suggestions que vous avez lancées, que dites-vous de l'utilisation du test de Wilcoxon comme test de signification pour déterminer les groupes à prédominance masculine comparables?

R. Comme je l'ai déjà dit, on répond selon moi à la mauvaise question lorsqu'on l'utilise comme test de signification. La question n'est pas de savoir si les groupes ont ou non la même médiane. On ne se contente pas d'examiner les preuves nous indiquant que ces groupes ont des médianes différentes. Si l'on dispose d'un nombre suffisant de données, on obtiendra des preuves indiquant qu'ils ont des médianes différentes..

Il s'agit de déterminer si les groupes sont suffisamment semblables pour pouvoir être utilisés à des fins de comparaison, et non pas de déterminer si l'on a suffisamment de preuves du fait qu'ils sont différents.

Donc, en fait, je ne conseillerais pas du tout d'appliquer un test de signification en la matière.

Q. Je vous ai entendu faire deux suggestions possibles. Jusqu'à quel point avez-vous examiné ces idées?

R. Ce sont strictement des idées impromptues, que je lance à brûle-pourpoint sur la façon dont on pourrait aborder la question. Je ne veux donner à personne l'impression que je défendrais fermement ces idées. Il faudrait que l'on se penche attentivement sur la question, que l'on examine les données et que l'on ait un aperçu des conséquences possibles de ces règles de décision avant de pouvoir être assuré de disposer d'une formule qui fera concrètement ce que l'on veut qu'elle fasse, c'est-à-dire déterminer les groupes masculins qui sont en un certain sens comparables.

Q. Pour quels motifs pouvez-vous carrément rejeter l'utilisation du test de Wilcoxon comme méthode possible de détermination des groupes entiers à prédominance masculine comparables, alors que vous ne rejetez pas complètement ces autres méthodes?

R. Je crois qu'il s'agit essentiellement de déterminer si le test que l'on utilise, ou que l'on propose d'utiliser, répond à la question appropriée.

À mon avis, la question, si l'on suppose que l'on adopte une formule axée sur les groupes, est la suivante : y a-t-il dans ce groupe, un nombre suffisant de questionnaires sur les emplois masculins dont les valeurs se situent dans la gamme des valeurs du groupe féminin pour qu'on veuille inclure ce groupe?

C'est là, à mon avis, la question non statistique. Je crois que les règles de décision du genre de celles que j'ai suggérées comme possibilités sont des règles que l'on pourrait utiliser pour répondre à cette question : le groupe masculin a-t-il suffisamment de valeurs en commun avec les groupes féminins pour être inclus?

Le test de Wilcoxon ne répond pas à cette question. Le test de signification de Wilcoxon répond à la question suivante : avons-nous des preuves du fait que les médianes sont différentes et non pas identiques?

Avec des tailles d'échantillon très importantes, il ne serait pas difficile de créer une série de questionnaires sur les emplois masculins qui produiraient des résultats très, très proches de ceux de la série de questionnaires sur les emplois féminins pour les fonctions exercées, mais qui présenteraient une médiane significativement différente. Ce ne serait pas difficile du tout.

Si j'affirme avec assurance que je n'utiliserais pas le test de Wilcoxon, c'est parce que je suis persuadé qu'il répond à une question inopportune.

LA PRÉSIDENTE : Puis-je poser une question, Madame Morgan?

Mme MORGAN : Je vous en prie.

LA PRÉSIDENTE : Si vous analysez les données et vous essayez de formuler des critères pour déterminer que les groupes sont suffisamment semblables, ou que leurs valeurs sont assez proches pour qu'ils soient similaires ou comparables -- à quels critères vous fiez-vous, quand vous procédez à une analyse statistique, pour décider que les données satisfont aux exigences?

LE TÉMOIN : Je ne crois pas que ce soit une profonde question de statistique. Je crois que c'est une question à laquelle toutes les personnes ici présentes pourraient répondre.

Si l'on étudie par exemple le groupe CR et les divers groupes professionnels à prédominance masculine, on pourrait examiner les données masculines sous l'angle de la médiane de chaque groupe, du maximum, du minimum, du 25e ou du 75e centile. Ce que l'on cherche à faire, c'est déterminer les groupes à prédominance masculine qui, si on les inclut, satisferont aux critères de comparabilité que l'on a établis.

Cela donne peut-être l'impression que j'essaie d'esquiver la question.

LA PRÉSIDENTE : C'est la question que je vous ai posée : quels seraient vos critères? Vous répondez que la méthode devrait satisfaire aux critères. Je vous demande de définir les critères.

LE TÉMOIN : À nouveau, je ne crois pas qu'il existe de technique statistique prédéfinie. L'utilisation du seuil de signification pose pour moi des problèmes parce que, si la taille de l'échantillon est suffisamment importante, il devient carrément impossible de trouver un groupe de comparaison. Je crois que cela devrait vous indiquer qu'il y a une faille d'ordre conceptuel dans le raisonnement.

Je dirais d'abord -- on pourrait commencer par dire : que se passerait-il si l'on incluait les groupes masculins dont la médiane se situe à moins de 10 % de la médiane des emplois féminins? On pourrait simplement voir si cela semble ou non fonctionner raisonnablement.

Je ne sais pas ce que les critères...

LA PRÉSIDENTE : Votre objectif dans cette démarche est-il d'obtenir un nombre raisonnable de sujets de comparaison masculins? Est-ce l'un des... Peut-être pourriez-vous aborder cela sous l'angle de votre objectif, de la façon dont vous allez répondre à votre question. Que cherchez-vous à atteindre?

LE TÉMOIN : J'ai un peu de difficulté à répondre parce que je commencerais par -- je n'utiliserais pas du tout les groupes comme base; j'inclurais tous les emplois masculins, à condition que les valeurs se trouvent dans la plage appropriée.

Mais s'il fallait adopter une formule axée sur les groupes, chose certaine... si l'on choisit la technique qui, à notre avis, répond à certains critères prédéfinis, mais que l'on ne dispose ensuite d'aucun échantillon adéquat, le résultat n'est probablement pas très utile.

Donc, le fait de posséder un nombre considérable d'observations sur les emplois masculins qui satisfont aux critères devrait nécessairement, dans la pratique, constituer l'un des critères. Je dis dans la pratique parce qu'on peut commencer par dire que l'on veut obtenir des observations qui respectent certains critères de comparabilité, et concevoir ensuite une technique qui permet de les obtenir, mais on se retrouve alors sans taille d'échantillon adéquate, car lorsqu'on applique ce critère...

LA PRÉSIDENTE : Il faudrait donc, n'est-ce pas, que l'un de vos critères soit de disposer d'une taille d'échantillon adéquate? Ne serait-ce pas l'un de vos critères?

LE TÉMOIN : J'essaie de faire la distinction entre un critère qui relève de la comparabilité -- un critère que je qualifierais peut-être de plus philosophique ou théorique -- et un critère relevant de l'aspect pratique, c'est-à-dire que si l'on applique une technique entièrement satisfaisante sur le plan théorique ou philosophique, mais qui débouche sur des tailles d'échantillon inadéquates, on en viendra probablement en bout de ligne à réévaluer la question et à se dire que l'on devrait peut-être assouplir les exigences.

Si l'on affirme au tout début : Nous voulons que le groupe d'hommes ait la même distribution (ce que l'on pourrait appeler la démarche Wilcoxon), on pourrait se dire sur le plan philosophique que si l'on a une distribution identique, les résultats seront inattaquables, en un sens; mais aucune taille d'échantillon ne permet d'appliquer la technique et ce n'est donc pas une recommandation très pratique.

Mais je ne crois même pas que la distribution identique soit nécessaire, si l'on se dit : Nous avons besoin, pour faire les comparaisons, de données masculines qui proviennent de groupes où il y a au moins assez de recoupements dans les valeurs pour que l'on puisse faire une comparaison raisonnable, c'est-à-dire suffisamment d'emplois masculins dont les cotes se situent à 250 et à 260 pour que l'on n'ait pas à extrapoler ou à interpoler, et que l'on fasse une évaluation raisonnable.

Si c'est le critère que l'on adopte, on peut alors fixer des critères d'inclusion qui respecteront ce genre de règle et qui seront aussi, espérons-le, applicables dans la pratique parce que les tailles d'échantillon ne seront pas trop petites.

Il y a donc à mon avis, en un certains sens, une analyse en deux étapes à faire : concevoir d'abord un critère d'inclusion qui respecte une quelconque définition philosophique de la comparabilité, et s'assurer ensuite que la définition n'est pas à ce point stricte que l'on finira par ne disposer d'aucune observation. [C'est nous qui soulignons.]

129. L'intimé prétend qu'il faudrait reformuler la définition philosophique de la comparabilité que M. Shillington mentionne ci-dessus pour lui donner le sens des exigences imposées par la Loi. Selon l'avocat de l'intimé, une méthode doit satisfaire à deux exigences légales pour être conforme à l'article 11 de la Loi : d'abord, l'obligation de procéder aux comparaisons par groupes professionnels; ensuite, l'obligation de comparer les salaires uniquement dans le cas des groupes professionnels qui exercent des fonctions équivalentes. Il fait valoir que la Loi confère une certaine latitude dans l'application de la deuxième exigence et qu'il est loisible au Tribunal de réaliser un juste équilibre et d'éviter ainsi une interprétation trop technique ou restrictive de l'article 11 de la Loi.

130. L'intimé explique plus avant la formule qu'il préfère pour le choix du groupe de comparaison, appelée méthode de la fourchette de valeurs, au paragraphe 126 de ses arguments écrits :

[Traduction]

126. Une autre façon d'évaluer la proximité des moyennes ou des médianes de deux groupes consiste à établir une fourchette de valeurs autour de la moyenne ou de la médiane du groupe plaignant et de repérer tous les groupes masculins dont la moyenne ou la médiane se trouve à l'intérieur de la fourchette de valeurs du groupe plaignant. La fourchette pourrait correspondre à un nombre précisé de points d'évaluation, à un pourcentage établi des valeurs du groupe plaignant ou à un nombre donné de centiles. Cette méthode ne se fonde sur aucun test statistique.

131. L'intimé résume ainsi les avantages de la méthode de la fourchette de valeurs pour le choix des groupes de comparaison aux paragraphes 367 et 368 de ses arguments écrits :

[Traduction]

367. La méthode de comparaison par groupes entiers, faisant appel à la méthode de la fourchette de valeurs pour déterminer le groupe professionnel à prédominance masculine touchant le plus faible salaire qui servira de groupe de comparaison :

a) est conforme à l'article 11 de la Loi car :

(i) elle est conçue pour déterminer un groupe d'employés masculins exécutant des fonctions équivalentes;

(ii) elle permet de faire la distinction entre la portion de l'écart salarial qui est attribuable à la discrimination sexuelle et la portion qui est attribuable à d'autres facteurs;

b) est conforme aux articles 12, 13 et 15 de l'Ordonnance parce qu'elle permet de comparer un plaignant qui constitue un groupe professionnel à un groupe de comparaison qui constitue un groupe professionnel;

c) est facile à comprendre;

d) ne constitue une interprétation ni technique, ni restrictive;

e) ne se fonde pas sur des tests statistiques de signification;

f) n'est pas fortement influencée par les erreurs de mesure;

g) est souple sur le plan de l'application à des groupes ayant des tailles d'échantillon différentes.

368. Pour ces motifs, l'intimé soutient que le Tribunal devrait choisir la méthode de comparaison par groupes entiers, faisant appel à la méthode de la fourchette de valeurs, pour déterminer le groupe professionnel à prédominance masculine touchant le plus faible salaire qui servira en l'espèce de groupe de comparaison pour l'estimation de la disparité salariale discriminatoire.

132. Nous remarquons que l'on fait très peu référence dans la preuve à l'utilisation de la technique de la fourchette de valeurs dans le domaine des rajustements paritaires. Mme Weiner a brièvement mentionné dans son témoignage le recours au concept des fourchettes dans les pratiques de rémunération. Selon Mme Weiner, on établit des fourchettes de cotes numériques dans certains régimes de rémunération pour régler les cas où les emplois ont des cotes numériques légèrement différentes, mais sont considérés comme ayant une valeur comparable. Elle a expliqué ce processus au volume 7 (de la p. 1004, ligne 13, jusqu'à la p. 1005, ligne 16) :

[Traduction]

Q. Je sais que vous ne vouliez pas vous engager sur le terrain des groupes de comparaison comparables, mais en quelques mots, qu'est-ce que c'est?

R. Un groupe de comparaison?

Q. Un groupe de comparaison comparable.

R. D'accord.

En réalité, si l'on se sert de... nous avons parlé des systèmes de cotes et du fait qu'ils sont basés sur des jugements subjectifs. Même si les comités portent les meilleurs jugements subjectifs possibles, il est passablement difficile d'affirmer qu'un emploi coté à 100 points est en réalité inférieur à un emploi coté à 101 points. Ainsi, on pourrait affirmer que ces deux groupes sont en réalité comparables.

Par ailleurs, on pourrait sans doute affirmer qu'un emploi coté à 100 points est différent d'un emploi coté à 200 points; mais un emploi coté à 100 points est-il différent d'un autre qui est coté à 110 points? Ici, nous nous engageons dans une zone grise.

L'analogie que je fais est la suivante : lorsqu'on attribue des notes à l'école, on peut attribuer 70 %, 71 % ou 72 % à trois élèves et ils obtiendront tous trois la même lettre selon le système de notation par lettres. On procède donc à un certain regroupement des valeurs.

Ainsi, il est très courant dans le domaine de la rémunération d'affirmer que les emplois cotés de 100 à, par exemple, 150 points ont la même valeur. Dans certains systèmes, la fourchette est de 100 à 120; parfois, elle est de 100 à 200. Il y a donc, si on veut, certaines fourchettes de cotes que l'on considère comme étant de valeur comparable. Ainsi, cette façon de procéder est permise par la loi.

133. L'intimé a tout d'abord suggéré que la médiane soit utilisée comme tendance centrale pour les comparaisons (arguments écrits de l'intimé, paragraphe 89). On déterminerait les groupes de comparaison en choisissant des groupes à prédominance masculine dont la médiane des observations sur la valeur des fonctions se trouverait dans une fourchette de +/-10 % de la médiane des observations sur la valeur des fonctions du groupe professionnel à prédominance féminine. Dans sa plaidoirie, l'intimé a abandonné cette proposition en faveur de la moyenne. Se reportant à la pièce R-176, laquelle est une compilation des groupes de comparaison masculins pour chaque groupe professionnel plaignant à prédominance féminine effectuée au moyen d'abord du test de Wilcoxon, puis d'une fourchette des moyennes et enfin d'une fourchette des médianes, l'avocat de l'intimé a prétendu ce qui suit (volume 240, à la p. 32023, lignes 9 à 18) :

[Traduction]

Je peux affirmer dès à présent au Tribunal que la proposition que l'employeur fait est celle de la colonne numéro (2) [fourchette des moyennes], et la raison en est que nous disposons de preuves à cet égard au dossier, tandis qu'il n'y a pas de preuve au dossier concernant la méthode dont l'employeur parlait dans ses arguments écrits, c'est-à-dire la fourchette de +/- 10 % de la médiane. Donc, l'employeur propose au Tribunal la colonne numéro (2), pour laquelle nous disposons de preuves.

134. Dans le cadre de l'application de la dernière méthode proposée par l'intimé, on détermine le groupe professionnel entier à prédominance masculine qui touche le plus faible salaire en choisissant un groupe professionnel à prédominance masculine dont la moyenne des cotes (ou observations) d'évaluation des emplois établissant la valeur des fonctions se trouve dans une fourchette de +/- 10 % de la moyenne des cotes (ou observations) d'évaluation des emplois établissant la valeur des fonctions du groupe professionnel à prédominance féminine.

135. Selon l'intimé, on calcule ensuite l'écart salarial en estimant la différence entre les groupes professionnels dont la tendance centrale est égale. Si l'on appliquait cette méthode, nous remarquons qu'il n'y aurait aucun rajustement du salaire des groupes plaignants en fonction du groupe de comparaison masculin qui touche le plus faible salaire. Si l'on appliquait la formule des groupes multiples considérés comme un seul groupe, nous remarquons que deux des groupes professionnels à prédominance féminine recevraient un rajustement : les groupes LS et HS. Les calculs de l'écart salarial effectués par l'intimé se trouvent à la pièce R-179. Selon l'avocat de l'intimé, on a établi les différences entre les groupes professionnels féminins et masculins en traçant une ligne verticale à partir de la moyenne de la courbe de régression du groupe professionnel féminin jusqu'à la courbe de régression des données masculines. Le taux de salaire estimatif du groupe masculin est calculé au point d'intersection de la ligne verticale et de la courbe de régression des données masculines. On compare ensuite le taux de salaire des femmes et celui des hommes pour déterminer s'il y a une différence (volume 245, p. 32658 et suivantes).

136. L'avocat de l'intimé prétend de plus qu'une sélection des groupes de comparaison fondée sur la moyenne plutôt que la médiane produira un plus grand nombre de comparateurs et qu'en ce sens, cette méthode répondra ou devrait répondre aux préoccupations de M. Shillington quant à l'inclusion d'un plus grand nombre d'observations dans la comparaison. Cependant, l'intimé n'a produit aucune preuve à l'appui de sa prétention.

137. L'avocat de l'intimé soutient également que le Tribunal ne doit pas nécessairement accepter la fourchette de +/- 10 % parce qu'il a la latitude de définir les critères de comparabilité et de déterminer l'étendue de la fourchette à l'intérieur de laquelle deux groupes sont considérés comme égaux. On trouve d'autres paramètres de comparabilité suggérés par l'avocat de l'intimé au volume 240, à la p. 32028, lignes 2 à 14 :

[Traduction]

C'est essentiellement très simple. Vous affirmez en votre qualité de Tribunal ou, dans une autre affaire, les parties affirment ceci : Nous considérerons deux groupes comme égaux si les deux moyennes se situent à une certaine distance l'une de l'autre. La distance entre les deux pourrait correspondre à un certain pourcentage, à un certain nombre de centiles, à une certaine plage, à un certain nombre de points. Par exemple, si les moyennes se trouvaient en deçà de 40 points Willis l'une de l'autre, nous considérerions les deux groupes comme égaux.

C'est ce que nous entendons par définir jusqu'à quel point ce qui est égal est égal.

138. L'intimé n'a produit aucun témoin pour attester le bien-fondé d'une méthode de rajustement des salaires basée sur le concept des tendances centrales, ni des méthodes suggérées dont l'avocat de l'intimé parle dans le paragraphe qui précède. L'intimé prétend que, puisque l'échantillon prélevé dans chaque groupe lors de l'étude sur la parité salariale devait être représentatif des fonctions dans le groupe professionnel en question, le Tribunal devrait pouvoir se fier à la mesure de la tendance centrale à titre d'estimation de la moyenne de la valeur des fonctions rattachées à tous les emplois de ce groupe professionnel.

139. L'avocat de l'intimé fait valoir que le Tribunal est fondé à se fier aux tailles d'échantillon utilisées dans sa méthode de la fourchette des moyennes. Selon lui, ces tailles se comparent aux tailles d'échantillon utilisées par M. Sunter dans sa méthode niveau/segment. Cela soulève la question de savoir si la taille d'échantillon pour le groupe considéré comme un seul groupe de l'intimé est représentative de l'ensemble de la population de ce groupe. Nous remarquons que les tailles d'échantillon utilisées par M. Sunter dans la méthode niveau/segment n'étaient pas destinées à représenter des groupes professionnels entiers.

140. Aucun témoin n'a été cité pour confirmer le caractère suffisant des tailles d'échantillon dans la méthode de rajustement des salaires de l'intimé. L'avocat de l'intimé a reconnu que cela constituait une faiblesse dans sa preuve.

141. Durant la plaidoirie, l'avocat de l'intimé a reconnu qu'il y avait une faiblesse dans la méthodologie de l'intimé concernant les tailles d'échantillon lorsqu'il a fait des observations sur le rapport de M. Gower (voir la section IV, C(i), paragraphe 115). On trouve le passage suivant au volume 241, de la p. 32054, ligne 23, jusqu'à la p. 32055, ligne 8 :

[Traduction]

Il est donc clair que de notre côté, l'échantillon est de 1 400 emplois. Il n'est pas de 600, il n'est pas de 2 400; il se situe quelque part entre les deux. Ainsi, selon M. Gower, ce n'est probablement pas -- un échantillon de 1 400 emplois n'est pas suffisamment solide pour permettre une comparaison de groupe à groupe et cela constitue une faiblesse. C'est une faiblesse que nous n'essayons pas de camoufler; c'est une faiblesse de la méthode des groupes entiers en l'espèce. La question est de savoir s'il existe un quelconque groupe masculin en l'espèce pour lequel la taille de l'échantillon est adéquate dans chacun des cas.

(ii) Inférence défavorable

142. L'Alliance prétend que le Tribunal devrait tirer une inférence défavorable à l'encontre de l'intimé parce que celui-ci n'a produit aucune preuve à l'appui de sa méthode de rajustement des salaires par groupes entiers. L'intimé fait valoir que les circonstances de l'espèce et les questions soulevées par l'article 11 de la Loi et l'article 14 de l'Ordonnance ne se rapportent pas à des situations qui se prêtent à une inférence défavorable comme, par exemple, lorsqu'une partie affirme ou nie un fait controversé et omet de produire un témoin pour présenter sa version des faits en litige. L'intimé prétend qu'il n'y a aucun litige sur les faits qui nécessite la production de témoins par l'intimé ou qui justifie une inférence défavorable à son endroit.

143. L'intimé prétend de plus que le litige réside dans l'interprétation correcte du droit, question qui relève entièrement de la compétence du Tribunal. Il fait valoir que le Tribunal n'est pas fondé à se fier à l'opinion des experts en équité salariale et en statistique pour l'aider à interpréter le droit. Il soutient que le Tribunal peut néanmoins recourir à leurs connaissances spécialisées pour déterminer la méthode la plus appropriée d'application du principe de la parité salariale pour fonctions équivalentes consacré par le Parlement dans l'article 11 de la Loi et l'article 14 de l'Ordonnance.

144. Nous concluons que la méthode de rajustement des salaires de l'employeur pose une difficulté majeure, du fait que l'on ne nous a pas présenté de preuve fiable indiquant que les données produites par l'étude sur la parité salariale viennent appuyer une méthodologie de comparaison par groupes entiers.

145. L'intimé fait valoir que la courbe des salaires pour chaque groupe professionnel à prédominance masculine utilisée dans sa méthode de rajustement des salaires est une mesure fiable pour le calcul de l'écart salarial. Cependant, l'intimé n'a guère ou pas présenté de preuves à l'appui de sa prétention selon laquelle sa méthode de rajustement des salaires est une mesure fiable pour le calcul de l'écart salarial. L'utilisation par M. Sunter de tailles d'échantillon relativement petites pour ses analyses de régression segmentées ne valide pas à notre avis la méthode de l'intimé. La preuve montre que les tailles d'échantillon utilisées par M. Sunter dans la méthode niveau/segment de rajustement des salaires n'étaient pas destinées à représenter la gamme de valeurs d'un groupe professionnel, mais uniquement à résumer les données masculines se situant à l'intérieur de la plage des valeurs du niveau professionnel féminin évalué.

146. Le problème lié à la preuve est devenu manifeste durant la plaidoirie de l'intimé. La question a été examinée au volume 245, de la p. 32704, ligne 10, jusqu'à la p. 32709, ligne 22 :

[Traduction]

M. FRIESEN : D'accord. Je demanderai au Tribunal de se reporter à la preuve, et je reviendrai là-dessus. On fait référence à la preuve au volume 241 de la transcription; c'est lorsque M. Chabursky présentait des observations, en mai, et le Tribunal lui a posé une question sur la représentativité de la preuve. En réponse à cette question, il s'est reporté à la preuve et a cité assez longuement les passages pertinents. Je demande au Tribunal de se reporter à cela.

Les sources sont données dans cette transcription à la p. 32045, à partir de la ligne 4. M. Chabursky affirme :

Madame la présidente se rappellera -- et je me reporterai dans un instant à la preuve qui l'indique -- que, si les postes sont choisis de façon aléatoire (c'est ce que l'on appelle l'échantillonnage probabiliste), ils sont alors représentatifs de la population de laquelle ils sont tirés; mais la question est la suivante : ont-ils été choisis de façon aléatoire? Nous en avons des preuves aux volumes 201 et 203, données par M. Swimmer.

Avant que nous ne consultions ces passages, toutefois, il est vrai que le Comité mixte n'a pas conçu l'échantillon en vue d'une comparaison entre groupes et c'est la preuve qui a été produite par M. Ranger. Il a donné ce témoignage au volume 204, à la p. 26343.

Avant d'entreprendre cette lecture, je dois signaler que l'ensemble de l'examen de la question s'étend sur environ 12 pages. Cela se termine environ... cela se termine à la p. 32056. Je ne projetais pas de lire ce passage ce matin, mais plutôt de demander au Tribunal de s'y reporter.

Nous sommes donc cohérents. Nous affirmons que l'on dispose de certaines preuves de la représentativité, qu'il existe certaines preuves sur lesquelles le Tribunal peut se fonder. Nous reconnaissons que les parties, lorsqu'elles ont conçu l'étude du Comité mixte, n'entendaient pas que la preuve soit utilisée à cette fin. Nous reconnaissons que la preuve relative à la représentativité et à la taille de l'échantillon est faible et que, si elle est controversée, il y aurait là un fondement pour une contestation. Si la partie adverse affirme que l'on ne peut pas utiliser la preuve à cette fin, le Tribunal pourrait alors être empêché de le faire.

LE MEMBRE COWAN-McGUIGAN : Venez-vous de résumer les 12 pages?

M. FRIESEN : Non, je ne les ai pas résumées. Je donne -- m'étant reporté à la preuve -- si le Tribunal le désire, nous pouvons lire le passage au complet. Mais le voici -- je donne la référence de la preuve...

LA PRÉSIDENTE : Si vous pouviez nous donner simplement quelques indications, Monsieur Friesen, sur l'endroit dans la preuve où, par exemple, il est précisé que les 26 membres d'équipage de navire constitueraient un échantillon adéquat et fiable.

M. FRIESEN : Eh bien ! Il n'y a pas de preuve en ce sens, madame la présidente. Il n'y a pas de preuve en ce sens.

LA PRÉSIDENTE : Qu'est-ce que vous nous dites, alors, de vos échantillons de groupes professionnels que vous voulez que nous utilisions pour le groupe constitué de plusieurs groupes?

M. FRIESEN : Je dis qu'il existe certaines preuves générales du caractère aléatoire de l'échantillon, et qu'il est possible d'utiliser un échantillon aléatoire pour tirer des conclusions et des déductions et faire des généralisations sur la population dans laquelle il a été prélevé. Il existe des preuves en ce sens. Mais ce sont des preuves d'ordre général. Il n'y a pas de preuve précise indiquant que l'on peut utiliser ces échantillons pour tirer des déductions et faire des généralisations sur le groupe SC. Il n'y a pas de preuve en ce sens, je le reconnais.

LA PRÉSIDENTE : Est-il possible, plus précisément, de se servir de 26 postes pour faire une analyse de régression à laquelle on peut se fier pour le calcul...

M. FRIESEN : Il n'y a pas de preuve indiquant qu'il est possible de le faire.

LA PRÉSIDENTE : ... de l'écart salarial?

M. FRIESEN : Il n'y a pas de preuve indiquant qu'il est possible de le faire. Cependant, nous soutenons que la taille de l'échantillon est suffisamment fiable pour les groupes multiples considérés comme un seul groupe.

LA PRÉSIDENTE : Pour quel motif?

M. FRIESEN : Le motif est celui que j'ai invoqué plus tôt, à savoir, que nous appliquons en réalité les principes que M. Sunter nous a donnés et la preuve qu'il nous a donnée sur ce qu'il a fait lorsqu'il a utilisé une analyse de régression pour tracer une courbe des salaires en vue des calculs.

LA PRÉSIDENTE : Oui, mais s'ensuit-il, si l'échantillon de 26 postes n'est pas fiable dans le cas des membres d'équipage de navire ou si l'échantillon de 112 postes n'est pas fiable dans le cas des GS, si l'on combine tous ces groupes pour les considérer comme un seul groupe, s'ensuit-il que l'échantillon de 345 postes sera fiable pour tous les métiers de ce groupe amalgamé? Si les échantillons ne sont pas fiables quand on les considère un à un, comment un échantillon composite les réunissant tous peut-il être fiable?

M. FRIESEN : Parce que, pour parler simplement, nous disposons alors de 345 observations que nous avons sélectionnées et nous les utilisons de la même façon, exactement de la même façon que M. Sunter a utilisé ses observations -- ses 76 et ses 47 observations, qui ne représentaient rien. Elles ne représentaient rien, et pourtant, il les a utilisées pour tracer une courbe de régression et calculer un écart salarial.

Nous disons que le Tribunal peut s'appuyer sur cette preuve et affirmer : Nous procéderons donc de la même façon pour le groupe constitué de plusieurs groupes, et l'intimé ne peut pas contester cette décision.

LA PRÉSIDENTE : Voyez-vous, je ne crois pas que M. Sunter considérait ces observations comme représentatives d'un groupe. Tout simplement, il prenait certaines valeurs et les considérait comme représentatives des valeurs qui se situent à l'intérieur de la moyenne du niveau professionnel féminin. C'est tout ce qu'il faisait. Il n'affirmait pas qu'elles étaient représentatives de quoi que ce soit.

M. FRIESEN : D'accord.

LA PRÉSIDENTE : Mais vous voulez que nous affirmions qu'elles le sont, je crois -- que votre échantillon est représentatif de ces métiers dans le groupe considéré comme un seul groupe.

M. FRIESEN : Eh bien...

LA PRÉSIDENTE : Et je crois que c'est légèrement différent.

M. FRIESEN : Eh bien ! Madame la présidente, ce que nous avons fait, c'est satisfaire aux exigences de la Loi, selon laquelle on doit déterminer les groupes professionnels, choisir ceux dont les fonctions sont équivalentes et, si l'article 14 de l'Ordonnance est valide, les regrouper. L'article 15 nous prescrit d'utiliser une courbe des salaires. Nous satisfaisons aux exigences de la Loi.

Cependant, l'intimé admet que les éléments de preuve à l'appui de cette façon de procéder sont très faibles.

M. RAVEN : Je suis désolé de refaire encore cette demande, mais je crois que, puisqu'il s'agit de la méthode de l'intimé et qu'à titre de parties, nous avons à répliquer, nous sommes en droit d'obtenir une simple réponse par oui ou non à la question de savoir si l'intimé adopte comme position que l'échantillon constitue une base fiable pour l'établissement de courbes de régression concernant chacun de ces groupes. Il ne suffit pas de dire que les éléments de preuve sont faibles. La position de l'intimé doit être la suivante : ou l'échantillon est fiable, ou il ne l'est pas. S'il ne l'est pas, nous aurons des choses à dire en réponse. Et s'il l'est, nous aurons des choses à dire en réponse.

M. FRIESEN : La prétention de l'intimé se fonde sur l'hypothèse selon laquelle le Tribunal jugera que l'échantillon n'est pas suffisamment fiable. [C'est nous qui soulignons.]

147. Nous croyons que l'intimé est en droit de répondre aux plaintes et de choisir de fonder son argumentation sur la preuve produite par les experts qui ont témoigné devant nous. Dans l'ensemble, nous croyons qu'il ne s'agit pas d'une situation où l'intimé tente de dissimuler des preuves de fait litigieuses. Par conséquent, le Tribunal ne voit aucun motif de tirer une inférence défavorable dans les circonstances de l'espèce et nous rejetons la prétention de l'Alliance à ce sujet. Cependant, la décision de l'intimé de ne pas produire de preuve sur sa méthode de rajustement des salaires plonge le Tribunal dans une situation embarrassante. Le Tribunal est placé dans une position intenable eu égard à la fiabilité de la méthode de l'intimé s'il accepte l'interprétation que fait celui-ci de l'article 11 de la Loi et de l'article 14 de l'Ordonnance.

148. Notre décision de ne pas tirer d'inférence défavorable ne veut pas dire que le Tribunal accepte la prétention de l'intimé selon laquelle on devrait faire abstraction, ou minimiser l'importance, de l'avis des experts en équité salariale et en statistique sur la question que nous devons trancher à la présente phase de l'audience (Phase II). La nature et la portée de la méthode de rajustement des salaires dans le contexte de la parité salariale sont complexes, particulièrement dans le cas des grands groupes d'employés. Les experts ont fourni au Tribunal des analyses et des opinions sur les méthodes de rajustement des salaires pour les comparaisons tant directes qu'indirectes d'un emploi à l'autre, de même que pour les comparaisons concernant les grands groupes d'employés. Ils ont présenté au Tribunal le concept de l'analyse de régression, formule statistique, et son application aux comparaisons indirectes dans les plaintes concernant les grands groupes.

149. Le Tribunal croit qu'il faudrait respecter et prendre attentivement en considération le témoignage des experts en équité salariale et en statistique à cause de la nature extrêmement complexe du sujet. Le Tribunal n'est pas disposé à limiter la portée des témoignages d'expert qui ont été présentés sur la méthode de rajustement des salaires applicable aux comparaisons indirectes pour les grands groupes d'employés. Nous croyons qu'il faut interpréter les principes énoncés dans la législation en tenant dûment compte des disciplines statistiques, techniques et scientifiques que l'application de ces principes entraîne. Le Tribunal est en droit de bénéficier de cette preuve dans son examen des questions dont il est saisi à la Phase II.

150. Le Tribunal est d'avis que le choix d'une méthode de rajustement des salaires requiert, compte tenu de l'ampleur et de la complexité des plaintes dont il est saisi, l'aide d'experts qualifiés dans les domaines de l'équité salariale, de la rémunération et de la statistique. Par ailleurs, nous reconnaissons que la méthode choisie par le Tribunal doit satisfaire aux exigences de l'article 11 de la Loi.

V. LE SYSTÈME DE CLASSIFICATION DE L'EMPLOYEUR

151. L'intimé plaide en faveur d'une interprétation de la Loi et de l'Ordonnance selon laquelle les groupes professionnels constituent la base de comparaison dans les plaintes collectives. Les groupes professionnels sont des groupes d'employés au sein du système de classification de l'intimé. M. Sadler a décrit dans son témoignage l'évolution du système de classification de l'intimé. Il a affirmé qu'en 1962, la fonction publique s'appelait le service civil et ce milieu de travail était entièrement non syndiqué. La structure de classification qui existait à l'époque était très complexe et comportait trois catégories de fonctionnaires. Selon M. Sadler, il y avait : les fonctionnaires exerçant des emplois d'une durée continue et indéterminée, qui relevaient du Règlement sur le service civil et de la Loi sur le service civil; les employés rémunérés aux taux courants, visés par une législation différente de la Loi sur le service civil; enfin, les officiers de navire et les membres d'équipage de navire étaient eux aussi visés par une législation distincte.

152. M. Sadler a témoigné qu'il y avait environ 700 catégories de fonctionnaires nommés pour une période indéterminée et que ces catégories étaient subdivisées en classes, chaque catégorie ayant sa propre échelle de rémunération. Les fonctionnaires rémunérés aux taux courants exerçaient pour la plupart des emplois traditionnellement de type col bleu. Ils ne touchaient pas un traitement, mais bien un salaire horaire, c'est-à-dire qu'ils étaient rémunérés à l'heure au lieu de recevoir une rémunération annuelle ou mensuelle. M. Sadler a déclaré que les employés rémunérés aux taux courants étaient payés selon le taux de salaire des autres personnes effectuant le même travail dans la même localité de sorte que, par exemple, les charpentiers de l'État étaient payés en fonction du taux de salaire des charpentiers locaux (voir la section IX).

153. Selon M. Durber, avant la mise en place du système actuel de classification, il existait plus de 2 000 classifications d'emploi dans la fonction publique. Il a affirmé que l'on avait simplifié la structure de classification entre 1966 et 1971.

154. En juillet 1965, M. Durber a-t-il expliqué, le président du Comité préparatoire des négociations collectives dans la fonction publique a soumis un rapport au premier ministre Pearson. Le Comité préparatoire avait été constitué en août 1963 pour préparer la mise en place, dans la fonction publique, d'une forme appropriée de négociation collective et d'arbitrage. Le Comité avait également pour mandat d'examiner le besoin de réformes dans le système de classification et la structure de rémunération applicables à l'ensemble des fonctionnaires (pièce HR-21). Le Comité a proposé un système de classification constitué de catégories professionnelles et de groupes professionnels. Le système qui en a résulté est essentiellement celui qui existe aujourd'hui.

155. Dans son rapport, le Comité proposait deux niveaux de regroupement des emplois. Le premier comprenait six grandes catégories professionnelles. Le Comité concevait ce niveau de regroupement comme une vaste segmentation horizontale de l'ensemble de la fonction publique fédérale, utile pour la planification et l'élaboration des politiques concernant le personnel. Chaque catégorie devait se composer de groupes professionnels reliés de façon générale par les exigences scolaires et par une démarche commune de classification et d'administration de la paie.

156. Le deuxième niveau de regroupement était celui des groupes professionnels, chacun de ceux-ci constituant une subdivision au sein d'une catégorie professionnelle. On visait à ce que chaque groupe professionnel soit composé d'employés ayant des compétences semblables, accomplissant des tâches analogues et dont les fonctions auraient un lien, dans la mesure du possible, avec un segment reconnaissable du marché du travail à l'extérieur de la fonction publique. Chaque groupe professionnel aurait son propre régime de rémunération, de sorte qu'il soit possible de rajuster séparément ses taux de salaire pour tenir compte de changements survenant à l'extérieur de la fonction publique.

157. Dans son rapport, le Comité délimitait six catégories professionnelles et 67 groupes professionnels. Il concluait que ce système de classification et de rémunération permettrait de réagir avec souplesse, sans perte d'intégrité, à diverses pressions et exigences. Deux des pressions qu'il mentionnait étaient le marché du travail externe et les considérations d'équité issues des évaluations de la valeur relative des emplois au sein d'une organisation.

158. Selon M. Sadler, le principe directeur de la structure proposée consistait à regrouper en six catégories professionnelles des secteurs d'emploi qui étaient analogues dans un contexte global. M. Sadler a affirmé que les catégories avaient été affinées et que l'on avait en conséquence formé environ 66 groupes professionnels de plus petite taille. Nous remarquons que des groupes d'emplois appartenant à cinq des six catégories professionnelles ont été inclus dans l'étude sur la parité salariale effectuée par le Comité mixte. La sixième catégorie, non incluse, était celle de la direction (EX).

159. Nous remarquons que l'actuelle structure de classification comporte deux niveaux additionnels de regroupement dont le Comité préparatoire ne faisait pas mention à l'époque dans son rapport. Certains groupes professionnels ont été subdivisés en sous-groupes et/ou en niveaux, le cas échéant. Les groupes professionnels à prédominance masculine avaient tendance à compter un plus petit nombre d'employés que les groupes professionnels à prédominance féminine. Il y avait davantage de sous-groupes dans les groupes professionnels à prédominance masculine que dans les groupes professionnels à prédominance féminine.

160. La plupart des groupes professionnels comportent tant des sous-groupes que des niveaux, le niveau constituant une subdivision additionnelle du sous-groupe. Cependant, les groupes professionnels ne comptent pas tous des sous-groupes. On n'a donné aucune justification au Tribunal quant à l'existence des sous-groupes et des niveaux ou à la façon dont ils étaient établis. Nous remarquons, par exemple, que le groupe professionnel le plus important en nombre (le groupe CR) ne comporte aucun sous-groupe, mais est subdivisé en sept niveaux. Le groupe professionnel CR est un groupe à prédominance féminine qui compte environ 50 000 employés et qui est l'un des groupes plaignants en l'espèce.

161. Après l'adoption de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, 1966-67, ch.72, art.1, et la mise en oeuvre de la négociation collective, les taux de rémunération ont été établis par négociation collective pour les postes faisant partie d'un groupe professionnel. Ces taux étaient négociés entre des agents négociateurs et le Conseil du Trésor pour chacune des unités de négociation créées aux termes de cette loi. Les taux sont associés aux niveaux d'un groupe professionnel, s'il en existe, ou aux sous-groupes s'il n'y a pas de niveaux.

162. Les unités de négociation ont pour la plupart continué de refléter la structure de classification en groupes professionnels de l'intimé. Chacun des groupes professionnels possédait sa propre norme de classification, ou son propre plan d'évaluation des emplois. Il n'existe pas de plan d'évaluation des emplois uniforme au sein de la fonction publique fédérale. C'est l'une des raisons pour lesquelles il a fallu recourir au plan Willis dans le cadre de l'étude sur la parité salariale. Selon M. Durber, la classification des emplois a été déléguée au personnel de gestion au sein des entités gouvernementales et des ministères. D'après M. Sadler, la plupart des ministères possèdent une direction générale du personnel comptant un groupe de spécialistes de la classification qui ont pour tâche d'évaluer les emplois. On se sert d'une norme de classification pour déterminer à quel groupe appartient un emploi donné.

163. M. Durber a affirmé que les normes de classification sont établies en vertu du pouvoir de l'employeur, lequel peut consulter à son gré les agents négociateurs. Cependant, l'employeur détient le pouvoir suprême et décide à quel groupe professionnel et à quel niveau un emploi doit appartenir.

164. Il y a deux sous-groupes d'un groupe professionnel que la Commission a demandé au Tribunal de traiter comme des professions distinctes pour les besoins du rajustement des salaires. La situation se produit dans le groupe professionnel Traitement des données (DA), qui compte deux sous-groupes : Conversion des données (DA-CON) et Production des données (DA-PRO). Dans l'ensemble, le groupe DA est à prédominance féminine. Les calculs que M. Sunter a effectués au moyen de la méthode niveau/segment ont produit un rajustement positif pour le sous-groupe DA-CON et un rajustement négatif pour le sous-groupe DA-PRO. Pour les calculs, M. Sunter a divisé le groupe professionnel DA en deux groupes distincts. Ses calculs ont montré qu'un sous-groupe était clairement à prédominance masculine et que l'autre était clairement à prédominance féminine.

165. M. Durber a affirmé dans son témoignage que les calculs de M. Sunter démontrent le caractère différent de la structure salariale dans ces deux sous-groupes, caractère attribuable à la nature différente du travail dans chacun des deux. Selon M. Durber, le sous-groupe DA-CON est à prédominance féminine et le travail effectué comporte l'introduction par clavier, dont la nature est analogue aux tâches d'un dactylographe. À l'opposé, le sous-groupe DA-PRO est à prédominance masculine et son travail est très différent de l'introduction par clavier. Étant donné le caractère différent des tâches, la Commission fait valoir que le sous-groupe DA-CON et le sous-groupe DA-PRO devraient être traités comme des professions distinctes pour les besoins du rajustement salarial. M. Durber a affirmé que ce traitement est en accord avec la façon dont la Commission envisage l'objectif de l'article 11 de la Loi, c'est-à-dire que l'on devrait prêter une attention particulière aux emplois traditionnellement féminins.

166. Les calculs de M. Sunter ont également montré qu'il existait un petit foyer d'emplois masculins au niveau 2 du sous-groupe des Sténographes judiciaires (COR), lequel appartient au groupe Secrétariat, sténographie et dactylographie (ST). Les calculs de M. Sunter produisent un faible rajustement pour le premier niveau du sous-groupe COR et un rajustement négatif pour le deuxième niveau. La Commission ne propose pas de séparer les deux niveaux en groupes distincts, mais demande que le niveau 2 ne reçoive aucun rajustement. Appliquant les caractéristiques des groupes professionnels énoncées par Statistique Canada, M. Durber est d'avis que le sous-groupe ST-COR devrait être traité comme une profession distincte pour les besoins du rajustement salarial. Le sous-groupe ST-COR se compose d'employés embauchés en qualité de sténographes judiciaires. M. Durber considère ce travail comme distinct des autres types de travail de secrétariat.

167. Nous remarquons que le gouvernement du Canada est en train de simplifier le système de classification des emplois de la fonction publique fédérale, dans le cadre d'une initiative appelée FP 2000. Un groupe de travail s'est vu confier le mandat d'examiner la conception et l'administration du système de classification actuel dans le contexte des valeurs et des objectifs d'une fonction publique renouvelée. Certains détails sur l'initiative sont donnés dans le sommaire d'un rapport intitulé Fonction publique 2000 : Rapport du Groupe de travail sur le système de classification et la structure des groupes professionnels (pièce PSAC-60). Ce rapport, daté du 20 juillet 1990, fait état de la conclusion qu'a tirée le Groupe de travail dans un rapport préliminaire antérieur, daté du 31 janvier 1990, sur la nécessité de réformer le système de classification actuel d'une manière pratique et raisonnable. Selon le Groupe de travail, il faut aussi réduire considérablement le nombre de groupes et de niveaux professionnels. Dans le contexte de cette conclusion, le rapport indique, à la p. 1 :

Le nouveau système doit favoriser l'avancement et l'enrichissement professionnels.

Il ne doit donner lieu à aucune discrimination systématique fondée sur le sexe.

[C'est nous qui soulignons.]

168. Plus loin, on peut lire ce qui suit dans le rapport du Groupe de travail, à la p. 2 :

Le système devrait répondre aux exigences de la législation sur les droits de la personne qui a entériné le principe du salaire égal pour un travail d'égale valeur. En vertu de ce principe, les groupes professionnels à prédominance masculine et ceux à prédominance féminine dans un même établissement doivent bénificier [sic] d'un traitement égal si le travail est équivalent, bien que de nature différente. La rémunération devra donc se fonder largement sur la valeur relative des postes. Le Groupe de travail croit que ses recommandations visant la fusion des groupes et la réduction du nombre de niveaux aideront grandement à résoudre le problème lié à l'inégalité salariale, car le système de classification actuel ne laisse aucune place à la parité salariale. En raison du nombre de normes et de plans de classification, il est impossible de faire des comparaisons entre différents groupes, étape nécessaire au calcul de la parité salariale. Il faut pour cela un plan de classification commun.

La solution consiste donc à établir un nouveau plan de cotation qui tiendrait compte de la parité salariale et qui poserait la valeur relative des postes comme principe fondamental de rémunération dans la fonction publique.

Pour chacun des nouveaux groupes professionnels, quatre facteurs seront pris en considération dans le plan de cotation afin de respecter les exigences de la Loi sur les droits de la personne. Pour chaque facteur, l'échelle et les critères de cotation seront structurés de façon à mesurer les caractéristiques propres du groupe. Les échelles de cotation et leurs descriptions pourront alors varier d'un groupe à l'autre. [C'est nous qui soulignons.]

169. Le Groupe de travail sur la simplification de la classification de FP 2000 a élaboré un rapport et un guide de référence à l'intention des employés de la fonction publique. Ces documents ont été présentés en preuve lors du contre-interrogatoire de M. Durber. On y décrit le concept du non-sexisme dans la rédaction des descriptions de travail. On a également présenté en preuve un troisième document, intitulé Description de travail - données justificatives : liste de vérification du rédacteur, publié le 5 octobre 1992 et devant être utilisé par tous les employés dans le cadre du nouveau système. M. Durber a convenu avec l'avocat de l'Alliance que ces derniers documents confirmaient que l'initiative FP 2000 et les changements proposés au système de classification étaient en partie une reconnaissance et un aveu du fait que le système de classification actuel n'est pas conforme aux dispositions de la Loi. L'avocat de l'intimé lui a demandé des éclaircissements sur sa réponse et, en particulier, sur les passages du rapport cités ci-dessus. M. Durber a fait les observations suivantes (volume 155, de la p. 19324, ligne 1, à la p. 19325, ligne 8) :

[Traduction]

LE TÉMOIN : Monsieur Friesen, j'interpréterais tout ce passage à la lumière de ce que l'on a fait ressortir, c'est-à-dire que l'on affirme au début que le système doit répondre aux exigences, et je présume qu'il faut interpréter cela comme indiquant qu'il ne répond pas aux exigences à l'heure actuelle. J'espère que vous conviendrez avec moi qu'il n'y répond pas.

M. FRIESEN :

Q. Je vous dirai que...

R. Pour quelle autre raison affirmerait-on cela ce passage? C'est la question que je poserais.

Q. Ils se penchent sur la question. Mais je vous dirai -- et je ne crois pas qu'il faille en débattre à outrance...

R. Certainement pas.

Q. ...mais je vous dirai que tout ce que signifie ce passage, c'est que l'on ne peut pas utiliser les normes existantes pour déterminer si le système est conforme à la Loi. On n'y affirme pas que le système n'est pas conforme à la Loi ou qu'il enfreint la Loi.

R. Et il est clair que la Commission ne propose pas du tout le PGEE [Plan général d'évaluation des emplois] comme recours à ce stade.

Q. Ce n'était pas là ma question. Ma question était la suivante : êtes-vous en mesure d'indiquer quoi que ce soit dans l'un ou l'autre de ces passages qui équivaut à un aveu du fait que les normes de classification existantes enfreignent l'article 11?

R. Je dirais que le début de ce paragraphe n'est pas très loin de le f aire.

Q. Nous laisserons donc cette question sujette à argumentation.

Le Tribunal n'a entendu aucune autre preuve concernant l'initiative FP 2000 ni aucune autre observation sur le témoignage de M. Durber.

170. L'organisation du travail en groupes d'emplois traditionnellement masculins et féminins ainsi que la création et la mise en oeuvre de plans de classification (plans d'évaluation des emplois) différents pour les divers groupes professionnels de la fonction publique fédérale ont suscité des préoccupations avant même l'initiative proactive lancée en 1985 par le gouvernement. Avant l'étude sur la parité salariale, l'Alliance avait pris à partie les représentants du Conseil du Trésor à propos de l'inobservation des prescriptions de l'article 11 de la Loi dans certaines des normes de classification (voir la section X, A).

VI. L'ARTICLE 11 DE LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

A. Discrimination systémique

171. Depuis sa décision de la Phase I, le Tribunal a eu l'avantage de prendre connaissance de la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Alliance de la fonction publique du Canada c. Personnel des Fonds non publics des Forces canadiennes et al. (1996), 199 N.R. 81 (C.A.F.).

172. Entendant un appel de la décision d'un tribunal des droits de la personne sur la question du rajustement rétroactif des salaires, la Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt Fonds non publics, supra, a entrepris de préciser la nature de la discrimination systémique aux termes de l'article 11 de la Loi. C'était la première fois, depuis la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans Chemins de fer nationaux du Canada, supra, qu'une cour supérieure étoffait et précisait les commentaires du juge en chef Dickson sur la discrimination systémique.

173. Dans l'affaire Fonds non publics, supra, on a déposé auprès de la Commission le 12 février 1987 une plainte alléguant que l'employeur ne versait pas aux employées une rémunération égale à celle de certains employés exerçant des fonctions équivalentes, en contravention des articles 7 et 11 de la Loi. Avant l'audience du tribunal, les parties ont convenu de régler la plainte fondée sur l'article 11 en rajustant les taux de salaire dans le groupe plaignant conformément à une proposition faite par Mme Weiner, la même spécialiste qui a comparu devant le présent Tribunal. Le tribunal antérieur avait à déterminer s'il devrait y avoir un rajustement salarial rétroactif pour une période précisée débutant un an avant le dépôt de la plainte initiale. Ce tribunal a conclu qu'aucun rajustement salarial ne devrait être accordé pour une quelconque partie de la période en question et cette décision a été confirmée par la Section de première instance de la Cour fédérale. On a ensuite interjeté appel de cette dernière décision auprès de la Cour d'appel fédérale.

174. Le juge d'appel Hugessen, rendant la décision au nom de la majorité, a entrepris un examen de la nature de la discrimination systémique dans des circonstances où l'employeur avait admis s'être livré à une pratique discriminatoire ayant un caractère systémique. En considération de ces aveux, le juge Hugessen affirmait qu'il était essentiel de comprendre le phénomène de la discrimination systémique pour pouvoir évaluer la question de la rétroactivité. Il signalait que le système de classification des emplois de l'employeur, qui se trouvait à la base du problème de l'équité salariale, existait depuis 1986 et que la discrimination découlait d'un système qui sous-évaluait le travail des femmes.

175. Le juge d'appel Hugessen a passé en revue la décision du juge en chef Dickson dans Chemins de fer nationaux du Canada, supra. Cette affaire avait trait à la discrimination systémique dans le contexte de l'équité en matière d'emploi. Se reportant aux observations du juge en chef Dickson sur le rapport Abella, étude de la discrimination systémique au Canada dans le domaine de l'égalité en matière d'emploi, le juge d'appel Hugessen citait le passage suivant de la décision du juge en chef, à la p. 87 :

Plus loin, dans le même arrêt, le juge en chef revient sur le sujet et souligne la nature historique, liée aux attitudes et continue de la discrimination systémique :

J'ai déjà souligné que la discrimination systémique est souvent involontaire. Elle résulte de pratiques et de politiques établies qui, en fait, ont une incidence négative sur les perspectives d'embauche et d'avancement d'un groupe particulier. À cela s'ajoutent les attitudes des administrateurs et des collègues de travail qui acceptent une vision stéréotypée des compétences et du rôle approprié du groupe touché, laquelle vision conduit à la conviction ferme que les membres de ce groupe sont incapables de faire un certain travail, même si cette conclusion est objectivement fausse. Un programme d'équité en matière d'emploi, comme celui ordonnée [sic] par le tribunal en l'espèce, est conçu pour rompre le cercle vicieux de la discrimination systémique.

176. Le juge d'appel Hugessen citait ensuite longuement la décision rendue en 1991 par un tribunal des droits de la personne relativement à la plainte concernant le groupe HS déposée par l'Alliance en 1981. Le tribunal en question s'était penché sur le sujet de la discrimination systémique (voir Alliance de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (1991), D.T. 4/91 (T.C.D.P.)). Les commentaires de ce tribunal se trouvent à la p. 88 de la décision du juge Hugessen :

Il est peut-être tout aussi difficile de définir le concept de la discrimination systémique que d'identifier cette discrimination. Il ne s'agit pas d'un concept identique à celui de la discrimination indirecte. La discrimination indirecte se rapporte à des exigences qui ne comportent pas, à première vue, de discrimination pour un motif prohibé, mais qui touchent un groupe identifiable à l'égard d'un motif prohibé de façon à avoir un effet discriminatoire sur ce groupe.

Même si la discrimination indirecte peut être assez subtile dans son application, l'effet est souvent assez évident. Ainsi, la plupart des gens reconnaissent aujourd'hui que les exigences liées à la grandeur minimum et au poids minimum sont discriminatoires à l'endroit des femmes. De la même façon, il n'est pas nécessaire de connaître en profondeur les diversités religieuses pour comprendre qu'une exigence liée au port du casque lésera un groupe religieux donné.

Par ailleurs, le concept de la discrimination systémique est axé sur les formes de discrimination les plus subtiles, comme l'a dit le juge en chef Dickson dans CN c. Canada (Comm. des droits de la personne), [1987] 1 R.C.S. 1114. Il est fondé sur la reconnaissance du fait que les moeurs sociales et culturelles de longue date transmettent des présomptions de valeur qui contribuent à créer de la discrimination sous des formes totalement ou presque entièrement voilées et inconscientes. Ainsi, la tendance traditionnelle à sous-évaluer le travail des femmes peut être perpétuée par des présomptions selon lesquelles certains types de tâches habituellement confiées dans le passé aux femmes ont naturellement moins de valeur que certains types de tâches traditionnellement accomplies par les hommes.

177. Après avoir fait référence à Chemins de fer nationaux du Canada, supra, ainsi qu'à la décision de la Phase I du Tribunal, supra, le juge d'appel Hugessen fait le commentaire suivant, à la p. 88 :

On peut en effet soutenir que le type de discrimination que l'équité salariale vise à contrer est toujours systémique. Voici ce qu'affirment Weiner et Gunderson :

[Traduction]

Peu importe la terminologie utilisée, l'équité salariale est conçue pour corriger une forme de discrimination systémique. La discrimination systémique est fondée sur les pratiques d'emploi. C'est un sous-produit involontaire de pratiques et politiques en apparence neutres. Toutefois, ces pratiques et politiques peuvent très bien avoir un impact défavorable ou différent sur un groupe par rapport à un autre (p. ex., sur les femmes par rapport aux hommes). Elle se distingue de la discrimination interpersonnelle où une personne agit de façon discriminatoire envers une autre. L'équité salariale exige des changements dans les systèmes de rémunération de façon à garantir que les postes occupés par des femmes ne seront pas sous-évalués.

[C'est nous qui soulignons.]

178. Il conclut son examen de cette question à la p. 88 en faisant les observations suivantes :

La discrimination systémique est un phénomène continu qui a des origines profondes dans l'histoire et dans les attitudes sociétales. Elle ne peut être isolée sous forme d'acte ou de déclaration unique. Par sa nature même, elle s'étend sur une certaine période. [C'est nous qui soulignons.]

(i). Le concept de causalité

179. L'intimé invoque la décision de la Phase I du Tribunal, supra, à l'appui de ses prétentions selon lesquelles le concept du lien de causalité est une exigence imposée par les dispositions de l'article 11 de la Loi ou doit être interprété comme tel. L'article 11 lui-même n'est pas basé sur la notion du lien de cause à effet et ne l'invoque pas. Nous jugeons à présent nécessaire de passer brièvement en revue la décision antérieure du présent Tribunal sur laquelle l'intimé se fonde.

180. Les litiges surgissant des plaintes dont le Tribunal est saisi ont été séparés en trois segments ou phases. La position adoptée par l'intimé à la présente phase, en ce qui concerne la causalité, est différente de la position antérieure qu'il avait soutenue à la Phase I. À la Phase I, l'intimé prétendait que les résultats d'évaluation des emplois produits par l'étude sur la parité salariale n'étaient pas fiables pour les besoins de la décision qu'il fallait alors rendre. L'intimé alléguait que ces résultats étaient empreints de partialité car les personnes qui avaient procédé aux évaluations traitaient les questionnaires des employés des groupes à prédominance masculine et des groupes à prédominance féminine différemment des consultants de M. Willis, lesquels avaient pris part à l'étude et avaient évalué un échantillonnage des mêmes questionnaires que les comités (voir la décision de la Phase I, supra).

181. Le Tribunal avait alors à déterminer si les résultats de l'évaluation des emplois obtenus à partir des questionnaires dans l'étude sur la parité salariale étaient fiables pour les besoins des plaintes fondées sur l'article 11. La Commission s'était appuyée sur ces résultats pour conclure que l'écart salarial n'avait pas été comblé par suite des rajustements apportés unilatéralement par l'intimé en 1990.

182. La Commission et l'Alliance ont demandé au Tribunal d'accepter les cotes d'évaluation comme des preuves de la valeur des fonctions. Elles prétendaient que les résultats d'évaluation étaient suffisamment fiables pour établir l'égalité des fonctions exécutées par les employés de sexe masculin et de sexe féminin dans les plaintes fondées sur l'article 11. Les parties ont produit des preuves anecdotiques et statistiques pour expliquer ces différences entre les consultants de M. Willis et les comités d'évaluation des emplois qui avaient analysé les mêmes questionnaires. La Commission et l'Alliance adoptaient comme position que les différences dans les cotes d'évaluation étaient attribuables à des facteurs autres que le sexe.

183. L'intimé a cherché à faire adopter une interprétation libérale de l'expression partialité fondée sur le sexe figurant à l'alinéa 9(a) de l'Ordonnance qui, selon ses prétentions, avait un effet sur le traitement des questionnaires par les comités d'évaluation (voir la section I, C, paragraphe 18, pour l'alinéa 9(a)). L'intimé soutenait alors que l'interprétation appropriée de la partialité fondée sur le sexe ne découlait pas du concept de causalité et ne l'incluait pas.

184. Chacune des parties a rédigé des questions séparées à l'intention du Tribunal concernant le sens de la partialité fondée sur le sexe. L'intimé a posé sa question comme suit : Y a-t-il indication d'une tendance à traiter différemment les questionnaires des hommes et des femmes? La Commission et l'Alliance n'étaient pas convaincues qu'une tendance au traitement différentiel était tout ce qu'il fallait pour prouver la partialité fondée sur le sexe dans les résultats d'évaluation et ont formulé leur question en y ajoutant un lien de causalité, de la façon suivante : Existe-t-il une variation systématique de la façon dont on a traité les questionnaires des hommes et des femmes (dans le processus d'évaluation) qui a été causée par la discrimination fondée sur le sexe ou qu'on peut attribuer à un tel parti pris? [C'est nous qui soulignons.]

185. À l'époque, l'intimé cherchait à obtenir une interprétation de la partialité fondée sur le sexe qui supprimait la nécessité d'établir le lien de causalité. Le Tribunal a résumé la position de l'intimé dans sa décision de la Phase I, supra, à la p. 36, paragraphe 111 :

111. En formulant la question que doit trancher le Tribunal, l'avocat de l'intimé fait valoir que sa formulation ne requiert pas de facteur de causalité pour expliquer le traitement différent des questionnaires des hommes et des femmes. Le désaccord entre les parties ne tient pas au fait que l'on voudrait ou non donner une large interprétation à l'expression partialité fondée sur le sexe. Il découle plutôt de la question de savoir si l'article 11 exige l'établissement d'une cause lorsque l'on constate que les questionnaires des hommes et des femmes ont été traités différemment ou si, en revanche, il s'agit simplement de constater la différence de traitement sans qu'il soit nécessaire d'en préciser la cause. À l'appui du point de vue défendu par l'intimé, elles s'en remettent au sens de la partialité qui, à leur avis, ne nécessite pas l'établissement d'un lien de cause à effet aux termes de l'article 11 de la Loi. [C'est nous qui soulignons.]

186. Pour déterminer s'il y avait une relation de causalité dans le sens de la partialité, le Tribunal a minutieusement examiné le sens de l'écart salarial que l'article 11 de la Loi vise à corriger. Il s'est reporté au témoignage d'expert de Mme Armstrong, spécialiste de l'évaluation des emplois et de l'équité salariale. Mme Armstrong avait fait d'importantes observations sur la disparité générale qui existait entre les taux de rémunération des femmes et ceux des hommes. Le Tribunal entreprenait ensuite de faire la distinction entre la description de l'écart salarial général par Mme Armstrong et l'écart visé par l'article 11 de la Loi.

187. Le Tribunal affirmait ensuite, à la p. 26:

85. Un écart salarial n'est pas quelque chose de clairement délimité. Le Tribunal reconnaît que les disparités salariales entre les hommes et les femmes peuvent être fonction des exigences professionnelles qui font que, pour l'employeur, certains emplois ont une valeur intrinsèque plus grande que d'autres. De tels écarts contrastent avec les disparités qui reposent entièrement sur le sexe et ce sont ces dernières, estime le Tribunal, que l'article 11 vise à éliminer.

188. À présent, à la Phase II, l'intimé se fonde sur le paragraphe 85, à la p. 26 de la décision antérieure du Tribunal, pour prétendre que la causalité est un facteur obligatoire aux termes de l'article 11 de la Loi. L'intimé invoque de plus à l'appui de sa prétention le paragraphe 99 de la décision du Tribunal, à la p. 31 :

99. Nous devons nous assurer que les plaintes cherchent à redresser un écart salarial imputable à la discrimination sexuelle et non à d'autres facteurs. Il semble évident que l'existence d'une disparité salariale n'est pas en soi une preuve de discrimination. Soutenir le contraire réduirait à rien tout le processus d'évaluation des emplois, dont l'objet est de comparer les emplois selon un plan ou système de cotation du travail où l'on applique les critères prescrits par le paragraphe 11(1) de la Loi. [C'est nous qui soulignons.]

100. Nous concluons par ailleurs que l'article 11 vise à éliminer l'inégalité économique créée par la discrimination salariale fondée sur le sexe. Cette discrimination est involontaire, comme le montre clairement la décision que le juge en chef Dickson a rendue dans l'affaire CN, supra. Il s'agit néanmoins d'une forme de discrimination subtile qui s'est glissée dans les pratiques d'emploi au fil des ans depuis que les femmes ont intégré la population active. Nous reconnaissons, après avoir entendu le témoignage d'expert de Mme Weiner, de Mme Armstrong et de M. Willis, que la discrimination systémique se manifeste dans les systèmes et finit par s'intégrer aux pratiques de fixation des salaires des organisations, et que la classification des emplois peut résulter de la discrimination systémique. Comme la discrimination systémique fait partie d'un système qui n'a jamais été conçu pour être discriminatoire, Mme Weiner estime que la parité salariale ne peut être réalisée instantanément ou rapidement.

189. Relativement à l'interprétation de l'article 11 de la Loi, l'intimé invoque le paragraphe 131 de la décision, à la p. 43, à l'appui de la notion de causalité aux termes de l'article 11 de la Loi:

131. La disparité salariale, pour faire l'objet d'un redressement en vertu de l'article 11, doit avoir été causée par la discrimination fondée sur le sexe. L'alinéa 9(a) de l'Ordonnance est subordonné à la loi habilitante, la Loi canadienne sur les droits de la personne, et il est autorisé par le paragraphe 27(2) de cette loi. Il existe une présomption en faveur de la validité des règlements à la lumière de leur loi habilitante. Le savant auteur de Interpretation of Legislation in Canada, 2e édition, Pierre André-Côté, fait l'observation suivante à la p. 310 de son ouvrage :

[TRADUCTION]

Finalement il faut signaler que les règlements ne sont pas seulement réputés demeurer intra vires, mais aussi être formellement cohérents par rapport à la loi habilitante.

190. En dernière analyse, le Tribunal a conclu dans sa décision de la Phase I, supra, que la question posée par l'intimé était restrictive lorsqu'on l'envisageait dans le contexte de la fiabilité des résultats de l'étude sur la parité salariale. À cause des opinions exprimées par M. Willis, expert en équité salariale, et du caractère fondé sur le sexe de la discrimination visée par l'article 11 de la Loi, le Tribunal a jugé que la différence dans le traitement des questionnaires des hommes et des questionnaires des femmes devait être fondée sur le sexe. Par conséquent, le Tribunal a conclu que le traitement différent des questionnaires par les comités d'évaluation devait être lié au sexe ou fondé sur le sexe au sens de l'article 11 de la Loi pour que les évaluations deviennent non fiables. Le Tribunal a formulé de la façon suivante la question à trancher : Y a-t-il indication d'un traitement différent des questionnaires des hommes et des femmes, dans le processus d'évaluation, qui fut causé par la partialité fondée sur le sexe ou reliée au sexe, ou qu'on pourrait attribuer à un tel parti pris? [C'est nous qui soulignons.]

191. Le Tribunal reconnaît que la notion de causalité, qui a été soulevée durant le débat sur la question de la partialité fondée sur le sexe dans le contexte du concept de la discrimination systémique et du problème posé par le traitement différent des questionnaires sur les emplois par les comités et par les consultants, donne maintenant à l'intimé l'occasion de faire valoir que la relation de cause à effet est un facteur à inclure dans l'interprétation de l'article 11 de la Loi. L'intimé a avancé cet argument en dépit de sa prétention antérieure selon laquelle la notion de causalité n'était pas un facteur dont il fallait tenir compte dans le traitement des questionnaires des hommes et des femmes. En outre, l'intimé avait alors soutenu qu'il n'était pas nécessaire d'établir un lien ou une relation de causalité lorsqu'on examinait le sens de la partialité dans le contexte de la législation.

192. L'intimé invoque l'argument du lien de causalité à l'appui de la méthode de rajustement des salaires qu'il préfère, c'est-à-dire l'utilisation du groupe professionnel masculin touchant le plus faible salaire comme groupe de comparaison. Il prétend que cette méthode vise à corriger uniquement la discrimination fondée sur le sexe. Il met en garde le Tribunal contre l'inclusion, dans le groupe de comparaison masculin, d'autres groupes professionnels masculins mieux rémunérés et exerçant des fonctions équivalentes à celles du groupe professionnel plaignant féminin. Il soutient que l'inclusion d'autres groupes professionnels à prédominance masculine aura pour effet d'agrandir l'écart salarial parce que cet écart sera alors causé par des facteurs autres que la discrimination fondée sur le sexe en contravention de l'article 11 de la Loi.

193. La décision antérieure que le Tribunal a rendue à la Phase I doit être interprétée dans le contexte de la question qu'il fallait alors trancher. Il y avait des différences entre les cotes d'évaluation des consultants de M. Willis et celles des comités d'évaluation des emplois. Le Tribunal devait déterminer s'il était nécessaire d'expliquer ces différences suivant le sens de la partialité visée par l'article 11 de la Loi et l'Ordonnance. Il lui fallait examiner minutieusement l'objet de l'article 11 de la Loi et ce que celui-ci entendait corriger.

194. La référence à l'écart salarial a été faite dans un sens descriptif, en vue d'établir une distinction entre les problèmes que l'article 11 entendait corriger et d'autres problèmes soulevés par Mme Armstrong, et relativement à la façon dont l'ensemble des conditions éducatives, scientifiques, économiques et historiques du marché du travail sur lequel les femmes jouent un rôle de plus en plus important a exercé une influence sur leur salaire.

195. Le Tribunal est d'avis que la notion de causalité peut être appropriée dans d'autres situations. Elle n'est pas, selon nous, appropriée lorsque la discrimination faisant l'objet de la plainte est de nature systémique. L'utilisation des expressions causée par la partialité fondée sur le sexe et causée par la partialité reliée au sexe doit être interprétée dans le contexte des questions que le Tribunal devait alors trancher. Sans compromettre le sens donné par le Tribunal et la chose étant mise en contexte, il est manifeste que l'article 11 de la Loi est basé sur la différence entre les sexes.

196. Cela devrait éviter tout malentendu découlant de l'utilisation de ces expressions par le Tribunal dans sa décision précédente. Cela devrait aussi en finir avec le sophisme des prétentions de l'intimé à ce sujet.

197. Il convient de remarquer que le Tribunal, dans sa décision de la Phase I, supra, n'a pas donné de détails sur les éléments probants nécessaires pour démontrer un écart salarial aux termes de l'article 11 de la Loi. En conséquence, le Tribunal examinera à présent le problème dans la perspective de la nature des éléments essentiels qu'il faut prouver pour établir prima facie l'existence d'une discrimination en vertu de l'article 11 de la Loi.

(ii) Historique de l'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne

198. M. Durber, expert reconnu dans le domaine de l'équité salariale et de l'évaluation des emplois en général, a fourni au Tribunal de l'information sur le contexte historique et la motivation de la Loi ainsi que sur sa mise en oeuvre ultérieure. Plus précisément, il a témoigné sur le sens et l'effet donnés à l'article 11 de la Loi par l'approche de la Commission quant à l'application de cet article. Selon M. Durber, le contexte historique débute par une initiative de l'Organisation internationale du travail (OIT), organe des Nations Unies. L'OIT a adopté le 29 juin 1951 une convention appelée Convention concernant l'égalité de rémunération (volume 145, p. 17933). L'article 11 de la Convention, à la p. 104, prévoit la reconnaissance internationale du principe de l'égalité de rémunération des hommes et des femmes qui effectuent un travail d'égale valeur. La Convention encourageait les signataires à prendre des mesures pour mettre ce principe en pratique.

199. L'important événement suivant dans l'historique de la mise en oeuvre de l'article 11 de la Loi, selon M. Durber, a été la publication du rapport de la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme au Canada, le 28 septembre 1970. Ce rapport indiquait que la ségrégation des emplois était l'une des raisons du plus faible salaire touché par les femmes. Il concluait par surcroît que les membres des professions à prédominance féminine avaient tendance à être moins bien rémunérés que les membres des professions à prédominance masculine.

200. La présentation d'un projet de loi sur les droits de la personne a été annoncée dans le discours du Trône le 12 octobre 1976 (pièce PIPSC-82). Le projet de loi allait être déposé par le gouvernement du Canada et aurait pour effet d'interdire la discrimination pour des motifs précisés. En particulier, une partie du projet de loi viserait à établir le principe de l'égalité de rémunération pour fonctions équivalentes. Voici un extrait du discours du Trône :

En outre, afin de supprimer les obstacles à l'information et à l'égalité des chances, le Gouvernement déposera un projet de loi sur les droits de l'homme. Ce projet de loi aura pour principal effet d'interdire toute distinction injuste fondée sur la race, la couleur, l'origine nationale ou ethnique, la religion, l'âge, le sexe, l'état civil, les infirmités ou les dossiers judiciaires effacés. Il instituera notamment le principe du droit au traitement égal pour travail égal sans distinction de sexe. [C'est nous qui soulignons.]

201. On a remis au Tribunal un exemplaire des procès-verbaux et témoignages du Comité permanent de la justice et des questions juridiques s'étant réuni en 1977 alors que le Parlement étudiait le projet de loi C-25, Loi canadienne sur les droits de la personne (pièce HR-236). Le ministre de la Justice et Procureur général du Canada de l'époque, l'honorable S.R. Basford, a comparu devant le comité et a affirmé ce qui suit :

[Traduction]

[...] nous devons légiférer quant au principe et, par l'entremise de la Commission et de ses efforts en vue d'établir des lignes directrices, nous pourrons résoudre ces problèmes -- vraisemblablement, les problèmes liés à la définition et à l'application. À cette fin, la Commission a constitué en 1977 un groupe de travail sur l'égalité de rémunération, chargé d'étudier la façon dont on devrait définir l'équivalence des fonctions et de faire rapport sur cette question. Le groupe de travail a remis son rapport en 1978. Il concluait que, de façon générale, les pratiques d'évaluation des emplois étaient suffisamment répandues pour procurer une certaine orientation et une définition à la Commission, et qu'il devrait être possible de mesurer, quoique subjectivement, l'équivalence des fonctions conformément aux dispositions de l'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. [C'est nous qui soulignons.]

202. Selon le témoignage de M. Durber, ce sont la Convention de l'OIT et le rapport de la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme qui ont directement conduit à la promulgation de la Loi.

203. La Loi a été sanctionnée le 14 juillet 1977. Cependant, l'article 11 n'a été promulgué que le 1er mars 1978. En décembre 1979, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté la Convention antérieure des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, qui visait notamment l'inégalité de rémunération (pièce HR-237).

204. M. Durber a de plus affirmé que le libellé de l'article 11 de la Loi est conforme aux dispositions de l'article 11 de la Convention de l'OIT (pièce HR-237). L'article 11 de la Convention est ainsi libellé :

Article 11

1. Les États parties s'engagent à prendre toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes dans le domaine de l'emploi, afin d'assurer, sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme, les mêmes droits, et en particulier :

[...]

d) Le droit à l'égalité de rémunération, y compris de prestation, à l'égalité de traitement pour un travail d'égale valeur aussi bien qu'à l'égalité de traitement en ce qui concerne l'évaluation de la qualité du travail;

[C'est nous qui soulignons.]

B. Preuve prima facie de discrimination

205. Au cours de la Phase I, le Tribunal a défini quatre éléments nécessaires pour que la Commission et l'Alliance s'acquittent du fardeau ultime d'établir prima facie l'existence d'une discrimination aux termes de l'article 11 de la Loi. D'après les dispositions de l'article 11 de la Loi, l'Ordonnance connexe et l'énoncé des prétentions des parties, nous énumérions les quatre éléments suivants dans la décision de la Phase I, supra, à la p. 52, paragraphe 165 :

  1. Les groupes plaignants sont composés majoritairement de femmes au sens de l'Ordonnance sur la parité salariale;
  2. Les groupes de comparaison sont composés majoritairement d'hommes au sens de l'Ordonnance sur la parité salariale;
  3. L'évaluation de l'équivalence des fonctions est fiable;
  4. La comparaison des salaires versés pour des fonctions équivalentes produit un écart salarial.

206. Il n'y a aucun point encore en litige relativement aux éléments (i) et (ii). Les parties ont convenu devant le Tribunal que les groupes qui avaient été inclus dans l'étude sur la parité salariale étaient des groupes professionnels composés majoritairement de femmes et des groupes professionnels composés majoritairement d'hommes au sens de l'article 13 de l'Ordonnance. Cet article énonce les critères qui définissent la prédominance selon le sexe. Le Tribunal a examiné le troisième élément au cours de la Phase I et a conclu que les évaluations des emplois étaient fiables pour les besoins du calcul de l'écart salarial.

207. En conséquence, les disparités salariales issues de l'élément (iv), soit la comparaison des salaires versés pour des fonctions équivalentes qui produit un écart salarial, font l'objet de la présente décision car il s'agit du seul point qu'il reste à trancher parmi les éléments nécessaires pour établir prima facie l'existence d'une discrimination.

208. On constate dans la jurisprudence que, dans les plaintes fondées sur la Loi, le plaignant assume le fardeau initial d'établir prima facie une prétention de discrimination, après quoi il incombe au mis en cause de prouver la justification du traitement discriminatoire (voir Commission ontarienne des droits de la personne et al. c. Municipalité d'Etobicoke, [1982] 1 R.C.S. 202, et Simpsons-Sears, supra).

209. Dans l'arrêt Simpsons-Sears, supra, le juge McIntyre définit à la p. 558 une preuve suffisante jusqu'à preuve contraire comme étant celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l'absence de réplique de l'employeur intimé. En général, selon Phipson on Evidence, 14e éd. (Londres : Sweet & Maxwell, 1990), alinéa 4-10(b) et ss., la règle qui s'applique est la suivante :

[TRADUCTION]

La partie qui invoque la loi devrait être celle qui établit en premier le bien-fondé de son action.

Cette règle repose sur le bon sens ainsi que sur la notion générale selon laquelle, dans la nature des choses, le volet négatif d'une prétention est plus difficile à établir que son aspect affirmatif (voir Robins v. National Trust Company, [1927] A.C. 515 (PC)). Si l'on se reporte de nouveau à l'arrêt Simpsons-Sears, supra, il est utile d'examiner l'affirmation suivante du juge McIntyre, à la p. 558 :

Pour commencer, l'expérience a montré qu'en matière de règlement judiciaire des différends, l'attribution du fardeau de la preuve à l'une ou l'autre partie est un élément essentiel. Ce fardeau n'est pas toujours nécessairement lourd -- il varie en fonction de chaque cas -- et il se peut qu'il n'incombe pas à une partie pour tous les points de l'affaire; il peut passer d'une partie à l'autre. Mais, faute de mieux en pratique, on a jugé nécessaire, pour assurer une solution claire dans toute instance judiciaire, d'attribuer le fardeau de la preuve à l'une ou l'autre partie, pour les départager. [...] Lorsque l'existence de discrimination par suite d'un effet préjudiciable, fondée sur la croyance, est démontrée et que la règle incriminée est raisonnablement liée à l'exercice des fonctions, comme en l'espèce, l'employeur est tenu non pas de la justifier, mais plutôt de démontrer qu'il a pris, en vue de s'entendre avec l'employé les mesures raisonnables qu'il lui était possible de prendre sans subir une contrainte excessive. Il me semble évident que, dans ce type d'affaire, le fardeau de la preuve doit encore incomber à l'employeur puisque c'est lui qui dispose de l'information nécessaire pour démontrer l'existence d'une contrainte excessive et que l'employé est rarement, sinon jamais, en mesure d'en démontrer l'absence.

210. Le fardeau de la preuve relativement à l'élément (iv), c'est-à-dire la comparaison des salaires versés pour des fonctions équivalentes qui produit un écart salarial, incombe à l'Alliance et à la Commission. Pour s'en acquitter, l'Alliance et la Commission doivent prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le plaignant a fait l'objet d'une discrimination aux termes des dispositions de la Loi et, en particulier, que la discrimination se rapporte au traitement des employés de sexe féminin qui travaillent dans le même établissement, en contravention de l'article 11 de la Loi.

211. La juge L'Heureux-Dubé, dans son opinion dissidente relative à l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Syndicat des employés de production du Québec et de l'Acadie c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1989] 2 R.C.S. 879, examinait minutieusement les doubles concepts de valeur et d'égalité sous le régime de l'article 11 de la Loi. Elle faisait remarquer que l'application du principe du salaire égal pour un travail d'égale valeur visé par l'article 11 de la Loi se heurte à des difficultés considérables et que ces difficultés résident dans la double notion d'égalité et de valeur. Elle soulignait que la notion d'égalité ne devrait pas recevoir une interprétation formaliste ou restrictive. Sa Seigneurie, cependant, ne donnait pas de précisions sur le sens de l'égalité relativement aux comparaisons quantitatives constituant la base d'une méthode de rajustement des salaires. Le juge Sopinka, qui a rendu la décision au nom de la majorité, n'a pas non plus donné de précisions sur les comparaisons quantitatives.

212. Dans l'affaire S.E.P.Q.A., supra, la Commission avait reçu une plainte fondée sur l'article 11 portant que les employés, majoritairement masculins, de la Section fabrication et manipulation des décors de Radio-Canada touchaient un salaire plus élevé que celui des employés, majoritairement féminins, de la Section fabrication et manipulation des costumes, qui exerçaient des fonctions équivalentes. Après avoir mené son enquête, la Commission avait rejeté la plainte en vertu du paragraphe 36(3) de la Loi. La Cour suprême avait à déterminer si la décision rendue par la Commission était soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire au sens de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale et, dans l'affirmative, si la Commission avait fait une erreur donnant lieu à examen.

213. La Cour a jugé à la majorité que la décision de la Commission n'était pas soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire. Rejetant le pourvoi, le juge Sopinka concluait en outre que la Commission avait correctement appliqué l'article 11 de la Loi aux faits de l'affaire.

214. Dans le contexte de l'enquête de la Commission, le juge Sopinka décrivait l'application de méthodes généralement acceptées d'évaluation d'emplois en vue de mesurer la valeur relative des emplois en question. Il donnait un aperçu d'un processus en trois étapes adopté par la Commission. Sans donner plus de précisions, il indiquait que l'une des étapes consistait à effectuer une comparaison quantitative de la valeur relative des emplois. Il écrit à la p. 887 :

Une enquête sur une plainte de disparité salariale appelle l'application de méthodes généralement acceptées en matière d'évaluation d'emplois afin de mesurer la valeur relative des emplois en question. Il s'agit d'un processus en trois étapes :

1. L'enquêteur doit connaître à fond la nature de chaque emploi, connaissance qu'il acquiert en ayant recours à des descriptions d'emploi ou de poste tenues à jour et communiquées par l'employeur et, en cas de doute, des questionnaires -- appelés feuilles de données sur l'emploi -- remplis par des titulaires des postes.

2. Les emplois sont alors évalués selon un plan d'évaluation d'emploi qui comporte des techniques servant à déterminer la nature de l'emploi selon des facteurs et critères spécifiés dans le plan. Cela permet d'effectuer une comparaison quantitative de la valeur relative des emplois. [Aucun détail fourni.]

3. Les mesures quantitatives de la valeur des emplois permettent alors de calculer le niveau de rémunération approprié.

[C'est nous qui soulignons.]

215. Nous remarquons que la juge L'Heureux-Dubé a consacré une section de son opinion dissidente à la discrimination prima facie aux termes de l'article 11 de la Loi. L'argument soulevé par l'appelant devant Sa Seigneurie était que la ségrégation professionnelle à Radio-Canada constituait en elle-même une preuve prima facie de discrimination. Les employées étaient minoritaires au sein de l'unité de négociation; elles occupaient certains emplois féminins et prétendaient recevoir une rémunération inférieure à celle des employés occupant d'autres emplois masculins dans la même unité, même si les conditions de travail étaient similaires et le travail avait la même finalité. L'appelant faisait valoir que la preuve de la ségrégation professionnelle établissait prima facie que la disparité salariale constituait une discrimination fondée sur le sexe.

216. Dans son analyse de la définition juridique de la discrimination salariale aux termes de l'article 11 de la Loi, la juge L'Heureux-Dubé reconnaissait l'orientation donnée par la Cour suprême du Canada lorsque celle-ci avait clairement affirmé qu'il n'était pas nécessaire de prouver l'intention pour pouvoir conclure à la présence d'une discrimination préjudiciable (voir Robichaud c. Canada (Conseil du Trésor), [1987] 2 R.C.S. 84, et Chemins de fer nationaux du Canada, supra). Signalant à la p. 924 que le recours à des données statistiques démontrant l'existence d'une ségrégation professionnelle est un outil des plus précieux dans la découverte d'une discrimination préjudiciable aux termes des articles 7 et 10 de la Loi, Sa Seigneurie affirmait que la portée de la protection offerte par l'article 11 différait des dispositions des articles 7 et 10 en raison du concept d'équivalence. À la p. 925, Sa Seigneurie écrit :

[...] cette disposition n'empêche pas un employeur de rémunérer différemment des emplois non équivalents. Dans le cadre particulier de cette disposition, la discrimination salariale présuppose l'équivalence, dans le même établissement, des fonctions exécutées par des femmes et par des hommes. En conséquence, pour que soit accueillie une plainte fondée sur l'art. 11, il faut établir l'équivalence des fonctions à l'égard desquelles est alléguée une situation de disparité salariale discriminatoire. [C'est nous qui soulignons.]

217. La juge L'Heureux-Dubé a conclu en définitive que la ségrégation professionnelle ne saurait en elle-même constituer une preuve prima facie en vertu de l'article 11, à moins que cette preuve n'établisse de façon indépendante l'équivalence des fonctions en cause, ce qui n'était pas le cas dans l'affaire dont Sa Seigneurie était saisie.

218. Dans le contexte de son examen de la discrimination prima facie aux termes de l'article 11, la juge L'Heureux-Dubé affirme à la p. 926 que la question de savoir si les fonctions exécutées dans la Section à prédominance féminine et les fonctions exécutées dans la Section à prédominance masculine sont équivalentes au sens de l'article 11 est étroitement liée à la procédure suivie par la Commission en l'espèce. Nous remarquons que certains détails étaient fournis sur la procédure de la Commission relative à l'évaluation des emplois. Cependant, il n'y avait aucune explication de la méthode de comparaison des emplois.

(i) Le concept de l'équivalence

219. La juge L'Heureux-Dubé examinait de façon plus détaillée le concept de l'équivalence, ou de la valeur égale, dans l'arrêt S.E.P.Q.A., supra, se reportant au paragraphe 11(2) de la Loi qui définit en termes généraux la façon dont on doit évaluer l'équivalence des fonctions. Ce paragraphe et l'article 3 de l'Ordonnance établissent quatre critères à appliquer à cette fin, soit le dosage de qualifications, d'efforts et de responsabilités nécessaire pour l'exécution des fonctions ainsi que les conditions de travail. La juge L'Heureux-Dubé signalait que ces quatre critères étaient les mêmes que les critères reconnus dans l'Equal Pay Act de 1963 aux États-Unis. Elle concluait que le paragraphe 11(2) de la Loi inclut le recours à des plans d'évaluation des emplois pour déterminer si les fonctions sont équivalentes. Elle faisait mention de l'application par la Commission du plan Aiken, plan d'évaluation des emplois, en vue de déterminer l'équivalence des fonctions.

220. Nous concluons de l'opinion dissidente de la juge L'Heureux-Dubé que l'on doit disposer de preuves suffisantes de la valeur des fonctions pour satisfaire aux exigences de l'article 11 de la Loi. Nous croyons que cet aspect a été établi par le biais du système d'évaluation des emplois appliqué dans l'étude sur la parité salariale.

221. Dans l'étude sur la parité salariale, on a eu recours au plan Willis pour évaluer l'échantillon de questionnaires remplis par les employés de l'intimé. Pour chaque questionnaire, des comités d'évaluation ont attribué des points à chacun des quatre facteurs, c'est-à-dire les qualifications, les connaissances, les responsabilités et les conditions de travail, établis aux termes du paragraphe 11(2) de la Loi. On a ensuite fait la somme des points attribués aux facteurs pour chaque questionnaire afin d'obtenir une cote globale pour chacun d'entre eux. Ces cotes sont également appelées résultats de l'évaluation des emplois.

222. Le Tribunal a tiré comme conclusion de fait dans sa décision antérieure du 15 février 1996, supra, au paragraphe 204, que le plan Willis était un outil qui répondait aux exigences de la Loi et de l'Ordonnance pour ce qui est de l'évaluation des emplois. Le Tribunal concluait de plus au paragraphe 205, à la p. 62 :

Le plan Willis offre un outil pour évaluer la valeur relative du travail. Comme tel il ne fournit toutefois pas de méthodologie pour déterminer quel est l'écart salarial entre les postes féminins et les postes masculins. Pour déterminer s'il y a disparité salariale, il faut comparer les évaluations des emplois masculins et féminins. Le système comme tel ne peut déterminer cet écart sans cette étape additionnelle.

223. M. Durber nous a affirmé que la Commission ne considère pas l'équivalence des fonctions comme une question purement technique, mais bien comme une question de valeur relative. Selon lui, il faut évaluer le concept de l'équivalence dans le contexte des fonctions concrètement accomplies. Un plan d'évaluation des emplois, a-t-il expliqué, mesure les caractéristiques du travail des hommes et du travail des femmes et devrait pouvoir mesurer les équivalences entre les deux. Ces équivalences font partie intégrante du processus d'évaluation.

224. M. Durber a ajouté que la Commission considère l'équité salariale comme un domaine en évolution. Dans le cadre de son explication de l'approche de la Commission axée sur une interprétation large de l'article 11 de la Loi, il a fait les observations suivantes (volume 145, à la p. 17942, lignes 1-14) :

[Traduction]

Essentiellement, je dois dire qu'à notre avis, l'équité salariale est un domaine en évolution. Le fait que nous interprétions cette question de façon large et libérale et qu'elle relève, comme vous l'avez si bien dit, de la législation sur les droits de la personne et des enjeux fondamentaux, signifie que nous tâchons de ne pas faire une interprétation technique des dispositions de la Loi.

Je crois que les conventions que l'on continue de promulguer montrent aussi que le domaine des droits fondamentaux est en évolution et qu'il n'est pas, autrement dit, quelque chose que l'on doit simplement envisager dans un contexte historique. À mon avis, nous devons considérer ces conventions et la Loi elle-même comme des textes qui nous permettent d'apprendre et d'interpréter des enjeux plus vastes à mesure que leur application évolue.

Il affirmait plus loin (volume 145, à la p. 17943, lignes 11-22) :

[Traduction]

R. Nous ne considérons certainement pas l'équivalence des fonctions comme une question purement technique. Il s'agit de trouver des équivalences de valeur entre le travail des hommes et celui des femmes; en outre, par équivalence, nous n'entendons pas l'égalité de rémunération pour un travail égal. Il ne s'agit pas pour nous de trouver des équivalences exactes.

Vous savez, j'en suis sûr, que l'on a adopté des mesures législatives avant la Loi canadienne sur les droits de la personne qui prescrivaient le salaire égal pour un travail égal; dans ce cas, il s'agit essentiellement du même travail. Nous croyons donc que nous devons aller au-delà de ce critère d'identité absolue pour adopter une définition plus large de l'égalité. [C'est nous qui soulignons.]

225. Mme Weiner a décrit deux principes fondamentaux qui se trouvent à la base du concept de l'égalité de rémunération pour fonctions équivalentes. Le premier consiste à évaluer à l'aide de la même série de critères tous les emplois que l'on comparera. De cette façon, on détermine le salaire égal qui doit être versé pour un travail d'égale valeur. Elle a décrit ces principes au volume 16 (de la p. 2105, ligne 9, jusqu'à la p. 2106, ligne 23) :

[Traduction]

LA PRÉSIDENTE : J'aimerais revenir en arrière, avant le moment où vous formulez vos règles de décision, et examiner les concepts qui entrent en jeu. Ce qui nous préoccupe, c'est le concept de la parité salariale pour fonctions équivalentes. Vous est-il possible de nous donner un aperçu des principes fondamentaux qui sont à la base de ce concept?

LE TÉMOIN : Les principes fondamentaux sont les suivants : premièrement, on évalue selon la même série de critères tous les emplois que l'on aura à comparer.

LA PRÉSIDENTE : Je veux prendre cela en note pour m'assurer de bien comprendre ce que vous dites. On évalue...?

LE TÉMOIN : Tous les emplois -- tous les emplois féminins et tous les emplois masculins -- d'après la même série de critères. Par critères, j'entends le système d'évaluation des emplois, avec ses sous-facteurs et la pondération de ces sous-facteurs.

Je crois qu'un deuxième principe fondamental nous est donné par l'expression égalité de rémunération pour fonctions équivalentes. Nous avons parlé de la façon de déterminer l'équivalence des fonctions; on doit ensuite veiller à définir de la même façon l'égalité de rémunération. J'entends par là que si l'on choisit le salaire maximal des emplois féminins, il faut le comparer au salaire maximal des emplois masculins. Si l'on intègre le facteur des avantages sociaux, il faut le faire dans les deux cas. Donc, on s'assure de choisir le même point sur l'échelle des salaires pour les deux groupes.

Ce sont là, à mon avis, les deux principes fondamentaux qui découlent de l'expression égalité de rémunération pour fonctions équivalentes.

LA PRÉSIDENTE : Y en a-t-il d'autres?

LE TÉMOIN : Je crois que tout le reste relève du domaine des règles de décision, où l'on évalue les avantages et les inconvénients de diverses méthodes. [C'est nous qui soulignons.]

226. Le processus d'évaluation des emplois appliqué dans l'étude sur la parité salariale mesurait la valeur relative des qualifications, des efforts, des responsabilités et des conditions de travail pour les postes échantillonnés. Les résultats de l'évaluation des emplois issus de cette étude nous ont été présentés comme une preuve fiable de la valeur des fonctions rattachées aux divers postes examinés par les comités d'évaluation des emplois. Une méthode de rajustement des salaires permet les comparaisons quantitatives du genre de celles que mentionnaient tant le juge Sopinka que la juge L'Heureux-Dubé dans l'arrêt S.E.P.Q.A., supra. L'application de la méthode permet de comparer les valeurs relatives pour déterminer les équivalences. C'est, à notre avis, la façon dont le concept des fonctions équivalentes que l'on trouve à l'article 11 de la Loi est appliqué dans la pratique.

(ii) Le principe de l'égalité

227. Toutes les parties ont affirmé que l'article 11 de la Loi énonçait un principe auquel il fallait donner une interprétation large. L'intimé, d'une part, et la Commission et l'Alliance, d'autre part, ont des opinions divergentes sur le fondement technique et statistique selon lequel le concept de l'égalité doit être appliqué dans les plaintes relatives aux grands groupes visées par l'article 11 de la Loi et l'article 14 de l'Ordonnance. L'intimé a fait valoir que l'unité d'analyse servant aux comparaisons dans les plaintes fondées sur l'article 11 qui concernent les grands groupes est le groupe professionnel. Il n'a produit aucune preuve quant à son interprétation du sens de groupe professionnel dans sa méthode de rajustement des salaires, se fondant uniquement sur des parties du témoignage de M. Durber.

228. L'approche de la Commission, à laquelle l'Alliance souscrit, consiste à ne pas tenir compte du cadre de référence des groupes professionnels pour faire les comparaisons une fois que la prédominance d'un sexe sur l'autre a été établie. M. Sadler et M. Durber ont tous deux affirmé dans leur témoignage que la Commission a pour tâche, aux termes de l'article 11, de comparer les fonctions et non les groupes.

229. M. Durber a témoigné à propos de la façon dont la Commission envisage la Loi. Il a décrit la Loi en termes généraux comme une loi fondamentale, de nature quasi constitutionnelle, qui vise à éliminer la discrimination. En particulier, l'article 11 a pour objet d'éliminer la discrimination entre hommes et femmes (fondée sur le sexe) en milieu de travail. Selon lui, la Commission croit qu'elle a le devoir d'interpréter la Loi de façon large et libérale. Il a affirmé que l'on soumet souvent à la Commission des questions d'ordre technique et qu'elle s'efforce, lorsqu'il faut faire des choix, de dépasser les aspects techniques pour comprendre l'objet général de la Loi, à savoir, éliminer la discrimination en créant des conditions d'égalité.

230. Le point crucial qui a été soulevé dans le cadre de cette audience exige que l'on se penche sur l'interprétation des textes de loi et sur l'approche adoptée par la Cour suprême du Canada dans l'interprétation de la législation sur les droits de la personne.

231. L'intimé met l'accent sur le sens courant du libellé de l'article 11 de la Loi. Il fait valoir que l'on devrait adopter une approche d'interprétation grammaticale ordinaire. La Commission et l'Alliance veulent que l'on interprète l'article 11 de la Loi en fonction de l'objet visé.

232. Il est d'une évidence flagrante que la législation a consacré le principe de l'égalité de rémunération pour fonctions équivalentes dans l'article 11 de la Loi, sans toutefois donner de précisions sur un mécanisme d'application de ce principe. La Commission s'est vu confier la responsabilité d'appliquer un mécanisme approprié pour atteindre cet objectif, en vertu du pouvoir qui lui était conféré par le paragraphe 27(2) de la Loi. Ce paragraphe est ainsi libellé :

(2) Dans un cas ou une catégorie de cas donnés, la Commission peut, sur demande ou de sa propre initiative, décider de préciser, par ordonnance, les limites et les modalités de l'application de la présente loi.

233. Le Tribunal est guidé par les arrêts qu'a rendus la Cour suprême du Canada sur l'attitude appropriée à adopter pour interpréter la Loi. L'extrait suivant de la décision du juge en chef Dickson dans Chemins de fer nationaux du Canada, supra, est éclairant quant à la façon dont la Cour aborde les dispositions de la Loi de manière à en faire une interprétation juste, large et libérale. Le juge en chef Dickson affirme, à la p. 1134 :

La législation sur les droits de la personne vise notamment à favoriser l'essor des droits individuels d'importance vitale, lesquels sont susceptibles d'être mis à exécution, en dernière analyse, devant une cour de justice. Je reconnais qu'en interprétant la Loi, les termes qu'elle utilise doivent recevoir leur sens ordinaire, mais il est tout aussi important de reconnaître et de donner effet pleinement aux droits qui y sont énoncés. On ne devrait pas chercher par toutes sortes de façons à les minimiser ou à diminuer leur effet. Bien que cela puisse sembler banal, il peut être sage de se rappeler ce guide qu'offre la Loi d'interprétation fédérale lorsqu'elle précise que les textes de loi sont censés être réparateurs et doivent ainsi s'interpréter de la façon juste, large et libérale la plus propre à assurer la réalisation de leurs objets. Voir l'article 11 de la Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, chap. I-23 et ses modifications. Comme Elmer A. Driedger l'a écrit à la p. 87 de Construction of Statutes (2nd ed. 1983) :

[Traduction]

De nos jours, un seul principe ou méthode prévaut pour l'interprétation d'une loi : les mots doivent être interprétés selon le contexte, dans leur acception logique courante en conformité avec l'esprit et l'objet de la loi et l'intention du législateur.

[C'est nous qui soulignons.]

234. Le juge en chef Dickson soulignait la nature réparatrice de la Loi, ainsi que l'importance de reconnaître pleinement les droits qu'elle confère et de leur donner l'effet voulu. C'est essentiellement l'effet de l'acte discriminatoire sur la personne touchée qui est décisif lorsqu'on examine une plainte. Le juge en chef confirmait le rejet par la Cour de la nécessité de prouver l'intention dans les affaires de discrimination. L'intention n'est pas un facteur ni un élément de la discrimination systémique, que ce soit dans le contexte de l'équité en matière d'emploi ou dans celui de l'équité salariale.

235. Compte tenu des buts poursuivis par la Loi, nous acceptons l'approche de l'interprétation fondée sur l'objet visé et nous croyons qu'une méthode de rajustement des salaires doit être conforme à l'objet de l'article 11 de la Loi, à savoir, corriger la discrimination systémique touchant les fonctions exercées par les employés. Le droit à l'égalité de rémunération pour fonctions équivalentes reconnu à l'article 11 de la Loi doit faire l'objet de l'interprétation large et libérale reconnue par le juge en chef Dickson dans Chemins de fer nationaux du Canada, supra.

236. Dans ses observations orales et écrites, l'intimé prétend que l'expression suivante figurant à l'article 11 :

la disparité salariale entre les hommes et les femmes qui exécutent [...] des fonctions équivalentes

est séparable en deux parties, à savoir :

  1. la disparité salariale entre les hommes et les femmes; et
  2. qui exécutent [...] des fonctions équivalentes.

L'intimé soutient en conséquence que l'unité d'analyse est énoncée en termes d'employés de groupes professionnels et non en termes de fonctions.

237. À notre avis, les groupes de mots susmentionnés ne sont pas séparables. Si l'on insérait la conjonction et entre femmes et qui exécutent [...] des fonctions équivalentes, cette expression se lirait ainsi :

[...] la disparité salariale entre les hommes et les femmes et qui exécutent [...] des fonctions équivalentes.

Même si l'on insère la conjonction et, le sens, nous semble-t-il, demeure axé sur les fonctions, bien que l'expression devienne remarquable par sa maladresse. L'intimé ne s'est fondé sur aucune jurisprudence à l'appui de la notion de la séparation des groupes de mots susmentionnés pour y attribuer un sens différent de celui qui était voulu par la législation elle-même. Par conséquent, le Tribunal rejette cette interprétation de l'article 11.

238. La notion d'égalité est un concept difficile à saisir qui [...] ne comporte pas de définition précise, pour reprendre les termes utilisés par le juge McIntyre dans l'arrêt Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143, à la p. 164. Dans cet arrêt, Sa Seigneurie écrit ensuite :

C'est un concept comparatif dont la matérialisation ne peut être atteinte ou perçue que par comparaison avec la situation des autres dans le contexte sociopolitique où la question est soulevée.

Dans Andrews, supra, la Cour se penchait sur l'application du paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés dans une affaire concernant un résident permanent du Canada qui n'était pas citoyen et qui était inadmissible au Barreau de la Colombie-Britannique aux termes de l'article 42 du Barristers and Solicitors Act de cette province. Dans sa décision minoritaire, le juge McIntyre se disait d'accord avec la critique du critère de la situation analogue qu'avait formulée le juge d'appel Kerans dans Mahe c. The Queen in Right of Alberta (1987), 42 D.L.R. (4th) 514 (C.A. Alb.), à la p. 546, où le juge d'appel affirmait :

[Traduction]

[...] le critère adopte une idée d'égalité qui est presque automatique, sans aucune possibilité d'examiner la raison à l'origine de la distinction. Par conséquent, on recourt à des nuances pour justifier une constatation de différence, ce qui réduit le critère à un jeu de classement par catégories. De plus, le critère est sans utilité. Après tout, la plupart des lois sont adoptées dans le but précis de procurer un avantage ou d'imposer une contrainte à certaines personnes et non à d'autres. Le critère décèle toutes les différences imaginables de traitement par la loi.

Le juge McIntyre faisait ensuite le commentaire suivant, à la p. 168 :

Pour les motifs qui précèdent, le critère ne peut être accepté comme règle ou formule figée applicable en vue de trancher les questions d'égalité soulevées en vertu de la Charte. Il faut tenir compte du contenu de la loi, de son objet et de son effet sur ceux qu'elle vise, de même que sur ceux qu'elle exclut de son champ d'application. Les questions qui seront soulevées d'un cas à l'autre sont telles que ce serait une erreur que de tenter de restreindre ces considérations à une formule limitée et figée. [C'est nous qui soulignons.]

239. Le fondement historique, politique et social de la promulgation de l'article 11 de la Loi était la volonté de contrer la discrimination systémique qui avait privé les travailleuses d'un salaire qu'elles méritaient tout autant que les travailleurs. À notre avis, l'article 11 de la Loi met l'accent et est axé sur la notion d'égalité du travail des hommes et du travail des femmes, telle qu'elle a traditionnellement été interprétée dans une perspective historique et sociétale. L'article 11 de la Loi constitue une tentative de remédier à ce qui était devenu un problème de justice sociale. Le but fondamental de la Loi consiste à donner effet au principe de l'égalité qui, à notre avis, favorise le traitement égal du travail des femmes et du travail des hommes. Nous croyons donc que l'article 11 vise à corriger une disparité salariale entre les employés de sexe masculin et de sexe féminin qui exercent des fonctions équivalentes. Lorsque les fonctions sont réputées être d'égale valeur, le salaire versé devrait être le même.

240. Le principe de l'égalité issu de l'article 11 est un concept comparatif. À notre avis, il est difficile de parvenir à des exactitudes au moyen d'un procédé d'évaluation des emplois qui, de par sa nature même, est subjectif. L'évaluation des emplois, qui permet de déterminer la valeur des fonctions exercées, et le mécanisme des méthodes de rajustement des salaires que l'on applique pour vérifier et mesurer la valeur relative de facteurs rattachés aux emplois, lesquels facteurs sont en soi très différents, ne sont pas des processus quantitatifs simples.

241. L'article 11 de la Loi a étendu le concept de la discrimination au nouveau domaine de l'équité salariale. Le gouvernement fédéral a abordé en 1978 le problème de la discrimination systémique en s'appuyant sur le mécanisme des plaintes prévu par la Loi, par opposition à la démarche proactive adoptée par certaines législatures provinciales. Comme nous l'avons vu, cinq des provinces (Manitoba, Ontario, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse et Île-du-Prince-Édouard) ont adopté des lois sur l'équité salariale obligeant les employeurs de la fonction publique à appliquer des plans de parité salariale au sein de leurs établissements. Le Québec traite individuellement les cas d'équité salariale aux termes de sa Charte des droits et libertés de la personne. La Colombie-Britannique et Terre-Neuve ont conclu des accords de mise en place de l'équité salariale et, à l'heure actuelle, l'Alberta et la Saskatchewan n'ont pas de programme législatif dans ce domaine.

242. Selon Mme Weiner, on utilise souvent l'expression équité salariale dans les écrits fédéraux, tout comme l'expression rémunération égale. Les deux expressions sont des versions abrégées d'égalité de rémunération pour fonctions équivalentes. Le principe de la parité salariale pour fonctions équivalentes a été traité comme un synonyme de l'expression plus familière équité salariale. Récemment, le juge d'appel Hugessen, dans l'arrêt Fonds non publics, supra, écrivait à la p. 81 : C'est l'équité salariale qui est en cause en l'espèce.

243. Le gouvernement fédéral a chargé la Commission de concevoir un processus permettant de déterminer comment on pourrait appliquer dans la pratique le principe de l'égalité aux termes de l'article 11 de la Loi. Il a conféré à la Commission, par le biais du paragraphe 27(2) de la Loi, le pouvoir de prendre des ordonnances en vue d'appliquer le principe de l'égalité de rémunération pour fonctions équivalentes.

244. Pendant une certaine période, on a pris des ordonnances et on les a modifiées à mesure que des plaintes étaient déposées en vertu de la Loi. L'Ordonnance actuelle a été promulguée en octobre 1986 à la suite d'un processus auquel ont participé activement les divers intervenants, des groupes d'intérêts ainsi que les parties patronale et syndicale au fédéral. Il convient de souligner qu'aucune méthode précise de rajustement des salaires n'a été énoncée dans l'Ordonnance pour les plaintes collectives. Nous croyons qu'il est raisonnable d'en déduire que la Commission favorise une démarche souple, par opposition à une démarche réglementée. La souplesse permet à la Commission d'adopter la méthode qui convient le mieux aux circonstances de chaque cas.

245. En l'absence d'une règle ou formule figée applicable en vue de trancher les questions d'égalité, pour reprendre les termes utilisés par le juge McIntyre dans Andrews, supra, la Commission a la liberté de faire appel aux services de personnes comme Mme Weiner, M. Sunter, M Shillington et M. Durber et de se fier à leur expertise lorsqu'elle applique les techniques d'évaluation couramment utilisées dans les processus d'équité salariale qui visent à déterminer s'il y a écart salarial.

246. À notre avis, par conséquent, si une disparité salariale est établie par le biais d'une méthode qui respecte les principes de l'équivalence et de l'égalité, cela constitue une preuve prima facie suffisante de l'existence d'une discrimination fondée sur le sexe aux termes de l'article 11, sans que l'on doive recourir à la notion de causalité. Nous avons traité du concept de causalité dans les présentes. Il est, selon nous, incompatible avec le contexte historique et social existant, dont on doit tenir compte lorsqu'on examine les injustices produites par la discrimination systémique fondée sur le sexe.

247. C'est à la lumière de ces éléments que nous examinerons les diverses méthodes de comparaison favorisées par chaque partie. Avant de procéder à cet examen, nous croyons qu'il est essentiel de bien comprendre l'Ordonnance pour être à même de déterminer s'il existe ou non un écart salarial.

VII. L'ORDONNANCE SUR LA PARITÉ SALARIALE

A. Historique de l'Ordonnance sur la parité salariale

248. Le Parlement a habilité la Commission, aux termes du paragraphe 27(2) de la Loi, à ... préciser, par ordonnance, les limites et les modalités de l'application de la présente loi. La version courante de l'Ordonnance, datée du 18 novembre 1986, a été publiée dans la Gazette du Canada en décembre 1986 et porte des dispositions concernant le dépôt de plaintes par des groupes sous la rubrique Plaintes collectives, dont voici le libellé :

Plaintes collectives

12 Lorsqu'une plainte dénonçant une situation de disparité salariale est déposée par un groupe professionnel identifiable ou en son nom, ce groupe doit être composé majoritairement de membres d'un sexe et le groupe auquel il est comparé doit être composé majoritairement de membres de l'autre sexe.

13 Pour l'application de l'article 12, un groupe professionnel est composé majoritairement de membres d'un sexe si, dans l'année précédant la date du dépôt de la plainte, le nombre de membres de ce sexe représentait au moins :

(a) 70 pour cent du groupe professionnel, dans le cadre d'un groupe comptant moins de 100 membres;

(b) 60 pour cent du groupe professionnel, dans le cas d'un groupe comptant de 100 à 500 membres;

(c) 55 pour cent du groupe professionnel, dans le cas d'un groupe comptant plus de 500 membres;

14 Si le groupe professionnel ayant déposé la plainte est comparé à plusieurs autres groupes professionnels, ceux-ci sont considérés comme un seul groupe.

15 (1) Pour l'application de l'article 11 de la Loi, lorsque la plainte déposée dénonce une situation de disparité salariale entre un groupe professionnel et un autre groupe professionnel et qu'une comparaison directe de ces deux groupes ne peut être faite quant à l'équivalence des fonctions et aux salaires des employés, une comparaison indirecte de ces éléments peut être faite.

(2) Pour la comparaison des salaires des employés des groupes professionnels visés au paragraphe (1), la courbe des salaires du groupe professionnel mentionné en second lieu doit être utilisée pour établir l'écart, s'il y a lieu, entre les salaires des employés du groupe professionnel en faveur de qui la plainte est déposée et de l'autre groupe professionnel.

249. La première version de l'Ordonnance, publiée en 1978, n'abordait pas l'application de l'article 11 aux plaintes déposées par des groupes. Ce n'est que dans la version révisée de l'Ordonnance, publiée dans la Gazette du Canada en novembre 1986, que se sont ajoutés les articles 13 à 15. Avant de procéder à la plus récente révision de l'Ordonnance, la Commission avait identifié les associations d'employeurs et d'employés entendant se conformer à l'article 11 de la Loi. M. Durber, dans son témoignage, a indiqué qu'afin d'aider la Commission à examiner des plaintes déposées aux termes de l'article 11, il fallait établir si les groupes d'employés ayant déposé une plainte étaient des groupes à prédominance féminine ou masculine. La Commission avait été chargée d'élaborer un projet d'ordonnance à cette fin.

250. Dans le cadre du processus de révision de l'Ordonnance, la Commission a publié, en mars 1985, le document [traduction] Document de base concernant le projet d'ordonnance - Égalité de rémunération pour fonctions équivalentes (pièce HR-18, onglet 5). Ce document a été distribué à 70 employeurs, syndicats et groupes d'intérêt, les invitant à formuler des commentaires. Étaient annexés au Document de base les volets du projet d'ordonnance concernant la composition d'un groupe selon le sexe, les plaintes collectives, les employés d'un seul et même établissement et l'équivalence des fonctions.

251. Le Tribunal n'a pas été saisi de la version intégrale du Document de base de la Commission. Cependant, dans un document présenté à titre de preuve, y figurait un extrait concernant les plaintes collectives. Soulignons que la Commission, dans son projet d'ordonnance, a abordé pour la première fois le concept de l'établissement de la moyenne des salaires des groupes de comparaison à prédominance masculine. Ce concept fait partie intégrante de chacune des méthodes présentées par les parties. Dans le Document de base, on trouve une illustration de la méthode proposée pour rajuster les salaires, méthode se fondant sur une courbe de régression. On peut y lire, à la page 7 :

[Traduction]

II - PLAINTES COLLECTIVES

On se heurte à un certain nombre de problèmes lorsqu'il faut composer avec les groupes d'employés et les individus qui sont membres de ces groupes.

Le paragraphe 1 du projet d'ordonnance pose l'exigence de la composition majoritaire du groupe selon le sexe et précise qu'il faut tenir compte de la composition selon le sexe du groupe auquel appartient un individu afin d'établir s'il y a eu discrimination fondée sur le sexe.

Aux paragraphes 2 et 3 est énoncé le concept de la comparaison indirecte d'employés qui sont membres de groupes.

La comparaison indirecte fait déjà partie des pratiques de la Commission et elle constitue un pas vers l'équivalence et l'équité salariale au sens où entend ces expressions aux États-Unis.

On trouve, au coeur même de cette ordonnance, le concept du rajustement salarial des groupes féminins* moyennant l'alignement de leurs salaires sur le niveau moyen des salaires des groupes masculins. On s'assure ainsi que les femmes, en tant qu'individus, gagnent à tout le moins le même salaire que les hommes exécutant des fonctions équivalentes dans le même établissement.

ANNEXE B: ÉBAUCHE DU PROJET D'ORDONNANCE

PLAINTES COLLECTIVES

1) Lorsqu'une plainte concerne un ou plusieurs groupes professionnels, le groupe plaignant doit être constitué majoritairement de membres d'un même sexe et le ou les groupes de comparaison doivent être composés majoritairement de membres de l'autre sexe. Lorsqu'une plainte concerne un individu ou un groupe d'individus membres d'un groupe professionnel plus vaste, la composition selon le sexe du groupe le plus vaste doit être prise en considération avant qu'il soit déterminé si la situation constitue un acte discriminatoire fondé sur le sexe.

2) Lorsqu'une plainte concerne plusieurs individus ou plusieurs groupes d'individus, les individus ou les groupes de comparaison sont considérés comme constituant un seul groupe. Aux fins de l'établissement des salaires, il faut retenir le salaire moyen pondéré versé à chacun des groupes d'employés du groupe de comparaison exécutant des fonctions équivalentes.

3) S'il est impossible de faire la comparaison directe d'employés d'un groupe d'individus avec les individus ou les employés d'un autre groupe, la Commission examine alors des propositions de rajustement salarial fondées sur des comparaisons indirectes, notamment des méthodes statistiques courantes, l'analyse de régression par exemple, pour tracer la courbe de la tendance des salaires. Ensuite, si un rajustement est indiqué, les salaires des employés du groupe plaignant sont rajustés à la hauteur des salaires prévus par la courbe de la tendance des salaires du groupe de comparaison selon la valeur des fonctions exécutées par les employés du groupe plaignant.

[c'est nous qui soulignons]

252. Mme Millar, dans son témoignage pour le compte de l'Alliance, a indiqué que le volet du projet d'ordonnance de 1986 concernant les plaintes collectives et le Document de base qui était annexé au projet d'ordonnance (pièce HR-18, onglet 5), tout particulièrement un passage à la page 7 de ce dernier document portant sur les courbes de salaires des salaires moyens des hommes, décrivent essentiellement les modalités de l'entente intervenue entre l'Alliance et le Conseil du Trésor pour régler la plainte du groupe GS (voir la section I, B, paragraphe 8).

253. Selon M. Durber, la Commission a reçu des mémoires de 39 organisations, dont de l'intimé. La Commission a tenu des rencontres avec bon nombre de ces 39 organisations. Selon M. Durber, ces organisations avaient en commun deux sujets de préoccupation. Le premier concernait l'obligation d'établir qu'un groupe était composé majoritairement de membres d'un sexe, sujet faisant dorénavant l'objet de l'article 13 de l'Ordonnance. Le second concernait les taux régionaux (voir la section IX). Au nombre des autres préoccupations soulevées, mentionnons l'effet de cliquet (voir la section VIII, B), l'évaluation de l'équivalence, les comparaisons indirectes (voir la section VII, E(i)) et le recours à l'analyse de régression (voir la section VII, E(i)). Dans son témoignage, M. Durber a souligné qu'au terme d'un volumineux échange de correspondance et d'un certain nombre de rencontres, la Commission avait apporté [traduction] des modifications relativement importantes à son projet (volume 186, p. 18101).

254. Dans une note de service datée du 4 février 1985 de Hanne Jensen, identifiée comme étant la directrice, Direction des plaintes et de la mise en oeuvre de la Commission, et adressée aux membres de la Commission (pièce PIPSC-3), on décrit les méthodes privilégiées par la Commission et par l'intimé pour rajuster les salaires lors de plaintes collectives. Voici, tiré de la page 3 de cette note de service, des passages pertinents :

[Traduction]

La méthode présentée dans le projet d'ordonnance a été utilisée pour calculer la portion rétroactive du rajustement salarial lors de l'examen de la plainte déposée par le groupe des Services généraux. L'objet de cette méthode de rajustement salarial est de s'assurer que les femmes, individuellement, justifieront d'un salaire correspondant au salaire moyen versé aux hommes. Au bout du compte, des femmes gagneront davantage et des hommes gagneront moins que certaines autres femmes. Voilà un résultat inévitable d'une méthode de rajustement salarial se fondant sur des salaires moyens. Il importe de souligner que cette méthode pourrait être critiquée par des groupes de femmes qui la qualifieront de recul au plan des modalités d'application de l'article 11.

L'approche proposée soulèvera également des objections du Conseil du Trésor, qui propose toujours une méthode d'établissement de la moyenne des salaires que la Commission a rejetée en 1981 lors de l'examen de la plainte du groupe GS. En bref, le Conseil du Trésor propose d'établir la moyenne des salaires masculins et des salaires féminins, d'exprimer en pourcentage la différence entre les deux et de majorer les salaires des femmes de ce pourcentage (méthode III). Au moyen de cette méthode, on s'assurerait que les femmes, collectivement, gagnent le salaire moyen des hommes. Or, l'un des problèmes de cette méthode, c'est que certaines femmes gagneraient un salaire moindre que le salaire moyen des hommes, et d'autres, un salaire plus élevé. De fait, dans le cadre de la plainte du groupe GS, les salaires de certains emplois occupés par des femmes auraient été supérieurs aux salaires des emplois les mieux rémunérés occupés par des hommes. L'argument avancé par les représentants du Conseil du Trésor à l'appui de cette méthode est qu'elle maintient la relativité actuelle au sein des groupes à prédominance féminine. Lorsqu'un groupe à prédominance féminine est mieux rémunéré qu'un autre, on soutient que cette différence est non discriminatoire et n'est pas assujettie aux modalités d'application de l'article 11. L'assertion contraire, c'est que ces écarts salariaux confirment que certains groupes à prédominance féminine ont fait l'objet d'une plus grande discrimination que d'autres. Or, la méthode proposée par les représentants du Conseil du Trésor est saine seulement si l'on souscrit à leur raisonnement. Le projet d'ordonnance est fondé sur la prémisse que les écarts salariaux entre les femmes tiennent à des degrés divers de discrimination. Si l'on souscrit à ce point de vue, alors c'est la méthode décrite dans le projet d'ordonnance qui s'avère la plus appropriée dans les circonstances.

255. Le Tribunal a dégagé certains éléments de preuve du témoignage de Mme Lise Ouimet portant sur la réaction de l'intimé au projet d'Ordonnance distribué par la Commission en 1986. Lors du voir-dire, supra, concernant la recevabilité des données résultant de l'Étude sur la parité salariale, Mme Ouimet a exposé la position de l'intimé quant à l'utilisation des données recueillies dans le cadre de cette étude. Mme Ouimet était la coprésidente du Comité mixte sur la parité salariale désignée par l'intimé. Dans son témoignage, elle a admis avoir présenté une communication lors d'un séminaire à l'Université York, à Toronto, en mars 1987. L'université parrainait une conférence ayant pour thème l'égalité de rémunération pour fonctions équivalentes. Dans sa communication (pièce PSAC-20), on constate, dans une certaine mesure, la réaction positive de l'intimé à la version révisée de l'Ordonnance. En voici un extrait :

[Traduction]

La Commission canadienne des droits de la personne a récemment adopté une ordonnance dans laquelle elle aborde un certain nombre de points concernant la mise en oeuvre de l'égalité de rémunération pour fonctions équivalentes. Deux des interprétations que nous accueillons favorablement concernent l'inclusion des taux salariaux régionaux au nombre des facteurs reconnus raisonnables pour justifier la disparité salariale, et l'acceptation de calculer le rajustement salarial du groupe plaignant à partir du salaire moyen pondéré des groupes de comparaison plutôt qu'en se fondant sur le salaire le plus élevé du groupe de comparaison. On supprime ainsi le risque de prêter le flanc à des plaintes pour discrimination à rebours. [c'est nous qui soulignons]

256. La version définitive de l'Ordonnance et des articles concernant les plaintes collectives, publiée dans la Gazette du Canada en novembre 1986, comprenait une nouvelle rubrique Plaintes collectives, à savoir les articles 12 à 15. On constate que les quatre articles regroupés sous la rubrique Plaintes collectives de la version définitive de l'Ordonnance ne précisent pas la méthode de rajustement salarial à emprunter pour déterminer comment comparer les fonctions exercées par des hommes et des femmes en conformité des dispositions de l'article 11 de la Loi.

257. Nous notons également que, dans la version définitive, on trouve pour la première fois l'expression groupe professionnel à l'article 12, cette expression n'étant toutefois pas assortie d'une définition. Aucune explication ne nous a été fournie concernant l'ajout de cette expression.

258. Selon M. Sadler, l'une des particularités de la version de 1986 de l'Ordonnance, et tout particulièrement des articles 11 à 15, exception faite de l'expression groupe professionnel, c'est qu'elle habilite à la Commission à appliquer l'Ordonnance tant à des groupes structurés qu'à des groupes non structurés. Dans son témoignage, M. Sadler a soutenu que le regroupement officiel d'emplois en des groupes professionnels à la fin des années 60 à la Fonction publique avait eu pour objet de faciliter la négociation collective. Voilà l'une des raisons pour lesquelles, lors d'une plainte déposée aux termes de l'article 11, la Commission ne s'estime pas liée, en vertu de la Loi, par le système de classification de l'intimé.

B. Articles 12 et 13 de l'Ordonnance sur la parité salariale

(i) Groupes professionnels

259. M. Durber a souligné que même si, à l'article 11 de la Loi, on ne fait aucunement allusion à des groupes, l'idée de groupe est sous-entendue lorsque l'on fait référence à des employés masculins et féminins. Il a soutenu que cette inférence est le résultat du libellé de l'Ordonnance eu égard aux plaintes déposées aux termes de l'article 11, notamment de la rubrique Plaintes collectives coiffant les articles 12 à 15.

260. Dans son témoignage, M. Durber a affirmé que la Commission doit bien établir, au tout début d'une plainte déposée par un groupe, ce qui constitue du travail masculin et du travail féminin. Voilà pourquoi la Commission porte une attention particulière au pourcentage des membres de chaque sexe titulaires des emplois, comme l'exige les dispositions de l'article 13 de l'Ordonnance. M. Durber a expliqué que la Commission n'accepte pas automatiquement la désignation de groupe professionnel établie par l'employeur lorsqu'elle détermine la composition majoritaire d'un groupe selon le sexe. Il a soutenu que la Commission interprète largement l'expression groupe professionnel. Il a précisé que la Commission peut, par exemple, retenir une autre définition officielle de l'expression groupe professionnel, notamment celle utilisée dans la publication Classification nationale des professions. Selon M. Durber, la Classification nationale des professions est une publication qui donne forme et précise les concepts empruntés par Statistique Canada et Emploi et Immigration depuis plusieurs années déjà. Son but est d'établir les limites entre les groupes professionnels. L'une des raisons pour lesquelles la Commission ne retient pas automatiquement la désignation de groupe professionnel d'une organisation a été expliquée par M. Durber (volume 145, de la ligne 20 de la page 17977, à la ligne 12 de la page 17978) :

[Traduction]

Q. Lorsque vous dites cela, voulez-vous dire que vous ne retenez pas automatiquement la désignation de groupe professionnel de l'organisation nommée dans la plainte?

R. Non, nous ne la retenons pas automatiquement. Et cela tient à plusieurs raisons. Entre autres, le marché du travail est déjà fortement découpé en groupes professionnels et ce découpage peut poser des problèmes en matière d'équité salariale.

Ce que nous nous employons à faire, dans les faits, c'est d'établir ce qui constitue le travail masculin et ce qui constitue le travail féminin. Si la structure retenue par l'employeur ne nous permet pas de faire la différence entre les deux, alors j'estime que nous devons examiner attentivement la situation afin d'établir si cette distinction s'avérera utile à l'enquête ou si elle l'entravera. Nous nous sommes donnés des critères pour établir le bien-fondé de la désignation des groupes professionnels.

261. La Commission utilise d'autres critères pour constituer un groupe, notamment les qualifications propres aux emplois. À cet égard, il faut évaluer la scolarité et la nature des études, la formation, l'expérience requise pour accéder à un poste de débutant, la complexité des tâches et les responsabilités. La Commission pourrait aussi se pencher sur la spécialisation professionnelle ou la mobilité professionnelle afin d'établir si les emplois sont interdépendants et constituent, de fait, une famille d'emplois. Au nombre des autres critères retenus par la Commission, mentionnons la structure salariale, la similarité des tâches et la relation entre la structure salariale et la structure d'un métier ou d'une profession.

262. L'approche empruntée par la Commission pour définir un groupe a été précisée davantage par M. Durber lors de son contre-interrogatoire par l'intimé (volume 162, de la ligne 2 de la page 20207 à la ligne 23 de la page 20209) :

[Traduction]

Q. Maintenant, est-ce le postulat de la Commission qu'une plainte en matière d'équité salariale peut être déposée au nom d'un groupe quelconque d'individus qui, à la lumière de votre définition de groupe professionnel, constitue un tel groupe professionnel?

R. J'estime qu'il faudrait apporter ici quelques précisions. La Commission n'a pas pour mission de susciter des plaintes. Nous nous employons à préserver notre neutralité. Alors, lorsque vous dites qu'un groupe peut déposer une plainte, je tiens à préciser que la Commission n'a pas pour mandat de favoriser le dépôt de plaintes. Ce qui constitue un groupe raisonnable aux fins du dépôt d'une plainte, voilà une décision qui appartiendrait au premier chef aux individus concernés. Ils pourraient toutefois consulter la Commission à cet égard.

Par exemple, nous avons reçu récemment une demande de renseignements d'infirmières d'une société d'État faisant partie d'une unité de négociation plus vaste. Elles nous ont demandé si elles pouvaient déposer une plainte. Évidemment, n'importe qui peut déposer une plainte.

Or, est-ce qu'elles constituaient ou non un groupe? Cela devra fort probablement être établi dans le cadre de l'enquête. Mais -- je tiens à préciser qu'elles n'ont pas encore déposé de plainte. Maintenant, il me semble, à première vue, qu'il est manifeste que les soins infirmiers constituent une profession, qu'ils sont reconnus comme une profession; il s'ensuit que les réponses à certaines des questions visant à établir s'il s'agit ou non d'un groupe sont assez manifestes. Or, les gens occupant un emploi donné, par exemple, les préposés à la paye, pourraient estimer qu'ils constituent un groupe, même s'ils font partie d'un groupe plus vaste, disons, le groupe des Commis aux écritures et aux règlements de la Fonction publique. Il faudrait ensuite se pencher sur la nature des points soulevés dans la plainte afin de bien comprendre comment s'est manifestée la discrimination, le cas échéant, que font valoir les titulaires de l'emploi en cause.

Q. C'était un bon exemple, M. Durber. Et si vous étiez satisfait, au terme d'une enquête, que les préposés à la paye satisfaisaient à la définition de groupe professionnel ou, il serait peut-être préférable de dire, satisfaisaient à l'esprit de cette définition.

R. Oui.

Q. Ce que j'essaie d'établir c'est si la Commission serait disposée à les considérer comme une entité et à examiner leur plainte comme s'il s'agissait d'une plainte collective aux fins de comparer leur situation à celle d'autres groupes?

R. J'estime qu'en vertu de la Loi, la Commission est tenue, dans tous les cas, de mener une enquête, sauf si elle estime la plainte irrecevable en vertu de l'article 41. Mais, oui, nous nous pencherions sur les particularités des fonctions afin d'établir s'il serait justifié de traiter ces individus collectivement comme s'ils constituaient un groupe professionnel. À mon avis, il faudrait reconnaître que ces préposés à la paye ne justifient pas de leur propre structure salariale, si nous nous reportons à la situation actuelle à la Fonction publique; nous devrions alors examiner la nature des problèmes soulevés, les allégations de discrimination.

Cela pourrait tenir, par exemple, à la façon d'établir l'équivalence de leurs fonctions. Et, de fait, nous avons dû composer avec de telles situations. Par exemple, la plainte des infirmières auxiliaires autorisées que l'on comparait aux préposés aux soins. Or, chacun de ces regroupements, si vous le préférez, constituait un emploi et comme il s'agissait d'un emploi dont les fonctions étaient interreliées, on pouvait qualifier les regroupements de groupes professionnels. La plainte a donc fait l'objet d'un examen et, de fait, les parties ont convenu d'une entente mutuellement satisfaisante.

Q. Et cela, malgré que l'employeur ait établi que ces regroupements faisaient partie d'un groupe plus vaste?

R. Ces deux emplois s'inscrivaient dans un groupe à prédominance féminine, les services hospitaliers, mais la Commission estimait que les infirmières auxiliaires autorisées constituaient un groupe à prédominance féminine et que les préposés aux soins constituaient un groupe à prédominance masculine. Alors, la question à régler n'en était plus une de discrimination quant à la structure salariale générale, dont les deux groupes étaient victimes, mais d'équivalence des fonctions, c'est-à-dire : est-ce que les fonctions des infirmières auxiliaires autorisées étaient de valeur équivalente ou supérieure à celle des préposés aux soins.

Encore une fois, il fallait s'en remettre à la nature des allégations de discrimination, aux objectifs visés par la plainte. Mais, manifestement, il s'agissait d'un groupe professionnel au sens large de l'expression. Je dirais que, dans les deux cas, il s'agissait de groupes professionnels.

263. M. Durber a indiqué, dans son témoignage, que dans la perspective de la Commission le concept de groupe professionnel n'est utile que lorsque la Commission procède à une enquête suite au dépôt d'une plainte. Ce concept est utilisé par la Commission lorsqu'elle détermine la composition selon le sexe du groupe plaignant et des groupes de comparaison précisés dans la plainte. Une fois la question du groupe professionnel réglée, l'enquêteur de la Commission n'en tient plus compte.

264. Dans son témoignage, M. Durber a indiqué qu'une fois établi que le plaignant constitue un groupe professionnel et qu'une fois précisée la composition selon le sexe du groupe, on n'en tient plus compte lors de l'élaboration de la méthode de rajustement salarial, car le but avoué est alors de comparer les fonctions plutôt que les groupes. Voici un extrait de son témoignage (volume 162, de la ligne 10 de la page 20210 à la ligne 13 de la page 20211) :

[Traduction]

Q. Merci. j'aimerais maintenant aborder le terme, ou plutôt l'expression groupe professionnel dans la perspective du groupe de comparaison. Nous l'avons déjà abordé dans la perspective des plaignants et j'aimerais maintenant l'aborder dans la perspective du choix des groupes dont on comparera la situation à celle des plaignants.

Si j'ai bien compris, la Commission propose, en l'espèce, que le groupe de comparaison soit constitué de tous les répondants aux questionnaires masculins dont les cotes s'inscrivent dans la fourchette des cotes d'un niveau donné du groupe professionnel à prédominance féminine?

R. Je crois que cela résume bien, en effet, ce qu'est la méthode de comparaison salariale. C'est-à-dire que nous examinons des fonctions de valeur équivalente, une question quelque peu différente, à mon avis, de la constitution d'un groupe professionnel.

Q. Ça va. Maintenant, est-ce que vous nous dites que le groupe de comparaison ne doit pas obligatoirement être un groupe professionnel?

R. Non, non. Ce que je dit c'est qu'il faut bien établir, au tout début de l'examen de la plainte, ce qui constitue des fonctions à prédominance masculine et à prédominance féminine, lorsque l'on examine les groupes. Il faut alors porter une attention particulière au pourcentage d'hommes et de femmes qui occupent les emplois. Une fois cette étape franchie, il faut alors comparer les fonctions exécutées par le groupe professionnel plaignant et celles exécutées par des hommes exécutant des fonctions de valeur équivalente à celles du groupe professionnel à prédominance féminine.

Q. D'accord. Et afin d'établir quels hommes vous utiliserez à titre de groupes de comparaison, vous ne retenez pas le critère qu'ils doivent exercer des fonctions similaires?

R. Non. Je suis d'avis que la question du groupe professionnel a alors été réglée, car nous comparons alors des fonctions de valeur équivalente, et non des groupes de valeur équivalente.

265. Il est fort difficile de définir avec exactitude l'expression groupe professionnel a admis Mme Weiner lors de son témoignage. À son avis, la définition énoncée dans un manuel canadien de ressources humaines est juste, à savoir que groupe professionnel s'entend d'un regroupement d'emplois dont la nature des fonctions est de façon générale similaire (volume 8, page 1115). Cette définition est conforme à l'interprétation de Mme Weiner de cette expression. Dans son témoignage, elle a soutenu que, dans une profession, les fonctions des emplois présentent une certaine homogénéité, comme c'est le cas chez les infirmières et les comptables. Mme Weiner, dans son approche, fait la distinction entre un poste et un emploi. À ses yeux, un poste est un élément du travail, c'est-à-dire, un regroupement de tâches et de fonctions. Par ailleurs, un emploi, c'est un regroupement de postes et une profession, c'est un regroupement d'emplois.

266. Tel que mentionné précédemment (voir la section I, C, paragraphe 27), en raison de l'Étude sur la parité salariale, la Commission n'a pas eu à déterminer la composition selon le sexe ni du plaignant ni du groupe de comparaison qui ont fait l'objet de l'Étude sur la parité salariale. Le Comité mixte a indiqué quels groupes professionnels étaient à prédominance féminine et quels groupes étaient à prédominance masculine en se fondant sur les critères énoncés à l'article 13 de l'Ordonnance. Toutes les parties, la Commission, l'Alliance et l'intimé, ont signalé au Tribunal que la composition selon le sexe des groupes plaignants et des groupes de comparaison ne constituait pas une question litigieuse. Il semble que le concept de groupe professionnel du système de classification de l'employeur ait été retenu par le Comité mixte lorsqu'il a procédé à l'identification des groupes à prédominance féminine et à prédominance masculine.

267. Nous estimons que, dans le cas d'une plainte déposée en vertu de l'article 11, la discrimination alléguée doit être fondée sur le sexe. Par conséquent, pour qu'une plainte soit recevable, les groupes plaignants et de comparaison doivent satisfaire aux exigences énoncées à l'article 13 de l'Ordonnance. On y stipule que le groupe plaignant doit être composé majoritairement de membres d'un sexe et que le groupe qui est identifié dans la plainte comme groupe de comparaison doit être composé majoritairement de membres de l'autre sexe. Voilà un élément essentiel auquel le plaignant doit se conformer pour que sa plainte soit réputée recevable et justifie la tenue d'une enquête par la Commission.

268. Comme l'objet de l'article 11 de la Loi est de comparer l'équivalence de fonctions, il serait insensé, aux termes de l'Ordonnance, de restreindre la comparaison aux groupes issus du système de classification de l'employeur, système qui a contribué, à tout le moins en partie, à la survenance du problème. Le système de classification de l'employeur a été établi, d'abord et avant tout, aux fins de faciliter les négociations collectives en découpant en catégories officielles la ségrégation professionnelle du travail. Le plus imposant groupe professionnel à la Fonction publique fédérale est le groupe professionnel CR, groupe comptant quelque 50 000 employés et groupe à prédominance féminine. À la Fonction publique fédérale, il y a un fort plus grand nombre de groupes professionnels à prédominance masculine que de groupes professionnels à prédominance féminine. Ont participé à l'Étude sur la parité salariale neuf groupes professionnels à prédominance féminine et 53 groupes professionnels à prédominance masculine. Nous estimons qu'une approche fondée uniquement sur les groupes professionnels perpétuerait le problème de la sous-évaluation du travail exécuté par les femmes. Mme Weiner a souligné, dans le volume 6, que la ségrégation professionnelle est à l'origine du besoin de mettre en oeuvre l'équité salariale. Elle affirme aux lignes 1 à 5 de la page 895 :

[Traduction]

La ségrégation professionnelle est l'une des causes qui a mené à l'établissement du programme d'équité salariale. La seconde cause ayant mené à l'établissement d'un programme d'équité salariale est la sous-évaluation et la rémunération insuffisante du travail effectué par les femmes.

269. En rejetant l'approche fondée sur des groupes professionnels entiers lors de l'examen d'une plainte déposée par un groupe imposant, Mme Weiner l'a qualifiée de méthode de sélection aléatoire. Voici, à cet égard, l'explication qu'elle a fournie au volume 16, de la ligne 8 de la page 2208 à la ligne 1 de la page 2209 :

[Traduction]

R. L'inconvénient de cette méthode, c'est qu'une personne pourrait -- comme le dirait un de mes collègues -- choisir des groupes de façon aléatoire. Elle pourrait dire, il y a, par exemple, quatre ou cinq groupes professionnels avec lesquels nous pourrions faire une comparaison directe. L'une des parties pourrait estimer que c'est dans son intérêt de choisir le groupe à prédominance masculine qui lui procurerait le plus important rajustement salarial, l'autre privilégiant le groupe professionnel lui procurant le rajustement salarial le plus faible.

Or, si vous ne retenez qu'un groupe alors que vous pourriez en choisir quatre ou cinq -- outre la mise en oeuvre de l'équité salariale, les parties entendent soit obtenir le plus d'argent possible, soit payer le moins d'argent possible. Si vous regroupez l'information résultant d'une comparaison avec ces quatre ou cinq groupes, alors vous parviendrez à ce que l'on pourrait qualifier de juste milieu et vous éviterez, les extrêmes ou encore la naissance d'un autre litige à trancher.

270. Nous devons maintenant nous pencher sur l'interprétation de l'expression groupe professionnel figurant aux articles 14 et 15 de l'Ordonnance.

C. Article 14 de l'Ordonnance sur la parité salariale

271. Voici le libellé de l'article 14 de l'Ordonnance :

14 Si le groupe professionnel ayant déposé la plainte est comparé à plusieurs autres groupes professionnels, ceux-ci sont considérés comme un seul groupe.

272. L'intimé soutient qu'en vertu des articles 12 à 15 de l'Ordonnance, il faut procéder à la comparaison de groupes professionnels lors de l'examen de plaintes collectives. L'intimé soutient que l'article 14 de l'Ordonnance est invalide car il prévoit le regroupement de groupes professionnels à prédominance masculine en un groupe de comparaison, ce qui va à l'encontre des concepts de la causalité et des fonctions équivalentes de l'article 11 de la Loi.

273. L'intimé conteste la validité de l'article 14 de l'Ordonnance soutenant que l'effet conjugué des dispositions de cet article et des dispositions de l'article 11 de la Loi rend nul et sans effet l'article 14 de l'Ordonnance. L'intimé soutient que l'article 14 est incompatible avec le concept de l'équivalence de l'article 11 de la Loi. Selon l'intimé, en vertu de l'article 14, il faut réunir en un groupe de comparaison plusieurs groupes professionnels à prédominance masculine qui, individuellement, ne sont pas l'équivalent des groupes professionnels à prédominance féminine plaignants, groupes qui, aux termes de l'article 14, sont réunis et considérés comme un seul groupe. Le résultat, soutient l'intimé, va à l'encontre des exigences d'équivalence stipulées à l'article 11 de la Loi.

274. Un élément déterminant de la contestation de l'intimé de la validité de l'article 14 de l'Ordonnance, c'est son interprétation du terme employés à l'article 11 de la Loi. Il soutient que le terme employés, tel qu'il figure à l'article 11, s'entend de groupes professionnels lors de l'examen de plaintes collectives et que l'interprétation à donner à cette expression est précisée dans le système de classification de l'employeur.

275. Mme Weiner a présenté son interprétation de l'article 14 de l'Ordonnance et sa définition de l'expression groupe professionnel lors de son interrogatoire principal, dont voici un passage (volume 7, de la ligne 13 à la page 1048 à la ligne 19 à la page 1049) :

[Traduction]

Q. Je vous prierais de lire par vous-même l'article 14?

R. Il semble qu'un seul groupe professionnel, présumément à prédominance féminine, ait déposé une plainte. Ce groupe devrait être comparé à tous les emplois masculins s'inscrivant dans une fourchette de valeurs similaire. Ainsi, je dirais qu'il faut se reporter à la courbe segmentée et repérer les emplois masculins qui s'inscrivent dans la même fourchette de valeurs que la profession à prédominance féminine.

Q. Cet article concerne les groupes. Êtes-vous d'avis que dans l'ordonnance on ne définit pas ce qui constitue un groupe?

R. Je souscris à cette interprétation.

Q. Dans le domaine de la rémunération, qu'est-ce qui constitue un groupe?

R. Le terme groupe n'a pas un sens particulier. Si on parle d'un groupe professionnel, on parle alors d'emplois dont les fonctions sont similaires mais dont les niveaux sont différents. Dans le groupe des agents de probation, il y aurait différents postes : agent de probation débutant, agent de probation principal et agent de probation superviseur. Voilà ce qui pourrait constituer une profession.

Q. À titre de praticienne, estimez-vous que le recours à une courbe composite ou à une courbe segmentée est autorisé en vertu de l'article 14?

R. J'estime que le recours à une courbe segmentée est conforme aux dispositions de l'article 14.

276. Plus loin dans son témoignage, Mme Weiner a indiqué que les dispositions de l'article 14 de l'Ordonnance laissait sous-entendre qu'il est justifié de recourir à la méthode de la courbe composite. Voici un extrait de son témoignage (volume 9, ligne 22 de la page 1223 à la ligne 14 de la page 1224) :

[Traduction]

Maintenant, vous avez fait allusion à l'article 14 de l'Ordonnance et indiqué qu'à votre avis on y prévoyait le recours à la méthode de la courbe segmentée.

R. On pourrait recourir à la méthode de la courbe segmentée aux fins de l'application de l'article 14, c'est vrai.

Q. Le feriez-vous --

R. Mais ce n'est pas nécessaire.

Q. Ce n'est pas nécessaire. C'était ma prochaine question.

Estimez-vous que l'article 14 prévoit aussi le recours à la méthode de la courbe composite?

R. Oui, voilà l'une des décisions que les parties pourraient prendre.

Q. Et, de la même façon, l'article 15 prévoit-il le recours à la méthode de la courbe composite?

R. Oui.

277. Mme Weiner a fourni d'autres précisions quant à son interprétation de l'article 14 de l'Ordonnance lors de son interrogatoire par l'avocat de l'intimé. Elle est d'avis que l'application des dispositions de l'article 14 prévoit des changements à la limite d'un groupe. Voici un extrait de son témoignage (volume 10, de la ligne 7 de la page 1441 à la ligne 4 de la page 1443) :

[Traduction]

Je vous demanderais maintenant de vous rappeler la teneur des articles 14 et 15 de les lire -- ou de lire les articles 12 et 13.

R. D'accord.

Q. Maintenant que vous en avez lu les dispositions, j'aimerais vous demander si vous convenez, à titre de spécialiste en équité salariale, que même le terme groupe, parce qu'il n'est pas défini, et vous avez déclaré dans votre témoignage -- et je cite ...n'a pas un sens particulier. Je vous reporte à la transcription de votre témoignage, au volume III, à la page 1049.

Q. Dans le domaine de la rémunération, qu'est-ce qui constitue un groupe?

Et vous avez répondu :

R. Le terme groupe n'a pas un sens particulier.

Je dois toutefois préciser, en toute justice, que vous avez qualifié votre réponse, et nous y reviendrons sous peu.

Mais, en ce moment, vous conviendrez que même si le terme groupe n'a pas de sens particulier, une fois que nous avons convenu de ce qui constitue un groupe, en termes d'unité, de groupe, il est nécessaire et très important de s'en tenir à cette unité tout au long du processus d'analyse de l'équité salariale et de ne pas changer les règles du jeu en cours de route, selon vos propres termes?

R. Le terme groupe semble, dans le présent contexte, faire allusion à un groupe professionnel.

Q. Oui.

R. D'accord. Puis, à l'article 14, on semble indiquer que le groupe professionnel plaignant doit -- on ne peut pas changer cela. Mais s'il y a d'autres groupes professionnels, plusieurs groupes professionnels à prédominance masculine mentionnés dans la plainte, j'estime que l'article 14 laisse entendre que ces groupes professionnels sont considérés comme un seul groupe. En conséquence, la limite de ce groupe change.

Q. Nous aborderons ce point sous peu, mais ma question est la suivante : à votre avis, comme nous ne disposons pas, en l'espèce, d'une définition précise du terme groupe, parce qu'il n'est pas défini, à votre avis, est-il important de s'en tenir à la définition retenue et de ne pas changer la définition de groupe en cours de route?

R. Règle générale, la cohérence est toujours préférable. Parfois, lorsqu'on examine des segments donnés, on constate pourquoi on appelle cela le génie malicieux des petites courbes. [c'est nous qui soulignons]

278. Plus loin, dans ce même volume, Mme Weiner a explicité davantage son interprétation de l'article 14 soulignant qu'il prévoyait des comparaisons entre des fourchettes de valeurs. Voici un extrait de son témoignage (de la ligne 21 de la page 1448 à la ligne 10 de la page 1449) :

[Traduction]

Q. Ma question est la suivante : n'est-il pas vrai qu'aux termes de l'article 14 les groupes de comparaison doivent être regroupés en un groupe et considérés comme un seul groupe?

A. C'est vrai.

Q. Estimez-vous que chacun de ces groupes doit être un groupe équivalent au groupe plaignant?

R. Un instant. Le libellé de l'article 14 ne le précise pas, mais je serais d'avis --

Q. Je vous demande si c'est cela votre interprétation?

R. Mon interprétation, c'est que l'on doit rechercher des emplois s'inscrivant dans une fourchette de valeurs similaire, mais non équivalente.

279. M. Sunter a éclairé le Tribunal sur l'interprétation de la Commission de l'article 14 de l'Ordonnance; voici un extrait de son témoignage (volume 107, lignes 8 à 21 de la page 12856) :

[Traduction]

Q. Passons à l'onglet 2, l'Ordonnance sur la parité salariale. Vous avez indiqué que vous en aviez déjà pris connaissance.

Pour être plus précis, reportons-nous aux articles 14 et 15 -- dans le cadre de votre analyse, quelle information figurant dans ces articles a été pertinente?

R. À mon avis, les dispositions de l'article 14 de l'Ordonnance laissent clairement entendre que je ne suis pas tenu -- et je fais allusion à ma propre analyse -- que je ne suis pas tenu de faire la distinction entre les groupes professionnels à prédominance masculine lorsque je suis à la recherche d'un groupe à comparer à un groupe donné à prédominance féminine, que je dois considérer tous les groupes à prédominance masculine comme constituant un seul groupe aux fins de la comparaison.

280. M. Durber a présenté l'approche empruntée par la Commission à l'égard de l'article 14 de l'Ordonnance, indiquant qu'elle fournit un point de repère aux fins de procéder à des comparaisons. Voici un extrait de son témoignage (volume 146, de la ligne 10 de la page 18081 à la ligne 1 de la page 18084) :

[Traduction]

Q. Veuillez vous rendre à l'article 14 de l'Ordonnance sur la parité salariale.

R. Voilà. J'estime que ces dispositions sont parfois interprétées trop littéralement. En voici la teneur :

Si le groupe professionnel ayant déposé la plainte est comparé à plusieurs autres groupes professionnels, ceux-ci sont considérés comme un seul groupe.

À mon avis le terme clé est considérés. Lorsque je dis interprété littéralement, je ne veux pas tout à fait dire littéralement, car si les gens lisent le terme considérés, ils sauront que nous ne regroupons pas, dans les faits, tous ces autres groupes en un seul. Mais parfois les gens, en dépit du terme considérés, pensent que, dans les faits, nous constituons un seul groupe professionnel. Notre démarche a tout simplement pour objet de se donner un point de repère.

C'est une situation plutôt analogue au paragraphe 11(2) où, vous vous en rappellerez, nous établissons une moyenne pondérée aux fins de se donner un point de repère. Ainsi, lorsque nous pouvons identifier plusieurs groupes, deux ou plus, nous les regroupons afin de traiter collectivement les observations qui s'en dégagent.

Q. Est-ce là le sens à attribuer à l'expression autres groupes?

R. Les groupes de comparaison. J'estime qu'il s'agit là de l'objet de l'article 14. Il a été rédigé dans le même esprit, à mon avis, que le paragraphe 11(2).

Q. Encore une fois, vous avez mentionné précédemment que la Commission interprète libéralement les dispositions de la Loi et de l'Ordonnance. Vous venez de nous donner votre interprétation du terme considérés.

Y a-t-il d'autres éléments dans cet article de l'Ordonnance à l'égard desquels vous pourriez nous éclairer sur l'application par la Commission des dispositions de l'article 14?

R. À mon avis, il est fort probable que vous devrez aborder la question des groupes entiers et si nous devons ou non considérer les groupes comme s'ils constituaient des groupes entiers. À plusieurs reprises dans l'Ordonnance, vous constaterez qu'il est fait allusion à la comparaison des fonctions exercées. Je suis persuadé que nous aborderons de nouveau ce point. Alors, j'attribue au terme groupe une définition relativement large; c'est-à-dire, je ne lui attribue pas la définition d'un groupe professionnel distinct établi par un employeur.

Q. Quelle est la relation entre cet article et le paragraphe 11(1) de la Loi où il est question de travail de valeur équivalente, d'individus ou d'employés qui exécutent des fonctions équivalentes?

R. J'estime qu'il nous appartient d'examiner l'équivalence des fonctions, de ne pas s'en tenir aux structures professionnelles existantes lorsque nous faisons des comparaisons.

En d'autres termes, j'estime que si le respect de la structure professionnelle établie par un employeur constitue une entrave à l'exécution des comparaisons générales des fonctions aux termes du paragraphe 11(1), alors, à mon avis, nous devons nous pencher sur les fonctions exécutées plutôt que sur les groupes, si encore une fois, la situation pose problème.

281. Dans une perspective similaire à celle de la Commission, Mme Weiner a porté une attention particulière à la comparaison de fonctions plutôt qu'à la comparaison de groupes. Voilà pourquoi elle ne se préoccupait pas du fait que le groupe de comparaison à prédominance masculine justifie de cotes numériques élevées ou faibles (valeurs plafonds et valeurs planchers), cotes provenant de groupes professionnels à prédominance masculine différents (pièce R-18). Elle n'était pas non plus préoccupée par le fait que le groupe de comparaison à prédominance masculine constitué à partir de la fourchette de valeurs du groupe à prédominance féminine n'était pas, dans les faits, un groupe professionnel. Voici un extrait de son témoignage (volume 10, de la ligne 2 de la page 1459 à la ligne 8 de la page 1460) :

[Traduction]

Q. Elles [les valeurs plafonds et planchers] proviennent de groupes professionnels différents.

Comment pouvons-nous les qualifier de groupe?

R. Les similitudes, ce qui est pertinent au titre de l'exercice d'équité salariale, c'est qu'il s'agit de fonctions exécutées par des hommes dont les valeurs s'inscrivent dans la fourchette de valeurs de fonctions exécutées par des femmes. Par conséquent, on dispose d'un moyen pour établir une norme aux fins de procéder à l'exercice d'équité salariale -- pour établir si le principe de l'égalité de rémunération pour fonctions équivalentes est appliqué.

Q. Voici ma question : Changeons-nous les règles du jeu en cours de route lorsque nous définissons d'une façon le groupe professionnel plaignant, puis que nous constituons un groupe de comparaison à partir d'éléments, de valeurs plafonds et planchers, provenant de plusieurs groupes professionnels?

R. Je dirais que non.

Q. Nous ne les changeons pas.

R. De fait, nous choisissons des éléments que nous comparons à un groupe entier... --

Q. Oui.

R. -- d'une certaine façon -- mais ces règles ont un but et le but est d'établir s'il y a égalité de rémunération pour fonctions équivalentes. Malheureusement, les organisations ne sont pas toujours structurées de façon à faire de cet exercice un exercice simple.

Nous devons donc, en nous inspirant de ces principes, déterminer comment procéder et s'assurer que nous le faisons en conformité avec ces principes, même si parfois nous semblons pêcher par incohérence. [c'est nous qui soulignons]

282. Tant Mme Weiner que M. Sunter ont interprété les dispositions de l'article 14 comme permettant, dans les faits, la comparaison de fonctions exécutées par des femmes et par des hommes sans s'en tenir à une structure de groupes. Voici la réponse donnée par Mme Weiner à l'avocat de l'intimé concernant l'application de l'article 14 de l'Ordonnance (volume 10, lignes 8 à 10 de la page 1449) :

Mon interprétation, c'est que l'on doit rechercher des emplois s'inscrivant dans une fourchette de valeurs similaire, mais non équivalente.

D. Validité de l'article 14 de l'Ordonnance sur la parité salariale

283. L'avocat de l'intimé soutient que l'article 14 de l'Ordonnance est invalide parce qu'il va à l'encontre de l'article 11 de la Loi en autorisant la constitution d'un groupe de comparaison à prédominance masculine sans imposer le respect du principe d'équivalence énoncé à l'article 11 de la Loi. L'avocat de l'intimé soutient que l'article 11 de la Loi porte qu'il faut retenir à titre de groupe de comparaison le groupe professionnel à prédominance masculine le moins bien rémunéré afin d'éliminer la discrimination fondée sur le sexe. Selon l'avocat de l'intimé, l'expression fonctions équivalentes à l'article 11 de la Loi confirme la comparaison au groupe professionnel à prédominance masculine le moins bien rémunéré.

284. De l'avis de l'intimé, l'article 14 de l'Ordonnance impose le regroupement de groupes professionnels à prédominance masculine exécutant des fonctions équivalentes. Une telle exigence, soutient l'intimé, a pour effet d'attribuer à la Loi un but qui n'est pas le sien, le but visé étant, nommément, l'élimination de la discrimination fondée sur le sexe. L'intimé soutient que la Commission a outrepassé les pouvoirs qui lui sont consentis en vertu de l'article 27 de la Loi, à savoir qu'elle a établi, par ordonnance, une exigence qui, soutient l'intimé, déborde de l'objet et des dispositions de la Loi et n'est pas compatible avec la Loi.

285. L'avocat de l'intimé soutient que l'article 14 de l'Ordonnance ne peut être appliqué sans tenir compte de l'article 15 de l'Ordonnance, car l'article 14 ne précise que ce qu'il faut faire lorsqu'il y a plus d'un groupe de comparaison à prédominance masculine. Si nous devions en conclure que l'article 14 est valide et que les groupes de comparaison à prédominance masculine sont considérés comme un seul groupe, alors l'avocat de l'intimé soutient que l'article 15, lorsqu'interprété à la lumière des dispositions de l'article 14, précise les règles à observer pour établir l'écart salarial. Toutefois, de l'avis de l'intimé, si nous devions conclure que l'article 14 est invalide et que nous retenions à titre de groupe de comparaison le groupe professionnel à prédominance masculine le moins bien rémunéré, il serait alors possible d'appliquer l'article 15 sans tenir compte des dispositions de l'article 14 (volume 243, page 32463). L'avocat de l'intimé soutient également qu'en appliquant les dispositions de l'article 15 de l'Ordonnance, on peut tracer la courbe des salaires du groupe professionnel à prédominance masculine le moins bien rémunéré aux fins d'établir le salaire moyen et la valeur des fonctions du groupe.

286. L'intimé soutient que l'article 14 de l'Ordonnance élargit la définition d'équivalence en autorisant les comparaisons fondées sur la thèse de l'équité en moyenne de la Commission (voir la section III, B), élargissant ainsi le principe de l'équivalence à des situations ne concernant pas la discrimination salariale fondée sur le sexe. De l'avis de l'avocat de l'intimé, le principe de l'équité en moyenne est incompatible avec le principe de fonctions équivalentes car on fait alors appel à des éléments additionnels, notamment à des considérations de principe autres que la discrimination. L'avocat de l'intimé expose ce point de vue au volume 243, de la ligne 18 de la page 32398 à la ligne 14 de la page 32399 :

[Traduction]

LA PRÉSIDENTE : Comment déborde-t-on de l'objet de la Loi?

M. FRIESEN : L'objet de la Loi est d'éliminer les pratiques discriminatoires et, de l'avis de l'intimé, cet objectif est atteint en alignant la rémunération sur celle du groupe de comparaison à prédominance masculine le moins bien rémunéré. Or, l'article 14 de l'Ordonnance prévoit que nous devons rajuster la rémunération non seulement en se fondant sur celle du groupe de comparaison à prédominance masculine le moins bien rémunéré, mais aussi en l'alignant sur le salaire moyen de tous les groupes de comparaison exécutant des fonctions équivalentes.

Il s'agit là d'un rajustement additionnel qui fait appel à des considérations de principe autres que la discrimination. De fait, l'objectif visé est de parvenir à une équité en moyenne.

Dans les arguments avancés par l'intimé, le principe de l'équité en moyenne, qui pourrait s'avérer un principe très valable, est fort différent. Dans l'avenir, le Parlement pourrait décider que les femmes doivent être rémunérées selon le principe de l'équité en moyenne. Or, les dispositions relatives à l'équité salariale sur lesquelles se penche le Tribunal s'inscrivent dans une loi concernant les droits de la personne, dont l'objet exprès est d'éliminer la discrimination, et seulement la discrimination.

En conséquence, si l'objet de la Loi est d'éliminer les pratiques discriminatoires et si l'Ordonnance est assortie d'éléments additionnels faisant appel à d'autres principes, alors ces derniers principes débordent de l'objet de la Loi.

287. Les arguments de la Commission concernant l'équité en moyenne sont présentés à la section III-B de la présente décision. En bref, la Commission favorise une interprétation de l'article 11 de la Loi postulant l'équité en matière d'emploi et l'équité en matière de rémunération pour les employés de groupes plaignants à prédominance féminine. Essentiellement, la Commission soutient que les employés qui ont porté plainte et qui exécutent des fonctions équivalentes à celles d'individus occupant un emploi à prédominance masculine devraient justifier de chances égales de gagner, en moyenne, un salaire équivalent à celui des employés des groupes à prédominance masculine. La Commission soutient que cette interprétation découle de l'article 2 de la Loi où est en précisé l'objet. Voici un extrait de l'article 2 de la Loi :

2. La présente loi a pour objet de compléter la législation canadienne en donnant effet, dans le champ de compétence du Parlement du Canada, au principe suivant : le droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l'égalité des chances d'épanouissement...

288. Selon l'avocat de l'intimé, l'objectif d'équité en moyenne est également incompatible avec le principe de la causalité car il a pour effet non seulement d'éliminer les pratiques discriminatoires fondées sur le sexe, mais aussi de produire un rajustement salarial fondé sur des motifs autres que le sexe.

289. Aux termes du paragraphe 27(2) de la Loi, la Commission peut, sur demande ou de sa propre initiative, préciser les limites et les modalités de l'application des dispositions de la Loi qui s'appliquent dans un cas donné. Voici le libellé du paragraphe 27(2) :

(2) Dans un cas ou une catégorie de cas donnés, la Commission peut, sur demande ou de sa propre initiative, décider de préciser, par ordonnance, les limites et les modalités de l'application de la présente loi.

290. Nous avons passé en revue l'historique de l'Ordonnance, notamment des articles 12 à 15 concernant les plaintes collectives. L'article 14 de l'Ordonnance est un texte d'application établi en vertu du paragraphe 27(a) de la Loi. L'interprétation d'un texte d'application a été soulevée dans la décision rendue par le Tribunal dans le cadre de la phase I, supra, concernant le paragraphe 9(a) de l'Ordonnance et l'interprétation de l'expression partialité fondée sur le sexe. Le Tribunal a fait valoir la présomption en faveur de la validité des règlements pris à la lumière de leur loi habilitante. Nous nous sommes alors reportés aux observations de Pierre André-Côté, auteur de Interpretation of Legislation in Canada, 2e édition, dont voici un extrait tiré de la page 310 de cet ouvrage :

[Traduction]

Finalement il faut signaler que les règlements ne sont pas seulement réputés demeurer intra vires, mais aussi être formellement cohérents par rapport à la loi habilitante.

291. De l'avis de l'Alliance, l'Ordonnance est le fruit d'un exercice valable mené par la Commission en vertu des pouvoirs discrétionnaires qui lui sont conférés aux termes du paragraphe 27(2) de la Loi et que, dans l'ensemble, elle est cohérente par rapport à Loi, y compris l'article 11, l'Ordonnance constituant un instrument approprié pour mettre en oeuvre l'équité salariale. L'Alliance soutient que la question fondamentale concernant l'article 14 de l'Ordonnance exige un examen de la loi habilitante afin de déterminer si l'Ordonnance est valide.

292. La Commission a fait valoir le principe bien établi de la présomption de cohérence concernant l'interprétation des lois. Les dispositions d'une loi sont présumées cohérentes et il est prévu qu'elles seront appliquées collectivement, l'ensemble des dispositions constituant un tout. La présomption de cohérence s'applique tant aux lois qu'aux règlements. On présume que les dispositions d'un texte réglementaire forment un tout, non seulement eu égard à la loi habilitante, mais également eu égard aux autres lois et aux autres règlements. À cet égard, le principe directeur est énoncé dans Driedger on the Construction of Statutes, 3e édition, de Ruth Sullivan (Toronto : Butterworths, 1994), à la page 176 :

[Traduction]

Le principe directeur. Il est présumé que les dispositions d'une loi ont été formulées de façon à former un tout, tant au plan logique qu'au plan téléologique, l'ensemble des éléments constituant un tout. On présume que les éléments s'imbriquent de façon logique les uns dans les autres pour constituer un cadre rationnel et cohérent; et comme le cadre a un but, on présume également qu'il y a une relation dynamique entre les éléments, chacun contribuant d'une façon ou d'une autre à l'accomplissement du but avoué.

La présomption de cohérence est également une présomption suivant laquelle il n'y a pas de conflit interne entre les éléments. Il est présumé que l'ensemble des lois adoptées par un gouvernement est libre de contradictions ou d'incohérences, que chacune des dispositions des lois peuvent être appliquées sans être en contradiction avec une autre. Tel que l'a précisé le juge La Forest dans l'affaire Friends of Oldman River Society v. Canada (ministre des Transports) :

Il existe une présomption que le législateur n'a pas eu l'intention d'adopter des textes contradictoires ou d'habiliter quiconque à le faire.

Dans l'affaire J.A. MacKeigan c. Comm. royale (enquête Marshall), le juge McLachlin a écrit :

Au départ, j'estime, à titre de principe fondamental, que les dispositions d'une loi traitant d'un même sujet doivent être interprétées collectivement, dans toute la mesure du possible, afin d'éviter les contradictions... Ainsi, il est plus probable que l'esprit réel du législateur soit respecté.

293. Dans les affaires auxquelles il a fait référence, l'intimé a soulevé la question de l'outrepassement par un organisme des pouvoirs qui lui ont été conférés par une loi habilitante lorsqu'il établit des règlements. Ces affaires portent sur des cas où des organismes de réglementation ont outrepassé les pouvoirs qui leur ont été conférés dans leur propre domaine de compétence en vertu de leur loi habilitante respective.

294. La première de ces affaires est la Utah Construction & Engineering Pty. Ltd. v. Pataky, [1966] A.C. 629 (Privy Council). Cette affaire concerne un appel interjeté auprès de la Cour suprême de la Nouvelle-Galles du Sud contestant un règlement établi en vertu de la Scaffolding and Lifts Act. L'intimé avait subi des blessures alors qu'il était à l'emploi de la partie appelante au moment où il exécutait des travaux de percement d'un tunnel. Il avait présenté une requête en dommages-intérêts au motif que la partie appelante n'avait pas observé les dispositions du règlement. La Cour suprême de la Nouvelle-Galles du Sud avait renversé une décision antérieure où l'intimé n'avait pas eu gain de cause au motif que le règlement était ultra vires en vertu de la loi habilitante.

295. Le Conseil privé a accueilli l'appel en rétablissant le jugement de première instance et en concluant que le règlement en question avait élargi la portée ou l'application générale de la loi et qu'il ne pouvait être interprété en corrélation avec les dispositions habilitantes de la loi. Le Conseil privé a conclu que le règlement, qui imposait un devoir absolu de protéger les employés affectés à l'aménagement de la route et du tunnel, élargissait la portée des dispositions de la loi habilitante concernant la façon de mener des travaux d'excavation. Le Conseil privé a conclu que le gouvernement de la Nouvelle-Galles du Sud avait outrepassé les pouvoirs qui lui étaient conférés par la Loi et a déclaré ultra vires les pouvoirs que lui conférait le texte de loi.

296. Une autre des affaires citées concerne une décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Metropolitan Toronto v. Village of Forest Hill, [1957] S.C.R. 569. Dans cette affaire, la question en litige était la suivante : Est-ce que la Municipalité de la communauté urbaine de Toronto était autorisée, aux termes de l'article 41 de la Charte de la Municipalité, à adopter un règlement municipal afin de procéder à la fluoration de l'approvisionnement en eau potable. Aux termes de l'article 41 de la Municipality of Metropolitan Toronto Act, le Conseil municipal était autorisé à adopter des règlements municipaux, inter alia, [traduction] pour procurer aux habitants de la Région métropolitaine un approvisionnement continu et abondant en eau pure et saine. La Municipalité avait décidé de recourir à la fluoration afin de favoriser la santé dentaire et la prévention des caries chez les habitants de la Région métropolitaine. Dans la décision rendue à la majorité, le juge Rand a maintenu que la fluoration de l'eau visait un but distinct et différent de celui de promouvoir la consommation courante d'eau aux fins de répondre aux besoins essentiels des habitants. La Cour a conclu que le Conseil municipal, en procédant à la fluoration de l'eau dans un but sanitaire, avait outrepassé les pouvoirs lui conférant le droit d'assurer à la population un approvisionnement en eau pure et saine. L'avocat de l'intimé s'est reporté aux observations du juge Cartwright qui partageait le point de vue de la majorité, dont voici un extrait tiré de la page 580 :

[Traduction]

La question en litige concerne l'autorité du Conseil d'adopter le règlement en cause, et la réponse tient à la nature du domaine à l'égard duquel il a exercé ses pouvoirs... Le règlement a pour objet et pour effet d'obliger les habitants de la Région métropolitaine, qu'ils le souhaitent ou non, d'ingérer quotidiennement de petites quantités de fluore dans le but de rendre un grand nombre d'entre eux moins susceptibles aux caries, but attesté par des preuves. L'approvisionnement en eau a été retenu à cette fin car il constitue un véhicule efficace. En essence et en substance, ce règlement ne concerne pas l'approvisionnement en eau potable mais l'administration obligatoire aux habitants de la région d'un médicament à titre préventif. À mon avis, le libellé des dispositions réglementaires invoquées par la partie appelante ne confère pas au Conseil l'autorité d'adopter des règlements municipaux dans ce domaine.

297. L'intimé a également cité l'affaire Ainsley Financial Corp. et al. v. Ontario Securities Commission et al. (1993), 106 D.L.R. (4th) 507 (Division générale de la Cour de l'Ontario). La procédure concernait la validité d'un énoncé de politique émis par la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario (CVMO) et sa compétence à promulguer des énoncés de politique. La CVMO avait émis un énoncé de politique stipulant qu'elle s'attendait à ce que les courtiers en valeurs mobilières se conforment à une politique assortie de mesures détaillées et restrictives concernant la vente d'actions cotées en cents. La Cour a statué que la CVMO ne justifiait pas des pouvoirs réglementaires l'autorisant à émettre de tels énoncés de politique. Dans sa décision, le juge Blair a fait allusion à l'affaire Pezim v. British Columbia (Superintendent of Brokers) (1992), 96 D.L.R. (4th) 137 (B.C.C.A.) concernant une situation quelque peu analogue à l'affaire Ainsley, supra. Dans sa décision, le juge Blair a cité un passage de l'affaire Pezim, supra, (page 527) :

[Traduction]

Sans me prononcer sur l'autorité de la Commission de faire enquête et d'imposer des pénalités à l'égard de comportements non conformes à ce que la Commission estime appropriés pour ceux et celles se livrant au commerce des valeurs mobilières, je suis d'avis que lorsque le type de comportements en cause est un comportement qui est étroitement régi par des dispositions législatives, comme la divulgation de changements importants ou de faits importants, la Commission ne justifie pas des pouvoirs d'imposer des normes différentes et plus rigoureuses que celles adoptées et imposées spécifiquement par le législateur, puis de prendre des mesures pénales eu égard au non-respect de ces normes, lequel ne va pas à l'encontre des normes établies dans la loi...

Il ne faut pas en conclure que des normes plus élevées ne soient pas souhaitables. Cette question doit être résolue moyennant l'exercice d'un jugement politique prudent. Mais ces normes ne devraient pas être considérées comme étant obligatoires lorsque le législateur qui, au terme de son examen des questions de principe, a spécifiquement décidé de ne pas les rendre obligatoires.

298. Voici, suite à son renvoi à l'affaire Ainsley, supra et Pezim, supra, la conclusion de l'intimé (volume 244, lignes 9 à 16 de la page 32625) :

[Traduction]

Au bout du compte, ce que nous soutenons, c'est que certaines personnes considèrent fort souhaitable l'application du principe de l'équité en moyenne. Or, si le législateur n'a pas prévu l'application du principe de l'équité en moyenne, il n'appartient pas à la Commission canadienne des droits de la personne d'affirmer : nous sommes d'avis que pour parvenir à l'équité salariale il faut appliquer le principe de l'équité en moyenne, lorsque le législateur a pris des dispositions pour supprimer la discrimination et qu'il y a une distinction à faire entre les deux. Au vu de ce motif, nous affirmons que le règlement est invalide.

299. Les dispositions du paragraphe 27(2) de la Loi, aux termes desquelles la Commission est habilitée à émettre des directives, ne sont pas restrictives dans la mesure où elles ne précisent pas ou ne limitent pas les domaines pouvant faire l'objet d'ordonnances, comme c'est le cas dans les affaires citées par l'intimé. La phrase clé du paragraphe 27(2) de la Loi se lit comme suit : la Commission peut, sur demande ou de sa propre initiative, décider de préciser, par ordonnance, les limites et les modalités de l'application de la présente Loi. Les affaires citées par l'avocat de l'intimé ne confèrent pas aux organismes de réglementation visés par une loi habilitante des pouvoirs discrétionnaires aussi vastes que ceux énoncés au paragraphe 27(2) de la Loi et elles se démarquent en ce sens des pouvoirs ainsi conférés à la Commission. La question n'est pas d'établir si la Commission a outrepassé les pouvoirs qui lui sont conférés en vertu du paragraphe 27(2) de la Loi. La question fondamentale est de déterminer si l'article 14 de l'Ordonnance propose un moyen de mettre en oeuvre le principe de l'équivalence et des fonctions équivalentes, obligation stipulée à l'article 11 de la Loi.

300. L'article 14 de l'Ordonnance fournit peu, voire aucune aide aux parties ou au Tribunal dans sa quête d'un mécanisme approprié pour mettre en oeuvre ces principes. Il en ressort un sentiment d'incertitude en raison de l'imprécision du libellé de l'article 14 lorsque l'on aborde les difficultés et la complexité techniques propres à l'application des dispositions. Le problème que pose l'expression groupe professionnel, par exemple, est bien illustré dans le témoignage de Mme Weiner, auquel nous avons déjà fait référence, au moment de son contre-interrogatoire concernant l'article 14. Nous reproduisons de nouveau cet extrait du volume 10, de la ligne 7 de la page 1442 à la ligne 4 de la page 1443 :

[Traduction]

R. Le terme groupe semble, dans le présent contexte, faire allusion à un groupe professionnel.

Q. Oui.

R. D'accord. Puis, à l'article 14, on semble indiquer que le groupe professionnel plaignant doit -- on ne peut pas changer cela. Mais s'il y a d'autres groupes professionnels, plusieurs groupes professionnels à prédominance masculine mentionnés dans la plainte, j'estime que l'article 14 laisse entendre que ces groupes professionnels sont considérés comme un seul groupe. En conséquence, la limite de ce groupe change.

Q. Nous aborderons ce point sous peu, mais ma question est la suivante : à votre avis, comme nous ne disposons pas, en l'espèce, d'une définition précise du terme groupe, parce qu'il n'est pas défini, à votre avis, est-il important de s'en tenir à la définition retenue et de ne pas changer la définition de groupe en cours de route?

R. Règle générale, la cohérence est toujours préférable. Parfois, lorsqu'on examine des segments donnés, on constate pourquoi on appelle cela le génie malicieux des petites courbes. [c'est nous qui soulignons]

301. De l'avis de l'avocat de l'intimé, l'article 14 de l'Ordonnance déborde sur la soi-disant zone de non-discrimination, soulevant en conséquence des questions de principe autres que la discrimination (volume 243, p. 32479). En termes plus simples, si quatre groupes professionnels à prédominance masculine justifient de salaires différents mais exécutent des fonctions équivalentes à chacun des autres groupes masculins et au groupe professionnel à prédominance féminine et que ces quatre groupes sont réunis en un seul groupe de comparaison, il ne s'agit plus alors de prendre des mesures correctives pour éliminer la discrimination fondée sur le sexe. Comme les écarts salariaux entre les groupes à prédominance masculine ne peuvent être imputés à de la discrimination fondée sur le sexe, si on réunit les quatre groupes professionnels à prédominance masculine en un groupe constitué de plusieurs groupes, cela aurait pour effet de produire des écarts salariaux tenant à des facteurs autres que la discrimination.

302. L'objet de l'article 11 de la Loi est de procurer une réparation efficace en matière de discrimination salariale. Le contexte historique qui a mené à l'inclusion de l'article 11 dans la Loi en 1979 est la reconnaissance par des organismes tels que le BIT, les Nations Unies, la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme au Canada, ainsi que par le grand public, que le travail exécuté par les femmes était sous-évalué et qu'il s'imposait d'adopter une loi pour corriger la situation.

303. Tant Mme Weiner que M. Armstrong ont fait mention, dans leurs témoignages, de pratiques salariales n'attribuant pas la même valeur à des fonctions exécutées par des femmes, fonctions qui, historiquement, sont différentes de celles exécutées par des hommes, ledit écart salarial s'étant perpétué jusqu'à ce jour. Peu à peu, au fil des ans, alors que de plus en plus de femmes sont arrivées sur le marché du travail et compte tenu de l'évolution des tâches à exécuter, on a constaté l'application d'une méthode plus objective et plus analytique à l'évaluation de la valeur des tâches exécutées par des femmes. Voilà ce qui a mené à la reconnaissance du fait que les législateurs, les tribunaux et la société en général pratiquaient la discrimination systémique.

304. À notre avis, l'article 14 de l'Ordonnance a pour objet de faciliter la comparaison de tâches exécutées par des hommes et par des femmes. Il permet de fondre en un tout les fonctions exécutées par des hommes. Nous sommes également d'avis que l'article 14 de l'Ordonnance est compatible avec l'article 11 de la Loi. L'article 14 propose tout simplement un moyen de comparer des fonctions exécutées par des hommes à celles exécutées par des femmes. Il cerne les valeurs masculines des groupes à prédominance masculine auxquelles on peut se reporter pour mettre en oeuvre une méthode de rajustement salarial.

305. Nous sommes d'avis que la mention de groupe professionnel fait allusion aux groupes qui ont été désignés, aux termes de l'application des dispositions de l'article 13 de l'Ordonnance, des groupes à prédominance féminine ou masculine. L'expression sont considérés comme un seul groupe (le groupe constitué de plusieurs groupes) décrit comment seront traités les groupes de comparaison à prédominance masculine lors de l'application de la méthode de rajustement salarial. Nous estimons également que la mention de l'expression groupe professionnel ne signifie pas que la comparaison des fonctions exécutées par des hommes et par des femmes doit se faire à la lumière des groupes professionnels entiers établis en vertu du système de classification de l'intimé.

306. Tel que l'a précisé la spécialiste en équité salariale, Mme Weiner, il y a toute une gamme de méthodes de rajustement salarial parmi lesquelles choisir pour parvenir à l'équité salariale, et aucune d'entre elles n'est mentionnée à l'article 14 de l'Ordonnance. Nous sommes d'avis que si l'écart salarial est établi à l'aide d'une méthode qui respecte les principes de fonctions équivalentes et d'équivalence, conformément à l'article 11 de la Loi, alors la prétention suivant laquelle il y a eu discrimination fondée sur le sexe aura été établie prima facie. C'est dans cette perspective que nous examinerons les différentes méthodes proposées par les parties.

307. En conséquence, à la lumière de nos constatations, nous ne retenons pas les arguments de l'intimé à l'effet que l'article 14 de l'Ordonnance est invalide.

E. Article 15 de l'Ordonnance sur la parité salariale

308. n trouve, à l'article 15 de l'Ordonnance, certaines indications sur la façon de procéder aux comparaisons. On y aborde les comparaisons directes et indirectes. Voici le libellé de l'article 15 de l'Ordonnance :

15(1) Pour l'application de l'article 11 de la Loi, lorsque la plainte déposée dénonce une situation de disparité salariale entre un groupe professionnel et un autre groupe professionnel et qu'une comparaison directe de ces deux groupes ne peut être faite quant à l'équivalence des fonctions et aux salaires des employés, une comparaison indirecte de ces éléments peut être faite.

(2) Pour la comparaison des salaires des employés des groupes professionnels visés au paragraphe (1), la courbe des salaires du groupe professionnel mentionné en second lieu doit être utilisée pour établir l'écart, s'il y a lieu, entre les salaires des employés du groupe professionnel en faveur de qui la plainte est déposée et de l'autre groupe professionnel.

309. L'affaire en instance concerne des plaintes collectives et chacune des parties a admis qu'il était impossible de procéder à des comparaisons directes entre les groupes plaignants et des groupes de comparaison. La difficulté de procéder à des comparaisons directes est très bien expliquée à l'alinéa 139 du mémoire de la Commission que voici :

[Traduction]

(139) Comme il est peu probable que toutes les observations masculines [évaluation d'emplois] concernant un échantillon ou une population d'un groupe professionnel des effectifs d'un employeur aient exactement la même valeur que celles des emplois féminins de l'établissement de l'employeur, il s'avère impossible, dans la plupart des plaintes collectives, de procéder à des comparaisons directes.

310. L'avocat de l'intimé se rend à ce point de vue comme en atteste le passage suivant (volume 239, ligne 23 de la page 31742 à la ligne 6 de la page 31743) où, après avoir fait référence à l'article 15 de l'Ordonnance, l'avocat de l'intimé a soutenu ce qui suit :

[Traduction]

J'estime que le fait que nous ne puissions comparer directement les fonctions et les salaires de groupes professionnels n'est pas, en l'instance, une question que le Tribunal est appelé à trancher. Les fonctions ne peuvent -- plutôt, les fonctions et les salaires ne peuvent être comparés directement. C'est ce que soutiennent MM. Sadler et Durber et, à mon avis, cela ne pose pas problème. Or, ces dispositions [de l'article 15 de l'Ordonnance] stipulent que les fonctions et les salaires peuvent alors être comparés indirectement. [c'est nous qui soulignons]

Plus loin, dans le volume 239, aux lignes 7 à 10 de la page 31745, l'avocat de l'intimé a ajouté ce qui suit :

[Traduction]

Nous savons que nous ne pouvons pas faire de comparaisons directes en l'instance, que nous devons faire des comparaisons indirectes. C'est le seul choix dont nous disposons.

311. L'avocat de l'Alliance a indiqué au Tribunal, plus tôt lors des audiences, qu'il s'avérait nécessaire de procéder à des comparaisons indirectes. Voici un extrait de son témoignage (volume 249, de la ligne 9 de la page 33337 à la ligne 2 de la p. 33338) :

[Traduction]

Lorsque la situation est plus complexe que celle-là, ou pour l'exprimer, disons, de façon positive, lorsqu'il s'agit d'une situation où il faut composer avec divers régimes de rémunération, diverses normes de déclassification (sic), et que les fonctions ne concordent pas comme en l'instance, alors il faut recourir à des comparaisons indirectes et à des courbes de régression.

Voilà pourquoi, lorsque nous aborderons les lois provinciales, presque tout le monde -- tout le monde utilise une méthode d'analyse de régression quelconque parce qu'il s'avère impossible de procéder à une comparaison claire et nette des fonctions de deux emplois, une méthode à laquelle Mme Weiner a fait allusion.

Je soutiens donc qu'en l'instance nous devons procéder manifestement à une comparaison indirecte au sens de l'article 15 et, en conséquence, la courbe des salaires qui est mentionnée dans cet article s'applique en l'espèce. Je ne comprends pas comment quelqu'un pourrait soutenir le contraire.

312. L'interprétation de l'intimé des expressions comparaison directe et comparaison indirecte aux termes du paragraphe 15(1) de l'Ordonnance est résumée dans les [traduction] Notes pour la plaidoirie de l'intimé. En voici des extraits illustrant les arguments indirects soumis par l'intimé à cet égard (alinéas 20 et 21 de la page 6 et 22 et 23 de la page 7) :

[Traduction]

20. Si l'expression comparaison directe signifie une comparaison avec un groupe exécutant des fonctions équivalentes, alors l'expression comparaison indirecte à l'alinéa 15(1) de l'Ordonnance signifierait une comparaison avec un groupe exécutant des fonctions non équivalentes, et les dispositions de ce paragraphe seraient invalides car elles iraient à l'encontre de l'article 11 de la Loi. Mme Weiner a peut-être décrit ce genre de comparaison indirecte, qui est acceptée en Ontario, mais aucune des parties n'a souscrit à cette interprétation du paragraphe 15(1) de l'Ordonnance.

21. Quoi qu'il en soit, le Tribunal n'a pas à trancher cette question car le paragraphe 15(1) stipule que des comparaisons indirectes ne s'imposent que lorsqu'une comparaison directe ne peut être faite. Afin d'établir qu'une comparaison directe... ne peut être faite, le Tribunal devrait conclure qu'il n'existe pas de groupe professionnel à prédominance masculine exécutant des fonctions équivalentes. En l'instance, il est possible de procéder à la comparaison de chacun des groupes plaignants avec un groupe exécutant des fonctions équivalentes.

22. Si l'expression comparaison directe au paragraphe 15(1) signifie procéder à une comparaison sans recourir à une courbe des salaires, alors l'expression une comparaison indirecte... peut être faite signifie une comparaison à l'aide d'une courbe des salaires représentant les salaires et la valeur des fonctions du groupe professionnel de comparaison. Le cas échéant, les dispositions de l'article 15 seraient compatibles avec celles de l'article 11 de la Loi et pourraient être appliquées tel quel. Nous soumettons respectueusement que c'est cette dernière interprétation que le Tribunal devrait retenir.

23. En conséquence, une interprétation juste de l'article 15 de l'Ordonnance et de l'article 11 de la Loi nous amène à la conclusion que, en l'instance en matière de droit, l'écart salarial doit être établi en procédant à une comparaison avec la courbe des salaires d'un groupe professionnel exécutant des fonctions équivalentes. [c'est nous qui soulignons]

313. Au volume 7, à la page 1049, Mme Weiner a présenté son explication de l'expression comparaison indirecte au sens de l'article 15 de l'Ordonnance. À son avis, une comparaison indirecte procède de l'utilisation d'une courbe des salaires afin d'établir l'équivalence.

314. M. Durber, de la Commission, a été invité à décrire l'interprétation de la Commission de l'article 15 de l'Ordonnance. Il a abordé les dispositions du paragraphe 15(1) au volume 146, lignes 2 à 25 de la page 18084 :

[Traduction]

Q. Passons maintenant au paragraphe 15(1) de l'Ordonnance sur la parité salariale.

Ce paragraphe traite des situations où il est impossible de procéder à des comparaisons directes.

R. C'est juste. Voilà, à mon avis, une progression intéressante de la démarche intellectuelle; c'est-à-dire, des comparaisons directes aux comparaisons indirectes.

C'est une situation analogue à celle abordée aux paragraphes 11(1) et (2) eu égard aux plaintes individuelles lorsque j'ai suggéré, aux termes du paragraphe 11(1), que si nous avions deux individus, nous procéderions à une comparaison directe. Aux termes du paragraphe 11(2), il est impossible de procéder à une comparaison directe, alors nous nous fondons sur des valeurs moyennes pondérées, de fait, une comparaison indirecte.

Dans le cas présent, il est question de groupes. Il est fort difficile, dans les faits, d'imaginer qu'il puisse être possible de procéder à la comparaison directe de deux groupes, mais je peux vous donner un exemple. L'objet de ce paragraphe est fort similaire à l'objet du paragraphe 11(2). On n'y retrouve pas, évidemment, l'expression moyenne pondérée, mais on y précise qu'on peut faire des comparaisons indirectes; ainsi, ce qu'il est possible de faire, c'est de créer des points de référence pour les groupes à prédominance féminine et les groupes à prédominance masculine, puis de les comparer.

M. Durber a ensuite ajouté :

[Traduction]

J'estime que sans recourir à des mesures indirectes, la question de l'équité salariale, sauf lorsqu'il s'agit de deux individus, s'avère impossible à régler. Sans procéder à des comparaisons indirectes, il pourrait s'avérer fort difficile pour quiconque d'appliquer les dispositions du paragraphe 11(1) de la Loi. [c'est nous qui soulignons]

315. M. Durber a également présenté le point de vue de la Commission quant aux dispositions du paragraphe 15(2) (volume 146, de la ligne 25 de la page 18090 à la ligne 12 de la page 18092) :

[Traduction]

Q. Pouvez-vous poursuivre en nous présentant l'interprétation de la Commission du paragraphe 15(2) de l'Ordonnance sur la parité salariale?

R. Certainement. Ce paragraphe de l'Ordonnance fait allusion à un concept qui a été abordé par le Tribunal antérieurement, c'est-à-dire, la courbe ou la droite des salaires.

Il faut établir une courbe des salaires aux fins de procéder à la comparaison. Encore une fois, j'interpréterais largement les dispositions de ce paragraphe. J'ai précisé mon interprétation du terme groupe au sens de l'article 14. Je considérerais le groupe comme un regroupement de groupes de comparaison de valeur équivalente. Ainsi, peu importe les observations, peu importe le groupe, qu'il soit composé de plus des six dessinateurs que j'ai qualifiés de groupe, je n'aurais pas à tracer une courbe des salaires.

La courbe des salaires de ces 12 dessinateurs serait constituée d'un seul point, je n'aurais donc pas à en tracer la courbe. Mais si le groupe réunissait également des techniciens et des titulaires d'autres postes, je voudrais peut-être exprimer simplement leurs salaires à l'aide d'une série de points. Et lorsqu'on trace une ligne pour réunir cette série de points, on obtient, évidemment, une courbe. En conséquence, une courbe des salaires, c'est tout simplement une ligne réunissant une série de points dans une échelle de valeurs.

Le seul objet de cette démarche, encore une fois, est de faire des comparaisons. À mes yeux, ce paragraphe valide les comparaisons à l'aide de courbes de salaires, peu importe leur forme.

Je ne crois pas que les dispositions de ce paragraphe nous indiquent quelle forme doit revêtir la courbe des salaires, ni combien de courbes nous devons tracer. Les dispositions nous imposent plutôt d'utiliser toute l'information dont nous disposons et d'établir une moyenne mobile, que nous qualifions de courbe des salaires, moyenne qui doit être raisonnable et qui doit être la synthèse de l'information dont on dispose sur les groupes de comparaison.

316. M. Sunter a présenté l'interprétation suivante de l'article 15 de l'Ordonnance (volume 107, de la ligne 22 de la page 12856 à la ligne 13 de la page 12857) :

[Traduction]

L'article 15, si je puis poursuivre -- et il semble assez clair à la lecture de l'article 11 que l'objet de l'article 11 est de comparer des fonctions équivalentes et que cela ne signifie pas que pour chaque emploi féminin donné il faut trouver un emploi masculin donné de valeur équivalente. J'estime plutôt et, de fait, l'article 15 semble le confirmer, que le recours à des comparaisons indirectes est acceptable, moyennant, à mon avis, le recours à des techniques que j'ai citées à l'appui de l'analyse de régression qui, par exemple, est une façon indirecte de procéder à des comparaisons.

J'estimais que toute les analyses, et j'estime toujours que toutes les analyses que j'ai faites étaient pleinement conformes à l'article 11 de la Loi et aux articles 14 et 15 de l'Ordonnance.

(i) Comparaisons directe et indirecte

317. De l'avis de Mme Weiner, la comparaison d'emplois masculins et féminins peut se faire moyennant une comparaison directe ou indirecte.

318. Mme Weiner a décrit comme suit ce qu'elle entend par comparaison directe. Des cotes numériques sont attribuées aux emplois évalués à l'aide d'un plan d'évaluation des emplois établi spécifiquement dans la perspective de l'équité salariale. L'attribution de ces cotes procèdent de critères similaires à ceux énoncés à l'article 11 de la Loi, à savoir, les qualifications, les connaissances, les responsabilités et les conditions de travail. Lors d'une comparaison directe, un emploi masculin justifiant de la même cote numérique qu'un emploi féminin est retenu aux fins de comparaison. Mme Weiner a précisé que les emplois masculins et féminins justifiant d'une même cote numérique sont considérés comme étant équivalents. On compare ensuite les salaires des deux emplois pour savoir s'ils sont identiques. S'il y a un écart, le salaire de l'emploi féminin est relevé au niveau du salaire de l'emploi masculin. Mme Weiner qualifie ce type de comparaison de méthode emploi/emploi.

319. Mme Weiner a précisé que lors du recours à des comparaisons indirectes, on parvient à assurer la parité salariale des emplois féminins en en comparant la valeur à celle d'emplois masculins, qu'il existe ou non, dans les faits, un emploi masculin justifiant d'une cote numérique comparable à celle de l'emploi féminin. Les comparaisons sont faites moyennant le recours à une courbe des salaires. À son avis, les courbes des salaires sont utilisées dans les régimes classiques de rémunération. Mme Weiner a expliqué que, lors de comparaisons indirectes, la courbe des salaires est réputée la courbe des salaires des emplois masculins et les emplois féminins sont alors comparés, selon la cote numérique qui leur a été attribuée, à la courbe des emplois masculins.

320. Mme Weiner a indiqué que, dans le cadre des méthodes de rajustement salarial aux fins de l'équité salariale, on trace une courbe des salaires qui est l'amalgame d'emplois masculins. Ainsi, l'amalgame des emplois masculins est représenté par la courbe des salaires.

321. On utilise d'autre expressions pour décrire la courbe des salaires : la courbe de rémunération (pay line), la courbe des conditions de rémunération (pay term line) ou encore, la courbe des politiques salariales (policy line). Selon Mme Weiner, si cette courbe est désignée par l'expression courbe de rémunération, c'est qu'elle fournit de l'information au sujet des salaires et de la valeur des emplois, ainsi que concernant la relation entre les deux. Règle générale, plus la valeur d'un emploi est élevée, plus le salaire correspondant est élevé, et plus la pente de la courbe a tendance à augmenter. Voilà pourquoi on la désigne également par l'expression courbe de la tendance, pour exprimer le mouvement ascensionnel de la courbe. Mme Weiner a précisé que la méthode de la courbe des salaires a été utilisée dans certaines provinces, notamment à Terre-Neuve, au Nouveau-Brunswick, à l'Île-du-Prince-Édouard et au Manitoba.

322. Mme Weiner a expliqué qu'en statistique cette courbe porte le nom de courbe de régression ou de courbe quadratique. À l'aide d'une technique statistique, l'analyse de régression, la courbe est tracée de façon à minimiser la somme des distances quadratiques entre tous les points d'une courbe. On obtient alors, au terme de l'analyse de régression, une équation mathématique qui exprime les salaires en termes de valeurs. La courbe de régression peut être illustrée au moyen d'un graphique, les points constitutifs de la courbe se situant à l'intersection des lignes horizontales et verticales. La ligne horizontale (l'abscisse x) représente la valeur de l'emploi et la ligne verticale (l'ordonnée y) représente les salaires. Les données des emplois masculins sont reportées dans le graphique, à savoir les valeurs et les salaires. Selon Mme Weiner, une courbe des salaires est tracée pour illustrer la politique salariale relative aux emplois masculins d'un employeur. Aux fins de l'application de cette technique statistique, on a recours à un ordinateur pour synthétiser l'information et tracer une courbe en utilisant la formule la plus appropriée à l'ensemble des données des emplois masculins reportées dans le graphique.

323. Les spécialistes en équité salariale et en statistique ont témoigné qu'en analyse de régression on peut obtenir des courbes des salaires différentes à partir des mêmes données masculines. La courbe peut être segmentée, composite, droite, quadratique, elle peut présenter des courbures ou des zigzags, des paliers ou encore une combinaison de ces différents éléments. On dispose de techniques statistiques très raffinées pour évaluer la qualité et la fiabilité de ces courbes.

324. Mme Weiner a témoigné qu'une courbe des salaires est, de fait, une méthode d'établissement de moyennes qui tient compte à la fois des valeurs planchers et plafonds et, par conséquent et par définition, certains emplois se situeront en-dessous de la courbe de régression et d'autres, au-dessus.

325. Mme Weiner a indiqué qu'avant l'avènement de l'équité salariale, les courbes de salaires étaient utilisées par les organisations pour bien cerner leur politique salariale, c.-à-d. la relation entre les valeurs et les salaires. Dans le passage suivant de son témoignage (volume 7, ligne 19 de la page 1020 à ligne 16 de la page 1021), elle décrit les particularités uniques du recours aux courbes des salaires dans la perspective de l'équité salariale :

[Traduction]

R. Dans ces graphiques, on a utilisé le même placement pour les emplois masculins et les emplois féminins. Encore une fois, la lettre M dénote les emplois masculins et la lettre F les emplois féminins.

Dans cette méthode, on utilise les emplois masculins pour tracer la courbe des salaires des hommes. Cette application de la courbe de salaires est unique à l'équité salariale; dans les autres cas, on avait tendance à tracer des courbes de salaires en tenant compte de tous les emplois. Or, on peut très bien adapter cette méthode afin d'établir s'il existe des configurations différentes dans la relation valeurs-salaires entre les emplois féminins et les emplois masculins.

LA PRÉSIDENTE : Excusez-moi. Pourriez-vous repréciser ce qui est unique?

Mme WEINER : C'est l'idée de tracer des courbes de salaires à partir des seuls emplois masculins et de tracer ce qui s'apparente à une courbe des salaires pour les emplois féminins. Il s'agit, à l'aide d'une méthode existante, d'analyser la courbe des salaires d'un emploi masculin et d'un emploi féminin, dans le but d'établir s'il y a des disparités. Il s'agit donc d'appliquer une méthode existante au problème.

326. Des motifs justifiant le rajustement des salaires à l'aide d'une courbe des salaires des emplois masculins résultent une méthode de comparaison applicable aux situations où il n'existe pas d'emploi masculin de valeur équivalente à un emploi féminin (c'est-à-dire, lorsque la comparaison directe est impossible). Selon Mme Weiner, la courbe nous révèle quel devrait être le salaire des emplois masculins justifiant d'une valeur équivalente à des emplois féminins à la lumière des salaires des autres emplois masculins. Dans son témoignage (volume 106, lignes 1 à 11 de la page 893), elle a déclaré :

[Traduction]

La comparaison indirecte est un moyen d'évaluer quel rajustement au titre de l'équité salariale doit être consenti aux titulaires d'emplois féminins, en se fondant sur la valeur des emplois féminins et en la comparant aux salaires des emplois masculins établis d'après leur valeur, qu'il existe ou non, dans les faits, un emploi masculin justifiant de la même valeur. Ce que vous constaterez, à l'analyse des courbes de salaires, c'est que l'on peut déterminer le salaire qui est ou devrait être versé à l'égard d'un emploi masculin d'une valeur de 100 points, qu'il existe ou non, dans les faits, un emploi masculin de 100 points au sein de l'organisation en cause.

Puis, au volume 7, aux lignes 13 à 25 de la page 1023, elle a déclaré :

[Traduction]

Ici, lorsqu'on trace cette courbe, la courbe des salaires des emplois masculins, il est alors possible de situer n'importe lequel des emplois féminins sur la courbe. Voilà l'un des points auquel j'ai fait allusion hier. Voici un emploi féminin pour lequel il n'y a aucun emploi masculin de valeur équivalente. On peut facilement le situer sur la courbe des salaires. Il y a un segment de la courbe des salaires qui concerne précisément cette valeur, même s'il n'existe pas d'emploi masculin correspondant. Il s'agit donc de procéder de la même façon pour un emploi féminin, comme dans tous les autres cas, en se reportant à la courbe des salaires. Qu'il existe ou non un emploi masculin équivalent n'est pas pertinent. Nous savons maintenant quel devrait être le salaire de cet emploi masculin, compte tenu de sa valeur, salaire qui serait conséquent avec ceux des autres emplois masculins.

327. Au plan de l'élimination de la discrimination systémique dans les régimes de rémunération d'un employeur, Mme Weiner a abordé les différentes méthodes d'établissement de courbe des salaires qui sont utilisées pour parvenir à l'équité salariale. Elle a abordé tant la méthode niveau/segment de la Commission que la méthode niveau/courbe composite de l'Alliance, qui sont des techniques courantes en matière d'équité salariale.

328. Mme Weiner a exposé au Tribunal la difficulté de trouver des comparateurs masculins de valeur équivalente à des emplois féminins lors de l'examen de plaintes collectives déposées par des groupes de grande taille. Les problèmes s'amplifient car les comparaisons sont fondées sur des jugements subjectifs et qu'il faut composer avec la question de savoir si un emploi d'une valeur de 100 points est significativement différent d'un emploi d'une valeur de 110 points. Ainsi, en raison de la diversité des salaires des emplois masculins d'une fourchette de valeurs donnée, cette fourchette qui pourrait ne pas compter de points d'une valeur équivalente aux emplois féminins en cause. Selon Mme Weiner, la méthode pour tracer les courbes de régression a été adaptée afin d'établir s'il y a ou non des configurations différentes dans la relation entre les valeurs et les salaires lors de la comparaison d'emplois féminins et d'emplois masculin (volume 7, page 1021).

329. M. Sunter a indiqué qu'il avait dû procéder à des comparaisons indirectes car, dans les données de l'Étude sur la parité salariale, on ne trouve pas toujours des emplois masculins d'une valeur correspondante à des emplois féminins, ce qui permettrait de comparer directement deux valeurs. À l'aide de l'analyse de régression, M. Sunter a pu tracer des courbes segmentées distinctes pour toutes les valeurs d'emplois masculins s'inscrivant dans la fourchette des valeurs de chacun des niveaux d'emploi féminin. Il a donc pu comparer les emplois féminins et les emplois masculins et cerner l'écart salarial. M. Sunter a expliqué cette méthode au volume 108, de la ligne 8 de la page 13012 à la ligne 22 de la page 13014 :

[Traduction]

LE TÉMOIN : Permettez-moi de revenir un peu en arrière. Ce que j'aimerais, si j'avais les données en main et si ces données étaient disponibles, c'est disposer d'une série de valeurs sur les salaires versés aux hommes pour chacun de ces points représentant les emplois féminins; pour chacun de ces points chez les femmes, je disposerais d'une série correspondante de salaires chez les hommes. Par exemple, pour le point que voici, j'aurais en main une série d'observations sur les emplois masculins ayant la même valeur et je ferais la moyenne du salaire de ceux-ci.

C'est impossible parce que nous ne disposons pas d'une telle série de points. Toutefois, si tel était le cas, j'aurais alors en main une estimation très simple de l'écart salarial. Tout ce que j'aurais à faire, c'est d'établir, pour chaque point, la distance entre le salaire des emplois féminins et la moyenne des salaires correspondants dans les emplois masculins, puis calculer la moyenne de ces distances. Cela représenterait une estimation simple dans la catégorie des applications descriptives et tous s'entendraient là-dessus. Aucun modèle ne serait nécessaire...

LA PRÉSIDENTE : On n'aurais pas besoin d'une courbe de régression?

LE TÉMOIN : On n'aurait pas besoin d'une courbe de régression.

LA PRÉSIDENTE : On ferait tout simplement de comparaisons point par point.

LE TÉMOIN : Uniquement de point à point. Ce serait une application descriptive simple.

Je dirais alors que cette façon de procéder appartient clairement à la catégorie des applications descriptives de la statistique, et c'est bien ce que c'est : c'est la meilleure estimation disponible de l'écart salarial.

Malheureusement, je ne dispose pas de ces données. Je peux en obtenir des approximations très précises, mais je ne peux pas obtenir les données absolument exactes. La meilleure chose que je puisse faire, c'est tracer cette petite courbe de régression segmentée, que l'on voit ici dans la pièce HR-204, et calculer les distances moyennes par rapport à cette courbe. C'est le plus près que je puisse m'approcher de l'application purement descriptive.

LA PRÉSIDENTE : Donc, ce que vous disiez auparavant, lorsque vous affirmiez qu'il s'agit du meilleur modèle du point de vue statistique, c'est que si l'on ne dispose pas de points correspondant aux hommes pour chacun de ces points correspondant aux femmes, l'approximation la plus précise que l'on puisse faire consiste à tracer une courbe de régression entre les deux segments. Est-ce bien ce que vous dites?

LE TÉMOIN : Oui. J'ai subdivisé les données jusqu'au niveau de détail le plus précis que les données me permettaient d'obtenir.

Lorsque nous analysons des données, et parfois nous ne disposons que de très petits échantillons d'un niveau particulier, on constate que cette méthode qui, en principe et à mon avis, est la meilleure méthode, donne parfois des résultats aberrants. Si on applique aveuglément cette méthode, on obtient alors une répartition salariale quelque peu bizarre, comme vous serez à même de le constater. Bien qu'il s'agisse, en principe et à mon avis, de la meilleure méthode, il faut tenir compte de la taille des échantillons dont on dispose pour chacun des niveaux. Si la taille de l'échantillon est très petite, alors les résultats obtenus au moyen de la Méthode 3 peuvent présenter des variances importantes. Nous obtenons alors des résultats bizarres que nous devrons, d'une façon ou d'une autre, rajuster.

330. M. Sunter a emprunté la méthode de la courbe de régression car il en était venu à la conclusion qu'il était impossible de comparer des valeurs directes. Il a emprunté un outil statistique qui lui permettait de dégager les configurations salariales d'emplois masculins en traçant une courbe ou une droite des salaires à partir de ce qu'il estimait des données pertinentes concernant des emplois masculins.

331. De l'avis de Mme Weiner, il n'y a pas de règle stricte pour parvenir à l'équité salariale ou pour établir qu'une méthode est de calibre supérieur à une autre. De l'avis de Mme Weiner, on trouve dans les lois provinciales, des modèles de différentes méthodes de mise en oeuvre de l'équité salariale, nommément des méthodes directes et indirectes.

332. Mme Weiner a examiné minutieusement différentes méthodes de mise en oeuvre de l'équité salariale (pièce HR-6). Elle a abordé les méthodes emploi/emploi, emploi/courbe, niveau/segment et courbe/courbe, faisant valoir les avantages et les inconvénients de chacune. Elle a qualifié la méthode de comparaison niveau/segment (la méthode privilégiée par la Commission) comme étant un sous-élément de la méthode emploi/courbe. Mme Weiner a présenté de façon succincte la difficulté de parvenir à une parité absolue à l'aide de l'une ou l'autre de ces méthodes. Voici un extrait de son témoignage (volume 7, lignes 5 à 8 à la page 1037) :

[Traduction]

La parité est définie dans certains paramètres, mais on peut toujours, lorsqu'on l'aborde dans une autre perspective, trouver des choses qui semblent détraquées; or, l'autre méthode donne un résultat contraire.

333. De l'avis de Mme Weiner, la méthode de la courbe des salaires est de calibre supérieur à la méthode emploi/emploi. L'un des problèmes qu'elle a soulevé à l'égard de la méthode emploi/emploi, c'est qu'elle ne tient pas compte de toutes les données pertinentes concernant des emplois masculins, négligeant ainsi les considérations relatives à l'équité interne et pouvant même produire des résultats aberrants. Comme la méthode emploi/emploi ne tient pas compte de certaines données concernant les emplois masculins, il est impossible d'établir si l'emploi féminin est sous-payé car on ne peut le comparer à un emploi masculin de valeur équivalente. En conséquence, les résultats vont à l'encontre du but visé : l'équité salariale.

334. Mme Weiner a indiqué que le choix de la méthode de rajustement salarial tient aux résultats que les parties souhaitent obtenir. Voici ses commentaires, tirés du volume 8, lignes 8 à 14 de la page 1105, concernant le choix à faire entre les méthodes emploi/emploi et courbe/courbe :

[Traduction]

Il s'agit plutôt d'une question d'ordre méthodologique. Si, par exemple, il existe une relation claire entre les emplois féminins, une relation historique, et qu'une organisation estime qu'il serait nuisible, peu importe les raisons invoquées, de modifier cette relation, alors il est manifeste que c'est la méthode courbe/courbe qu'il faut privilégier.

336. Mme Weiner a également abordé les conséquences d'ignorer ou d'écarter des données concernant des postes masculins, soulignant qu'il est alors impossible de préciser la politique pratiquée par l'employeur à l'égard d'emplois masculins d'une valeur donnée. Tel qu'elle l'a expliqué, le principe de l'égalité de rémunération pour fonctions équivalentes a pour objet de s'assurer qu'un employeur applique la même politique aux emplois féminins qu'aux emplois masculins. Si l'on écarte des données concernant des emplois masculins, alors on déroge au principe de l'égalité de rémunération pour fonctions équivalentes. Il serait préférable alors d'emprunter la méthode de la courbe de salaires, plutôt que la méthode emploi/emploi, car elle permet d'établir la politique pratiquée par une organisation pour établir la rémunération des emplois masculins d'une valeur donnée, c'est-à-dire, la courbe des politiques salariales.

Mme Weiner a préféré, aux fins de faire des comparaisons, la courbe segmentée à la courbe composite. Elle estime que l'information résultant d'une courbe segmentée est plus pertinente pour répondre à la question de savoir comment un employeur rémunère des emplois masculins s'inscrivant dans une fourchette de valeurs données. Mme Weiner a privilégié la courbe segmentée à la courbe composite aux fins de parvenir à l'équité salariale. Elle a expliqué au volume 8, lignes 9 à 21, page 1113, sa préférence pour la courbe segmentée :

[Traduction]

J'estime que cette courbe est le reflet des emplois masculins qui sont les plus pertinents. La [courbe segmentée] permet de recenser les pratiques et les politiques salariales d'une organisation concernant les emplois masculins s'inscrivant dans une fourchette donnée de valeurs. Il peut y avoir des différences quant au traitement réservé à certaines professions masculines. Les différences peuvent soulever d'autres problèmes, mais j'estime qu'elles ne sont pas très pertinentes en l'instance.

Par exemple, si vous examinez des emplois féminins non spécialisés, vous pourriez les comparer à des emplois masculins non spécialisés et ainsi parvenir à l'équité sans devoir comparer les emplois féminins non spécialisés à la politique régissant, par exemple, les emplois de gestion.

F. Interprétation de l'article 15 de l'Ordonnance sur la parité salariale

337. L'article 15 de l'Ordonnance, en ce qui concerne les plaintes collectives, propose un moyen d'évaluer les fonctions exécutées par les employés et les salaires qui leur sont versés lorsqu'il s'avère impossible de comparer directement les fonctions exécutées et les salaires versés.

338. Nous estimons qu'est abordé au paragraphe 15(1) de l'Ordonnance le principe de la comparaison indirecte lors de l'examen de plaintes collectives. Tel que l'a précisé Mme Weiner, la comparaison directe, c'est la comparaison d'emplois. Il peut s'agir d'une comparaison emploi/emploi, c'est-à-dire une comparaison de deux emplois donnés ou d'une comparaison de plusieurs emplois. Soulignons qu'il y a eu comparaison directe de différents emplois dans l'affaire HS/GS (voir la section I, B, paragraphe 10). Nous estimons qu'il est manifeste, au paragraphe 15(1), que la comparaison doit porter sur les fonctions. Cette interprétation procède du libellé de l'alinéa, dont voici un extrait :

... pour l'application de l'article 11 de la Loi, lorsque... une comparaison directe... ne peut être faite quant à l'équivalence des fonctions et aux salaires des employés, une comparaison indirecte de ces éléments peut être faite. [c'est nous qui soulignons]

339. S'il est impossible de procéder à une comparaison directe, le paragraphe 15(1) de l'Ordonnance stipule que l'on peut procéder à une comparaison indirecte. Les comparaisons indirectes sous-entendent le recours à une courbe des salaires aux fins de procéder à la comparaison. Dans les deux cas, qu'il s'agisse de comparaisons directes ou indirectes, il faut comparer des fonctions équivalentes pour se conformer à l'article 11 de la Loi.

340. À l'alinéa 15(2) de l'Ordonnance, on aborde la question des comparaisons indirectes au moyen d'une courbe des salaires. Tant les spécialistes en équité salariale qu'en statistique qui ont témoigné ont interprété l'expression courbe des salaires, tel que stipulé au paragraphe 15(2) de l'Ordonnance, de la même façon que s'il s'agissait d'une droite des salaires. Chacune des méthodes présentées par les parties fait appel à une droite des salaires pour procéder à la comparaison avec des groupes à prédominance masculine.

341. Dans ses arguments écrits, l'avocat de la Commission soutient, à l'alinéa 141 :

[Traduction]

(141) Le regroupement de toutes les données masculines disponibles concernant des fourchettes de valeurs équivalentes aux emplois féminins et faisant état des salaires payés facilite la transposition de comparaisons indirectes en comparaisons directes. En l'absence de valeurs masculines correspondant à chacune des valeurs féminines, permettant de procéder à une comparaison de point à point, ce qui se rapproche le plus d'une application descriptive pure est une courbe de régression établie à partir d'un segment correspondant à la fourchette de valeurs d'un niveau donné d'emplois féminins.

342. Nous ne partageons pas la caractérisation de l'avocat de la Commission qui soutient que l'Ordonnance facilite la transposition de comparaisons indirectes en comparaisons directes. Les comparaisons indirectes et directes constituent deux méthodes distinctes et, à notre avis, l'une ne peut être transposée en l'autre.

343. En outre, nous estimons que l'expression groupe professionnel à l'article 15 de l'Ordonnance s'interprète de la même façon et vise le même objet qu'à l'article 14 de l'Ordonnance, et qu'il fait référence aux groupes visés par l'application de l'article 13 de l'Ordonnance, à savoir des groupes composés majoritairement soit de femmes, soit d'hommes.

344. L'objet de l'article 11 de la Loi est d'assurer la parité salariale entre les emplois masculins et féminins. Or, la Loi passe sous silence comment parvenir à cette parité salariale. Nous estimons que les articles 12 à 15 de l'Ordonnance précisent quelque peu comment procéder à des comparaisons lors de l'examen d'une plainte collective déposée par un groupe de taille importante. De façon plus précise, l'article 15 de l'Ordonnance prévoit le recours à des courbes de salaires aux fins d'établir une comparaison indirecte, quand il s'avère impossible de procéder à une comparaison directe lors de l'examen d'une plainte collective. Cependant, l'Ordonnance ne précise pas comment tracer la courbe. D'après la preuve statistique présentée, la courbe des salaires peut revêtir diverses formes.

345. En l'instance, l'examen des plaintes collectives, en raison de leur nature et de leur complexité, exige le recours à des comparaisons indirectes. Ce choix est étayé par les arguments présentés par les deux parties. Les trois méthodes qui ont été proposées font toutes appel à des courbes de salaires aux fins de faire des comparaisons. Les dispositions de l'article 15 de l'Ordonnance prévoient expressément le recours à des courbes de salaires aux fins de comparaison.

346. Nous examinerons maintenant les diverses méthodes afin de choisir celle qui répond le mieux aux objectifs énoncés à l'article 11 de la Loi.

VIII. SÉLECTION DE LA MÉTHODE DE RAJUSTEMENT SALARIAL

A. Choix de la méthode

347. De l'avis de la Commission, la méthode de comparaison qui permet la meilleure analyse des données pertinentes est celle où l'on peut cerner les valeurs de l'échantillon masculin qui s'inscrivent entre les deux pôles - plancher et plafond - de la fourchette des valeurs d'un sous-groupe ou d'un niveau d'emploi féminin. La Commission soutient que si les données relatives aux emplois masculins s'inscrivent dans la même fourchette de valeurs que celles des emplois féminins, [traduction] alors on pourrait soutenir qu'il s'agit d'emplois ayant des fonctions équivalentes aux fonctions exécutées par les individus se situant au niveau salarial des emplois féminins à l'égard desquels on cherche à procéder à une comparaison (voir à la page 53 des arguments écrits de la Commission). La Commission soutient que la méthode de comparaison niveau/segment permet de cerner l'écart salarial en comparant la configuration des fonctions des hommes à la configuration des fonctions des femmes s'inscrivant dans une même fourchette de valeurs ou de cotes numériques.

348. La courbe des salaires a pour objet d'illustrer les salaires moyens et la valeur moyenne des fonctions des employés du groupe de comparaison. Les méthodes de rajustement salarial proposées par chacune des parties prévoient l'établissement de la moyenne des salaires et des valeurs des fonctions des employés membres de chacun des groupes de comparaison. La méthode proposée par l'intimé est la seule qui prévoit l'établissement de la moyenne des salaires et des valeurs des fonctions des employés de l'ensemble du groupe plaignant. Quant à la Commission et à l'Alliance, le point de référence des groupes à prédominance féminine est soit le niveau du groupe professionnel à prédominance féminine plaignant ou le sous-groupe, s'il n'y a pas de niveau.

349. L'Alliance privilégie la courbe composite qui tire profit de l'ensemble des données concernant des emplois masculins compilées dans le cadre de l'Étude sur la parité salariale et qui, en conséquence, assure une cohérence globale. Ce choix tient au fait que tous les titulaires d'emplois féminins de valeur égale, sans égard à leur classification, justifieront des mêmes taux salariaux une fois effectué le rajustement.

350. Nous avons noté que l'objection de M. Sunter au recours à la courbe composite ne tenait pas exclusivement à des considérations d'ordre statistique. Il a exprimé ses réserves à l'avocat de l'Alliance en les termes suivants (volume 120, ligne 13 de la page 14545 à la ligne 2 de la page 14547) :

[Traduction]

R. Aux fins de traduire l'écart salarial global en dollars, oui, il y a un point que je n'ai pas encore abordé, et ce point concerne le plan d'évaluation des emplois Willis, la question étant de savoir s'il s'agit ou non d'un plan approprié pour procéder à des comparaisons longitudinales.

Q. Que voulez-vous dire?

R. Ce que je veux dire, c'est-ce qu'on peut se fonder sur ce plan pour décider que telle ou telle personne -- en faisant complètement abstraction des disparités salariales fondées sur le sexe, par exemple, qu'un président d'entreprise devrait vraiment gagner un salaire dix fois plus élevé qu'une secrétaire, ou peu importe combien.

Attention. Je ne veux pas exprimer une opinion sur la pertinence d'utiliser cette méthode à cette fin, je tiens seulement à souligner que le recours à une courbe composite sous-entend la prise en considération de tels éléments. Vous acceptez la validité du plan d'évaluation Willis, alors que cette méthode ne vous sera plus utile lorsque vous effectuerez des comparaisons très ciblées. Je pourrais donc affirmer que cette méthode est utile pour comparer des fourchettes de faible amplitude, mais je ne suis pas persuadé, ni ne dois-je l'être en appliquant ma méthode, que le recours à cette méthode est pertinent à l'échelle d'une organisation.

Ce que j'essaie de vous dire c'est ce qui suit : la courbe composite produit non seulement des rajustements fondés sur le sexe, par exemple, dans cette fourchette ou une autre, et ici j'ai à l'esprit des segments de faible amplitude. Elle suppose également le rajustement implicite de la relation entre les différents niveaux à l'échelle d'une organisation et, ce n'est pas, à mon avis, une question pertinente en l'instance. Et ce n'est pas, il me semble, l'objet des travaux que j'ai exécutés.

Je ne suis pas certain que j'ai réussi à m'exprimer clairement, mais les conséquences sont plus complexes que le seul élément des incohérences ponctuelles. Cela concerne plutôt votre compréhension des objectifs de l'évaluation. [c'est nous qui soulignons]

351. Les motifs qui ont incité M. Sunter à opter pour la méthode niveau/segment, au détriment de la méthode de la courbe composite, sont précisés au volume 120, de la ligne 3 de la page 14548 à la ligne 9 de la page 14554 :

[Traduction]

Q. Et vous êtes appelé à choisir entre l'établissement d'une seule courbe ou d'une série de courbes segmentées -- et j'entends ici plus d'une centaine (100). M. Ranger me dit que j'ai tort, et qu'il s'agit plutôt de soixante-quatorze (74) courbes segmentées. Outre vos préoccupations concernant les incohérences ponctuelles, que nous parviendrons à éclaircir plus tard, car nous disposons des données et nous aborderons ce point plus en détail, me dites-vous que votre compréhension du plan Willis constitue un autre facteur qui vous a incité à opter pour la méthode de la courbe segmentée?

R. C'était une considération sous-jacente, oui.

Q. Je regrette, mais je dois vous demander de reformuler votre réponse car je n'ai pas très bien saisi.

R. Vous voulez dire ce long exposé que je viens de faire?

Q. C'est ça.

R. Je ne suis pas certain d'être en mesure de répéter exactement ce que je vous ai dit.

Q. Avant de répondre à ma question, vous conviendrez que, dans le cadre de la méthode de la courbe composite, vous comparez toujours des emplois féminins ayant obtenu une cote de deux cents (200) à des emplois masculins ayant obtenu une cote de deux cents (200), et que la seule différence, c'est que l'écart salarial est calculé à partir du point d'intersection sur la courbe composite plutôt qu'à partir de l'intersection de l'une des soixante-quatorze (74) courbes segmentées. N'est-ce pas?

R. Oui.

Q. Vous ne comparez pas, à l'aide de la méthode de la courbe composite, un emploi féminin de deux cents (200) points à un emploi masculin de trois cents (300) points?

R. Non. Voici ce que je voulais dire. Ce que je voulais dire, si je peux le reformuler -- et je crois que je peux le reformuler en des termes beaucoup plus simples -- c'est que, à mon avis, on peut utiliser le plan Willis pour comparer la rémunération d'emplois de valeur plus ou moins équivalente, d'emplois se situant dans la même fourchette de valeurs. Et je n'éprouve aucun problème à cet égard. Quand il s'agit de fourchettes de valeurs de faible amplitude, on peut utiliser de façon valable le plan Willis pour comparer les salaires des femmes aux salaires des hommes. Je n'ai aucun problème avec cela. C'est ce que vous faites lorsque vous utilisez ces segments.

Quand on aborde la situation dans son ensemble, si vous voulez, ou même en considérant séparément les femmes et les hommes, il n'est pas manifeste que l'on peut utiliser le plan Willis pour se prononcer sur l'équité des salaires versés, par exemple, à des gens dont l'emploi justifie de cotes de deux cents (200) points et de quatre cents (400) points. Il faut alors tenir compte de considérations d'une autre nature. Mais l'hypothèse - que vous pouvez l'utiliser de façon valable à cette fin - est implicite, il me semble, dans le cas de la méthode de la courbe composite.

Q. Convenez-vous que la meilleure personne à qui poser cette question serait un spécialiste de l'élaboration et l'application de ce plan, nommément M. Willis?

R. Non, je ne partagerais pas cet avis.

Q. Pourquoi ne partageriez-vous pas cet avis?

R. M. Willis, tout comme moi d'ailleurs, n'est pas infaillible. Qui s'avérerait le moins faillible, vous me demandez de porter un jugement, et je ne sais pas.

Q. La raison pour laquelle je vous pose cette question, c'est que je retiens de votre réponse que les compétences nécessaires pour parvenir à la conclusion à laquelle vous êtes arrivé exigent une bonne compréhension du plan, de ses modalités et de sa structure. Ce sont des éléments essentiels compte tenu de la réponse que vous m'avez donnée et, à cet égard, si j'avais à choisir entre vous et M. Willis, j'estimerais que M. Willis est la personne la mieux indiquée à laquelle poser des questions concernant les modalités, l'application et l'administration du plan.

R. Vous pouvez porter ce jugement si vous le souhaitez, mais vous ne pouvez vous attendre à ce que je sois d'accord, et je ne le suis pas.

Q. Me faites-vous une suggestion contraire à la mienne, M. Sunter?

R. Non, je dis tout simplement que je ne suis pas d'accord avec vous.

Laissez-moi aborder la question d'une autre façon. Vous pouvez utiliser, maintenant que j'y réfléchis bien, le plan Willis ou tout autre plan. Il y en a un autre, le système Hays, je crois. Il existe un bon nombre de ces plans d'évaluation d'emploi.

Et les gens les utilisent, il me semble, dans deux contextes. D'abord, vous pourriez vous mettre dans la peau d'un employé qui se dit : Cela m'intéresse d'examiner le régime de rémunération de mon organisation, donc je vais procéder à l'évaluation des emplois et j'utiliserai les résultats d'une façon ou d'une autre, je ne les publierai pas nécessairement, mais je les utiliserai à titre indicatif afin d'établir quels seront les échelons de rémunération dans mon organisation. Lorsque vous abordez la situation de cette façon, vous abordez la situation dans son ensemble.

Vous pouvez l'utiliser dans cette perspective. Est-ce que le plan Willis serait utile ou non dans ce cas, je l'ignore, et j'estime que je n'ai pas à m'en préoccuper. Je préférerais éviter ce problème.

Or, l'autre contexte dans lequel vous pourriez l'utiliser c'est le contexte, ou un contexte similaire, et c'est celui dans lequel j'aborde la question de l'équité entre un premier groupe et un second groupe, entre des hommes et des femmes, ou peu importe les critères de constitution de groupes de gens dont les emplois s'inscrivent dans une même fourchette de valeurs. Je n'ai aucun problème avec cela. Nous n'avons pas à déterminer si cette méthode est valable à grande échelle.

Donc, peu importe les propos de M. Willis concernant l'utilité de son plan à grande échelle, peu importe les fins, cela me semble une question qui n'est pas pertinente à ce que je suis en train de faire. Je ne dis pas que je ne suis pas d'accord avec M. Willis, ou que je conteste ses compétences, je dis tout simplement que cela n'est pas pertinent à mes activités.

Q. Mais vous savez fort bien que le but du plan Willis est de proposer une méthode pour évaluer des emplois en se fondant sur leur valeur intrinsèque, sans tenir compte de considérations telles que le sexe du titulaire. Voilà son objectif avoué.

R. Non, je ne crois pas que cela soit son objectif. Ce n'est certes pas la façon dont je l'ai perçu.

Il est impossible -- en principe, il n'y a pas de façon d'évaluer la valeur intrinsèque d'un emploi. Aucune. On ne peut y parvenir qu'à l'aide de méthodes de comparaison, à tout le moins c'est mon avis. J'exprime mes propres opinions. Vous pouvez comparer de façon valable la rémunération de gens occupant des emplois s'inscrivant dans une même fourchette de valeurs, mais je ne crois pas qu'il soit possible, d'aucune façon, à l'aide d'aucun système, de conclure que cette personne, de façon intrinsèque, vaut quatre fois plus qu'une autre personne; qu'un gestionnaire vaut quatre fois plus qu'un commis. Il n'y a aucun système qui peut vous permettre d'en arriver à cette conclusion.

Q. En formulant cette affirmation, puisez-vous dans vos compétences à titre de statisticien, ou dans d'autres compétences?

R. Je m'en remets à ma logique, à ma façon d'aborder des problèmes dans la vraie vie. Non, je ne justifie pas de compétences particulières pour formuler une telle affirmation.

Je dois dire que j'éprouve une certaine difficulté avec votre -- ce que je veux dire, c'est qu'un statisticien ou tout autre scientifique ne renonce pas à sa capacité de raisonner parce qu'on lui propose de nouveaux outils.

352. Le Plan Willis est un plan d'évaluation des emplois établi dans la perspective de l'équité salariale. Les parties sont convenues que le Plan Willis, un système de cotation numérique, est un outil d'évaluation d'emplois qui convient bien aux fins d'établir les fondements de la décision à prendre en l'instance. M. Willis a décrit la différence entre les outils classiques d'évaluation des emplois et les outils d'évaluation d'emploi dans la perspective de l'équité salariale. Les outils classiques d'évaluation des emplois visent essentiellement à établir la relation entre les emplois au niveau de la gestion. Selon M. Willis, l'équité salariale exige la comparaison d'emplois dissemblables à tous les niveaux d'une organisation. Ni l'Étude sur la parité salariale ni les plaintes déposées devant le Tribunal n'ont pour objet de redresser des disparités salariales résultant du système de classification de l'employeur ou de problèmes découlant d'un manque de cohérence interne. L'objet de l'Étude sur la parité salariale était de proposer des remèdes à la discrimination systémique, le cas échéant, dans la Fonction publique fédérale. Nous estimons que la méthode à retenir devrait être celle qui répond le mieux à l'objet de l'article 11 de la Loi, à savoir l'élimination de la discrimination systémique.

353. Les spécialistes en équité salariale et en statistique qui ont comparu devant le Tribunal n'ont pas souscrit au choix du groupe de comparaison proposé par l'intimé, à savoir le groupe professionnel à prédominance masculine le moins bien rémunéré. L'intimé n'a pas présenté une preuve étayant le choix de sa méthode. L'une des exigences essentielles de la méthode de l'intimé, que les comparaisons se fassent entre des groupes professionnels entiers, n'est pas une exigence ni de la Loi ni de l'Ordonnance. À notre avis, si l'article 14 de l'Ordonnance avait pour objet d'exiger que les comparaisons se fassent avec le groupe professionnel à prédominance masculine le moins bien rémunéré, alors l'énoncé ceux-ci sont considérés comme un seul groupe serait vide de sens.

354. La méthode proposée par l'intimé présente, au plan statistique, des limites que l'avocat de l'intimé a reconnues dans sa plaidoirie (voir Section IV, C(ii), paragraphe 141).

355. Les deux statisticiens, MM. Sunter et Shillington, ont rejeté l'approche des groupes professionnels entiers proposée par l'intimé, approche adoptée d'abord par l'employeur aux fins de calculer les rajustements paritaires suite à la fin prématurée de l'Étude sur la parité salariale au début de 1990 (pièce HR-185). C'est à titre de membre du Comité d'examen technique que M. Shillington a d'abord pris connaissance de la méthode de comparaison de groupes professionnels entiers. C'est sans en informer les autres membres de l'Étude sur la parité salariale que l'intimé a établi ce comité, à l'automne de 1989, et l'a chargé d'examiner des méthodes de rajustement salarial dans la foulée de l'Étude sur la parité salariale. L'intimé a retenu les services de plusieurs personnes afin de l'aider à mettre au point son cadre méthodologique de rajustement salarial. M. Shillington a assisté à sept réunions du Comité d'examen technique. Il était à ce point préoccupé par les conséquences de la méthode de comparaison des groupes professionnels entiers et par la taille de l'échantillon, qu'il a rédigé un rapport à l'intention du Comité d'examen technique dans lequel il exprimait, en termes mathématiques, ses préoccupations. M. Shillington a également établi des graphiques de fourchettes de cotes numériques. Ces graphiques ont été établis à partir de données compilées dans le cadre de l'Étude sur la parité salariale et montraient que les emplois féminins, dans des fourchettes données de cotes numériques, justifiaient de salaires différents de ceux des emplois masculins des fourchettes de cotes numériques équivalentes.

356. M. Shillington a fait valoir son objection à la méthode de comparaison de groupes professionnels entiers au représentant du Conseil du Trésor membre du Comité d'examen technique, M. Frederick Borgatta. Comme l'a précisé M. Shillington, l'une des conséquences de la méthode de comparaison de groupes entiers est la réduction de la taille de l'échantillon. Au lieu d'utiliser toutes les cotes numériques concernant des emplois masculins, ne sont retenues que les cotes des groupes professionnels entiers à prédominance masculine satisfaisant à des critères de sélection donnés.

357. À titre d'analyste de données, M. Shillington préfère conserver l'information qu'il estime utile aux fins de son analyse, plutôt que de la rejeter. À son avis, aux termes de la méthode de comparaison de groupes entiers, des données masculines pertinentes étaient rejetées. M. Shillington a fait valoir ses préoccupations à cet égard à plusieurs reprises dans son témoignage dont voici un extrait (volume 131, de la ligne 4 de la page 16086 à la ligne 14 de la page 16089) :

[Traduction]

Q. Ce que je voudrais vous demander, c'est de nous indiquer, de mémoire, à quelles analyses ou à quelles questions le Comité d'examen technique a consacré le plus gros de son temps?

R. J'ai consulté les cahiers que je tenais à l'époque et où je notais mes observations lors des réunions -- je suis gêné de constater le peu de notes que j'y ai inscrites -- et ressassé mes souvenirs de ces réunions.

La question qui me préoccupait le plus était l'exclusion de données concernant des emplois masculins des groupes de comparaison, exclusion résultant de la méthode des groupes entiers, et le fait que M. Borgatta et moi-même avions abordé dans des perspectives opposées, à plusieurs reprises, cette question lors des réunions du Comité d'examen technique, sans oublier les répercussions d'une telle méthode sur la taille des échantillons (c.-à-d., l'analyse de régression) - si vous réduisez la taille des échantillons, vous obtiendrez davantage de résultats non significatifs, puis sur l'interprétation des résultats non significatifs, ce qui m'a incité à rédiger un rapport visant à aider les gens à interpréter des résultats non significatifs.

Q. Avez-vous été informé, à ce moment, soit par M. Borgatta, soit par un autre représentant du Conseil du Trésor pourquoi le Conseil du Trésor entendait utiliser la méthode de comparaison de groupes professionnels à prédominance masculine entiers aux fins des comparaisons dans son analyse?

R. L'argument contraire -- parfois il est difficile de rendre justice à un argument qu'on a entendu, mais je m'efforcerai d'être juste -- était que les comparaisons devraient se faire entre des groupes.

Q. Pourquoi?

R. C'était leur interprétation de la Loi. C'était, je crois, l'argument ultime. Je soutenais que toute information utile aux fins de l'analyse de régression concernant des emplois masculins de comparaison devrait être retenue, peu importe à quel groupe appartenait les emplois masculins.

Q. C'est là votre argument, et non celui du Conseil du Trésor?

R. Oui, mon argument est le suivant. Utilisons un exemple : nous examinons un groupe à prédominance féminine dont la rémunération est égale à une cote d'environ 200. La question fondamentale que tous se poseraient alors est la suivante : Quelle est le salaire versé aux hommes dont l'emploi est évalué à 200 points?

Si on dispose de questionnaires masculins qui, par bonheur, ont une cote de 200, j'estime que l'on utiliserait l'information lors de l'analyse de régression, sans égard au groupe d'appartenance de ces emplois masculins.

L'argument contraire serait ---

Q. Il s'agit de l'argument avancé par le Conseil du Trésor n'est-ce pas?

R. L'argument du Conseil du Trésor, tel qu'énoncé par M. Borgatta, est que ces emplois ne sont comparables que si l'homme appartient à un groupe qui, dans son ensemble, justifie de valeurs équivalentes aux groupes à prédominance féminine.

Je suis d'avis que si la grille d'évaluation Willis est suffisamment fiable et valable pour comparer des hommes et des femmes appartenant à des classifications d'emploi différentes, alors elle est tout aussi valable lorsque vient le temps de comparer un homme occupant un emploi d'une cote de 200 à un groupe à prédominance féminine, sans égard au groupe auquel l'homme appartient et sans égard aux valeurs, aux cotes, des autres hommes appartenant à ce groupe.

J'ai vivement défendu ce point de vue. Au bout du compte, l'argument ultime, si je me souviens bien, a été le suivant :

[traduction]

Ce sont les exigences de la Loi. Je rétorquais alors : [traduction] C'est peut-être ce qu'exige la Loi, mais cela ne fait aucun sens.

Q. Quels étaient les fondements de vos arguments lors de cette discussion?

R. Ce qui me semblait sensé, au strict plan de l'analyse des données, le voici à l'aide du même exemple : si j'ai un questionnaire masculin, dans la mesure où il a été bien évalué, je n'ai pas à savoir la cote des autres personnes appartenant à ce groupe afin d'établir s'il s'agit ou non d'information utile. C'est aussi simple que ça.

À titre d'analyste de données, je suis très réticent à ignorer de l'information. On ne doit pas ignorer ou rejeter d'information sans motifs valables.

358. Mme Weiner, M. Sunter et M. Shillington ont indiqué qu'ils préféraient une méthode qui favorise l'inclusion, et non l'exclusion, de données masculines pertinentes. Soulignons que la méthode niveau/segment, tout comme la méthode niveau/courbe composite, utilise toutes les données masculines de l'Étude sur la parité salariale, quoique de façon différente.

359. M. Sunter était, lui aussi, en désaccord avec l'interprétation du Conseil du Trésor de l'article 11 de la Loi, dont on trouve la synthèse dans son rapport sur les méthodes (pièce HR-185). M. Sunter estimait qu'il ne devait pas s'en tenir à faire des comparaisons entre des groupes professionnels entiers. Il a indiqué qu'en appliquant la méthode niveau/segment il [traduction] avait fait totalement abstraction de la désignation du groupe professionnel à prédominance masculine en cause. Je l'ai tout simplement ignoré. (volume 110, page 13297). Il a explicité son point de vue au volume 110, de la ligne 22 de la page 13295 à la ligne 1 de la page 13297 :

[Traduction]

R. La comparaison indirecte est une comparaison au moyen, par exemple, d'une analyse de régression. Et la seule exigence pour faire une telle comparaison, c'est que les analyses de régression concernent les mêmes fourchettes de valeurs d'emploi. Voilà donc pourquoi, dans cette perspective, les deux ensembles de valeurs d'emploi sont raisonnablement comparables.

D'après mes lectures, lorsque j'ai été exposé pour la première fois à cette méthode, et ma propre interprétation de l'article 11, voilà précisément l'objet de l'article 11 et de la Loi sur les droits de la personne : de s'éloigner de l'ancien principe à savoir à travail égal salaire égal au concept de -- excusez-moi, salaire égal pour travail égal -- au profit du concept de l'égalité de rémunération pour fonctions équivalentes. Et afin de donner tout son sens à ce principe, il faut procéder à des comparaisons indirectes du même genre que j'ai menées et que, de fait, le Conseil du Trésor a menées.

À mon avis, il n'y a aucune exigence inhérente dans la Loi ou dans toute interprétation raisonnable de la Loi -- je ne suis pas un avocat, évidemment, je suis un statisticien. Mais je devais me fonder sur la meilleure interprétation possible que je pouvais faire. Il ne semblait y avoir aucune exigence m'imposant de m'en tenir à des comparaisons avec des groupes entiers.

Aux termes de la plainte, je devais, d'une part, m'en tenir à un groupe professionnel entier à prédominance féminine mais, d'autre part, la Loi ne m'imposait pas de m'en tenir à des groupes professionnels à prédominance masculine entiers.

360. M. Shillington n'a pas rejeté d'emblée le recours à une méthode visant à dégager la tendance centrale afin de choisir les comparateurs. Cependant, il a fait valoir qu'il faut se poser la bonne question lors de l'examen de plaintes collectives. À son avis, il ne faut s'en tenir à établir des médianes ou des moyennes. Voici un extrait de son témoignage (volume 140, lignes 4 à 20 de la page 17306) :

[Traduction]

Q. Éclairez davantage ma lanterne. Soutenez-vous qu'il ne faut pas procéder au test de la tendance centrale aux fins de choisir les comparateurs? Est-ce votre thèse?

R. Non. Je crois l'avoir exprimé le plus clairement possible en répondant à une question de la Présidente concernant l'établissement des critères.

J'aborderais la question de la façon suivante. Si, dans le cadre de l'examen d'une plainte collective, vous devez utiliser des données masculines, qu'un groupe soit retenu ou non, vous voudrez retenir les groupes à prédominance masculine dont les valeurs chevauchent suffisamment les valeurs du groupe plaignant, dont les valeurs sont, de façon collective, suffisamment similaires aux groupes à prédominance masculine. Vous pourriez alors affirmer sans crainte qu'elles sont comparables, qu'elles sont utiles aux fins de l'analyse.

Il ne s'agit pas d'établir que les médianes ou les moyennes sont ou non identiques.

Nous estimons que ces préoccupations, exprimées par M. Shillington, n'ont pas été abordées par l'intimé dans l'exposé de sa méthode.

361. Nous sommes d'avis que la recherche d'une méthode menant à une correspondance mathématique parfaite de la valeur d'emplois masculins et féminins, compte tenu de la taille et de l'étendue des données recueillies dans le cadre de l'Étude sur la parité salariale, est, dans les faits, une quête impossible. L'obtention d'indicateurs de comparaison exacts pourrait ne pas se traduire par l'élimination complète de la discrimination systémique et par la mise en oeuvre de l'équité salariale. La Cour d'appel de l'Ontario a été très réticente à restreindre ainsi la portée des dispositions de la Loi sur l'équité salariale de l'Ontario (voir Ontario Nurses' Assn. v. Ontario (Tribunal de l'équité salariale) (1995), 23 O.R. (3d) 43 (C.A. de l'Ontario)). Dans sa décision, la Cour a précisé qu'il ne suffit pas de faire la preuve que les salaires sont équivalents pour que le Tribunal d'équité salariale n'élargisse pas son enquête aux fins d'établir si parité salariale il y a. Nous reproduisons ci-dessous un extrait des observations formulées, à la page 56, par le juge d'appel Abella :

[Traduction]

L'article 6, qui compte dix paragraphes, énonce tout au plus les conditions minimales pour parvenir à l'équité salariale, nommément que le taux de rémunération de la catégorie d'emploi à prédominance féminine soit au moins égal au taux de rémunération d'une catégorie d'emploi à prédominance masculine comparable. Il ne faut pas en conclure pour autant que l'objet de la loi, à savoir l'élimination de la discrimination systémique fondée sur le sexe en matière de rémunération, est atteint chaque fois que l'on constate que les salaires sont les mêmes. Il ne s'agit nullement d'une corrélation linéaire. La confirmation que les salaires sont les mêmes ne met pas un terme à l'enquête. Il s'agit plutôt d'une interaction kaléidoscopique entre divers facteurs et diverses dispositions législatives. Parité salariale et équité salariale ne sont pas des concepts en tous points identiques.

On ne peut interpréter l'article 6 sans tenir compte des autres dispositions de la Loi, l'objet général de la Loi étant de parvenir à l'équité salariale, un objet dont l'interprétation, la mise en oeuvre et l'exécution, dans la perspective d'une procédure judiciaire, relèvent exclusivement d'un tribunal. Le paragraphe 6(1) n'a aucunement pour objet d'encadrer la compétence du Tribunal et ne constitue qu'une des dispositions expliquant comment et quand il y a équité salariale. [c'est nous qui soulignons]

362. L'intimé soutient que, dans le cadre de la méthode niveau/courbe composite, on procède à la comparaison de groupes de valeur non équivalente. Il soutient que les cotes numériques moyennes de la courbe composite sont plus élevées que les cotes numériques moyennes de la plupart des groupes et des niveaux des groupes professionnels à prédominance féminine qui sont représentés par l'Alliance.

363. L'intimé soutient que l'inclusion de tous les données masculines a une incidence sur la forme de la courbe composite, résultant en une surévaluation de l'écart salarial au plan de l'équité salariale. L'intimé soutient que la tendance centrale du comparateur obtenu à l'aide de la courbe composite est significativement différente de la tendance centrale des groupes plaignants ou des niveaux des groupes plaignants, ce qui résulte en des valeurs non équivalentes. En conséquence, estime l'intimé, la distribution des valeurs est alors différente.

364. Or, de l'avis de M. Shillington et de M. Sunter, les éléments de preuve présentés par l'employeur concernant les différences dans la distribution des valeurs, ce qui se traduit par des tendances centrales différentes (pièces R-126 et R-127), d'une part, entre les groupes professionnels à prédominance masculine et, d'autre part, entre les groupes professionnels à prédominance masculine et le groupe professionnel à prédominance féminine, n'abordent pas la bonne question en ce qui concerne la comparaison des valeurs. La vraie question, selon M. Shillington et M. Sunter, est de savoir si, à l'égard d'une cote donnée, les salaires de l'emploi féminin et de l'emploi masculin sont les mêmes. Voilà le résultat que l'on obtient au moyen des méthodes niveau/segment et niveau/courbe composite. Voici un extrait du témoignage de M. Shillington (volume 140, de la ligne 20 de la page 17292 à la ligne 12 de la page 17296) :

[Traduction]

Quel est l'impact, s'il en est, ou les répercussions, le cas échéant, si nous disposons de tels éléments de preuve concernant la méthode de rajustement salarial, dans la perspective de l'examen de la présente méthode?

LE TÉMOIN : À mon avis, la question est de savoir -- j'ai accepté d'emblée que dans bon nombre de ces situations les comparateurs féminins et masculins ne justifiaient pas de la même distribution. De fait, la méthode de M. Sunter, qui fait appel à des valeurs plafonds et planchers, ne garantit d'aucune façon l'obtention d'un tel résultat. Il est certes manifeste que le but de la méthode du Conseil du Trésor misant sur des tests de Wilcoxon est, à l'aide des tests de Wilcoxon, de s'assurer que les comparateurs masculins justifient de la même distribution des valeurs que les comparateurs féminins.

La question est de savoir s'il faut que la distribution des valeurs soit la même pour trancher la question du rajustement salarial, à savoir : est-ce que, lorsque la valeur des emplois est équivalente, les hommes et les femmes ont le même salaire?

Voilà, à mon avis, le noeud du problème et, à mon avis, on se penchera éventuellement sur cette question.

Mon opinion, exprimée en termes clairs, est qu'il n'est pas nécessaire de disposer d'une même distribution des valeurs salariales pour trancher la question du rajustement salarial -- pardon, des valeurs salariales -- je m'excuse. Il n'est pas nécessaire de disposer d'une distribution identique des cotes Willis entre les hommes et les femmes pour répondre à la question : est-ce que les femmes bénéficient d'un salaire comparable aux hommes lorsqu'elles occupent un emploi d'une valeur équivalente.

LA PRÉSIDENTE : Lorsque vous dites qu'il n'est pas nécessaire d'avoir la même distribution de cotes Willis, laissez-vous entendre que les cotes ou les valeurs peuvent provenir de populations différentes ---

LE TÉMOIN : Oui.

LA PRÉSIDENTE : -- et qu'elles seraient utiles?

LE TÉMOIN : À la pièce HR-228, on trouve mon graphique de dispersion de toutes les valeurs, un graphique composite des valeurs masculines et féminines. Dans ce graphique, il est très manifeste que, dans la Fonction publique fédérale, les hommes ne justifient pas des mêmes cotes numériques que les femmes. Mais vous pouvez toujours consulter ce graphique et vous poser la question : Est-ce que, cote numérique égale, les hommes et les femmes gagnent le même salaire?

Si je me souviens bien, à un moment donné j'ai indiqué que vous pouviez examiner chacune des colonnes du graphique et, à l'égard de chacune, vous poser la question : est-ce que les hommes sont payés le même salaire que les femmes dans cette fourchette d'emplois?

Au bout du compte, quant à l'analyse de régression, j'estime qu'il n'est pas essentiel que la distribution des cotes Willis entre les femmes et les hommes soit la même. On peut procéder à l'analyse de régression malgré tout et la courbe de régression tiendra compte de la différence dans la distribution des cotes numériques. La courbe de régression nous permettra de répondre à la question suivante : Quel est le salaire versé aux hommes et quel est le salaire versé aux femmes à l'égard de chacune des cotes numériques?

Le fait que les deux groupes, les groupes d'hommes et les groupes de femmes, ne justifient pas de la même distribution de cotes Willis est sans importance. Ce serait bien si c'était le cas. Mais je ne suis pas disposé à renoncer aux deux tiers ou aux trois quarts de mon échantillon pour parvenir à ce résultat.

Donc, l'une des questions que l'on m'a posées dans le cadre de ces questions était : est-ce que les distributions sont les mêmes? Si vous êtes d'avis que l'on ne peut procéder à la comparaison de groupes que si la distribution est la même, alors il s'agit d'une question apparentée. Or, j'en suis persuadé, dans une perspective statistique, il n'est pas nécessaire d'avoir la même distribution de cotes Willis pour trancher la question du rajustement salarial. Peut-être est-ce nécessaire d'un point de vue juridique, mais ce ne l'est pas d'un point de vue statistique.

À mon avis, le graphique global à la pièce HR-228 confirme sans équivoque que les distributions sont nettement différentes. Or, cela ne m'empêche pas d'analyser le graphique et de procéder à une comparaison globale des emplois masculins et féminins. Et la même logique est valable pour chacun des graphiques : oui, les distributions sont différentes. Je ne l'ai pas dit lorsque l'on m'a posé la question, et puis après!

LA PRÉSIDENTE : Merci.

M. CHABURSKY:

Q. M. Shillington, pour que la situation soit bien claire pour tous, l'opinion que vous venez d'exprimer vous l'avez exprimé à titre de statisticien.

R. Oui.

Q. Vos observations concernent l'analyse de données?

R. Oui.

[c'est nous qui soulignons]

M. Shillington a ensuite précisé que la distribution des valeurs est un facteur à l'égard duquel il faut être prudent. Or, règle générale, dans la mesure où la distribution des valeurs masculines chevauche les valeurs féminines dans la fourchette à l'étude, il n'y voit aucun problème. Ce type de distribution des valeurs a été illustré dans les échantillons utilisés pour les comparaisons niveau/segment des groupes plaignants. Il n'y a pas de lacunes statistiques dans les valeurs masculines. M. Sunter a exprimé l'opinion que lorsque la distribution des valeurs est différente, il faut faire preuve de circonspection lors de l'interprétation des courbes de régression. Voilà l'un des motifs qui l'a incité à opter pour la méthode de comparaison niveau/segment.

365. Au vu de tous ces motifs, nous rejetons la prétention de l'intimé selon laquelle la méthode niveau/courbe composite ne permet pas d'identifier un groupe d'employés masculins exécutant des fonctions de valeur équivalente. Nous rejetons également la prétention de l'intimé que la méthode niveau/segment n'est pas conforme aux exigences implicites de l'article 14 de l'Ordonnance et que le regroupement de groupes considérés comme un seul groupe ne doit compter que des groupes professionnels entiers de valeur équivalente. Nous estimons que l'article 14 de l'Ordonnance n'est assorti d'aucune exigence explicite ou implicite concernant l'établissement de groupes de comparaison constitués de groupes professionnels entiers, mais plutôt qu'il faut que les données relatives à la valeur des fonctions masculines soient regroupées pour que celles-ci soient considéré[e]s comme un seul groupe.

366. Les résultats du calcul des écarts salariaux effectués par l'intimé sont présentés à la pièce R-179. Les tableaux suivants présentent une synthèse de la comparaison des tendances centrales de la pièce R-179 et, plus précisément, des groupes professionnels à prédominance masculine justifiant de cotes Willis s'inscrivant dans la fourchette de valeurs (du 25e au 75e percentile) du groupe à prédominance féminine plaignant.

Groupe féminin plaignant

Nombre total moyen de points Willis

Groupe masculin de comparaison le moins bien rémunéré

Nombre total moyen de points Willis

Fourchettes - plancher et plafond - nombre total moyen de points Willis - groupe constitué de plusieurs groupes

CR

165,07

SC

150,15

133,50

191,29

DA

174,10

SC

150,15

133,50

206,22

EU

211,86

HP

191,29

185,23

231,87

HS

153,76

SC

150,15

113,70

157,40

LS

359,56

HR

336,56

297,43

401,89

ST

149,05

GS

133,50

133,50

157,40

(Source : pièce R-179)

367. Voici un tableau récapitulatif du nombre de comparateurs à prédominance masculine utilisés par l'intimé aux fins du calcul de l'écart salarial, calcul fondé sur le groupe professionnel à prédominance masculine le moins bien rémunéré et le groupe constitué de plusieurs groupes (deemed group).

TAILLE DES ÉCHANTILLONS - MÉTHODE DES GROUPES ENTIERS

Groupe féminin plaignant

Groupe masculin entier le moins bien rémunéré

Groupe constitué de plusieurs groupes

CR 413

SC 26

SC, GS, HP, GL, CM, PR 345

DA 349

SC 26

SC, GS, HP, GL, PR, CM, CX 410

EU 14

HP 24

HP, GL, SR, PY, DD, RO, FR, PI, CX 368

HS 240

SC 26

SC, GS, CM, PR, IL 171

LS 82

HR 9

HR, CH, SW, PS, PH, LE, BI, PG, AG, AU, SG, FO, FI, MT, ES, FS, AR, AO, EN, MA, CO, AI 360

ST 401

GS 112

GS, SC, CM, PR 161

(Source : pièce R-179)

368. On constate, sous la rubrique Groupe masculin le moins bien rémunéré des tableaux, que la valeur moyenne de chacun des groupes de comparaison est inférieure à la valeur moyenne du groupe professionnel à prédominance féminine. Exception faite de la comparaison des groupes HS et SC, l'écart entre les valeurs moyennes des groupes professionnels à prédominance masculine les moins bien rémunérés et des groupes professionnels à prédominance féminine varie entre 14,92 points, l'écart le plus faible, et 23,95 points, l'écart le plus élevé. Il faut se demander si ces écarts de moyennes sont raisonnables à la lumière du principe de l'équivalence énoncé à l'article 11 de la Loi.

369. Des 53 groupes à prédominance masculine ayant fait l'objet d'une évaluation dans le cadre de l'Étude sur la parité salariale, l'intimé n'a retenu que quatre groupes professionnels à prédominance masculine lors de sa sélection des groupes de comparaison les moins bien rémunérés. Le groupe SC - le groupe des équipages de navires - comptait environ 2 169 employés en 1987. La population des trois groupes professionnels à prédominance féminine qui a été comparée au groupe SC s'élevait, en 1987, à environ 65 495 employés, à savoir 48 828 dans le groupe CR, 3 094 dans le groupe DA et 13 573 dans le groupe ST.

370. L'intimé, dans le cadre de la méthode des groupes professionnels à prédominance masculine les moins bien rémunérés, a retenu, aux fins de comparaison avec les six groupes professionnels à prédominance féminine, 171 observations masculines (cotes d'évaluation d'emploi) d'un échantillon comptant au total 1 407 cotes (pièce R-179). Cela représente environ 12 % de l'ensemble des données masculines. Comme cette information n'a été présentée que lors de l'exposé final par l'intimé, aucun expert en statistique n'a eu l'occasion de commenter la taille des échantillons de comparaison. Cependant, M. Shillington, dans son témoignage, a abordé la question d'échantillons de taille similaire dans la perspective de l'application, par l'intimé en 1990, de la méthode de calcul des rajustements paritaires. Tel qu'expliqué précédemment, l'intimé a emprunté une méthode de comparaison de groupes entiers en 1990, utilisant un test de signification statistique pour comparer les tendances centrales des groupes professionnels à prédominance masculine et féminine. Lors de son témoignage (volume 135), on a demandé à M. Shillington d'exprimer son opinion sur le nombre de comparateurs constituant l'échantillon utilisé. En l'occurrence, 73 cotes masculines avaient été utilisées aux fins de comparaison avec le groupe professionnel CR et 49 cotes aux fins de comparaison avec le groupe ST. Dans son témoignage (volume 135, de la ligne 16 de la page 16559 à la ligne 4 de la page 16660), M. Shillington a déclaré ce qui suit :

R. C'est scandaleux. Lorsque j'ai compris et que le Comité d'examen technique a soutenu que la méthode de comparaison de groupes entiers présentait des problèmes et se traduirait par une réduction de la taille de l'échantillon, comme je crois l'avoir mentionné précédemment, j'ai cru que la taille des échantillons serait quelque peu réduite. Je n'ai jamais pensé que la taille des échantillons serait réduite d'autant.

À mon avis, vous auriez pu économiser énormément d'argent quant aux questionnaires et à la taille des échantillons.

Des -- je ne sais pas exactement combien de questionnaires ont été remplis par des hommes au total -- 1 500 questionnaires, combien en a-t-on utilisés?

371. L'intimé n'a pas présenté d'éléments de preuve suffisants à l'appui de sa méthode. Qui plus est, peu d'éléments de preuve, voire aucun, étayent l'assertion que les tailles d'échantillon convenues dans le cadre de l'Étude sur la parité salariale et approuvées par Statistique Canada sont suffisantes pour accréditer la méthode des groupes entiers les moins bien rémunérés. L'intimé n'a pu, de façon suffisante, contrer les préoccupations exprimées par M. Shillington eu égard aux données pertinentes écartées lors de l'application de la méthode des groupes entiers.

372. Quant aux avis des experts concernant la méthode à privilégier, à savoir la courbe composite ou la courbe segmentée, les spécialistes suivants ont appuyé ou privilégié la courbe segmentée, nommément, M. Sunter, M. Shillington et Mme Weiner. Le spécialiste de la Commission, M. Durber, souscrivait également à ce choix.

373. Par ailleurs, dans le cadre de l'Étude sur la parité salariale, M. Willis a qualifié d'acceptable la courbe composite. M. Swimmer, qui a présenté les arguments de l'Alliance en faveur de la courbe composite, ne s'est pas penché, dans son témoignage, sur les avantages comparatifs de la courbe composite et de la courbe segmentée. Son témoignage n'a porté que sur la pertinence de la courbe composite des données masculines. M. Ranger, le spécialiste de l'Alliance, privilégiait la courbe composite des données masculines.

374. Quant à la pertinence de la courbe composite aux fins de faire des comparaisons, M. Shillington a indiqué que si on lui disait que la courbe de régression représentait fidèlement l'ensemble des données masculines, il analyserait la courbe de régression ainsi obtenue en la comparant à une série de courbes segmentées à titre de critères pour déterminer la vraisemblance de la courbe composite. Voici un extrait de son témoignage (volume 135, lignes 1 à 14 de la page 16599) :

[Traduction]

Eu égard aux éléments de preuve que vous m'avez communiqués concernant les ententes qui sont intervenues au début de la démarche, il s'agit d'éléments d'ordre non statistique. Mais j'estime aussi important de dire que si quelqu'un me présentait une analyse de régression quelconque -- elle pourrait ne pas être linéaire, elle pourrait être fort complexe -- et que cette personne me disait qu'elle représente bien les données masculines dans leur ensemble, je l'analyserais en comparant la courbe de régression ainsi obtenue à une série de courbes segmentées. Ce serait mes critères. Ce qui laisse sous-entendre que si vous avez suffisamment de données pour les étayer, il est alors préférable d'utiliser ces courbes segmentées pour calculer les rajustements.

375. On constate, dans le contre-interrogatoire de M. Swimmer par l'avocat de l'Institut, qu'il a reconnu que les valeurs numériques s'inscrivant à l'extérieur de la fourchette des valeurs des niveaux d'emploi féminin pouvaient avoir une incidence sur la relation entre les valeurs se situant à l'intérieur de la fourchette, résultant en une différence entre la courbe segmentée et la courbe composite propre à un niveau donné d'un emploi féminin. On a remis à M. Swimmer des exemples de courbes composites et de courbes segmentées établies pour des groupes de l'Institut. Dans ces exemples, fournis par l'Institut, on constate qu'environ les deux tiers des cotes masculines utilisées pour tracer la courbe composite se situait à l'extérieur de la fourchette de valeurs des groupes plaignants de l'Institut. M. Swimmer a indiqué qu'il n'avait pas examiné l'incidence de cette situation dans son analyse de la courbe composite. Voici un extrait du témoignage de M. Swimmer (volume 202, de la ligne 8 de la page 26154 à la ligne 23 de la page 26155) :

[Traduction]

Q. M. Swimmer, nous n'avons retenu, pour la pièce PIPSC-150, un seul seuil d'exclusion au point inférieur extrême de la fourchette; mais ce serait possible, n'est-ce pas, qu'on obtienne des pentes différentes en procédant à un découpage additionnel et qu'ainsi, à différents points de la fourchette, on obtienne une série de courbes segmentées donnant des résultats fort différents de ceux de la courbe composite principale?

R. Oui, c'est vrai, mais ces courbes segmentées pourraient également être plus ou moins représentées par une courbe composite. En d'autres termes, tout est possible.

Q. Excellent. Mais si nous tracions une courbe composite, dois-je conclure de votre témoignage, dans la mesure où nous interprétons correctement les courbes, qu'il y aurait très peu d'écart dans les montants qui seraient versés au bout du compte aux groupes de l'IPFPC?

R. Je ne saurais dire. Il y aurait des différences. Évidemment, ce qui est excessif à vos yeux ne le serait pas pour quelqu'un d'autre. Mais oui, il y aurait des différences.

Q. Et il y aurait des différences, même si les points étaient reportés sur une courbe?

R. Oui, à moins qu'il y ait correspondance parfaite, et nous avons convenu que ce n'était pas le cas. Nous disons que nous avons la courbe composite de meilleur ajustement, mais elle n'est pas parfaite.

En conséquence, tous les points ne figureront pas sur la courbe. Donc, les courbes segmentées sont --

Q. Ils ne seront pas tous sur la courbe?

R. Exactement. Ils ne se trouveront pas tous parfaitement sur la courbe, non.

Q. Et parce qu'ils ne se trouveront pas tous parfaitement sur la courbe, il faudra tenir compte des observations s'inscrivant à l'extérieur de leur fourchette de valeurs?

R. Oui. C'est juste.

376. De l'avis de Mme Weiner, tant les méthodes niveau/segment et niveau/courbe composite sont des méthodes statistiques courantes en matière d'équité salariale. Tant la Commission que l'Alliance ont présenté des éléments de preuve statistiques détaillés à l'égard des modalités de chacune de leurs méthodes par l'entremise de M. Sunter et de M. Swimmer respectivement. Nous estimons que les éléments de preuve présentés par Mme Weiner et par les spécialistes en statistique quant à la pertinence des méthodes statistiques à emprunter pour établir le fondement des comparaisons justifient le recours soit à une courbe segmentée des salaires masculins, soit à une courbe composite des salaires masculins.

377. Mme Weiner privilégie la courbe segmentée car elle estime qu'elle cerne mieux le principe de l'égalité de rémunération pour fonctions équivalentes (volume 11, page 1596). Même si elle n'aurait aucune hésitation à utiliser la courbe composite, elle a précisé que cette méthode s'avère plus utile lorsqu'une organisation dispose d'un seul profil historique ou d'un seul processus de détermination des salaires. Le profil de la Fonction publique fédérale ne correspond à aucun de ces deux critères. Voici un extrait du témoignage de Mme Weiner (volume 10, des lignes 8 à 17 à la page 1597) :

[Traduction]

MEMBRE COWAN-McGUIGAN : Quand utiliseriez-vous une courbe composite?

LE TÉMOIN : Si, depuis toujours, une organisation disposait, ni plus ni moins, d'un seul profil historique ou d'un seul processus de détermination des salaires et ne devait pas composer avant autant de groupes différents, chacun ou presque ayant son propre système de détermination des salaires, où s'il y avait moins de groupes ou encore si on s'efforçait d'établir les salaires à l'échelle de l'organisation en n'empruntant qu'une seule méthode.

378. Nous estimons que la conception et l'objet de la courbe segmentée et de la courbe composite sont conformes avec le principe de l'équivalence et des fonctions équivalentes mentionné dans la Loi et plus particulièrement à l'article 11. Selon Mme Weiner, les courbes composites et, de la même façon, les courbes segmentées, lorsqu'elles sont utilisées à titre de techniques dans le domaine de la rémunération, sont tracées afin de refléter la politique salariale d'un employeur et la configuration des salaires des emplois masculins. Dans le domaine de l'équité salariale, elles reflètent la politique salariale d'un employeur à l'égard des hommes, ce qui facilite la comparaison avec le salaire des femmes justifiant des mêmes cotes numériques. La courbe composite, selon M. Shillington, permet de brosser un tableau de la configuration générale, un tableau composite des valeurs masculines. Tant les méthodes niveau/segment (Sunter) et niveau/courbe composite (Swimmer) permettent d'établir si, à l'égard de chaque cote numérique, les femmes gagnent le même salaire que les hommes.

379. Or, la courbe composite et la courbe segmentée ont des applications statistiques différentes. La courbe composite est utilisée pour prévoir les salaires de tous les emplois masculins de la population qu'elle représente pour chacune des cotes numériques correspondantes des emplois féminins. M. Shillington a indiqué qu'en statistique le terme modèle s'entend de la représentation mathématique d'une relation ou d'un mécanisme qui existe dans la réalité. Cependant, il n'existe pas, dans la réalité, une relation réelle entre les salaires et les cotes Willis.

380. La courbe segmentée est utilisée pour synthétiser la valeur de tous les emplois masculins s'inscrivant dans une même fourchette de valeurs que celle du niveau des emplois féminins. La courbe segmentée illustre la relation, en moyenne, entre les cotes Willis et les salaires des emplois masculins de la fourchette. Selon M. Shillington, l'intervalle moins étendu des courbes segmentées permet d'obtenir de l'information sur les valeurs masculines s'inscrivant dans l'intervalle. Si on utilise cet intervalle pour établir le comparateur, on n'obtient pas dans tous les cas une distribution égale des valeurs des emplois féminins et masculins. Néanmoins, M. Shillington a expliqué qu'aux fins d'effectuer des comparaisons, l'utilisation de valeurs masculines permet de dégager des constatations plus claires et que les différences dans la distribution des valeurs ne constituent pas un obstacle.

381. De l'avis de chacune des parties, la décision quant au choix de la méthode doit être prise sans tenir compte du montant d'argent qu'il faudra débourser pour combler l'écart salarial résultant de l'application de la méthode. Voici les arguments présentés à cet égard :

(i) La position de la Commission (volume 235 - ligne 14 de la page 31152 à la ligne 11 de la page 31155) :

[Traduction]

MEMBRE FETTERLY : Peut-être devrais-je tout de même poser cette question.

Aux fins de choisir la méthode, est-ce que vous nous dites que nous ne devrions pas tenir compte des répercussions financières du choix.

Mme MORGAN : Cette question semble commander une seule réponse mais, de fait, il y a deux réponses.

Ce que M. Shillington et les spécialistes en rémunération soutiennent, à cet égard, c'est que vous ne devez pas, dans un premier temps, choisir une méthode à la lumière des coûts ultimes qu'elle engendrera. Vous devez choisir une méthode qui soit conforme aux dispositions de la Loi -- l'effet souhaité étant la parité -- et à ce que nous dit la Loi à cet égard. Vous vous adressez ensuite aux spécialistes en rémunération et en équité salariale et aux statisticiens et vous leur demandez : Quelle est la méthode la plus appropriée pour analyser les données?. Vous analysez ensuite les résultats obtenus et vous effectuez une analyse de sensibilité, si vous n'en avez pas déjà faite une dans le cadre de l'application de la méthode, tel que l'a souligné M. Sunter. Vous disposez alors d'une technique raisonnable.

La raison pour laquelle vous vous voudriez examiner les résultats ultimes découle des dispositions de l'article 53 de la Loi : quelles indemnités devront être versées. Vous vous rappellerez que tant M. Sunter que M. Shillington ont précisé que les résultats ultimes de toute technique raisonnable seront fort similaires. Cependant, cela ne concerne pas le montant total, car, si vous vous en souvenez, il a soulevé la question du montant total des indemnités, et cela tient à la taille de votre population.

En appliquant la méthode niveau/segment, l'indemnité moyenne totale pour le groupe CR est de 1,10 $ l'heure. Si l'on retient la méthode proposée par l'AFPC, la courbe composite, le montant de l'indemnité, exprimé en taux horaire, est fort peu différent. Oui, le montant total sera différent car votre population compte 49 000 employés -- mais ce n'est pas pertinent.

Ce qui est pertinent, c'est le caractère raisonnable des techniques d'analyse des données et leur similarité au plan des résultats -- rajustement du taux horaire salarial par employé -- et non le montant total, qui est la somme des indemnités versées à l'ensemble de la population. Le résultat varie donc selon l'importance de la population.

Quelque 72 000 employés seront touchés par cette décision. Si la population était de cinq employés, nous ne nous arrêterions pas au montant total.

MEMBRE FETTERLY : Vous conviendriez que nous devons assumer nos responsabilités. Si nous disposons de pouvoirs discrétionnaires dans la sélection de la méthode, nous devons assumer nos responsabilités non seulement à l'égard des dispositions de la Loi, mais également en ce qui concerne la prise d'une décision juste et équitable eu égard au grand public, ou s'agit-il d'une responsabilité dont nous ne devrions pas tenir compte?

Mme MORGAN : Cela tient à la perspective dans laquelle vous abordez la situation.

MEMBRE FETTERLY : C'est là le but de ma question.

Mme MORGAN : Le principe est vrai. Vous devez parvenir à des résultats justes et équitables, conformes aux buts de la Loi, c'est vrai. Mais vous devez vous en tenir aux exigences de la Loi et celle-ci n'impose aucune restriction quant au montant total résultant de votre décision.

Donc, non, parvenir à des résultats justes et équitables exprimés en dollars que devront débourser les contribuables n'est pas une considération que le Tribunal doit retenir en vertu de l'article 11 ou de la Loi sur les droits de la personne. Absolument pas.

(ii) Voici la position de l'Alliance (volume 238, ligne 8 de la page 31653 à ligne 2 de la page 31654) :

[Traduction]

M. RAVEN : Je vous dis, avec respect, que vous devez prendre une décision en vous fondant sur un ensemble de facteurs au nombre desquels les coûts ne figurent pas.

L'argument que je vous ai présenté, et que je maintiens, est que vous devez analyser la loi, les témoignages des spécialistes en équité salariale, les témoignages des statisticiens et la teneur de l'entente, et si de l'analyse de ces quatre facteurs vous concluez que c'est la méthode de la courbe composite qui est la plus pertinente ou, en d'autres termes -- et c'est la façon que je préfère l'exprimer -- à la lumière de l'entente intervenue au début de l'étude, des conseils de Norman Willis, du fait que les données de l'échantillon ont été reportées sur une courbe composite, si vous êtes d'avis que la courbe composite ne va pas à l'encontre de la Loi, alors vous devriez la retenir. Vous devriez nous rendre ce que nous avons cru obtenir au début. Et les coûts ne figurent pas au nombre des facteurs de sélection.

(iii) Voici la position de l'intimé (volume 240, lignes 10 à 21 de la page 31937) :

[Traduction]

Madame la Présidente, membres du Tribunal, je voudrais aborder de nouveau le point dont nous discutions avant la pause, et c'est la question des coûts.

Vous vous rappellerez que mon collègue M. Raven a reproché à l'employeur de ne pas avoir présenté des éléments de preuve sur les coûts résultant de la méthode qu'il propose. La raison pour laquelle l'employeur n'a pas présenté de tels éléments de preuve est qu'à son avis les coûts ne constituent pas un facteur pertinent pour se prononcer sur les principes en cause. L'interprétation doit être fondée exclusivement sur des principes et non sur les coûts.

382. Les parties n'ont pas communiqué en tant que tel au Tribunal des données concernant le montant global résultant des coûts réels de chacune des méthodes. Tant la Commission (pièce HR-219) que l'Alliance (pièce AFPC-164) ont fourni à la Commission des calculs effectués à l'aide de leur méthode respective d'estimation de l'écart salarial entre le groupe à prédominance féminine plaignant et le groupe à prédominance masculine de comparaison. L'intimé a présenté, à l'appui de ses arguments, des tableaux illustrant l'effet d'emploi de valeur non équivalente, qui, soutient-il, résulte de la méthode de l'Alliance, sur l'évaluation de l'écart salarial par rapport aux résultats obtenus au moyen de la méthode proposée par l'intimé (pièce R-176).

383. Le Tribunal convient que la sélection de la méthode doit être régie par le principe de l'équivalence et des fonctions équivalentes énoncé à l'article 11 de la Loi et par aucune autre considération qui n'est pas apparentée à ce principe.

384. Afin de parvenir à une décision, nous avons examiné attentivement les travaux exécutés par M. Swimmer, les commentaires et opinions de MM. Shillington et Sunter, statisticiens, concernant la courbe segmentée et la courbe composite, le témoignage de Mme Weiner concernant les avantages et les inconvénients des méthodes niveau/segment et niveau/courbe composite, y compris les arguments présentés par l'avocat de l'Alliance et de la Commission. Au terme de notre analyse, nous retenons la méthode niveau/segment à la lumière des motifs énoncés dans les arguments écrits et dans l'exposé oral de l'avocat de la Commission.

385. Nous n'estimons pas que les discussions tenues dans le cadre des réunions du Comité sur la parité salariale, comme en attestent les procès-verbaux, se sont soldées par un engagement ferme et sans réserve de toutes les parties au profit de la méthode de la courbe composite. Au mieux, il se dégage des procès-verbaux une acceptation provisoire de la courbe composite des données masculines. Notre décision est étayée par le document de la Commission intitulé [traduction] Rapport du Comité mixte syndical-patronal concernant l'Étude sur la parité salariale (pièce HR-11A, onglet 13). Ce rapport a été soumis par le Comité mixte au Président du Conseil du Trésor le 31 mars 1987, assorti d'un plan de mise en oeuvre détaillé des recommandations de l'Étude sur la parité salariale. On y aborde la méthode de rajustement salarial à la page 1 de ce rapport, dont voici un extrait :

[Traduction]

MÉTHODE DE RAJUSTEMENT

La décision concernant le choix de la méthode de rajustement a été reportée jusqu'à ce qu'ait été menée à terme l'étape de l'évaluation des emplois. La méthode d'échantillonnage privilégiera le recours à diverses méthodes de rajustement, tel que proposé par les deux parties.

386. Le témoignage de M. Ranger vient également étayer notre conclusion suivant laquelle les parties ont au mieux accepté de façon provisoire la méthode de la courbe composite. M. Ranger a participé aux travaux du Comité sur la parité salariale à titre de représentant de l'Alliance. Il a assisté à des réunions du Comité mixte et il était présent lorsque le Conseil du Trésor a présenté au Comité sur la parité salariale son exposé sur la méthode d'échantillonnage. Il était également présent lorsque le Conseil du Trésor a proposé une méthode de rajustement salarial procédant de la courbe composite. De l'avis de M. Ranger, les parties estimaient qu'il résulterait de l'Étude sur la parité salariale plusieurs méthodes de rajustement salarial, lesdites méthodes devant faire l'objet de discussions bilatérales entre l'Institut et le Conseil du Trésor et entre l'Alliance et le Conseil du Trésor (volume 205, pages 26481 et 26482). M. Ranger, dans son témoignage, a confirmé que l'Alliance n'avait jamais modifié sa position à l'égard de la méthode de la courbe composite. Cependant, cette preuve n'est pas suffisante pour attester qu'il y avait eu entente liant l'Alliance et le Conseil du Trésor.

B. L'effet de cliquet

387. Selon l'intimé, si l'on compare un groupe professionnel à prédominance féminine à plusieurs autres groupes ... considérés comme un seul groupe (groupe constitué de plusieurs groupes) en vertu de l'article 14 de l'Ordonnance, il en résulte un effet de cliquet (ratcheting). L'effet de cliquet, c'est un processus se traduisant par des rajustements salariaux à répétition, le rajustement initial servant de fondement au second, le second influant ensuite sur le premier, et ainsi de suite. De l'avis de l'intimé, un effet de cliquet pourrait se produire aux termes de la présente loi en conséquence de la conjugaison de deux facteurs :

  1. si, aux termes de la l'article 11 de la Loi, des employés des deux sexes peuvent déposer des plaintes en matière de parité salariale; et
  2. si, aux termes de l'article 14 de l'Ordonnance, il est autorisé de constituer un groupe de comparaison à partir de plusieurs autres groupes professionnels considérés comme un seul groupe lorsque plusieurs groupes professionnels composés majoritairement de membres d'un sexe exécutent des fonctions équivalentes.

388. L'intimé soutient que la méthode du groupe constitué de plusieurs groupes aurait pour conséquence que le salaire des hommes, lorsqu'il est inférieur au salaire nouvellement rajusté du groupe à prédominance féminine, pourrait être rajusté en se fondant sur la courbe salariale du groupe constitué de plusieurs groupes. L'intimé soutient aussi que le groupe constitué de plusieurs groupes est une violation de l'article 11 de la Loi parce que la disparité salariale entre le groupe professionnel à prédominance féminine et le groupe constitué de plusieurs groupes n'est pas le résultat d'une discrimination fondée sur le sexe.

389. De l'avis de Mme Weiner, l'effet de cliquet ne s'applique pas dans le contexte de l'égalité de rémunération pour fonctions équivalentes. Elle décrit le phénomène comme un détournement de l'objectif, à savoir la détermination de ce que constituerait l'équité en se fondant sur une analyse des tendances propres à des emplois masculins, vers un autre objectif, à savoir le placement d'emplois masculins individuels sur une courbe de régression de données masculines, courbe qui, dans les faits, existait déjà avant même que ne soient rajustés les salaires des femmes. Elle estime qu'une fois la méthode arrêtée pour parvenir à l'équité salariale, il faut maintenir le cap sur l'objectif original. Elle a indiqué que si l'objectif est constamment révisé, il sera impossible de parvenir à l'équité. Voici un extrait de son témoignage (volume 7, lignes 1 à 21 de la page 1066) :

[Traduction]

Je ne puis croire que le concept de l'équité et de la parité salariales en ferait partie. J'estime qu'on peut choisir parmi diverses normes -- emploi/courbe, courbe/courbe, emploi/emploi -- et une fois que l'on a retenu l'une de ces normes, il faut l'appliquer en faisant preuve de logique et de cohérence. Il s'agit alors de rejeter l'effet de cliquet.

LA PRÉSIDENTE : S'agit-il d'un concept qui est sans rapport avec le concept de l'équité salariale?

LE TÉMOIN : J'éprouve de la difficulté à l'accepter; cependant, quelqu'un y a pensé, et quelqu'un s'en préoccupe.

À mes yeux, il ne cadre pas avec votre définition d'équité. Si la courbe de salaires masculins représente les salaires paritaires, si on déplace des emplois masculins qui se trouvent sur cette courbe, on change la donne. Comment peut-on dire qu'une norme a été établie, et que dès qu'elle est établie vous permettiez -- je ne puis l'envisager.

390. M. Durber a indiqué que la Commission rejetterait toute plainte présentée par un groupe à prédominance masculine visant à comparer leurs salaires aux salaires rajustés d'un groupe à prédominance féminine. M. Durber a indiqué que la Commission pourrait justifier le rejet d'une telle plainte présentée par un groupe à prédominance masculine en faisant valoir que, dans les faits, le groupe plaignant comparerait ses salaires non aux salaires nouvellement rajustés du groupe à prédominance féminine, mais plutôt aux salaires des autres groupes à prédominance masculine retenus aux fins de tracer la courbe de salaires du groupe constitué de plusieurs groupes. Selon M. Durber, il n'y a eu aucune plainte de discrimination à rebours déposée auprès de la Commission.

391. Voici un extrait du témoignage de M. Durber (volume 146, de la ligne 3 de la page 18128 à la ligne 15 de la page 18130) :

[Traduction]

Q. Vous avez indiqué qu'à votre avis cela ne serait pas autorisé, que ces hommes ne pourraient déposer une plainte au terme de ce processus. Pourquoi pas?

R. À mon avis, leur plainte concernerait la courbe des salaires moyens des emplois masculins. Or, nous n'avons rien fait pour modifier la courbe des salaires moyens des hommes. Cela est manifeste.

Nous rajusterons le salaire des femmes en nous fondant sur cette courbe; or, ce faisant, nous n'avons pas modifié les salaires des hommes. Nous ne faisons rien qui soit discriminatoire à l'égard des hommes.

Les hommes ne peuvent alléguer qu'il y a discrimination à leur égard en se fondant sur d'autres hommes, pas plus que des femmes peuvent le faire en se fondant sur les salaires d'autres femmes. J'estime donc qu'une telle plainte ne serait pas fondée.

Q. Comment la Commission aborderait-elle une telle plainte?

R. Nous devrions évidemment mener une enquête. Si nous n'avions pas participé au choix de la solution, nous devrions nous assurer qu'elle a été retenue en conformité de la Loi et qu'il n'y avait pas de problèmes, que des hommes n'avaient pas fait l'objet de distinctions défavorables, par exemple. Nous voudrions trouver des réponses à un certain nombre de ces questions.

Cependant, j'estime que si la Commission avait participé au choix de la solution -- par exemple, que la courbe aurait été établie dans le cadre d'un règlement quelconque et que la Commission, après l'avoir examiné, estimerait que l'étude sur l'équité salariale avait été menée dans les normes, j'estime que nous en informerions le groupe plaignant. Nous rédigerions un rapport d'enquête. Le groupe plaignant présenterait ses arguments et la Commission les examinerait. Il est à souhaiter que les commissaires s'entendraient pour rejeter la plainte en faisant valoir qu'elle n'est pas fondée sur le sexe, qu'elle n'est pas fondée sur de la discrimination entre les sexes.

392. dler a indiqué que les pratiques de la Commission n'autorisent pas, aux termes de l'article 11, le dépôt de plaintes par des individus qui ne sont pas satisfaits d'une plainte déposée au nom d'un groupe dont ils font partie.

393. estimons que les arguments relatifs à l'effet de cliquet présentés par l'intimé ne sont pas fondés. L'objet d'une méthode de rajustement salarial dans le cadre de l'examen des plaintes à l'étude par le Tribunal c'est d'établir une courbe des salaires des hommes afin de cerner la politique salariale pratiquée par l'employeur à l'égard des hommes. À notre avis, cette démarche ne peut se traduire par le dépôt d'une plainte par des hommes alléguant qu'ils ont fait l'objet d'une pratique discriminatoire. En l'instance, l'effet de cliquet ne cadre pas avec les objectifs fondamentaux de l'équité salariale et, pour cette raison, il n'est pas compatible avec l'objet de l'article 11.

394. ne souscrivons pas aux arguments de l'intimé qui soutient que la Cour suprême du Canada, dans la décision qu'elle a rendue dans l'affaire S.E.P.Q.A., supra, appuie ses arguments à l'égard de l'effet de cliquet. L'avocat de l'intimé, se reportant aux observations du juge Sopinka qui a rédigé la décision de la majorité, allègue que le recours à la méthode du groupe constitué de plusieurs groupes admet l'effet de cliquet. Les observations du juge Sopinka sont présentées dans sa description des faits de l'affaire. Voici un extrait de cette description (pages 887 et 888) :

Ce processus a pris environ quatre ans et, du début à la fin, l'enquêteur est demeuré constamment en contact avec l'appelant et avec Radio-Canada, qui l'ont à l'occasion fait bénéficier de leurs observations.

Quoique l'enquêteur ait découvert certaines anomalies, celles-ci étaient insignifiantes compte tenu de la cohérence globale des évaluations de classification. L'enquêteur a conclu que les disparités salariales constatées résultaient d'une classification erronée et il a fait remarquer que ces disparités, au lieu d'être fondées sur le sexe, existaient aussi dans les comparaisons entre des postes bien classifiés et mal classifiés d'employés masculins. Il a donc recommandé que la Commission rejette la plainte parce qu'elle était mal fondée.

Bien que les parties aient été tenues au courant de l'évolution de l'enquête, l'enquêteur régional, Michel Pitre, a écrit ceci à l'appelant le 16 octobre 1984 :

Veuillez donc trouver sous ce pli une copie des documents qui seront soumis à la Commission afin de lui permettre de rendre décision dans ce cas. Nous vous invitons à faire parvenir votre soumission à la Directrice des Plaintes et de la mise en oeuvre (Commission canadienne des droits de la personne, 400, 90, rue Sparks, Ottawa, Ontario, K1A 1E1) dans les trentes (sic) (30) jours civils qui suivent la date à laquelle vous avez reçu cette lettre.

Était jointe à la lettre une copie de son rapport qui expliquait, avec des renvois au plan Aiken, la méthode employée et les résultats obtenus. De plus, chacune des anomalies susmentionnées y était clairement décrite. Sous la rubrique Discussion, l'enquêteur précisait que pour faire enquête il fallait tenir compte du groupe plutôt que de ses membres individuels et examiner le système plutôt que se concentrer sur des plaintes individuelles. Cette démarche découle de l'interprétation donnée par la Commission à l'art. 11 de la Loi. La Commission adopte cette interprétation parce qu'elle estime que l'art. 11 est libellé de manière à empêcher l'effet de cliquet (ratcheting) et d'autres rajustements salariaux non conformes aux pratiques acceptées en matière de rémunération. Par exemple, il se peut que dix employés du sexe masculin remplissant des fonctions différentes et rémunérés à des taux différents accomplissent tous un travail équivalent à celui d'une employée dont le salaire est inférieur. S'il était permis à cette employée féminine de limiter une plainte fondée sur l'art. 11 à une comparaison de son salaire avec celui de l'homme le mieux rémunéré, c'est à ce dernier niveau que serait porté son salaire à elle. Tous les autres employés masculins pourraient par la suite exiger le rajustement de leurs salaires pour qu'ils soient égaux à celui de la femme, dont la rémunération se situerait au taux maximal. En fin de compte, tous les employés finiraient par obtenir le taux maximal. Ainsi appliqué, l'art. 11 garantirait non pas la parité salariale entre les sexes, mais le paiement d'un salaire égal pour des fonctions équivalentes indépendamment du sexe des employés. [c'est nous qui soulignons]

395. L'avocat de l'intimé se fonde sur ces observations du juge Sopinka pour motiver sa thèse selon laquelle un groupe plaignant à prédominance féminine ne peut bénéficier d'un rajustement relevant les salaires du groupe au niveau du salaire moyen des groupes de comparaison, par exemple, celui du groupe constitué de plusieurs groupes, car alors tous les hommes justifiant d'un salaire inférieur au nouveau salaire rajusté des femmes devraient bénéficier d'un rajustement équivalent.

396. Nous sommes d'avis que les observations du juge Sopinka concernent l'interprétation de la Commission de l'application de l'article 11 de la Loi aux faits propres à cette affaire. L'enquêteur de la Commission avait conclu que les disparités salariales constatées lors de l'enquête résultaient d'emplois mal classifiés et non d'une discrimination fondée sur le sexe. Au vu de ces motifs, la Commission ne voulait pas rajuster le salaire des femmes sans tenir compte du sexe. Le juge Sopinka a convenu du bien-fondé des conclusions de l'enquêteur. Nous n'estimons pas que les observations du juge Sopinka étayent la conclusion selon laquelle il se produirait un effet de cliquet de la façon décrite par l'intimé. Dans le contexte dans lequel le juge Sopinka a exprimé ses commentaires, il y aurait effet de cliquet si on interprétait l'article 11 comme autorisant le dépôt d'une plainte de disparité salariale par rapport aux hommes les mieux rémunérés. Ce n'est pas là le fondement de la comparaison résultant de la méthode niveau/segment. La comparaison procède plutôt d'une comparaison du niveau des femmes aux valeurs moyennes des emplois masculins.

397. Notre constatation est conforme à la réaction de l'intimé au projet d'ordonnance de 1986 de la Commission, réaction exposée dans la communication présentée par Mme Ouimet à l'Université York, à Toronto, en mars 1987 (pièce PSAC-20) (voir la section VII, A, alinéa 251). Nous citons de nouveau cet extrait :

[Traduction]

La Commission canadienne des droits de la personne a récemment adopté une ordonnance dans laquelle elle aborde un certain nombre de points concernant la mise en oeuvre de l'égalité de rémunération pour fonctions équivalentes. Deux des interprétations que nous accueillons favorablement concernent l'inclusion des taux salariaux régionaux au nombre des facteurs reconnus raisonnables pour justifier la disparité salariale, et l'acceptation de calculer le rajustement salarial du groupe plaignant à partir du salaire moyen pondéré des groupes de comparaison plutôt qu'en se fondant sur le salaire le plus élevé du groupe de comparaison. On supprime ainsi le risque de prêter le flanc à des plaintes pour discrimination à rebours. [c'est nous qui soulignons]

IX. TAUX SALARIAUX RÉGIONAUX

398. Dix des groupes professionnels examinés dans le cadre de l'Étude sur la parité salariale justifiaient de taux salariaux régionaux. Cela signifie que des employés de la fonction publique membres de groupes professionnels de la Fonction publique fédérale, occupant des postes similaires, justifiaient de taux salariaux différents. Les taux salariaux régionaux tiennent à la région géographique où vivent les employés. Les autres groupes professionnels examinés dans le cadre de l'Étude sur la parité salariale justifiaient d'un taux national de rémunération. Ce taux est uniforme et ne varie pas d'une région à l'autre.

399. M. Durber a indiqué que les taux salariaux régionaux ont été établis à la Fonction publique fédérale en 1967 au tout début de la négociation collective. Il a expliqué que le gouvernement recrutait des employés aux taux courants, employés dont les taux salariaux étaient établis à partir des taux pratiqués dans leur région. De l'avis de M. Durber, l'établissement de taux régionaux a permis au gouvernement fédéral d'intégrer dans la fonction publique des travailleurs qui n'étaient pas fonctionnaires, sans toutefois désorganiser les milieux régionaux d'affaires.

400. À partir des éléments de preuve présentés à l'égard de la population des groupes, nous avons constaté que dans les six groupes professionnels à prédominance féminine représentés par l'Alliance, environ 1,8 % des titulaires étaient rémunérés selon des taux régionaux. Cela concerne deux des groupes professionnels à prédominance féminine, dont Services hospitaliers (HS) et Soutien de l'enseignement (EU).

401. Tant la Commission que l'Alliance estiment que les taux régionaux soulèvent deux questions quant à la détermination de l'égalité de rémunération pour fonctions équivalentes. La première question concerne la méthode de calcul de l'écart salarial entre les salaires des groupes à prédominance féminine justifiant de taux salariaux régionaux et les salaires des hommes qui sont également rémunérés à partir de taux régionaux. Dans le cadre de l'Étude sur la parité salariale, six des groupes professionnels à prédominance masculine identifiés à titre de groupes de comparaison justifiaient de taux régionaux de rémunération. La seconde question concerne l'acceptabilité de taux régionaux aux termes du paragraphe 11(4) de la Loi et de l'alinéa 16(j) et de l'article 17 de l'Ordonnance. Voici le libellé de ces dispositions :

La Loi :

11(4) Ne constitue pas un acte discriminatoire au sens du paragraphe (1) la disparité salariale entre hommes et femmes fondée sur un facteur reconnu comme raisonnable par une ordonnance de la Commission canadienne des droits de la personne en vertu du paragraphe 27(2).

L'Ordonnance :

16 Pour l'application du paragraphe 11(3) de la Loi, les facteurs suivants sont reconnus raisonnables pour justifier la disparité salariale entre les hommes et les femmes qui exécutent dans le même établissement des fonctions équivalentes

(j) les variations salariales régionales, dans les cas où le régime salarial applicable aux employés prévoit des variations de salaire pour un même travail selon la région où est situé le lieu de travail.

17 L'employeur qui entend justifier une disparité salariale en invoquant l'un des facteurs énumérés à l'article 16 doit prouver que ce facteur est appliqué de façon uniforme et équitable dans le calcul et le versement des salaires des hommes et des femmes qui exécutent, dans le même établissement, des fonctions équivalentes.

402. Selon la Commission et l'Alliance, une fois que le groupe plaignant a établi prima facie qu'il y a eu discrimination en vertu de l'article 11 de la Loi, l'intimé peut invoquer les dispositions relatives aux facteurs reconnus raisonnables du paragraphe 11(4) de la Loi et de l'alinéa 16(j) de l'Ordonnance à l'appui de ses arguments, mais qu'en l'instance il a omis de le faire.

403. L'Alliance soutient que les taux du niveau ou du sous-groupe des groupes professionnels à prédominance féminine HS et EU devraient être révisés en fonction de la courbe composite des données masculines. De fait, ce rajustement abolirait tous les taux régionaux de rémunération de ces groupes (volume 238, lignes 15 à 25, page 31730). Ayant tranché la question de la courbe composite proposée à titre de méthode appropriée de rajustement salarial en l'espèce, la position de l'Alliance concernant les taux régionaux de rémunération n'est donc plus justifiée.

404. La Commission estime que seuls les taux de rémunération régionaux du groupe professionnel EU à prédominance féminine devraient être abolis. Selon M. Durber, l'article 17 de l'Ordonnance prévoit un test en trois volets afin d'établir si un employeur peut justifier une disparité salariale en invoquant l'un des facteurs énumérés à l'article 16 de l'Ordonnance (voir section IX, alinéa 401). M. Durber a décrit les trois tests qu'il a appliqués dans la présente affaire. Les voici :

  1. Le critère de l'uniformité -- Dans son enquête, la Commission procède entre autres à une évaluation des catégories professionnelles de la Fonction publique fédérale afin d'établir si les professions à prédominance féminine et masculine dans ces catégories sont traitées de façon similaire dans des circonstances similaires. Essentiellement, la Commission vérifie s'il y a cohérence dans l'établissement des taux régionaux entre les emplois féminins et masculins d'un groupe professionnel.
  2. Le critère de l'équité -- La Commission établit si les femmes subissent des retombées négatives de l'application de taux de rémunération régionaux en comparant ces derniers à ceux pratiqués à l'égard d'hommes dans les mêmes circonstances. Ce test témoigne de l'importance d'examiner l'établissement des taux régionaux par catégorie professionnelle.
  3. Le critère de l'équivalence des fonctions -- Il s'agit d'établir si les employés de groupes à prédominance masculine et féminine sont traités de façon uniforme et équitable lorsque leurs emplois s'inscrivent dans la même fourchette de valeurs. La Commission examine alors s'il y a un pourcentage raisonnable de groupes professionnels à prédominance masculine justifiant de taux régionaux et s'inscrivant dans la fourchette correspondante de valeurs du groupe à prédominance féminine.

405. M. Durber a indiqué qu'il avait mené une enquête afin d'établir si l'intimé satisfaisait aux critères qu'il avait établis. Au terme de son enquête, il a conclu que seuls les taux régionaux versés aux employés du groupe professionnel HS seraient assujettis aux dispositions des articles 16 et 17 de l'Ordonnance. La Commission en a conclu, en se fondant sur l'enquête de M. Durber concernant les taux régionaux des groupes professionnels à prédominance féminine, que les taux régionaux devaient être maintenus pour le groupe professionnel HS et abolis pour le groupe professionnel EU. Dans son enquête, M. Durber a examiné les taux régionaux des groupes professionnels à prédominance masculine retenus aux fins de comparaison. De l'avis de l'avocat de la Commission, M. Durber n'a trouvé aucun motif d'ordre discriminatoire dans l'établissement des taux régionaux des groupes professionnels à prédominance masculine.

406. L'intimé estime que l'article 16 de l'Ordonnance s'applique seulement si un employeur reconnaît qu'il y a un écart salarial imputable à des disparités et qu'il s'emploie à justifier cet écart salarial en se fondant sur l'existence de taux régionaux ou sur l'un des autres facteurs reconnus comme étant raisonnables de l'article 16 de l'Ordonnance. L'intimé soutient également que c'est dans ces circonstances que s'applique l'article 17 de l'Ordonnance. Il est écrit au paragraphe 257 des arguments écrits de l'intimé :

[traduction]

en l'espèce, l'employeur ne reconnaît pas qu'il y a écart salarial découlant de disparités salariales et il ne s'emploie pas à justifier un écart salarial en se fondant sur les taux régionaux.

407. L'intimé soutient également que ni l'article 17 de l'Ordonnance ni l'article 11 de la Loi ne qualifie de pratique d'emploi discriminatoire les variations salariales régionales. Il soutient que l'objet de l'article 11 de la Loi ne concerne pas les variations entre les taux salariaux d'un groupe professionnel à prédominance féminine découlant du lieu de travail et, en conséquence, qu'il n'y a aucune disposition législative qui justifie l'abolition de taux régionaux dans les groupes professionnels à prédominance féminine. Qui plus est, l'employeur soutient que la question de la discrimination résultant de taux régionaux relève des articles 7 et 10 de la Loi, articles sur lesquels le Tribunal n'a pas à se pencher en l'espèce (volume 179, pages 22785 et 22786).

408. Nous aborderons d'abord la question de savoir s'il faut abolir les taux régionaux dans les deux groupes professionnels à prédominance féminine.

409. M. Durber a reconnu dans son témoignage que c'est la première fois que la Commission était appelée à se pencher sur la question des taux régionaux dans le cadre d'une plainte en matière d'équité salariale en vertu de l'article 11 de la Loi. Nous estimons que la description faite par M. Durber des trois tests qu'il a appliqués est, à tout le moins, vague et insuffisamment précise. Il semble y avoir un chevauchement considérable entre les trois tests. Le Tribunal n'a pas été saisi d'information justifiant les points dont M. Durber a tenu compte. La Commission n'a pas présenté de méthode normalisée à l'égard de ce problème relativement à l'application de l'alinéa 16(j) et de l'article 17 de l'Ordonnance. C'est ce qui ressort du témoignage de M. Durber dont voici un extrait (volume 152, de la ligne 8 de la page 18920 à la ligne 6 de la page 18922) :

[Traduction]

Q. Est-ce que la Commission s'est déjà livrée à une analyse approfondie des taux régionaux dans le cadre d'autres plaintes?

R. Non.

Q. Pourquoi pas?

R. Nous sommes parvenus à des ententes, essentiellement parce que nous avons procédé à des comparaisons de groupes, tel qu'il a été indiqué, je crois, au Tribunal. Nous n'avons pas eu, à ce jour, à procéder à des comparaisons d'aussi grande envergure que celles en l'espèce. Les groupes faisant l'objet de la comparaison, si j'ai bien compris, sont essentiellement ceux qui justifient de taux régionaux. Or, ce n'est pas entièrement vrai car il y a eu une plainte d'infirmières où intervenait un groupe d'hommes justifiant de taux régionaux, mais il s'agissait d'une entente provisoire. En conséquence, la question a été réglée au vu de la preuve, tout en admettant qu'il y avait aussi d'autres points litigieux à régler.

Donc, la Commission n'a pas eu à se pencher sur cette question et, comme je l'ai indiqué, elle n'a pas été soulevée dans l'affaire des Services généraux. Des formules d'établissement de taux régionaux ont été présentées, mais elles n'ont pas été abordées dans la perspective de l'article 17.

J'aimerais ajouter brièvement que bon nombre d'ententes ont été conclues avant l'ajout des taux régionaux dans l'Ordonnance sur la parité salariale, mais il n'en demeure pas moins que les taux régionaux ont été examinés avant 1986.

Q. À la lumière de votre réponse, êtes-vous d'avis qu'il serait possible de contrôler autrement le caractère raisonnable de taux régionaux? Vous avez mentionné trois (3) tests possibles en vertu de l'article 17, parce qu'ils vous sont venus à l'esprit, mais êtes-vous ouvert à d'autres façons d'aborder l'application de l'article 16?

R. Je crois que le seul autre que je proposerais -- la seule autre porte, c'est-à-dire, que je suggérais de fermer, c'en est une qui soutient que dans le secteur hospitalier, par exemple, les taux sont des taux provinciaux. C'est la politique de l'employeur de s'adapter au marché, par conséquent, nous utilisons les taux régionaux des hôpitaux et des provinces. Je crois qu'il faudrait aller au-delà des taux pratiqués sur le marché pour justifier une position. Nous savons qu'il y a discrimination salariale sur le marché et qu'il ne s'agit pas d'un facteur raisonnable pour justifier la discrimination.

Donc, hormis ce point, j'ai certes l'esprit ouvert et je suis disposé à examiner tous les autres arguments qui pourraient être présentés.

410. Le Tribunal reconnaît que l'intimé, en l'espèce, n'a pas présenté de défense en vertu des articles 16 et 17 de l'Ordonnance. Néanmoins, le Tribunal doit être satisfait que l'interprétation de la Commission de l'article 17 de l'Ordonnance et son application des articles 16 et 17 de l'Ordonnance sont justes dans les circonstances. L'approche empruntée par la Commission doit être sensée et fondée sur des arguments valables. Le témoignage de M. Durber ne satisfait pas à ces exigences. Par conséquent, rien ne justifie l'abolition des taux régionaux des groupes plaignants, c'est-à-dire, les groupes professionnels HS et EU.

411. Nous nous pencherons maintenant sur le taux de rémunération approprié à retenir pour établir l'écart salarial, lorsqu'il existe des taux régionaux, dans le cadre de la méthode niveau/segment.

412. La Commission propose le recours à la méthode de la moyenne arithmétique simple pour le groupe professionnel HS et les groupes professionnels à prédominance masculine justifiant de taux régionaux. M. Durber a dit craindre que le recours à une moyenne pondérée pourrait poser des problèmes dans les calculs résultant de la méthode niveau/segment. Il n'a pu expliciter. La méthode de la moyenne arithmétique simple est décrite à la pièce HR-256. Aux fins du calcul de l'écart salarial, la Commission recommande l'application d'une moyenne arithmétique simple des taux régionaux des hommes à chacune des courbes segmentées aux fins d'établir l'écart salarial. Aucune abolition de taux régionaux des groupes à prédominance masculine ne résultera de l'application de cette technique.

413. On obtient une moyenne arithmétique simple en faisant la somme des plafonds de rémunération de chacun des niveaux d'un groupe ou de chacun des sous-groupes, et en divisant le total ainsi obtenu par le nombre de taux régionaux de l'échantillon. La moyenne simple ne tient pas compte du nombre variable de titulaires dans les régions en cause.

414. Par contraste à la proposition de la Commission concernant l'établissement d'une moyenne arithmétique simple de tous les taux régionaux de rémunération des groupes professionnels à prédominance masculine, l'Alliance propose l'établissement d'une moyenne pondérée pour obtenir le taux salarial des observations des groupes de comparaison à prédominance masculine justifiant de taux régionaux. On obtient cette moyenne pondérée en multipliant le taux salarial de chacune des régions par le nombre de titulaires dans la région, puis en faisant la somme de ces totaux et en divisant la somme ainsi obtenue par le nombre total de titulaires dans toutes les régions. Le nombre ainsi obtenu est qualifié de moyenne pondérée. L'Alliance justifie cette façon de calculer l'écart salarial en se reportant à un échantillon tiré de l'Étude sur la parité salariale. De l'avis de l'Alliance, l'échantillon ne devait pas être le reflet, d'aucune façon, des salaires des diverses régions canadiennes ou de la population active de ces régions (volume 238, pages 31720 et 31721).

415. L'intimé propose aussi la méthode de la moyenne pondérée. Il est à souligner que l'intimé utilise une moyenne pondérée dans sa méthode de rajustement salarial chaque fois qu'un groupe professionnel à prédominance féminine ou masculine justifie d'un taux régional. De l'avis de l'intimé, la moyenne pondérée permet d'établir un taux salarial plus précis pour tous les employés d'un groupe professionnel.

416. Nous estimons que la méthode de la moyenne pondérée est plus précise pour établir un taux salarial régional aux fins des calculs à exécuter dans le cadre de la méthode niveau/segment. La population des employés justifiant de taux régionaux peut être utilisée aux fins d'établir la moyenne pondérée. Dans tous les cas, nous avons constaté que la méthode de la moyenne pondérée était privilégiée pour calculer l'écart salarial. Même M. Sunter privilégiait les régressions pondérées à titre de méthode d'analyse appropriée des calculs dans le cadre de la méthode niveau/segment (volume 112, page 13465). D'affirmer M. Sunter, lorsqu'il faut établir l'écart salarial, il faut utiliser la meilleure méthode d'analyse disponible.

X. RÉPARATION

A. Rétroactivité

417. Toutes les parties conviennent que la période de rétroactivité des rajustements peut s'échelonner du 1er avril 1987 jusqu'à la date à laquelle le Tribunal rendra son ordonnance. L'intimé estime qu'il est fondé de situer au 1er avril 1987 le début de la période de rajustement. Or, si le Tribunal devait choisir une date antérieure, cette date devra être fondée sur des éléments de preuve attestant qu'il y avait, en l'espèce, écart salarial à ce moment. Le litige concernant la période de rétroactivité des rajustements porte sur la période antérieure au 1er avril 1987.

418. La Commission est d'avis que les salaires du groupe à prédominance féminine plaignant devraient être rajustés de façon rétroactive, dans le cas du groupe professionnel CR, à compter du 19 décembre 1983. Il s'agit d'une date qui précède d'un an le dépôt de la plainte originale, à savoir le 19 décembre 1984. La Commission a pour pratique, lors des plaintes d'équité salariale, de limiter la période de rétroactivité à au plus un an avant le dépôt de la plainte. En ce qui concerne les autres groupes plaignants parties à la plainte déposée le 16 février 1990 au nom des six groupes à prédominance féminine plaignants mentionnés dans la plainte, à savoir les groupes HS, ST, EU, DA(CON) et LS, il devrait y avoir rajustement salarial à compter du 8 mars 1984, un an avant l'annonce de la tenue de l'Étude sur la parité salariale.

419. À l'appui de ses arguments, la Commission s'en remet aux éléments de preuve présentés par M. Willis à l'égard d'une étude sur les fonctions équivalentes menée dans l'État de Washington, étude où M. Willis a établi le plan d'évaluation des emplois et participé à l'évaluation et à l'analyse des emplois. Dans cette affaire, le Tribunal américain a ordonné réparation pour salaires perdus sur une période dont le début se situait deux ans avant la date de la tenue de l'étude sur la parité salariale. En outre, la Commission s'en remet à la décision du juge Hugessen dans l'affaire Fonds non publics, supra, le juge ayant conclu que le tribunal dont la décision faisait l'objet d'un appel s'était trompé eu égard à la période de rétroactivité du rajustement salarial car le plaignant avait établi prima facie qu'un rajustement salarial s'imposait.

420. La Commission soutient également qu'elle a établi, en collaboration avec l'Alliance, que les professions à prédominance féminine dans la Fonction publique fédérale avaient depuis toujours été sous-évaluées lors de l'établissement des salaires et que les taux salariaux des groupes professionnels à prédominance féminine étaient toujours sous-évalués en raison de problèmes systémiques. La Commission soutient qu'il appartient à l'intimé de faire la preuve que les changements relatifs dans les valeurs des emplois qui se sont produits après l'Étude sur la parité salariale n'existaient pas avant la tenue de l'étude.

421. La Commission fonde ses arguments sur les dispositions réparatrices de la Loi qui, à son avis, doivent être appliquées et interprétées de façon à appuyer les fins générales de la Loi. La Commission estime que la mesure visant à contrer les actions systémiques reconnues par la Cour suprême dans l'affaire Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, supra, est une mesure de réparation applicable au règlement d'une plainte déposée en vertu de l'article 11. Dans cette décision, la Cour a maintenu une ordonnance d'un tribunal des droits de la personne qui imposait à la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada un programme spécial d'équité en matière d'emploi au profit des femmes.

422. La Commission soutient que le fardeau de la preuve aux fins d'établir l'importance des pertes salariales lors d'une plainte déposée en vertu de l'article 11 doit être régi par la norme du raisonnable. Elle soutient que le témoignage du témoin de l'Alliance, Mme Millar, conjugué aux préoccupations en matière d'équité salariale exprimées par ses membres avant l'annonce de l'Étude sur la parité salariale, sans oublier la nature systémique permanente de la discrimination exercée en l'espèce, confirme que, selon la norme du raisonnable, il y avait eu discrimination avant la date du dépôt de la plainte et de l'annonce de l'Étude sur la parité salariale (voir le paragraphe 34 des arguments écrits).

423. Essentiellement, l'Alliance est d'accord avec les dates proposées par la Commission aux fins du calcul de la rétroactivité des salaires concernant ses groupes. La seule divergence concerne le groupe professionnel DA, l'Alliance soutenant que le rajustement salarial devrait s'appliquer au groupe entier et non seulement au sous-groupe DA-CON. L'Alliance n'a pas présenté au Tribunal des arguments justifiant que le groupe DA devrait être considéré dans son ensemble lors de l'application de la méthode niveau/segment. En sus des arguments présentés par la Commission, l'Alliance soutient que le Tribunal devrait souscrire à l'objet des dispositions réparatrices de la Loi qui, à son avis, est de dédommager pleinement et de façon appropriée un plaignant pour l'effet des pratiques discriminatoires subies, argument se fondant sur l'affaire Grover c. Conseil national de recherches du Canada (1992), 18 C.H.R.R. D/1 (Trib. C.D.P.), jugement confirmé (1994), 80 F.T.R. 256 (CFSPI) et Pitawanakwat c. Canada (Procureur général) et al. (1994), 78 F.T.R. 11 (CFSPI).

424. L'Alliance soutient que la décision du juge Hugessen dans l'affaire Fonds non publics, supra, soutient la présomption qu'une fois qu'il a été établi qu'il existait un écart salarial, tout indique que cet écart salarial existait depuis un certain temps avant qu'il ne soit constaté. À cet égard, l'Alliance a cité les observations suivantes exprimées par le juge Hugessen à la page 99, de la décision :

Bien que les dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne aient pour unique but d'accorder un redressement et ne soient pas à caractère punitif, des demandes de rémunération rétroactive remontant à de nombreuses années en arrière constitueraient une contrainte considérable pour un employeur. Si j'ai précisé que, selon moi, une fois un écart salarial établi, l'employeur doit s'acquitter du fardeau de démontrer que cet écart salarial n'existait pas antérieurement, c'est en partie parce que l'employeur est la personne probablement la mieux placée pour avoir accès aux renseignements nécessaires concernant les tâches afférentes à chaque poste, leur valeur et les salaires versés. Cette probabilité diminue la période à laquelle on peut remonter au-delà du moment où l'employeur a été averti que sa pratique salariale pouvait être discriminatoire. De plus, la présomption voulant que la discrimination systémique ait produit les mêmes effets par le passé que ceux qu'elle produit actuellement s'affaiblit progressivement, à mesure qu'on remonte dans le passé. [c'est nous qui soulignons]

425. L'Alliance a fait valoir que lors de l'annonce de l'Étude sur la parité salariale, en mars 1985, la Commission, à la demande de l'intimé, avait convenu de suspendre l'examen des plaintes existantes en vertu de l'article 11 et de faire de même avec toutes les nouvelles plaintes déposées en vertu de l'article 11. L'Alliance soutient que les groupes plaignants ne devaient pas être pénalisés en raison de cet arrangement d'ordre pratique. L'Alliance soutient que c'est pour cette raison qu'elle n'a pas déposé d'autres plaintes en vertu de l'article 11 au nom des employés qu'elle représente pendant le déroulement de l'Étude sur la parité salariale.

426. Par ailleurs, l'intimé soutient que l'estimation de l'écart salarial à partir de l'évaluation des emplois effectuée dans le cadre de l'Étude sur la parité salariale devrait être fondée sur les salaires en vigueur au cours de l'exercice du 1er avril 1987 au 31 mars 1988. L'intimé soutient qu'il s'agit d'une période appropriée pour estimer l'écart salarial. C'est au cours de l'été et de l'automne de 1987 que le Comité mixte a compilé l'information sur les emplois qu'il a utilisée aux fins de l'évaluation des emplois. L'intimé soutient qu'en retenant d'autres périodes, par exemple, 1984-1985 ou 1989-1990, aux fins d'estimer l'écart salarial, il en résulterait que l'estimation serait fondée sur l'hypothèse que la valeur relative des emplois du groupe plaignant et des groupes de comparaison sont demeurées les mêmes pendant toute la période.

427. L'intimé s'en remet aux éléments de preuve présentés par M. Willis, qui a témoigné que les fonctions d'un poste peuvent évoluer dans le temps et que l'information compilée à l'égard d'emplois est moins pertinente pour les périodes antérieures et subséquentes à la collecte de l'information. Dans son témoignage, M. Willis a aussi indiqué que l'information concernant des emplois est plus pertinente lorsqu'elle est utilisée pour analyser la période au cours de laquelle elle a été recueillie. Dans les études auxquelles il a participé, la relation entre les emplois et la rémunération a été établie à mesure que les questionnaires remplis étaient reçus.

428. L'intimé soutient aussi que si l'on retient une période autre que 1987-1988, on tient alors pour acquis que la situation des groupes de comparaison est demeurée la même pendant toute la période. L'intimé affirme que cette hypothèse ne peut être justifiée à la lumière de l'évolution de la prédominance des sexes dans les groupes professionnels examinés dans le cadre de l'Étude sur la parité salariale. Bien que ce point ait été soulevé dans les arguments écrits et dans les exposés oraux, il y a peu d'éléments de preuve, voire aucun, qui ont été présentés au Tribunal à cet égard. L'intimé soutient qu'il y a eu évolution dans la prédominance des sexes des groupes professionnels PM, HS et EU depuis l'Étude sur la parité salariale.

429. L'intimé fait valoir d'après les observations du juge Hugessen dans l'affaire Fonds non publics, supra, que le fardeau de la preuve appartient à l'employeur une fois qu'il a été établi qu'il y avait un écart salarial. L'intimé soutient que, en l'instance, il n'est pas raisonnable de lui imposer ce fardeau. L'intimé a énoncé ses arguments à cet égard au paragraphe 46 de ses arguments écrits concernant la phase IIB :

[Traduction]

En l'occurrence, les éléments de preuve concernant les fonctions des emplois, les valeurs des emplois et les salaires ont été compilés par le Comité mixte en 1987-1988. La preuve, en l'espèce, confirme qu'il faut déployer des efforts considérables pour compiler des éléments de preuve en réponse à ces plaintes, et indique pourquoi il importe que ces efforts soient déployés conjointement et non unilatéralement par le plaignant ou l'intimé. En conséquence et eu égard aux présentes plaintes, nous soumettons respectueusement qu'il ne serait pas raisonnable de s'attendre de l'intimé qu'il puisse réunir des éléments de preuve concernant une période antérieure à 1987-1988.

430. Les dispositions pertinentes de la Loi qui confèrent au Tribunal la compétence de prendre des mesures réparatrices sont énoncées à l'alinéa 53(2)c) de la Loi, dont voici le libellé :

53(2) À l'issue de son enquête, le tribunal qui juge la plainte fondée peut, sous réserve du paragraphe (4) et de l'article 54, ordonner, selon les circonstances, à la personne trouvée coupable d'un acte discriminatoire :

c) d'indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction qu'il juge indiqué, des pertes de salaire et des dépenses entraînées par l'acte;

431. Le juge Hugessen a commenté, dans l'affaire Fonds non publics, supra, la portée de l'alinéa 53(2)c) de la Loi, eu égard à la compétence d'un tribunal d'ordonner que soit pleinement indemnisé un plaignant victime d'un acte discriminatoire. Le juge Hugessen a critiqué le Tribunal des droits de la personne soulignant qu'il a adopté, de façon absurde, une approche tellement minimaliste de ses pouvoirs d'accorder réparation (alinéa 20, page 90), en rejetant qu'il devait y avoir rajustement salarial rétroactif. Voici les observations du juge Hugessen concernant l'alinéa 53(2)c) (paragraphe 20) :

Selon moi, cette disposition confère simplement et explicitement le pouvoir d'ordonner le paiement à une victime des pertes de salaire qu'elle a subies en raison d'un acte discriminatoire. Pareille ordonnance est nécessairement axée sur le passé et résulte de la réponse donnée à la question suivante : Quelle est la rémunération dont cette victime a été privée en conséquence de l'acte discriminatoire? Aucun élément de cette disposition ne justifie l'opinion selon laquelle cette réparation doit être obtenue à tout le moins de façon minimale, ou qu'elle ne doit pas remonter au-delà de la date du dépôt de [la] plainte. Une plainte pour cause de discrimination renvoie nécessairement à des pratiques antérieures à la plainte même; on peut difficilement se plaindre d'un acte discriminatoire qui ne serait pas encore survenu. Certes, la discrimination peut se produire, de sorte que le Tribunal accordera également réparation pour le futur, mais ce fait ne doit pas occulter la nécessité évidente de réparer le préjudice passé.

432. De l'avis du juge Hugessen, la décision du Tribunal qu'il ne pouvait changer l'histoire pour corriger et réparer les préjudices subis aux termes de l'alinéa 53(2)c) de la Loi est incompatible non seulement avec la lettre, mais encore avec l'esprit de la Loi canadienne sur les droits de la personne (page 94, alinéa 34). Le juge Hugessen n'était pas d'accord avec le rejet de la plainte par le juge de première instance parce qu'il avait statué, à l'opposé de l'attitude générale des tribunaux, que les règles exigeant une interprétation téléologique de la Loi ne s'appliquaient pas.

433. Dans ses observations concernant la portée rétroactive d'une indemnité salariale, le juge Hugessen n'a pas trouvé déraisonnable les arguments de l'intimé que toute demande de rajustement salarial rétroactif doit être limitée à une période raisonnable. Il a souligné que la thèse de l'appelante selon laquelle il devrait être autorisé à présenter une demande pour discrimination salariale remontant à une période illimitée est déraisonnable. Le juge explique, à la page 99 de sa décision :

La thèse de l'appelante selon laquelle il devrait être autorisé à présenter une demande pour discrimination salariale remontant à une période illimitée est déraisonnable, selon moi, dans la mesure où cette demande toucherait une période à l'égard de laquelle on ne peut raisonnablement s'attendre que l'employeur puisse rassembler les preuves concernant les tâches afférentes aux postes, leur valeur et les salaires versés. Dans des circonstances ordinaires, la limite d'un an avant le dépôt de la plainte, fixée par la pratique de la Commission, me semble établir un juste équilibre entre les intérêts opposés en jeu. Comme tout délai de prescription, ce délai est en quelque sorte arbitraire et j'en tempérerais le caractère arbitraire en statuant que le Tribunal peut le modifier s'il estime que les faits commandent qu'il soit prolongé ou écourté dans une instance donnée.

434. On constate dans l'affaire Fonds non publics, supra, que l'enquête de la Commission s'est déroulée au début de 1988, environ un an après le dépôt de la plainte le 12 février 1987. Les parties avaient convenu de fixer au 1er juin 1987 le début de la période de rajustement salarial, mais elles n'avaient pu s'entendre quant à l'attribution d'un rajustement salarial rétroactif pour la période s'échelonnant du 12 février 1986 (un an avant le dépôt de la plainte originale) au 31 mai 1987.

435. En l'espèce, la plainte du groupe professionnel CR a été déposée le 19 décembre 1984. Les modalités de l'enquête menée par la Commission ont différé des modalités habituelles en raison du déroulement de l'Étude sur la parité salariale. Ce n'est qu'en 1987, dans le cadre de l'Étude sur la parité salariale, que l'information concernant les emplois a été compilée. La deuxième plainte, datée du 16 février 1990, a été déposée après la dissolution du Comité mixte, le 23 janvier 1990, lorsque l'Alliance s'est retirée de façon permanente du Comité. Dans cette deuxième plainte, il est allégué, en se fondant sur l'évaluation des emplois dans le cadre de l'Étude sur la parité salariale [traduction] que les données relatives à l'évaluation des emplois produites dans le cadre des travaux du Comité mixte attestent de l'existence de taux salariaux qui sont en contravention de l'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (pièce HR-10). Dans le cadre de ses pratiques courantes, la Commission n'avait jamais fait enquête sur l'existence de taux salariaux discriminatoires. La Commission s'en est plutôt remise aux conclusions de l'Étude sur la parité salariale aux fins d'établir la valeur des emplois et les taux salariaux correspondants.

436. Nous savons que les parties n'exigent pas l'établissement d'une période illimitée. Nous estimons, en l'espèce, qu'il faut faire appel au bon sens. Il a été bien établi, dans les décisions concernant des pratiques discriminatoires rendues en vertu de la Loi, que l'objet de la réparation est d'indemniser en totalité le plaignant, tout en tenant compte des principes du caractère lointain du préjudice et de la prévisibilité raisonnable (voir Canada (Procureur général) c. Morgan, [1992] 2 CFC 401 (CAF) et Canada (Procureur général) c. Thwaites (1994) 3 CFC 38 (CFSPI)). La Cour d'appel fédérale, dans l'affaire Morgan, supra, a soutenu qu'aux fins de l'établissement d'une période d'indemnisation, il faut faire preuve de bon sens et qu'il faut imposer des limites à la responsabilité résultant des conséquences d'un acte discriminatoire, pourvu qu'il n'y ait pas eu mauvaise foi.

437. Dans son témoignage, Mme Millar, de l'Alliance, a souligné qu'avant l'adoption de la Loi en 1979, l'Alliance a soulevé la question de l'égalité de rémunération pour fonctions équivalentes à la table de négociation avec le Conseil du Trésor. Selon Mme Millar, l'employeur a refusé de négocier l'égalité de rémunération pour fonctions équivalentes et les employés représentés par l'Alliance ont opté, dans un premier temps, pour la conciliation puis, dans un second temps, pour la grève. L'Alliance estimait avoir épuisé tous les recours pour parvenir à un règlement de cette question et, par la suite, elle a déposé deux plaintes en vertu de l'article 11 auprès de la Commission. Il s'agissait, en l'occurrence, des plaintes des groupes LS et GS déposées en 1979 (voir section I, B). Dans son témoignage, Mme Millar a indiqué que la résolution de la plainte du groupe GS prévoyait des rajustements salariaux rétroactifs remontant à un an avant le dépôt de la plainte auprès de la Commission. Elle a également indiqué que d'autres plaintes déposées par l'Alliance ont été réglées en s'inspirant de l'entente intervenue entre les parties lors de la plainte du groupe GS. Elle a aussi indiqué que les deux parties estimaient qu'une période d'antériorité d'un an avant le dépôt d'une plainte était à la fois une période équitable et minimale (volume 183, page 23453).

438. Dans son témoignage, Mme Millar a également indiqué qu'il y avait eu, au début des années 80, des échanges suivis entre l'Alliance, le Conseil du Trésor et la Commission concernant l'application de l'article 11 de la Loi. Mme Millar a précisé que le Conseil du Trésor abordait l'égalité de rémunération pour fonctions équivalentes dans la perspective du système de classification existant et des contraintes qu'il imposait. L'un des principaux problèmes, à l'époque, tenait à l'absence d'une norme universelle de classification des emplois. La plupart des groupes professionnels étaient assujettis à des normes de classification des emplois différentes pour évaluer les emplois. Tout au long de cette période, l'Alliance a déposé des plaintes individuelles de disparité salariale auprès de la Commission et elle s'est employée à obtenir réparation au moyen du processus de résolution des griefs de la convention collective. C'est au cours de cette période, en 1981, que l'Alliance a déposé, en vertu de l'article 11, la plainte au nom du groupe HS.

439. Au début des années 80, c'est avec le personnel de la Direction de la politique du personnel du Conseil du Trésor que l'Alliance a tenu des consultations, dont avec MM. John Campbell et Peter Darrach. Dans son témoignage, Mme Millar a indiqué que, lors de ces discussions, l'Alliance a soulevé la possibilité de déposer des plaintes officielles au nom du groupe professionnel CR ou de la catégorie du Soutien administratif.

440. Au cours de cette période, des représentants de l'Alliance et de l'Institut ont rencontré M. Campbell et d'autres représentants du Conseil du Trésor afin d'évaluer des feuilles de données sur l'emploi à l'aide du Plan d'évaluation des emplois Aiken. Indépendamment de ces évaluations, le Conseil du Trésor a évalué les postes repères existants de diverses normes de classification à l'aide du Plan Aiken. En septembre 1982, l'Alliance a reçu une partie des cotes numériques attribués à chacun de ces postes repères. Selon Mme Millar, tant M. Campbell que M. Darrach ont indiqué à l'Alliance qu'ils n'étaient pas disposés à lui communiquer toutes les cotes numériques parce que le syndicat disposerait alors de l'information nécessaire pour déposer des plaintes en matière d'équité salariale.

441. Néanmoins, en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, l'Alliance a pu, ultimement, obtenir copie de l'ensemble des documents (pièce PSAC-96). C'est dans un document daté du 16 février 1984 adressé par M. John Campbell, chef, Équité salariale et recherche en classification, Division de l'organisation et de la classification, Direction de la politique sur le personnel, Secrétariat du Trésor du Canada, aux chefs des agents négociateurs de la fonction publique, que l'Alliance a pris connaissance des résultats de l'évaluation des postes repères, évaluation effectuée à l'aide du Plan d'évaluation des emplois Aiken. Voici un extrait de cette note de service :

[Traduction]

Ces postes repères, dont la version anglaise vous a été transmise antérieurement, ont été établis dans la perspective de l'application de l'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP) à la Fonction publique...

442. Dans son témoignage, Mme Millar a mentionné que l'Alliance avait procédé à une analyse superficielle de ces résultats qui, à son avis, montrent que des emplois dont les cotes numériques sont identiques justifient de taux salariaux fort différents (volume 183, pages 23522 et 23523).

443. Mme Millar a aussi précisé que le Conseil du Trésor était fort réticent à fournir aux agents négociateurs les résultats de crainte que les agents négociateurs les utilisent. Voici un extrait du témoignage de Mme Millar (volume 183, de la ligne 15 de la page 23510 à la ligne 5 de la page 23512) :

[Traduction]

LE TÉMOIN : Nous avons obtenu ces documents après les avoir demandés et obtenu gain de cause en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Les résultats partiels obtenus précédemment avaient été transmis, également, aux chefs des agents négociateurs.

LA PRÉSIDENTE : Ainsi, vous saviez que cet exercice était en cours.

LE TÉMOIN : Certainement. Nous avons tenu des réunions de consultation. Nous en avons discuté.

LA PRÉSIDENTE : Des réunions de consultation?

LE TÉMOIN : Nous en avons discuté.

LA PRÉSIDENTE : Et vous n'avez pas obtenu la totalité des résultats...

LE TÉMOIN : Non. Nous avons argumenté, oui.

LA PRÉSIDENTE : --parce qu'ils ne voulaient pas que vous les obteniez.

LE TÉMOIN : Pardonnez-moi?

LA PRÉSIDENTE : Ils ne voulaient pas que vous disposiez de tous les résultats.

LE TÉMOIN : C'est cela. Ils ne s'en cachaient pas.

LA PRÉSIDENTE : Ils ne voulaient pas que vous déposiez des plaintes.

LE TÉMOIN : Ils ont avoué ouvertement que ces résultats motiveraient le dépôt de plaintes.

LA PRÉSIDENTE : Je vois. Donc, vous avez obtenu l'information en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

LE TÉMOIN : Oui.

LA PRÉSIDENTE : Que comptiez-vous faire avec cette information?

LE TÉMOIN : Nous allions prendre des mesures.

LA PRÉSIDENTE : Vous alliez déposer des plaintes. Ils savaient que vous alliez déposer des plaintes? Vous le leur avez dit?

LE TÉMOIN : Oui, absolument. Oui. Nous étions en négociation. Nous avons soulevé la question de l'égalité de rémunération à la table de négociation tout au long de cette période.

444. Dans son témoignage, Mme Millar a indiqué que, dans le cadre des discussions de l'Alliance avec M. Peter Darrach concernant divers volets de la plainte du groupe HS, l'Alliance a eu vent d'une initiative visant à procéder à des comparaisons inter-catégories afin de composer avec la question de l'égalité de rémunération pour fonctions équivalentes (volume 183, page 23513). Selon Mme Millar, l'Alliance a constaté que cette méthode avait des limites. La catégorie du Soutien administratif comptait un grand nombre d'employés féminins mais aucun groupe à prédominance masculine.

445. Depuis décembre 1983, l'Alliance, par l'entremise de M. Daryl Bean, président de l'Alliance, insistait auprès des représentants du Conseil du Trésor pour faire élargir la portée des évaluations.

446. Selon Mme Millar, l'Alliance s'attendait à ce que l'employeur annonce une étude ou une initiative patronale-syndicale. Leurs homologues au Conseil du Trésor parlaient ouvertement de cette initiative. C'est après les élections, à l'automne de 1984, que l'Alliance a déposé la plainte du groupe professionnel CR. Dans son témoignage (volume 183), Mme Millar a précisé les raisons ayant motivé le dépôt de la plainte au nom du groupe professionnel CR en décembre 1984. Voici l'extrait pertinent (de la ligne 4 de la page 23527 à la ligne 10 de la page 23531) de son témoignage :

[Traduction]

Les élections ont eu lieu en septembre et, dès octobre, mes homologues au Conseil du Trésor étaient, à mon avis, prêts à agir; en novembre, j'ai ressenti un certain relâchement. Je me suis dis que l'équité salariale ne figurait peut-être plus au nombre des priorités et j'ai constaté un certain relâchement quant à la motivation d'aller de l'avant. Je me suis rendue à la Commission des droits de la personne et nous avons discuté de la façon de déposer une plainte, car il était absolument nécessaire d'agir.

J'ai aussi indiqué à la Commission que je savais qu'elle ne mènerait pas une enquête au sujet d'une plainte déposée au nom de près de 100 000 fonctionnaires et que notre intention n'était pas d'exercer de la pression sur la Commission des droits de la personne, mais plutôt d'inciter le Conseil du Trésor à agir. Nous avons formulé conjointement cette plainte. La Commission nous a demandé d'être ---

Q. Avant de passer à la formulation de la plainte, peut-être devrions-nous examiner la pièce justificative. Il s'agit de la pièce HR-10, onglet E.

Vous nous avez dit qu'il y avait eu des discussions avec les représentants de la Commission avant la rédaction du texte de la plainte?

R. Oui. Le projet de plainte a été examiné par le conseiller juridique de la Commission. On nous a demandé de ne pas y intégrer de mesures correctives.

Q. Qui vous a demandé cela?

R. Le personnel du Service de la parité salariale de la Commission. Mais nous avons discuté de mesures correctives dans le cadre d'un plan universel de classification qui nous permettrait de composer avec le principe de l'égalité de rémunération pour fonctions équivalentes.

Q. Vous dites que vous avez discuté d'une méthode axée sur un plan universel de classification.

R. Oui.

Q. Pourriez-vous préciser? Que...

R. Cette plainte n'a pas été déposée exclusivement en vertu de l'article 11. En 1984-1985, nous avons constaté que le système de classification et les régimes de rémunération étaient intimement liés. Il n'y a pas de ligne de démarcation où on peut affirmer ceci est du domaine de la rémunération et cela du domaine de la classification. L'un influe sur l'autre.

La plainte a été déposée en vertu des articles 7, 10 et 11 car nous étions profondément convaincus -- et la Commission était du même avis -- qu'il était nécessaire de changer le système de classification, de modifier les obstacles artificiels entre les catégories du soutien administratif et de l'administration et du service extérieur, et de mettre au point une approche cohérente en matière de classification des emplois s'appliquant à tous les paliers de l'organisation si nous entendions composer, de façon réaliste, avec le principe de l'égalité de rémunération pour fonctions équivalentes. Donc, il ne fallait pas seulement réviser le régime de rémunération, mais aussi le système de classification.

Q. Cette plainte identifie à titre de comparateurs les membres masculins du groupe PM à prédominance masculine, le groupe de l'administration des programmes.

R. Oui.

Q. Pourquoi avoir choisi le groupe PM à titre de groupe de comparaison?

R. Nous avons discuté du bien-fondé de retenir divers groupes de la catégorie d'exploitation, de la catégorie technique et de la catégorie administration et service étranger. Le groupe de l'administration des programmes est un groupe dont les membres exécutent des fonctions similaires à celles de nombreux employés du groupe CR, moyennant une certaine proximité, souvent dans les mêmes locaux, ils sont assujettis aux mêmes lois et, souvent, les connaissances requises sont similaires.

Nous estimions qu'il était très important -- et la Commission partageait notre point de vue -- que si une plainte était déposée au nom d'un nombre considérable d'employés, que le groupe de comparaison devait être tout aussi grand ou compter à tout le moins un nombre important d'employés. La Commission avait rejeté des plaintes où un petit groupe à prédominance masculine avait été choisi à titre de groupe de comparaison avec un groupe à prédominance féminine de grande taille.

Aussi, ce choix avait l'avantage d'être facile à comprendre. L'Alliance de la Fonction publique représente tant le groupe de l'administration des programmes que le groupe des commis aux écritures. Je ne voulais certainement pas choisir un groupe à prédominance masculine représenté par un autre syndicat. J'estimais que ce n'était pas approprié.

Nous avons expliqué l'objet de la plainte aux deux groupes d'hommes, les PM et les CR, et leur avons exposé les motifs de cette plainte et les résultats que nous comptions obtenir. Dans l'ensemble, nous avons constaté que les employés du groupe PM étaient très ouverts aux similitudes entre les fonctions des CR et des PM et à la non-équivalence des salaires entre les deux groupes.

Q. Vous avez précisé qu'on vous a conseillé de ne pas mentionner de mesures correctives. Pour quelles raisons?

R. Il est difficile de se rappeler aujourd'hui des détails car cela s'est passé il y a longtemps. Je me rappelle avoir discuté de cette plainte avec Ted Ulch -- que la Commission ne voulait aucunement restreindre la gamme de choix pouvant mener à un règlement. Même si nous avons discuté de nos orientations et que j'estimais que nous partagions les mêmes points de vue, que nous étions tous deux à la recherche d'un système de classification universel pour tous les paliers de la fonction publique, on nous a demandé de ne pas proposer de mesures correctives. [c'est nous qui soulignons]

447. Nous nous reportons à la décision du juge Hugessen dans l'affaire Fonds non publics, supra, où il précise davantage les éléments de preuve devant étayer la constatation d'un écart salarial. Il fait allusion à l'admission de l'employeur qu'il y avait eu pratique salariale discriminatoire, ce qui a eu pour conséquence de soulever la question de la présomption de l'existence antérieure, et pendant une période de temps considérable, d'un écart salarial, de même que d'autres éléments de preuve. Nous reproduisons le paragraphe 40, aux pages 95 et 96, de sa décision :

[40] En fait, le plaignant ne bénéficiait manifestement pas uniquement d'une simple présomption. Le témoignage de M. Sadler quant à l'ampleur de l'écart salarial antérieur au 1er juin 1987 était pertinent et admissible, même si le juge de première l'instance l'a décrit comme une conjecture raisonnée. Le rapport de Mme Weiner a également conclu que la méthode d'équité salariale peut être appliquée à partir de 1986. (A.B., vol. II, p. 373). Enfin, l'étude effectuée par M. Marleau pour la même période a produit des conclusions semblables, bien qu'il soit admis qu'elle se fondait sur des données moins fiables, et que le Tribunal l'avait en main. Celui-ci disposait donc d'une preuve plus étoffée qu'une preuve quelconque. Cette preuve n'a pas été contredite et il s'agissait de la seule preuve produite relativement à cette question. Elle suffisait amplement pour justifier une décision favorable au plaignant. Ni le Tribunal ni le juge de première instance n'ont fourni un motif valable pour en justifier le rejet. [c'est nous qui soulignons]

448. Nous estimons que les erreurs constatées par le juge Hugessen et attribuées au Tribunal et au juge de première instance dans l'affaire Fonds non publics, supra, sont fort utiles pour encadrer nos discussions quant à la question de la rétroactivité. Essentiellement, le juge Hugessen a conclu que le Tribunal était dans l'erreur en acceptant qu'il fallait établir avec précision l'importance de l'écart salarial antérieur. Le fardeau de la preuve doit procéder du fardeau de la preuve applicable aux demandes en matière civile, à savoir la prépondérance des probabilités, et le plaignant est tenu de faire la preuve que sa thèse est plus probable qu'improbable. En second lieu, le Tribunal doit être régi par les règles de l'interprétation téléologique des lois en matière de droits de la personne. Cela s'applique à l'alinéa 53(2)c) de la Loi. Une décision en vertu de cet alinéa concernant une situation passée ne doit pas être biaisée en faveur d'une réparation minimale, ni ne doit-on s'en tenir au moment où la plainte a été déposée pour fixer le début de la période.

449. Enfin, le juge Hugessen a conclu que le juge de première instance avait commis une erreur en faisant valoir la distinction à faire entre l'existence d'une pratique salariale discriminatoire et l'étendue d'un écart salarial en vertu de l'article 11 de la Loi. Il a conclu que la pratique discriminatoire mentionnée au paragraphe 11(1) de la Loi est exprimée en termes de disparité salariale entre les hommes et les femmes (Fonds non publics, supra, alinéa 35). L'avocat de l'intimé a reconnu, lors de la présentation de ses arguments, que c'est l'écart salarial qui atteste de la pratique discriminatoire interdite à l'article 11 de la Loi. Nous nous reportons aux arguments de l'intimé présentés (volume 257, de la ligne 19 de la page 34543 à la ligne 20 de la page 34544) :

[Traduction]

M. FRIESEN : Il s'agit d'une question très importante, Madame la Présidente. Y a-t-il une différence entre la discrimination systémique en vertu de l'article 11 et le montant de l'écart salarial?

LA PRÉSIDENTE : Oui.

M. FRIESEN : À mon avis, la réponse est non, qu'aux termes de l'article 11, la discrimination systémique, c'est la différence entre les salaires.

On ne peut faire la preuve de discrimination systémique autrement qu'en montrant la différence entre les salaires des employés masculins et féminins. C'est la seule chose que l'on puisse établir aux fins de l'application de l'article 11, la différence entre les salaires, le cas échéant.

Nous disposons maintenant des données des travaux du Comité mixte et le Tribunal choisira la méthode.

Dès que nous disposerons d'une méthode, nous serons en mesure d'établir l'écart salarial. Parlons clairement. L'employeur accepte que lorsque l'on calcule l'écart salarial à l'aide d'une méthode satisfaisant aux dispositions de la Loi en l'appliquant aux données du Comité mixte, si l'on calcule l'écart salarial de cette façon, que cela établit, selon la prépondérance des probabilités, l'écart salarial en l'espèce. Donc, il ne s'agit pas d'un point litigieux.

450. Nous estimons que la Commission a fourni une estimation raisonnable de l'écart salarial en se fondant sur l'information relative aux emplois compilée en 1987. Les éléments de preuve présentés par Mme Millar concernant les cotes d'évaluation des postes repères obtenues par le Conseil du Trésor en appliquant le Plan d'évaluation des emplois Aiken au début des années 80 semblent indiquer qu'il y avait écart salarial avant l'annonce de l'Étude sur la parité salariale en mars 1985. Or, le Tribunal note que Mme Millar, lorsqu'elle a fait allusion à une analyse superficielle des résultats de l'évaluation obtenus en vertu de la Loi de l'accès à l'information, n'a pas précisé quand cette analyse avait été effectuée, qui l'avait effectuée, quel genre d'analyse avait été menée, et quels en avaient été les résultats. Compte tenu du soin avec lequel nous avons examiné l'analyse des écarts salariaux qui nous a été présentée eu égard aux plaintes déposées en vertu de l'article 11, nous estimons que les éléments de preuve présentés par l'Alliance sont insuffisants pour étayer l'acceptation de la période de rétroactivité demandée aux fins du rajustement salarial.

451. Nous acceptons l'argument de la Commission que le fardeau de la preuve doit être régi par la norme du raisonnable. Cette norme du raisonnable est conforme à la décision rendue par ce Tribunal dans le cadre de la phase I, supra, en ce qui concerne l'évaluation de la fiabilité des résultats de l'évaluation des emplois et de leur utilisation pour calculer l'écart salarial. Nous nous reportons à l'alinéa 187, á la page 57:

187. Ce que font ressortir clairement ces observations ainsi que la nature du sujet, c'est que l'égalité de rémunération pour fonctions équivalentes est un but à rechercher qu'il est impossible de mesurer de façon précise et qui ne doit pas faire l'objet d'une norme d'exactitude absolue. De plus, le non-sexisme entendu dans son sens absolu est probablement irréalisable dans un monde imparfait, et l'on devrait donc se satisfaire de résultats raisonnablement satisfaisants fondés sur ce qui, selon le bon sens, constitue un règlement juste et équitable de tout écart discriminatoire entre les salaires payés aux hommes et ceux versés aux femmes pour des fonctions équivalentes.

452. La pratique établie, eu égard aux ententes en matière d'équité salariale, de retenir une période de douze mois précédant le dépôt d'une plainte en vertu de l'article 11 est un facteur pertinent à l'appui de la demande d'un rajustement salarial rétroactif. Nous savons que c'est à la suggestion de la Commission que les parties ont convenu d'une période de rétroactivité d'un an eu égard aux dédommagements pour salaires perdus en vertu de plaintes antérieures déposées aux termes de l'article 11. Le libellé du paragraphe 41e) de la Loi étaye quelque peu l'approche de la Commission. En voici la teneur :

41. Sous réserve de l'article 40, la Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie à moins qu'elle estime celle-ci irrecevable pour un des motifs suivants :

e) la plainte a été déposée après l'expiration d'un délai d'un an après le premier des faits sur lesquels elle est fondée, ou de tout délai supérieur que la Commission estime indiqué dans les circonstances.

453. Nous avons fait référence, plus tôt, au document de M. John Campbell, daté de 1983 (pièce PSAC-94) (voir la section I, B, paragraphe 9). Dans ce document, sous la rubrique [traduction] Examen préliminaire, il fait allusion à la période qui a suivi l'adoption de la Loi et plus particulièrement de l'article 11 de la Loi. Il met en relief les résultats de tests menés par l'employeur à l'aide du Plan d'évaluation d'emploi Aiken. Il cite des statistiques sur les écarts salariaux entre les revenus des hommes et des femmes et laisse entendre qu'il pourrait y avoir un écart salarial de 10 % attribuable à la discrimination fondée sur le sexe à la Fonction publique. Voici l'extrait pertinent de ce document :

[Traduction]

Examen préliminaire

Au début de 1978, lors de la promulgation de la Loi canadienne sur les droits de la personne, un certain nombre de questions de procédure et de demandes pour des lignes directrices additionnelles ont été présentées par l'employeur qui souhaitait obtenir des précisions sur la façon dont la Loi serait mise en oeuvre. Règle générale, la Commission canadienne des droits de la personne privilégiait une approche ponctuelle, examinant un cas à la fois, à l'établissement de lignes directrices additionnelles.

Dans la Fonction publique, il y a plus de 70 groupes professionnels, chacun ayant son propre plan d'évaluation. La vaste majorité de ces groupes constituent des unités de négociation distinctes. Déjà, on sentait le besoin d'un plan universel d'évaluation des emplois se prêtant à l'évaluation de nombreux types de fonctions - par exemple, les métiers, les commis, les techniciens, les professionnels et les superviseurs, à l'aide d'une échelle commune. Voilà pourquoi l'employeur a adopté, avec l'aide du cabinet d'experts en gestion Thorne, Stevenson & Kellogg, un plan générique ou universel à cotation numérique -- le plan Aiken. Ce plan, qui existait déjà et qui avait été éprouvé, avait été largement utilisé au Canada au cours des 30 dernières années. Il suffisait d'y apporter des modifications mineures avant de l'utiliser à Fonction publique et afin de le rendre conforme aux exigences de la LCDP. Le seul changement important concernait l'attribution d'une plus grande valeur aux capacités intellectuelles (la célérité mentale et l'attention) afin que celles-ci aient le même poids que les aptitudes physiques. À ce jour, la Commission et le plus grand syndicat ont accepté le plan Aiken lors du règlement de plaintes. Ce plan n'est utilisé qu'aux fins de la parité salariale et il n'est pas retenu aux fins de l'établissement de la rémunération normale dans la Fonction publique.

Les premiers tests du plan Aiken à partir d'un petit échantillon d'emplois de la Fonction publique semblaient indiquer ce qui suit :

1. Un écart salarial important pour l'exécution de fonctions équivalentes par des membres d'un même sexe (c'est-à-dire non fondé sur le sexe).

2. Des comparaisons d'unités de référence différentes -- par exemple, entre des individus, des niveaux de rémunération et des groupes professionnels -- donnaient des résultats différents.

3. Il faudra régler une question importante, à savoir la détermination des cibles appropriées à retenir aux fins du rajustement salarial -- par exemple, la comparaison de femmes avec des hommes exécutant des fonctions équivalentes mais justifiant des salaires les plus bas, de salaires moyens ou des salaires les plus élevés.

4. Il faudra recueillir davantage de données, établir des lignes directrices additionnelles ou acquérir davantage d'expérience au plan de l'examen de plaintes avant de pouvoir prendre des mesures correctives.

En Amérique du Nord, les salaires annuels des femmes correspondent à environ 60 pour cent des salaires annuels des hommes. Une analyse documentaire semble indiquer que, de cet écart de 40 pour cent, environ le quart (ou 10 pour cent, exigeant un rajustement salarial de 15 pour cent) tient à la discrimination salariale fondée sur le sexe pour des fonctions équivalentes. Les données des premiers tests du plan Aiken indiquent qu'on semble obtenir des résultats similaires au sein de la Fonction publique. L'autre tranche de 30 pour cent de l'écart pourrait être imputable aux profils différents des emplois occupés par des femmes et des emplois occupés par des hommes, et à d'autres facteurs abordés dans le cadre de programmes d'action positive, aux aspirations des femmes, à la ségrégation culturelle des emplois, à des horaires de travail différents, et ainsi de suite. La Fonction publique mène à l'heure actuelle des programmes d'action positive pilotes dans cinq ministères.

454. Plus loin dans son document, M. Campbell mentionne les progrès accomplis dans le règlement de plaintes en vertu de l'article 11, [traduction] tout particulièrement en ce qui concerne l'acceptation du plan universel d'évaluation des emplois Aiken, l'acceptation de la méthode de rémunération globale aux fins d'établir la somme des éléments de rémunération et l'acceptation de la date du début de la période visée par le règlement d'une plainte. Il explique alors à grands traits comment avait été réglée la question de la rétroactivité. Voici un extrait tiré de la page 48 :

[Traduction]

... Lors de la résolution des premières plaintes, l'employeur s'est entendu avec la Commission qu'aux fins de la mise en oeuvre de la parité salariale à la Fonction publique, la date du début de la période visée par le règlement d'une plainte serait ... la plus rapprochée des dates suivantes, la date à laquelle l'employeur a officiellement été informé de la pratique discriminatoire ou un an avant le dépôt de la plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne."

455. Au début des années 80, la Commission n'avait pas encore élaboré de lignes directrices à l'égard des plaintes collectives. Au cours de cette période, l'intimé, par l'entremise de représentants du Conseil du Trésor, a communiqué avec Mlle Claude Bernier, directrice, Direction des plaintes et de la mise en oeuvre à la Commission canadienne des droits de la personne, lui indiquant qu'il était en quête de lignes directrices pour l'aider à mener à terme son projet d'étude concernant un groupe important d'employés. Voici des extraits de cette lettre, datée du 24 mars 1983, échangée entre le Conseil du Trésor et la Commission :

[Traduction]

L'objet de cette lettre est de confirmer les discussions citées en rubrique tenues le 23 mars 1983.

Tel qu'il a été indiqué, a été approuvée la mise en oeuvre d'un programme d'action proactive au sein de la Fonction publique aux fins de cerner et d'éliminer toute partialité fondée sur le sexe en matière salariale conformément à l'article 11. D'abord, le recours à une approche par catégorie a été approuvé, approche dans le cadre de laquelle il y aura constitution d'échantillons de groupes à prédominance masculine et féminine de la catégorie scientifique et professionnelle. Les emplois seront évalués à l'aide du plan Aiken afin de déterminer les salaires relatifs pour fonctions équivalentes versés à des groupes de sexe opposé. En outre, on procédera à un examen des sous-groupes à prédominance féminine des professeurs de langue et des aides-enseignants en les comparant au sous-groupe des moniteurs de culture physique; un examen similaire sera effectué afin de comparer les sous-groupes des ouvriers d'ateliers de reliure et des photocompositeurs aux sous-groupes à prédominance masculine du groupe de l'imprimerie.

Le lancement de ces études, toutefois, est conditionnel à l'obtention de la CCDP par l'employeur de lignes directrices ou d'interprétations claires et pertinentes quant à la mise en oeuvre des résultats et aux garanties consenties à l'employeur eu égard aux plaintes pouvant en découler. Ces lignes directrices ou interprétations sont énoncées à l'annexe A et nous nous sommes employés à les préciser encore davantage suite à nos discussions. Comme nous l'avons indiqué, nous devons obtenir une réponse positive quant aux points 1 et 2 et une assurance adéquate quant aux autres. En ce qui concerne la définition de la composition selon le sexe des groupes (point 3), M. Campbell communiquera par écrit davantage de détails à M. Ulch concernant la plainte des Services hospitaliers.

ANNEXE A

ARTICLE 11 DE LA LCDP - LIGNES DIRECTRICES OU INTERPRÉTATIONS REQUISES À L'APPUI DU RECOURS À UNE APPROCHE PROACTIVE DE MISE EN OEUVRE PAR L'EMPLOYEUR

1. Une acceptation plus vaste du principe de l'établissement de moyennes lors de comparaisons entre les groupes.

2. Le rejet des plaintes individuelles ou collectives une fois prises des mesures correctives générales.

3. Une définition appropriée des groupes composés majoritairement d'hommes et de femmes -- le pourcentage de femmes et la durée.

4. L'acceptation des cotes d'évaluation des emplois de l'employeur établies à l'aide du plan Aiken ou l'élaboration d'une méthode satisfaisante de résolution des évaluations contestées.

5. La mise en suspens des nouvelles plaintes déposées au nom d'employés dont les postes sont visés par l'étude. Si les mesures proactives résultant de l'étude et approuvées par la CCDP ont pour effet d'éliminer la discrimination, alors ces plaintes ne seraient pas examinées.

6. Les rajustements paritaires consentis lors du règlement de plaintes collectives concernant une catégorie, ententes intervenues avant la conclusion d'un règlement visant la prise de mesures proactives systématiques au profit de tous les groupes de la catégorie, seraient sujets, selon le cas, à révision à la hausse ou à la baisse à la lumière des mesures proactives prises pour éliminer la discrimination à l'échelle de la catégorie...

456. L'observation du juge Hugessen quant à l'établissement d'un délai raisonnable concernant toute demande de rajustement salarial rétroactif soulève une question d'ordre pratique. Il faut tenir compte du fait que bien que l'employeur soit le plus susceptible d'avoir accès en tout moment aux valeurs et aux salaires des emplois, plus on recule dans le temps, plus s'affaiblit la présomption que la discrimination systémique produit les mêmes effets.

457. Les rajustements paritaires versés en 1990 par le Conseil du Trésor englobaient un rajustement salarial rétroactif antérieur au 1er avril 1987. Nous nous reportons à la pièce HR-41, une lettre rédigée par le président du Conseil du Trésor de l'époque, M. Robert de Cotret, lettre qu'il a adressée au président de la Commission à l'époque, M. Maxwell Yalden, le 26 janvier 1990. Dans cette lettre, M. de Cotret précise la date du début de la période rétroactive des rajustements paritaires unilatéraux, la période s'échelonnant du 1er avril 1985 au 31 mars 1990. Les montants des rajustements paritaires ont été établis à partir des évaluations des emplois effectuées dans le cadre de l'Étude sur la parité salariale, évaluations qui se fondaient sur des données datant de 1987.

458. La Commission soutient que l'intimé n'a pas présenté des éléments de preuve suffisants pour réfuter l'allégation qu'il y avait discrimination avant le début de l'Étude sur la parité salariale. L'Alliance soutient que la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Fonds non publics, supra, justifie sa prétention que l'intimé n'a pas présenté de preuves suffisantes que l'écart salarial n'existait pas avant le début de la période en cause. L'Alliance soutient, en se fondant sur la décision dans l'affaire Fonds non publics, supra, que le fardeau de la preuve revenait alors à l'intimé qui devait établir qu'il y avait eu des changements dans les emplois ou les salaires, changements ayant eu une incidence sur l'écart salarial.

459. Dans ses arguments, l'intimé soutient que l'établissement prima facie d'un écart salarial ne soustrait pas du fardeau de la preuve la Commission et l'Alliance qui doivent produire une estimation fiable de l'écart salarial avant la période de 1987-1998, période au cours de laquelle l'information sur les emplois a été compilée dans le cadre de l'Étude sur la parité salariale. L'intimé soutient que le déplacement de la charge de la preuve dans l'affaire Fonds non publics, supra, découlait directement de l'aveu par l'employeur, en l'espèce, qu'une pratique discriminatoire avait existé dans le passé. C'est pour cette raison, soutient l'avocat de l'intimé, que le juge Hugessen a retenu le déplacement de la charge de la preuve admis par le juge McIntyre dans l'affaire Simpsons-Sears, supra, déplacement qui peut se produire dans les affaires touchant les droits de la personne et les affaires civiles.

460. Les observations pertinentes du juge Hugessen sont énoncées à l'alinéa 39 de sa décision, à la page 95, que nous reproduisons :

[39] Bien que cette déclaration vise expressément la discrimination par suite d'un effet préjudiciable, elle s'applique manifestement avec autant de vigueur à la discrimination systémique en matière d'équité salariale. Le plaignant en l'espèce a fourni une preuve qui va bien au-delà d'une preuve suffisante jusqu'à preuve contraire; il a établi de façon concluante, au moyen de l'aveu de l'employeur, qu'il existait une discrimination salariale contraire à l'article 11 avant le 1er juin 1987, et qu'il existait également, en conséquence, un écart salarial avant cette date. Comme il est admis qu'il s'agit d'une discrimination systémique, il existe également une forte présomption que cette discrimination, et l'écart salarial en résultant, existaient depuis très longtemps. Cette présomption suffit à établir une preuve suffisante jusqu'à preuve contraire, en faveur du plaignant, que l'écart salarial antérieur au 1er juin 1987 était identique à celui qui existait à partir de cette date. La charge de la preuve est alors passée à l'employeur à qui il incombait de démontrer que des changements touchant les postes en cause ou les salaires versés auraient eu pour effet de modifier cet écart salarial. Pour paraphraser la déclaration précitée du juge McIntyre, c'est l'employeur qui dispose de l'information nécessaire pour démontrer l'existence de tels changements; c'est à lui que la charge de la preuve doit incomber.

461. Il demeure que, dans son analyse, M. Sunter avait établi qu'il existait un écart salarial au 1er avril 1987. Nous attirons l'attention sur le passage précité des observations du juge Hugessen : Comme il est admis qu'il s'agit d'une discrimination systémique, il existe également une forte présomption que cette discrimination, et l'écart salarial en résultant, existait depuis très longtemps. Nous estimons que la logique de cette observation s'appliquerait également dans une affaire où le plaignant aurait établi prima facie l'existence d'un cas de discrimination en contravention de l'article 11 de la Loi.

462. L'intimé a décidé de ne pas procéder au contre-interrogatoire de Mme Millar concernant les éléments de preuve qu'elle a présentés à cet égard, ni de présenter ses propres éléments de preuve à ce sujet. À la lumière de notre analyse, nous estimons qu'un rajustement salarial rétroactif à compter de la date de l'annonce de l'Étude sur la parité salariale serait raisonnable et juste. La date du début de la période est donc le 8 mars 1985.

B. Méthode de paiement et calcul du paiement

463. Les parties ont proposé différentes méthodes de paiement aux fins de la mise en oeuvre des rajustements paritaires. L'intimé demande que soit retenue la formule d'un paiement rétroactif unique. Le montant du rajustement procéderait de l'évaluation des emplois effectuée à partir de l'information recueillie en 1987. Dans le cadre de la méthode de l'intimé, les rajustements paritaires calculés à partir de cette information sur les emplois seraient intégrés aux taux salariaux de base de 1987-1988. On ajouterait ensuite aux salaires rajustés les rajustements économiques subséquents.

464. L'Alliance et la Commission privilégient une méthode où l'écart salarial serait recalculé chaque année, du début de la période de rétroactivité jusqu'à maintenant. Ainsi, l'écart salarial serait établi chaque année en se fondant sur les taux salariaux en vigueur chaque année. Les résultats de l'évaluation des emplois de l'Étude sur la parité salariale seraient utilisés dans le calcul propre à chaque année afin de bien refléter la valeur des fonctions. La Commission et l'Alliance soutiennent que l'avantage de recalculer ainsi l'écart, c'est l'obtention d'un écart plus précis. Elles soutiennent qu'un tel calcul tiendra compte des rajustements économiques annuels, ce qui pourrait accroître ou réduire l'écart salarial.

465. La Commission estime que si l'on ne recalcule pas l'écart salarial chaque année, les groupes professionnels à prédominance féminine pourraient être pénalisés car l'on sous-estimerait alors l'écart salarial. Même si le pourcentage annuel d'augmentation est le même pour les groupes professionnels à prédominance masculine et féminine, les groupes professionnels à prédominance masculine, par exemple, pourraient avoir bénéficié d'un rajustement économique plus élevé en raison d'un taux salarial de base plus élevé.

466. Par ailleurs, le Conseil du Trésor a soulevé des points d'ordre pratique concernant le calcul annuel de l'écart, par exemple, l'évolution possible de la composition selon le sexe de certains groupes professionnels. L'intimé soutient que le calcul annuel de l'écart est une méthode qui n'est pas fiable et qui peut être à l'origine de préjudices pour les bénéficiaires. L'avocat de l'intimé soutient que l'écart salarial pourrait fluctuer d'une année à l'autre et que les employés ne devraient pas avoir à subir le fardeau d'un chèque de paye réduit.

467. Aux termes des diverses conventions collectives s'appliquant aux employés représentés par l'Alliance, les membres de ce syndicat ont droit à un certain nombre d'avantages sociaux et de primes fondés sur leur rémunération, par exemple, les prestations de maternité, les primes d'heures supplémentaires et les indemnités d'assurance-invalidité. Ces avantages, la Commission et l'Alliance les qualifient d'indemnités en tout genre. Il y a aussi les prestations de retraite. Tous ces avantages sont directement liés aux montants consignés dans les échelles de rémunération et devront être recalculés pour la période de rétroactivité. Il s'agit, dans les faits, d'une situation extrêmement complexe. L'intimé soutient qu'il faut tenir compte des considérations administratives du calcul du rajustement de ces avantages. Aucun élément de preuve n'a été présenté au Tribunal à cet égard. L'intimé demande à ce que la question des avantages sociaux connexes soit examinée dans le cadre de la phase III de cette procédure.

468. Selon la preuve, les rajustements paritaires unilatéraux versés en 1990 par l'intimé ont été recalculés pour chacun des exercices financiers de la période de rétroactivité en se fondant sur l'information compilée sur les emplois en 1987 ainsi que sur les taux salariaux en vigueur chaque année, ce qui est conforme à la méthode de paiement privilégiée par l'Alliance et la Commission. La preuve montre également que la méthode de paiement retenue dans les règlements d'équité salariale entre l'intimé et l'Alliance prévoyait également le calcul annuel de l'écart salarial.

469. Nous estimons que le calcul des montants rétroactifs doit refléter l'étendue réelle de l'écart salarial pour toute la période de rétroactivité. Il faut soustraire des rajustements le montant des rajustements unilatéraux versés en janvier 1990 par le Conseil du Trésor et tout autre rajustement paritaire en vigueur. Nous estimons que la méthode de paiement proposée par la Commission et l'Alliance, exigeant le calcul annuel de l'écart salarial, est plus appropriée dans les circonstances. Les rajustements doivent être calculés pour la période s'échelonnant du 8 mars 1985 à la date de la présente décision. En ce qui concerne la période subséquente à notre décision, les rajustements paritaires devront être intégrés aux taux salariaux de base et en faire partie.

470. Compte tenu de la complexité que présente la méthode de paiement pour le calcul des avantages sociaux connexes et de l'absence d'éléments de preuve suffisants pour prendre une décision à ce moment, nous reportons toute décision sur la façon d'établir l'incidence de la méthode de paiement sur lesdits avantages sociaux. Nous reportons l'examen de cette question à la phase III de la procédure afin qu'elle soit réglée de concert avec la question des avantages indirects.

C. Intérêts

471. Il est très bien établi qu'un Tribunal des droits de la personne a compétence pour ordonner le paiement d'intérêts sur les salaires perdus (voir Morgan, supra, Uzoaba, supra, Grover, supra, et Canada (Procureur général) c. Rosin, [1991] 1 CF 391 (CAF)).

472. L'Alliance et la Commission demandent que des intérêts sur les salaires perdus soient payés et calculés de la façon suivante :

  1. que les intérêts soient établis semestriellement au taux précisé dans la Loi sur les tribunaux judiciaires de l'Ontario, R.S.O. 1990, c. C.43;
  2. que le taux d'intérêt appliqué aux plaintes du groupe professionnel CR soit le même que celui appliqué aux employés des cinq autres groupes professionnels à prédominance féminine;
  3. que le taux d'intérêt soit un taux composé plutôt qu'un taux simple; et
  4. que le taux d'intérêt concernant la période postérieure à la décision soit établi de la façon précisée dans la Loi sur les tribunaux judiciaires.

473. L'Alliance a cité les définitions énoncées à l'article 127 de la Loi sur les tribunaux judiciaires à l'appui de sa demande. En voici le libellé :

Article 127

"taux d'escompte" Le taux minimal exigé par la Banque du Canada sur les prêts à court terme qu'elle accorde aux banques mentionnées à l'annexe I de la Loi sur les banques (Canada).

"taux d'intérêt antérieur au jugement" Le taux d'escompte à la fin du premier jour du dernier mois du trimestre précédant le trimestre au cours duquel l'instance a été introduite, arrondi au dixième près d'un point de pourcentage.

"taux d'intérêt postérieur au jugement" Le taux d'escompte à la fin du premier jour du dernier mois du trimestre précédant le trimestre au cours duquel se situe la date de l'ordonnance, arrondi au nombre entier supérieur si le taux comprend une fraction, plus 1 pour cent.

474. L'Alliance et la Commission soutiennent que la période de référence pour l'établissement des taux d'intérêt devrait correspondre à la date de dépôt de la plainte du groupe CR en décembre 1984. En se reportant aux définitions ci-dessus de taux d'escompte et de taux d'intérêt antérieur au jugement de la Loi sur les tribunaux judiciaires, le taux d'intérêt applicable serait celui établi par la Banque du Canada et en vigueur en novembre 1984. Si l'on se reporte aux tables annexées à la Loi sur les tribunaux judiciaires, le taux d'intérêt fixe est de 12 %.

475. Tant la Commission que l'Alliance soutiennent que l'intimé a eu l'usage de cet argent et a pu en tirer profit pour s'enrichir. À cet égard, la Commission et l'Alliance se reportent à la décision de Lord Denning, M.R. dans l'affaire Wallersteiner v. Moir (no 2), [1975] 1 All E.R. 849, Sa Seigneurie ayant fait valoir le raisonnement suivant, à la page 856 de sa décision, aux fins de l'ordonnance de verser des intérêts composés :

[Traduction]

... en équité, des intérêts sont attribués lorsque l'auteur d'un méfait prive une entreprise de l'argent dont elle a besoin pour mener ses affaires. Il est manifeste que l'entreprise doit être dédommagée pour la perte ainsi subie. Le seul remplacement de l'argent - des années plus tard - n'est d'aucune façon un dédommagement suffisant, tout particulièrement en période inflationniste. L'entreprise, aux termes du jugement, devrait être dédommagée par le paiement d'intérêts... Il faut aussi se poser la question suivante : Devrait-il s'agir d'intérêts simples ou d'intérêts composés? De façon générale, j'estime que l'on peut retenir l'hypothèse que l'entreprise (si elle n'avait pas été privée de son argent) en aurait fait l'usage le plus rentable... De la même façon, on peut retenir l'hypothèse que l'auteur du méfait en a fait l'usage le plus rentable. Or, peu importe l'usage qui en a été fait, afin de dédommager convenablement l'entreprise, l'argent doit être remplacé moyennant le calcul annuel des intérêts, [c.-à-d.] des intérêts composés.

476. Par ailleurs, l'intimé soutient que si la décision prévoit le paiement d'intérêts, il doit s'agir d'intérêts simples en l'absence d'éléments de preuve justifiant de circonstances spéciales exigeant le paiement d'intérêts composés. L'intimé soutient en outre que le calcul des intérêts accordés devrait se faire à l'aide du taux variable récent afin d'éviter que les employés concernés ne réalisent des gains injustifiés. L'intimé a fait valoir la fluctuation des taux d'intérêt depuis le milieu des années 1980. Pendant plusieurs années, les taux d'intérêt ont été beaucoup plus élevés que ceux qui ont cours depuis 1995.

477. La Loi ne contient aucune disposition concernant l'adjudication d'intérêts. Toutefois, les tribunaux ont soutenu que l'alinéa 53(2)c) concernant l'indemnisation pour salaires perdus habilite les tribunaux à accorder des intérêts sur le montant des salaires perdus. Cette question a été abordée par le juge Marceau de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Morgan, supra. Le juge Marceau a exprimé son opinion concernant l'adjudication d'intérêts en vertu de l'article 53 de la Loi. Nous estimons ces observations utiles. Voici des extraits de son jugement, le premier tiré de la page 418 :

(i) La loi ne contient aucune disposition habilitant expressément les tribunaux à adjuger des intérêts et cette Cour n'a pas encore eu à trancher cette question. Néanmoins, je suis d'accord avec le juge MacGuigan, J.C.A., lorsqu'il affirme que les tribunaux ont eu raison de juger que le pouvoir dont ils sont investis d'assurer à la victime une indemnité adéquate leur permettait de lui accorder les intérêts. Il s'agit très certainement d'une conclusion pleine de bon sens que cette Cour n'a pas hésité à appliquer dans les décisions suivantes : Société Radio-Canada c. S.C.F.P., [1987] 3 C.F. 515 et Canada (Procureur général) c. Rosin, [1991] 1 C.F. 391. Bien noter, cependant, que dans ce sens, le pouvoir d'adjuger des intérêts n'est pas discrétionnaire. Il ne s'agit pas non plus d'un pouvoir fondé uniquement sur le principe général retenu en responsabilité délictuelle ou contractuelle selon lequel la partie défenderesse a privé le plaignant d'argent alors qu'elle en avait elle-même l'usage. Les intérêts sont accordés si, et seulement si, cela s'avère nécessaire pour indemniser la perte. Voilà le fondement de ma pensée sur les autres questions relatives aux intérêts.

478. En ce qui concerne le taux d'intérêt, le juge MacGuigan, dissident, a formulé les observations suivantes aux pages 438 et 439 :

Le tribunal d'appel a substitué un taux différent en déclarant tout simplement que (à la page D/57) Le taux d'intérêt sur les montants en souffrance pendant la période d'indemnisation devrait être le taux variable applicable aux Obligations d'épargne du Canada. Cette autorisation apparente, de la part du tribunal d'appel, est certainement erronée en ce qu'elle annule la décision du tribunal sans motif. Cependant, il est moins facile d'établir quel taux devrait être imposé.

Il a été proposé que le meilleur taux serait le taux préférentiel de la Banque du Canada, ce qui constituerait un compromis entre le taux le plus bas, soit celui des obligations d'épargne du Canada, et le taux préférentiel plus élevé des banques commerciales. J'accepte ce point de vue et il me semble que c'était le taux préféré par le tribunal de première instance sauf en ce qui a trait au caractère difficile de la question.

Il n'est pas possible, à mon avis, de prétendre que seul le taux préférentiel de la Banque du Canada est permis par la Loi, puisque la Loi elle-même ne permet pas explicitement d'accorder des intérêts. Le tribunal doit conserver le pouvoir discrétionnaire d'établir le taux, mais le taux préférentiel de la Banque du Canada devrait être utilisé de préférence, sauf lorsqu'il y a des circonstances spéciales.

Quant aux choix des tribunaux entre les intérêts simples et composés, le professeur S.M. Waddams dans l'ouvrage intitulé The Law of Damages, 1983, à la page 512, s'exprime ainsi :

[TRADUCTION]

Les intérêts composés n'ont généralement pas été accordés en common law et ils sont précisément exclus par les lois de la Colombie-Britannique et de l'Ontario suivant une loi d'Angleterre à cet égard. L'on comprendra, étant donné la rareté des décisions qui accordent les intérêts simples, que les tribunaux n'aient jamais accordé des intérêts composés. En principe, cependant, il n'y a aucune raison de ne pas accorder des intérêts composés. Si l'indemnité avait été versée tout de suite après le délit, le plaignant aurait disposé d'un capital à des fins d'investissement; il aurait touché des intérêts sur cette somme à intervalles réguliers, et aurait également investi ces sommes. Par la même occasion, le défendeur aura bénéficié des intérêts composés.

Je suis d'accord avec cet énoncé puisque, je l'ai dit, le tribunal doit conserver le pouvoir discrétionnaire de choisir, mais ce sont les intérêts simples qui devraient être accordés le plus souvent sauf dans des circonstances spéciales décrites et motivées par le tribunal. Dans la mesure où la common law pouvait s'appliquer, ce sont les intérêts simples qui étaient accordés et, dans la présente affaire, il faut tenir compte de l'existence de la Court Order Interest Act de la Colombie-Britannique (R.S.B.C. 1979, ch. 76, art. 2), province qui a donné naissance à la présente affaire, et dont la Loi prévoit des intérêts simples. [c'est nous qui soulignons]

479. La question est de savoir s'il existe des circonstances spéciales concernant les plaintes ou des éléments de preuve déposés devant le Tribunal qui justifieraient l'attribution d'intérêts composés. L'Alliance soutient que les circonstances relatives à la plainte en l'espèce sont différentes de celles de l'affaire Morgan, supra, où le Tribunal des droits de la personne a convenu que le plaignant avait perdu un poste et non simplement la possibilité d'obtenir un poste dans les Forces armées et qu'il a dû façonner une réparation en se fondant sur les gains qu'aurait gagnés M. Morgan. À l'opposé du plaignant Morgan, l'Alliance soutient que les individus concernés par la plainte en vertu de l'article 11 ont reçu un salaire à un taux inférieur à celui auquel ils avaient droit et qu'en conséquence ils avaient été privés d'utiliser l'argent auquel ils avaient droit.

480. Les circonstances invoquées par le Tribunal de première instance pour accorder des intérêts composés résultaient du fait que suite à une blessure sérieuse à la tête, les Forces armées canadiennes ont renvoyé M. Morgan, en 1978, pour des raisons médicales. Il a cherché à s'engager à nouveau en 1979 mais sa candidature a été rejetée en 1980, et à nouveau en 1982, car il a été jugé inapte du point de vue médical. En 1983, il a déposé une plainte sous le régime de la Loi, mais un tribunal n'a été constitué que cinq ans plus tard. Le Tribunal a accordé à M. Morgan une indemnité pour pertes de salaire calculée à compter de la date à laquelle il aurait pu être réengagé jusqu'à la date de l'audition, après avoir effectué un rajustement de deux ans et demi pour tenir compte du retard à déposer la plainte en temps opportun. Il a en outre accordé des intérêts composés, calculés deux fois par année, sur l'indemnité pour pertes de salaire au taux préférentiel de la Banque canadienne impériale de commerce et une somme de 1 000 $ avec intérêts pour préjudice moral.

481. Lors de l'examen de la décision du Tribunal de première instance par le Tribunal d'appel, la majorité des membres du Tribunal d'appel étaient d'accord pour dire que M. Morgan aurait dû être réintégré, mais ils ont décidé que lorsqu'une ordonnance de réintégration est rendue, il n'y avait pas lieu de mettre fin à la période d'indemnisation avant la réintégration réelle. La majorité a tenu compte de la période excessive qui s'est écoulée avant le dépôt de la plainte et elle a jugé que la période d'indemnisation ne devrait commencer que vingt-sept mois après l'acte discriminatoire. Étant d'avis que seules les pertes subies qui sont raisonnablement prévisibles peuvent être recouvrées, le membre dissident a jugé qu'il n'y avait aucune raison de ne pas fixer le début de la période d'indemnisation à la date à laquelle M. Morgan aurait réellement été réengagé. Il a jugé que la période ne pouvait pas être étendue au-delà d'une limite qui semblait raisonnable, soit quelque trois années et cinq mois plus tard.

482. La Division d'appel de la Cour fédérale a soutenu que le Tribunal de première instance et les membres de la majorité du Tribunal d'appel avaient commis une erreur quant à l'évaluation des dommages concernant la détermination de la période d'indemnisation et a retenu le point de vue du membre dissident. La Cour a également rejeté l'attribution d'intérêts composés. Le juge Marceau n'a pas constaté de circonstances justifiant une telle réparation. Voici ses observations tirées à la page 420 :

(iii) Quant à la question de savoir s'il était du ressort du tribunal d'accorder des intérêts composés, il faut régler cette question en suivant le même principe. Le tribunal peut accorder des intérêts composés si, et seulement si, en vertu des éléments de preuve et des circonstances de l'affaire, ces intérêts sont nécessaires pour indemniser les pertes subies. Je m'empresse d'ajouter que mon collègue a raison d'affirmer que ce n'était pas le cas en l'espèce.

483. La preuve présentée au Tribunal ne justifie pas la conclusion que les employés individuels du gouvernement représentés par l'Alliance ont été privés d'une occasion ou subi une perte. Qui plus est, s'il y a eu préjudice, perte d'occasion ou perte économique, c'est le résultat, dans une large mesure, de circonstances à l'égard desquelles les parties exerçaient un contrôle. Nous nous reportons ici au témoignage de Mme Millar où elle a fait l'historique du dépôt de la plainte. Initialement, cette dernière a été déposée parce que l'Alliance croyait que le gouvernement au pouvoir empruntait des tactiques dilatoires pour retarder la prise de mesures proactives et mettre en oeuvre l'équité salariale. La Commission était du même avis et elle incitait les parties intéressées à exercer de la pression sur le gouvernement, s'y livrant elle-même, afin qu'il annonce son initiative en matière d'équité salariale. Une fois annoncée l'Étude sur la parité salariale, deux années se sont écoulées pendant lesquelles les parties ont négocié le mandat de l'Étude sur la parité salariale. Une fois l'étude lancée, son déroulement a été marqué, voire entaché dans une certaine mesure, par l'intransigeance des parties. Les parties entretenaient des rapports et des comportements favorisant la confrontation, source de grande préoccupation pour les consultants de Willis. C'est ce qui a mené, ultimement, à l'abandon de l'Étude sur la parité salariale (voir la décision de la phase I, supra).

484. Le Tribunal jouit d'un pouvoir discrétionnaire aux fins d'établir le taux d'intérêt. À notre avis, des circonstances spéciales n'ont pas été invoquées pour justifier l'attribution d'intérêts composés au plaignant.

485. En outre, il faut tenir dûment compte, au nombre des facteurs, de la nature de l'acte discriminatoire. Au plan de l'indemnisation, l'objet de la Loi n'est pas de donner un blâme. Nous estimons que l'attribution en l'espèce d'intérêts composés aurait pour effet de jeter le blâme sur l'intimé ou de le punir. Nous estimons également qu'il faut tenir compte des mesures proactives et louables prises par le gouvernement qui a lancé l'Étude sur la parité salariale.

486. Nous sommes d'avis que des intérêts simples doivent être accordés aux employés pour éponger leurs pertes. Le début de la période portant intérêt correspondra au début de la période de rétroactivité, le 8 mars 1985. En raison de la fluctuation des taux d'intérêt au cours des dernières années, les intérêts seront calculés semestriellement en se reportant au taux des Obligations d'épargne du Canada, taux en vigueur le 1er mars de chacune des années pour lesquelles on procédera au calcul des rajustements salariaux rétroactifs.

D. Préjudice moral et indemnité spéciale

487. La Commission soutient que les individus qui ont été victimes d'un acte discriminatoire en contravention de la Loi ont, par définition, souffert un préjudice moral. Au sens des plaintes en vertu de l'article 11, la Commission soutient que tous les employés qui ont travaillé dans un régime où se pratiquait la discrimination à côté d'individus exécutant des fonctions équivalentes mais bénéficiant de salaires supérieurs ont droit à une indemnité pour préjudice à leur dignité. De l'avis de la Commission, l'indemnité maximale de 5 000 $ prévue dans la Loi est un aveu aux victimes de discrimination qu'il y a eu atteinte à leur dignité et à leur valeur. La Commission cite à l'appui l'alinéa 53(3)b) de la Loi qui, soutient-elle, porte sur les circonstances relatives à ces plaintes. Voici le libellé du paragraphe :

53(3) Outre les pouvoirs que lui confère le paragraphe (2), le Tribunal peut ordonner à l'auteur d'un acte discriminatoire de payer à la victime une indemnité maximale de 5 000 $, s'il en vient à la conclusion, selon le cas :

(a) que l'acte a été délibéré ou inconsidéré;

(b) que la victime en a souffert un préjudice moral.

488. Bien qu'il soit la pratique, lors de l'examen de plaintes individuelles, de faire témoigner le plaignant quant au préjudice moral subi, la Commission soutient, étant donné la vaste étendue des plaintes qui concernent des milliers de fonctionnaires fédéraux, qu'il est juste d'extrapoler de la preuve que le fait que le travail des femmes a été sous-évalué a mené à une perte d'estime de soi et de dignité. Cette assertion est étayée, soutient la Commission, par la décision du Tribunal de l'équité salariale de l'Ontario dans l'affaire Ontario Nurses' Association v. Regional Municipality of Haldimand-Norfolk (no 6) (1991), 2 P.E.R. 105, (O.P.E.T. ). L'avocat de la Commission a fait référence aux observations suivantes du Tribunal à la page 3 de la décision :

[Traduction]

9. Il est de plus en plus reconnu que la pratique d'une discrimination salariale systémique constitue un obstacle à la pleine et égale participation des femmes au marché du travail. La Cour suprême du Canada dans l'affaire Janzen c. Platy Enterprises Limited [[1989], 1.S.C.R. 1252 à 1277] a puisé, tout en manifestant son accord, dans l'affaire Bell v. Ladas [(1980), 1 C.H.R.R. D/155 at D/156], au sujet des questions connexes d'harcèlement sexuel et de discrimination salariale :

Le mal auquel il faut remédier c'est l'utilisation du pouvoir économique pour restreindre l'accès garanti et égal des femmes au marché du travail et à tous ses avantages... Lorsque l'on refuse aux femmes un accès égal ou lorsque leurs conditions d'emploi diffèrent de celles consenties aux employés masculins, les femmes sont alors victimes de discrimination.

L'un de ces avantages, c'est un salaire juste. L'obtention d'un salaire juste est importante pour le bien-être des travailleurs, non seulement afin de combler les besoins essentiels de la vie, mais aussi afin de procurer aux travailleurs la dignité et la reconnaissance auxquelles ils ont droit compte tenu la valeur du travail qu'ils exécutent...

489. La Commission soutient que les individus concernés par une plainte collective en vertu de l'article 11 ne devraient pas être tenus de témoigner individuellement. Elle estime qu'une telle démarche imposerait au plaignant une norme trop difficile à satisfaire.

490. L'Alliance soutient que l'intimé a fait preuve d'inconsidération au regard de l'étendue de l'écart salarial car il sait pertinemment que les salaires versés à ces employés sont contraires à l'article 11 de la Loi. L'Alliance se reporte au témoignage de Mme Millar concernant la réticence du Conseil du Trésor de diffuser, au début des années 80, de l'information concernant l'évaluation des emplois susceptible de faire la preuve d'infractions à l'article 11. L'Alliance s'en remet également aux éléments de preuve présentés par M. Ranger eu égard à ses efforts pour régler les questions relatives à l'équité salariale à la table de négociation. Qui plus est, dans les années qui ont suivi le gel des salaires de 1991, l'Alliance n'a pu aborder cette question à la table de négociation.

491. L'Alliance prétend que les différentes méthodes empruntées par l'intimé depuis le début de l'Étude sur la parité salariale confirment qu'il a agi de façon inconsidérée aux fins d'établir l'étendue de sa responsabilité aux termes de l'article 11 de la Loi. L'Alliance soutient que cela est tout particulièrement manifeste dans l'application proposée par l'intimé de la méthode de comparaison avec le groupe masculin le moins bien rémunéré ou le groupe constitué de plusieurs groupes. Cette méthode donne un écart salarial encore plus faible que celui obtenu à l'aide de la méthode proposée par l'intimé à la pièce HR-185, les rajustements paritaires unilatéraux.

492. L'Alliance soutient qu'il y a discrimination non seulement en raison du comportement de l'intimé mais aussi en raison des répercussions de son comportement sur les victimes. Exception faite des paiements unilatéraux en 1990, l'Alliance soutient que cela fait près de dix ans que les employés attendent réparation. L'Alliance soutient qu'au cours de cette période les employés ont été privés d'occasions en raison de ressources financières moindres pour prendre des vacances, réduire leur fardeau fiscal moyennant des cotisations à un REER. Et ils ont dû vivre tout en sachant qu'ils étaient moins bien payés que leurs homologues masculins, et ce, en contravention de la Loi sur les droits de la personne. Qui plus est, l'Alliance soutient que les employés s'intéressent vivement à l'affaire et qu'ils n'estiment pas qu'il s'agit d'un simple coup de tête. La situation, soutient l'Alliance, est très pénible pour les personnes concernées. En conséquence, l'Alliance soutient que le Tribunal est habilité à conclure de la preuve que les individus concernés ont subi un préjudice moral et une perte de dignité, tout particulièrement en vue de la durée et de l'importance de l'écart salarial. L'Alliance estime qu'il est raisonnable de conclure que les employés ont subi un préjudice visé par l'alinéa 53(3)b) de la Loi.

493. L'Alliance demande le paiement d'une indemnité de 5 000 $ par employé qui, estime-t-elle, ne peut pas effacer complètement les conséquences de la sous-rémunération des employés membres des six groupes professionnels à prédominance féminine des groupes plaignants.

494. L'intimé soutient que la preuve n'a nullement été faite devant le Tribunal pour établir qu'il y a eu préjudice moral. De l'avis de l'intimé, la nature de la discrimination systémique n'a pas pour effet de faire subir un préjudice moral. Au contraire, soutient l'intimé, les individus qui ont accepté un emploi à la fonction publique l'ont fait volontairement, tout en connaissant les taux de rémunération. C'est librement qu'ils ont décidé de travailler à la fonction publique.

495. L'intimé soutient également que, par définition, la discrimination systémique résulte de systèmes, de régimes de rémunération, et non d'actes délibérés. Par conséquent, les individus n'ont aucune raison de se sentir lésés ou blessés, ou encore de subir un préjudice moral et une perte de dignité. L'intimé soutient qu'il n'est pas indiqué pour le Tribunal d'inférer de la preuve que tous les membres du groupe ont réagi d'une façon donnée, car il est possible que certaines employés des groupes n'aient subi aucune perte de dignité. L'intimé a fait référence tout particulièrement à la décision du Tribunal des droits de la personne dans l'affaire Uzoaba, supra, (pages 94 et 95) où sont précisées les exigences propres à la charge de la preuve justifiant qu'une indemnité spéciale doit être accordée en vertu de l'article 53 de la Loi. Dans cette affaire, le Tribunal a fait siennes les observations formulées par le Tribunal des droits de la personne dans l'affaire Morgan c. Forces armées canadiennes (1989), 10 C.H.R.R. D/6386. Dans l'affaire Uzoaba, supra, le Tribunal cite un passage de la décision dans l'affaire Morgan, supra, que nous reproduisons ci-dessous :

D'après les éléments de preuve dont je dispose, le préjudice en question n'est en rien comparable à l'humiliation et à l'embarras dont souffrent les personnes victimes d'une discrimination publique fondée sur la race, la religion, la couleur ou le sexe, en particulier lorsqu'il y a perpétration répétée et que le préjudice moral subi entraîne des manifestations physiques ou mentales de stress. À mon avis, le haut de l'échelle s'applique à cette dernière catégorie de situations. (p. D/6403) [c'est nous qui soulignons]

496. Nous estimons que l'ordonnance de payer une indemnité en vertu de l'alinéa 53(3)b) de la Loi exige de faire la preuve des effets de la pratique discriminatoire sur les individus concernés. Une indemnité pour préjudice morale est une indemnité personnelle qui est habituellement consentie dans le contexte d'une discrimination directe. Lors des audiences, un tribunal se prononcera sur l'adjudication d'une indemnité après avoir entendu le témoignage d'individus, témoignage portant sur les effets qu'a eus sur lui ou sur elle la discrimination (voir R. v. Cranston (1997), T.D. 1/97 (C.H.R.T.)). Ainsi, le Tribunal est en mesure d'observer le comportement du plaignant lors de son témoignage et d'en tirer des conclusions, à savoir, dans les circonstances, s'il est justifié ou non d'accorder une indemnité pour préjudice moral. À notre avis, l'impact des délais qui a suscité des déceptions, des frustrations, peut-être même de la tristesse ou de la colère, même s'il s'agit de réactions légitimes, n'est pas à la hauteur de la norme concernant le préjudice moral et la perte de dignité que l'alinéa 53(3)b) s'emploie à réparer.

497. En l'espèce, la pratique discriminatoire tire son origine des attitudes et de l'histoire de la société, éléments qu'ont en commun les hommes et les femmes. Les attitudes à l'égard de la femme au travail évoluent grâce aux efforts de sensibilisation et d'éducation, et aux lois. Il s'agit d'un problème systémique, inhérent au régime de rémunération de l'employeur. En se rendant à la demande de la Commission et de l'Alliance, le Tribunal consentirait en masse des indemnités pour préjudice moral, ce qu'il estime n'est pas l'objet visé par l'alinéa 53(3)b) de la Loi.

498. Nous ne doutons pas que certains plaignants ont ressenti un sentiment de perte, et que certains ont ressenti un sentiment de perte plus fort que d'autres. Nous convenons aussi qu'il n'est pas pratique que les individus concernés par cette affaire viennent témoigner devant le Tribunal quant aux effets qu'ils ont subis en raison de la pratique discriminatoire. Cependant, ces facteurs ne nous incitent pas à consentir en masse des indemnités en vertu de l'alinéa 53(3)b).

E. Dépens

499. L'Alliance demande au Tribunal, en vertu de l'alinéa 53(2)c) de la Loi, que ses frais juridiques, y compris les honoraires et les dépenses concernant l'examen des présentes plaintes, fassent l'objet d'une ordonnance en sa faveur. L'Alliance demande au Tribunal de prendre une ordonnance de règlement de ses frais, sur la base des frais avocat-client, conformément aux honoraires prévus en vertu de la Loi sur les tribunaux judiciaires de l'Ontario et des Règles de procédure civile.

500. Sinon, l'Alliance demande au Tribunal de prendre une ordonnance d'adjudication des dépens en sa faveur, les frais étant établis à partir de frais juridiques raisonnables, y compris les dépenses.

501. L'Alliance soutient que le bien-fondé de l'ordonnance d'adjudication des dépens tient à la nature des dispositions réparatrices prévues en vertu de Loi qui ont pour objet d'indemniser pleinement et adéquatement les parties visées par une pratique discriminatoire. L'Alliance s'en remet à la décision du Tribunal des droits de la personne dans l'affaire Grover, supra. Dans cette affaire, le Tribunal a ordonné à l'intimé de régler les frais juridiques du plaignant, ses frais ayant été établis à partir du barème de la Cour fédérale. Le Tribunal s'est fondé, à cet égard, sur l'alinéa 53(2)c) de la Loi. Aux termes de ces dispositions, le Tribunal a conclu qu'il était habilité à indemniser [traduction] la victime pour les dépenses subies en conséquence d'une pratique discriminatoire. La décision du Tribunal a été maintenue par la Cour fédérale en 1994.

502. L'avocat de l'Alliance a également fait référence à la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale dans l'affaire Canada (Procureur général) c. Thwaites (no 2) (1994), 21 C.H.R.R. D/224 (CFSPI). Cette affaire concerne un appel interjeté par le Procureur général du Canada à l'égard d'une décision d'un Tribunal canadien des droits de la personne qui a conclu que les Forces armées avaient commis un acte discriminatoire à l'égard du plaignant victime d'une déficience. Dans sa décision, le Tribunal a exigé que les frais juridiques subis par le plaignant lui soient remboursés. Lors de l'appel, la Section de première instance de la Cour fédérale a maintenu cette décision. Voici le passage pertinent de la décision du juge Gibson (pages D/249-250) :

[39] Je me réfère au pouvoir accordé par l'al. 53(2)c) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, précité, d'accorder une compensation pour les dépenses engagées par la victime, en l'occurrence M. Thwaites. Je ne vois aucune raison de restreindre le sens des termes dépenses entraînées. Les honoraires que M. Thwaites a dû payer pour les services de son avocat et pour l'expertise actuarielle sont, dans la langue courante, des dépenses qui ont été entraînées par l'acte discriminatoire. Le fait que les avocats et les juges accordent une signification particulière au terme frais et à l'expression frais d'avocat ne peut servir de fondement à l'argument selon lequel l'expression dépenses entraînées ne comprendrait pas ces frais à moins qu'ils ne soient expressément mentionnés par la loi. Partant du principe que les mots utilisés par le législateur doivent être interprétés selon leur sens habituel à moins que le contexte n'en dicte un autre, et considérant que le contexte de l'espèce ne dicte pas un autre sens, j'en conclus que le Tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en accordant à M. Thwaites les dépens raisonnables, y compris les frais de l'expertise actuarielle.

503. La Commission n'a pas présenté de position à l'égard de la question des dépens.

504. L'intimé ne conteste pas le droit du syndicat de représenter les employés visés par la plainte (volume 258, page 34827). Cependant, l'intimé soutient que l'alinéa 53(2)c) prévoit l'octroi d'une indemnité que pour les dépenses subies par la victime en raison d'un acte discriminatoire. En l'espèce, l'intimé soutient que l'Alliance n'est pas la victime mais qu'elle représente la victime et que ses services sont réglés à même les cotisations syndicales que les employés plaignants, de même que les autres employés, sont tenus de verser. Ces autres employés englobent des employés masculins et féminins d'autres groupes professionnels.

505. L'intimé demande également au Tribunal de tenir compte des incidents pendant l'Étude sur la parité salariale où des membres de l'Alliance, en raison de leur comportement, ont menacé les fondements de l'étude dès le départ et contribué largement aux difficultés qui devaient s'ensuivre (voir la décision de la phase I, supra, paragraphe 732). L'intimé soutient également que l'alinéa 53(2)c) de la Loi ne prévoit pas expressément qu'un Tribunal a compétence pour procéder à une adjudication pour dépens quant aux frais relatifs à un litige. Par exemple, l'intimé suggère que si le Tribunal conclut qu'une plainte n'est pas fondée, il n'est pas habilité à faire porter au plaignant les coûts subis par l'intimé. En conséquence, soutient l'intimé, les frais du litige peuvent faire l'objet d'une ordonnance lorsqu'on a fait la preuve de la nécessité d'indemniser la victime pour les dépenses qu'elle a subies en conséquence d'une pratique discriminatoire.

506. Enfin, l'intimé soutient que le Tribunal doit tenir compte du fait que la pratique discriminatoire alléguée n'était pas délibérée et que l'intimé a pris volontairement des mesures proactives pour cerner et corriger de telles pratiques discriminatoires. À cet égard, l'intimé soutient qu'il incombe au plaignant une part importante des responsabilités des difficultés éprouvées lors de l'Étude sur la parité salariale, difficultés qui ont mené les deux parties en cause devant le présent Tribunal plutôt que d'en venir à une entente négociée.

507. Après avoir examiné attentivement les arguments quant à la nature systémique de la discrimination, à la complexité des présentes plaintes et au rôle juridique et de représentation de l'Alliance dans cette procédure, nous estimons qu'une ordonnance d'adjudication des dépens n'est pas justifiée en l'espèce et nous rejetons la demande en ce sens.

XI. ORDONNANCES

À la lumière des constatations susmentionnées quant à la violation de l'article 11 de la Loi, LE TRIBUNAL ORDONNE CE QUI SUIT :

  1. Que l'écart salarial eu égard aux salaires directs soit établi à l'aide de la méthode niveau/segment de la Commission.
  2. Que le montant total du rajustement salarial de chaque groupe professionnel à prédominance féminine soit établi en observant la procédure utilisée par M. Sunter et exposée à la pièce HR-219. Le montant total à verser à chaque groupe plaignant doit être réduit du montant des rajustements paritaires unilatéraux versés en janvier 1990 par le Conseil du Trésor et du montant de tout autre rajustement en vigueur en matière d'équité salariale.
  3. Que le rajustement salarial réel d'un niveau ou d'un sous-groupe donné de chaque groupe professionnel plaignant soit établi d'un commun accord par l'Alliance et l'intimé de façon à ce qu'il n'excède pas le montant total établi pour chacun des groupes plaignants.
  4. Que le groupe professionnel DA soit considéré comme deux groupes distincts et que le rajustement salarial ne soit calculé que pour le groupe DA-CON.
  5. Que la date du début de la période aux fins du calcul du rajustement salarial rétroactif soit le 8 mars 1985.
  6. Que pour chacune des années de la période de rétroactivité, à savoir la période s'échelonnant du 8 mars 1985 à la date de la présente décision, les rajustements paritaires soient calculés en se fondant sur les données d'évaluation des emplois de 1987-1988 de l'Étude sur la parité salariale et sur les taux salariaux en vigueur lors de chacun des exercices en cause.
  7. Que les rajustements salariaux paritaires pour les périodes postérieures à la présente décision soient consolidés et fassent partie intégrante des salaires.
  8. Que l'intimé et l'Alliance disposent d'une période d'un an à compter de la présente décision pour convenir de la répartition de la totalité des sommes à verser aux plaignants.
  9. Que le Tribunal demeure saisi de la question des rajustements salariaux advenant que l'Alliance et l'intimé ne puissent convenir de la répartition de la totalité des sommes à verser à chacun des groupes à prédominance féminine plaignants.
  10. Que des intérêts soient versés sur le montant net des salaires directs, les intérêts devant être calculés au terme de chacune des années de la période de rétroactivité.
  11. Que les intérêts soient établis semestriellement en se reportant au taux des Obligations d'épargne du Canada qui était en vigueur le 1er mars de chaque année faisant l'objet d'un rajustement salarial.
  12. Que, dans l'intervalle entre la date de la présente décision et la date du paiement réel des rajustements paritaires, le calcul des intérêts postérieurs à la décision à verser aux employés se fasse de la même façon que de la façon prescrite à l'ordonnance no 11 de la présente décision.
  13. Que la question de savoir si les rajustements rétroactifs aux salaires directs doivent être réputés des salaires à toutes les fins, ou des salaires aux fins du calcul de la pension de retraite mais non à d'autres fins, soit réglée dans le cadre de la phase III de cette procédure.
  14. Que la demande d'indemnité pour préjudice moral présentée aux termes de l'alinéa 53(3)b) soit rejetée.
  15. Que la demande d'adjudication des dépens présentée par l'Alliance soit rejetée.

Fait à Ottawa, en Ontario, le 19e jour de juin 1998.

Donna Gillis, présidente

Norman Fetterly, membre

Joanne Cowan-McGuigan, membre

ANNEXE A

GLOSSAIRE

Moyenne - La moyenne d'un ensemble de données est sa moyenne arithmétique, soit la somme des valeurs divisée par la taille de l'échantillon. (Shillington, HR-111)

Fourchette des moyennes - L'un des éléments de la méthode proposée par l'intimé pour identifier les groupes professionnels à prédominance masculine exécutant des fonctions équivalentes.

Tendance centrale - La tendance centrale d'un ensemble de mesures, c'est la tendance des données de se regrouper autour de certaines valeurs numériques. (Shillington)

Norme de classification - La norme de classification décrit le plan d'évaluation des emplois utilisé par les agents de classification, les agents de dotation et les cadres hiérarchiques chargés de classifier des emplois à la Fonction publique fédérale. (voir Évaluation des emplois)

Système de classification -À la Fonction publique fédérale, il s'agit d'un système au moyen duquel tous les emplois sont classés dans la structure des groupes professionnels.

Négociation collective - Méthode de détermination des salaires, des heures de travail et des autres conditions de travail moyennant négociation directe entre le syndicat et l'employeur.

Loi fondée sur le dépôt de plaintes - Loi qui oblige un employé ou une employée à identifier le préjudice allégué et à déposer une plainte.

Comparaison directe - Moyen d'établir, en matière d'équité salariale, le montant du rajustement salarial d'emplois féminins en comparant les salaires d'emplois féminins et masculins de valeur équivalente, lorsqu'il existe, dans les faits, un emploi masculin de valeur équivalente.

L'égalité de rémunération pour fonctions équivalentes - Le principe de verser les mêmes salaires aux titulaires d'emplois différents lorsque, pour l'entreprise, leur valeur est égale ou équivalente. Ce principe vise à éliminer la discrimination salariale fondée sur le sexe.

Facteur - Élément ou composante de base d'un plan d'évaluation des emplois utilisé pour évaluer les particularités d'un emploi. En matière d'équité salariale, on procède à l'évaluation de quatre facteurs : les qualifications, les efforts, les responsabilités et les conditions de travail.

Groupe à prédominance féminine - En matière d'équité salariale, il s'agit d'un groupe d'emplois comptant un pourcentage minimum donné de titulaires féminins.

Exempt de partialité fondée sur le sexe - Se dit d'une pratique ou d'un programme qui, ni directement, ni indirectement, n'est assorti d'éléments de discrimination fondée sur le sexe.

Partialité fondée sur le sexe - Se dit d'une pratique ou d'un programme qui, soit directement, soit indirectement, est assorti d'éléments de discrimination fondée sur le sexe.

Adéquation ou la droite de meilleur ajustement - Règle générale, on obtient, eu égard à une série de points, la droite de meilleur ajustement lorsque la distance moyenne entre chacun des points et la droite est faible. L'indicateur qui en atteste est la moyenne quadratique r2 des distances observées.

Ordonnance - Texte d'application complémentaire de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Hétéroscédasticité - Il y a hétéroscédascité quand la variance des termes d'erreur n'est pas constante (Swimmer), c'est-à-dire que la variance varie ou que ses valeurs sont dispersées.

Homoscédasticité - Il y a homoscédasticité quand la variance des termes d'erreur est constante, bref que la variance ne varie pas.

Comparaison indirecte - Moyen d'établir, en matière d'équité salariale, le montant du rajustement salarial d'emplois féminins en comparant les salaires d'emplois masculins et féminins de valeur équivalente, qu'il existe ou non, dans les faits, un emploi masculin de valeur équivalente. Par exemple, la courbe des salaires montre quel devrait être le salaire d'un emploi donné en le reportant sur une courbe établissant la correspondance entre la valeur et le salaire des emplois. Dans les faits, il pourrait exister ou ne pas exister un emploi masculin de valeur équivalente. (Weiner, HR-1, onglet 5)

Classification des emplois - Mode d'évaluation des emplois où l'on évalue l'ensemble des fonctions d'un emploi aux fins de le situer au niveau salarial approprié (les niveaux ayant été définis au préalable) d'une grille. Chaque emploi est porté au niveau salarial dont la description correspond le mieux aux fonctions de l'emploi faisant l'objet de l'évaluation. (voir Norme de classification)

Évaluation des emplois - L'évaluation des emplois est une méthode employée couramment dans les systèmes d'établissement des salaires. Il s'agit d'un outil systématique d'établissement de la valeur relative des emplois d'une organisation misant sur l'analyse, à l'aide de critères, des données relatives aux emplois. (Weiner, HR-7)

Plan d'évaluation des emplois - En matière d'équité salariale, un plan d'évaluation des emplois est un outil systématique d'évaluation des fonctions, outil faisant appel à des facteurs tels que les qualifications, les efforts, les responsabilités et les conditions de travail. (Weiner, HR-1, onglet 5)

Régression linéaire - Toute relation systématique qui revêt une forme linéaire (c.-à-d. qu'on peut représenter par une ligne droite). L'expression mathématique d'une régression linéaire simple est la suivante : y = a + bx, où y est la variable dépendante et x la variable indépendante. Les coefficients de régression a et b, qui caractérisent cette régression linéaire, sont parfois désignés respectivement par les expressions constante ou coordonnée à l'origine et pente, expressions qui s'expliquent d'elles-mêmes lorsqu'on examine un diagramme. (Sunter, HR-147)

Incohérences ponctuelles - M. Sunter a utilisé l'expression incohérences ponctuelles en parlant de la courbe segmentée et de la courbe composite. Lorsqu'on examine la configuration des valeurs résiduelles, à savoir la différence entre les salaires prévus issus de la régression et les salaires réels correspondants à chacun des points, on constate, parfois, que certains segments de la courbe de régression se situent au-dessus des salaires réels alors que d'autres se situent en-dessous. On peut qualifier ces segments d'incohérences ponctuelles de la courbe de régression.

Courbe composite des données masculines - Une courbe de régression illustrant toutes les données masculines. (Sunter, p. 14489)

Classe d'emplois à prédominance masculine - En matière d'équité salariale, il s'agit d'un groupe d'emplois comptant un pourcentage minimum donné de titulaires masculins.

Médiane - La valeur médiane correspond au cinquantième percentile. C'est la valeur centrale qui sépare les valeurs observées en deux groupes de taille égale, un premier constitué de valeurs plus grandes et un second constitué de valeurs plus faibles que la valeur médiane. (Shillington, HR-111)

Méthode des moindres carrés - Méthode statistique servant à tracer la courbe de régression - la droite de meilleur ajustement - pour une série de points (ou de valeurs).

Taux national - Se dit de la pratique, à la Fonction publique fédérale, d'appliquer un seul taux salarial à un emploi donné.

Observations - Un ensemble de mesures ou de valeurs propres à une unité d'échantillonnage. (Sunter, HR-147) Terme utilisé par les statisticiens lors de l'analyse des résultats de l'évaluation des emplois dans le cadre de l'Étude sur la parité salariale et désignant les cotes numériques obtenues lors de l'évaluation des emplois.

Catégorie professionnelle - Le premier palier de la hiérarchie de la classification des emplois du système de classification des emplois à la Fonction publique fédérale.

Groupe professionnel - Le second palier de la hiérarchie de la classification des emplois du système de classification des emplois à la Fonction publique fédérale.

Groupes d'emplois - Hiérarchie des emplois s'inscrivant essentiellement dans un même domaine ou dans une même profession (p. ex., commis aux écritures, emplois de la catégorie technique) (Weiner, HR-1, onglet 5); grands regroupements d'emplois à la Fonction publique fédérale.

Niveau professionnel - Composante de plus petite taille d'un groupe professionnel à la Fonction publique fédérale.

Sous-groupe professionnel - Composante de plus petite taille d'un groupe professionnel à la Fonction publique fédérale.

Valeurs aberrantes - Dans un échantillon donné d'observations, il peut se produire que l'écart entre un nombre restreint d'observations et les autres observations soit tellement grand qu'il y a lieu de se demander si les premières n'appartiennent pas à une autre population ou si la technique d'échantillonnage ne présente pas des lacunes. On qualifie ces observations de valeurs aberrantes. On dispose de tests pour établir si ces valeurs sont homogènes aux autres valeurs de l'échantillon. (Sunter, HR-147) Un statisticien qualifiera d'aberrante une petite ou grande valeur invalide si elle déborde du cadre de l'étude pour une raison quelconque. (Shillington, p. 16359) Une valeur très éloignée de l'intervalle de confiance et de l'intervalle de prévision pourrait être rangée parmi les valeurs aberrantes. (Sunter, p. 13337)

Équité salariale - Le concept de l'égalité de rémunération pour fonctions équivalentes postule l'élimination de la discrimination salariale fondée sur le sexe, discrimination résultant de la sous-évaluation historique du travail accompli traditionnellement par les femmes. L'équité salariale, c'est verser les mêmes salaires aux hommes et aux femmes qui exécutent des fonctions ayant une valeur équivalente pour l'entreprise. (Willis, HR-33)

Évaluation des emplois dans la perspective de l'équité salariale - Évaluation des différents emplois d'une organisation à l'aide d'un plan d'évaluation des emplois assorti de critères d'évaluation propres à l'équité salariale.

Courbe des politiques salariales - Il s'agit d'une courbe de régression illustrant la relation entre les cotes numériques d'évaluation des emplois de l'employeur, en abscisse, et les taux salariaux de l'employeur, en ordonnée. (Weiner)

Loi fondée sur des mesures proactives d'équité salariale - Loi exigeant de l'employeur qu'il procède, dans des délais prescrits et en collaboration avec les représentants de ses employés, à une vérification de ses pratiques salariales en vue de cerner et de corriger les disparités salariales constatées entre les salaires versés aux membres de catégories d'emploi à prédominance masculine et féminine dont les titulaires exécutent des fonctions de valeur égale ou comparable.

Courbe quadratique - La courbe quadratique correspond à une estimation statistique reposant sur une variable et son carré. Elle permet de minimiser la somme des distances quadratiques entre les points d'une courbe plutôt que d'une droite.

R2 - L'indicateur R2 mesure la variation des salaires qu'explique la régression. Autrement dit, c'est une mesure de l'adéquation. (Sunter, p. 12932) L'indicateur R2 est une mesure sommaire mise au point par les statisticiens. Valeur statistique sommaire, c'est un indice dont l'intervalle va de 0 à 1. L'indicateur R2 mesure bien l'adéquation ou la fiabilité générale d'une régression, si on ne perd toutefois pas de vue que la régression ordinaire des moindres carrés produit toujours la droite de meilleur ajustement pour une série de points. (Swimmer, p. 25956)

Effet de cliquet - Se dit d'un processus se traduisant par des rajustements salariaux à répétition, le rajustement initial servant de fondement au second, le second influant ensuite sur le premier, et ainsi de suite.

Taux régionaux - Se dit de la pratique, à la Fonction publique fédérale, d'appliquer plusieurs taux salariaux à un même emploi, chaque taux étant lié à un lieu géographique et étant qualifié de taux régional. (Durber, p. 18884)

Analyse de régression - Méthode statistique généralement utilisée pour examiner la relation entre une variable dépendante (p. ex., un salaire) et une ou plusieurs variables indépendantes (p. ex., les composantes ou la somme des composantes, les cotes numériques d'évaluation d'emplois Willis). La relation devrait comporter une composante systématique et une composante aléatoire.

Échantillon - En termes simples, échantillon s'entend de la sélection d'un nombre relativement petit d'unités d'un ensemble d'unités plus vaste et à partir duquel on déduit de l'information concernant l'ensemble. Il peut être le résultat d'un échantillonnage non aléatoire, l'échantillonneur choisissant des unités selon des critères spécifiques essentiels à l'analyse ou à l'estimation envisagées. (Sunter)

Courbe segmentée - Une courbe de régression pour laquelle les valeurs masculines s'inscrivent à l'intérieur de paramètres établis pour les valeurs féminines.

Test de signification - Test statistique permettant de vérifier les hypothèses sur le processus à l'étude d'après les données observées. Au terme de ce test, on rejettera l'hypothèse si les résultats obtenus ont peu de probabilité d'être observés lorsque l'hypothèse s'avère. (Shillington, HR-111)

Modèle statistique - Le modèle décrit en termes mathématiques le fonctionnement d'un mécanisme. Il faut fabriquer un modèle, à tout le moins le statisticien doit le faire, pour établir si, dans la réalité, un mécanisme donné fonctionne de la façon prévue. (Sunter, p. 13406) Selon M. Sunter, un modèle explique de manière raisonnée la façon dont un mécanisme devrait fonctionner dans la réalité. M. Shillington a renchéri en affirmant que ceux qui croient suffisamment bien connaître un mécanisme s'estiment capables de le décrire en termes mathématiques. (Shillington, p. 16449) L'une des particularités d'un modèle, c'est qu'il décrit la relation entre deux ou plusieurs facteurs. Pour créer un modèle, il faut être en mesure d'affirmer qu'il existe une vraie relation entre deux variables, par exemple, la vitesse d'accélération et la gravité de la Terre. La corrélation entre les deux variables doit être tellement étroite qu'en connaissant une des deux variables, on peut prédire la seconde avec exactitude. Voilà ce qui caractérise un modèle. (Shillington, p. 16769)

Discrimination systémique - Discrimination systémique s'entend d'une discrimination qui résulte de la seule application de procédures établies dont aucune n'a été conçue dans la perspective de promouvoir la discrimination. De fait, il s'agit d'une forme de discrimination qui résulte de systèmes et non d'actes délibérés. Il s'agit de mesures impersonnelles, non délibérées, intégrées dans des systèmes neutres. La discrimination systémique est difficile à repérer, car elle est souvent insidieuse et intégrée à la façon courante de faire les choses, et qu'il n'y a pas d'élément déclencheur (par exemple, recrutement d'une employée à un salaire moindre que celui d'un collègue possédant les mêmes qualifications). (Weiner, HR-7)

Évaluation classique des emplois - Les emplois d'un groupe d'emplois sont évalués et classés dans un groupe donné. (Willis, p. 7693)

Courbe de la tendance - Règle générale, à mesure que la valeur des emplois s'élève, il en va de même des salaires. Alors, la pente de la courbe augmente. On la qualifie de courbe de la tendance afin d'exprimer le mouvement ascensionnel de la courbe.

Système universel de classification - Système universel de classification s'entend tout simplement du fait que tous les groupes professionnels d'une organisation sont assujettis à un seul et unique système de classification. Le système FP 2000 est réputé un système universel de classification en devenir.

Méthodes de rajustement salarial -

Méthode emploi/emploi - En matière d'équité salariale, méthode de rajustement salarial fondée sur le relèvement du salaire de chaque emploi féminin à la hauteur du salaire de l'emploi masculin de comparaison de valeur équivalente. Comparaison d'emplois justifiant de cotes numériques identiques. (Weiner)

Méthodes courbe/courbe - En matière d'équité salariale, rajustement salarial obtenu moyennant l'harmonisation de la courbe salariale des femmes avec celle des hommes. Le résultat : l'élimination des différences systémiques entre les emplois à prédominance masculine et féminine (suppression de l'écart entre les deux courbes). Au moyen de cette méthode, on procède à l'analyse de la régression de chacun des groupes à prédominance féminine et de chacun des groupes à prédominance masculine de comparaison, l'analyse étant fondée sur les cotes numériques Willis moyennes pertinentes du groupe à prédominance féminine ou du sous-groupe ou du niveau du groupe à prédominance féminine. La différence ou la distance observée correspond au rajustement qui s'impose. (Sunter HR-206)

Méthode niveau/courbe - Dans un premier temps, il faut établir la moyenne - des salaires et des cotes numériques pertinents - du groupe à prédominance féminine ou du sous-groupe ou du niveau du groupe à prédominance féminine. Puis, on compare la courbe de régression masculine (de l'ensemble du groupe professionnel à prédominance masculine de comparaison) à la courbe des valeurs féminines moyennes. La différence observée correspond au rajustement qui s'impose. (Sunter, HR-206)

Méthode niveau/segment - Il s'agit d'une méthode identique à la méthode niveau/courbe sauf que, dans ce cas, la courbe de régression masculine n'est tracée qu'à partir des données du groupe masculin de comparaison s'inscrivant dans les fourchettes de valeurs se situant à deux écarts-types (de la distribution des valeurs se trouvant au-dessus du niveau féminin) d'un côté ou de l'autre des valeurs numériques moyennes du niveau féminin.

Écart salarial - L'écart salarial, c'est la différence ou la distance entre deux valeurs numériques identiques. (Sunter, p. 12860)

Courbe des salaires - Courbe tracée à partir des valeurs numériques - résultant de l'application d'un système d'évaluation des emplois - et des salaires des emplois concernés. La méthode la plus courante pour tracer cette courbe, c'est l'analyse de régression, méthode qui permet d'obtenir une courbe où est minimisée la distance au carré entre chacun des points et la courbe. (Weiner, HR-1, onglet 5)

Test F de Wald - Le test F est l'un de nombreux tests statistiques utilisés pour établir si deux courbes de régression sont statistiquement différentes. (Shillington, p. 16887)

Moyenne pondérée - On obtient la moyenne pondérée en multipliant le taux salarial de chacune des régions par le nombre de titulaires dans chaque région, puis en faisant la somme des totaux régionaux et en divisant le montant ainsi obtenu par le nombre total de titulaires dans l'ensemble des régions. On qualifie de moyenne pondérée le résultat ainsi obtenu.

Test de Wilcoxon - Test statistique utilisé pour comparer deux ensembles de valeurs en vue d'établir s'ils proviennent de populations différentes. Cette méthode est similaire à la comparaison des valeurs moyennes de deux groupes si ce n'est qu'au lieu de comparer les valeurs moyennes relatives des deux groupes, on compare la position relative (ou le classement relatif ) de leurs valeurs numériques. (Sunter, HR-130)

Zone de non-discrimination - Il s'agit d'une expression du cru de l'intimé qu'il a utilisée dans ses arguments pour désigner les disparités salariales entre des groupes à prédominance masculine de valeur équivalente, disparités qui ne découlent pas d'une discrimination fondée sur le sexe. (Chabursky, p. 32450)

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