Tribunal canadien des droits de la personne

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Canadian Human Rights Tribunal Tribunal canadien des droits de la personne

ENTRE :

SYNDICAT CANADIEN DES COMMUNICATIONS,
DE L'ÉNERGIE ET DU PAPIER,
FEMMES-ACTION

les plaignants

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

BELL CANADA

l'intimée

DÉCISION CONCERNANT LA DIVULGATION
ET LA PRODUCTION DE DOCUMENTS

2003 TCDP 1
2003/01/10

MEMBRES INSTRUCTEURS : J. Grant Sinclair, président

Pierre Deschamps, membre

[TRADUCTION]

[1] La présente décision porte sur deux requêtes. Une de ces requêtes a été présentée par la Commission canadienne des droits de la personne et l'autre, par le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier (SCEP). L'une et l'autre requête vise à obtenir du Tribunal une ordonnance enjoignant Bell Canada de divulguer et de produire à leur intention les documents énumérés dans les avis de requête. La Commission et le SCEP ont fait valoir que les documents en question pourraient être pertinents à l'égard des questions à examiner en l'espèce.

[2] Bell s'est opposée aux deux requêtes pour les motifs énoncés ci-après.

  1. Ces requêtes, de par la portée, leur ampleur et leur nature, sont indûment onéreuses pour Bell, compte tenu du temps qu'il faudrait pour chercher les documents et des coûts que cette recherche impliquerait.
  2. La Commission et le SCEP ont précisé dès le départ que les seuls documents sur lesquels ils se fonderaient pour présenter leur argumentation étaient les 74 documents produits dans le cadre de l'étude conjointe que la Commission et le SCEP avaient choisis parmi la multitude de documents issus de cette même étude. Bell a dit s'être fiée à cette affirmation pour préparer sa défense et mener ses contre-interrogatoires. En ordonnant la divulgation d'autres documents à ce stade-ci de l'audience, on permettrait à la Commission et au SCEP de modifier sensiblement leur preuve au détriment de Bell; ils devraient être irrecevables à le faire ou réputés avoir renoncé à leur droit à la divulgation d'autres documents.
  3. La Commission et le SCEP, sachant que Bell contestait la validité de l'étude conjointe aux fins de l'article 11 de la Loi, auraient dû raisonnablement prévoir qu'ils auraient besoin de plus de 74 documents pour présenter leur cause. Aussi leur demande est-elle inopportune et préjudiciable envers Bell.

[3] La Commission et le SCEP ont constamment maintenu la position que leur cause repose sur l'étude conjointe et qu'ils s'en remettraient aux 74 documents relatifs à cette étude qu'ils avaient identifiés pour plaider leur cause.

[4] L'instruction des plaintes devant ce Tribunal a débuté en janvier 1999. Le Tribunal a tranché un certain nombre de requêtes préliminaires présentées par Bell, de sorte que l'audience sur le fond des plaintes n'a commencé que le 17 avril 2000. La règle 6 des Règles de procédure provisoires du Tribunal exige que chaque partie donne un avis écrit relativement aux divers documents qu'elle a en sa possession et qui sont pertinents à l'égard de toute question en cause. Aucune des parties n'a fait une telle divulgation ni demandé au Tribunal à quelque moment que ce soit de rendre une ordonnance à cet effet.

[5] L'audience sur le fond s'est poursuivie jusqu'au 2 novembre 2000, date où la Section de première instance de la Cour fédérale a ordonné la suspension de l'instance en raison de la partialité institutionnelle du Tribunal. La procédure a repris le 10 septembre 2001, après que la Cour d'appel fédérale eut renversé la décision de la Section de première instance.

[6] Le dossier indique que la Commission et le SCEP ont tous deux présenté des requêtes en vue de la divulgation d'autres documents que les 74 documents relatifs à l'étude conjointe. Le 25 avril 2000, Bell a fourni à la demande de la Commission les circulaires générales ayant rapport à la question de l'effectif. Le 5 septembre 2001, le SCEP a demandé à Bell les documents ayant trait aux données sur l'effectif, les documents relatifs à la pièce HR-76 et les rapports ou analyses portant sur la fiabilité de l'étude conjointe que Bell a en main.

[7] Durant la semaine d'audience du 22 janvier 2002, il est devenu évident aux yeux du Tribunal que les éléments qui feraient partie de la preuve de chacune des parties n'avaient pas été pleinement circonscrits. À ce moment-là, l'avocat de la Commission a dit au Tribunal qu'il n'avait aucune idée de la teneur de la défense de Bell. L'avocat de Bell, pour sa part, a affirmé que Bell ne connaissait pas la preuve de la Commission. En outre, l'avocat du SCEP a indiqué au Tribunal que des demandes de divulgation étaient en suspens et qu'on devrait s'efforcer de les résoudre par l'entremise des avocats, à défaut de quoi le SCEP demanderait au Tribunal une ordonnance générale de divulgation.

[8] Dans une tentative pour définir les points à examiner et résoudre les questions relatives à la divulgation, le Tribunal, avec l'accord des parties, a demandé à chacune d'elles de produire un mémoire indiquant les faits pertinents à démontrer, les éléments juridiques que soulève l'affaire, les témoins à citer et les mesures de redressement demandées. Le Tribunal, encore une fois avec l'accord des parties, n'a pas rendu d'ordonnance générale de divulgation, laissant aux parties le soin de régler les questions de divulgation en toute bonne foi. S'il devait surgir un différend en matière de divulgation, le Tribunal veillerait à le trancher.

[9] La Commission, l'ACET, le SCEP et Femmes-Action ont déposé leur mémoire le 2 avril 2002 et Bell a présenté le sien le 13 mai 2002. Les parties ont poursuivi depuis lors leurs discussions au sujet de la divulgation des documents, mais elles n'ont pas réussi à s'entendre; d'où la présentation des deux requêtes.

[10] Sur la foi de la preuve, et eu égard à ce que nous savons au sujet des questions en cause, nous avons conclu que les documents demandés répondaient au critère de la pertinence possible, conclusion que Bell n'a pas sérieusement contestée.

[11] En ce qui concerne le caractère onéreux de la demande de divulgation, la preuve présentée à l'égard des requêtes indique que les documents demandés se trouvent dans six à huit classeurs situés dans les bureaux de Bell, au 1000, rue de la Gauchetière, à Montréal. En outre, l'avocat de Bell a informé le Tribunal qu'on n'avait trouvé aucune documentation relative au JEWC à cet endroit. Par conséquent, l'avocat de la Commission a retiré la demande de divulgation visant les documents JEWC, à moins que Bell, de sa propre initiative, puisse les dénicher ailleurs. Dans les circonstances, l'avocat de Bell a admis que la recherche des documents qui se trouvent exclusivement au 1000, rue de la Gauchetière, ne constituerait pas une tâche trop onéreuse. Nous partageons cet avis.

[12] Voilà qui est suffisant à notre avis pour trancher les deux requêtes. La Commission et le SCEP ont demandé la divulgation et la production des documents énumérés dans l'une et l'autre requête. Nous ne voyons pas en quoi la divulgation porterait préjudice à Bell. Bell est libre de s'opposer à la production des documents divulgués. Bell est libre de contester la recevabilité en preuve de l'un quelconque des documents divulgués ou produits. À notre avis, les arguments de Bell au sujet de la renonciation, de la préclusion ou de la perspective raisonnable sont prématurés.

ORDONNANCE

Le Tribunal fait droit aux requêtes et rend l'ordonnance suivante :

  1. Bell dressera, de façon opportune et en déployant tous les efforts raisonnables, la liste de tous les documents qui se rapportent à l'étude conjointe et dont il est fait mention dans le témoignage de Linda Benwell, documents qui se trouvent dans les classeurs dans les locaux de Bell Canada, situés au 1000, rue de la Gauchetière, à Montréal. La liste comprendra tout document relatif au processus d'évaluation des emplois du JEWC ainsi que tout exemplaire imprimé des communications électroniques, de la correspondance ou des documents pour la période 1991-1993, qui ont été préparés par Michèle Boyer, André Beaudet, Matina Bisbicos ou Louise Belle-Isle.
  2. Si Bell ne trouve pas de documents touchant le JEWC dans ses bureaux du 1000, rue de la Gauchetière, la société n'est pas tenue de chercher ailleurs en vue de trouver de tels documents.
  3. Bell est seulement tenue de chercher les communications électroniques, la correspondance ou les documents qui se rapportent à l'étude conjointe et qui sont mentionnés au paragraphe 1 ci-dessus.
  4. Bell doit faire parvenir à la Commission et au SCEP la liste des documents mentionnés au paragraphe 1 et, dans l'éventualité où Bell, de sa propre initiative, trouve des documents qui se rapportent au JEWC à quelque autre endroit, la société fournira à la Commission et au SCEP la liste de ces documents.
  5. Bell produira les exemplaires de tous les documents indiqués sur les listes et qui sont mentionnés au paragraphe 4, comme le lui ont demandé la Commission et le SCEP.
  6. Bell fera également parvenir au SCEP les exemplaires des documents demandés par le SCEP aux paragraphes 3j) et 3k) de son avis de requête.
  7. Tout coût excessif engagé par Bell pour photocopier les documents mentionnés aux paragraphes 5 et 6 seront acquittés par la Commission et le SCEP.
  8. L'audience prévue la semaine du lundi 13 janvier 2003 est reportée au lundi 27 janvier 2003. Dans la mesure où Bell conteste l'ordonnance de production de documents énoncée aux paragraphes 5 et 6 ci-dessus, le Tribunal, sur présentation d'une requête, entendra l'affaire à compter du lundi 27 janvier 2003. Si Bell ne conteste pas l'ordonnance de production de documents, l'audience sur le bien-fondé de l'affaire reprendra le 27 janvier 2003.
  9. Si Bell est dans l'impossibilité de respecter l'échéancier établi concernant la communication et la production de documents, la société devra en informer le Tribunal qui prendra une décision en conséquence.
    Originale signée par

J. Grant Sinclair, président

Pierre Deschamps, membre

OTTAWA (Ontario)

Le 10 janvier 2003

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL NO : T503/2098

INTITULÉ DE LA CAUSE : SCEP et autres c. Bell Canada

LIEU DE L'AUDIENCE : Ottawa (Ontario)

du 16 au 20 décembre 2002

DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL : le 10 janvier 2003

ONT COMPARU :

Peter Engelmann au nom du SCEP

Francine Charron et Marc Pilon au nom de Femmes-Action

Andrew Raven et Patrick O'Rourke au nom de la Commission canadienne des droits de la personne

Gary Rosen, Peter Mantas et Guy Dufort au nom de Bell Canada

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