Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

D.T. 1/97 Décision rendue le 10 janvier 1997

LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE L.R.C. 1985, chap. H-6 (version modifiée)

TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE

ENTRE : PETER CRANSTON, HARVEY POWELL, ROBERT BISSON, DONALD J. ALLIN, JOHN THORPE, JOHN G. BURKE, DENNIS BISSON, LORNE VICKERS, JACQUES H. BRULE, Wm. N. DEVINE, DONALD WILLIAMS, LYMAN H. GILKS, ROBERT GRAHAM, JOHN WOODLEY, GARY BROWN, PIERRE LALIBERTE, ROBERT CASKIE, JOHN D. SQUIRES, MARCEL LAROCHE, PAUL CARSON, DAVID FALARDEAU, Wm. L. MACINNIS, A.M. CHIASSON, JOE CZAJA, LEONARD MURRAY & Chas. L. EMPEY les plaignants - et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE la Commission - et -

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA l'intimée

DÉCISION DU TRIBUNAL

TRIBUNAL : Anne L. Mactavish - présidente Reva Devins - membre Murthy Ghandikota - membre

ONT COMPARU : René Duval et Hélène Sioui Trudel, Avocats de la Commission canadienne des droits de la personne Joseph de Pencier et le major Ed Gallagher, avocats de Sa Majesté la Reine

Peter Cranston, pour lui-même et pour les plaignants

DATES ET LIEU Les 19, 20 et 21 août 1996 DE L'AUDIENCE : Ottawa (Ontario)

TABLE DES MATIERES

I. LES FAITS

II. LES PLAINTES

III. LA PREUVE

a) La directive du Premier ministre

b) Mise en oeuvre de la directive du Premier ministre

(i) Décision de militariser le Service

(ii) Réunion du 30 janvier

(iii)Achat d'appareils Challenger

(iv) Réunion du 26 avril

(v) Protocole d'entente

c) Efforts en matière de réinstallation

IV. ANALYSE

a) Norme de preuve et fardeau de la preuve

b) Rôle de la discrimination

c) Nature de la discrimination

d) Application de la loi aux faits

(i) Décision de militariser

(ii) Exigence professionnelle justifiée

(iii)Défaut des plaignants d'essayer de s'enrôler

(iv) Responsabilité du ministère des Transports

(v) Mesures d'adaptation raisonnables

V. DOMMAGES-INTÉRETS

a) Réintégration

b) Perte de salaire

(i) Période de rémunération

(ii) Salaire de comparaison

(iii) Déductions du revenu gagné

(iv) Détermination des dommages-intérêts dans chaque cas

c) Perte d'autres prestations d'emploi

d) Perte d'un emploi amusant

e) Préjudice moral

f) Intérêts

VI. ORDONNANCE

ANNEXE A

1

I. LES FAITS

La présente affaire porte sur des plaintes de discrimination fondée sur l'âge déposées en vertu des articles 7 et 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP).

L'affaire, qui découle d'événements qui se sont produits pour la plupart en 1984 et 1985, a une histoire longue et mouvementée. En 1988, un premier Tribunal a été constitué pour entendre ces plaintes. La procédure a pris fin sans que soit rendue de décision, lorsque la Commission canadienne des droits de la personne (<<CCDP>>) a déposé une demande de bref de certiorari et de bref de prohibition qui a été accueillie. Un deuxième Tribunal a alors été désigné. En 1991, ce Tribunal a entendu des témoignages et des arguments pendant 29 jours. Dans une décision unanime rendue en 1992, il a rejeté les plaintes.

La CCDP a ensuite demandé à la Cour fédérale, Section de première instance, un contrôle judiciaire de la décision du Tribunal. Le 5 avril 1994, l'honorable juge Cullen a fait droit à la demande et a renvoyé l'affaire à un Tribunal constitué différemment du précédent pour qu'il la réexamine à la lumière des motifs de la Cour fédérale. L'intimée a ensuite interjeté appel de la décision du juge Cullen devant la Cour d'appel fédérale. La Cour d'appel fédérale a confirmé à l'unanimité la décision de la Section de première instance, et elle a ordonné que le nouveau Tribunal qui entendrait l'affaire le fasse au vu du dossier existant, sans recevoir d'autres preuves.

A la suite d'une différence perçue entre les motifs de la Cour d'appel fédérale et le jugement formel, l'affaire a de nouveau été renvoyée à la Cour d'appel fédérale pour qu'elle fournisse des précisions. Le 15 mai 1996, le juge Hugessen a décidé que même si le présent Tribunal doit s'inspirer des motifs de la Cour d'appel fédérale, et qu'il est lié par ces motifs pour ce qui est des questions de droit qui ont été tranchées, les motifs ne règlent aucune question de fait dont le présent Tribunal est saisi, ni ne limitent autrement notre pouvoir discrétionnaire.

L'audience s'est déroulée conformément à ces règles.

II. LES PLAINTES

Les 26 plaignants étaient des employés du Service de vols pour dignitaires du ministère des Transports. Vingt d'entre eux travaillaient comme pilotes et six (MM. R. Bisson, Burke, Brule, Chiasson, Empey et Gilks) comme agents de bord. Ils ont tous déposé des plaintes contre le ministère de la Défense nationale (MDN) et le ministère des Transports (MDT), mais par la suite les noms des intimés ont été changés sur toutes les plaintes à celui de Sa Majesté la Reine.

Les plaintes sont essentiellement les mêmes dans chaque cas. En ce qui concerne MDN, il est allégué que le Ministère a agi de façon discriminatoire à l'endroit des plaignants en raison de leur âge, ce qui est contraire à l'article 7 de la LCDP. En outre, les plaignants allèguent que MDN a appliqué des lignes de conduite susceptibles d'annihiler les chances d'emploi ou d'avancement d'un individu ou d'une catégorie d'individus pour des raisons liées à l'âge, ce qui est contraire à l'article 10 de la LCDP.

En ce qui concerne les plaintes déposées à l'origine contre MDT, les plaignants allèguent que le Ministère a conclu une entente susceptible d'annihiler les chances d'emploi ou d'avancement d'une catégorie

2

d'individus, ce qui est contraire aux dispositions de l'article 10 de la LCDP.

III. LA PREUVE

a) Directive du Premier ministre

Avant 1986, le gouvernement fédéral assurait un service de transport aérien aux ministres du Cabinet et à d'autres dignitaires en se servant d'appareils et d'employés fournis par le Service de vols pour dignitaires de MDT ou par les Forces armées canadiennes (FAC). MDT assurait la majorité des vols (de 85 à 90 % - témoignage Cranston, volume 1 de la transcription, p. 22). (A moins d'indication contraire notée par une date, les références renvoient à la transcription de l'audience devant le deuxième Tribunal.) Les deux services avaient pour base l'aéroport d'Uplands à Ottawa, respectivement du côté civil et du côté militaire du terrain d'aviation.

Il est bien établi que le service offert par MDT était extrêmement compétent et professionnel, et que le Service de vols pour dignitaires avait un dossier de sécurité exemplaire. Ses pilotes étaient des gens qui avaient énormément d'expérience, et qui manifestement adoraient leur emploi prestigieux et fort excitant. Comme ces postes obligeaient leurs titulaires à passer de nombreuses heures en vol, ils étaient tout particulièrement attrayants pour les pilotes.

Il semble qu'il existait une rivalité de longue date entre le Service de vols pour dignitaires de MDT et les FAC, et que les FAC cherchaient depuis de nombreuses années à se faire confier la responsabilité du transport des ministres du Cabinet (témoignage Squires, volume 8 de la transcription, p. 1265).

Le 2 novembre 1984, le Premier ministre Brian Mulroney a ordonné que le Service de vols pour dignitaires, qui relevait à l'époque de MDT, soit transféré à MDN. Il a donné comme motifs [traduction] des facteurs d'économie et d'efficacité (pièce R-1, volume 1, onglet 1). Le Premier ministre a en outre ordonné que le transfert se fasse d'une façon équitable et juste, de façon à créer le moins de difficultés possibles pour le personnel.

Il y a lieu de souligner que dans la directive du Premier ministre, il est indiqué que la responsabilité du Service de vols pour dignitaires devait être transférée à MDN par opposition aux FAC. MDN a une composante militaire et une composante civile. La composante militaire, soit les Forces armées canadiennes, est dirigée par le chef d'état-major de la Défense qui relève du ministre de la Défense nationale. La composante civile rend compte au ministre par l'entremise du sous-ministre de la Défense (témoignage Mainguy, volume 18 de la transcription, pp. 2759-2764).

Le 9 novembre 1994, le ministre des Transports, Don Mazankowski, a écrit au sous-ministre des Transports au sujet de la directive du Premier ministre. Dans sa note, M. Mazankowski ordonnait que le transfert se fasse immédiatement, et il ajoutait, entre autres, ce qui suit :

[Traduction]

«Les pilotes qui travaillent actuellement pour le ministère des Transports et plus particulièrement ceux qui sont affectés à l'Administration canadienne des transports aériens doivent, s'ils le désirent, être intégrés au ministère de la Défense nationale pour fournir des services de vols pour dignitaires, et leurs

3

états de service antérieurs doivent leur être entièrement crédités» (pièce R-1, volume 1, onglet 3).

Il ressort clairement de ces documents et des témoignages des plaignants qu'un grand nombre d'entre eux s'attendaient alors à pouvoir conserver leur emploi, assurant des services de vols pour dignitaires à l'intérieur de la nouvelle organisation sous les auspices de MDN.

Cette impression a sans aucun doute été renforcée par l'entretien qui a eu lieu entre deux des pilotes (MM. Falardeau et Vickers) et le Premier ministre le 11 décembre 1984. Selon MM. Falardeau et Vickers, au cours d'un entretien qu'il a eu avec eux à la fin d'un vol à destination d'Ottawa, le Premier ministre leur aurait dit que tout leur groupe serait transféré à MDN, et qu'ils continueraient à occuper leurs postes civils aux côtés du personnel militaire (témoignage Falardeau, volume 5 de la transcription, pp. 735-736, témoignage Vickers, volume 5 de la transcription, pp. 819-820).

A part les propos attribués au Premier ministre et mentionnés ci-dessus, il n'est pas clair d'après la preuve si le Premier ministre avait l'intention de faire du nouveau service fusionné une opération militaire ou une opération militaire/civile mixte, ou en fait s'il avait déjà réfléchi à la question. Il est clair, toutefois, qu'il avait l'intention de remplacer deux organisations parallèles par une seule, par souci d'économie et d'efficacité.

Au cours de l'audience devant le présent Tribunal, la CCDP a reconnu que la décision du Premier ministre de fusionner ces services n'avait absolument rien à voir avec l'âge des plaignants, et que tout acte discriminatoire qui aurait pu être commis l'a été dans le contexte de la mise en oeuvre de la décision. (Arguments de Me Duval, transcription, 19 août 1996, p. 70). Cela est conforme aux conclusions auxquelles sont arrivées la Cour fédérale, Section de première instance (22 C.H.R.R. D/40 à la p. D/48) et la Cour d'appel fédérale (192 N.R. 125 à la p. 130).

b) Mise en oeuvre de la directive du Premier ministre

Le transfert d'un service d'un ministère à un autre est une affaire complexe, qui nécessite la prise d'une multitude de décisions à de nombreux niveaux, ainsi que l'application de diverses politiques au cours du processus. Dans l'affaire qui nous intéresse, il y avait deux importantes décisions qui devaient être prises et qui avaient des conséquences directes pour les plaignants. Ces décisions étaient les suivantes :

  1. si le Service de transport aérien de MDN serait une opération exclusivement militaire ou une opération civile/militaire mixte;
  2. si les plaignants auraient un emploi auprès de la nouvelle organisation.

Pour donner suite à la directive du Premier ministre, on a créé une série de comités, y compris un Groupe directeur interministériel composé de représentants de rang élevé de MDT, MDN, du Conseil du Trésor et du Bureau du Conseil privé, ainsi qu'un Groupe de travail interministériel qui devait se pencher sur les détails du transfert. En outre, des comités internes ont été mis sur pied dans chacun des ministères touchés. Ces divers comités se réunissaient régulièrement, et les comptes rendus d'un grand nombre de leurs réunions ont été déposés en preuve au cours de la présente procédure.

L'une des questions plus fondamentales à trancher tenait à la nature ou au caractère de la nouvelle organisation.

4

(i) Décision de militariser le Service

Afin de mettre en place un mécanisme qui permettrait de réaliser le transfert d'une façon méthodique, on a rédigé une directive d'exécution interministérielle qui décrivait la façon dont les parties devaient procéder (pièce R-1, volume 1, onglet 4). Le document ne porte pas de date, mais il semble avoir été rédigé à la fin de 1984. Il n'est pas question, dans la directive d'exécution, du type d'organisation qui assurerait le service fusionné, mais il y est mentionné ce qui suit :

[Traduction]

On publiera un communiqué où il sera indiqué que MDT et MDN ont l'intention de procéder par étapes pour le transfert des responsabilités, et que les employés de MDT n'ont nullement à craindre de perdre leur emploi...

Il était en outre mentionné que le Groupe de travail interministériel (GTI)

[Traduction]

...examinerait toutes les options possibles relatives à la réinstallation des employés de MDT actuellement affectés à des activités liées au Service de vols pour dignitaires.

Enfin, il était dit dans la directive d'exécution que MDN se chargerait immédiatement de l'attribution des tâches pour tous les vols ayant pour objet le transport de ministres. A compter du 15 janvier, MDN devait assumer la responsabilité du Centre de coordination des vols, et tous les services de vols pour dignitaires devaient être offerts à partir de la BFC à Ottawa. Au moins certains des agents techniques d'exploitation de MDT sont en fait devenus des employés de MDN.

Il ressort clairement de toute la preuve que dès le début, les FAC étaient déterminées à voir le Service de vols pour dignitaires de MDT passer sous leur contrôle le plus rapidement possible. Parallèlement, les FAC se montraient considérablement réfractaires à l'idée que des employés de MDT travaillent comme civils à l'intérieur de MDN. En fait, lors de la première réunion entre les deux ministères, qui a eu lieu le 21 novembre, seulement une journée après le communiqué de presse des ministres, la discussion suivante a eu lieu :

[Traduction]

Le président [Donald Lamont] a mentionné que les employés de MDT touchés seraient mutés à MDN. MDN s'est dit préoccupé par le fait que du personnel non militaire piloterait de ses appareils, ainsi que par la façon dont il pourrait absorber le personnel de maintenance civil qui se joindrait à l'organisation... MDN a affirmé qu'il ne voyait pas comment les pilotes, le personnel de maintenance ou les agents de bord pourraient fonctionner comme civils à l'intérieur du Ministère, car leur présence créerait beaucoup de problèmes sur le plan du personnel. (Pièce R-20).

Donald Lamont qui, outre qu'il était président MDT du Groupe de travail interministériel, était aussi membre du Comité directeur, a affirmé que les premières impressions qui se dégageaient de ses entretiens avec des représentants de MDN confirmaient qu'il ne serait peut-être pas possible de

5

muter à MDN les pilotes et le personnel de maintenance de MDT en raison des [traduction] exigences opérationnelles militaires de MDN (pièce R-21).

M. Lamont a témoigné qu'à son avis, exigences opérationnelles militaires était une expression utilisée par MDN en l'absence d'une raison valable de ne pas accepter les pilotes ou le personnel de maintenance de MDT. Selon M. Lamont, les seuls points invoqués par MDN pour appuyer sa position étaient les écarts salariaux entre le personnel de MDT et celui de MDN, et l'âge des employés de MDT. M. Lamont a affirmé qu'on lui avait dit que les pilotes de MDN devaient quitter le service de vol actif à l'âge de 40 ans, et que l'on estimait que les pilotes de MDT, qui étaient plus âgés, ne pourraient pas s'intégrer en raison de la différence d'âge (volume 12 de la transcription, pp. 1839-1840 et pp. 1948-1951).

Au moment même où ces discussions avaient lieu, on se penchait à MDN sur la question de savoir comment intégrer le Service de vols de MDT.

A MDN, le groupe chargé du transfert était dirigé par le vice-amiral Daniel Mainguy, qui était vice-chef d'état-major de la Défense. Du côté de MDN, le président du Groupe de travail interministériel était le brigadier général Jean Veronneau. Le brigadier général Ron Bell s'était vu confier la responsabilité des aspects personnel du transfert dans la mesure où ils concernaient les officiers.

Selon le témoignage du brigadier général Bell, il a, après s'être vu confier les tâches mentionnées ci-dessus, donné à un membre de son personnel, le lieutenant-colonel Scott, instruction de procéder à une étude des diverses options possibles, pour ce qui était des opérations aussi bien civiles que militaires.

Le lieutenant-colonel Scott a rédigé un document à la fin de décembre 1984 ou au début de janvier 1985 (pièce R-31, onglet 6).

Selon le brigadier général Bell, le document du lieutenant-colonel Scott était fondé sur des hypothèses, avec très peu d'apport de l'extérieur étant donné qu'il avait été préparé au tout début du processus. Le brigadier général Bell l'a qualifié de [traduction] document d'orientation, l'oeuvre :

[Traduction]

...d'un officier supérieur qui est intelligent et qui comprend les répercussions sur le plan du personnel et les répercussions sur le plan des opérations; qui réunira l'information alors disponible; qui proposera des options pour stimuler les discussions; et qui dira peut-être, voilà les meilleures options pour nos besoins. Cela ne veut pas dire que ces options seront retenues, mais au moins le document fournira une base dont on pourra s'inspirer. (Volume 20 de la transcription, p. 3008).

Aucune autre analyse approfondie des répercussions des diverses options n'a été effectuée, car selon le brigadier général Bell, [traduction] les circonstances sont intervenues.

Même si le document traite de diverses permutations et combinaisons des diverses options, dans les faits il avait été déterminé qu'il n'existait vraiment que trois options pour la dotation en personnel du service de vols pour dignitaires. Ces options, qui pouvaient être mises en oeuvre séparément ou être combinées, étaient les suivantes :

  1. personnel militaire exclusivement;
  2. embauche des employés de MDT comme réservistes;
  3. embauche des employés de MDT comme civils.

6

A la fin du document, il est mentionné que les trois options posent des problèmes, lesquels sont résumés de la façon suivante :

a. Personnel militaire exclusivement

(1) Il pourrait être difficile d'absorber les employés de MDT mis à pied, et cette solution pourrait ne pas être considérée comme étant compatible avec les instructions du PM, c'est-à-dire [illisible] les perturbations pour le personnel.

(2) La formation des employés des FC pour qu'ils puissent satisfaire aux exigences ne constitue pas un problème majeur pour les opérations liées au Challenger, mais elle serait longue et d'une durée indéterminée dans le cas des pilotes et techniciens du JetStar. Peu importe, il y aurait détérioration du service dans l'intervalle, à moins que TC ne maintienne les opérations avec le JetStar en attendant que des employés des FC soient formés.

b. Embauche des employés de MDT comme réservistes

(1) Cette option est plus ou moins acceptable d'un point de vue militaire, et elle comporte des problèmes particuliers en raison de l'âge des pilotes de TC. En outre, initier le personnel de TC à l'équipement et aux méthodes des FC pourrait poser un problème majeur.

Trouver suffisamment d'employés de TC qui soient motivés et désireux de faire le travail constituera probablement le plus gros problème. Ils seraient payés moins pour travailler plus longtemps, tout en étant obligés de porter un uniforme et de se soumettre au Code de discipline militaire. On s'attend que la plupart des employés de TC refuseraient cette option, et il faudrait alors avoir recours à du personnel supplémentaire des forces régulières pour faire le travail, et laisser TC régler le problème de l'absorption ou des mises à pied.

c. Embauche des employés de MDT comme civils

(1) Le principal problème que pose la mutation de civils à MDN tiendrait à son effet néfaste sur le moral des militaires, avec les conflits, la perte d'efficacité et les répercussions complexes sur le plan administratif qui en découleraient. Ces problèmes seraient de graves problèmes de gestion, difficiles à régler, les civils bénéficiant de droits acquis à un salaire plus élevé et de conventions collectives prévoyant le paiement des

7

heures supplémentaires, etc., qui feraient le même travail que leurs homologues militaires moins bien rémunérés.

(2) La façon la plus simple d'employer les civils de TC serait le détachement, en ce que le personnel de TC serait prêté pour une période limitée, c.-à-d. tant qu'on utiliserait le JetStar, et puis des employés des FC prendraient la relève.

(3) La formation pourrait être un problème si des pilotes non affectés au service de vols pour dignitaires sont mutés. (4) Le personnel de la maintenance jugerait restrictives les procédures des FC. (Pièce R-31, onglet 6, pp. 2-4, soulignement ajouté).

Dans le corps du document, on explique plus en détail les préoccupations concernant l'âge. Pour ce qui est de l'enrôlement dans les Réserves d'employés de MDT, on mentionne qu'il y aurait un problème pour le personnel militaire si les employés de MDT étaient autorisés à travailler au-delà de l'âge de 45 ans, étant donné que les capitaines dans les FAC obtiennent leur congé à 45 ans ou même plus tôt. On laisse entendre que cette inégalité créerait de la friction. En ce qui concerne les employés de MDT, on indique que l'âge créerait aussi un problème si les normes militaires étaient appliquées, car la plupart des pilotes n'auraient pas les qualités requises pour servir dans les forces armées. Selon le document, l'assouplissement de cette règle provoquerait une réaction négative de la part du personnel militaire.

Il importe de comprendre l'importance de la distinction établie dans le document entre les pilotes du JetStar et les pilotes du Challenger. Le Service des vols pour dignitaires à MDT utilisait les deux types d'appareils, et il comptait des pilotes et du personnel de maintenance qualifiés pour les deux. Les FAC utilisaient le Challenger, entre autres appareils, mais elles n'avaient pas de pilotes ni de personnel de maintenance qualifiés pour le JetStar. Cette situation créait d'autres problèmes pour ce qui est de l'intégration des deux services.

Dans son document de service, le lieutenant-colonel Scott a conclu que la meilleure option consistait en une solution par étapes, qui permettrait de transférer graduellement les responsabilités de MDT à MDN, une approche qui minimiserait les conséquences préjudiciables pour le personnel aussi bien de MDN que de MDT. Selon cet arrangement, le personnel de MDT continuerait à exploiter le JetStar jusqu'à ce que l'appareil soit complètement retiré du service, ce qui permettrait de maintenir les opérations et éviterait la nécessité de former du personnel militaire sur un appareil dont la durée de service était limitée (pièce R-31, onglet 6, pp. 5-6).

Pour atteindre cet objectif, le lieutenant-colonel Scott a recommandé que les pilotes et agents de bord du JetStar soient détachés auprès de MDN, pour s'acquitter de leurs tâches à titre contractuel (c.-à-d. comme civils) jusqu'au retrait du JetStar.

Donald Preston était le directeur régional de l'Administration du personnel civil (Ottawa) au ministère de la Défense nationale. A ce titre, il était responsable des questions de personnel touchant les employés

8

civils de MDN dans la région d'Ottawa. M. Preston était le conseiller du personnel civil auprès du comité MDN chargé du transfert. On a demandé à M. Preston son avis sur les options décrites dans le document de service du lieutenant-colonel Scott. En ce qui concerne les répercussions, sur le plan du personnel, de la mutation d'employés de MDT à MDN, M. Preston a conclu que d'un point de vue civil cela pouvait se faire, sans causer beaucoup de problèmes pour MDN. (Témoignage Preston, volume 18 de la transcription, pp. 2774-2775, et pièce R-31, onglet 2).

Le brigadier général Bell a témoigné au sujet de ce qui s'est produit par la suite :

[Traduction]

Q. Lorsque vous avez reçu ce document à l'onglet 6 de la pièce R-31, qu'en avez-vous fait?

R. Je l'ai étudié avec beaucoup d'intérêt, et je me suis assuré que les gens des opérations, le directeur général, avaient aussi eu l'occasion de l'examiner, car il y avait d'importantes répercussions sur le plan opérationnel. En fait, probablement plus de répercussions de nature opérationnelle que de tout autre nature.

Q. Etes-vous arrivé à des conclusions quant à savoir ce qui devrait être fait à la suite de la production de ce rapport?

R. En nous fondant sur ce rapport, et à la suite d'autres entretiens avec le groupe Veronneau, nous étions d'avis que l'opération devrait être une opération militaire.

Q. Pourquoi étiez-vous de cet avis?

R. Dans notre esprit, il y avait de nombreuses incompatibilités dans tout effort visant à recruter des civils et à créer une organisation civile distincte à l'intérieur des forces armées -- à l'intérieur de l'escadron 412 pour être exact.

Q. Pouvez-vous nous dire en quoi consistaient ces incompatibilités?

R. Il y en a quelques-unes qui me viennent automatiquement à l'esprit. Nous avons remarqué un vaste écart entre les deux dans les conditions d'emploi. Naturellement, les conditions d'emploi dans les forces armées sont très différentes des conditions d'emploi des civils dans la fonction publique. Aucun syndicat n'était visé. Les écarts salariaux étaient remarquables. Si je peux donner un exemple d'une moyenne, au niveau de lieutenant-capitaine, qui était le groupe prédominant dans l'escadron 412, le salaire se situait entre 30 et 35 000 $.

9

Les pilotes du service de vols pour dignitaires pouvaient toucher jusqu'à 61 000 $, avec la possibilité d'heures supplémentaires. Il y avait manifestement de nombreuses conventions collectives qui n'existaient pas dans les forces armées. Et il y avait un grand écart d'âge entre les groupes.

Q. L'écart d'âge était-il un facteur que vous aviez recensé au début de janvier 1985?

R. C'était sûrement l'un des facteurs, oui.

Q. Et quelle différence cela faisait-il dans votre esprit, cet écart d'âge?

R. Seulement parce que j'envisageais la question en fonction du groupe dans son ensemble. Je voyais les 20 pilotes et le service de vols pour dignitaires comme un groupe homogène, et je crois qu'au début sûrement de la façon dont nous voyions l'affaire, ils avaient l'intention de venir comme une entité.

Il était donc important de voir combien d'entre eux pourraient s'adapter à nos règles militaires, et combien étaient inadmissibles pour des raisons d'âge, étant donné que les forces armées obligent les gens à prendre leur retraite à 55 ans. (Volume 19 de la transcription, pp. 2860-2863, soulignement ajouté).

Manifestement, il avait été décidé à MDN, avant le 4 janvier 1985, que le Service de vols pour dignitaires deviendrait tôt ou tard un service militaire, quoique l'on songerait à un arrangement provisoire pour permettre le retrait graduel de l'appareil JetStar. (Voir pièce R-31, onglets 3 et 5).

On pourrait sûrement soutenir que ce résultat était à prévoir. Lorsqu'on lui a demandé si des membres de son personnel lui avaient parlé, avant le 7 janvier 1985, de la façon dont ils voyaient le Service de vols pour dignitaires une fois terminé le transfert, le vice-amiral Mainguy a répondu ce qui suit :

[Traduction]

«Eh bien, je ne pense pas que quelqu'un ait eu quelque doute que ce soit, une fois que la décision eut été prise d'aller de l'avant avec le transfert, et étant donné que toutes les opérations de vol de MDN sont effectuées par du personnel militaire, je ne crois pas qu'il y ait eu quelque doute que ce soit dans notre esprit que l'idée était d'en faire tôt ou tard une opération militaire. Et je crois que les membres du personnel l'ont confirmé, et je me suis dit d'accord...» (Volume 18 de la transcription, p. 2739)

Lors d'une réunion du Groupe de travail MDN tenue le 4 janvier 1985, on a mentionné que dans son document le lieutenant-colonel Scott recommandait à MDN de rejeter toute option sur le plan du personnel qui

10

prévoyait soit l'option du service en classe C (Réserves militaires) soit l'absorption dans une organisation civile à l'intérieur de MDN. Et c'est ce dont il a été convenu (pièce R-31, onglet 5, p. 2).

En ce qui concerne les agents de bord, il est mentionné dans le procès-verbal de cette réunion que l'utilisation d'agents de bord civils dans l'escadron 412 ne poserait probablement pas de problèmes insurmontables.

La première réunion du Groupe de travail interministériel a eu lieu le 7 janvier 1985. A cette réunion, le vice-amiral Mainguy a bien défini la position de MDN, affirmant que l'objectif à long terme de MDN était de disposer d'un Service de vols pour dignitaires entièrement militaire (pièce R-31, onglet 3, page 2; témoignage Mainguy, volume 19, p. 2831; témoignage Bell, volume 19, p. 2927).

Il était évident à ce moment-là que MDT et MDN s'attaquaient au problème sous des angles fondamentalement différents : MDN n'étant pas disposé à accepter les employés de MDT, et MDT considérant la responsabilité du sort de ces employés comme un problème de MDN (pièce R-30, onglet 3, p. 2; témoignage Bell, volume 18, p. 2933).

Les représentants de MDT qui faisaient partie des comités pertinents ont exercé de très fortes pressions pour que les employés du Service de vols pour dignitaires puissent passer à MDN. Toutefois, ces efforts se sont finalement soldés par un échec, car MDN a refusé de les accepter.

Même si l'on n'était arrivé à aucune entente définitive, il semblerait qu'à la fin de janvier 1985, il avait été décidé que le nouveau service de transport aérien deviendrait plus tard un service militaire, et que MDT avait accepté le fait que ses pilotes ne seraient pas acceptés par MDN en raison d'[traduction] exigences opérationnelles militaires. La situation des agents de bord à cette époque est moins claire, car il semblait qu'il y avait encore une légère possibilité qu'ils puissent être absorbés par MDN. Ce qu'on examinait à ce moment-là, c'était les arrangements transitoires à prendre pour garantir que l'on disposerait de pilotes et de personnel de maintenance qualifiés pour exploiter correctement les appareils JetStar pendant la durée de leur vie utile (pièce R-1, onglet 7). A ce moment-là, on s'attendait que le JetStar demeure en service pendant trois autres années.

(ii) Réunion du 30 janvier

Le 30 janvier 1985 a eu lieu une réunion des pilotes du Service de vols pour dignitaires, qui a été présidée par Don Lamont. Étaient également présents des représentants de MDN, y compris le brigadier général Bell et Donald Preston, ainsi que des agents du personnel de MDN et des représentants syndicaux. La réunion avait pour objet de mettre les pilotes au courant de l'état d'avancement des négociations.

De nombreux témoins ont déposé au sujet de ce qui a été dit au cours de cette réunion. Il est évident qu'il pourrait y avoir une certaine confusion dans leurs souvenirs entre ce qui s'est passé à la réunion et ce qui a peut-être été dit à une réunion subséquente tenue le 26 avril. Compte tenu du temps qui s'est écoulé entre les événements en question et le moment où les témoins ont déposé, cette confusion n'est guère étonnante. Pour cette raison, toutefois, on accordera davantage de poids aux notes rédigées par le plaignant William Devine au cours de la réunion (pièce R-16), et au compte rendu rédigé par M. Lamont peu de temps après (pièce R-1, onglet 9).

La partie pertinente du compte rendu de M. Lamont se lit comme il suit :

[Traduction]

11

M. Hunter [Service du personnel de MDT] a affirmé que même si aucune décision finale n'avait été prise, la principale option envisagée actuellement est que MDT exploite les deux Challenger jusqu'au 31 décembre 1985, et les JetStar pour une période d'au moins trois ans. Il a également déclaré que Transports Canada avait l'intention de s'assurer qu'aucun employé ne serait licencié en raison du transfert. Le brigadier général Bell a dit que même si l'on avait exploré de nombreuses options pour le transfert à MDN des pilotes du Service de vols pour dignitaires, y compris leur emploi à titre d'employés du service en classe C, il ne semble pas y avoir de façons possibles de les transférer. Il a mentionné qu'à long terme, il ne serait pas dans l'intérêt que ce soit des pilotes du Service de vols pour dignitaires ou des pilotes de l'escadron 412 de songer à un tel transfert. Un problème, parmi de nombreux autres, tient à ce que les prestations de pension du CPRFP ne peuvent être transférées directement au régime PRFC. En outre, la différence d'âge entre les deux groupes de pilotes a été mentionnée. (Soulignement ajouté)

Les notes de M. Devine prennent davantage la forme d'une transcription, et elles sont considérablement plus détaillées, même si elles ne se veulent pas un compte rendu sténographique de ce qui a été dit (témoignage Devine, volume 6 de la transcription, p. 942). Dans ses notes concernant la même partie de la réunion, M. Devine dit ce qui suit :

[Traduction]

Hunter - Aucune décision n'a encore été prise sur les méthodes à utiliser pour transférer le service de MDT à MDN. On a examiné diverses options, par exemple que les pilotes du Service de vols pour dignitaires deviennent des employés civils de MDN, que MDT continue à exploiter ses appareils, les Challenger jusqu'à la fin de 1985 et les Jetstar pendant au moins trois autres années. Les pilotes auraient encore accès à des postes qui deviendraient vacants à MDT.

Gén. Bell - Nous avons examiné la possibilité d'intégrer les pilotes du Service de vols pour dignitaires soit dans les forces régulières, soit dans la classe C, mais cela ne donnerait pas une bonne opération. L'âge maximum dans la classe C est 55 ans. Les échelles salariales seraient beaucoup plus faibles. Le grade de capitaine serait le grade le plus élevé. Cela n'est pas acceptable. Je ne vois pas comment on pourrait avoir un groupe où les jeunes pilotes du 412 se situeraient au-dessus de pilotes du Service de vols pour dignitaires plus âgés et plus expérimentés. Aucune transférabilité des pensions de MDT à MDN. Préfère l'approche contractuelle où MDT fournit les appareils et les équipages, et MDN absorbe les coûts. (Soulignement ajouté)

12

Dans ses notes, M. Devine mentionne également que M. Hunter a déclaré que le délai de trois ans pour l'exploitation du JetStar était très ferme.

Il y a également lieu de signaler une note de service rédigée par le brigadier général Bell le lendemain de la réunion, où il écrit que les pilotes ont été [traduction] stupéfiés par la nouvelle du transfert (pièce R-32, onglet 5). Le brigadier général Bell a expliqué qu'il avait eu l'impression que jusque-là, les pilotes ne savaient réellement pas à quel point les négociations avaient progressé (volume 19 de la transcription, p. 2882).

Pendant son témoignage, on a demandé au brigadier général Bell de fournir des précisions sur ses commentaires concernant le facteur âge :

[Traduction]

Q. Et avez-vous parlé, outre les difficultés, avez-vous décrit la nature des difficultés que vous prévoyiez?

R. Oui, j'en ai parlé.

Q. Quel genre de difficultés avez-vous dit aux pilotes que vous entrevoyiez?

R. Eh bien, je crois que j'ai déjà fourni quelques précisions, mais naturellement il y a des détails concernant la façon dont ils fonctionnaient à ce moment-là, c'est-à-dire qu'il y avait un système qui les protégeait beaucoup mieux pour ce qui était de leur droit de décider ce qu'ils voulaient faire, alors que la discipline dans les forces armées est beaucoup plus rigide, comme vous le savez, et les conditions d'emploi, en d'autres mots, disons que c'est cela en général.

Certainement le salaire, après la période de protection, et ils auraient fort bien pu être protégés pendant un an en raison des règles en vigueur à ce moment-là, mais après cette période la plupart d'entre eux se seraient probablement retrouvés au rang de capitaine, car vous ne recrutez pas des gens au rang de major, et vous n'en faites pas immédiatement des membres de la direction.

Par conséquent, leur salaire aurait diminué de façon spectaculaire. A l'époque, le salaire d'un capitaine se situait autour de 35 000 $.

Comme je vous l'ai déjà mentionné, si je me souviens bien leur échelle salariale allait jusqu'à 61 000 $ et, avec les heures supplémentaires, probablement plus de 70 dans certains cas. Quoi qu'il en soit, la différence était fort appréciable.

Et je croyais aussi qu'avec de très jeunes pilotes, l'escadrille d'avion à réaction, par exemple, avait la plupart des jeunes pilotes dans l'escadron

13

412. Leur âge moyen était de 30-31 ans. Et les gens du Service de vols pour dignitaires qui étaient sensiblement plus âgés.

Mais mêler les deux créerait certains problèmes à la fois pour les jeunes et pour ceux qui étaient plus âgés.

Q. Si vous examinez la question du point de vue des jeunes pour un moment, quels problèmes envisagiez-vous et en avez-vous fait part à ce groupe de pilotes?

R. Eh bien, nous devons placer ces choses-là dans le bon contexte. Parlez-vous de la classe C, ou de la situation d'un civil qui occupe le siège de droite?

Q. Avez-vous mentionné cette distinction pendant cette réunion?

R. Oui.

Q. Et parlons un peu de la question des civils qui occupent le siège de droite. Quelle était votre perception?

R. Eh bien, ma perception était, naturellement, que le jeune commandant de bord qui gagne considérablement moins, qui a des conditions d'emploi complètement différentes, qui a satisfait à des exigences différentes, je pense que ce jeune capitaine n'apprécierait pas du tout avoir à ses côtés quelqu'un qui gagnerait deux fois plus que lui, qui ne serait pas obligé de se conformer à des règlements aussi rigoureux que lui.

Et je crois que la différence d'âge crée des problèmes, car le jeune est moins disposé à s'affirmer. En essayant de montrer à ces jeunes comment s'affirmer comme commandants de bord, comment prendre des décisions difficiles, je me disais tout simplement que j'aurais de la difficulté à dire à quelqu'un, si cette personne avait 30 ans d'expérience en pilotage, laisse-moi tranquille, j'essaie d'apprendre. Et je pense qu'il serait tout aussi difficile pour la personne avec cette vaste expérience, qui devrait peut-être agir comme second auprès de ce jeune commandant de bord militaire, de ne pas intervenir.

C'était seulement l'un de plusieurs facteurs, et il ne faudrait sûrement pas y accorder trop d'importance.

Q. Et en avez-vous parlé au groupe de pilotes dans les termes que vous venez tout juste d'expliquer?

14

R. Oui, je l'ai fait, je l'ai fait de façon très détaillée.

Q. Maintenant, pour ce qui est de la deuxième situation, la réserve en classe C --

R. Oui.

Q. -- la situation dans les forces armées, avez-vous exprimé des opinions au sujet de la différence d'âge dans ce contexte?

R. Eh bien là évidemment, certains aspects du problème causeraient moins d'inquiétude car ces individus seraient des militaires s'ils venaient comme classe C.

Par conséquent, j'avais l'impression que c'était faisable, sûrement dans le contexte militaire. Cela pourrait encore créer des problèmes, mais je croyais que c'était faisable.

Q. Et avez-vous dit cela aux pilotes à cette réunion?

R. Oui.

Q. Et je suppose, en fin de compte, avez-vous mentionné au groupe que vous ne pouviez pas voir comment de jeunes types comme ceux du 412 pourraient occuper un rang supérieur à des pilotes du Service de vols pour dignitaires qui avaient plus d'expérience?

R. Ce que vous dites est un peu court, mais si vous faites allusion à toutes ces autres choses que j'ai dites, alors oui.

Q. Avez-vous utilisé ces mêmes mots?

R. Ces événements se sont passés il y a longtemps. Si je l'ai fait, et que vous le comprenez dans les termes dans lesquels je viens tout juste de m'exprimer, oui. (Volume 19 de la transcription, pp. 2884-2888, soulignement ajouté)

Donald Preston, qui était également présent à la réunion, a aussi témoigné au nom de l'intimée. En réponse aux questions que lui posait l'avocat de l'intimée, M. Preston a dit ce qui suit :

[Traduction]

Q. Bon, la dernière phase de ce paragraphe se lit comme il suit : En outre, la différence d'âge entre les deux groupes de pilotes a été mentionnée. Vous rappelez-vous si on a mentionné l'âge à cette réunion?

R. Je me souviens qu'il a été question de l'âge à l'une des réunions, le compte rendu semble indiquer que

15

c'était à cette réunion, que l'un des problèmes que pourrait poser un équipage mixte serait que les pilotes militaires étaient normalement de jeunes capitaines ou majors, et ils seraient les chefs pilotes. Si les gens de Transports venaient, ils se retrouveraient sous les ordres de gens plus jeunes, de rang inférieur, et cela pourrait leur causer de l'inquiétude ou des problèmes.

Q. Le général Bell a-t-il laissé entendre à quoi pourrait tenir le problème?

R. Autre que - - non, seulement la supposition que des gens plus âgés trouveraient peut-être difficile d'accepter les ordres de personnes plus jeunes, plutôt que l'inverse, si elles étaient habituées à donner elles-mêmes les ordres.

Q. Le général Bell a-t-il indiqué s'il s'agissait d'un facteur qui était prohibitif, c'est-à-dire qui empêchait les gens de transférer?

R. Non, c'était seulement l'un des problèmes qui pourraient surgir si on avait un équipage mixte. (Volume 18 de la transcription, pp. 2788-2789, soulignement ajouté)

(iii) Achat d'appareils Challenger :

Comme il a été mentionné antérieurement, les arrangements transitoires proposés reposaient sur l'hypothèse que les appareils JetStar demeureraient en service pendant trois autres années. Toutefois, au moment même où se déroulaient ces négociations, le gouvernement songeait sérieusement à acquérir d'autres appareils Challenger.

On comprenait très bien à MDN que l'acquisition d'autres Challenger aurait d'importantes conséquences pour les pilotes de MDT. En fait, dans une note de service datée du 11 février 1985, le brigadier général Bell note que si on devance l'achat d'autres Challenger, tout en continuant à éliminer les JetStar, il serait [traduction] à peu près impossible de ne pas créer de difficultés pour les employés de MDT travaillant au Service de vols pour dignitaires (pièce R-32, onglet 6).

Une note d'information a été rédigée à l'intention du ministre de la Défense nationale, entre autres par le brigadier général Bell. Dans cette note, qui est datée du 5 mars 1985, on passe en revue l'état d'avancement des négociations. Fait intéressant, on ne mentionne aucunement l'achat possible d'appareils Challenger, ni les répercussions que pourrait avoir cet achat pour le personnel de MDT.

Toutefois, on réitère dans la note la position de MDN selon laquelle l'intégration du personnel de MDT dans MDN serait fondamentalement incompatible avec la nature des opérations de vol des forces armées. Pour étayer cette conclusion, on parle de la nécessité pour les forces armées de se tenir prêtes à intervenir en cas de guerre, et de la nécessité d'avoir des unités opérationnelles qui soient exclusivement composées de militaires, qui soient sous le leadership et la discipline des forces armées, et qui soient assujetties aux conditions d'emploi des forces armées. Après avoir signalé les contraintes extraordinaires qui peuvent être imposées aux soldats en temps de guerre, on fait observer que les

16

membres des Forces armées canadiennes ont normalement moins de 40 ans, et qu'ils doivent répondre à des critères très stricts sur les plans de la santé et de la forme physique. Il est ensuite dit ce qui suit :

[Traduction]

8. Comme on peut le voir au moyen du tableau ci-dessous, il y a de nombreuses disparités entre les conditions d'emploi des pilotes militaires et des pilotes de MDT.

FACTEUR MDT MDN

Nombre de pilotes 20 (dans le SVD) 12 (dans l'escadrille d'avion à réaction)

Age moyen 51 ans (8 sur 20 ont 31 ans plus de 55 ans)

Age de la retraite 65 ans Tous les capitaines (40 ans et 50 % des majors) Échelle salariale 43-61 000 $ (la 30 - 40 000 $ majorité à 61 000 $)

Heures 7 - 12 000 $ Néant supplémentaires

Syndicat Oui Non

Convention Oui Non collective Droit de faire grève Oui Non

Tâches autres que le Convention Nombreuses pilotage collective seulement

Code de discipline Non (sauf pour Oui militaire certaines circonstances bien définies)

Normes sur le plan Capacité de remplir Capacité de remplir de la santé/forme des tâches en temps des tâches en temps physique de paix de guerre Lignes directrices, Règlements MDT Règlements MDN licences, etc., pour pilotes

Planification des Assurée par les Pilotes eux-mêmes vols agents techniques d'exploitation (pour éviter l'utilisation de jours-équipages)

17

9. Individuellement, aucune de ces disparités n'est insurmontable. Néanmoins, nous croyons que l'intégration des équipages militaire et civil ne serait possible que si nous modifions la façon de diriger l'escadron 412. En outre, il faudrait le faire d'une manière qui compromettrait sa capacité de remplir son rôle militaire. Les différences entre les deux groupes causeraient sans aucun doute des problèmes de discipline, de moral, et nuiraient peut-être à la sécurité aérienne. (Pièce R-30, onglet 4, soulignement ajouté)

Après un examen de diverses options, on recommande dans la note l'approche par étapes qui avait été préconisée par MDN pendant toutes les négociations. Cette solution a par la suite été approuvée par les ministres.

Même s'il n'est pas clair d'après la preuve si les gens qui avaient rédigé la note d'information étaient au courant du fait que le 28 février 1985, le Cabinet avait approuvé l'achat de 12 avions à réaction Challenger, dont quatre devaient être exploités par le Service de transport aérien de MDN.

L'achat des appareils Challenger allait accélérer le retrait du service de l'appareil JetStar, et éliminer toute raison de maintenir les employés de MDT dans leurs postes pour la période de trois ans dont il avait été question auparavant. Même si le ministre, à titre de membre du Cabinet, aurait été au courant de cet achat, il est loin d'être évident qu'il était conscient du fait que les arrangements proposés dans la note d'information (qu'il avait approuvés) n'avaient déjà plus de raison d'être à la suite de l'achat de ces appareils.

(iv) Réunion du 26 avril

Le 26 avril 1985, une deuxième réunion d'information a eu lieu. Outre les pilotes, les agents de bord ont aussi été invités à y assister. De nouveau, les représentants des ministères, y compris Don Lamont et le brigadier général Bell, étaient présents.

Il ne semble pas que l'on ait dressé un compte rendu de cette réunion, bien que des notes prises par le brigadier général Bell et M. Devine aient été déposées en preuve (pièce R-32, onglet 16 et R-17). Même s'il n'en est pas fait mention dans les notes du brigadier général Bell, il est bien établi que l'on a encore discuté de la question de l'âge à la réunion.

Selon Paul Carson, l'un des plaignants, on a parlé de la possibilité que deux des agents de bord se joignent aux Réserves. M. Carson a témoigné qu'il s'était alors demandé pourquoi ces personnes pourraient être acceptables aux yeux des FAC, alors que le groupe dans son ensemble ne l'était pas. Il a ensuite demandé au brigadier général Bell pour quelle raison on ne voulait pas du groupe dans les forces armées. Selon M. Carson, le brigadier général Bell aurait répondu [traduction] parce que l'âge moyen du groupe est trop élevé (volume 2 de la transcription, pp. 306-307).

Le brigadier général Bell ne nie pas avoir fait la déclaration qu'on lui attribue (volume 19 de la transcription, pp. 2910-2911). Il l'explique de la façon suivante :

[Traduction]

18

Q. Maintenant, à cette réunion, la question de l'âge des pilotes a-t-elle surgi?

R. Oui, oui elle a surgi.

Q. De quelle façon?

R. J'essaie de me rappeler exactement ce qui -- soit que quelqu'un l'ait soulevée, que l'on m'ait demandé quelle importance avait l'âge, ou j'avais fait une déclaration dans le sens de ce que nous avons déjà discuté ici au sujet de l'âge moyen du groupe, le groupe des pilotes, les 20 pilotes, et c'était 51 ans. Et que leur intégration dans les Forces armées canadiennes pour travailler comme pilotes militaires créait des problèmes dont nous avions déjà longuement discuté. Et je répète, 51 était tout simplement l'âge moyen de tout ce groupe de pilotes.

Lorsque j'ai fait la déclaration, c'était pour réitérer encore une fois ce que j'avais dit à de nombreuses occasions lorsque nous discutions des forces armées, c'est-à-dire à quel point la situation serait difficile, dans les faits, pour un grand nombre d'entre eux.

Q. ...Monsieur, au cours de cette réunion, avez-vous mentionné aux personnes qui étaient présentes que des problèmes associés au vieillissement rendent difficile l'adaptation à la vie militaire?

R. ... Comme énoncé général qui pourrait être vrai, et il se peut fort bien que je l'aie dit, oui. Je ne peux me rappeler le contexte exact.

Q. L'auriez-vous dit exactement dans ces mêmes termes, pouvez-vous vous rappeler?

R. Pouvez-vous répéter, s'il vous plaît?

Q. Oui.

Des problèmes associés au vieillissement rendent difficile l'adaptation à la vie militaire.

R. Moi-même je pense que c'est un énoncé plein de bon sens, et il se pourrait fort bien que je l'aie dit.

Q. Et à quels problèmes auriez-vous fait allusion?

R. Eh bien, je me dis que si j'avais 52 ou 53 ans et que je songeais à m'enrôler dans des forces armées où je devrais prendre ma retraite à 55 ans, avec les contraintes et les nombreux changements dans mon style

19

de vie, ce serait extrêmement difficile. Et je serais tout à fait malhonnête si je ne le disais pas.

Q. A quelles contraintes songiez-vous?

R. Je répète, les mesures disciplinaires, le changement complet dans les conditions d'emploi, la perte de salaire, les activités disciplinaires, les tâches secondaires qui étaient requises.

Et lorsque vous imposez cela à quelqu'un qui a été habitué à un mode de vie différent -- je ne dis pas un mode de vie plus facile mais un mode de vie différent. A mesure que vous vieillissez, c'est beaucoup plus difficile. Diable, j'ai eu de la difficulté à m'adapter en vieillissant. J'étais beaucoup plus grognon, et je le suis encore. (Volume 19 de la transcription, pp. 2906-2908)

Un certain nombre de plaignants ont témoigné que les remarques du brigadier général Bell les avaient consternés, en particulier M. Carson qui avait antérieurement été partie à un long différend avec un transporteur aérien commercial relativement aux conditions relatives à l'âge (Air Canada c. Carson, [1985] 1 C.F. 209)).

(v) Protocole d'entente

Le 29 mai 1985, le ministre de la Défense nationale signait un protocole d'entente (PE) décrivant les conditions du transfert du Service de vols pour dignitaires de MDT à MDN. Le ministre des Transports a signé le PE le 17 juin 1985 (pièce R-1, onglet 14).

Dans le PE, il est mentionné que sa mise en oeuvre devrait se faire conformément aux principes énoncés dans la directive du Premier ministre (c.-à-d. qu'il y soit donné suite le plus rapidement possible, et d'une manière juste et équitable de façon à imposer le moins de contraintes possibles aux employés touchés). Le PE prévoit également une période de transition au cours de laquelle MDT aidera MDN à fournir des services de voyages. Cette période devait prendre fin au plus tard le 1er juillet 1986. Les appareils JetStar seraient exploités par le personnel de MDT, jusqu'à ce que le dernier soit retiré du service le 1er juillet 1986.

Le PE ne fait aucunement mention de l'âge du personnel de MDT.

Le transfert a été confirmé par décret daté du 19 septembre 1985. (Pièce R-1, onglet 15).

c) Efforts en matière de réinstallation

Linette Cox était chef de la Dotation et de la Classification pour le groupe Aviation au MDT. Mme Cox a témoigné au sujet des efforts faits pour réaffecter le personnel MDT touché.

Selon Mme Cox, la direction à MDT était fort préoccupée par le sort de ces employés, et elle a décidé de les traiter comme des cas spéciaux. Un agent a été désigné et chargé exclusivement de trouver de nouveaux postes pour les pilotes et les agents de bord. On a ensuite mis en place un système visant à garantir qu'aucun poste nécessitant de l'expérience en pilotage ne pouvait être comblé au pays sans que Mme Cox ne soit au préalable prévenue pour qu'elle puisse s'assurer que les pilotes du Service

20

de vols pour dignitaires étaient au courant de cette vacance. On a interviewé les employés touchés, pour déterminer leurs intérêts et leur expérience. On a communiqué avec des transporteurs aériens du secteur privé pour tenter de trouver des emplois à ces personnes. Diverses options en matière de pension ont été examinées, et un fonds a été créé pour assurer un recyclage, au besoin.

Au cours de la période d'avril 1985 à juin 1986, Mme Cox a fourni une liste des postes que l'on considérait comme offrant des possibilités pour les pilotes (pièce R-37). Même s'il peut y avoir des chevauchements dans les postes énumérés, on ne saurait nier que la liste est longue. Des efforts semblables ont été faits pour les agents de bord.

Plusieurs des plaignants ont fait des commentaires sur les efforts déployés par MDT pour leur trouver de nouveaux postes, décrivant ces efforts comme étant [traduction] très utiles (témoignage Vickers, volume 6 de la transcription, p. 864) et ajoutant que MDT [traduction] avait fait de son mieux (témoignage Cranston, volume 1 de la transcription, p. 134). En fait, bon nombre des plaignants ont trouvé un autre emploi avec l'aide de MDT.

IV. ANALYSE

Ces plaintes doivent être examinées dans le contexte de l'article 2 de la LCDP, où est énoncé l'objet de la Loi. Sont aussi pertinents les articles 7 et 10, qui disposent ce qui suit :

7. Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

  1. de refuser d'employer ou de continuer d'employer un individu;
  2. de le défavoriser en cours d'emploi.

et

10. Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite et s'il est susceptible d'annihiler les chances d'emploi ou d'avancement d'un individu ou d'une catégorie d'individus, le fait, pour l'employeur, l'association patronale ou l'organisation syndicale :

  1. de fixer ou d'appliquer des lignes de conduite;
  2. de conclure des ententes touchant le recrutement, les mises en rapport, l'engagement, les promotions, la formation, l'apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d'un emploi présent ou éventuel.

L'âge est un motif de distinction illicite.

a) Norme de preuve et fardeau de la preuve

Les parties conviennent que dans les affaires de ce genre, il incombe aux plaignants de prouver de façon suffisante jusqu'à preuve contraire qu'il y a eu discrimination. Cela fait, le fardeau de la preuve est transféré à l'intimé qui doit prouver, dans les cas de discrimination directe, que la discrimination était justifiée, selon la prépondérance des probabilités. Dans les cas de discrimination par suite d'un effet préjudiciable, une fois qu'une prétention a été prouvée de façon suffisante jusqu'à preuve contraire, il revient à l'intimé de prouver, de nouveau

21

selon la prépondérance des probabilités, qu'il a pris des mesures raisonnables pour s'entendre avec les employés touchés. (La Commission ontarienne des droits de la personne c. Etobicoke, [1982] 1 R.C.S. 202 à 208, et Commission ontarienne des droits de la personne et O'Malley c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536 aux pp. 558-559).

La preuve suffisante jusqu'à preuve contraire est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites, et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur des plaignants, en l'absence de réplique de l'intimé (O'Malley, supra., p. 558).

b) Rôle de la discrimination

Il est bien établi que pour qu'une plainte soit accueillie, il n'est pas nécessaire que des considérations en matière de discrimination soient l'unique raison des agissements en question. Il suffit que la décision de l'employeur soit fondée sur un motif de discrimination prohibé (Holden c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (1990), 14 C.H.R.R. D/12 à la p. D/15). Voir également les motifs de jugement de la Cour d'appel fédérale dans cette affaire, supra., à la p. 130).

c) Nature de la discrimination

Comme il a été mentionné au début, le transfert d'un service d'un ministère à un autre nécessite une multitude de décisions différentes, et l'application de nombreuses politiques. Lorsqu'un acte discriminatoire est allégué, il faut examiner si cette prétendue discrimination est directe ou indirecte, car étant donné l'état actuel du droit, des conséquences radicalement différentes peuvent découler selon le résultat de cette analyse.

Les critères qui ont été acceptés pour établir la distinction entre la discrimination directe et la discrimination par suite d'un effet préjudiciable ont été définis par le juge McIntyre dans l'arrêt Commission ontarienne des droits de la personne et O'Malley c. Simpsons-Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536:

« On doit faire la distinction entre ce que je qualifierais de discrimination directe et ce qu'on a déjà désigné comme le concept de la discrimination par suite d'un effet préjudiciable en matière d'emploi. A cet égard, il y a discrimination directe lorsqu'un employeur adopte une pratique ou une règle qui, à première vue, établit une distinction pour un motif prohibé. Par exemple, Ici, on n'embauche aucun catholique, aucune femme ni aucun Noir. En l'espèce, il est évident que personne ne conteste que la discrimination directe de cette nature contrevient à la Loi. D'autre part, il y a le concept de la discrimination par suite d'un effet préjudiciable. Ce genre de discrimination se produit lorsqu'un employeur adopte, pour des raisons d'affaires véritables, une règle ou une norme qui est neutre à première vue et qui s'applique également à tous les employés, mais qui a un effet discriminatoire pour un motif prohibé sur un seul employé ou un groupe d'employés en ce qu'elle leur impose, en raison d'une caractéristique spéciale de cet employé ou de ce groupe d'employés, des obligations, des peines ou des conditions restrictives non imposées aux autres employés... Une condition d'emploi adoptée

22

honnêtement pour de bonnes raisons économiques ou d'affaires, également applicable à tous ceux qu'elle vise, peut quand même être discriminatoire si elle touche une personne ou un groupe de personnes d'une manière différente par rapport à d'autres personnes auxquelles elle peut s'appliquer.» (à la p. 551)

Ce principe a été cité et confirmé par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Alberta Human Rights Commission c. Central Alberta Dairy Pool et al., [1990] 2 R.C.S. 489. Dans l'arrêt Dairy Pool, la majorité de la Cour suprême a aussi conclu ce qui suit :

« Lorsque, à première vue, une règle établit une distinction fondée sur un motif de discrimination prohibé, sa justification devra reposer sur la validité de son application à tous les membres du groupe touché. En vertu du critère du motif justifiable, il ne peut en effet y avoir d'obligation d'accommodement à l'égard des membres individuels du groupe puisque, comme l'a fait observer le juge McIntyre, cela saperait le fondement même de ce moyen de défense. Ou bien on peut validement établir une règle qui généralise à l'égard des membres d'un groupe ou bien on ne le peut pas. Par leur nature même, les règles qui constituent une discrimination directe imposent un fardeau à tous ceux qui y sont assujettis. Si tant est qu'elles puissent être justifiées, c'est dans leur application générale qu'elles doivent l'être. Voilà pourquoi la règle doit être annulée si l'employeur ne réussit pas à démontrer qu'il s'agit d'une EPN. Une telle règle doit être distinguée d'une règle qui, neutre d'apparence, a un effet préjudiciable sur certains membres du groupe auquel elle s'applique. En pareil cas, le groupe des personnes qui subissent l'effet préjudiciable est toujours plus petit que le groupe auquel la règle s'applique. Dans les faits, fréquemment, le groupe lésé se composera d'une seule personne, savoir le plaignant. La règle est alors maintenue en ce sens qu'elle s'appliquera à tous sauf aux personnes sur lesquelles elle a un effet discriminatoire, pourvu que l'employeur puisse procéder aux accommodements nécessaires sans subir des contraintes excessives.» (Aux pp. 514-515)

et a en outre déclaré :

«... l'employeur n'a pas d'obligation d'accommodement quand est démontrée l'existence d'une EPN. Il en est ainsi parce que l'EPN a comme caractéristique essentielle d'être déterminée par rapport à l'exigence professionnelle et non par rapport aux caractéristiques d'un individu. Il n'y a donc pas place à l'accommodement : la règle demeure ou tombe en entier.»

23

«... Il en résulte finalement que, lorsqu'une règle crée une discrimination directe, elle ne peut être justifiée que par une exception légale équivalente à une EPN, c'est-à-dire un moyen de défense qui envisage la règle dans sa totalité. ... Par contre, lorsqu'une règle crée une discrimination par suite d'un effet préjudiciable, il convient de confirmer la validité de cette règle dans son application générale et de se demander si l'employeur aurait pu composer avec l'employé lésé sans subir des contraintes excessives.» (aux pp. 516 et 517)

d) Application de la loi aux faits

Il ne fait aucun doute que le gouvernement fédéral a le droit d'organiser ses affaires et de modifier les tâches de ses employés de la façon dont il l'entend. Cette prérogative a maintenant été codifiée dans la Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique, S.R., ch. P-34. Le pouvoir d'affecter des ressources doit toutefois être exercé conformément à la loi, et il ne peut l'emporter sur une loi d'une nature bien particulière comme la LCDP (Canada (Procureur général) c. Uzoaba, [1995] 2 C.F. 569 à la p. 577. Voir également Kelso c. La Reine, [1981] 1 R.C.S. 199 à la p. 207 et les motifs de jugement du juge Cullen dans cette affaire, supra., à la p. D/46).

Comme il a été antérieurement mentionné dans la présente décision, il y avait en l'espèce deux décisions qui devaient être prises et qui avaient des conséquences directes pour les plaignants, chacune d'elles étant susceptible d'être viciée par des considérations de nature discriminatoire. Les décisions, qui se chevauchent quelque peu, étaient les suivantes :

  1. si le Service de transport aérien de MDN serait une opération exclusivement militaire ou une opération civile/militaire mixte;
  2. si les plaignants auraient un emploi auprès de la nouvelle organisation.

Chacune de ces questions sera examinée séparément.

(i) Décision de militariser

En ce qui concerne la première question, savoir si le service serait exclusivement militaire ou non, le Tribunal est d'avis, eu égard à la preuve dans son ensemble, que du moment où le Premier ministre a donné sa directive, les FAC ont fait des efforts concertés pour garantir que le service de transport aérien deviendrait tôt ou tard un service exclusivement militaire, pour des raisons qui n'avaient à peu près rien à voir avec les caractéristiques personnelles des plaignants. MDT et MDN se livraient depuis longtemps une guerre de territoire, les FAC convoitant la possibilité d'assurer le transport des ministres du Cabinet et d'autres dignitaires, ainsi que la réputation et le prestige associés à cette activité. Il ne fait aucun doute qu'elles se réjouissaient à l'idée de se voir confier la responsabilité exclusive de ce service.

Les parties conviennent que si le Tribunal conclut que, mise à part toute considération liée à l'âge, la décision de faire du service de transport aérien une opération exclusivement militaire aurait, selon toute probabilité, été la même, cela ne dégagerait pas l'intimée de toute responsabilité si l'âge était néanmoins intervenu dans la décision de militariser le service, bien qu'il puisse avoir un impact sur la question des dommages-intérêts.

24

Même si nous avons conclu que MDN a amorcé les discussions après s'être déjà fixé pour objectif de faire du service un service militaire, une fois qu'il s'est effectivement penché sur la question de savoir comment intégrer les deux services, il y avait nettement un certain nombre d'autres facteurs qui sont intervenus dans la décision ultime de faire du service de vols un service exclusivement militaire. Il n'y avait pas d'autres situations où des civils pilotaient des avions militaires. On songeait également à des facteurs d'économie et d'efficacité. Le Tribunal n'avait pas devant lui suffisamment de preuves pour déterminer si la militarisation du service de transport aérien s'était réellement traduite par des économies, même si on a laissé entendre que cela n'avait pas été le cas. Qu'il en ait été ainsi ou non, et que le regroupement des services de transport aérien ait été une décision peu judicieuse ou non, il n'appartient pas au présent Tribunal d'en décider. En ce qui concerne cette question, notre mandat se limite à déterminer si la décision de militariser le service était viciée par des considérations d'âge, ou si elle avait eu un effet préjudiciable sur les plaignants en raison de leur âge et, dans l'affirmative, si l'intimée s'est acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait de justifier la discrimination, s'il s'agissait d'une discrimination directe, ou d'établir le niveau requis d'accommodement si la discrimination était indirecte.

Les différences entre les pilotes militaires et les pilotes civils, y compris les différences dans leurs conditions d'emploi, ont également été des facteurs importants dont a tenu compte MDN dans ses délibérations sur la façon d'intégrer les deux services. En fait, comme il est mentionné dans l'extrait de son témoignage aux pp. 13 et 14 de la présente décision, le brigadier général Bell a reconnu que ces différences étaient des facteurs qui étaient intervenus dans la décision de faire du service de transport aérien une opération exclusivement militaire. L'une des différences qu'il a mentionnées et dont on a tenu compte pour prendre cette décision était le grand écart d'âge entre les deux groupes. Ce facteur revient également dans le document du lieutenant-colonel Scott et dans la note d'information à l'intention du ministre de la Défense nationale. Comme il est souligné dans l'arrêt Holden, supra., et par la Cour d'appel fédérale dans la présente affaire, il n'est pas nécessaire que l'acte discriminatoire soit l'unique raison de la décision qui est contestée, il suffit qu'il constitue l'un des fondements de la décision. Même si nous estimons que le résultat aurait été le même sans aucune considération de l'âge des plaignants, nous sommes convaincus qu'en l'espèce, l'âge des plaignants a constitué l'un des fondements de la décision de militariser le service.

Après avoir conjecturé sur la capacité des plaignants de faire le travail et de s'intégrer dans la nouvelle organisation, en se fondant, entre autres, sur leur âge, l'intimée s'est rendue coupable de discrimination directe à leur endroit (voir Central Alberta Dairy Pool c. Alberta Human Rights Commission, [1990] 2 R.C.S. 489 à 513). Compte tenu de la conclusion selon laquelle la décision de militariser le service a été viciée par des considérations d'âge, nous avons aussi conclu que la décision n'était pas impartiale, et il est donc inutile d'examiner la question de la discrimination par suite d'un effet préjudiciable. La question est plutôt de savoir si cette discrimination peut être justifiée en vertu de l'article 15 de la LCDP.

Toutefois, avant de déterminer si l'intimée a prouvé que l'âge était une exigence professionnelle justifiée (EPJ), il convient de mentionner que le fait que l'on ait tenu compte de l'âge moyen du groupe par

25

opposition aux âges de chacun des plaignants n'influe aucunement sur la responsabilité de l'intimée dans la présente affaire. Il est clair que l'on peut devenir la victime d'un acte discriminatoire fondé sur les caractéristiques personnelles d'autres personnes (Re Singh, [1989] 1 C.F. 430 (C.A.F.), à la p. 440).

(ii) Exigence professionnelle justifiée

Ayant conclu que l'âge était un facteur qui a amené l'intimée à décider de militariser le Service de vols pour dignitaires, il faut alors se demander si l'intimée peut prouver que l'âge était une exigence professionnelle justifiée.

L'alinéa 15a) de la LCDP dispose ce qui suit :

Ne constituent pas des actes discriminatoires :

a) les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences de l'employeur qui démontre qu'ils découlent d'exigences professionnelles justifiées.

Pour pouvoir établir qu'une exigence professionnelle particulière est une EPJ, un employeur doit satisfaire aux éléments objectif et subjectif d'un critère :

«... Pour constituer une exigence professionnelle réelle, une restriction ... doit être imposée honnêtement, de bonne foi et avec la conviction sincère que cette restriction est imposée en vue d'assurer la bonne exécution du travail en question d'une manière raisonnablement diligente, sûre et économique, et non pour des motifs inavoués ou étrangers qui visent des objectifs susceptibles d'aller à l'encontre de ceux du Code. Elle doit en outre se rapporter objectivement à l'exercice de l'emploi en question, en étant raisonnablement nécessaire pour assurer l'exécution efficace et économique du travail sans mettre en danger l'employé, ses compagnons de travail et le public en général.» (Etobicoke, supra., à la p. 208)

La Cour suprême du Canada a récemment réitéré la règle de droit concernant l'EPJ dans l'arrêt Large c. Stratford (Ville), [1995] 3 R.C.S. 733. Même si cet arrêt a clarifié la loi pour ce qui est de l'élément subjectif et du rôle des solutions de rechange raisonnables, il ne modifie pas le critère fondamental devant régir les EPJ qui a été établi dans Etobicoke.

Nous sommes convaincus, en nous fondant sur toute la preuve, que l'intimée a satisfait à l'élément subjectif du critère à deux éléments énoncé dans l'arrêt Etobicoke. En fait, ni la CCDP ni les plaignants n'ont allégué que l'intimée n'avait pas satisfait à cet élément. En ce qui concerne l'élément objectif, on a produit devant le deuxième Tribunal des preuves considérables concernant la nature des responsabilités militaires et la formation assurée aux membres des FAC (voir, par exemple, le témoignage du lieutenant-colonel Ronald MacDonald et du commandant McKinstry). Cette preuve semble avoir été présentée pour étayer l'argument qu'eu égard à la nécessité d'initier les plaignants aux affaires militaires et au temps requis pour assurer cette formation, il n'aurait tout

26

simplement pas été rentable d'embaucher les plaignants dans les forces armées, étant donné la politique de retraite obligatoire à l'âge de 55 ans (l'ARO) ou même plus tôt dans certains cas.

Au moment de l'audience devant le deuxième tribunal, la politique de retraite des FAC était contestée dans l'affaire Martin c. Canada (ministère de la Défense nationale). Les parties ont convenu d'être liées par la décision dans Martin, dans la mesure où elle portait sur la validité de la politique de retraite obligatoire des FAC. Depuis cette date, un Tribunal a jugé que les FAC n'avaient pas établi que la retraite à l'âge de 55 ans ou avant constituait une exigence professionnelle justifiée, car même si dans le contexte militaire le vieillissement pourrait constituer un facteur de risque, il reste que des tests individuelles pourraient être administrées pour déterminer la forme physique (17 C.H.R.R. D/435). Cette décision a par la suite été confirmée par la Cour fédérale (Section de première instance) ([1994] 2 C.F. 524), et la Cour d'appel fédérale en est actuellement saisie.

Devant le présent Tribunal, l'avocat de l'intimée a reconnu la force obligatoire de la décision Martin, et il a admis que l'intimée ne pouvait prouver une EPJ dans le cas de la politique de retraite des FAC. Son argument portait plutôt sur la nécessité de garantir la cohésion à l'intérieur des FAC, et sur l'effet préjudiciable qu'aurait eu sur la cohésion et le moral le recrutement d'employés civils de MDT.

A cet égard, l'intimée s'est appuyée sur le témoignage de divers membres du personnel des FAC, comme le brigadier général Bell et le vice-amiral Mainguy, concernant les problèmes que créerait la différence dans les conditions d'emploi et dans les âges des deux groupes. Elle s'est aussi appuyée sur le témoignage du Dr W. Darryl Henderson. Le Dr Henderson était auparavant membre de l'armée américaine, et commandant du Research Institute for Behaviour and Social Science de l'armée des États-Unis. En outre, il est l'auteur de l'ouvrage intitulé Cohesion: The Human Element in Combat. Le Dr Henderson avait été reconnu par le tribunal précédent comme un expert dans l'efficacité organisationnelle, le comportement, les normes de performance et la cohésion. Ses titres et qualités n'ont pas été contestés devant le présent Tribunal, quoique certaines de ses conclusions aient été mises en doute.

Le Dr Henderson a témoigné au sujet de la nature particulière des forces militaires, et de la nécessité de la cohésion à l'intérieur de ces forces. Selon le Dr Henderson, cohésion est un terme qui englobe des notions de moral, d'esprit de corps, d'allant et autres notions de ce genre. Il y a cohésion lorsque tous les comportements du groupe font progresser les objectifs de l'organisation. (Volume 21 de la transcription, pp. 3164-3165).

La cohésion est réalisée au moyen de la création de petits groupes primaires, lesquels groupes sont ensuite isolés et contrôlés. On ne laisse aucune influence extérieure s'immiscer au sein du groupe. En amenant le groupe à se replier sur lui-même, on crée les liens nécessaires qui lui permettront de fonctionner efficacement dans des situations de combat. Un leadership solide est essentiel à la réalisation de la cohésion.

Selon le Dr Henderson, il est plus facile de réaliser la cohésion chez les jeunes, car au début de la vingtaine les personnalités sont bien formées. Les personnes plus âgées ont davantage tendance à contester et sont moins disposées à accepter l'autorité. (Volume 21 de la transcription, pp. 3166-3167).

Le Dr Henderson a témoigné que plus le groupe est homogène, plus il est facile de réaliser la cohésion. Toute différence entre des individus

27

peut réduire cette cohésion en créant ce que le Dr Henderson décrit comme des [traduction] points de clivage. Selon le Dr Henderson, s'il existe des différences, il est essentiel pour encourager la cohésion que les divers membres du groupe soient traités de façon absolument identique.

Dans la présente affaire, le Dr Henderson a examiné les différences entre le service de transport civil et le service militaire, qui sont résumées dans le tableau reproduit aux pages 25 et 26 de la présente décision, et il a conclu qu'il y aurait plusieurs points de clivage si les deux organisations étaient fusionnées. Parmi ces points figurent les différences dans la rémunération et les fonctions. Pour ce qui est des différences d'âge, celles-ci ne seraient pas, de l'avis du Dr Henderson, une grande préoccupation dans le cas des relations entre les soldats et leurs supérieurs (liens verticaux). Elles seraient toutefois préjudiciables aux liens entre les pairs (liens horizontaux) (volume 21 de la transcription, pp. 3257-3259). Le Dr Henderson s'appuyait sur son expérience générale pour formuler ses opinions. Il n'avait pas effectué de recherche précise sur les effets du fusionnement de groupes disparates dans le contexte militaire (volume 21 de la transcription, pp. 3177-3178).

En contre-interrogatoire, le Dr Henderson a reconnu que des différences sur les plans de la race, du sexe, de la religion, de la langue, etc. peuvent toutes créer des problèmes [traduction] si vous n'intervenez pas. (Volume 21 de la transcription, p. 3263). Ces problèmes peuvent toutefois être surmontés au moyen d'un leadership efficace. En fait, l'intimée elle-même a reconnu qu'aucune des différences individuelles entre le personnel de MDT et les forces armées était impossible à surmonter (pièce R-30, onglet 4). Le Dr Henderson a également émis l'opinion que les femmes ne devraient pas être placées dans des situations de combat pour des raisons historiques, sociologiques et comportementales (volume 21 de la transcription, pp. 3217 à 3224, 3259 à 3262).

Il faut tenir compte du caractère unique des FAC, dont les membres doivent se préparer à risquer leur vie pour leurs camarades et leur pays (voir, par exemple, Canada (Procureur général) c. St. Thomas (1993), 162 N.R. 228 à la p. 233 (C.A.F.). Néanmoins, il serait effectivement contraire aux valeurs canadiennes si l'on autorisait cette intimée ou tout autre intimé à séparer des employés, que ce soit selon l'âge, la race, le sexe, la religion ou l'un des autres motifs prohibés énoncés dans la LCDP, tout simplement pour améliorer les relations entre les employés. Il est depuis longtemps établi dans la jurisprudence en matière des droits de la personne que les attitudes négatives de collègues de travail à l'endroit de membres de groupes identifiables ne sauraient appuyer un moyen de défense fondé sur l'EPJ (voir, par exemple, Imberto c. Vic and Tony Coiffure and Tony Rusica, (Ont.)(1981), 2 C.H.R.R. D/392).

L'intimée ne tente pas de faire valoir un tel argument, sa position étant plutôt que c'était l'effet cumulatif des différences entre les groupes qui était insurmontable pour les raisons définies par le Dr Henderson. Il ressort toutefois d'un examen détaillé de la preuve que les inquiétudes des FAC relatives à l'intégration du personnel civil de MDT avaient des sources beaucoup plus profondes que les inquiétudes concernant la cohésion dont a traité le Dr Henderson. Non seulement s'inquiétait-on des différences dans les conditions d'emploi entre les deux groupes, et de l'effet qu'auraient ces différences sur la cohésion, mais on conjecturait également sur les personnalités et la souplesse des plaignants, en se fondant sur leur âge. Le brigadier général Bell a lui-même témoigné que ce qui l'inquiétait, c'était les problèmes associés au vieillissement qui

28

rendent plus difficile l'adaptation à la vie militaire. (Volume 19 de la transcription, p. 2907). Il a mentionné que lui-même trouvait plus difficile de s'adapter en vieillissant, et qu'il était aussi devenu plus grognon. Il laisse clairement sous-entendre qu'il en serait de même pour les plaignants.

Il convient de mentionner que le brigadier général Bell n'a jamais rencontré les plaignants à des occasions autres que des réunions en groupe. Il fondait ses opinions uniquement sur l'information fournie sur papier au sujet des antécédents professionnels des divers plaignants. (Volume 19 de la transcription, p. 2963).

Même si les commentaires du brigadier général Bell ont été formulés dans le contexte d'une discussion concernant l'aptitude des plaignants à occuper des postes de soldats, nous sommes convaincus, selon la prépondérance des probabilités, que l'existence de ce genre d'attitude à l'endroit des plaignants, et l'opposition de la part des FAC à laisser des personnes comme les plaignants piloter des appareils militaires ont influé sur la décision de faire du service de vols pour dignitaires un service militaire. Cette conclusion est compatible avec la déposition de Donald Preston qui a déjà été citée, où il a témoigné que l'un des problèmes que posait un équipage civil/militaire mixte tenait à la supposition que les pilotes civils plus âgés auraient de la difficulté à se plier aux ordres de militaires plus jeunes.

En considérant la preuve dans son ensemble, le tribunal est convaincu que même si l'intimée avait raison d'appréhender les difficultés que créerait tout effort visant à fusionner les deux groupes d'employés, sa propre preuve établit que ces difficultés, dans la mesure où elles concernent les tâches, pouvaient être surmontées par un leadership solide et efficace. Toutefois, il est aussi évident que l'on avait des doutes concernant la capacité des plaignants de s'adapter au changement, de travailler avec d'autres, et de s'intégrer dans la nouvelle organisation, ces doutes étant fondés sur des stéréotypes ayant trait à l'âge des plaignants. L'intimée ne s'est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de justifier sa dépendance à l'égard de ces types de suppositions. Le moyen de défense fondé sur l'EPJ est donc rejeté.

Le Tribunal trouve, dans la propre preuve de l'intimée, un autre argument à l'appui de sa conclusion que la militarisation intégrale du service de vols n'était pas nécessaire pour protéger la cohésion militaire. La note d'information rédigée à l'intention du ministre de la Défense nationale (pièce R-30, onglet 4) fait mention d'une soi-disant [traduction] solution de compromis qui, dit-on, serait acceptable si elle constituait la seule façon d'arriver à une entente. La solution de compromis consistait à autoriser les employés de MDT à passer à MDN à titre de civils, et à continuer pendant une certaine période à exploiter les appareils de MDT, comme s'ils étaient détachés auprès de MDT. Pendant la période en question (laquelle n'était pas définie dans la note), les employés jouiraient du statut de bénéficiaire de priorité pour la nomination à d'autres postes. A la fin de la période, MDT, MDN et le Conseil du Trésor décideraient conjointement de l'affectation de ceux qui n'auraient pas encore obtenu de poste, sans aucune garantie que leur emploi dans les opérations de vol de MDN serait maintenu. Cette solution n'était pas recommandée, car on jugeait qu'elle était complexe sur le plan administratif et qu'elle n'offrait aucun avantage aux employés de MDT, car il n'y aurait aucune garantie d'un emploi continu après la période en question.

29

Il convient de mentionner en premier lieu que les inconvénients administratifs ne sauraient étayer un moyen de défense fondé sur une EPJ. Le Tribunal juge toutefois encore plus important le fait que l'on reconnaît implicitement, dans cette solution de compromis, et ce aussi tard dans le processus qu'en mars 1985, qu'il n'était pas essentiel que le service de vols soit assuré exclusivement par des militaires pour garantir sa viabilité ou son opération optimale.

La Commission a fait valoir que l'approche par étapes devrait être considérée comme une [traduction] solution de rechange raisonnable aux actes de discrimination, au sens de la décision Large. A notre avis, les arrangements transitoires qui étaient proposés ne constituaient pas une solution de rechange raisonnable, car ils étaient temporaires et incertains. En outre, même si l'intimée avait décidé d'adopter l'approche par étapes, son comportement aurait encore été discriminatoire car, pour des motifs fondés en partie sur l'âge des plaignants, ceux-ci se seraient vu offrir quelque chose qui n'aurait pas constitué une véritable mutation au MDN/aux FAC. Comme il est mentionné ci-dessus, le Tribunal estime que le fait que l'intimée ait été disposée à envisager un arrangement de ce genre, même à titre temporaire, prouve que l'exclusion des plaignants n'était pas nécessaire.

(iii) Défaut des plaignants d'essayer de s'enrôler

Comme il a déjà été mentionné, outre la question de savoir si le service de vols serait militarisé, il y avait une deuxième question connexe, laquelle était de savoir si les plaignants seraient embauchés dans l'organisation militaire.

Dans le cas de huit des plaignants (MM. Brulé, Empey, Allin, Graham, Thorpe, Gilks, Williams et Falardeau), ils avaient déjà, au moment où ces discussions avaient lieu, atteint ce qui était alors l'âge de la retraite obligatoire pour les FAC, c'est-à-dire 55 ans. L'enrôlement dans les forces de réserve n'était nettement pas une possibilité pour ces employés en raison des règles fondées sur l'âge des FAC, lesquelles règles l'intimée a admis ne pouvoir justifier.

En ce qui concerne les autres plaignants, l'intimée soutient que les plaignants ont bien précisé au départ que des postes dans les FAC ne les intéressaient pas, et que les agissements des représentants des FAC doivent être considérés dans cette optique. L'intimée allègue qu'à l'exception de l'un des agents de bord (M. Chiasson), qui a effectivement tenté de s'enrôler dans les forces de réserve, il n'y a pas eu refus d'embaucher au sens de l'article 7 de la LCDP. Pour appuyer sa position, l'intimée invoque le témoignage de certains des plaignants, les diverses discussions entre les deux ministères, et une note rédigée par Gary Brown, l'un des plaignants qui était également un représentant syndical. Le 12 décembre 1984, M. Brown a écrit à M. Lamont une note dans laquelle il mentionnait entre autres ce qui suit :

[Traduction]

  1. Notre premier choix serait de continuer à exploiter nos appareils à titre de civils travaillant pour MDN, avec certaines garanties d'un emploi à long terme.
  2. Si MDN ne veut pas d'équipages civils pour exploiter ses appareils, certains de nos membres sont disposés à les exploiter à titre de membres des forces armées. Ils pourraient peut-être s'enrôler sous une forme quelconque de service de réserve...
  3. 30

    (soulignement ajouté)

    Il est implicite dans cette note que le 12 décembre 1984 (bien avant que la question de l'âge ne soit soulevée au cours de l'une ou l'autre des discussions avec les plaignants), au moins certains des plaignants n'étaient peut-être pas disposés à examiner la possibilité de demeurer dans leur emploi à titre de membres des forces armées. D'autres, par ailleurs, étaient très intéressés par une carrière militaire. Même si la question n'a pas été posée à tous les plaignants, un certain nombre d'entre eux qui n'avaient pas encore 55 ans ont témoigné qu'ils étaient effectivement disposés à examiner la possibilité de s'enrôler dans les forces armées (voir, par exemple, le témoignage de M. MacInnes, volume 2 de la transcription, p. 276, de Robert Bisson, volume 11 de la transcription, p. 1741, de Brown, volume 8 de la transcription, p. 1339, et de Laroche, volume 5 de la transcription, p. 799).

    Même si la possibilité que les plaignants se joignent à la force de réserve a été soulevée pendant les diverses réunions tenues sur cette question, et que l'on y revient constamment dans la documentation, on ne peut tout simplement pas dire avec quel sérieux l'intimée envisageait cette possibilité, compte tenu des commentaires formulés à la réunion du Groupe de travail MDN le 4 janvier 1985 :

    [Traduction]

    ... Dans un document rédigé par le DGCMP [pièce R-31, onglet 6], on a conclu que pour plusieurs raisons, y compris l'efficacité opérationnelle, la cohésion et le moral des forces armées, MDN devrait rejeter toute option en matière de personnel prévoyant soit l'offre d'un service en classe C [c.-à-d. les Forces de réserve] ou l'absorption dans une organisation civile à l'intérieur de MDN. Si MDN devait être obligé d'embaucher du personnel de MDT, la meilleure solution serait que ces employés soient détachés ou embauchés à titre contractuel pour une période déterminée. On souscrivait généralement à la position avancée par le DGCMO [le brigadier général Bell], mais le DGGPEA par intérim [un certain colonel G. Kemp] a ajouté qu'il serait possible d'absorber certains civils dans les effectifs de maintenance. (Pièce R-31, onglet 5, soulignement ajouté)

    On se rappellera que dans son document, le lieutenant-colonel Scott mentionnait l'âge des plaignants comme l'un des facteurs qui compliquerait leur absorption dans les FAC par l'entremise du service de réserve (pièce R-31, onglet 6).

    Il ne fait aucun doute que les commentaires formulés par le brigadier général Bell aux réunions du 30 janvier et du 26 avril ont eu pour effet de dissuader complètement les plaignants qui auraient pu songer à postuler un poste dans les forces de réserve de le faire. Comme l'a fait remarquer la Cour d'appel fédérale :

    [Traduction]

    ... le gouvernement a créé un froid sur le plan de l'emploi qui a effectivement écarté toute possibilité de faire valoir un argument fondé sur la non-postulation des postes. (Motifs de jugement, supra., à la p. 130)

    31

    Pour cette raison, on peut distinguer de l'espèce la décision sur laquelle s'est appuyée l'intimée dans l'arrêt Villeneuve c. Bell Canada (1987), 9 C.H.R.R. D/5093.

    De l'avis du Tribunal, en l'absence de toute intervention de la part de l'intimée, le fait que certains des plaignants aient pu décider par la suite de ne pas postuler de postes dans la force de réserve pour des motifs qui leur étaient personnels pourrait avoir une incidence sur la question des dommages-intérêts. Il reste toutefois que les plaignants se sont vu privés de la possibilité de prendre une décision valable, après avoir pesé correctement les divers facteurs contradictoires pour déterminer ce qui était dans leur meilleur intérêt à chacun, parce que des représentants de l'intimée leur ont nettement fait sentir que les FAC ne voulaient pas d'eux comme réservistes, en partie en raison de leur âge. Cela équivaut à de la discrimination directe. Pour les motifs déjà énoncés relativement à la décision de militariser le service, le Tribunal juge que l'intimée ne s'est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver que les considérations d'âge constituaient une EPJ dans toutes les circonstances.

    Enfin, l'intimée soutient qu'à l'exception de M. Chiasson, il n'y a aucune preuve de la capacité des plaignants de satisfaire aux critères médicaux des FAC. Comme l'a mentionné la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Via Rail Canada c. Butterill et al., (1982) 3 C.H.R.R. D/1043 à la p. 1047, la capacité des plaignants de satisfaire aux critères médicaux de l'intimée ne constitue pas un élément de l'affaire que les plaignants doivent prouver pour établir la responsabilité. La responsabilité est établie lorsque les plaignants prouvent qu'ils se sont vu refuser un emploi continu dans leurs postes en raison d'une pratique discriminatoire illicite. S'il devait être établi que l'un ou l'autre des plaignants n'était pas admissible au service militaire pour des raisons autres que l'âge, il faudrait prendre ce facteur en compte dans le calcul des dommages-intérêts (voir Basi c. Compagnie des chemins de fer nationaux, DT 2/88 (décision sur le redressement) à la p.3).

    (iv) Responsabilité du ministère des Transports

    La plainte contre MDT est fondée sur l'alinéa 10b) de la LCDP, qui prévoit que constitue un acte discriminatoire le fait, pour l'employeur, de conclure une entente susceptible d'annihiler les chances d'emploi d'un individu ou d'une catégorie d'individus, et ce pour un motif de distinction illicite. En l'espèce, on allègue que la conclusion du protocole d'entente a eu cet effet.

    On a fait valoir qu'étant donné qu'il n'y a qu'un seul intimé dans la présente affaire, cet intimé étant Sa Majesté la Reine, une seule entité ne pourrait pas conclure une entente avec elle-même. Cet argument a été traité par la Cour fédérale (Section de première instance), qui a déclaré ce qui suit :

    [Traduction]

    Que le gouvernement n'est pas un organisme homogène est un fait que, à mon avis, très peu de gens contesteraient. Il comprend divers ministères, chacun prenant ses propres décisions et entretenant des rapports avec les autres ministères. Maintenir qu'une entente entre deux ministres ou deux ministères n'est pas une entente au sens de l'article 10 de la Loi équivaudrait à ne pas tenir compte de la réalité des rouages du gouvernement, tout en donnant une interprétation restrictive au libellé de l'article 10,

    32

    ce qui, à mon avis, irait à l'encontre de l'objet sous-jacent de la Loi. (Le juge Cullen, supra., à la p. 20)

    De l'avis du Tribunal, cela équivaut à une question de droit et, par conséquent, nous sommes liés par la conclusion de la Cour fédérale. Au cas où nous aurions tort d'en arriver à cette conclusion, nous faisons remarquer que nous souscrivons à la conclusion du juge Cullen. Le Tribunal estime qu'accepter l'argument de l'intimée l'obligerait à donner au mot entente une interprétation trop technique, qui serait incompatible avec l'interprétation fondée sur l'objet visé qui est privilégiée dans la jurisprudence en matière de droits de la personne.

    Il est évident que MDT a eu très peu d'influence sur ce qui s'est produit dans la présente affaire, compte tenu de son obligation de respecter la directive du Premier ministre ainsi que de l'intransigeance de MDN. Toutefois, il est clair qu'au moment où le ministre des Transports a signé le PE le 17 juin 1985, l'entente visant le transfert du service devait avoir pour effet de faire perdre aux plaignants leur emploi, en partie en raison de leur âge. La signature du PE était le mécanisme qui ouvrait la voie à cette possibilité.

    Même s'il n'est pas nécessaire que nous concluions à l'intention pour juger qu'il y a eu discrimination, il ressort clairement du témoignage de Don Lamont que MDT était bel et bien au courant du fait que l'âge des plaignants constituait un facteur dans le processus de prise de décisions de MDN, et qu'il était conscient des conséquences qu'aurait cette décision pour les plaignants. (Volume 12 de la transcription, p. 1839 et p. 1848).

    Que MDT ait été incapable de négocier un meilleur arrangement pour ses employés et qu'il ait eu peu à dire dans l'affaire n'écarte pas la possibilité de conclure à la discrimination en vertu de l'alinéa 10b) de la LCDP (voir Moore et Akerstrom c. Conseil du Trésor et al., DT 8/96 à la p. 34).

    Comme il a déjà été mentionné, un examen du PE révèle que celui-ci est neutre à première vue : c'est-à-dire, il ne fait pas mention de l'âge des plaignants ni de politiques de l'intimée qui seraient fondées sur l'âge. La signature de l'entente a toutefois eu un effet préjudiciable sur les plaignants, en partie en raison de leur âge, et elle est donc visée par l'alinéa 10b) de la LCDP.

    L'intimée maintient que cela ne peut équivaloir à de la discrimination par suite d'un effet préjudiciable, car la discrimination par suite d'un effet préjudiciable exige que la règle en question s'applique à l'ensemble des employés, et qu'elle n'ait un effet préjudiciable que sur un sous-groupe de ces employés qui partagent une caractéristique commune protégée par la LCDP. Dans ces cas, la règle sera maintenue dans son application générale, mais l'employeur sera tenu de prendre des mesures d'accommodement en faveur des employés touchés. Pour étayer cet argument, l'intimée s'appuie sur la décision de la Cour suprême du Canada dans O'Malley, supra., à la p. 551. En l'espèce, selon l'intimée, il n'existe pas de règle universelle qui s'applique à tous les employés du groupe pertinent, c.-à-d. tout le personnel de MDT. L'intimée soutient que pour cette raison, les présentes circonstances ne peuvent être qualifiées de discrimination par suite d'un effet préjudiciable.

    De l'avis du Tribunal, le groupe pertinent à examiner dans le contexte d'une analyse de l'effet préjudiciable sont les employés de MDT qui assuraient des services de transport aérien avant le fusionnement. Ce groupe comprendrait les pilotes, les agents de bord, le personnel de la maintenance et les agents techniques d'exploitation, qui sont tous

    33

    mentionnés dans le PE. La preuve établit qu'au moins certains membres du personnel de MDT ont été absorbés par MDN (voir le témoignage de Walter Wright, un agent technique d'exploitation dont l'emploi a été transféré de MDT à MDN, volume 11 de la transcription, pp. 1649 à 1653). Le sous-groupe d'employés de MDT qui a subi un effet préjudiciable en raison du transfert de compétence a été les pilotes et les agents de bord qui, en raison d'un motif de distinction illicite (c.-à-d. l'âge), ont été jugés inaptes à occuper les postes. Alors qu'un groupe défini par une catégorie d'emplois commune n'attirera normalement pas la protection de la LCDP, en l'espèce ce sont les tâches de l'emploi des individus en question, alliées à leur âge collectif, dont MDN a tenu compte pour arriver à la conclusion qu'il n'accepterait pas le transfert de ces employés. Par conséquent, l'exécution du PE a eu un effet préjudiciable sur le statut des plaignants à titre de pilotes et d'agents de bord, en partie parce que leur âge moyen était de 51 ans.

    Enfin, nous remarquons que l'alinéa 10b) de la LCDP exige que l'entente en question soit susceptible d'annihiler les chances d'emploi d'un individu ou d'une catégorie d'individus, pour un motif de distinction illicite. De l'avis du Tribunal, en l'espèce cette catégorie était définie à la fois en fonction de l'âge et des tâches de l'emploi.

    L'intimée soutient également que pour constituer de la discrimination par suite d'un effet préjudiciable, il doit exister une règle d'emploi ou une norme d'application générale. Une décision ponctuelle de transférer un service (et, par extension, l'entente nécessaire pour effectuer ce transfert) ne constitue pas, selon l'intimée, une règle ou une norme de ce genre. Cet argument a été examiné à la fois par la Cour fédérale (Section de première instance), qui a déclaré :

    [Traduction]

    Même si, techniquement, il s'agissait d'une décision ponctuelle, ses effets pour les mis en cause laissent la même impression qu'une règle ou pratique générale d'emploi et, par conséquent, il est bon d'interpréter largement le libellé pour inclure ces types de décisions ... En décider autrement rendrait inutile la décision portant que le pouvoir qu'a le gouvernement de transférer des tâches est assujetti à un examen en vertu de la loi ... (A la page D/50)

    et par la Cour d'appel fédérale :

    [Traduction]

    Je ne vois pas moi-même comment le fait qu'il s'agissait d'une décision ponctuelle signifie qu'il ne pouvait pas s'agir d'une politique. C'était un principe directeur pour tous les membres du groupe pertinent, d'où l'application à leur endroit d'une décision fondée sur des motifs de politique, c.-à-d. que l'inégalité de l'âge, alliée à l'inégalité de rémunération, créerait de la friction ... et réduirait ainsi l'efficacité. (A la p. 131)

    Ni l'une ni l'autre des cours n'est arrivée à une conclusion précise sur la question de la discrimination par suite d'un effet préjudiciable.

    34

    Nous souscrivons à ces sentiments. En outre, nous remarquons que l'alinéa 10b) de la LCDP vise explicitement la situation où des changements sont apportés à l'emploi d'individus à la suite de la conclusion d'ententes (c.-à-d. des événements ponctuels).

    Pour cette raison, nous jugeons que les agissements de MDT lorsqu'il a signé le PE constituaient de la discrimination par suite d'un effet préjudiciable dans la mesure où les plaignants sont concernés.

    (v) Mesures d'adaptation raisonnables

    Après avoir conclu que les agissements de MDT constituaient de la discrimination par suite d'un effet préjudiciable, il faut maintenant déterminer si l'intimée s'est acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver qu'elle avait fait suffisamment d'efforts pour répondre aux besoins des plaignants, et que si elle avait fait davantage elle aurait subi des contraintes excessives.

    Dans un cas ordinaire de discrimination indirecte ou discrimination par suite d'un effet préjudiciable, un employeur sera tenu de modifier ou d'écarter la règle ou norme en question, dans la mesure où elle s'applique à ceux qui subissent un préjudice pour un motif de distinction illicite. En l'espèce, toutefois, les règles ou normes en question étaient celles qui étaient imposées par MDN, et sur lesquelles MDT n'avait aucun pouvoir de contrôle. L'avocat de la CCDP a reconnu que la seule façon dont MDT pouvait répondre aux besoins des plaignants était de leur trouver un autre emploi, et que, à cet égard, MDT [traduction] avait fait de très gros efforts (arguments de Duval, transcription, 19 août 1996, aux pp. 114- 115).

    L'étendue et la sincérité des efforts déployés par MDT à cet égard ont également été reconnues par les plaignants (voir p. 32 de la présente décision).

    En ce qui concerne la preuve dans son ensemble, nous sommes convaincus que MDT a fait tous les efforts raisonnables possibles pour trouver un autre emploi aux plaignants, et que dans les circonstances de l'espèce, MDT s'est acquitté, par ces efforts, de l'obligation qui lui incombait de prendre des mesures d'adaptation raisonnables.

    V. DOMMAGES-INTÉRETS

    Après avoir conclu à une responsabilité de la part de l'intimée, il reste à déterminer le montant, s'il en est, des dommages-intérêts à accorder aux plaignants.

    Dans l'évaluation des dommages-intérêts, la compétence du Tribunal est régie par l'article 53 de la LCDP. En outre, les cours ont établi que dans les cas de discrimination, le but de la réparation est d'indemniser la victime pour la pratique discriminatoire, en tenant compte des principes de l'éloignement et de la prévisibilité raisonnable (voir Procureur général du Canada c. Morgan, [1992] 2 C.F. 401, et Canada (Procureur général) c. McAlpine, [1989] 3 C.F. 530).

    a) Réintégration

    Compte tenu du temps qui s'est écoulé depuis cette affaire, ni les plaignants ni la CCDP ne demandent que les plaignants soient réintégrés dans leurs postes.

    35

    b) Perte de salaire

    Plusieurs questions préliminaires doivent d'abord être résolues avant que nous puissions quantifier correctement le montant des dommages-intérêts à attribuer à chaque plaignant.

    (i) Période de rémunération

    Dans l'arrêt Morgan, supra, la Cour d'appel fédérale a confirmé, et les parties ont reconnu, que les plaignants ne peuvent être indemnisés pour des pertes salariales, pour une période d'une durée indéfinie. Dans Morgan, la Cour n'a pas fixé de période limite, mais elle a donné aux tribunaux instruction de fixer la période d'indemnisation après une analyse approfondie des circonstances individuelles de chaque cas.

    Pour fixer un plafond en l'espèce, la Commission a fait valoir que les plaignants devraient avoir droit à des dommages-intérêts pendant une période maximale de quatre ans après le transfert officiel au MDN du Service de vols pour dignitaires, c.-à-d. jusqu'au 1er juillet 1990. La Commission s'est appuyée sur l'aveu de l'intimée selon lequel une période de transition de trois ans avait été envisagée à l'origine, au moins en partie pour minimiser les difficultés pour les employés touchés. Une période d'au moins trois ans était donc raisonnable pour l'attribution de dommages-intérêts, et une autre année devrait être ajoutée pour tenir compte de la situation des employés qui n'avaient pu se trouver un emploi dans le délai prévu.

    L'intimée a plaidé que la date limite devrait être fixée au 1er juillet 1986, la date à laquelle tous les plaignants avaient en fait trouvé un autre emploi ou avaient décidé de prendre leur retraite.

    Le Tribunal accepte en partie l'argument de la Commission. L'approche par étapes privilégiée à l'origine par MDN tenait compte des difficultés auxquelles, prévoyait-on, certains des plaignants pourraient se heurter en essayant de trouver un emploi. MDN estimait qu'il faudrait peut-être jusqu'à trois ans pour que tous les employés touchés soient placés (témoignage Bell, volume 20 de la transcription aux pp. 3022-3023, et pp. 3048-3049; pièce R-32, onglet 8). On pouvait donc prévoir que des plaignants pourraient subir un préjudice jusqu'à l'expiration de cette période.

    En ce qui concerne l'argument de l'intimée, le Tribunal ne peut accepter l'idée que la période d'indemnisation devrait automatiquement prendre fin le 1er juillet 1986. Même s'il appartenait aux plaignants de se chercher un autre emploi, cette obligation ne devrait pas les priver de leur droit à être indemnisés pour tout revenu perdu en dépit de leurs meilleurs efforts pour limiter ces pertes. Si leur nouvel emploi était moins rémunérateur que l'emploi qu'ils auraient eu n'eut été du comportement discriminatoire, cette différence devrait être indemnisable.

    Toutefois, le Tribunal accepte le point de vue de l'intimée concernant la question de savoir si une quatrième année devrait être ajoutée à la période indemnisable, comme l'a allégué la Commission. En se fondant sur la preuve dont il est saisi, le Tribunal juge qu'une prolongation n'est pas justifiée, car aucun des plaignants n'a en fait eu besoin de temps supplémentaire pour trouver un emploi. Le 1er juillet 1986, tous les plaignants avaient soit trouvé un nouvel

    36

    emploi soit choisi de prendre leur retraite, et par conséquent ils avaient mis fin à leur recherche d'emploi. (On trouvera à l'annexe A un compte rendu détaillé de la situation de chacun des plaignants.) Nous ne sommes pas disposés à accepter l'argument de la Commission dans l'abstrait, et il n'existe aucune raison probante pour étayer l'argument portant que la période maximale de trois ans doit être prolongée pour tenir compte de circonstances individuelles. Par conséquent, au vu de toute la preuve, nous jugeons qu'une limite de trois ans est appropriée dans les circonstances de l'espèce.

    Le Tribunal juge également que la période de trois ans doit débuter le 26 avril 1985, date de la réunion au cours de laquelle tous les plaignants ont été officiellement avisés qu'ils ne seraient pas mutés à MDN. C'est après cette réunion que les plaignants ont conclu qu'ils avaient été victimes de discrimination, et qu'on les avait effectivement privés de la possibilité de continuer dans leurs postes. Après la réunion d'avril, MDT a commencé à travailler avec les plaignants pour les aider à trouver d'autres emplois. En fait, un grand nombre d'entre eux ont quitté le Service de vols pour dignitaires avant que le transfert du service ne soit terminé le 1er juillet 1986 (témoignage Cox, volume 22 de la transcription, p. 3363; pièce R-l, volume 1, onglet 18). Par conséquent, les dommages-intérêts seront évalués sur la période allant du 26 avril 1985 au 26 avril 1988.

    (ii) Salaire de comparaison

    La Commission a plaidé que les plaignants devraient avoir droit à la différence entre le salaire qu'ils touchaient effectivement et le salaire et les avantages sociaux qu'ils auraient eus s'ils étaient demeurés membres de l'équipage civil du Service de vols pour dignitaires. La Commission invoque le fait que l'intimée avait songé au départ à une période de transition qui aurait permis aux plaignants de travailler pendant trois ans à titre d'employés civils de MDN avant que leurs postes ne soient éliminés. Selon la Commission, cela prouve que le transfert de ces employés à des postes d'employés civils de MDN constituait une solution de rechange raisonnable à la militarisation de ces postes, et les plaignants ont le droit d'être rémunérés au taux des civils. Le présent Tribunal ne considère pas la question de la période de transition proposée comme étant pertinente à la question du salaire de comparaison à utiliser et au montant des dommages-intérêts. Comme nous l'avons déjà mentionné, nous avons conclu que l'approche par étapes constitue une preuve que l'exclusion des plaignants pour des raisons d'âge n'était pas raisonnablement nécessaire pour atteindre les objectifs de l'intimée et, par conséquent, qu'elle constituait un facteur dont il fallait tenir compte pour déterminer si l'intimée avait prouvé qu'il existait une EPJ. A notre avis, cette preuve est surtout pertinente pour la détermination de la responsabilité, mais non pour la détermination du redressement à accorder par suite du comportement discriminatoire de l'intimée.

    La compétence du Tribunal se limite à ... ordonner ... à la personne trouvée coupable d'un acte discriminatoire ... d'indemniser la victime ... des pertes de salaire (alinéa 53(2)c)). Nous sommes d'avis que l'évaluation des dommages-intérêts, s'il en est, doit tenir

    37

    compte de toutes les circonstances de l'affaire. Nous avons déjà conclu que même si l'âge est un facteur qui est intervenu dans la décision de convertir ces postes en des postes militaires, le résultat aurait été identique même si l'âge des plaignants n'était pas entré en jeu. Compte tenu de cette conclusion, il nous paraît approprié de comparer ce que les plaignants gagnaient effectivement avec ce qu'ils auraient gagné s'ils avaient été enrôlés dans les FAC.

    Même si l'on croyait au début que les plaignants pourraient continuer à travailler comme pilotes civils pendant encore trois ans, c'est finalement en raison de considérations opérationnelles non discriminatoires, c.-à-d. l'acquisition d'autres appareils Challenger, que cette période a été réduite à environ dix-huit mois. Le simple fait que la période de transition aurait pu être plus longue ne change pas notre conclusion selon laquelle, de toute façon, en l'absence de toute viciation par un acte discriminatoire, les postes seraient devenus des postes militaires. Faire droit à la demande de la Commission et accorder des dommages-intérêts calculés en fonction de pertes de salaire déterminées au taux d'un emploi de civil placerait effectivement les plaignants dans une meilleure situation qu'ils ne l'auraient été s'il n'y avait pas eu discrimination. Par conséquent, ce sont seulement les pertes découlant de la non-accessibilité à des postes militaires qui sont indemnisables.

    (iii) Déductions du revenu gagné

    Pendant la période qui a suivi le 26 avril 1985, les plaignants ont touché un revenu de diverses façons. Certains d'entre eux ont décidé de prendre leur retraite et ont touché une pension et, selon les dispositions de leur convention collective, ils ont, à l'instar d'autres qui ont accepté un licenciement de MDT, également touché des prestations de départ. D'autres plaignants se sont trouvé un nouvel emploi à MDT et ont touché un salaire annuel plus des primes d'heures supplémentaires et, dans certains cas, une prime de vol.

    Il a été allégué par la Commission, et reconnu par l'intimé MDN (argumentation De Pencier, 21 août 1996, volume 3 de la transcription, aux pp. 351-352), que l'exception visant les assurances créée en droit de la responsabilité délictuelle (Cunningham c. Wheeler, [1994] 1 R.C.S. 359, Canadian Pacific Ltd. c. Gill, [1973] R.C.S. 654, et Commission des accidents du travail c. Lachance, [1973] R.C.S. 428) s'applique aux procédures menées en vertu de la LCDP. En se fondant sur les arguments invoqués par les parties, le Tribunal n'a pas traité le revenu de pension ou l'indemnité de départ comme du revenu gagné qui peut être déduit des salaires qu'auraient touchés les plaignants dans des postes militaires. Nous avons toutefois inclus les primes d'heures supplémentaires et les primes de vol, le cas échéant, dans le salaire de base du plaignant, pour arriver au total du revenu gagné pendant la période en question.

    38

    (iv) Détermination des dommages-intérêts dans chaque cas

    Il ressort de la preuve concernant les salaires militaires applicables qu'auraient touchés les plaignants s'ils étaient passés aux FAC que dans les forces armées le niveau de rémunération est fondé à la fois sur le rang et sur les années de service. La preuve établit en outre que le rang le plus élevé auquel les plaignants auraient pu aspirer au moment de se joindre aux FAC, que ce soit à titre de nouvelles recrues ou de réservistes en classe C qui s'enrôlent de nouveau, aurait été celui de capitaine pour les pilotes et de caporal-chef pour les agents de bord. Dans le cas de ceux qui s'enrôlaient de nouveau, le rang détenu au cours d'un service militaire antérieur aurait été un facteur dont on aurait tenu compte au moment du réenrôlement (témoignage MacDonald, volume 17 de la transcription, pp. 2483-2485; pièce R-1, volume 4, onglets 43-46; et pièce R-l, volume 4, onglet 36). En ce qui concerne chacun des plaignants, on nous a présenté très peu de preuves, sinon aucune, concernant le rang détenu par ceux qui avaient déjà été membres des FAC, et seulement des preuves limitées concernant le nombre d'années de service militaire que comptait chacun d'entre eux.

    Par conséquent, comme point de départ nous avons choisi, pour notre évaluation initiale des dommages-intérêts, le salaire maximal que les plaignants auraient pu toucher. Si aucune perte n'a été enregistrée par un plaignant même en utilisant le meilleur scénario, nous pouvons en conclure sans craindre de nous tromper que le plaignant en question n'a subi aucune perte salariale. S'il y a possibilité qu'il y ait eu perte, il faut alors examiner les efforts faits par le plaignant pour atténuer les dommages. Enfin, s'il y a possibilité de perte mesurée par rapport au montant maximal récupérable après que des efforts raisonnables ont été faits pour réduire cette perte, il faut examiner les circonstances particulières qui pourraient influer sur la capacité de gain réelle du plaignant.

    En se servant de cette analyse à trois volets, le Tribunal a procédé à une analyse distincte pour chaque plaignant. L'annexe A présente les calculs détaillés ainsi que les références aux preuves.

    Pour résumer nos constatations, nous avons conclu que la majorité des plaignants n'ont subi aucune perte salariale lorsqu'on compare leurs gains réels pour la période allant d'avril 1985 à avril 1988 avec, en mettant les choses au mieux, ce qu'ils auraient gagné dans les forces armées. En fait, pour un certain nombre de plaignants, la Commission a admis que le salaire qu'ils ont effectivement touché dépassait le salaire qu'ils auraient gagné, même si l'on mesure ce salaire par rapport à leur salaire antérieur de civil (voir la réponse de la CCDP au tableau des dommages de l'intimée, concernant MM. Brown, D.Bisson, R.Bisson, Carson, Czaja, Laroche et Squires).

    Dans le cas des agents de bord, le salaire militaire maximal qu'ils auraient pu accumuler sur trois ans au rang de caporal-chef aurait été de 93 884 $. Pour les pilotes, le rang pertinent était celui de capitaine, et le salaire maximal accumulé s'établissait à 155 620 $. Si l'on compare leurs salaires à ces sommes accumulées, deux des agents de bord et treize des pilotes n'auraient subi aucune perte.

    39

    Plus précisément, parmi les agents de bord MM. Empey (122 834,66 $) et R. Bisson (109 514,99 $) ont gagné plus qu'ils auraient gagné s'ils avaient été employés par les forces armées pendant cette période. En ce qui concerne les pilotes, MM. D.Bisson (176 843,86 $), Brown (202 706,23 $), Caskie (210 979,71 $), Czaja (168 193,22 $), Falardeau (192 817,28 $), Laroche (187 688,32 $), Maclnnis (197 510,62 $), Murray (194 724,08 $), Powell (195 081,56 $), Squires (197 629,66 $), Thorpe (214 232,12 $), Vickers (208 190,47 $) et Woodley (193 785,80 $) avaient tous touché des salaires qui dépassaient le salaire militaire correspondant pour la même période.

    Parmi les autres plaignants, deux agents de bord (MM. Burke et Gilks) et cinq pilotes (MM. Allin, Cranston, Devine, Graham et Williams) ont pris leur retraite de la fonction publique entre avril 1985 et avril 1988. Au cours des mois ou des années qui ont précédé leur départ à la retraite, ils ont tous gagné plus qu'ils auraient gagné dans les forces armées (voir annexe A). Le Tribunal conclut que dans le cas de chacun de ces plaignants, la décision de prendre leur retraite représente un défaut d'atténuer leurs dommages.

    MDT avait en place un Programme de réaménagement de l'effectif qui était complet et qui avait pour objet d'aider tous les plaignants à se trouver un autre emploi. Ces plaignants ont reconnu avoir été au courant du programme (témoignage Allin, volume 3 de la transcription, p. 466; témoignage Burke, volume 4 de la transcription, p. 638; témoignage Cranston, volume 1 de la transcription, p. 134; témoignage Devine, volume 6 de la transcription, p.900; témoignage Gilks, volume 10 de la transcription, pp. 1580, 1600-1602; témoignage Graham, volume 10 de la transcription, p. 1496; et témoignage Williams, volume 5 de la transcription, pp.714-717 et 726). MM. Cranston, Devine, Graham et Thorpe ont effectivement accepté de nouveaux postes à MDT, mais ils ont par la suite quitté ces postes pour insatisfaction au travail (témoignage Cranston, volume 1 de la transcription, à la p. 40; témoignage Devine, volume 6 de la transcription, à la p.900, voir également les pp. 926-931 et la pièce R-10; témoignage Graham, volume 10 de la transcription, p. 1470; et témoignage Thorpe, volume 3 de la transcription, aux pp. 516-517).

    MM. Allin, Burke, Gilks et Williams ont tous pris leur retraite le 1er juillet 1986 lorsque le SVD a été intégré aux FAC. Ces plaignants ont déclaré dans leurs témoignages qu'ils étaient peu intéressés par les postes qui existaient à MDT, ou encore qu'ils ne se sentaient pas qualifiés pour occuper ces postes. Même si on leur avait offert des cours de recyclage avec une protection salariale pendant un an, trois des plaignants ont expressément refusé des postes qui les auraient obligés à se recycler (témoignage Allin, volume 3 de la transcription, pp. 466 et 486-490; témoignage Burke, volume 4 de la transcription, p.638; et témoignage Gilks, volume 10 de la transcription, pp. 1580 et 1600-1602). M. Williams a choisi de ne chercher que des emplois dans l'aviation civile, et il a admis n'avoir prêté aucune attention aux postes qui étaient disponibles à MDT (témoignage Williams, volumes 4 et 5 de la transcription, aux pp. 688 et 714-717).

    En arrivant à la conclusion que ces plaignants n'avaient pas pris les mesures qui s'imposaient pour réduire leurs dommages, le Tribunal a examiné les effets souvent désastreux que la discrimination peut avoir

    40

    sur l'estime de soi. En outre, nous sommes conscients de l'impact énorme de la perte de son emploi à l'âge de 50 ans et plus, et nous comprenons que dans des circonstances de ce genre cette perte pourrait décourager quelqu'un de se chercher un autre emploi. Toutefois, sans preuve d'un problème de santé découlant de cette perte, la discrimination fondée sur l'âge ne libère pas un plaignant de l'obligation d'atténuer ses dommages. En l'espèce, il y avait des preuves de nombreuses possibilités d'emploi dont ne se sont pas prévalus ces plaignants.

    La Commission a fait valoir que les postes qu'offrait MDT ne convenaient vraiment pas à un grand nombre des plaignants. Elle a affirmé que c'était particulièrement le cas des agents de bord, et qu'il y avait lieu de considérer dans cette optique leur décision de prendre leur retraite. Même si nous sympathisons avec les circonstances difficiles dans lesquelles se sont retrouvés certains des plaignants, le Tribunal ne peut accepter cet argument.

    Après avoir examiné la preuve, le Tribunal constate que tous les plaignants qui ont postulé des postes dans le cadre du Programme de réaménagement de l'effectif de MDT ont en fait trouvé du travail. En outre, il ressort d'une évaluation des circonstances particulières de ceux qui ont décidé de prendre leur retraite qu'ils l'ont fait en grande partie pour des raisons personnelles, y compris, dans certains cas, parce qu'ils ne voulaient pas se recycler. Nous soulignons de nouveau que même si elles n'étaient peut-être pas idéales, de nombreuses possibilités se sont offertes aux plaignants mais ils ont décidé de ne pas s'en prévaloir. Nous comprenons très bien les raisons pour lesquelles ils ont décidé de prendre leur retraite, et nous ne leur reprochons pas ce choix. Toutefois, en ayant décidé ainsi, ils n'ont pas pris de mesures raisonnables pour réduire leurs dommages, et ils ne peuvent pas maintenant demander le remboursement de ces pertes.

    De même, nous avons conclu que M. Carson, dont les gains au cours des trois années ont été légèrement inférieurs au montant qu'il aurait touché s'il avait été dans les forces armées (-10 390,20 $), n'avait pris aucune mesure pour réduire ses pertes. A compter du 30 août 1986, M. Carson a accepté un licenciement volontaire, de son propre aveu pour des raisons personnelles. Dans son témoignage, il a admis qu'il aurait pu demeurer indéfiniment à MDT, à un salaire supérieur à celui qu'il aurait touché dans les forces armées, c.-à-d. 49 406 $ par rapport à 48 150 $, le salaire de base. (Voir l'annexe A pour des références détaillées). M. Carson a par la suite trouvé un emploi comme pilote dans le secteur privé. Il ne fait aucun doute qu'à l'instar de tous les plaignants qui étaient des pilotes professionnels, il préférait de beaucoup un poste de pilote à un poste d'employé de bureau. Le Tribunal comprend cette préférence. Manifestement, être aux commandes d'un appareil sera toujours plus intéressant que d'être [traduction] aux commandes d'un bureau. Il reste que le poste qui était disponible à MDT n'était ni avilissant ni incompatible avec sa formation. Nous jugeons donc que M. Carson, qui ne s'est pas acquitté de l'obligation qui lui incombait de réduire ses dommages, a perdu son droit à une indemnisation lorsqu'il a choisi de quitter un emploi sûr pour partir à la recherche de possibilités plus intéressantes.

    41

    Les cas de MM. Chiasson et Laliberté sont particuliers, et leurs demandes doivent donc être examinées séparément. M. Chiasson a été le seul plaignant à demander effectivement à s'enrôler dans les forces armées comme réserviste en classe C. Au cours de son examen médical, M. Chiasson a appris qu'il était inapte au service militaire car il pesait 23 kilos de trop. M. Chiasson n'a pas perdu le poids qu'il aurait dû perdre pour être accepté dans les forces armées, et après son examen médical il a renoncé à devenir réseviste en classe C (témoignage Chiasson, volume 11 de la transcription, pp. 1681-1683, 1697-1708 et 1719-1720). Il y a eu dans l'intervalle d'autres problèmes de santé qui ont peut-être amené M. Chiasson à décider d'abandonner sa demande d'enrôlement dans les forces armées (voir l'annexe A pour les détails); toutefois, en contre-interrogatoire, il a admis qu'il n'avait pas réussi dans ses efforts pour perdre le poids qu'il devait perdre et pouvoir ensuite postuler un poste dans les forces armées (témoignage Chiasson, volume 11 de la transcription à la p. 1713).

    Compte tenu de cette preuve, le Tribunal ne peut qu'arriver à la conclusion que M. Chiasson n'était pas admissible au service militaire et, par conséquent, il n'aurait pu conserver son poste d'agent de bord dans les FAC. La question de savoir s'il a subi ou non des pertes salariales en raison du comportement discriminatoire de l'intimée n'a plus alors aucun intérêt pratique. Nous jugeons comme un fait que M. Chiasson ne répondait pas aux critères d'enrôlement des FAC, et qu'il n'avait donc pas droit à des dommages-intérêts pour une perte salariale dans cet emploi.

    De même, M. Laliberté était, au moment du comportement discriminatoire, inadmissible au poste pour lequel il demande des dommages-intérêts. M. Laliberté avait travaillé comme pilote pour le SVD; toutefois, en novembre 1985 sa licence de pilote a été annulée pour des raisons médicales (témoignage Laliberté, volume 1 de la transcription, p. 196). Par conséquent, nous jugeons que M. Laliberté n'avait pas les qualités requises pour postuler un poste de pilote auprès des FAC et, par conséquent, qu'il ne peut demander de dommages-intérêts pour une perte de revenu dans ce poste.

    Il convient de mentionner que notre conclusion concernant MM. Chiasson et Laliberté s'applique uniquement à des pertes reliées à l'emploi. Le comportement discriminatoire qu'a manifesté l'intimée à la réunion du 26 avril 1985 les visait tout autant que les autres plaignants. On leur a dit, tout comme aux autres plaignants, qu'en raison de leur âge ils perdraient leurs postes comme membres d'équipage des vols pour dignitaires. L'humiliation et l'affront à la dignité découlant des déclarations publiques de l'intimée auraient été ressentis tout aussi profondément par tous ceux qui étaient susceptibles d'être touchés, et MM. Chiasson et Laliberté ont le droit de demander des dommages-intérêts pour préjudice moral.

    Il ne reste alors plus que M. Brulé qui aurait peut-être subi une perte salariale indemnisable. Lorsqu'on compare son revenu réel (les primes d'heures supplémentaires comprises) avec le salaire maximal autorisé dans les FAC, il a subi une perte de 3 122,46 $ au cours de la période visée. Divers facteurs extérieurs auraient pu influer sur le montant réel de sa perte : M. Brulé aurait pu décider de ne pas tenter

    42

    de s'enrôler dans les forces armées; il n'aurait peut-être pas pu réunir les conditions voulues pour pouvoir s'enrôler; s'il avait réuni les conditions voulues, il n'aurait peut-être pas été recruté au taux de salaire maximal; il ne serait peut-être pas demeuré dans les forces armées pour toute la période relativement à laquelle l'indemnisation est accordée, etc. Compte tenu du temps qui s'est écoulé et de la nécessité de régler définitivement cette affaire, le Tribunal a tenu compte de ces facteurs et il adjuge la somme de 3 122,46 $ pour perte de revenu; toutefois, il refuse d'ordonner que de l'intérêt soit versé sur ce montant.

    c) Perte d'autres prestations d'emploi

    La Commission a également demandé des dommages-intérêts pour la perte de prestations de pension et d'indemnités de départ. Nous avons déjà conclu que MM. Chiasson, Laliberté, Burke, Gilks, Allin, Carson, Cranston, Devine, Graham et Williams ne pouvaient être indemnisés pour toute perte de revenu d'emploi, soit parce qu'ils n'avaient pas les qualités requises pour postuler un poste dans les FAC, soit parce qu'ils n'avaient pas pris les mesures qui s'imposaient pour réduire leurs dommages. Compte tenu de ces conclusions, ces plaignants ne peuvent pas non plus demander à être indemnisés pour d'autres pertes reliées à l'emploi.

    En ce qui concerne les autres plaignants, nous avons jugé qu'ils avaient tous gagné plus qu'ils auraient gagné s'ils s'étaient enrôlés dans les forces armées. Comme le montant des prestations de pension et des indemnités de départ de chacun est calculé en fonction de leur salaire, aucun de ces plaignants ne devrait avoir subi de perte au chapitre de ces prestations ou indemnités. M. Brulé pourrait être la seule exception, car il a gagné moins qu'il n'aurait gagné dans les forces armées. Il se peut que M. Brulé ait subi des pertes correspondantes sur le plan de la pension, mais diverses autres éventualités devraient être examinées. M. Brulé touchait déjà une pension pour un service militaire antérieur. Il n'est pas clair s'il aurait encore touché cette somme s'il s'était réenrôlé dans les forces armées (témoignage Brulé, volume 6 de la transcription, p. 988). En outre, les affectations à la réserve en classe C sont pour une période relativement brève (témoignage MacDonald, volume 16 de la transcription, p. 2486), et la différence entre ce qu'il a effectivement gagné et le salaire maximal qu'il aurait touché représentait une somme relativement peu élevée (9 462,15 $), lorsqu'on compare les salaires de base (témoignage Brulé, volume 6 de la transcription, aux pp. 987-989; et pièce R-24). Pour calculer ses pertes au chapitre de la pension, il faudrait présenter des preuves concernant ces inconnues.

    Presque toute la preuve qui a été produite à la présente audience était fondée sur un calcul des pertes des plaignants par rapport à un salaire de civil (voir pièces HRC 75 et HRC 76, Tate Actuarial Report, Supplementary Report, et témoignage Tate, volume 13 de la transcription, à la p. 1984). Le seul élément de preuve concernant les pertes au chapitre de la pension qu'auraient subies les plaignants s'ils s'étaient enrôlés dans les FAC était un aveu de la part de

    43

    M. Tate, l'actuaire de la Commission, selon lequel il était difficile d'établir des comparaisons avec les prestations de pension prévues à partir du salaire et du régime de pensions des forces armées et, par conséquent, toute perte au chapitre de la pension demeure une inconnue (témoignage Tate, volume 14 de la transcription, aux pp. 2159-2163, citation à la p. 2163).

    Il incombe à la Commission et aux plaignants d'établir par des preuves les pertes qu'ils ont subies. Au vu du dossier, nous jugeons qu'ils ne se sont pas acquittés de cette obligation, et qu'il n'y a pas suffisamment de preuves pour ordonner qu'ils soient indemnisés pour des prestations de pension ou des indemnités de départ qu'ils auraient perdues.

    d) Perte d'un emploi amusant

    La Commission a également demandé un montant indéterminé pour chaque plaignant, pour perte d'un emploi amusant. Même s'il n'est pas facile de quantifier la satisfaction au travail, il ne fait aucun doute que ces plaignants occupaient des emplois très motivants et très prestigieux lorsqu'ils travaillaient au Service de vols pour dignitaires de MDT. Il ressort clairement de la preuve que l'une des raisons pour lesquelles les forces armées tenaient au transfert de ce service était qu'elles pourraient ensuite confier ces affectations de choix à leurs pilotes militaires (témoignage Reid, volume 22 de la transcription, à la p. 3342). De même, dans le cas des plaignants, nous comprenons que s'ils étaient malheureux à l'idée de perdre leur emploi, c'était en partie parce qu'ils aimaient véritablement leur travail.

    En dépit de la sympathie que nous éprouvons à l'endroit des plaignants, l'alinéa 53(2)c) de la Loi nous permet uniquement d'indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction qu'il (le tribunal) juge indiquée, des pertes de salaire et des dépenses entraînées par l'acte .... A première vue, cet article ne s'applique qu'aux pertes pécuniaires. Toute compétence que nous pouvons avoir pour ordonner le paiement d'une indemnité pour des impondérables associés à un comportement discriminatoire se limite au pouvoir énoncé au paragraphe 53(3), lequel autorise le Tribunal à ordonner le paiement d'une indemnité pour un préjudice moral.

    e) Préjudice moral

    Le paragraphe 53(3) de la LCDP autorise un Tribunal à ordonner le paiement d'une indemnité (d'un montant maximal de 5 000 $) lorsque le Tribunal en vient à la conclusion que l'intimé a agi d'une façon délibérée ou inconsidérée, ou lorsque la victime de l'acte discriminatoire en a souffert un préjudice moral.

    En déterminant les dommages-intérêts auxquels ont droit les plaignants, le Tribunal reconnaît que le sentiment d'indignation qu'éprouvent certains des plaignants face à la façon dont ils ont été traités tient sans aucun doute au fait qu'on leur avait laissé croire au début que leurs postes de pilotes et d'agents de bord du Service de vols pour dignitaires étaient garantis, en dépit du transfert imminent au MDN de la responsabilité de ce Service. Malgré les affirmations de divers fonctionnaires de haut rang, jusqu'au Premier ministre

    44

    inclusivement, les plaignants ont ensuite découvert qu'on leur avait coupé l'herbe sous les pieds avec la militarisation du Service, et de nouveau avec l'accélération de la période d'élimination des JetStar, en dépit des assurances données le 30 janvier 1985 selon lesquelles la période de transition de trois ans était très ferme. Leur sentiment d'avoir été trahis découle sans aucun doute de la façon dont ils ont été traités au cours du processus tout autant que de l'influence qu'a eu leur âge collectif sur l'issue de ce processus.

    Pour accorder des dommages-intérêts sous cette rubrique, les facteurs les plus importants dont doit tenir compte le Tribunal sont les événements du 30 janvier et du 26 avril 1985.

    L'âge est un facteur quelque peu différent des autres motifs de distinction illicite énumérés à l'article 3 de la LCDP. Par contraste avec bon nombre des autres motifs prohibés comme la race ou la religion, qui décrivent des caractéristiques que peuvent partager seulement quelques membres de notre société, ou des caractéristiques comme le sexe qui sont immuables et qui ne changeront normalement pas avec le temps, nous avons tous un âge, et cet âge change constamment au fur et à mesure que nous avançons dans la vie. Nous avons tous été jeunes à une époque, et la plupart d'entre nous vivrons jusqu'à un âge avancé. C'est peut-être pour cette raison que l'âge et les questions liées à l'âge jouent un rôle prédominant dans nos vies, qu'ils influent sur tout, à partir du prix des billets dans les cinémas aux droits en matière de pension. Toutefois, l'âge d'une personne est un élément aussi important de son identité que son sexe, sa race ou son orientation sexuelle. Il est difficile d'imaginer qu'à notre époque, il pourrait y avoir des réunions au cours desquelles on dirait à certaines personnes qu'elles ne sont plus acceptables aux yeux d'une organisation en raison de leur sexe, de leur religion, de leur race ou de leur orientation sexuelle. Toutefois, la preuve montre qu'en l'espèce, ces personnes très professionnelles, qui comptaient des années d'expérience, ont été avisées que les FAC ne voulaient pas d'elles parce qu'elles étaient trop âgées.

    Pour déterminer les dommages-intérêts auxquels a droit un plaignant sous cette rubrique, le Tribunal examinera normalement un certain nombre de facteurs, y compris le comportement du plaignant pendant son témoignage, particulièrement sa description des effets de la discrimination sur lui ou sur elle. Dans la présente affaire, nous sommes gênés du fait que nous n'avons pas eu l'occasion d'observer les plaignants en personne. Bon nombre des plaignants ont cependant décrit dans des termes très convaincants les effets qu'avait eus sur eux la discrimination.

    Nous avons également eu l'occasion d'observer M. Cranston, qui a fait fonction de chef des plaignants pendant cette longue saga. M. Cranston a fait une déclaration très éloquente au début de la présente audience. Il est évident que même si une douzaine d'années se sont écoulées depuis le déclenchement de ces événements, les sentiments qu'a provoqués la façon dont ces employés ont été traités sont encore très près de la surface.

    Bien qu'il ne fasse aucun doute que certains des plaignants ont été touchés plus profondément que d'autres par ces événements, étant donné que l'affaire a été tranchée au vu d'un dossier écrit, nous ne

    45

    pouvons évaluer pleinement, avec assez de précision, la mesure dans laquelle chacun des plaignants a souffert. Par conséquent, nous accordons à chacun d'eux la même indemnité sous cette rubrique, que nous fixons à 3 000 $ par plaignant.

    f) Intérêt

    Il est maintenant bien établi que des intérêts sont payables sur les montants accordés pour préjudice moral (Procureur général du Canada c. Morgan [1992] 2 C.F. 401 (C.A.). Par conséquent, le Tribunal ordonne que des intérêts simples soient payés sur les montants adjugés dans le paragraphe précédent. Les intérêts doivent commencer à courir le 26 avril 1985 - la date à laquelle les plaignants ont été avisés que les FAC ne voulaient pas d'eux en raison de leur âge. Le taux d'intérêt des Obligations d'épargne du Canada devrait être utilisé pour le calcul. Compte tenu des énormes fluctuations dans les taux d'intérêt au cours des onze dernières années, le Tribunal ordonne que soit utilisé le taux moyen des Obligations d'épargne du Canada pendant cette période. En aucun cas, toutefois, le montant total payable à titre d'indemnisation pour préjudice moral, y compris les intérêts, devrait-il dépasser 5 000 $ pour chaque plaignant (Procureur général du Canada c. Rosin, [1991] 1 C.F. 391).

    VI. ORDONNANCE

    Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal déclare que l'intimée a porté atteinte aux droits des plaignants en vertu de la LCDP, et il ordonne ce qui suit :

    1. que l'intimée paie au plaignant Brulé la somme de 3 122,46 $ pour perte de salaire;
    2. que l'intimée paie à chacun des plaignants la somme de 3 000 $ pour préjudice moral;
    3. que l'intimée paie des intérêts simples sur les montants accordés en vertu du paragraphe 2, lesquels intérêts devant commencer à courir le 26 avril 1985, et être calculés en fonction du taux d'intérêt moyen des Obligations d'épargne du Canada pour la période allant d'avril 1985 à novembre 1996. En aucun cas, toutefois, le montant total accordé pour préjudice moral à un plaignant doit-il dépasser 5 000 $, les intérêts compris.

    Fait ce 29e jour de novembre 1996.


    Anne L. Mactavish

    Reva Devins

    Murthy Ghandikota

    46

    ANNEXE A CALCUL DÉTAILLÉ DES SALAIRES

    1. Indemnité d'aviateur maximale autorisée (tout le personnel)

    1985 : 1 800 $ (8/12 @ 2 700 $) 1986 : 2 934 $ (3/12 @ 2 700 $, 6/12 @ 2 988 $, et 3/12 @ 3 060 $) 1987 : 3 132 $ (3/12 @3 060 $, et 9/12 @ 3 156 $) 1988 : 1 060 $ (3/12 @ 3 156 $, et 1/12 @ 3 252 $)

    Total : 8 926 $

    II. Agents de bord - Salaire militaire maximal au niveau de CPLC :

    1985 : 17 984 $(8/12 @ 26 976 $) 1986 : 27 867 $ (3/12 @ 26 976 $, 6/12 @ 27 984 $, et 3/12 @ 28 524 $) 1987 : 29 217 $ (3/12 @28 524 $, et 9/12 @ 29 448 $) 1988 : 9 980 $ (3/12 @ 29 448 $, et 1/12 @ 30 336 $)

    TOTAL : 84 958 $ + 8 926 $ = 93 884 $

    Total jusqu'au 1er juillet 1986 : 31 724 $ + 3 222 $ = 34 946 $

    (VOIR PIECE R-24)

    (i) R. Bisson

    Gains réels : 1985 : 24 672 $ (8/12 de 37 008 $) 1986 : 30 581 $ 1987 : 39 866,99 $ 1988 : 14 395 $(4/12 de 43 185 $)

    Revenu total : 109 514,99 $

    (Réf. Volume 11 de la transcription, aux pp. 1734-1736)

    (ii) Brulé

    Gains réels : 1985 : 23 452,38 $ (8/12 de 35 178,58 $) 1986 : 31 950,05 $ 1987 : 27 509,44 $ 1988 : 7 849,67 $ (4/12 de 23 549 $)

    47

    Revenu total : 90 761,54 $

    (Réf. Volume 6 de la transcription, aux pp. 987-989)

    (iii) Burke

    Gains réels : 1985 : 23 001,54 $ (8/12 de 34 502,31 $) 1986 : 18 835,62 $, jusqu'au 1er juillet 1986 1987 : revenu de pension seulement 1988 : revenu de pension seulement

    Revenu total : 41 837,16 $ (jusqu'au 1er juillet 1986)

    Salaire militaire pour la même période : 34 946 $

    Détails concernant le départ à la retraite : A pris sa retraite le 1er juillet 1986, lorsque le SVD a été intégré aux FAC. M. Burke se rappelle avoir reçu régulièrement des listes des postes disponibles dans la fonction publique, et il reconnaît avoir vu la lettre décrivant le Programme de réaménagement de l'effectif (pp. 629-630 et 637). Il ne se rappelle pas avoir reçu de MDT une aide personnelle pour se trouver un autre travail (pp. 628-630).

    M. Burke n'a pas posé sa candidature à des postes à MDT, car il estimait soit qu'il était sous-qualifié pour les postes en question, soit que ces postes étaient avilissants. Il a fini par arriver à la conclusion que le départ à la retraite était sa meilleure solution (pp. 552, 631 et 635). En contre-interrogatoire, il a passé en revue les listes de la fonction publique, et il a affirmé que pour ce qui était des postes énumérés, soit qu'il n'était pas qualifié, soit [traduction] ... ceux que je pouvais postuler, je ne les voulais pas (à la p. 638). Il a posé sa candidature à des postes d'agent de bord auprès de deux grandes compagnies aériennes, mais elle n'a pas été retenue en raison de son âge (pp. 551 et 631). M. Burke a aussi témoigné qu'il était un peu déprimé à l'époque, et qu'il avait dû consulter un médecin (p. 631). Il n'y avait aucune preuve médicale concernant la gravité de sa maladie. Ni M. Burke, dans son témoignage, ni la Commission, dans son argumentation, n'ont laissé entendre que sa dépression était grave au point de l'empêcher de faire des démarches pour se trouver un autre travail.

    (Réf. Volume 4 de la transcription, aux pp. 608-612)

    (iv) Chiasson

    48

    Gains réels : 1985 : 22 950,67 $ (8/12 de 34 426 $) 1986 : 19 130 $ (jusqu'à juin 1986) 1987 : revenu de pension seulement 1988 : revenu de pension seulement

    Revenu total pour 1985 et 1986 : 42 080,67 $

    Salaire militaire pour la même période : 34 946 $

    Détails concernant le départ à la retraite : A pris sa retraite en juin 1986. M. Chiasson n'a pas tenté de se trouver un autre emploi dans la fonction publique, car il n'y avait pas de poste vacant dans son domaine de compétence (p. 1682). En contre-interrogatoire, M. Chiasson a admis qu'il était au courant du Programme de réaménagement de l'effectif, bien qu'il ne pouvait plus se rappeler tous les détails du programme (pp. 1716-1719).

    M. Chiasson a également avoué qu'il n'avait pas posé sa candidature à des postes dans la fonction publique, car il [traduction] avait l'impression qu'il allait passer aux forces armées comme employé en classe C (p. 1719). Au début, M. Chiasson avait déposé auprès des forces armées une demande de réenrôlement comme réserviste en classe C. Lorsque le Dr Rodgman a examiné M. Chiasson, il lui a dit qu'il n'était pas admissible au service militaire, car il avait 23 kilos de trop. M. Chiasson n'a pas perdu le poids qu'il aurait dû perdre pour réunir les qualités exigées par les forces armées, et après l'examen médical il n'a pas donné suite à sa demande d'emploi comme réserviste en classe C (pp. 1681-1683, 1697-1708 et 1719-1720).

    Au moment de l'examen médical, le Dr Rodgman et M. Chiasson ont également discuté des résultats anormaux d'examens du foie, qui indiquaient qu'il souffrait peut-être d'hépatite B ou de cancer. Naturellement, cette nouvelle a beaucoup inquiété M. Chiasson, et il a subi d'autres examens prescrits par son propre médecin de famille au cours des neuf mois suivants. On lui a finalement dit qu'il n'avait aucune maladie sous-jacente qui affectait le fonctionnement de son foie; toutefois, il n'a pas donné suite à sa demande antérieure d'emploi dans les forces armées (pp. 1681-1683, 1697-1708 et 1719-1720).

    (Réf. Volume 11 de la transcription, aux pp. 1688-1689)

    (v) Empey

    Gains réels : 1985 : 32 126,67 $ (8/12 de 48 190 $) 1986 : 36 513,12 $ 1987 : 41 377,59 $

    49

    1988 : 12 817,28 $ (4/12 de 38 451,83 $)

    Revenu total : 122 834,66 $

    (Réf. Volume 7 de la transcription, aux pp. 1109-1112)

    (vi) Gilks

    Gains réels : 1985 : 22 914 $ (8/12 de 34 371 $) 1986 : 19 476,28 (jusqu'au 1er juillet 1986) 1987 : revenu de pension seulement 1988 : revenu de pension seulement

    Revenu total pour 1985 et la moitié de 1986 : 42 390,28 $

    Salaire militaire pour la même période : 34 946 $

    Détails concernant le départ à la retraite : A pris sa retraite le 1er juillet 1986, lorsque le SVD a été intégré aux FAC. M. Gilks a tenté de poser sa candidature à un certain nombre de postes auprès de compagnies aériennes du secteur privé, mais on lui a dit qu'il était trop âgé (p. 1579). Il était au courant du Programme de réaménagement de l'effectif, et il savait qu'il se verrait accorder la priorité pour les postes à combler, qu'il pourrait suivre des cours de recyclage, au besoin, et que son salaire serait protégé pendant un an s'il acceptait un poste à un salaire inférieur (pp. 1600-1601). Toutefois, il n'a pas postulé d'emplois dans la fonction publique, car il estimait qu'il n'était pas qualifié pour les postes annoncés, et il n'était pas intéressé par des cours de recyclage (pp. 1580 et 1602).

    Dans son témoignage, M. Gilks a déclaré explicitement qu'il n'était pas intéressé par un poste dans les forces armées - il voulait un poste de civil dans les forces armées (p. 1597).

    (Réf. Volume 10 de la transcription, aux pp. 1583-1585)

    III. Pilotes - Salaire militaire maximal au niveau de capitaine :

    1985 : 31 088 $ (8/12 @ 46 632 $) 1986 : 48 150 $ (3/12 @ 46 632 $, 6/12 @ 48 384 $, et 3/12 @ 49 200 $) 1987 : 50 397 $ (3/12 @ 49 200 $, et 9/12 @ 50 796 $) 1988 : 17 059 $ (3/12 @ 50 796 $, et 1/12 @ 52 320 $)

    50

    TOTAL : 146 694 $+8 926 $ (Indemnité d'aviateur)= 155 620 $

    Total jusqu'au 1er juillet 1986 : 54 842 $+ 3 222 $ = 58 064 $ (VOIR PIECE R-24)

    (i) Allin

    Gains réels : 1985 : 42 563,15 $ (8/12 de 63 844,72 $) 1986 : 48 915,91 $ (jusqu'au départ à la retraite le 1er juillet 1986) 1987 : revenu de pension seulement 1988 : revenu de pension seulement

    Revenu total pour 1985 et 1986 : 91 479,06 $

    Salaire militaire pour la même période : 58 064 $

    Détails concernant le départ à la retraite : A pris sa retraite en juillet 1986, lorsque le SVD a été intégré aux FAC. Il n'a pas postulé de postes au MDT, parce qu'il estimait ne pas avoir les qualités requises (p. 465). Il a également décidé de ne pas poser sa candidature à des postes qui nécessitaient un recyclage, car il débuterait à un salaire égal à sa pension (p. 466). Il n'a pas cherché de travail après avoir pris sa retraite, car il avait alors décidé qu'il ne travaillerait plus (p. 467).

    (Réf. Volume 3 de la transcription, aux pp. 469-474)

    (ii) D. Bisson

    Gains réels : 1985 : 34 095,39 $ (8/12 de 51 143,09 $) 1986 : 62 848,64 $ 1987 : 58 395,41 $ 1988 : 21 504,42 $ (4/12 de 64 513,27 $)

    Revenu total : 176 843,86 $

    (Réf. Volume 3 de la transcription, aux pp. 388-390)

    (iii) Brown

    Gains réels : 1985 : 37 275,57 $ (8/12 de 55 913,36 $) 1986 : 42 031 $* 1987 : 81 123 $

    51

    1988 : 42 276,67 $ (4/12 de 126 830 $)

    Revenu total : 202 706,23 $

    * a accepté un licenciement de MDT le 1er juillet 1986 et s'est joint à Wardair (Réf. Volume 8 de la transcription, aux pp. 1315-1318)

    (iv) Carson

    Gains réels : 1985 : 33 312,67 $ (8/12 de 49 969 $) 1986 : 36 745,13 $ 1987 : 57 174 $ 1988 : 17 998 $ (4/12 de 53 994 $)

    Revenu total : 145 229,80 $

    Détails concernant l'emploi : De 1985 à 1988, M. Carson s'est prévalu d'un certain nombre de possibilités d'emploi, y compris une formation auprès d'Air Canada, une promotion à MDT à titre d'agent de la sécurité aéronautique, et peut-être des cours de recyclage pour obtenir les titres et qualités requis d'un pilote ingénieur d'essai (pp. 310-313). Il a finalement été déterminé que le coût de la formation dont il avait besoin pour accéder au poste qu'il postulait était trop élevé (de 450 000 $ à 1 million de dollars US), et il a décidé de se chercher un emploi dans le secteur privé (pp. 313-317).

    Avant de quitter la fonction publique, M. Carson travaillait à MDT au niveau de CAI-3, à un salaire de 49 406 $ (p. 323). Le 30 août 1986, il a accepté un licenciement pour des raisons personnelles, et pour [traduction] tirer un rendement de ses cotisations, ainsi qu'une ... indemnité de départ (pp. 324-325 et 334-335). En contre-interrogatoire, M. Carson a admis de plein gré que lorsqu'il a quitté son poste d'agent de la sécurité aéronautique en juin 1986, il lui était loisible de demeurer dans ce poste indéfiniment (pp. 334-335).

    (Réf. Volume 2 de la transcription, aux pp. 321-329)

    (v) Caskie

    Gains réels : 1985 : 43 771,88 $ (8/12 de 65 657,82 $) 1986 : 69 423,83 $ 1987 : 74 393 $ 1988 : 23 391 $ (4/12 de 70 173 $)

    52

    Revenu total : 210 979,71 $

    (Réf. Volume 4 de la transcription, aux pp. 651-658)

    (vi) Cranston

    Gains réels : 1985 : 42 115,33 $ (8/12 de 63 173 $) 1986 : 68 642,33 $ 1987 : 22 270,91 $ (jusqu'à son départ à la retraite le 28 avril 1987) 1988 : revenu de pension seulement

    Revenu total : 133 028,57 $ (d'avril 1985 au 28 avril 1987)

    Salaire militaire pour 95 768,42 $ + 5 672 $ = 101 440,42 $ la même période :

    Détails concernant le départ à la retraite : A pris sa retraite le 28 avril 1987. Il a décidé de quitter son nouveau poste à MDT, car il avait reporté une formation approfondie dans ce poste pendant qu'il posait sa candidature à des postes de pilote à l'extérieur. Lorsque ces postes ne se sont pas matérialisés, il a eu l'impression qu'il ne faisait pas sa part, et qu'il n'était pas honnête de continuer dans le poste (pp. 39-41). Il n'y avait aucune preuve que MDT lui avait demandé de partir, ou encore que le Ministère n'était plus disposé à lui offrir une formation dans son nouveau poste. En fait, dans son témoignage (à la p. 134), il dit que MDT a fait tous les efforts possibles pour trouver un autre emploi à tout le monde.

    (Réf. Volume 1 de la transcription, aux pp. 42, 51 et 55)

    (vii) Czaja

    Gains réels : 1985 : 36 394,67 $ (8/12 de 54 592 $) 1986 : 54 759,12 $ 1987 : 56 722,66 $ 1988 : 20 316,77 $ (4/12 de 60 950,30 $)

    Revenu total : 168 193,22 $

    (Réf. Volume 7 de la transcription, aux pp. 1041-1047 et 1086)

    (viii) Devine

    53

    Gains réels : 1985 : 43 098 $ (8/12 de 64 647 $) 1986 : 37 007 $ (jusqu'à son départ à la retraite le 1er juillet 1986) 1987 : pension et petite somme provenant d'un travail à temps partiel 1988 : pension et petite somme provenant d'un travail à temps partiel

    Revenu total pour 1985 et 1986 : 80 105 $

    Salaire militaire pour la même période : 58 064 $

    Détails concernant le départ à la retraite : A pris sa retraite en juillet 1986, lorsque le SVD a été intégré aux FAC. Il s'était vu offrir un poste à MDT comme inspecteur des transporteurs aériens, poste qu'il avait accepté pour trois mois. Comme il jugeait que son nouveau poste à MDT comportait trop de formalités administratives et pas assez d'heures de vol, il a demandé à retourner au SVD, puis il a pris une retraite anticipée le 1er juillet 1986 (pp. 900, 927-931).

    (Réf. Volume 6 de la transcription, aux pp. 905-907)

    (ix) Falardeau

    Gains réels : 1985 : 43 478,73 $ (8/12 de 65 218,09 $) 1986 : 69 846,44 $ 1987 : 58 430,31 $ 1988 : 21 061,80 $ (4/12 de 63 185,40 $)

    Revenu total : 192 817,28 $

    (Réf. Volume 5 de la transcription, aux pp. 751-755)

    (x) Graham

    Gains réels : 1985 : 42 678 $ (8/12 de 64 017 $) 1986 : 70 415,71 $ 1987 : 58 979,95 $ 1988 : revenu de pension seulement

    Revenu total pour 172 073,66 $ 1985-1987 :

    Salaire militaire pour la même période : 129 635 $ + 7 872,75 $ = 137 507,75 $

    Détails concernant le départ à la retraite : A pris sa retraite le 30 décembre 1987 (p. 1458).

    54

    (Réf. Volume 10 de la transcription, aux pp. 1481-1483)

    (xi) Laliberté

    Gains réels : 1985 : 33 619,98 $ (8/12 de 50 429,97 $) 1986 : 33 614,18 $ (jusqu'à son départ à la retraite le 28 juin 1986) 1987 : revenu de pension seulement 1988 : revenu de pension seulement

    Revenu total pour 1985 et 1986 : 67 234,16 $

    Salaire militaire pour la même période : 58 064 $

    Détails concernant le départ à la retraite : A pris sa retraite le 28 juin 1986; sa licence de pilote avait été annulée en 1985 pour des raisons médicales (pp. 196 et 227-228).

    (Réf. Volume 2 de la transcription, à la p. 196)

    (xii) Laroche

    Gains réels : 1985 : 35 866,67 $ (8/12 de 53 800 $) 1986 : 62 914 $ 1987 : 64 701,75 $ 1988 : 24 205,90 $ (4/12 de 72 617,70 $)

    Revenu total : 187 688,32 $

    (Réf. Volume 5 de la transcription, aux pp. 793-795)

    (xii) Maclnnis

    Gains réels : 1985 : 43 362 $ (8/12 de 65 043 $) 1986 : 70 750 $ 1987 : 62 399,66 $ 1988 : 20 998,97 $ (4/12 de 62 996,90)

    Revenu total : 197 510,62 $

    (Réf. Volume 2 de la transcription, aux pp. 265-269)

    (xiv) Murray Gains réels : 1985 : 44 071,33 $ (8/12 de 66 107 $) 1986 : 67 158,83 $

    55

    1987 : 62 274,52 $ 1988 : 21 219,40 $ (4/12 de 63 658,20 $)

    Revenu total : 194 724,08 $

    (Réf. Volume 12 de la transcription, aux pp. 1770-1775)

    (xv) Powell Gains réels : 1985 : 44 948 $ (8/12 de 67 422 $) 1986 : 68 101 $ 1987 : 62 128,59 $ 1988 : 19 903,97 $ (4/12 de 59 711,90 $)

    Revenu total : 195 081,56 $ (Réf. Volume 4 de la transcription, aux pp. 579-582)

    (xvi) Squires

    Gains réels : 1985 : 44 494,67 $ (8/12 de 66 742 $) 1986 : 67 815 $ 1987 : 63 280,89 $ 1988 : 22 039,10 $ (4/12 de 66 117,30 $)

    Revenu total : 197 629,66 $

    (Réf. Volume 8 de la transcription, aux pp. 1203-1205)

    (xvii) Thorpe

    Gains réels : 1985 : 47 230,91 $ (8/12 de 70 846,36 $) 1986 : 69 794,71 $ 1987 : 67 848,63 $ 1988 : 29 357,87 $ (4/6 de 44 036,80 $, a pris sa retraite en juillet 1988)

    Revenu total : 214 232,12 $

    (Réf. Volume 3 de la transcription, aux pp. 519-523)

    (xviii) Vickers

    Gains réels : 1985 : 44 158,67 $ (8/12 de 66 238 $) 1986 : 73 371,84 $ 1987 : 66 320 $ 1988 : 24 339,97 $ (4/12 de 73 019,90 $)

    56

    Revenu total : 208 190,47 $

    (Réf. Volume 5 de la transcription, aux pp. 828-831)

    (xix) Williams

    Gains réels : 1985 : 43 848 $ (8/12 de 65 772 $) 1986 : 57 077,92 $ (jusqu'à son départ à la retraite le 1er juillet 1986) 1987 : revenu de pension seulement 1988 : revenu de pension seulement

    Revenu total pour 1985 et 1986 : 100 925,92 $

    Salaire militaire pour la même période : 58 064 $

    Détails concernant le départ à la retraite : A pris sa retraite le 1er juillet 1986, lorsque le SVD a été intégré aux FAC (p. 724). Il était au courant du Programme de réaménagement de l'effectif (p. 726), mais il a décidé de ne pas chercher un emploi dans la fonction publique car il n'y avait pas de poste de pilote disponible (p. 714). Il a cherché des emplois dans l'aviation civile auprès de petites compagnies aériennes (p. 688), mais il a abandonné ses recherches en novembre 1986 (p. 717). A la fin de 1985, il avait décidé de ne pas poser sa candidature à des postes à MDT, déclarant :

    [traduction]

    Je ne les voulais pas. J'avais décidé que j'allais chercher quelque chose dans l'aviation civile (p. 716).

    (Réf. Volume 4 de la transcription, aux pp. 694-695)

    (xx) Woodley

    Gains réels : 1985 : 47 518 $ (8/12 de 71 277 $) 1986 : 64 580 $ 1987 : 61 813 $ 1988 : 19 874,80 $ (4/12 de 59 624,40 $)

    Revenu total : 193 785,80 $

    (Réf. Volume 1 de la transcription, aux pp. 149-152)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.