Tribunal canadien des droits de la personne

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LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE L.R.C. 1985, chap. H-6 (version modifiée)

TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE

AFFAIRE intéressant une plainte déposée sur le fondement des articles 7 et 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

ENTRE :

PATRICIA DUNMALL

la plaignante

- et -

LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

FORCES ARMÉES CANADIENNES

les intimées

TRIBUNAL : Marshall E. Rothstein, c.r. - président Donna M. Gillis - membre Raymond W. Kirzinger - membre DÉCISION DU TRIBUNAL ONT COMPARU : Patricia Dunmall

Linda Wall Avocate des Forces armées canadiennes

Peter Engelmann Avocat de la Commission canadienne des droits de la personne

DATES ET LIEU DE L'AUDIENCE : du 26 au 28 septembre 1990 et du 10 au 12 octobre 1990 Winnipeg (Manitoba)

TRADUCTION

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TABLE DES MATIERES

LA PLAINTE

LA DÉFENSE

LES FAITS SUIVANT LEUR ORDRE CHRONOLOGIQUE

LES NORMES MÉDICALES

LE SERVICE DE RÉSERVE DE CLASSE C

L'INTERPRÉTATION DE LA LÉGISLATION RELATIVE AUX DROITS DE LA PERSONNE

L'ARTICLE 2 DE LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

A-T-ON ÉTABLI L'EXISTENCE D'UN CAS PRIMA FACIE DE DISCRIMINATION?

S'AGIT-IL D'UN CAS DE DISCRIMINATION DIRECTE OU DE DISCRIMINATION INDIRECTE?

LA DÉFENSE FONDÉE SUR L'EXIGENCE PROFESSIONNELLE JUSTIFIÉE

L'ACTE DISCRIMINATOIRE EN CAUSE

LES ASPECTS DÉTAILLÉS DES TACHES A ACCOMPLIR

LES CONDITIONS DE TRAVAIL ET LEURS EFFETS SUR LES EMPLOYÉS

LA PREUVE MÉDICALE

L'APPRÉCIATION DE LA PREUVE

LA PROCÉDURE DE DISPENSE

LES DOMMAGES-INTÉRETS

LE SALAIRE

LES DOMMAGES-INTÉRETS EN VERTU DE L'ALINÉA 53(3)b)

L'INTÉRET

L'IMPOT SUR LE REVENU

LES CALCULS DÉTAILLÉS

ORDONNANCES

ADDENDUM

LA PLAINTE

La présente audience fait suite à une plainte déposée sur le fondement de la Loi canadienne sur les droits de la personne par Patricia Dunmall, le 21 juillet 1982, contre le ministère de la Défense nationale. Cette plainte est ainsi libellée :

[TRADUCTION]

En septembre 1981, j'ai communiqué avec le ministère de la Défense à Winnipeg (Manitoba) et j'ai indiqué que je désirais postuler un emploi d'hygiéniste dentaire en service de classe C.

On m'a demandé de me soumettre à un examen médical, ce que j'ai fait au début du mois d'octobre 1981.

A la suite de cet examen médical, on m'a informée que je ne satisfaisais pas aux normes de la catégorie médicale requise. Par contre, le major Byrne du ministère de la Défense nationale à Winnipeg (Manitoba) m'a indiqué qu'une demande de dispense médicale serait présentée. J'ai par conséquent demandé à être enrôlée dans la réserve supplémentaire, ce qui constitue une condition préalable pour obtenir un emploi en service de classe C.

On m'a appris en mars 1982 qu'aucune dispense médicale ne me serait accordée et que, par conséquent, on ne recommanderait pas mon embauche à un emploi en service de classe C.

J'ai des raisons de croire que j'ai fait l'objet de discrimination à cause d'un handicap physique, en violation des articles 7 et 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

(Pièce HRC-1, onglet 1)

LA DÉFENSE

Comme nous l'expliquerons en détail plus loin, les Forces armées canadiennes ont considéré que la plaignante était inapte, pour raisons de santé, à s'enrôler en service de réserve de classe C. Il semble que le motif à l'origine de cette décision était le problème de circulation sanguine dans la jambe gauche dont souffrait la plaignante. Le principal moyen de défense invoqué par les intimées était que l'état de la jambe de la plaignante restreignait son exécution des obligations militaires qui incombent à un membre des Forces armées canadiennes.

LES FAITS SUIVANT LEUR ORDRE CHRONOLOGIQUE

La plaignante a déclaré dans son témoignage qu'elle s'était enrôlée dans l'Aviation royale du Canada en 1951. Avant d'entrer dans l'ARC, elle avait travaillé pendant cinq ans comme assistante dentaire dans une région rurale du Manitoba. Elle a travaillé dans les Forces armées comme assistante dentaire pendant trois ans et elle a ensuite été envoyée

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pour une période d'un an en Angleterre afin d'y recevoir la formation d'hygiéniste dentaire auprès de la Royal Air Force (Forces aériennes royales). Elle a été accréditée par le ministre de la santé de Grande- Bretagne et elle a obtenu le permis nécessaire pour pratiquer l'hygiène dentaire en Angleterre. Elle a ainsi pu travailler comme hygiéniste dentaire dans les Forces armées canadiennes.

La plaignante est retournée au Canada où elle a travaillé comme hygiéniste dentaire pendant environ quinze ans pour les Forces armées canadiennes à divers endroits. Elle a passé les six dernières de ces années à Winnipeg.

En 1968, on a découvert que la plaignante avait une lésion au rein droit.

Parmi les examens qu'elle a dû subir pour établir un diagnostic, notons un angiogramme rénal. Il a fallu à cette fin introduire un tube ressemblant à un cathéter dans une artère située dans l'aine. Il a été difficile de trouver l'artère, ce qui a provoqué un blocage dans l'artère fémorale gauche de la plaignante. En conséquence, elle a dû subir un pontage par greffe au cours de l'été 1968.

A la suite de cette opération, la plaignante a eu besoin d'une assez longue période de repos, dont la durée n'a pas été précisée au tribunal. Elle a ensuite recommencé à travailler comme hygiéniste dentaire, quoique son rythme de travail ait considérablement ralenti.

En 1969, les Forces armées canadiennes l'ont réformée pour raisons de santé. Aucun détail n'a été fourni au Tribunal Commission au sujet de cette libération, bien qu'il soit évident qu'elle était liée à son problème de jambe.

La plaignante s'est installée dans les Iles Vierges américaines où elle a travaillé comme hygiéniste dentaire pour un dentiste jusqu'en 1977. Elle est ensuite retournée à Winnipeg où elle a présenté une demande d'accréditation à l'Université du Manitoba afin d'obtenir le permis nécessaire pour travailler comme hygiéniste dentaire au Manitoba. Les autorités compétentes ont refusé de reconnaître le certificat qu'elle avait obtenu en Angleterre et elles ne lui ont pas permis de passer quelque examen que ce soit sur la valeur de ce certificat. En conséquence, elle a été incapable de commencer à exercer son métier d'hygiéniste dentaire au Manitoba.

La plaignante a travaillé comme technicienne de laboratoire dentaire à Winnipeg et ensuite, comme assistante dentaire. En 1980, son mari a été muté à l'Ile de Vancouver où elle a travaillé comme technicienne. En 1981, son mari est décédé et elle est retournée à Winnipeg où elle a obtenu un emploi dans la compagnie Associated Crown & Bridge Laboratory; elle y a occupé un poste de technicienne d'août 1981 à juin 1982.

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A son retour de l'Ile de Vancouver, une de ses amies lui a appris que les Forces armées canadiennes offraient des emplois en service de réserve de classe C. La plaignante a pensé qu'il s'agissait d'une occasion d'exercer encore une fois son métier d'hygiéniste dentaire dans les Forces armées canadiennes.

La plaignante souhaitait vivement reprendre son travail d'hygiéniste dentaire. A la suggestion de son amie, elle a rencontré le major Byrne, commandant de l'Escadrille de renfort de la Réserve aérienne (ARAF) à Winnipeg, et elle a rempli un formulaire d'enrôlement le 24 août 1981. Le major Byrne lui a indiqué que le colonel Richardson, qui était le commandant de la 14e Unité dentaire, devrait présenter une demande écrite afin qu'elle puisse être employée comme hygiéniste dentaire par l'ARAF. La 14e Unité dentaire est l'unité responsable des services dentaires dans les provinces des Prairies.

C'est pourquoi la plaignante a écrit au colonel Richardson pour s'informer des possibilités d'emploi comme hygiéniste dentaire. Le colonel lui a répondu dans une lettre datée du 21 septembre 1981:

[TRADUCTION]

Nous avons des débouchés pour les hygiénistes et j'aimerais discuter avec vous avant de prendre quelques dispositions que ce soit. Pourriez-vous me rencontrer à un moment qui nous conviendrait à tous les deux?

(Pièce R-1, onglet 2)

Le colonel Richardson a rencontré la plaignante. Celle-ci a déclaré qu'il lui avait indiqué que deux postes étaient vacants, un au camp Shilo (Manitoba) et un autre qui serait libre prochainement à Winnipeg. Le colonel Richardson a écrit au major Byrne le 29 septembre 1981 (pièce R-11) pour lui demander que la plaignante soit enrôlée dans la réserve supplémentaire de sorte qu'elle pourrait commencer son service de réserve en classe C le 1er février 1982 avec le grade de sergent. Le 30 septembre 1981, le major Byrne a noté sur cette lettre qu'on devrait entreprendre les procédures d'enrôlement dans la réserve supplémentaire.

Dans le cadre de sa demande d'enrôlement, la plaignante a subi un examen médical le 1er octobre 1981. L'examen a été effectué par l'officier-médecin de service, le docteur Anderson, qui a préparé un rapport d'examen physique daté du 20 octobre 1981. Le rapport comporte des questions auxquelles a dû répondre la plaignante relativement à son état de santé antérieur, des questions auxquelles a répondu le médecin traitant et une partie relative à la classification médicale qui a été remplie par le médecin traitant. Un espace est également réservé aux commentaires et à la signature du surveillant et un autre, aux commentaires et à la signature de l'autorité approbatrice.

Il est question dans les parties pertinentes du rapport de la jambe gauche de la plaignante. Cette dernière a indiqué qu'elle avait

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passé un examen rénal en 1968 et qu'elle avait ensuite dû subir un pontage. Elle a également déclaré qu'elle n'avait actuellement aucun problème.

Le docteur Anderson a indiqué dans ses commentaires que la jambe gauche de la plaignante était légèrement plus froide que la droite. Elle a classé la plaignante dans la catégorie médicale G3, 03, soit une catégorie médicale acceptable pour une hygiéniste dentaire. Elle a toutefois indiqué ce qui suit dans ses remarques :

[TRADUCTION]

satisfait aux exigences du métier ? apte suivant les restrictions de la catégorie C.

(Pièce R-9)

Le rapport du docteur Anderson a ensuite été transmis au médecin surveillant, le docteur Sparenisi. Il semble qu'il ait modifié la classification de la plaignante en lui attribuant la cote G4. Ses remarques ont été les suivantes :

[TRADUCTION]

Inapte au service en campagne. Nécessite un hébergement dans une caserne ou dans des locaux équivalents. Il est possible qu'elle ne puisse travailler à l'extérieur par temps froid.

(Pièce R-9)

Le lieutenant-colonel Barnes, qui était le médecin-chef adjoint du commandement, était d'accord avec la décision du docteur Sparenisi; il a écrit :

[TRADUCTION]

D'accord pour dire qu'elle est inapte. Son enrôlement nécessitera une dispense administrative.

(Pièce R-9)

Nous examinerons les cotes G3, G4, O3 plus loin. Il suffit de dire à ce stade qu'une cote G3, O3 aurait rendu Mme Dunmall apte au service tandis qu'une cote G4, O3 l'a rendue inapte.

La plaignante a ensuite déclaré dans son témoignage que le major Byrne lui avait téléphoné pour lui dire qu'il demanderait une dispense de la catégorie médicale parce qu'elle ne serait pas affectée dans un poste isolé et qu'elle n'aurait pas besoin d'accomplir un travail ardu. Dans son témoignage, elle a affirmé que le major Byrne lui avait déclaré en novembre ou en décembre 1981 que la dispense avait été refusée.

La plaignante a ensuite téléphoné au colonel Richardson pour savoir quelles étaient les débouchés dans la classe B. Elle a dit qu'il lui avait déclaré que la durée d'un emploi dans la classe B n'était que de trois mois et qu'il cherchait quelqu'un pouvant travailler pendant au moins un an.

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Le 20 décembre 1981, la plaignante a écrit à son député, Dan McKenzie, et elle lui a demandé de se renseigner au sujet de sa demande. Dans une lettre datée du 6 janvier 1982, M. McKenzie a demandé au ministre de la Défense nationale d'enquêter sur la question.

Les intimées ont produit un dossier renfermant des lettres qui expliquaient les diverses mesures qui ont été prises depuis le mois de janvier 1982.

Il ressort des recherches faites par M. McKenzie que l'affaire a été envoyée au service des Renseignements du ministère de la Défense nationale, le 11 janvier 1982. La demande a été transmise au général Riffou qui, le 13 janvier 1982, a fait parvenir celle-ci au Directeur - Service de santé (Soins) (DSSS). Le 22 janvier 1982, le colonel Burden du DSSS a répondu qu'aucune demande de dispense n'avait été enregistrée et il a renvoyé la demande au général Riffou. Dans une note de service datée du 27 janvier 1982, le colonel Phillips du DSSS a également mentionné qu'il n'existait aucune mention d'une demande de dispense et il a dit :

[TRADUCTION]

[...]il ne s'agit pas d'une question à laquelle il est possible de fournir une réponse d'ordre médical.

(Pièce R-1, onglet 11)

Il semble également que la demande présentée au Ministère a été renvoyée à la Direction de la Répartition des effectifs militaires (DREM). Le 28 janvier 1982, l'officier supérieur d'état-major du Personnel au Quartier général du Commandement aérien à Winnipeg a reçu l'ordre du DREM :

[TRADUCTION]

[...] d'enquêter sur les circonstances qui ont entraîné le rejet de la demande de Mme Dunmall et de commenter sa capacité de remplir un autre poste dans l'éventualité où une dispense médicale lui serait accordée.

(Pièce R-1, onglet 12)

On a demandé au major Byrne, commandant de l'ARAF à Winnipeg, de fournir les renseignements nécessaires pour répondre au DREM. Parmi les commentaires du major Byrne, on trouve les remarques suivantes :

[TRADUCTION]

1. C'est par suite d'un malentendu ou d'une interprétation erronée que Mme Dunmall a déclaré que le major Byrne avait présenté au QGDN une demande de dispense de la catégorie médicale.

2. Il a été mis fin à la procédure d'enrôlement de Dunmall dans la réserve supplémentaire parce que l'unité ayant présenté la demande (la 14e Unité dentaire) n'a pas appuyé une demande de dispense de la catégorie médicale. Nous sommes

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disposés à poursuivre la procédure d'enrôlement sous réserve du consentement de l'unité demanderesse.

(Pièce R-1, onglet 13)

Le 5 février 1982, un officier supérieur d'état-major du Personnel à Winnipeg a répondu au DREM. Après avoir exposé les faits suivant leur ordre chronologique, il a continué son message de la manière suivante :

2. Aucune autre mesure n'a été prise, car on a considéré que l'affaire était classée. Une demande de dispense médicale n'est présentée qu'à la demande de l'unité effectuant l'embauche ou du requérant, dans le cas présent la 14e Unité dentaire, et l'ARAF n'a reçu aucune demande de ce genre. Mme Dunmall s'est trompée en affirmant que le major Byrne (cmdt ARAF) a présenté une demande de dispense médicale au QGDN et il est évident que cette affirmation est le résultat d'un malentendu ou d'une interprétation erronée.

3. Par suite de cette demande, le dossier médical de Mme Dunmall sera examiné et, sous réserve de l'approbation du cmdt de la 14e Unité dentaire, une demande de dispense médicale sera présentée.

4. Malgré ce qui précède, l'insuffisance critique d'années- personnes dans la classe C à l'heure actuelle et à l'époque de la présentation de la demande originale nous oblige à n'embaucher des réservistes dans la classe C que pour remédier aux besoins en personnel les plus pressants. Comme l'emploi de Mme Dunmall ne remplit pas ce critère, il est très peu probable qu'elle pourrait être embauchée dans la classe C au cours de l'année financière 1982-1983 et ce, même si une dispense médicale était accordée. Toutefois, nous conserverons sa demande dans nos dossiers pour examen ultérieur.

(Pièce R-1, onglet 14)

Le document qui vient ensuite selon l'ordre chronologique est une note de service du colonel Phillips du DSSS en date du 8 février 1982 et qui est sous-titrée :

[TRADUCTION]

DISPENSE - ENRôLEMENT DANS LA CLASSE C

Cette note portait ce qui suit :

[TRADUCTION]

1. Le DSSS a examiné le dossier médical de A/N et son état de santé :

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a. n'exige pas un traitement actif qui pourrait nuire à l'exécution de ses fonctions;

b. ne se détériorera vraisemblablement pas dans un avenir rapproché;

et il est par conséquent d'accord avec les autorités administratives accordant une dispense des normes médicales à condition qu'elle occupe un emploi qui respecte strictement les restrictions de sa catégorie médicale G4 O3 et que cette catégorie n'ait pas changé depuis qu'elle lui a été accordée.

2. Ses restrictions sont les suivantes :

a. G4 - inapte au service en campagne, en mer, à des affectations dans des postes isolés sur le plan médical et au service dans la force de l'ONU

- disponibilité des services d'un médecin;

b. O3 - inapte au travail ardu, à la marche, à la course pendant de longues périodes;

- inapte test d'endurance obligatoire 2,4 km.

(Pièce R-1, onglet 15)

Les motifs qui ont amené le DSSS à donner son accord le 8 février 1982 ne sont pas clairs. Bien que cette décision puisse avoir été justifiée par la note de service du 5 février en provenance de Winnipeg, certains éléments de preuve indiquent que cela est peu vraisemblable étant donné le court laps de temps écoulé entre la réception de cette note, qui n'était même pas adressée au DSSS, et la signification de l'accord. De toute manière, il ressort de l'accord du 8 février, que les autorités administratives avaient demandé au DSSS d'examiner les dossiers médicaux de Mme Dunmall et de donner son avis quant à l'octroi d'une dispense.

On trouve au bas de l'une des copies de la note de service du 8 février, une note manuscrite du major Byrne indiquant qu'il avait informé le colonel Richardson de l'accord du DSSS et que Richardson :

[TRADUCTION]

[...] communiquera avec Dunmall et lui conseillera de voir l'ARAF pour les procédures relatives à la classe C.

(Pièce R-1, onglet 15)

La plaignante a déclaré dans son témoignage que le major Byrne lui avait téléphoné et lui avait dit que les Forces armées canadiennes avaient renoncé à la catégorie médicale et qu'elle devrait présenter une

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nouvelle demande. Elle a donc présenté une demande d'enrôlement dans la réserve supplémentaire le 22 février 1982.

La demande a été expédiée avec une lettre-message du major Byrne adressée au directeur des Services d'information sur le personnel (DSIP), la branche responsable de la liste de la réserve supplémentaire. Dans son message, le major Byrne a écrit que la candidature de la plaignante:

[TRADUCTION]

[...] pouvait être envisagée dans le service de réserve de classe C dans un avenir rapproché.

(Pièce R-1, onglet 17)

Pendant ce temps, les représentants des Forces armées canadiennes ont préparé un projet de réponse à la demande d'enquête de M. McKenzie. Dans sa réponse datée du 18 mars 1982, le ministre de la Défense nationale expliquait que la catégorie médicale de Mme Dunmall avait empêché celle-ci de s'enrôler dans les réserves supplémentaires et il a dit :

[TRADUCTION]

Mme Dunmall a mentionné une demande de dispense de la catégorie médicale. On ne peut envisager une telle solution dans son cas, étant donné que son état de santé actuel, bien qu'il se soit légèrement amélioré, ne satisfait pas aux normes minimales d'enrôlement et qu'il n'a pas beaucoup changé depuis qu'il a entraîné sa réforme des Forces canadiennes en 1969 pour raisons de santé.

(Pièce R-1, onglet 19)

On n'a fourni aucun élément de preuve pour expliquer la contradiction évidente entre l'approbation de la dispense médicale par le colonel Phillips du DSSS le 8 février et le refus d'envisager la possibilité d'accorder une dispense à Mme Dunmall dans la lettre du ministre datée du 18 mars.

En outre, aucun élément de preuve n'indique comment la demande du 22 février de la plaignante et l'approbation de la dispense par le DSSS ont été traitées à l'interne par les Forces armées canadiennes. Les documents se terminent simplement par une note de service qui a été adressée à l'ARAF à Winnipeg par le DSIP en date du 5 avril 1982 et qui porte:

[TRADUCTION]

En raison de la catégorie médicale et de l'état de santé actuel, l'enrôlement dans la réserve supplémentaire n'est pas autorisé

(Pièce R-1, onglet 21)

Dans son témoignage, Mme Dunmall a déclaré que le major Byrne avait communiqué avec elle et lui avait remis l'original du message écrit du 5 avril. Peu de temps après, Mme Dunmall s'est adressée à la Commission

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canadienne des droits de la personne et elle a déposé une plainte de discrimination.

LES NORMES MÉDICALES

Le colonel Bélanger, l'actuel directeur du DSSS, a décrit le système de classement des Forces armées canadiennes connu sous le nom de Normes médicales des Forces canadiennes. Ce système permet de classer un individu suivant sa capacité de servir dans les Forces armées canadiennes. Il précise également quelle doit être la condition physique d'un soldat suivant le métier ou la spécialité qu'il doit exercer au sein de l'armée. En plus de l'âge, les six codes dans la catégorie sont les suivants :

V - Acuité visuelle CV - Perception des couleurs H - Ouïe G - Facteurs géographiques O - Facteurs professionnels A - Aptitude au vol

(Pièce R-10, onglet 4)

Il existe six cotes numériques pour les facteurs G et O allant de 1 à 6, le chiffre 1 représentant la meilleure cote. Le facteur G comporte trois sous-éléments :

  1. Climat - Tous les états de santé n'assurent pas un rendement efficace sous tous les climats. Certaines conditions dermatologiques s'accommodent mal des climats chauds et humides, tandis que d'autres peuvent être aggravées dans des climats froids et secs.
  2. Logement et conditions de vie - Le milieu ainsi que les installations de travail ou de logement varient à travers le monde. On peut permettre au personnel dans certains métiers de servir dans des régions isolées du Canada ou à l'étranger, pourvu que les habitations soient saines et la cuisine suffisamment bonne. Par contre, dans certains métiers, même au Canada, la personne doit avoir une santé suffisante pour pouvoir braver les intempéries durant des périodes prolongées, et survivre avec un minimum de vivres. Il faut considérer tous ces facteurs en fonction de l'invalidité et éviter de placer du personnel dans des conditions qui peuvent aggraver une invalidité connue.
  3. Disponibilité de soins médicaux - Les blessures accidentelles et les maladies ont toujours fait plus de victimes que les effets directs au combat. Cette situation persiste malgré une sélection minutieuse qui assure que seuls ceux qui sont physiquement aptes sont envoyés au combat. Le combat n'est pas une activité continue, mais la

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préparation au combat est un travail continu et le temps qu'on y consacre entraîne toujours des dangers de maladie ou de blessures. Il est évident que plus les forces combattantes adverses sont rapprochées, moins il y aura de probabilités que les soins médicaux puissent être assurés de façon parfaite. On peut prévoir avec une certaine précision combien d'hommes en bonne santé seront blessés, et il faut aussi admettre la nécessité d'évacuation vers des installations médicales. Cependant, la nécessité de soins médicaux complexes peut être écartée en excluant d'avance du service ceux qui présentent de grands risques lorsque les soins médicaux adéquats ne sont pas disponibles et que l'évacuation s'effectue difficilement. On a tenu compte des faits ci-haut mentionnés pour établir la catégorie médicale du facteur G, catégorie qui s'étend de 1 à 6.

(Pièce R-10, onglet 4)

La norme médicale minimale pour les hygiénistes dentaires en ce qui concerne le facteur G est la cote G3. (La cote G3 est la norme minimale en ce qui concerne le facteur G pour tout métier ou toute spécialité dans les Forces armées canadiennes.) La cote G3 est décrite de la manière suivante :

La cote G3 est attribuée à celui dont l'état de santé demande à être suivi par un médecin plus souvent. Une telle personne a besoin de soins médicaux tous les trois mois environ, mais elle n'a pas nécessairement besoin des services d'un médecin. Elle peut remplir un rôle en campagne et se nourrir de rations de campagne. Ce personnel peut servir en mer sans restriction et on le juge apte à une affectation dans un poste isolé.

(Pièce R-10, onglet 4)

La cote G4 qui a été accordée à Mme Dunmall est ainsi décrite :

Restrictions quant au climat et aux postes isolés - Besoin d'une caserne ou de locaux équivalents et disponibilité des services d'un médecin. Cette cote est attribuée à ceux qui :

a. ont besoin d'un climat tempéré et qui sont jugés inaptes à une affectation dans un poste isolé sur le plan médical en raison d'une déficience établie médicalement; et

b. ont un état de santé pouvant mener à des complications graves sans avertissement ou qui souffrent d'une incapacité physique qui les incommode légèrement de façon continue. Ces personnes doivent demeurer dans une caserne ou dans un logement familial et avoir les services d'un médecin à leur portée. On les juge inaptes au service en mer et en campagne, à des affectations dans des postes isolés sur le

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plan médical ainsi qu'au service dans la Force d'urgence des Nations Unies.

(Pièce R-10, onglet 4)

Le facteur O concerne l'effort et l'activité physiques de même que l'activité intellectuelle et la tension nerveuse qu'un individu peut supporter. La norme médicale minimale pour les hygiénistes dentaires est O3. La cote O3 qui a été attribuée à Mme Dunmall est décrite de la manière suivante :

Affection physique moyenne - La cote 03 est attribuée à celui qui souffre d'une légère affection médicale ou psychologique l'empêchant d'accomplir un travail ardu ou de travailler sous tension sur de longues périodes. Il peut, toutefois, accomplir la plupart des tâches en travaillant avec modération.

(Pièce R-10, onglet 4)

Le colonel Bélanger a déclaré dans son témoignage que le profil médical est établi en tenant compte de la sécurité de l'individu, de la sécurité de ses compagnons de travail et des intérêts des Forces armées canadiennes. Il a ajouté que le profil médical doit être établi en se fondant sur l'évaluation individuelle de la personne.

LE SERVICE DE RÉSERVE DE CLASSE C

La loi habilitante des Forces armées canadiennes est la Loi sur la défense nationale (qui était à l'époque en cause le chapitre N-4 des S.R.C. 1970). L'article 12 de la Loi autorise le gouverneur en conseil (et sous réserve des mesures prises par le gouverneur en conseil, le ministre) à prendre des règlements concernant l'organisation, l'instruction, la discipline, l'efficacité et la bonne administration des Forces canadiennes et, d'une façon générale, en vue de l'application de la Loi. Les règlements qui nous concernent sont appelés les Ordonnances et Règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC). L'article 1.23 des ORFC autorise le chef d'état-major de la défense à prendre des ordonnances et à donner des instructions qui ne sont pas incompatibles avec la Loi ni avec les règlements :

  1. dans l'accomplissement de ses fonctions en vertu de la Loi sur la défense nationale; ou
  2. pour expliquer les règlements ou les mettre à exécution.

Les ordonnances du chef d'état-major de la défense qui sont pertinentes en l'espèce sont appelées les Ordonnances administratives des Forces canadiennes (OAFC).

Le paragraphe 15(3) de la Loi crée la force de réserve des Forces canadiennes :

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Est mis sur pied un élément constitutif des Forces canadiennes, appelé force de réserve, formé d'officiers et de militaires du rang enrôlés mais n'étant pas en service continu et à plein temps lorsqu'ils ne sont pas en service actif.

L'emploi en service de réserve de classe C est prévu dans l'OAFC 9-54. Les dispositions pertinentes en l'espèce sont les articles 3, 4, 5 et 24 ainsi que l'alinéa 6b).

Politique

3. Les membres de la Force de réserve peuvent être employés en service de réserve de classe C au sein de la Force régulière pour combler les besoins en personnel qui ne peuvent être comblés autrement.

Période d'emploi

4. En règle générale, la période d'emploi d'un militaire en service de réserve de classe C doit être de trois mois au minimum et d'un an au maximum. Une période d'emploi plus longue peut être autorisée si des circonstances exceptionnelles le demandent.

Admissibilité

5. Un militaire appartenant à un élément quel qu'il soit de la Force de réserve peut être employé en service de réserve de classe C. Toutefois, un ancien militaire des Forces canadiennes (FC) qui n'est pas membre de la Force de réserve doit s'enrôler à nouveau dans un quelconque élément de la Force de réserve pour devenir admissible à l'emploi en service de réserve de classe C.

6. Pour être admissible à l'emploi en service de réserve de classe C, un membre de la Force de réserve doit:

[...]

b. subir un examen médical et satisfaire aux normes médicales minimales pour sa catégorie ou son métier, comme il est indiqué à l'OAFC 34-30 ou, à défaut, recevoir une dispense médicale du QGDN;

[...]

Offres d'emplois

[...]

24. Lorsqu'une offre de service de réserve de classe C a été reçue et étudiée, l'unité visée doit signaler au QGC, au DREM/QGDN et au directeur des carrières compétent au QGDN, que le candidat :

a. a accepté l'offre et

(1) à la suite de l'examen médical, satisfait aux exigences médicales mentionnées au paragraphe 6.b, ou ne satisfait pas aux exigences médicales, et que l'on recommande que des mesures soient prises

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au QGDN pour obtenir une dispense médicale (il faut indiquer la catégorie médicale du militaire, telle que décrite dans l'OAFC 34-34, et la date de l'examen),

(2) a la cote de sécurité nécessaire pour le poste ou se prête aux formalités pour l'attribution d'une cote de sécurité plus élevée, et que

(3) les copies de l'entente reproduite à l'annexe A ont été remplies et distribuées suivant les exigences;

b. n'a pas accepté les conditions offertes; ou

c. ne répond pas aux exigences médicales et qu'il n'est pas recommandé que des mesures soient prises au QGDN pour obtenir une dispense.

(Pièce R-4, onglet 9)

Il est important de souligner que le service de réserve de classe C suppose un service dans la force régulière pour combler les besoins en personnel qui ne peuvent être comblés autrement. En outre, la durée d'emploi est de trois mois à un an, sauf dans des cas exceptionnels. Les autres questions importantes relativement à l'emploi que Mme Dunmall sollicitait dans le service de réserve de classe C sont les suivantes :

1) quelles étaient les conditions de son admission;

2) quelles fonctions devrait-elle remplir.

1) En ce qui concerne l'admission, le paragraphe 3, annexe A, de l'article 49-8 des OAFC prévoit :

3. Pour être admissible à l'enrôlement dans le Cadre [réserve] supplémentaire, un ancien membre des FC doit:

a. au moment de sa libération, remplir les conditions énoncées au paragraphe 1;

b. remplir les conditions énoncées à l'article 6.01 des ORFC; et

c. satisfaire aux normes médicales prescrites à l'égard des membres de la Réserve dans la PFC 154.

(Pièce R-4, onglet 10)

Il est ensuite question au premier paragraphe de l'annexe des diverses catégories de motifs de libération, mais non du numéro 3a) du tableau ajouté à l'article 15.01 des ORFC qui est la libération dans le cas suivant :

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Lorsque, du point de vue médical, le sujet est invalide et inapte à remplir ses fonctions en tant que membre des forces armées.

(Pièce R-4, onglet 6)

C'est pour ce motif que Mme Dunmall a été libérée de la force régulière en 1969.

Le sous-alinéa (2)b)(i) de l'article 6.01 des ORFC porte :

(2) Ne seront pas enrôlées dans les Forces canadiennes, les personnes des catégories suivantes :

[...]

(b) sauf autorisation spéciale du chef de l'état-major de la défense, toute personne qui a été libérée des Forces canadiennes [...]

(i) étant physiquement inapte au service militaire

[...]

(Pièce R-4, onglet 4)

Ces règlements plutôt compliqués qui s'appliquent lorsqu'un candidat pour le service de réserve de classe C a été antérieurement libéré de la force régulière pour des raisons de santé ou parce qu'il ne satisfait pas aux normes médicales prescrites, n'étaient pas faciles à suivre. Le lieutenant-colonel Moffatt, chef, Dotation et finances (Renseignements), Direction de la répartition des effectifs militaires (DREM), a expliqué la procédure suivie par les Forces armées canadiennes dans ces cas :

[TRADUCTION]

Q. Très bien. Ainsi, à quel moment -- si une personne veut demander une dispense, quand cela fonctionnera-t-il? Avant qu'elle ne soit admise dans la réserve supplémentaire, avant qu'elle ne soit admise dans la classe C, et pouvez-vous nous donner des explications?

R. Cela devrait se faire avant qu'elle ne soit admise dans la classe C. Si les événements suivent leur cours normal, la demande d'enrôlement dans la réserve supplémentaire arrivera tout d'abord à Ottawa et parce que Mme Dunmall a été libérée en raison de l'alinéa 3a), elle sera rejetée. Tout simplement -- de manière administrative par le DSIP. Ils reviendront en arrière et ils diront, nous sommes désolés, mais elle a été libérée sur le fondement du point 3a). Elle n'est pas admissible au service. Elle ne peut pas être inscrite sur la liste de la réserve supplémentaire. L'unité devra alors reprendre tout le processus et présenter une demande de service de classe C accompagnée d'une annexe ou d'un addendum indiquant qu'elle aimerait embaucher cette dame pour le service de classe C. Nous nous sommes rendus compte qu'elle ne satisfaisait pas aux normes médicales.

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Nous demandons une dispense médicale pour embaucher celle-ci dans la classe C. Ainsi, on revient au QGDN et le dossier est examiné par le DREM et le DSSS, et ensuite, la dispense est accordée.

LE PRÉSIDENT : Je suis désolé, colonel Moffatt, vous m'avez perdu. Pourriez-vous répéter plus lentement?

LE TÉMOIN : La demande d'inscription sur la liste de la réserve supplémentaire sera habituellement traitée par le Directeur - Services d'information sur le personnel. Lorsqu'elle arrivera au QGDN, on examinera les conditions préalables à l'inscription dans la réserve supplémentaire. Dans le cas de Mme Dunmall, ils examineront le dossier et constateront qu'elle a été libérée en vertu de l'alinéa 3a), ils examineront l'OAFC 49-8 --

LE PRÉSIDENT : Un moment. Lorsqu'ils ont constaté qu'elle a été libérée pour des raisons de santé --

LE TÉMOIN : Ils rejetteront automatiquement sa demande de service dans la réserve supplémentaire parce qu'elle n'est pas visée par les lignes directrices énoncées dans l'OAFC 49-8. Ils devront en informer l'unité et ils diront à la personne qu'ils sont désolés et en même temps, ils diront à la 14e Unité dentaire, vous savez elle a été libérée sur le fondement de l'alinéa 3a). A ce moment-là, l'unité devra présenter une autre demande de service dans la classe C en mentionnant que Mme Dunmall ne satisfaisait pas aux normes médicales, et elle demandera si elle peut obtenir une dispense afin -- de manière à ce qu'elle puisse embaucher celle-ci dans la classe C.

LE PRÉSIDENT : C'est ici que je ne vous suis plus. La dispense s'applique-t-elle à la demande d'enrôlement dans la réserve supplémentaire?

LE TÉMOIN : Non, elle s'appliquerait uniquement au service de réserve de classe C.

LE PRÉSIDENT : Comment arrivez-vous --

LE TÉMOIN : Essentiellement, les personnes inscrites sur la liste de la réserve supplémentaire sont des personnes que nous voulons appeler pour ce qui pourrait être une guerre et c'est l'un des rares cas où nous nous adresserons à chaque personne sur la liste de réserve et lui dirons, voudriez- vous servir dans les Forces? Lorsqu'il s'agit du service de classe C, vous envisagez une période très limitée. En l'espèce, une période de 3 à 12 mois. Ainsi, nous pourrions accepter dans la classe C, pour une courte période, une

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personne souffrant d'un problème de santé mais vous pourriez bien ne pas vouloir amener cette personne au combat avec vous.

LE PRÉSIDENT : J'imagine que ce qui a jeté de la confusion dans mon esprit c'est que j'avais l'impression qu'il était impossible d'être admis dans la classe C avant d'avoir été admis dans la réserve supplémentaire ou dans la première réserve ou --

LE TÉMOIN : Vous n'êtes pas supposé pouvoir le faire. C'est ici que cela devient un peu compliqué. Lorsque vous demandez une dispense pour servir dans la classe C pendant une courte période, on passe outre en quelque sorte aux conditions relatives à l'état de santé qui permettent d'être inscrit sur la liste de la réserve supplémentaire.

LE PRÉSIDENT : Ainsi, si vous êtes dans la classe C sans faire partie de la réserve supplémentaire...

LE TÉMOIN : Bien, vous obtiendriez la dispense pour les deux, j'imagine que c'est ainsi que cela se passe.

LE PRÉSIDENT : Très bien.

LE TÉMOIN : Vous ne demeurez pas inscrit sur la liste de la réserve supplémentaire lorsque votre service dans la classe C prend fin. Par contre, si je quittais les Forces demain et que j'y revenais dans la classe C, l'année prochaine, lorsque mon service en classe C prendrait fin, mon nom serait toujours sur la liste de la réserve supplémentaire. J'imagine que c'est là toute la subtilité de la chose. C'est assez difficile à suivre.

Mme GILLIS : Pourrais-je clarifier? Ainsi, si la dispense est accordée, votre nom sera inscrit sur la liste supplémentaire et vous serez admis dans la classe C?

LE TÉMOIN : Seulement pour la période --

Mme GILLIS : Seulement pour cette période. Lorsque celle-ci est terminée, votre nom disparaît de la liste de la réserve supplémentaire?

LE TÉMOIN : C'est exact.

Mme GILLIS : Très bien, mais votre nom reste -- et ainsi la dispense s'applique en fait à --

LE TÉMOIN : Aux deux.

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Mme GILLIS : -- aux deux. Très bien, mais la dispense concerne l'état de santé ou la condition physique de la personne?

LE TÉMOIN : Oui, c'est cela.

Mme GILLIS : Bien.

(Notes sténographiques p. 338-341)

En résumé, il semble que lorsqu'un membre de la force régulière a été libéré parce qu'il était inapte pour raisons de santé ou lorsque l'on constate, après l'examen médical requis pour le rengagement dans un emploi de la réserve de classe C, que son état de santé ne correspond pas au niveau minimum acceptable, la personne ne peut être enrôlée qu'après avoir obtenu une dispense médicale. Étant donné que le service de réserve de classe C ne dure qu'un temps limité (c'est-à-dire quand la période d'emploi dans la force régulière prend fin, normalement après une période de trois à douze mois, l'employé dans la classe C ne reste pas inscrit sur la liste de la réserve), les normes médicales semblent un peu plus souples. Comme l'a déclaré le lieutenant-colonel Moffatt :

[TRADUCTION]

[...] Ainsi, nous pourrions accepter dans la classe C, pour une courte période, une personne souffrant d'un problème de santé mais vous pourriez bien ne pas vouloir amener cette personne au combat avec vous.

(Notes sténographiques p. 340)

2) En ce qui concerne les fonctions que Mme Dunmall serait tenue de remplir dans le service de réserve de classe C, la preuve n'était pas claire. Il s'agit de savoir si Mme Dunmall serait tenue d'exécuter les obligations militaires normales si on lui ordonnait de le faire ou si elle n'aurait à le faire que si elle y consentait. Les articles 33 et 34 de la Loi sur la défense nationale énoncent l'obligation de service des membres de la force régulière et de la force de réserve:

33.(1) La force régulière, ses unités et autres éléments, ainsi que tous ses officiers et militaires du rang, sont en permanence soumis à l'obligation de service légitime.

(2) La force de réserve, ses unités et autres éléments, ainsi que tous ses officiers et militaires du rang, peuvent être :

  1. astreints à l'instruction pour les périodes fixées par règlement du gouverneur en conseil;
  2. appelés à exécuter des obligations militaires autres que l'instruction, aux époques et selon les modalités fixées par le gouverneur en conseil par règlement ou toute autre voie.

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(3) Le paragraphe (2) n'a pas pour effet d'imposer, sans son consentement, les obligations qui y sont décrites à un officier ou militaire du rang de la force de réserve qui, aux termes de son enrôlement, n'est astreint qu'au service actif.

34.(1) Lorsque, dans une déclaration, le gouverneur en conseil a conclu à l'existence ou l'imminence d'une catastrophe présentant un caractère de gravité lui conférant un intérêt national, la force régulière, en tout ou en partie, ou tout officier ou militaire du rang de cette force peuvent être obligés de rendre, relativement à une telle situation, les services autorisés par le ministre; leur action est alors assimilée au service militaire.

(2) Lorsqu'il conclut, dans une déclaration, à l'existence ou l'imminence de la situation mentionnée au paragraphe (1) et requiert les services de la force de réserve au titre de l'assistance à cette situation, le gouverneur en conseil peut autoriser, à cette fin, l'appel en service de la force de réserve, en tout ou en partie, ou de tout officier ou militaire du rang de celle-ci; les officiers et militaires du rang visés sont dès lors réputés être en service militaire.

(3) Le paragraphe (2) n'a pas pour effet d'imposer, sans son consentement, les obligations qui y sont décrites à un officier ou militaire du rang de la force de réserve qui, aux termes de son enrôlement, n'est astreint qu'au service actif.

Il semble que, tandis que les membres de la force régulière sont soumis à l'obligation de service quand on leur ordonne de le faire, les membres de la force de réserve ne sont pas tenus d'exécuter des obligations militaires sans leur consentement. L'obligation de service légitime est toutefois davantage expliquée à l'article 9.01 des ORFC. On a particulièrement attiré notre attention sur le paragraphe 6 :

(6) Un officier ou un homme de la Force de réserve peut, pourvu qu'il y consente et en vertu d'une autorisation particulière ou générale du chef de l'état-major de la défense, être employé dans la Force régulière.

(Pièce R-4, onglet 5)

En outre, l'article 9.05 relatif au service de réserve de classe C, porte :

(1) Tout officier ou homme de la Force de réserve est en service de réserve classe C lorsqu'il accomplit du service à plein temps et, avec l'approbation du chef de l'état-major de la

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défense, occupe un poste prévu à l'effectif dans la Force régulière ou est surnuméraire à l'effectif de la Force régulière.

(Pièce R-4, onglet 5)

Il semble que la conclusion à tirer des dispositions qui précèdent est que, bien qu'on ne puisse exiger qu'un membre de la force de réserve exécute des obligations militaires sans son consentement, ce consentement est implicite lorsque le membre est embauché dans la force régulière comme c'est le cas pour le service de réserve de classe C. Il en résulte qu'un membre du service de réserve de classe C serait assujetti aux obligations militaires si on lui ordonnait d'exécuter celles-ci.

D'autres explications ont été fournies relativement à l'obligation de service par le capitaine M. MacKnie, officier d'état-major, Directeur - Structures des groupes professionnels militaires (DSGPM).

[TRADUCTION]

Q. Bien. Je vois à l'onglet 3 un petit tableau indiquant les facteurs qui ont une incidence sur les structures des groupes professionnels militaires. Pourriez-vous expliquer de quoi il est question?

R. Oui. Cela signifie pour l'essentiel que tous les membres des Forces canadiennes doivent être capables d'effectuer leur service sous diverses conditions, sans possibilité de choix. Le nombre de militaires dans les Forces canadiennes est relativement peu élevé et le gouvernement canadien leur a assigné un bon nombre de tâches très diverses. C'est pourquoi, en tant que membre des Forces canadiennes, vous devez être prêt à servir un peu n'importe où et n'importe quand.

Q. Je vois. C'est ce que vous voulez dire par sans possibilité de choix?

R. Oui.

Q. D'après vous, qu'est-ce qui sous-tend ce principe?

R. C'est quelque chose que j'ai toujours accepté. Il s'agit essentiellement d'une des conditions pour être membre des Forces canadiennes. Vous êtes de service 24 heures par jour, sept jours par semaine, en quelque sorte 365 jours par année.

Q. Qu'en est-il d'une personne qui accepte un emploi dans la classe C des Forces canadiennes? Le même principe s'applique-t-il?

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R. Oui, il s'applique.

Q. Je vois. Au point 2 de ce tableau, vous renvoyez aux FC --

LE PRÉSIDENT : Excusez-moi, Mme Wall, je suis désolé. Vous avez demandé au major MacKnie si --

LE TÉMOIN : Excusez-moi, Monsieur, je suis capitaine, et non major. Cette promotion ne me gêne pas, mais je ne touche pas la solde qui s'y rattache.

LE PRÉSIDENT : Eh bien, malheureusement, je ne possède pas la compétence pour vous accorder une promotion. Je suis désolé; Mme Wall, vous a demandé si les conditions dont il est question à l'onglet 3 s'appliquaient à la classe C et vous avez répondu oui?

LE TÉMOIN : Je me fonde ici sur mon expérience avec le personnel de la classe C. Un des membres de notre section à la DSGPM fait partie de la classe C et il fait tout ce que nous sommes tenus de faire. Par exemple, cinq des membres de notre section ont été temporairement affectés à un groupe appelé AMCC et nous avons été répartis dans divers commandements. Lorsque je faisais partie du 1er Groupement de combat en 1973-1976, nous recevions des membres de la classe C, essentiellement, j'imagine, pour leur formation en cours d'emploi et, par la suite, ils ont été envoyés au Moyen-Orient pour remplacer les membres de la force régulière qui étaient affectés là-bas. Dans le petit groupe auquel j'appartiens actuellement à Montréal, notre chef d'équipe fait partie de la classe C et il a reçu des missions --non pas des missions. C'est peut-être la mauvaise expression à utiliser. Il est tenu de réussir le test d'aptitude physique que doivent passer tous les membres de la force régulière des Forces canadiennes.

LE PRÉSIDENT : Ainsi, vous parlez de votre expérience personnelle --

LE TÉMOIN : Oui, Monsieur.

LE PRÉSIDENT : -- de ce que vous avez vu, ou parlez-vous ainsi parce que vous avez examiné certains règlements ou règles?

LE TÉMOIN : Je parle de mon expérience personnelle, Monsieur.

LE PRÉSIDENT : Je vois. La raison pour laquelle je vous pose cette question est que nous avons eu le témoignage du lieutenant-colonel John Tattersall. Étiez-vous présent lors de son témoignage?

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LE TÉMOIN : Oui, Monsieur, j'étais présent.

LE PRÉSIDENT : Très bien. Suivant mes notes, il a déclaré en ce qui concerne l'obligation de service qu'un membre de la force régulière doit servir suivant les ordres donnés, que le ministre peut faire appel à la première réserve lorsqu'il existe un état d'urgence, que les membres de la réserve supplémentaire doivent se porter volontaires; ensuite, lorsqu'il a parlé de la réserve supplémentaire de classe C, il a dit que les membres de cette réserve s'y trouvent pour exercer une fonction particulière et qu'il peut être mis fin à leur emploi à 30 jours d'avis. Si j'ai consigné correctement ce qu'il a dit dans mes notes, il affirme que, dans la mesure où la réserve supplémentaire est concernée, ces personnes doivent se porter volontaires. En d'autres termes, l'absence de choix ne s'applique pas à la réserve supplémentaire et, par conséquent, on peut présumer qu'elle ne s'applique pas non plus à la classe C.

LE TÉMOIN : Ce que je comprends c'est qu'ils doivent se porter volontaires, mais une fois qu'ils l'ont fait, ils sont assujettis aux mêmes règlements que tous les membres de la force régulière.

LE PRÉSIDENT : Ainsi, pour vous le fait qu'ils doivent se porter volontaires constitue le moment où ils acceptent l'emploi?

LE TÉMOIN : C'est cela, Monsieur.

LE PRÉSIDENT : Une fois qu'ils l'ont fait, ils sont soumis à l'obligation de service sans possibilité de choix?

LE TÉMOIN : C'est exact, Monsieur.

LE PRÉSIDENT : Et comment peut-on concilier cela avec le fait qu'ils doivent -- selon lui, qu'ils doivent remplir une fonction particulière et qu'il peut être mis fin à leur emploi à 30 jours d'avis?

LE TÉMOIN : L'avis de 30 jours s'applique dans les deux sens.

LE PRÉSIDENT : Oui.

LE TÉMOIN : De sorte que la personne qui décide de partir peut le faire dans les 30 jours suivant l'avis.

LE PRÉSIDENT : Cela ne signifie-t-il pas qu'ils doivent faire ce qu'on leur a dit -- c'est-à-dire, aller au combat ou ailleurs, peu importe, ou ils --

LE TÉMOIN : Etre affectés au Moyen-Orient, oui.

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LE PRÉSIDENT : Oui, ou ils donnent leur avis?

LE TÉMOIN : Oui, mais ils sont encore soumis au code de discipline militaire jusqu'au moment de leur libération.

LE PRÉSIDENT : Oui. Ce qui nous amène où?

LE TÉMOIN : Ce qui signifie que s'ils sont affectés, disons, au Moyen-Orient aujourd'hui, ils sont encore assujettis au code de discipline militaire et ils peuvent être envoyés au Moyen-Orient. A la fin des 30 jours, ils peuvent être renvoyés ici.

LE PRÉSIDENT : Maintenant, est-ce que c'est ce qui se produirait?

LE TÉMOIN : Habituellement, on ne veut pas semer une telle confusion dans une unité et cela ne se produirait probablement pas.

LE PRÉSIDENT : Non. Vous penseriez --

LE TÉMOIN : Mais dans un état d'urgence, oui, cela se pourrait. Cela dépend si vous avez besoin des personnes là-bas ou non, ou de l'urgence de la situation.

(Notes sténographiques p. 608-613)

Suivant l'interprétation donnée par le capitaine MacKnie à l'obligation d'une personne effectuant un service de réserve de classe C, Mme Dunmall serait obligée de servir comme on le lui ordonne et d'exercer des obligations militaires qui ne font pas partie des obligations qui incombent à un hygiéniste dentaire.

Aux fins de la présente décision, le tribunal reconnaît qu'une personne exécutant les obligations du service de réserve de classe C est tenue de servir quand on le lui ordonne et que ce service peut comporter des obligations militaires s'ajoutant aux obligations qui sont afférentes à un métier.

L'INTERPRÉTATION DE LA LÉGISLATION RELATIVE AUX DROITS DE LA PERSONNE

Le Parlement a adopté pour la première fois une loi complète interdisant la discrimination lorsqu'il a promulgué la Loi canadienne sur les droits de la personne en 1977 (S.C. 1976-1977, chap. 33). Cette loi a été modifiée depuis son adoption et, comme cela a été le cas des lois provinciales relatives aux droits de la personne, elle a fait l'objet de divers arrêts marquants de la Cour suprême du Canada qui a interprété ses dispositions et expliqué quelle devait être l'attitude des tribunaux des droits de la personne lorsqu'ils statuent sur les plaintes dont ils sont

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saisis. Dans les cas de discrimination en matière d'emploi, le régime législatif prévoit que le plaignant doit tout d'abord établir l'existence d'un cas prima facie de discrimination. Il incombe ensuite à l'employeur intimé d'établir une défense. Certains principes et méthodes d'analyse ont été dégagés dans la jurisprudence; en voici un résumé :

  1. Il faut interpréter libéralement la législation relative aux droits de la personne afin de réaliser ses objectifs.
  2. Une fois qu'un plaignant a établi l'existence d'un cas prima facie de discrimination, il a droit à une réparation lorsque l'employeur ne peut pas opposer de justification.
  3. La justification peut être établie en se fondant sur deux normes différentes, selon qu'il s'agit d'une discrimination directe ou d'une discrimination indirecte.
  4. Lorsque la discrimination est directe, l'employeur doit prouver que l'acte ou la mesure donnant lieu à la discrimination repose sur une exigence professionnelle justifiée (EPJ). La mesure ou la règle doivent satisfaire tant au critère subjectif qu'au critère objectif. Elles doivent être interprétées en fonction de l'emploi et non l'individu en cause. Une pratique ou une règle doivent être raisonnablement nécessaires et elles ne doivent pas être d'une sévérité disproportionnée. Elles doivent constituer la solution la moins discriminatoire s'offrant à l'employeur.
  5. Lorsque la discrimination indirecte est prouvée, l'employeur doit établir qu'il lui est impossible de composer avec l'individu sans subir des contraintes excessives.

Nous examinerons ces principes et procédures plus en détail ci- dessous.

L'ARTICLE 2 DE LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

Lorsqu'ils examinent une plainte portée sur le fondement de la Loi canadienne sur les droits de la personne, les cours et les tribunaux doivent reconnaître le caractère particulier de la Loi et lui donner une interprétation qui permettra de promouvoir ses fins générales. Cette interprétation doit être libérale plutôt que restrictive. L'article 2 de la Loi porte :

La présente loi a pour objet de compléter la législation canadienne en donnant effet, dans le champ de compétence du Parlement du Canada, au principe suivant : le droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l'égalité des chances d'épanouissement, indépendamment des considérations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la

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religion, l'âge, le sexe, l'état matrimonial, la situation de famille, l'état de personne graciée ou la déficience.

Dans l'arrêt Commission ontarienne des droits de la personne et autre c. Simpsons-Sears Limited, [1985] 2 R.C.S. 536, (1985), 23 D.L.R. (4th) 321 (habituellement appelé l'arrêt O'Malley), la Cour suprême du Canada a examiné la nature et l'objet de la loi relative aux droits de la personne. Bien que la Cour se soit prononcée dans cette affaire sur le Code ontarien des droits de la personne, il est évident que ses commentaires s'appliquent également à toutes les lois sur les droits de la personne. Après avoir cité le préambule du Code ontarien des droits de la personne, le juge McIntyre a déclaré aux pages 546 et 547 :

Nous y trouvons un énoncé de la politique générale du Code et c'est cette politique qui doit s'appliquer. Ce n'est pas, à mon avis, une bonne solution que d'affirmer que, selon les règles d'interprétation bien établies, on ne peut prêter au Code un sens plus large que le sens le plus étroit que peuvent avoir les termes qui y sont employés. Les règles d'interprétation acceptées sont suffisamment souples pour permettre à la Cour de reconnaître, en interprétant un code des droits de la personne, la nature et l'objet spéciaux de ce texte législatif (voir le juge Lamer dans Insurance Corporation of British Columbia c. Heerspink, [1982] 2 R.C.S. 145, aux pp. 157 et 158), et de lui donner une interprétation qui permettra de promouvoir ses fins générales. Une loi de ce genre est d'une nature spéciale. Elle n'est pas vraiment de nature constitutionnelle, mais elle est certainement d'une nature qui sort de l'ordinaire. Il appartient aux tribunaux d'en rechercher l'objet et de le mettre en application. Le Code vise la suppression de la discrimination. C'est là l'évidence. Toutefois, sa façon principale de procéder consiste non pas à punir l'auteur de la discrimination, mais plutôt à offrir une voie de recours aux victimes de la discrimination. C'est le résultat ou l'effet de la mesure dont on se plaint qui importe. Si elle crée effectivement de la discrimination, si elle a pour effet d'imposer à une personne ou à un groupe de personnes des obligations, des peines ou des conditions restrictives non imposées aux autres membres de la société, elle est discriminatoire.

Ainsi, lorsqu'ils examinent une plainte fondée sur la Loi canadienne sur les droits de la personne, les cours et les tribunaux doivent tenir compte de l'objet énoncé à l'article 2 de la Loi et examiner attentivement les règles et mesures de l'employeur par rapport aux plaintes, et ils doivent lesinvalider lorsqu'ils les jugent incompatibles avec cet objet. En l'espèce, le tribunal a tenu compte en tout temps de l'article 2 et des remarques incidentes du juge McIntyre dans l'arrêt O'Malley, précité.

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A-T-ON ÉTABLI L'EXISTENCE D'UN CAS PRIMA FACIE DE DISCRIMINATION?

Il s'agit en l'espèce d'une plainte de discrimination fondée sur la déficience physique. Un examen médical a fait ressortir que la jambe gauche de la plaignante était légèrement plus froide que la droite. Les pulsations dans la jambe gauche étaient plus faibles que celles dans la droite. Ces deux constatations indiquent que la plaignante souffrait d'un problème circulatoire bénin dans la jambe gauche (en termes techniques, il s'agit d'une claudication bénigne du mollet gauche). En conséquence, la plaignante a reçu la cote G4, cote qui, suivant les Normes médicales des Forces canadiennes (OAFC 34-30), est inférieure à la norme minimale d'enrôlement pour les hygiénistes dentaires. Le processus d'enrôlement a pris fin à ce stade. Les tentatives pour obtenir une dispense ont échoué.

L'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne porte :

Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

  1. de refuser d'employer ou de continuer d'employer un individu;
  2. de le défavoriser en cours d'emploi.

Le paragraphe 3(1) de la Loi prévoit que la déficience constitue un motif de distinction illicite :

Pour l'application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'état matrimonial, la situation de famille, l'état de personne graciée ou la déficience.

L'article 25 de la Loi renferme une définition de la déficience.

déficience Déficience physique ou mentale, qu'elle soit présente ou passée, y compris le défigurement ainsi que la dépendance, présente ou passée, envers l'alcool ou la drogue.

(Le paragraphe 65.1(3), S.C. 1976-1977, chap. 33, définit la déficience physique, mais cette disposition n'est pas pertinente en l'espèce.)

Dans l'affaire Morgan c. Forces armées canadiennes (1989), 10 C.H.R.R. D/6386, on a examiné la différence qui existe entre le fait de se faire refuser un poste et celui de se faire refuser une possibilité de concourir pour un poste. A la page 6389, le tribunal a déclaré:

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Quelle différence y a-t-il entre se faire refuser un poste et se faire refuser la possibilité de concourir pour un poste? Si le plaignant a fait le nécessaire pour poser sa candidature et que le rejet de sa demande repose uniquement sur un motif illicite de discrimination, il s'agit d'un déni d'emploi. Lorsque le plaignant est éliminé de toute concurrence avant que sa demande d'emploi ne soit considérée, cela constitue la perte d'une possibilité de concourir pour un poste, si cette élimination est fondée sur un motif illicite de discrimination.

En l'espèce, même si nous sommes convaincus que Mme Dunmall a fait tout ce qu'elle était tenue de faire, nous ne pouvons affirmer que cela signifie qu'elle a fait tout le nécessaire pour présenter sa candidature. Nous ignorons s'il existait d'autres motifs de rejeter la candidature de Mme Dunmall en dehors du problème circulatoire dont elle souffrait à la jambe gauche, comme par exemple la question de l'habilitation de sécurité. Vu que nous ne pouvons pas affirmer que la déficience de Mme Dunmall constituait le seul motif du rejet de sa demande, il nous est impossible de conclure qu'un cas prima facie de discrimination en vertu de l'article 7 a été établi.

L'article 10 de la Loi prévoit :

Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite et s'il est susceptible d'annihiler les chances d'emploi ou d'avancement d'un individu ou d'une catégorie d'individus, le fait, pour l'employeur, l'association patronale ou l'organisation syndicale :

  1. de fixer ou d'appliquer des lignes de conduite;
  2. de conclure des ententes touchant le recrutement, les mises en rapport, l'engagement, les promotions, la formation, l'apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d'un emploi présent ou éventuel.

En l'espèce, la demande d'emploi de Mme Dunmall n'a pas été examinée plus à fond en raison des conclusions relatives au problème circulatoire dont elle souffrait dans la jambe gauche -une déficience physique. Il est évident que les Forces armées canadiennes ont établi et appliquent une politique qui exige que l'état de santé des candidats à un poste respecte certaines normes. Bien qu'une telle exigence n'ait à première vue rien de répréhensible, elle fera inévitablement perdre des chances d'emploi à certains individus qui ne peuvent remplir ces critères médicaux. En l'espèce, la demande d'emploi de Mme Dunmall n'a pas été considérée parce que cette dernière ne satisfaisait pas aux normes médicales en raison de la déficience physique dont elle souffrait. Même si nous ne pouvons affirmer qu'elle a été manifestement privée d'un emploi pour ce motif, nous pouvons toutefois dire qu'elle a été privée d'une possibilité d'emploi en raison de sa déficience.

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Les intimées ont allégué que la plaignante n'avait pas obtenu une habilitation de sécurité et qu'il n'était donc pas certain qu'elle pourrait être embauchée. On a également laissé entendre qu'il y avait une insuffisance d'années-personnes dans la classe C, c'est-à-dire que les sommes allouées pour embaucher des personnes pour combler les postes comme celui que la plaignante sollicitait en l'espèce étaient limitées. Ces éléments pourraient être pertinents en ce qui concerne l'article 7 ou pour déterminer le montant des dommages-intérêts à accorder, mais ils n'ont rien à voir avec la raison réelle pour laquelle la demande d'enrôlement de la plaignante n'a pas été examinée en l'espèce.

Il est évident, en l'espèce, que la demande d'emploi de la plaignante n'a pas fait l'objet d'un examen plus approfondi en raison du problème circulatoire dont elle souffrait. Les questions de sécurité ou de budget n'avaient pas encore été soulevées. Les intimées ne peuvent rejeter la candidature de la plaignante en raison de sa déficience physique avant même qu'il n'ait été question de l'habilitation de sécurité ou que les questions budgétaires n'aient été examinées et ensuite invoquer ces arguments pour prétendre qu'elles ne lui ont pas refusé une possibilité d'emploi en se fondant sur un motif de distinction illicite. Nous sommes convaincus qu'un cas prima facie de discrimination en vertu de l'article 10 de la Loi a été établi.

S'AGIT-IL D'UN CAS DE DISCRIMINATION DIRECTE OU DE DISCRIMINATION INDIRECTE?

Le tribunal ayant conclu que la plaignante avait établi l'existence d'un cas prima facie de discrimination en vertu de l'article 10 de la Loi, il lui faut maintenant déterminer s'il s'agit d'une discrimination directe ou indirecte. Bien que la Loi canadienne sur les droits de la personne ne fait pas une distinction expresse entre la discrimination directe et la discrimination indirecte, les décisions rendues depuis 1985 exigent une telle distinction, la défense de l'employeur devant être appréciée en fonction du type de discrimination en cause. Dans l'arrêt O'Malley, précité, la Cour suprême du Canada a fait une distinction à la page 551 entre les deux catégories de discrimination :

On doit faire la distinction entre ce que je qualifierais de discrimination directe et ce qu'on a déjà désigné comme le concept de la discrimination par suite d'un effet préjudiciable [discrimination indirecte] en matière d'emploi. A cet égard, il y a discrimination directe lorsqu'un employeur adopte une pratique ou une règle qui, à première vue, établit une distinction pour un motif prohibé. Par exemple, Ici, on n'embauche aucun catholique, aucune femme ni aucun Noir. En l'espèce, il est évident que personne ne conteste que la discrimination directe de cette nature contrevient à la Loi. D'autre part, il y a le concept de la discrimination par suite d'un effet préjudiciable. Ce genre de discrimination se produit lorsqu'un employeur adopte, pour des raisons d'affaires véritables, une règle ou une norme qui est neutre à première vue

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et qui s'applique également à tous les employés, mais qui a un effet discriminatoire pour un motif prohibé sur un seul employé ou un groupe d'employés en ce qu'elle leur impose, en raison d'une caractéristique spéciale de cet employé ou de ce groupe d'employés, des obligations, des peines ou des conditions restrictives non imposées aux autres employés [...] Une condition d'emploi adoptée honnêtement pour de bonnes raisons économiques ou d'affaires, également applicable à tous ceux qu'elle vise, peut quand même être discriminatoire si elle touche une personne ou un groupe de personnes d'une manière différente par rapport à d'autres personnes auxquelles elle peut s'appliquer.

La nécessité de distinguer la discrimination directe et la discrimination indirecte a été confirmée par la Cour suprême du Canada à la majorité dans l'arrêt Alberta (Human Rights Commission) c. Central Alberta Dairy Pool, [1990] 2 R.C.S. 489. Dans cet arrêt, le juge Wilson déclare au nom de la majorité, à la page 517 :

[...] Il en résulte finalement que, lorsqu'une règle crée une discrimination directe, elle ne peut être justifiée que par une exception légale équivalente à une EPN [...] Par contre, lorsqu'une règle crée une discrimination par suite d'un effet préjudiciable, il convient de confirmer la validité de cette règle dans son application générale et de se demander si l'employeur aurait pu composer avec l'employé lésé sans subir des contraintes excessives.

(Il convient de signaler que le juge Sopinka [à l'opinion minoritaire duquel ont souscrit les juges LaForest et McLaghlin] a conclu que la Loi canadienne sur les droits de la personne ne fait aucune distinction entre la discrimination directe et la discrimination indirecte. Il aurait exigé que l'on apprécie l'exigence professionnelle justifiée dans tous les cas de discrimination et ensuite que l'on détermine s'il était possible de composer avec l'individu sans subir de contraintes excessives [voir à la page 525]. S'il avait été possible de suivre la décision de la minorité dans l'arrêt Central Alberta Dairy Pool, précité, il n'aurait pas été nécessaire d'examiner si la discrimination en cause était directe ou indirecte, et il aurait fallu, s'il avait été jugé que l'employeur avait établi une défense fondée sur une exigence professionnelle justifiée, déterminer s'il aurait été possible de composer avec Mme Dunmall sans subir de contraintes excessives.)

En raison de la décision de la majorité de la Cour suprême dans l'arrêt Central Alberta Dairy Pool, précité, il faut déterminer si la discrimination est directe ou indirecte. Si elle est directe, il faut ensuite établir si la règle ou la pratique de l'employeur constitue une exigence professionnelle justifiée.

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On trouve à la page 708 de l'affaire Insurance Corporation of B.C. v. Heerspink (1978), 6 W.W.R. 702, la définition suivante de la discrimination directe :

[TRADUCTION]

La discrimination directe est une distinction faite en faveur d'une personne ou à l'endroit d'une personne (...) en fonction du groupe, de la classe ou de la catégorie à laquelle cette personne (...) appartient plutôt qu'une distinction faite en fonction du mérite individuel.

Dans son ouvrage intitulé Proving Discrimination in Canada, Beatrice Vizkelety déclare à la page 78 :

[TRADUCTION]

L'élément essentiel (de la discrimination directe) consiste à déterminer si la décision ou l'acte concerne un motif illicite : on établit une distinction à l'égard d'une personne lorsqu'on fonde une décision ou un acte sur l'appartenance de cette personne à un groupe particulier.

En conséquence, pour prouver la discrimination directe, il faut établir un lien causal entre l'exclusion d'une personne et sa couleur, son sexe, sa religion ou tout autre motif illicite.

En l'espèce, la plaignante s'est vu refuser un emploi en raison de son état physique. Elle ne satisfaisait pas aux normes médicales minimales fixées par les Forces armées canadiennes en ce qui concerne les hygiénistes dentaires.

Instinctivement, on aurait tendance à refuser de faire entrer le refus d'accorder un emploi en raison du défaut de satisfaire à des normes médicales apparemment légitimes dans la même catégorie que le refus d'employer une personne en raison de sa religion, de sa race ou de sa couleur. Les normes médicales ont manifestement un objet économique légitime alors que ce n'est normalement pas le cas de la discrimination fondée sur la religion, sur la race ou sur la couleur. Toutefois, le refus d'employer une personne parce qu'elle n'a pas réussi un examen médical en raison d'une déficience physique établit une distinction à l'égard d'un groupe de personnes (celles qui souffrent de déficiences physiques déterminées par les normes médicales) pour un motif de distinction illicite. En outre, on retrouve une intention d'établir une distinction (bien qu'il ne s'agisse pas nécessairement d'une intention répréhensible). Cela signifierait que la discrimination fondée sur une déficience constituerait presque toujours une discrimination directe.

La règle dont il est question en l'espèce établit à première vue une distinction fondée sur un motif de distinction illicite. En effet, des personnes se voient refuser un emploi en raison du groupe auquel elles appartiennent, c'est-à-dire celui des personnes souffrant de déficiences qui les empêchent de satisfaire aux normes médicales fixées par

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l'employeur. Il existe un lien causal entre le refus d'employer ces personnes et un motif de distinction illicite énoncé dans la loi.

Une règle qui entre dans la catégorie de l'effet préjudiciable a un effet discriminatoire mais elle aura été créée pour des raisons d'affaires véritables et elle sera neutre à sa face même. On pourrait difficilement faire valoir que l'exigence d'un examen médical ne vise pas un objectif économique véritable. La neutralité d'une règle est plus difficile à apprécier. Alors que l'on peut facilement déterminer que l'exigence de porter un casque de sécurité (Bhinder c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, [1985] 2 R.C.S. 561) ou celle de travailler le lundi (Central Alberta Dairy Pool, précité) constituent des règles qui sont neutres à première vue parce qu'elles ne visent pas uniquement un employé ou un groupe d'employés pour un motif de distinction illicite, une règle exigeant une certaine forme physique entre-t-elle dans la même catégorie? Nous ne le croyons pas. Bien que fixée pour des raisons d'affaires véritables, une telle règle est discriminatoire à première vue. Elle vise à déterminer les personnes qui sont incapables d'atteindre une telle forme physique et les rend inaptes à un emploi.

Dans l'arrêt Brossard (Ville) c. Québec (Commission des droits de la personne), [1988] 2 R.C.S. 279, on a jugé qu'une politique antinépotisme constituait une discrimination directe fondée sur l'état civil ce qui est interdit par l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Dans l'arrêt Commission ontarienne des droits de la personne c. Etobicoke, [1982] 1 R.C.S. 202, il a été statué qu'une disposition prévoyant la retraite obligatoire constituait une discrimination directe fondée sur l'âge ce qui était interdit par le paragraphe 4(6) du Code ontarien des droits de la personne. Dans l'affaire Rosin v. Canada (Canadian Forces) (1991), 34 C.C.E.L. 179, la Cour d'appel fédérale a jugé que le refus d'employer un cadet parce qu'il était borgne constituait une discrimination directe.

Nous sommes convaincus qu'une règle qui rend une personne inapte à une possibilité d'emploi en raison de problèmes circulatoires à la jambe constitue de la même façon une discrimination directe.

LA DÉFENSE FONDÉE SUR L'EXIGENCE PROFESSIONNELLE JUSTIFIÉE

Ayant conclu à l'existence d'un cas prima facie de discrimination directe en l'espèce, le tribunal doit ensuite déterminer si le refus d'employer Mme Dunmall repose sur une exigence professionnelle justifiée. L'alinéa 15a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne porte :

Ne constituent pas des actes discriminatoires :

a) les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences de l'employeur qui démontre qu'ils découlent d'exigences professionnelles justifiées;

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L'arrêt qui fait autorité en matière d'exigence professionnelle justifiée (ou réelle) est l'arrêt Etobicoke, précité. Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada a indiqué comment traiter la question des exigences professionnelles justifiées et elle a expliqué le sens de cette expression. Même si la Cour appliquait dans cette affaire le Code ontarien des droits de la personne, ses commentaires ont été appliqués à la Loi canadienne sur les droits de la personne dans des arrêts ultérieurs, par exemple Bhinder c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, précité, Alberta Human Rights Commission c. Central Alberta Dairy Pool, précité.

A la page 208 de l'arrêt Etobicoke, précité, le juge McIntyre déclare :

Lorsqu'un plaignant établit devant une commission d'enquête qu'il est, de prime abord, victime de discrimination [...] il a droit à un redressement en l'absence de justification de la part de l'employeur. La seule justification que peut invoquer l'employeur en l'espèce est la preuve, dont le fardeau lui incombe, que la retraite obligatoire est une exigence professionnelle réelle de l'emploi en question. La preuve, à mon avis, doit être faite conformément à la règle normale de la preuve en matière civile, c'est-à-dire suivant la prépondérance des probabilités.

La Cour doit examiner deux questions. En premier lieu, qu'est-ce qu'une exigence professionnelle réelle au sens du par. 4(6) du Code et, en second lieu, l'employeur a-t-il démontré que les dispositions relatives à la retraite obligatoire qui font l'objet de la plainte peuvent être ainsi qualifiées? A mon avis, les positions adoptées respectivement par les professeurs Dunlop et McKay en la matière ne diffèrent pas sensiblement et je ne vois aucune objection sérieuse à leur description de l'élément subjectif du critère qui doit être appliqué pour répondre à la première question. Pour constituer une exigence professionnelle réelle, une restriction comme la retraite obligatoire à un âge déterminé doit être imposée honnêtement, de bonne foi et avec la conviction sincère que cette restriction est imposée en vue d'assurer la bonne exécution du travail en question d'une manière raisonnablement diligente, sûre et économique, et non pour des motifs inavoués ou étrangers qui visent des objectifs susceptibles d'aller à l'encontre de ceux du Code. Elle doit en outre se rapporter objectivement à l'exercice de l'emploi en question, en étant raisonnablement nécessaire pour assurer l'exécution efficace et économique du travail sans mettre en danger l'employé, ses compagnons de travail et le public en général.

On a appelé critère subjectif l'exigence que la règle ou la pratique discriminatoire soit imposée de bonne foi et non dans le but d'aller à l'encontre des objectifs de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Ce critère concerne les motifs de l'employeur. Le critère objectif exige que la règle ou pratique discriminatoire soit jugée

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raisonnablement nécessaire pour assurer l'exécution efficace et économique du travail sans mettre en danger l'employé, ses compagnons de travail et le public en général.

En ce qui concerne le critère objectif quant à savoir si une règle repose sur une exigence professionnelle justifiée en raison de l'existence d'un risque pour la sécurité, avant l'arrêt Central Alberta Dairy Pool, précité, la loi était assez claire. Dans l'arrêt Bhinder c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, précité, le juge McIntyre a conclu, à la page 588, qu'une règle (l'exigence de porter un casque de sécurité au travail) qui réduisait les risques pour un employé, quoique très légèrement, constituait une exigence professionnelle justifiée. En infirmant l'arrêt Bhinder, précité, la Cour suprême dans l'arrêt Central Alberta Dairy Pool, précité, a adopté une approche plus souple relativement à la question de la sécurité. A la page 521, le juge Wilson déclare :

Lorsque la sécurité est en jeu, l'ampleur du risque et l'identité de ceux qui le supportent sont des facteurs pertinents.

Bien que cette remarque ait été faite relativement à l'obligation d'accommodement qui n'existe que dans le cas d'une discrimination indirecte, nous sommes d'avis qu'elle doit également s'appliquer à tous les cas de discrimination directe lorsqu'il y a lieu d'appliquer la défense de l'exigence professionnelle justifiée. En fait, dans l'affaire Attorney- General of Canada v. Rosin (1991), 34 C.C.E.L. 179 (une affaire de discrimination directe), le juge Linden laisse entendre dans une opinion incidente à la page 196 qu'il faut interpréter l'arrêt Central Alberta Dairy Pool, précité, de manière qu'une règle visant à n'éviter qu'une légère augmentation des risques ne puisse pas fonder la défense de l'exigence professionnelle justifiée.

Le juge McIntyre a examiné à la page 212 de l'arrêt Etobicoke, précité, dans le cadre de la retraite obligatoire, la nature et le caractère suffisant de la preuve exigée pour établir qu'une pratique constitue une exigence professionnelle justifiée. Bien qu'aucune règle n'ait été fixée, il est évident que les tribunaux devraient tenir compte des aspects détaillés des tâches à accomplir, des conditions régnant sur les lieux de travail et de l'effet de ces conditions sur les employés. Il faut préférer la preuve de nature statistique et médicale à la preuve impressionniste. Lorsqu'on allègue qu'il y a un danger pour la sécurité publique, il faut fournir des éléments de preuve sur ce point.

Il a également été jugé que l'exigence professionnelle justifiée doit être appréciée en fonction de l'emploi et non de l'individu en cause. Dans l'arrêt Bhinder c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, précité (infirmé pour d'autres motifs dans l'arrêt Central Alberta, précité), le juge McIntyre a déclaré aux pages 588 et 589 :

La Loi parle d'exigence professionnelle. Cela doit s'entendre d'une exigence de la profession, non d'une exigence limitée à un individu. [...] Appliquer une exigence professionnelle normale

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à chaque individu avec des résultats variables, selon les différences personnelles, c'est la dépouiller de sa nature d'exigence professionnelle et faire perdre tout leur sens aux dispositions claires de l'al. 14a) (aujourd'hui l'al. 15a)).

Dans l'arrêt Saskatchewan c. Saskatoon, [1989] 2 R.C.S. 1297 (l'arrêt des pompiers de Saskatoon), le juge Sopinka a réaffirmé que l'exigence professionnelle justifiée doit se rapporter à l'emploi lui-même par opposition à l'individu en cause. A la page 1309, il a dit :

Ce critère oblige l'employeur à démontrer que l'exigence, même si elle ne se justifie pas nécessairement dans le cas de chaque individu, est raisonnablement justifiée dans son application générale. [...] Dans les cas limités d'applicabilité de ce moyen de défense, ce ne sont pas les caractéristiques individuelles qui sont déterminantes, mais les caractéristiques générales appliquées de façon raisonnable.

L'arrêt Brossard (Ville) c. Québec (Commission des droits de la personne), [1988] 2 R.C.S. 279 a apporté une autre nuance à la défense de l'exigence professionnelle justifiée. Dans cet arrêt, une ville avait adopté une politique d'embauchage antinépotisme qui empêchait les membres de la famille immédiate des employés à plein temps de la ville d'être embauchés par celle-ci. La règle antinépotisme a été invalidée parce qu'elle contrevenait à l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. A la page 311, le juge Beetz a énoncé deux critères qui permettent de déterminer si une règle est raisonnablement nécessaire pour assurer l'exécution d'un travail :

  1. L'aptitude ou la qualité a-t-elle un lien rationnel avec l'emploi en question? C'est là un moyen de déterminer si le but visé par l'employeur en établissant l'exigence convient objectivement au poste en question. Dans l'affaire Etobicoke, par exemple, la force physique évaluée selon l'âge avait un lien rationnel avec le travail de pompier.
  2. La règle est-elle bien conçue de manière que l'exigence quant à l'aptitude ou à la qualité puisse être remplie sans que les personnes assujetties à la règle ne se voient imposer un fardeau excessif? Cela nous permet d'examiner le caractère raisonnable des moyens choisis par l'employeur pour vérifier si l'on satisfait à cette exigence dans le cas de l'emploi en question. Par exemple, l'âge de la retraite obligatoire à soixante ans dans l'affaire Etobicoke était d'une sévérité disproportionnée à son objectif qui était de s'assurer que tous les pompiers possédaient la force physique nécessaire pour s'acquitter de leurs fonctions.

Quant à la deuxième règle, le juge Beetz dit à la page 315 :

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En ce qui concerne la seconde question que j'ai posée afin de pouvoir évaluer la politique d'embauchage de l'intimée, je crois que la règle est d'une sévérité disproportionnée à l'aptitude ou à la qualité dont elle vise à assurer la possession.

La politique d'embauchage que l'intimée a choisi d'adopter constitue une règle générale qui, à première vue, n'admet aucune exception. Du moment qu'il est déterminé qu'un candidat fait partie de la famille immédiate d'un employé à plein temps ou d'un conseiller municipal, ce candidat est exclu. Il s'agit d'une règle inexorable qui écarte des candidats peu importe l'emploi postulé et sans tenir compte du poste occupé par le membre de la famille immédiate du postulant. Elle ne tient pas compte du degré de probabilité d'un abus de pouvoir. C'est là une façon maladroite de s'assurer qu'il n'y a aucun conflit d'intérêts réel ou éventuel ni même l'apparence d'un tel conflit. Line Laurin en est un bon exemple. Étant donné qu'elle postulait un emploi de sauveteur et compte tenu du fait que sa mère était dactylographe au service de police, il n'y avait aucun conflit d'intérêts réel, aucune possibilité raisonnable de conflit d'intérêts ni aucune crainte raisonnable de partialité qui aurait pu justifier de conclure à une apparence de conflit d'intérêts. Appliquée à Line Laurin, la politique d'embauchage revient, comme on dit, à tuer une mouche avec une masse.

Dans ses motifs concourants, le juge Wilson déclare aux pages 343 et 344 :

Or, il me semble que l'embauchage de parents peut bien présenter une menace ou être considéré comme présentant une menace pour l'intégrité de l'administration de la ville. [...] Il est évident que l'ampleur de la menace présentée par une telle pratique d'embauchage est une question de degré et devrait être établie par la preuve. Si l'embauchage de parents devait devenir une pratique courante, elle pourrait évidemment constituer une menace grave. Dans cette optique, est-il raisonnablement nécessaire en l'espèce d'interdire totalement l'embauchage de parents ou suffirait-il de surveiller attentivement la situation et de faire preuve de discernement afin que l'embauchage de parents (à supposer qu'ils aient la compétence requise pour le poste en question) ne prenne pas des proportions déraisonnables?

Il me semble que, compte tenu de la nature du droit violé par une politique antinépotisme, c.-à-d. le droit, garanti par l'art. 10, de ne pas être victime de discrimination, l'adoption d'une interdiction totale n'est pas raisonnablement nécessaire pour éviter que l'intégrité de l'administration municipale soit menacée. La ville peut éviter cette menace en recourant aux moyens moins draconiens que j'ai proposés.

Par conséquent, l'arrêt Brossard, précité, exige donc qu'une règle ou une pratique ayant un objectif justifiable ne soit néanmoins pas

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d'une sévérité disproportionnée pour satisfaire à l'exigence professionnelle justifiée. La règle, dans sa formulation, doit être raisonnablement nécessaire. Évidemment, il est implicite que la règle sera appliquée telle qu'elle a été formulée.

L'ACTE DISCRIMINATOIRE EN CAUSE

Quel est exactement l'acte qui donne lieu en l'espèce à un cas prima facie de discrimination? Il s'agit du fait qu'au moment de son recrutement, le candidat à un poste d'hygiéniste dentaire au sein des Forces armées canadiennes doit satisfaire à certaines normes médicales, soit en l'espèce la restriction géographique correspondant à la cote G3. La restriction G3, indiquée plus haut, est un facteur géographique qui tient compte des effets que le milieu, les installations, les conditions de vie et l'accessibilité des soins médicaux auraient sur l'état de santé d'un membre. Lorsqu'un candidat ne satisfait pas aux normes médicales, il est possible de demander une dispense. En l'espèce, la dispense a été refusée. Les actes dont il est question en l'espèce découlent-ils d'exigences professionnelles justifiées comme le prévoit l'alinéa 15a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne? La réponse à cette question exigence une appréciation de la preuve médicale pertinente ainsi que des aspects détaillés des taches à accomplir, des conditions régnant sur les lieux de travail et de l'effet de ces conditions sur les employés.

LES ASPECTS DÉTAILLÉS DES TACHES A ACCOMPLIR

La pièce R-7 contenait des extraits du Manuel des Forces canadiennes, Structure professionnelle des non-officiers. Ce document (A- PD-123-001) est publié sous les auspices du chef d'état-major de la défense. Le manuel énonce les conditions dans lesquelles s'effectuent le recrutement, l'instruction, l'embauche, l'affectation, la promotion et la rémunération de tous les militaires du rang. Il prévoit que tous les membres des Forces canadiennes doivent être capables d'effectuer leur service dans des conditions très diverses, sans possibilité de choix. Nous avons conclu que cette obligation s'applique tant aux membres du service de réserve de classe C qu'aux membres de la force régulière.

Le manuel précise également que les Forces canadiennes doivent former leurs membres étant donné que l'embauche de personnel qualifié provenant d'autres sources est habituellement impossible. Expliquant cette disposition du manuel, le capitaine MacKnie, officier d'état-major, Structures des groupes professionnels militaires, a dit au tribunal:

[TRADUCTION]

Il est essentiel que tous les membres des Forces canadiennes soient d'abord des soldats [...] et il est essentiel que les individus [...] ou les militaires constituent des troupes disciplinées qui obéissent rapidement aux ordres légitimes et vont où ils sont affectés ou à l'endroit où on leur dit d'aller, et ces [...] ce militaire ou cet individu discipliné ne se retrouve habituellement pas parmi notre personnel civil.

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(Notes sténographiques p. 615)

Le manuel décrit également en détail les divers métiers ou spécialités. S'ajoutent aux opérations, aux fonctions d'entretien et d'administration et aux autres fonctions d'un métier particulier (en l'espèce, celui d'hygiéniste dentaire) des exigences d'ordre militaire. Cela signifie qu'en plus d'effectuer les tâches afférentes à un métier ou à un groupe professionnel particulier, un membre doit exécuter des obligations militaires et s'acquitter des responsabilités de son rang. L'adjudant James, coordonnateur de carrière pour les hygiénistes dentaires dans les Forces armées canadiennes, a donné des exemples de ce genre de tâches.

A tour de rôle, les militaires du rang sont tenus de s'occuper de l'entraînement des militaires consignés et de surveiller la base en dehors de leurs heures de service. Une ou deux fois par mois (ou peut-être plus souvent), il y a des rassemblements devant un commandant de la base. Il faut alors parader pendant 10 à 15 minutes. En Europe, cela peut signifier qu'il faut défiler en tenue de combat sur une distance pouvant atteindre un demi-mille. Le havresac que doit alors porter le militaire peut peser jusqu'à 100 livres. Un hygiéniste dentaire ayant le grade d'adjudant ou de sergent (soit le rang qui aurait été accordé à Mme Dunmall au moment de son enrôlement) peut avoir sous ses ordres entre 10 et 30 personnes au cours de ces défilés.

Les autres fonctions qu'un hygiéniste dentaire pourrait être appelé à remplir sont celles liées à la défense de la base. Chaque base possède une force de défense. Les diverses tâches assignées à cette force comportent la maîtrise des foules, l'intervention en cas de désastre naturel tels des tornades, des écrasements d'avions, et d'autres tâches analogues. Dans de telles circonstances, le rôle principal qu'est appelé à jouer le militaire n'est pas celui qui découle de son métier ou de sa spécialité; il doit plutôt exécuter toute fonction qu'on lui demande de remplir, par exemple celle de brancardier. On ne peut prévoir quand de tels besoins se feront sentir et la force de défense de la base peut être appelée à intervenir sans préavis.

On a également indiqué au Tribunal qu'un hygiéniste dentaire pouvait être appelé à servir en campagne, c'est-à-dire pour appuyer les unités de combat en campagne, à l'extérieur de la clinique de la base. Il faut donc qu'il ait subi l'entraînement pour les manoeuvres en campagne. Étant donné qu'il peut s'agir de combats réels ou simulés, les unités de soutien peuvent être appelées à se déplacer très rapidement. Il peut alors être nécessaire de soulever des charges lourdes et de se livrer à des activités exigeant un effort physique exténuant.

Dans son témoignage, Mme Dunmall a déclaré que lorsqu'elle était hygiéniste dentaire dans la force régulière, elle n'avait exécuté qu'un nombre minimal d'obligations militaires. Toutefois, pour apprécier la défense de l'exigence professionnelle justifiée, nous devons examiner les détails du métier en cause et non l'expérience de l'individu. Le Manuel

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des métiers des Forces canadiennes et le témoignage de l'adjudant James indiquent les obligations des hygiénistes dentaires dans les Forces armées canadiennes, et nous considérons qu'ils constituent la preuve des exigences liées à ce poste.

LES CONDITIONS DE TRAVAIL ET LEURS EFFETS SUR LES EMPLOYÉS

Comme nous l'avons indiqué, le personnel militaire travaille dans des bases militaires. Il peut être appelé à exécuter les obligations de la force de défense de la base qui ont été décrites plus haut. Il peut également être tenu d'exercer ses activités en campagne.

Le manuel (A-PD-123-001) décrit de la manière suivante les conditions de travail des hygiénistes dentaires :

a. Aspect physique. L'hygiéniste dentaire travaille habituellement dans un immeuble propre, bien éclairé, aéré et chauffé. En campagne, les tâches peuvent s'effectuer dans une unité mobile de soins dentaires ou sous la tente. A bord des navires, l'espace est généralement restreint. L'hygiéniste dentaire doit avoir une forme et une endurance moyennes et doit rester debout ou assis pendant de longues périodes.

(Pièce R-7, onglet 11)

La monographie cadre figurant au manuel prévoit notamment :

L'effort physique normalement exigé des autres rangs est ordinairement déterminé par le métier. Il arrive qu'ils soient soumis à un effort physique intense, occasionné par les circonstances, comme dans le cas où ils exercent leur activité au combat ou hors de leur spécialité.

(Pièce R-7, onglet 8)

Il ressort que les conditions de travail des hygiénistes dentaires dans l'armée diffèrent de leurs conditions dans la vie civile. En particulier, ils peuvent être tenus d'exécuter d'autres fonctions que celles de leur métier et être soumis à un stress physique qui n'existe normalement pas dans le métier d'hygiéniste dentaire.

LA PREUVE MÉDICALE

Le docteur Charles Lye était expert en chirurgie vasculaire. Il a expliqué ce qu'est une claudication bénigne du mollet gauche :

[TRADUCTION]

Eh bien, la claudication du mollet est une douleur dans le muscle du mollet. Lorsque vous marchez ou lorsque le muscle travaille, la douleur cesse par l'arrêt de l'exercice et cela est dû à une insuffisance relative de l'apport sanguin. Il

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s'agit d'une question de demande excédant l'apport et sa cause est en règle générale un blocage en amont du système circulatoire.

(Notes sténographiques p. 119)

Dans le cas de Mme Dunmall, il a jugé que la claudication (la douleur) se produisait [TRADUCTION] après environ un pâté de maisons si elle essaie de se dépêcher.

Si elle devait se dépêcher, elle serait incommodée, elle aurait une crampe ou ressentirait de la douleur et elle pourrait être obligée de s'arrêter pendant une minute ou deux. L'exercice produisant la claudication ne cause aucun dommage à long terme. Le fait de rester debout pendant de longues périodes ne produirait aucun symptôme. Elle n'aurait pas besoin plus souvent de soins médicaux que quiconque. Bien que la température puisse avoir un effet sur les personnes souffrant d'un problème circulatoire, le docteur Lye estimait que celui-ci serait mineur dans un cas bénin comme celui de Mme Dunmall.

[TRADUCTION] Elle aurait pu avoir besoin de porter une paire de chaussettes supplémentaire par temps froid, mais c'est à peu près tout.

(Notes sténographiques p. 128)

Le docteur Lye ne pensait pas non plus que le cas de Mme Dunmall pouvait entraîner des complications graves et soudaines :

[TRADUCTION]

Son état était stable et ce, depuis un certain temps.

(Notes sténographiques p. 129)

Le docteur Lye ne croyait pas que l'état de Mme Dunmall représentait des risques accrus de mauvaise cicatrisation ou d'infection.

Toutefois, les personnes dans la même condition que Mme Dunmall seraient assujetties certaines restrictions et elles seraient incapables d'exécuter certaines fonctions. Le docteur Lye a déclaré:

[TRADUCTION]

Pour l'essentiel, pour une personne souffrant du même genre de problème que Mme Dunmall à cette époque, toute activité exigeant un effort des jambes -- en d'autres termes, la marche rapide, la marche en montée, la marche sur une certaine distance en transportant une charge lourde, ce sont là des choses qui pourraient -- pour lesquelles elle aurait certainement -- pour lesquelles elle courrait un certain risque qui ne pourrait être déterminé que lorsqu'elle s'adonnerait à ces activités.

(Notes sténographiques p. 136-137)

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[...] Les effets de la marche prolongée dépendraient des circonstances, de l'état du terrain et de la rapidité avec laquelle elle devrait se déplacer. Si elle se trouvait dans un endroit montagneux, comme c'est mon cas maintenant, elle aurait probablement de la difficulté. Si elle marchait lentement sur l'avenue du Portage, elle pourrait probablement le faire pendant toute la journée. Ça dépend vraiment de l'effort requis ainsi que de la vitesse et de la charge portée.

(Notes sténographiques p. 138)

[...] Eh bien, pour la course, que j'imagine comme un exemple extrême d'une marche rapide, beaucoup de personnes souffrant de claudication, même lorsqu'elles ressentent une douleur, sont capables de passer à travers et de continuer même si elles ont mal. D'autres personnes doivent s'arrêter, elles sont littéralement obligées de s'arrêter à un moment donné. C'est en partie physiologique et cela dépend probablement aussi du seuil de douleur. J'imagine que si quelqu'un faisait feu sur vous, vous pourriez être davantage porté à passer outre à la douleur qu'en d'autres circonstances mais il lui suffirait de voir ce qu'elle peut faire et mes notes n'indiquent pas si elle était capable d'endurer la douleur ou si elle était obligée de s'arrêter lorsqu'elle se dépêchait. Je ne m'en souviens pas et ce n'est pas indiqué dans mon tableau.

(Notes sténographiques p. 138-139)

[...] Bien sûr, certaines manoeuvres comme des mouvements rapides -- je ne suis pas certain de ce que cela veut dire, mais -- sauf s'il s'agissait d'un mouvement rapide prolongé et qu'il lui fallait courir. Le transport d'eau; encore une fois, cela exerce une pression supplémentaire sur les jambes. Ainsi, vous savez, cela aurait le même effet que de porter un lourd sac à dos. S'il lui fallait se déplacer d'un pas rapide en portant un lourd sac à dos, elle ne serait vraisemblablement pas capable de le faire sans difficulté si elle devait parcourir une bonne distance.

Quelle était l'autre -- l'escalade de collines. Habituellement, les personnes souffrant de claudication le feront souvent spontanément. Elles ont plus de difficulté dans les montées tout simplement parce que leurs jambes doivent travailler plus fort. Le port d'un havresac, lorsqu'il est lourd, lui causerait des problèmes. Le fait de rester debout pendant de longues périodes ne devrait pas l'incommoder. Le transport de civières; encore une fois, cela devrait lui causer des problèmes si elle devait

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parcourir une certaine distance. Il s'agit en réalité de la durée de l'effort par rapport à la durée de l'activité.

(Notes sténographiques p. 139-140)

[...] R. Cela dépendrait de la vitesse à laquelle elle devrait se déplacer. Selon moi, elle pourrait marcher indéfiniment à un pas normal ou à peu près ou, peut-être, à un pas un peu plus lent que la normale. Il est certain que si elle devait marcher rapidement, elle éprouverait des symptômes, cela ne fait aucun doute. Si elle devait transporter une lourde charge, elle pourrait éprouver des symptômes.

Q. Bien, qu'arriverait-il si elle devait marcher sur une distance plus longue qu'un pâté de maisons en transportant un havresac pesant 50 livres?

R. Cela pourrait lui causer des douleurs.

Q. Que se passerait-il si elle devait transporter une civière sur laquelle serait allongé un homme pesant 200 livres, probablement avec l'aide d'une autre personne à l'autre bout de la civière, sur une distance supérieure à un pâté de maisons?

R. Oui, je m'attendrais à ce qu'elle ait également des problèmes à le faire.

(Notes sténographiques p. 141)

[...] Q. Ainsi, si je comprends bien votre témoignage, nous ne saurions pas ce que Mme Dunmall serait capable de faire tant qu'elle n'aurait pas à faire les choses que nous avons énumérées.

R. Dans la mesure où ces situations exigeant davantage d'efforts sont concernées, oui.

Q. Ainsi, il se pourrait qu'on ne puisse découvrir qu'elle est incapable de faire une activité exigeant un effort que lorsqu'elle fait celle-ci.

R. C'est exact.

Q. Si la douleur est trop forte, elle devrait s'arrêter.

R. C'est exact.

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(Notes sténographiques p. 143)

[...] Q. [...] Ainsi, si elle se trouvait dans une situation où elle n'a plus le choix de décider si elle ne va parcourir qu'une distance d'un pâté de maisons, si quelqu'un lui donnait des ordres et lui disait de faire un effort physique et qu'elle n'avait aucun choix, je présume que vous changeriez d'opinion quant aux symptômes qu'elle pourrait éprouver.

R. Très certainement. Il y aurait certaines choses -- vous pourriez lui dire de faire certaines choses qu'elle serait probablement incapable de faire, du moins sans souffrir beaucoup.

Q. Ou elle pourrait ressentir une telle douleur qu'elle devrait s'arrêter? Elle serait incapable de faire ce qu'on lui aurait dit de faire.

R. Cela pourrait arriver, oui.

(Notes sténographiques p. 149)

Ce témoignage démontre qu'une personne souffrant du même problème que Mme Dunmall pourrait courir des risques si elle devait effectuer un travail physique difficile, en particulier pendant une période prolongée. L'étendue de son incapacité d'effectuer certains travaux lourds ne pourrait être déterminée que lorsqu'elle est appelée à effectuer ces activités. Nous pouvons en déduire que cela pourrait présenter un danger pour Mme Dunmall, pour ses compagnons de travail ainsi que pour les membres du public qu'on lui a ordonné d'aider, par exemple, en agissant comme brancardier.

Les intimées ont fait témoigner le docteur Walter Pawliwec, lieutenant-colonel, chef, Division de la chirurgie générale, Centre médical de la Défense nationale. Le docteur Pawliwec est spécialisé en chirurgie générale. Selon lui, il fallait se demander quant à la cote G4 qui avait été attribuée à Mme Dunmall si les médecins qui l'avaient examinée à l'époque croyaient que la greffe de son artère fémorale était libre (si elle était restée fonctionnelle) ou occluse (si elle était bloquée). Le docteur Pawliwec a déclaré :

[TRADUCTION]

Je comprends que cela puisse être très déroutant. Encore une fois, si la greffe était déjà complètement occluse et que ses symptômes étaient insignifiants lorsqu'elle est venue, une cote G3 O3 aurait probablement été satisfaisante, mais s'ils estimaient que la greffe avait fonctionné, une cote 4 était manifestement requise, et je pense qu'il pourrait y avoir eu certains doutes dans leur esprit, et j'estime qu'ils se sont trompés quant à la question de la sécurité, et ont dit non,

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donnons-lui une cote 4 jusqu'à ce que nous puissions constater si la greffe a marché ou non. Je ne fais que des suppositions; vous savez, je ne sais pas ce qui s'est passé dans leurs têtes.

(Notes sténographiques p. 582)

Toutefois, ce témoignage n'indique pas une inquiétude de la part des médecins en cause quant à la réussite de la greffe. En outre, le docteur Pawliwec était d'avis que la greffe aurait été occluse en 1981 lorsque Mme Dunmall a reçu sa cote médicale :

[TRADUCTION]

Q. Bien, vous avez entendu l'opinion du docteur Lye quant à savoir si la greffe était fonctionnelle ou non?

R. Exact.

Q. Et il était d'avis qu'elle n'avait pas été fonctionnelle pendant plusieurs années?

R. Oh, je suis d'accord avec ça.

Q. Et admettrez-vous avec moi que --

R. Je pense que la greffe est morte un an environ après qu'elle a été faite.

(Notes sténographiques p. 585)

Cela confirme le témoignage oral du docteur Lye et son rapport médical écrit en date du 11 juin 1982 dans lequel il a déclaré:

[TRADUCTION]

[...] cette dame présente une greffe iliaque gauche et un os iliaque gauche occlus [...]

(Extrait tiré de la pièce R-8)

L'APPRÉCIATION DE LA PREUVE

Nous devons apprécier si la règle fixée par un employeur (les normes médicales pour les hygiénistes dentaires) est raisonnablement justifiée dans son application générale (quoique non nécessairement justifiée pour chaque individu). Il n'est pas question de savoir si Mme Dunmall pourrait être appelée en tant qu'individu à effectuer une activité physique difficile. Nous sommes convaincus que les hygiénistes dentaires des Forces armées canadiennes sont tenus d'exécuter des obligations militaires générales qui peuvent nécessiter un effort physique et qu'ils doivent être capables de le faire. Les normes médicales applicables aux hygiénistes dentaires ont pour objet d'assurer l'exécution efficace de ces fonctions sans mettre en danger l'employé, ses compagnons de travail et le public en général.

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Nous avons conclu en nous fondant sur la preuve que les membres de la force de réserve de classe C sont tenus d'exécuter des obligations militaires générales lorsqu'on le leur ordonne. Ces obligations peuvent comporter l'entraînement de militaires consignés, la surveillance de la base en dehors des heures de service, le commandement lors d'un rassemblement en ayant sous ses ordres entre 10 et 30 militaires, la marche, en portant parfois des sacs à dos pesant jusqu'à 100 livres, les obligations de la force de défense de la base, notamment la maîtrise des foules, l'intervention en cas de désastres naturels tels des tornades, des écrasements d'avions, par exemple en agissant comme brancardier, et le service en campagne pour appuyer les unités de combat, ce qui nécessite un entraînement aux manoeuvres de campagne exigeant un effort physique rapide et ardu.

Les témoignages des experts ont révélé que, pour les personnes comme Mme Dunmall, le climat ne constitue pas un élément important, que le milieu, le métier exercé et l'endroit où elles sont hébergées importent peu et qu'il n'y a pas lieu dans leur cas de prendre des dispositions particulières en ce qui a trait aux soins médicaux.

Cependant, Mme Dunmall éprouverait de la douleur après avoir franchi la distance d'un pâté de maisons si elle devait se dépêcher; elle courrait des risques au cours d'une marche rapide, d'une marche en montée ou si elle transportait des charges lourdes quelle que soit la distance; certaines de ses limites ne pourraient être découvertes que dans des situations exigeant un effort et il serait possible qu'on lui ordonne de faire des choses qu'elle serait incapable de faire.

Mme Dunmall a reçu la cote G4. Si on se fonde sur la preuve dont a été saisi le tribunal, le climat, le milieu ou la question des soins médicaux ne devraient pas constituer des facteurs qui rendent une personne souffrant de claudication bénigne du mollet gauche inadmissible à l'enrôlement dans le service de réserve de classe C. En fait, les témoignages des docteurs Lye et Pawliwec ont indiqué qu'une personne qui souffrait d'une telle claudication et qui avait subi une greffe ilio- fémorale qui n'était pas fonctionnelle aurait dû recevoir la cote G3, cote qui lui aurait permis d'être embauchée. En conséquence, nous ne pouvons admettre comme les intimées l'ont fait qu'il était approprié de classer une telle personne dans la catégorie G4.

Rien dans la preuve dont nous avons été saisis ne permet de croire que le système de classification médicale des Forces armées canadiennes n'a pas été imposé honnêtement, de bonne foi et avec la conviction sincère qu'il était nécessaire en vue d'assurer la bonne exécution des métiers militaires d'une manière raisonnablement diligente, sûre et économique. Rien n'indique non plus que les médecins qui ont accordé la cote G4 à Mme Dunmall ne croyaient pas sincèrement (bien qu'ils se soient apparemment trompés) que telle était la classification qu'il fallait lui attribuer. La preuve ne permettait certainement pas de remettre en cause leurs motifs.

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La preuve nous a convaincus que dans le premier cas (c'est-à-dire avant d'aborder la question de la procédure de dispense), un système de classification médical appliqué correctement dans les Forces armées canadiennes est valide. On ne contrevient pas au critère objectif dégagé dans l'arrêt Etobicoke, précité, en établissant une limite qui rend certaines personnes inaptes au service en les classant dans la catégorie G4 ou dans une catégorie inférieure. Toutefois, les personnes et conditions doivent être classées en tenant compte des exigences du critère objectif dégagé dans ledit arrêt.

La preuve médicale produite en l'espèce ne permet pas d'approuver la manière suivant laquelle on a appliqué le système de classification. A notre avis, l'attribution d'une cote G4 aux hygiénistes dentaires souffrant de claudication bénigne du mollet et dont les greffes ilio-fémorales occluses sont dans une condition stable n'est pas objectivement liée à la bonne exécution du travail en cause. Au contraire, la preuve médicale indique que le climat, le milieu et les soins médicaux ne constituent pas des facteurs importants dans le cas de ces personnes.

En ce qui concerne le facteur G, les risques pour la sécurité de l'individu, de ses compagnons de travail ou du public en général seraient tout au plus minimes. Si on se fonde sur l'interprétation souple du danger dans l'arrêt Central Alberta Dairy Pool, précité, nous sommes convaincus qu'on ne devrait pas écarter la candidature de personnes présentant un risque minime suivant le facteur G. En attribuant à ces personnes la cote G4 et en refusant de les employer pour ce motif, on ne respecte pas le critère objectif dégagé dans l'arrêt Etobicoke, précité.

Si la procédure avait pris fin avec le classement de Mme Dunmall dans la catégorie G4 (sans demande de dispense), la défense fondée sur l'exigence professionnelle justifiée ne serait pas retenue.

Pour arriver à cette conclusion, nous n'avons pas écarté le témoignage qui indiquait que Mme Dunmall pourrait courir des risques lorsqu'elle devrait faire un effort physique, qu'on ne pourrait découvrir certaines de ses limites que lorsqu'elle ferait des efforts physiques et qu'on pourrait lui ordonner de faire certaines choses qu'elle pourrait être incapable de faire. Il faut tenir compte de ces éléments dans la détermination du facteur O qui concerne l'effort et l'activité physiques. Ces conclusions soulèvent relativement au danger pour l'employé, ses compagnons de travail et le public des questions plus importantes que dans le cas des éléments dont il faut tenir compte en ce qui concerne le facteur G. Toutefois, les autorités médicales ont accordé la cote O3 à Mme Dunmall, cote qui ne rend pas un candidat inadmissible à un emploi mais qui reconnaît toutefois que l'individu peut souffrir d'une déficience médicale bénigne qui l'empêche d'effectuer des travaux physiques difficiles ou de fonctionner sous pression pendant de longues périodes.

Même si les intimées ont soulevé devant le tribunal la question du danger lié à l'effort physique fait par la plaignante, la preuve n'indique pas que la candidature de Mme Dunmall a été rejetée pour ce

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motif. En attribuant la cote O3 à Mme Dunmall, les Forces armées canadiennes ont indiqué qu'elles estiment pouvoir régler les cas où une personne souffre d'une déficience physique comme celle de la plaignante sans remettre en question leurs normes de sécurité. Les autorités médicales n'ont pas considéré que Mme Dunmall était inadmissible ou que son état entraînait un danger inacceptable pour sa sécurité, celle de ses compagnons de travail ou celle du public. Étant donné que le rejet de la candidature de Mme Dunmall ne reposait pas sur de telles considérations, le tribunal n'a pas à examiner davantage ces questions.

LA PROCÉDURE DE DISPENSE

Examinons maintenant la procédure de dispense. Mme Dunmall ayant été libérée en 1969 pour des raisons de santé, son enrôlement dans le service de réserve de classe C aurait nécessité une dispense médicale, c'est-à-dire une dispense suivant les ORFC 6.01(2)b)(i) et l'OAFC 9-54, paragraphe 6. En outre, même si le refus d'employer Mme Dunmall en raison du fait qu'elle ne satisfaisait pas aux normes médicales était justifié, on a continué la procédure de demande de dispense.

Compte tenu des opinions incidentes dans l'arrêt Brossard, précité, et de la décision de la majorité dans l'arrêt Central Alberta Dairy Pool, précité, il faut déterminer si la règle de l'employeur est raisonnablement nécessaire ou s'il existe une solution de rechange raisonnable sans que les membres du groupe assujettis à une règle donnée se voient imposer un fardeau excessif. Dans l'arrêt Brossard, précité, la Cour suprême a conclu que même si une politique antinépotisme était justifiable, celle dont il était question dans cette affaire était d'une sévérité disproportionnée parce qu'elle interdisait totalement l'embauchage de parents peu importe les circonstances. A la page 343, le juge Wilson a indiqué qu'un moyen moins draconien d'écarter une menace pour l'intégrité de l'administration d'une ville pourrait consister à :

[...] surveiller attentivement la situation et [à] faire preuve de discernement afin que l'embauchage de parents (à supposer qu'ils aient la compétence requise pour le poste en question) ne prenne pas des proportions déraisonnables?

En l'espèce, il existait une procédure de demande de dispense. Une personne inadmissible au rengagement parce qu'elle ne satisfait pas aux normes médicales et parce qu'elle a été libérée antérieurement pour raisons de santé peut présenter une demande de dispense. Le lieutenant-colonel Moffatt a décrit la procédure suivie en matière de dispense pour les postes de la classe C. Il a déclaré dans son témoignage qu'il revient aux autorités administratives de décider d'accorder une dispense mais qu'elles agissent ou devraient agir après avoir obtenu l'opinion d'un médecin. On lui a demandé quelle était la procédure suivie.

[TRADUCTION]

LE PRÉSIDENT : Mais de toute façon, le colonel Moffatt a déclaré dans son témoignage que le DSSS fait une recommandation,

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mais qu'il appartient en dernier ressort au DREM, de déterminer s'il y a lieu ou non d'accorder une dispense médicale?

LE TÉMOIN : Oui.

Mme GILLIS : Colonel Moffatt, pourrais-je vous poser une question? Pour quelle raison demanderiez-vous une dispense?

LE TÉMOIN : Eh bien, si la personne -- vous êtes tenu de passer un examen médical avant de pouvoir servir. Bien sûr, nous voulons être sûrs que la personne est capable de faire le travail. Si, pour une raison ou une autre, la cote médicale est inférieure aux exigences d'un poste, nous examinerons alors quelle était la -- vous savez, quelle était la cause de cet état de santé et si la personne pourrait occuper cet emploi ou non, et comme je ne suis pas médecin, je ne suis absolument pas compétent dans ce domaine, de sorte que je m'informerais auprès du DSSS et si on m'affirmait que oui, nous pouvons l'embaucher, je ne peux imaginer un cas où -- bien que nous possédions le pouvoir d'approbation -- nous passerions outre à ce que les médecins nous ont dit. Nous nous conformerions à ce qu'ils nous ont indiqué, et il existe toutes sortes de catégories médicales, et ils nous expliqueraient ce que cela signifie et ce que la personne pourrait ou ne pourrait pas faire dans le cadre de son travail. Ainsi, une fois que nous aurions obtenu ces renseignements, nous pourrions prendre une décision éclairée.

(Notes sténographiques p. 320-321)

Nous estimons qu'il est significatif que les autorités administratives, qui possèdent le pouvoir final de décision, se conforment pratiquement dans tous les cas aux recommandations faites par les autorités médicales.

Cette procédure de dispense, si elle est suivie, satisferait à notre avis aux objectifs soulignés par le juge Wilson dans l'arrêt Brossard, précité, c'est-à-dire éviter que l'intégrité des Forces armées canadiennes dans l'exécution de leurs fonctions soit menacée tout en prévoyant une solution raisonnable pour éviter qu'un fardeau soit imposé à ceux qui ne satisfont pas aux normes médicales. En l'espèce, la procédure de demande de dispense n'a toutefois pas été suivie. Une fois sa candidature rejetée parce qu'elle avait été jugée inapte pour raisons de santé, Mme Dunmall a présenté une demande de dispense médicale. Dans une note de service datée du 8 février 1982, le colonel Phillips, DSSS, était d'accord :

[TRADUCTION]

[...] avec les autorités administratives accordant une dispense des normes médicales à condition qu'elle occupe un emploi qui respecte strictement les restrictions de sa catégorie

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médicale G4 O3 et que cette catégorie n'ait pas changé depuis qu'elle lui a été accordée.

(Pièce R-1, onglet 15)

La dispense a été jointe à la demande d'inscription de Mme Dunmall sur la liste supplémentaire en date du 22 février 1982 et transmise au DSIP le 23 février 1982. Inexplicablement, le DSIP a refusé, le 5 avril 1982 et la dispense et le rengagement. Le message écrit portait :

[TRADUCTION]

En raison de la catégorie médicale et de l'état de santé actuel, l'enrôlement dans la réserve supplémentaire n'est pas autorisé.

(Pièce R-1, onglet 21)

Le colonel Moffatt a été interrogé relativement à ce refus.

[TRADUCTION]

LE PRÉSIDENT : Bien. Ainsi, il s'agirait de l'onglet 15. C'est le document daté du 8 février 1982, n'est-ce pas?

LE TÉMOIN : Oui, Monsieur.

LE PRÉSIDENT : Maintenant, ce document porte que le colonel Phillips serait d'accord avec les autorités administratives pour accorder une dispense des normes médicales. Ainsi, comment expliquer l'onglet 21 qui porte que, en raison de la catégorie médicale et de l'état de santé actuel, elle n'obtient pas l'autorisation?

LE TÉMOIN : Je ne comprends pas, Monsieur. Je pense que ce qui s'est produit c'est que le DSIP a examiné le document renfermant les conditions médicales et a dit que ça ne correspond pas, et que la demande est rejetée.

LE PRÉSIDENT : Bien, mais sûrement pas en se fondant sur l'onglet 15, parce que l'onglet 15 l'accorde.

LE TÉMOIN : L'onglet 15 recommande qu'elle soit accordée. Ils ne peuvent pas accorder une dispense.

LE PRÉSIDENT : Je comprends, mais l'onglet 21 qui, j'imagine, est le document accordant l'autorisation --

LE TÉMOIN : Oui, c'est cela.

LE PRÉSIDENT : -- porte en raison de la catégorie médicale et de l'état de santé actuel, et vous déclarez qu'ils se seraient fondés sur les onglets 15, 16 et 17?

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LE TÉMOIN : Je le croirais, à moins qu'ils sachent quelque chose que nous ignorons.

LE PRÉSIDENT : Sûrement pas dans la preuve.

LE TÉMOIN : Non, pas à ce que je sache.

LE PRÉSIDENT : Et vous affirmez, dans votre témoignage principal, qu'il serait vraiment peu probable que le DSIP aille de l'avant et prenne sa propre décision qui serait incompatible avec la recommandation des autorités médicales?

LE TÉMOIN : Je ne le ferais certainement pas si j'étais dans cette situation, vous savez. Les membres du DSIP ne sont pas plus des médecins que ceux de la DREM.

(Notes sténographiques p. 378-379)

Une fois que l'existence d'un cas prima facie de discrimination directe est prouvée, il incombe à l'employeur de démontrer que les pratiques ayant donné lieu à la discrimination reposent sur une exigence professionnelle justifiée. A notre avis, des normes médicales raisonnables prévoyant une procédure de demande de dispense qui n'est pas d'une sévérité disproportionnée constituent des pratiques fondées sur une exigence professionnelle justifiée. Toutefois, l'employeur doit prouver qu'en refusant une possibilité d'emploi pour des motifs d'ordre médical, il a suivi les pratiques justifiées. En l'espèce, l'employeur ne l'a pas fait. Le DSIP a refusé la dispense et il a rejeté la demande d'enrôlement en se fondant, selon ce qui a été allégué, sur la catégorie médicale et sur

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l'état de santé actuel de Mme Dunmall. On n'a fait comparaître aucun témoin qui aurait pu indiquer à la Commission pourquoi les autorités administratives, c'est-à-dire le DSIP, a rejeté la demande alors que les autorités médicales, le DSSS, étaient d'accord avec la dispense et avec l'embauche de Mme Dunmall. Lorsqu'on lui a demandé le motif du refus du DSIP compte tenu de la recommandation faite par le DSSS, le colonel Moffatt a répondu :

[TRADUCTION]

Je ne comprends pas, Monsieur.

(Notes sténographiques p. 378)

Et lorsqu'on lui a demandé pourquoi le DSIP avait pris une décision allant à l'encontre de la recommandation des autorités médicales, il a déclaré :

[TRADUCTION]

Je ne le ferais certainement pas si j'étais dans cette situation, vous savez. Les membres du DSIP ne sont pas plus des médecins que ceux de la DREM.

(Notes sténographiques p. 379)

Il se peut que le DSIP ait eu en sa possession certains renseignements qui auraient justifié le refus, mais ceux-ci n'ont pas été fournis au Tribunal. La preuve dont nous avons été saisis est que le DSSS estimait que, suivant sa catégorie médicale et son état de santé actuel, Mme Dunmall pouvait obtenir une dispense et être embauchée. La décision de refuser d'enrôler Mme Dunmall qui aurait reposé sur les mêmes motifs, c'est-à-dire la catégorie médicale et l'état de santé actuel, est incompatible avec l'opinion des autorités médicales. La preuve dont nous avons été saisis ne nous convainc pas que le refus d'accorder la dispense était raisonnablement nécessaire pour assurer l'exécution efficace et économique du travail sans mettre en danger l'employé, ses compagnons de travail et le public en général. Le critère objectif dégagé dans l'arrêt Etobicoke, précité, n'a donc pas été rempli. En l'espèce, les intimées ne se sont pas déchargées à notre avis du fardeau de la preuve qui leur incombait afin de nous permettre d'accueillir la défense de l'exigence professionnelle justifiée. Nous concluons que la preuve a corroboré la plainte qui fait l'objet de la présente enquête.

LES DOMMAGES-INTÉRETS

Les demandes de Mme Dunmall sont les suivantes :

  1. Deux ans de salaire correspondant à celui qui lui aurait été versé suivant le rang qu'elle aurait occupé si elle avait pu s'enrôler;
  2. Une indemnité pour préjudice moral;
  3. Des intérêts.

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LE SALAIRE

La plaignante admet que, si elle a droit à une indemnité pour l'occasion dont elle a été privée de toucher un salaire en tant qu'hygiéniste dentaire dans les Forces armées canadiennes, il faut en déduire le salaire qu'elle a retiré pendant la période où elle aurait vraisemblablement travaillé pour les Forces.

On a remis au tribunal les échelles salariales des hygiénistes dentaires pour les périodes commençant en avril 1981, en octobre 1981, en avril 1982 et en avril 1983 en ce qui concerne les divers grades, du simple soldat à l'adjudant-maître. Si on se fonde sur la preuve qui indique que la plaignante aurait vraisemblablement été rengagée au rang de sergent, en février 1982, son salaire mensuel brut aurait été de 1 824 $ pendant deux mois, et ensuite de 2 040 $ pendant une période de 12 mois à partir d'avril 1982 et de 2 159 $ pendant une période de 10 mois à partir d'avril 1983.

Le salaire brut reçu par la plaignante à la compagnie Associated Crown & Bridge Laboratory Ltd. du mois de janvier au 30 juin 1982 a été de 7 197,45 $. A titre de mesures prises pour atténuer les dommages, il faut déduire le salaire qu'elle a reçu de février à juin 1982, soit la somme de 5 997 $.

La plaignante a reçu 1 620 $ en prestations d'assurance-chômage en 1982 (après le 30 juin) et 5 112 $ en 1983.

Les articles 37 et 38 de la Loi sur l'assurance-chômage, L.R.C. (1985), ch. U-1, prévoient que le prestataire qui reçoit une indemnité au titre des pertes de salaire pour une période donnée doit rembourser les prestations d'assurance-chômage qu'il a reçues au cours de cette période. Les prestations d'assurance-chômage versées à la plaignante au cours de la période en cause doivent être déduites du montant auquel elle a droit. Toutefois, les intimées devraient verser cette somme au receveur général du Canada.

La plaignante a réclamé des pertes de salaire pour une période de deux ans en invoquant qu'on lui avait refusé un poste la première année et que la durée de son engagement aurait pu être prolongée d'une autre année.

Les intimées ont tenté de prouver, grâce au témoignage du lieutenant-colonel Moffatt, que même si la plaignante avait été inscrite sur la liste de la réserve supplémentaire, elle n'aurait pu être embauchée en raison de certaines priorités dans les demandes d'effectifs. Bien que la preuve ait indiqué qu'à l'époque en cause, 16 des 17 postes existant dans les services dentaires à la base de Winnipeg étaient dotés, elle a également démontré qu'un poste était devenu vacant en février 1982 par suite de la retraite d'un hygiéniste dentaire. Le témoignage du lieutenant-colonel Moffat ne concernait que les postes et les effectifs à Winnipeg et non les emplois d'hygiénistes dentaires ailleurs. En outre, il n'a pas été question dans son témoignage du nombre de postes vacants qui

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ont été comblés. Enfin, nous devons accorder du poids à la lettre datée du 21 septembre 1981 que le commandant de la 14e Unité dentaire, le colonel Richardson, a adressée à Mme Dunmall et qui portait :

[TRADUCTION]

Nous avons des postes d'hygiénistes (Pièce R-1, onglet 2) ainsi qu'à sa lettre datée du 29 septembre 1981 (pièce R-11) adressée à l'ARAF dans laquelle il demandait qu'il soit donné suite à la demande d'enrôlement de Mme Dunmall. Même s'il n'était pas habilité à prendre une décision finale quant à l'embauche de Mme Dunmall, on n'a fourni aucun élément de preuve pour indiquer que sa demande n'aurait pas eu une influence importante sur cette décision.

Mme Dunmall n'avait pas obtenu une habilitation de sécurité, mais rien dans la preuve n'indique que cela aurait posé un problème dans son cas.

Nous concluons qu'il était raisonnablement probable que Mme Dunmall puisse être embauchée. Suivant l'OAFC 9-54, la durée d'emploi du personnel de la force de réserve de classe C était habituellement de 3 à 12 mois même si, dans des circonstances exceptionnelles, elle pouvait être plus longue. Mme Dunmall a déclaré dans son témoignage qu'elle avait envisagé de présenter sa candidature à un emploi de la classe B, mais que le colonel Richardson lui avait dit que cela ne lui conviendrait pas car la durée d'un tel emploi ne serait que de trois mois. Il est par conséquent improbable qu'elle aurait été embauchée dans la classe C pour une période de trois mois seulement.

Toutefois, la preuve qu'il existait des circonstances exceptionnelles qui auraient permis de fixer à plus d'un an la durée de son emploi à un poste de la classe C est mince. Le professeur Margery Forgay, directrice intérimaire de l'École d'hygiène dentaire de l'Université du Manitoba a déclaré dans son témoignage qu'il y avait pénurie d'hygiénistes dentaires à l'époque en cause. Cependant, à notre avis, ce témoignage ne suffit pas, compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, pour nous permettre de conclure que les circonstances exceptionnelles dont il est question à l'article 4 de l'OAFC 9-54 existaient et que Mme Dunmall aurait pu être engagée pour une période supérieure à un an.

Compte tenu des circonstances, nous estimons qu'il y avait des chances raisonnables que Mme Dunmall puisse être employée pour une période d'un an dans un poste de la force de réserve de classe C à titre d'hygiéniste dentaire et au rang de sergent. En conséquence, nous lui accordons le salaire qu'elle aurait reçu à titre de sergent pendant un an pour la période du 1er février 1982 au 31 janvier 1983.

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LES DOMMAGES-INTÉRETS EN VERTU DE L'ALINÉA 53(3)b)

L'avocat de la plaignante a demandé, en vertu de l'alinéa 53(3)b) de la Loi, une indemnité pour préjudice moral. La preuve indique que la plaignante a bel et bien subi un préjudice moral. Elle a déclaré qu'elle s'était sentie anéantie après le rejet de sa candidature. De plus, le refus d'une dispense semble avoir été arbitraire. Le Tribunal accorde 2 500 $ à la plaignante en vertu de l'alinéa 53(3)b).

L'INTÉRET

On a laissé comprendre au Tribunal que la question de l'intérêt faisait actuellement l'objet d'un appel interjeté devant la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Morgan c. Forces armées canadiennes (no du greffe: A-741-90). Il serait donc inutile pour le tribunal de s'engager dans une analyse du fondement juridique de la réclamation de l'intérêt. En fait, les avocats ne se sont pas attardés sur cette question. Pour les motifs du tribunal dans l'affaire Morgan c. Forces armées canadiennes (1989), 10 CHRRD/6386, et du tribunal d'appel dans la même affaire (1990), 13 CHRRD/42, nous inclurions dans l'indemnité payable à la plaignante un intérêt sur les salaires. Dans l'affaire Morgan, précitée, on a utilisé le taux des obligations d'épargne du Canada. Toutefois, nous estimons qu'il n'y a aucun rapport entre le taux d'intérêt des obligations d'épargne du Canada, qui se rapproche du taux d'emprunt le plus favorable pour le gouvernement du Canada, et le loyer de l'argent pour les particuliers. L'octroi des intérêts a pour objet d'accorder une réparation complète aux plaignants (Procureur général du Canada c. Rosin (1990), 34 C.C.E.L. 179 à la p. 200). Nous fixons le taux d'intérêt au taux préférentiel de la Banque royale du Canada plus un, ce qui se rapproche probablement du taux d'emprunt le plus favorable consenti aux particuliers.

La période couverte devrait commencer à la date à laquelle Mme Dunmall aurait été payée si elle avait été engagée le 1er février 1982, et elle prendrait fin à la date du paiement. Le montant sur lequel l'intérêt est dû est celui qui aurait été versé à Mme Dunmall par les Forces armées canadiennes moins les sommes qu'elle a reçues de la compagnie Associated Crown & Bridge Laboratory Ltd. et les prestations d'assurance- chômage. Un intérêt doit être également payé au receveur général du Canada sur les prestations d'assurance-chômage versées à Mme Dunmall à partir de la date à laquelle ces prestations lui ont été versées jusqu'au moment du paiement. L'intérêt sera composé annuellement.

L'IMPOT SUR LE REVENU

Les intimées devront retenir à la source et remettre directement au receveur général du Canada toute somme représentant l'impôt sur le revenu dû par la plaignante sur l'indemnité accordée aux présentes.

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LES CALCULS DÉTAILLÉS

Advenant le cas où les parties seraient incapables de s'entendre sur les calculs détaillés, le présent Tribunal aura compétence, sur demande présentée à cet effet dans les 45 jours suivant la date du prononcé de la présente décision, pour déterminer les sommes payables à Mme Dunmall et au receveur général du Canada.

ORDONNANCES

1. Ayant conclu que la plainte qui fait l'objet de la présente enquête a été corroborée par la preuve, le tribunal ordonne aux intimées d'indemniser la plaignante en lui versant les sommes suivantes :

a) Le salaire brut d'un sergent pour la période du 1er février 1982 au 31 janvier 1983 suivant l'échelle salariale alors applicable moins :

(i) le salaire versé à la plaignante par Associated Crown & Bridge Laboratory Ltd. pour la période du 1er février au 30 juin 1982;

(ii) les prestations d'assurance-chômage touchées par la plaignante pour la période du 1er juillet 1982 au 31 janvier 1983.

b) L'intérêt composé annuellement, au taux préférentiel établi par la Banque royale du Canada plus un, sur le salaire brut moins les prestations d'assurance-chômage et moins le salaire reçu de la compagnie Associated Crown & Bridge Laboratory Ltd. jusqu'à la date du paiement.

c) Une indemnité de 2 500 $ pour préjudice moral.

2. Les intimées devront payer au receveur général du Canada le montant de l'assurance-chômage versé à la plaignante du 1er juillet 1982 au 31 janvier 1983 ainsi que les intérêts sur cette somme, composés annuellement au taux préférentiel de la Banque royale du Canada plus un jusqu'à la date du règlement.

3. Les intimées devront en outre retenir à la source et remettre directement au receveur général du Canada toute somme qui doit être versée au titre de l'impôt sur le revenu relativement à l'indemnité accordée aux présentes.

FAIT le 29 août 1991.

Marshall E. Rothstein, président

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Donna M. Gillis

Raymond W. Kirzinger

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ADDENDUM

REMARQUES DU PRÉSIDENT ET DE M. KIRZINGER SUR LA QUESTION DU RETARD

La plainte dont il est question en l'espèce a été déposée le 21 juillet 1982. Elle a finalement été instruite à l'automne 1990, environ huit ans après son dépôt. Il est vrai qu'il s'agissait d'une affaire complexe, nécessitant l'examen de questions juridiques difficiles et en pleine évolution. En fait, le tribunal a dû prendre beaucoup de temps pour rendre sa décision.

Toutefois, aucune explication n'a été fournie pour indiquer pourquoi il s'était écoulé huit ans avant le début de l'instruction de la plainte. On a demandé à toutes les parties d'expliquer le retard. Les avocats qui ont comparu devant nous n'étant pas ceux qui se sont occupés de l'affaire dès le départ, ils n'ont pu nous éclairer sur le motif du retard. Interrogée sur cette question, Mme Dunmall a déclaré qu'elle s'était informée de temps à autre mais qu'elle n'avait jamais reçu d'explications.

Nous pouvons seulement conclure que Mme Dunmall a été la victime soit de la lenteur administrative des Forces armées canadiennes soit de celle de la Commission canadienne des droits de la personne soit des deux. Pour une raison ou pour une autre, on a permis que son cas traîne pendant une période tout à fait inacceptable. (Nos remarques ne s'adressent nullement aux avocats ayant comparu devant nous étant donné qu'ils ont commencé à s'occuper de ce dossier peu de temps avant le début de l'audience et qu'ils ont contribué au déroulement rapide des procédures.) Nous regrettons de ne pas avoir la compétence nécessaire pour accorder une indemnité à Mme Dunmall pour la frustration qu'elle a ressentie et le retard qui a été provoqué par des personnes et des considérations qui échappaient totalement à son contrôle.

FAIT le 29 août 1991.

Marshall E. Rothstein, président

Raymon W. Kirzinger

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