Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

T.D. 15/94 Décision rendue le 18 octobre 1994

LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE L.R.C. 1985, chap. H-6 (version modifiée)

TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE

ENTRE:

MELVIN A. SWAN

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

FORCES ARMÉES CANADIENNES

l'intimée

DÉCISION DU TRIBUNAL

TRIBUNAL: JAMES D. TURNER - Président MURTHY GHANDIKOTA - Membre JOSEPH A. SANDERS - Membre

ONT COMPARU: Helen Beck, avocate de la Commission canadienne des droits de la personne Kenneth Young, avocat du plaignant Harry Glinter, Sidney Restall et le lieutenant- colonel Weatherston, avocats de l'intimée

DATES ET LIEUX DE L'AUDIENCE: Les 5 avril, 27 au 30 septembre et 1er au 5 novembre 1993 - Winnipeg (Manitoba) Les 12 au 14 janvier 1994 - Comox (Colombie- Britannique) Les 24 au 28 janvier, 7 et 8 février, 27 au 30 avril et 24 au 27 mai 1994 - Winnipeg (Manitoba)

TRADUCTION

1

CONTEXTE

Melvin Andrew Swan est un Indien (Saulteaux) né au Canada le 27 février 1959 et élevé dans la réserve du lac Manitoba, dans la province du Manitoba. Il a fait ses études dans la réserve, puis dans un pensionnat à Dauphin (Manitoba).

Pendant son pensionnat, il s'est engagé dans les Cadets; il est par la suite devenu membre de la Milice (1976). Il a enfin joint les rangs des Forces armées canadiennes régulières en octobre 1978, à Winnipeg (Manitoba).

De Winnipeg il s'est rendu à Cornwallis pour y recevoir une formation de base (1978) pendant environ six mois, puis à Wainwright (Alberta) pour y recevoir une formation technique (1979) pendant environ 18 semaines. Il a été affecté à Winnipeg pendant près de quatre ans, jusqu'en 1982.

En 1982, M. Swan a demandé un changement d'affectation professionnelle afin de faire partie de la police militaire; il a reçu à Borden (Ontario) une formation spécialisée de quatre à cinq mois. Une fois cette formation obtenue, il a été affecté à un poste de policier militaire à Comox (Colombie-Britannique) où il est demeuré pendant environ cinq ans. Au cours de cette période, M. Swan a demandé une libération volontaire (septembre 1984) afin de pouvoir profiter d'une occasion d'emploi au sein de la G.R.C. Cette libération lui fut retirée par la suite. Il a alors été affecté à Shilo (Manitoba), jusqu'à l'obtention de sa libération volontaire en octobre 1988.

LA PLAINTE

La formule de plainte modifiée a été produite sous la cote HRC-1 des présentes procédures; après beaucoup d'argumentation et de discussion de la part des avocats, elle constitue le fondement des présentes procédures.

D'entrée de jeu, le tribunal été notifié de l'abandon des plaintes particulières fondées sur les articles 7 et 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.C.D.P.) (version modifiée).

L'affaire a donc été entendue sous l'angle du paragraphe 14(1) de la Loi, qui porte :

14. (1). Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait de harceler un individu : a) lors de la fourniture de biens, de services, d'installations ou de moyens d'hébergement destinés au public; b)lors de la fourniture de locaux commerciaux ou de logements; c) en matière d'emploi.

Les motifs de distinction illicite sont précisés au paragraphe 3(1) :

3. (1) Pour l'application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l'origine

2

nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'état matrimonial, la situation de famille, l'état de personne graciée ou la déficience.

Au début des audiences encore, les avocats de l'intimée se sont opposés à l'intention de la Commission de produire des éléments de preuve sur des aspects qui ne correspondaient pas en «tous points» à la plainte dans sa version modifiée et aux détails fournis. Le tribunal a alors conclu que la Commission pouvait poursuivre la présentation de sa preuve puisque l'intimée n'en subirait pas de préjudice dans la présentation de sa cause. En raison des délais inhérents au processus, l'intimée devrait disposer de suffisamment de temps pour pouvoir préparer sa défense.

La plainte présentée au tribunal portait essentiellement sur huit incidents particuliers d'actes de harcèlement et sur une plainte générale de harcèlement «continuel».

Les huit incidents particuliers peuvent être ainsi résumés :

  1. Le commentaire qu'aurait fait le lieutenant Lancey dans une excursion à Wainwright, pendant la période de formation, du type [TRADUCTION] «Dis, ne préférerais-tu pas porter un arc et des flèches plutôt qu'un fusil, Swan?». (1979)
  2. Le commentaire qu'aurait fait le caporal-chef Quibble au cours TQ 5 (1985) lorsqu'il a passé un savon à la classe : [TRADUCTION] «...et les foutus Indiens».
  3. Les commentaires qu'aurait faits le sergent Wedge (1987) - l'enquête sur l'incident du bar de Comox - au sujet du «gros Indien» qui aurait censément mal présenté sa plaque de police militaire.
  4. Le commentaire qu'aurait fait l'officier Wilkinson (1986) - [TRADUCTION] «Les Indiens ne sont pas si intelligents que ça, hein Swan?» - pendant le cours sur les premiers soins à Comox.
  5. Le commentaire qu'aurait fait le caporal Skinner (1987) - [TRADUCTION] «Les Indiens ivres (ou simplement «Les Indiens») ne sont pas des objets au bord de la route» - pendant le cours sur les techniques d'enquête relatives aux accidents, à Comox.
  6. Adjudant Ross - Note de service qui aurait figuré dans le dossier de Swan et fait état de [TRADUCTION] «problèmes culturels» au cours TQ 5, à Borden (1985).
  7. Le refus d'accorder une permission exceptionnelle - funérailles d'un neveu - en juillet 1988, à Shilo.
  8. L'affiche de la base des Forces canadiennes (BFC) de Portage LaPrairie (Manitoba) annonçant la soirée des [TRADUCTION] «Chefs et Indiens» au mess (1989).

3

En plus de ces incidents particuliers, on a présenté des allégations générales de commentaires, de farces et d'insinuations à caractère racial. M. Swan prétend en avoir subi tout au long de sa carrière militaire.

LES INCIDENTS PARTICULIERS MENTIONNÉS DANS LA PLAINTE

1. Le commentaire qu'aurait fait le lieutenant Lancey lors d'une excursion, à Wainwright (Alberta), pendant la période de formation. Le plaignant prétend que lors d'une excursion d'entraînement, le lieutenant Lancey qui courait à ses côtés lui aurait fait le commentaire suivant : [TRADUCTION] «Dis, ne préférerais-tu pas porter un arc et des flèches plutôt qu'un fusil, Swan?».

Dans son témoignage, le lieutenant Lancey nie catégoriquement avoir fait cette affirmation et explique en détail pourquoi cela serait improbable étant donné qu'il courait avec Swan à ce moment-là.

Le tribunal n'est pas en mesure de dire si cet incident s'est produit ou non. Nous jugeons que la preuve produite n'est pas concluante. Notre décision ne retient pas cet événement.

2. Le commentaire qu'aurait fait le caporal-chef Quibble au cours TQ 5, à Borden, lorsqu'il a passé un savon à la classe : [TRADUCTION] «Je me fous que vous soyez un fieffé imbécile, un membre des troupes aéroportées, un homme d'équipage ou un foutu Indien.» Dans son témoignage, M. Swan a déclaré qu'il avait été très bouleversé par ce commentaire et que Quibble lui a fait plus tard des excuses à cet égard.

La version de cet incident donnée par le caporal-chef Quibble diffère à plusieurs égards. Celui-ci nie à nouveau avoir employé l'adjectif «foutu» avec le mot «Indien», et estime donc que le commentaire n'était pas répréhensible; puis, il décrit en détail ses intentions au moment où il a fait ce commentaire.

Le tribunal accepte ici la version des faits présentée par M. Swan. Même en supposant que le mot «Indien» ait été employé sans autre qualificatif, le contexte dans lequel il a été employé était inadéquat et pouvait en lui-même constituer le fondement d'une plainte pour harcèlement, sans égard au fait que des excuses aient été présentées ou non. Le fait que des excuses ont été présentées et qu'il n'y a pas eu d'autres plaintes portées contre cette personne sera pris en considération sous l'aspect réparation.

Nous concluons que le témoignage de Quibble corrobore la prétention de M. Swan qu'un tel incident s'est produit, et nous acceptons la version de M. Swan.

3. Les allusions qu'aurait faites le sergent Wedge au [TRADUCTION] «gros Indien» et les allégations relatives à l'incident du bar de Comox selon lesquelles un gros Indien aurait censément mal présenté sa plaque d'identité dans un bar. M. Swan prétend avoir fait l'objet

4

d'une vérification en marge de cet incident uniquement parce qu'il est indien.

Les parties ont apporté au tribunal au sujet de cet incident un grand nombre d'éléments de preuve que nous n'entendons pas reprendre dans notre décision. Le tribunal constate que la plainte qui avait été reçue à la base faisait état d'un [TRADUCTION] «gros Indien» comme auteur d'une infraction. La preuve établit que M. Swan était alors le seul membre autochtone de la police militaire affecté à la base et qu'il correspondait par ailleurs à cette description. Le fait qu'il a ainsi été soumis à une enquête ne porte par le tribunal à conclure qu'il s'agissait envers lui d'un harcèlement, intentionnel ou non intentionnel, de la part de ses supérieurs.

4. Le commentaire qu'aurait fait l'officier Wilkinson, lors d'un cours de RCR et de premiers soins : [TRADUCTION] «Les Indiens ne sont pas si intelligents que ça, hein Swan?» M. Swan prétend que ce commentaire lui a été fait par Wilkinson lorsqu'il a commis une erreur pendant un cours de formation en RCR. Wilkinson nie avoir fait ce commentaire, et plusieurs autres personnes qui étaient présentes à ce cours ne se rappellent pas que cette affirmation ait été faite à Swan. Le tribunal conclut que le plaignant n'a pas prouvé selon la prépondérance des probabilités que cet événement s'est produit. Sa version de cet événement n'a pas été corroborée.

5. Le commentaire qu'aurait fait le caporal Skinner pendant le cours sur les techniques d'enquête relatives aux accidents, à Comox : [TRADUCTION] «Non, les Indiens ne sont pas des objets au bord de la route.» M. Swan prétend que ce commentaire a été fait au cours d'une explication sur la triangulation des objets sur la scène d'un accident. Skinner nie avoir fait cette affirmation. Le matelot-chef Lamorie, qui était aussi présent au cours, a indiqué dans son témoignage qu'il ne pouvait se rappeler que cette affirmation a été faite et il en a conclu qu'elle n'a pas eu lieu. Le tribunal n'est pas prêt à accepter la conclusion du matelot-chef Lamorie qu'il n'y a pas eu une telle affirmation parce qu'il ne pouvait s'en rappeler. Le tribunal accepte la version qu'a donnée M. Swan de cet événement et conclut qu'elle est corroborée par la déposition de Heather Swan qui, bien qu'elle en diffère quelque peu à l'égard de certains détails, fait à notre avis allusion au même événement.

6. La note de service de l'adjudant Ross qui aurait figuré dans le dossier de Swan et fait état de [TRADUCTION] «problèmes culturels» au cours TQ 5, à Borden. M. Swan prétend que, pendant qu'il attendait dans le bureau de Ross pour passer une entrevue, il a consulté son dossier où aurait figuré le commentaire suivant : [TRADUCTION] «Cet homme a un problème culturel». Il ne se souvient pas du contexte dans lequel il a été employé. Ross nie avoir écrit des remarques de ce genre dans le dossier de Swan et il nie aussi avoir tenu de tels propos. Le tribunal conclut que le plaignant n'a pas prouvé selon la prépondérance des probabilités que cet événement s'est produit. Sa version de l'événement n'a pas été corroborée. Le tribunal signale en

5

outre que même si l'on avait établi de façon concluante que ces mots se trouvaient dans le dossier, il faudrait encore connaître le contexte de leur emploi avant de pouvoir déterminer s'ils constituent une forme de harcèlement.

7. Le refus d'accorder une permission exceptionnelle pour assister aux funérailles d'un neveu. Le tribunal a décelé un nombre important de contradictions et d'illogismes dans les dépositions des témoins sur cette question. Le plus grand illogisme est que Devlin ne se rappelle pas avoir parlé au messager d'escadrille Roy ou au capitaine Piper au moment de l'incident. Nous trouvons plausible que le capitaine Piper n'ait pas été au courant à l'origine du fait que Swan avait demandé une permission exceptionnelle, et qu'il ne l'ait appris qu'après l'appel téléphonique de Roy. D'après notre connaissance de la hiérarchie militaire, la requête aurait normalement dû être traitée au niveau de Devlin.

Nous jugeons plausible que le sergent-major Devlin ait traité la demande de Swan comme il l'a dit. Il a examiné la demande pour la rejeter ensuite parce qu'un neveu n'était pas considéré comme un membre de la famille immédiate pour les fins des permissions exceptionnelles.

On a alors donné à Swan l'option de prendre un jour de congé annuel pour assister à la veillée mortuaire et aux funérailles de son neveu, ce qu'il a décliné parce que cela aurait reporté d'autant la date de sa libération des FAC.

Il ressort manifestement des témoignages du capitaine Piper et du sergent-major Devlin et, de façon plus atténuée, de ceux du capitaine Drover et du sergent Ruff qu'à cette période particulière de sa carrière militaire, M. Swan s'était attiré un certain ressentiment en raison de ses demandes de congé supplémentaire pour s'occuper des tragédies qui frappaient sa famille et de l'imminence de sa libération.

Le tribunal accepte qu'une grande partie de ce ressentiment puisse s'expliquer par des pressions supplémentaires subies dans le domaine de la dotation en personnel et en raison de la pénurie de main- d'oeuvre. Nous avons toutefois l'impression que, dans cet incident particulier, on n'a fait aucun effort pour satisfaire à la demande de M. Swan à l'intérieur du système; nous pensons en outre que la race a pu être un facteur à cet égard. Celui qui ne veut pas accorder de répit à quelqu'un peut toujours donner une interprétation restrictive aux règles et aux lignes directrices.

Le tribunal estime que la politique des FAC dans ce domaine devrait être modifiée afin d'autoriser des permissions exceptionnelles dans des situations où il existe des liens de famille étendue. Le respect d'autres valeurs culturelles dans ce domaine ne devrait pas causer de grandes difficultés.

6

8. L'affiche de la BFC de Portage LaPrairie, en décembre 1989, annonçant la soirée des [TRADUCTION] «Chefs et Indiens». Le plaignant a produit cette pièce (HRC-4) à titre d'illustration du maintien des attitudes stéréotypées qui avaient cours au sein des FAC après son départ. Les avocats de l'intimée se sont opposés à l'admission de cette pièce au moment de sa production parce qu'elle risquait d'être préjudiciable et qu'elle était dépourvue de valeur probante. Le tribunal a conclu qu'il pouvait recevoir le document à ce moment. Il estime qu'il n'a pas compétence pour examiner l'affiche dans le cadre de la présente plainte. Le tribunal ne peut conclure que l'affiche constituait du harcèlement à l'égard de M. Swan de la part des FAC puisque celui-ci n'était plus leur employé à cette époque. S'il s'avérait que le tribunal a commis une erreur en concluant ne pas avoir la compétence pour traiter de la question de l'affiche, nous conclurions que, malgré son mauvais goût, l'affiche en elle-même ne constituait pas du harcèlement.

ALLÉGATIONS GÉNÉRALES D'INSINUATIONS, DE FARCES ET DE HARCELEMENT RACISTES

Dans sa plainte comme dans son témoignage, le plaignant formule des allégations générales portant que, pendant toute sa carrière militaire, il a fait l'objet d'insinuations, de farces et de commentaires racistes. Il n'a pas donné de détails précis sur les moments, les lieux et les auteurs. M. Swan fait en outre une distinction importante dans son interrogatoire principal. Il affirme que ses réactions aux commentaires dépendaient du contexte dans lequel ils étaient formulés. De façon plus précise, il établit une distinction entre les farces entre amis et les commentaires qui visaient à l'humilier parce qu'il est autochtone. Le plaignant indique qu'il a fait continuellement l'objet d'insinuations, de farces et de commentaires et que cela était acceptable au sein des FAC.

Dans son témoignage, le plaignant a tenté de brosser un portrait très négatif de son existence au sein des FAC et il a prétendu à maintes reprises n'avoir eu que peu d'amis et n'avoir entretenu aucune relation de travail étroite avec ses collègues. Les autres témoins ne donnent pas un portrait aussi négatif et indiquent qu'il y avait un échange assez important de taquineries et de commentaires entre eux et le plaignant.

Le tribunal conclut que les allégations générales du plaignant sont véridiques selon la prépondérance des probabilités. Il conclut que les allégations de M. Swan sont corroborées par les témoignages des personnes suivantes :

Weekes - Dans son témoignage, il corrobore que l'expression [TRADUCTION] «porteur de lance» a été utilisée à l'égard de Swan dans le cours TQ 5, et en outre que les expressions «incendiaire de chariots, BFI/FBI» étaient employées au mess. (p. 914, 195, 922 et 923)

Styres - Dans son témoignage, il reconnaît avoir entendu des commentaires racistes ([TRADUCTION] «Bien sûr que j'ai entendu des commentaires racistes, mais...»), mais il cherche à en justifier l'intention. (p. 976 - 982 et 983)

Ross - Il admet que des commentaires, des farces etc. racistes avaient régulièrement cours au mess, mais prétend qu'ils n'étaient pas dirigés contre des personnes. (Ce qui laisse supposer qu'ils étaient acceptables.)

Gauthier- Les commentaires faits en passant sont acceptables pourvu qu'ils n'attaquent pas la dignité des personnes.

Wedge - Il a entendu des termes racistes, mais ceux-ci n'étaient pas dirigés contre une personne (ce qui laisserait supposer qu'ils sont acceptables).

Lamorie - p. 1405 [TRADUCTION] Q. «Matelot-chef , avez-vous déjà entendu des membres des FAC faire des commentaires racistes lorsqu'ils se trouvaient auprès de M. Swan?» R : «Par plaisanterie, oui.» Et Lamorie de prétendre que les commentaires, les farces etc. étaient employés par esprit de taquinerie entre amis, et qu'à son avis, cela était dit sans mauvaise intention et sans offense. (Souligné par nos soins.)

Le témoignage de ces témoins indique qu'essentiellement, les allégations générales de Swan sont fondées - des farces, des commentaires et des insinuations racistes et raciales se produisent. Dans la plupart des cas, toutefois, on rationalise de tels propos en disant qu'ils sont acceptables si les parties y consentent et s'ils se veulent l'expression d'une plaisanterie ou s'ils ne visent pas une personne en particulier.

Le tribunal ne juge toutefois pas que le contexte ou l'intention de l'auteur soient pertinents - le point essentiel est la perception qu'en a la personne qui en est victime. L'absence d'objection, voire la participation, à l'activité ne suppose pas nécessairement le consentement ni ne transforme en comportement acceptable une action qui était répréhensible. Ce sujet sera abordé plus loin en regard de la politique de «tolérance zéro» des FAC.

LA PREUVE DE FAITS SIMILAIRES

Les avocats de la Commission et du plaignant ont appelé plusieurs témoins à présenter au tribunal ce qui a été décrit comme une preuve de «faits similaires» à l'appui de la plainte de M. Swan. Les avocats de l'intimée ont marqué une opposition ferme en prétendant que la preuve n'était pas pertinente et que son admission causerait un préjudice à l'intimée.

Le tribunal a décidé d'admettre la preuve malgré les objections de l'intimée, étant bien entendu qu'il apprécierait celle-ci à sa juste valeur.

Après avoir entendu la preuve, le tribunal conclut que la preuve de faits similaires présentée par la Commission dans la présente affaire n'a aucun lien avec la plainte dont il est saisi.

8

La preuve de faits similaires soumise au tribunal provient de personnes qui ont soit présenté des allégations générales, soit exprimé des allégations particulières impliquant des personnes et concernant des périodes qui n'ont aucun lien avec la plainte dont est saisi le tribunal. Aucune preuve de ces allégations n'a été produite devant le tribunal.

Le tribunal n'est pas disposé à accepter comme avéré que les allégations du plaignant en l'espèce sont plus susceptibles d'être véridiques parce qu'il existerait d'autres allégations impliquant d'autres personnes au sein des FAC, mais à d'autres moments et en d'autres endroits.

Pour que se dégage une force probante, la preuve doit comporter plus que de simples «allégations similaires» et elle doit avoir un lien avec la question dont est saisi le tribunal.

Le tribunal désire faire les mêmes commentaires à l'égard de la preuve présentée par l'intimée en réplique. Le seul fait que d'autres personnes aient eu des expériences positives dans les FAC ne rend pas plus plausible la conclusion que les expériences négatives de M. Swan n'ont pas eu lieu.

Le tribunal désire exprimer clairement et sans équivoque qu'à notre avis, la preuve de «faits similaires» présentée par les deux parties en l'espèce n'a aucun lien avec la question en cause et qu'elle n'a aucune force probante. Nous n'avons accordé aucun poids à cette preuve dans nos conclusions sur la présente espèce.

LE TÉMOIGNAGE DE M. JOHN CROSS

Le tribunal a accepté M. Cross comme témoin expert appelé par la Commission à déposer en réplique. La Commission a jugé nécessaire de répondre au moyen de défense que l'intimée semblait vouloir adopter en invoquant que, à plusieurs occasions, le plaignant ne s'était pas opposé aux insinuations, aux farces, aux surnoms et autres procédés racistes, et que, dans bon nombre de cas, il avait déclenché ce comportement ou y avait participé, et qu'il n'avait donc pas été blessé par ce comportement, ni ne pouvait l'être.

Au cours de son contre-interrogatoire, M. Swan a admis avoir en fait participé de la sorte, tout en précisant que sa participation ne s'était pas [TRADUCTION] «faite en toute liberté d'esprit». Selon son témoignage, M. Swan n'était pas blessé par les commentaires faits par ses amis, mais il l'était pas les commentaires faits par d'autres.

Le témoignage de M. Cross porte essentiellement que des personnes peuvent acquiescer, voire participer, à des activités qu'elles trouvent répréhensibles et avilissantes parce qu'elles se sentent impuissantes à y mettre fin, et qu'elles se trouvent ainsi à réagir par un mécanisme de défense de leur ego. A son avis, tous les commentaires répréhensibles faits par le [TRADUCTION] «groupe au pouvoir» sont répréhensibles en tout temps et inacceptables peu importe le contexte. Il a tempéré ses propos en affirmant que l'emploi d'insinuations, de farces etc. par des membres du groupe subordonné à l'endroit d'autres membres de ce groupe est acceptable.

9

Lors du contre-interrogatoire, on a consacré beaucoup de temps à la question de savoir si des commentaires par ailleurs répréhensibles pouvaient être faits par des amis sans que cela ne soit humiliant, s'il pouvait y avoir des farces entre groupes de pairs qui soient acceptables, et si cela devait toujours entraîner des stéréotypes négatifs.

M. Cross était péremptoirement d'avis que certains commentaires stéréotypés et certains termes raciaux ne pouvaient être employés autrement qu'avec l'intention de blesser. En outre, la personne visée peut fort bien sembler consentir à l'activité alors qu'il n'en est rien en réalité. Selon lui, la participation de la personne à l'activité répréhensible est toujours une forme d'adaptation. A son avis, on peut attribuer plusieurs significations aux mêmes mots en fonction de la personne qui les emploie.

Le tribunal n'est pas disposé à accepter dans sa totalité l'opinion de M. Cross sur ce point. Dans son témoignage, M. Swan affirme clairement qu'il ne jugeait pas que ce comportement était répréhensible dans toutes les circonstances. En l'espèce, nous devons accepter la preuve de la réaction réelle de la personne par opposition à celle de la réaction théorique.

Le tribunal accepte en majeure partie les opinions de M. Cross sur les motifs qui peuvent inciter une personne à participer à certaines formes de comportement répréhensible et à tolérer d'autres comportements. Nous jugeons que cela correspond au témoignage de M. Swan en ce qui a trait au consentement à certaines formes de comportement de la part de ses amis et au refus de ces mêmes formes de comportement de la part d'autres personnes qu'il ne comptait pas au nombre de ses amis.

Le tribunal reconnaît aussi que cela crée une situation extrêmement difficile pour l'employeur. La possibilité pour des personnes de passer alternativement du consentement au refus rend extrêmement difficile pour le groupe de pairs (qui ne peuvent pas être tous de bons amis et avoir ainsi un comportement acceptable) la tâche de réagir de façon appropriée si la personne semble donner son acceptation, voire participer, à un comportement qui autrement serait répréhensible. Le tribunal admet que des personnes puissent se sentir incapables de faire autrement que d'accepter le comportement en raison de leur désir de s'intégrer à leurs pairs.

La preuve produite devant le tribunal indique que Swan a souvent invité lui-même des commentaires comme «F.B.I.» et l'emploi du surnom [TRADUCTION] «Chef». Plusieurs témoins ont déclaré qu'ils n'auraient pas employé ces termes de leur propre initiative. C'est finalement l'emploi de ces termes (et d'autres termes) qui a entraîné le dépôt de la plainte devant notre tribunal.

La Loi canadienne sur les droits de la personne ne prend pas en considération la conduite du plaignant, et même si les plaignants ont participé au comportement répréhensible ou l'ont provoqué, il peuvent toujours déposer une plainte et obtenir gain de cause.

10

Le tribunal a été saisi d'une vaste gamme d'éléments de preuve sur la question des commentaires et des farces racistes et des effets désastreux qu'ils peuvent avoir sur une personne. Nous avons pu profiter de témoignages et de perceptions sur les normes et les différences culturelles. Nous avons été invités par la Commission à faire le pas suivant et à conclure que M. Swan a donc été blessé et harcelé au sens de l'article 14 de la Loi. Le tribunal conclut selon la prépondérance des probabilités que cela s'est effectivement produit.

Il reste au tribunal à déterminer quelle est l'obligation des FAC d'interdire un comportement lorsqu'elles ignorent ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas pour la personne. Nous pensons que cela impose un fardeau déraisonnable à l'employeur. Il doit y avoir de la part de la personne une indication que la conduite etc. n'est pas acceptable lorsque la Loi impose à l'employeur l'obligation de fournir un milieu de travail exempt de harcèlement ou de discrimination, et n'impose aucun fardeau à la victime, si ce n'est de déposer une plainte sous le régime de la Loi.

Il s'ensuit donc que, lorsque des événements particuliers se produisent, il peut y avoir du harcèlement sans que la personne ne soit obligée de se plaindre à son employeur de l'existence du harcèlement. Les victimes ne sont pas tenues de tenter de régler le problème en s'adressant à leur employeur si elles choisissent de ne pas le faire. Elles peuvent opter pour une demande de réparation sous le régime de la Loi.

LA POLITIQUE DE TOLÉRANCE ZÉRO

Tout au long de leurs dépositions, les témoins de l'intimée ont fait continuellement référence à la politique de «tolérance zéro» des FAC à l'égard du harcèlement.

Le tribunal estime qu'il s'agit là de la seule attitude prudente que puisse adopter un employeur à l'égard de la question du harcèlement. Compte tenu de ce que nous venons de dire au sujet de la possibilité pour un individu de déposer une plainte dans une situation de consentement qui peut alterner entre l'acceptation et le refus, une politique de «tolérance zéro» est pratiquement la seule façon pour les employeurs de se protéger contre les plaintes. Toutefois, pour que la politique soit efficace, il faut qu'elle soit appliquée de façon scrupuleuse.

La politique de «tolérance zéro» doit être présentée comme applicable à toutes les formes de harcèlement et non pas uniquement au harcèlement sexuel.

Le tribunal a aussi noté à partir des dépositions des témoins de l'intimée sur cette question que même s'ils étaient au courant de la politique de «tolérance zéro», ils estimaient qu'elle ne s'appliquait pas si les participants à l'activité avaient donné leur consentement ou y avaient participé, ou s'il n'y avait «aucune intention» de blesser.

Le tribunal estime que si telle est l'attitude prédominante au sein des membres des FAC, la politique de «tolérance zéro» n'a que peu d'effet et qu'elle n'aidera pas à protéger les FAC, comme employeur, contre le

11

risque de plaintes sous le régime de la Loi. L'expression «tolérance zéro» devrait signifier exactement ce qu'elle dit. Il ne peut y avoir aucune circonstance dans laquelle un comportement interdit est acceptable, et il ne peut y avoir consentement à un tel comportement.

LE TÉMOIGNAGE DE M. ARJUN P. AGGARWAL

Le témoignage de M. Aggarwal portait sur les lacunes qu'il a décelées dans le projet de politiques et de procédures des FAC en matière de harcèlement. En bref, ses objections visaient les questions de la perception d'impartialité et de confidentialité.

On a fait valoir au tribunal que le recours à une politique constituait la réparation appropriée à examiner en l'espèce.

Le tribunal note qu'au cours de la période de service de M. Swan au sein des CAF, il n'existait pas de politiques ni de procédures claires et précises en matière de harcèlement. En fait, les premières directives portant sur ces questions furent données en 1988, soit après son départ des FAC. Ces directives ont depuis lors été modifiées et de nouvelles politiques ont été établies.

Au moment de l'audience, les FAC étaient engagées dans une réforme majeure de la politique et de la procédure qui doivent être suivies dans le traitement des plaintes fondées sur le harcèlement. Cette politique n'avait pas encore été adoptée à la fin de l'audience et, partant, elle n'avait pas encore été appliquée.

L'intimée a présenté au tribunal nombre d'éléments de preuve sur cette question. Elle a indiqué que beaucoup de temps, d'effort et d'argent avaient été consacrés au règlement de la question du harcèlement au sein des FAC.

Tout en félicitant l'intimée pour les efforts qu'elle a déployés dans ce domaine, la Commission a décelé un certain nombre de lacunes dans la procédure prévue dans le projet de politique, et elle a demandé à M. Aggarwal de les soulever devant le tribunal; elle a en outre demandé au tribunal de rendre une décision préventive en matière de politique pour corriger les lacunes perçues.

Par l'intermédiaire de ses témoins sur cette question, l'intimée a produit des éléments de preuve établissant pourquoi ses procédures ont été établies de la façon qu'elle propose.

Le tribunal n'entend pas procéder à une revue en détail des motifs invoqués par les FAC ni des préoccupations exprimées par M. Aggarwal.

Nous reconnaissons que les FAC ont élaboré leurs systèmes et leurs procédures en partant du point de vue qu'il s'agit d'un organisme militaire qui, à ce titre, doit avoir des politiques et des procédures appropriées à son rôle. C'est ce qui a déjà été décrit dans la

12

jurisprudence comme l'approche du «soldat d'abord». L'affectation d'enquêteurs nommés par les commandants au sein d'une unité donnée pour enquêter sur les plaintes au sein de cette unité (et de sa chaîne de commandement) découle de cette perspective. Selon les FAC, il faut une méthode qui permette de régler les plaintes avec rapidité et concision à l'intérieur des paramètres de l'unité en raison de la possibilité que cette unité soit appelée à fonctionner dans un contexte de déploiement isolé, comme pour le combat. Selon l'intimée, il est impossible de fournir le degré de perception d'impartialité que la Commission, par l'intermédiaire de M. Aggarwal, estime essentiel pour le système parce que la procédure doit se dérouler à l'intérieur de la chaîne de commandement pour fonctionner dans toutes les circonstances susceptibles de se produire.

M. Aggarwal a indiqué dans sa déposition pourquoi la perception d'impartialité est, à son avis, critique pour l'acceptation de la politique par les membres des FAC et pour son efficacité en matière de harcèlement. Selon lui, tant que les plaintes seront traitées suivant la «chaîne de commandement», personne n'aura confiance au système.

La position des CAF est que la procédure doit s'intégrer dans la chaîne de commandement en raison de la nature de la politique militaire du «soldat d'abord».

La Commission envisage une procédure et un système de plaintes qui soient distincts de la chaîne de commandement.

Il existe manifestement une différence fondamentale entre la vision de la Commission et celle des FAC sur ce qui devrait constituer une réponse appropriée à la question du traitement des plaintes de harcèlement au sein des FAC. Nous croyons que l'une et l'autre visent le même objectif final, à savoir un milieu de travail exempt de tout harcèlement.

Le tribunal estime que la politique et les procédures que les FAC élaborent à l'heure actuelle constituent un pas dans la bonne direction. Nous avons toutefois la nette impression que la politique et les procédures ont été établies en réponse à des problèmes de harcèlement sexuel au sein des FAC, et qu'elles traitent du harcèlement racial et des autres formes de harcèlement uniquement de façon secondaire ou accessoire. Nous estimons que la politique doit préciser clairement qu'elle vise toutes les formes de harcèlement et qu'elle les traite toutes avec le même sérieux.

Le tribunal estime que les FAC souffrent de myopie dans leur façon d'aborder cette question. Les FAC sont effectivement un organisme militaire et, partant, il faut tenir compte du fait que leurs unités peuvent être engagées dans des combats et d'autres circonstances extraordinaires pendant des période variées, dans diverses situations un peu partout dans le monde.

Nous concluons que les procédures envisagées par les FAC dans leur projet de politique sur le harcèlement reposent sur la prémisse selon laquelle il s'agit en tout temps d'un «scénario de combat».

13

Le tribunal estime que la politique et les procédures proposées par les FAC en matière de harcèlement ne reflètent pas la réalité puisqu'elles ne tiennent pas compte du fait que les FAC ne fonctionnent pas normalement dans un «scénario de combat». Ce scénario est plutôt l'exception que la règle, et la politique et les procédures proposées en matière de harcèlement devraient refléter ce fait.

LA LOI

La plainte de M. Swan doit être examinée à la lumière de l'article 2 de la L.C.D.P., qui établit l'objet de la Loi. La disposition législative pertinente qui vise la plainte écrite est l'alinéa 14(1)c) de la Loi, qui porte :

Al.14(1)c) Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait de harceler un individu en matière d'emploi.

La race, la couleur et l'origine nationale ou ethnique constituent des motifs de distinction illicite en vertu du paragraphe 3(1).

LA NORME DE PREUVE ET LE FARDEAU DE LA PREUVE

Il est bien reconnu par la jurisprudence qu'il incombe au plaignant d'établir que l'acte reproché a toutes les apparences d'un acte discriminatoire.

Une preuve qui établit que l'acte reproché a toutes les apparences d'un acte discriminatoire est une preuve qui couvre les allégations portées et qui, si elle est retenue, suffit à justifier une décision en faveur du plaignant à défaut d'une réponse de la part de l'intimé. Nous estimons que ce critère a été satisfait en l'espèce.

Une fois cette preuve établie, il y a inversion du fardeau de la preuve et c'est maintenant à l'intimé qu'il incombe de justifier, selon la prépondérance des probabilités, l'acte discriminatoire qui lui est reproché. (Voir Commission ontarienne des droits de la personne et O'Malley c. Simpsons-Sears Limitée, [1985] 2 R.C.S. 536, à la p. 538.) Nous concluons que l'intimée ne s'est pas acquittée de cette charge à l'égard de tous les incidents dénoncés.

La norme de preuve applicable dans les cas de harcèlement est celle qui s'applique en matière civile, soit la prépondérance des probabilités.

LE ROLE DU HARCELEMENT

Il est bien établi par la jurisprudence qu'il n'est pas nécessaire que le harcèlement soit la seule raison qui motive les actes dénoncés par le plaignant pour que ce dernier obtienne gain de cause. Il n'est pas non plus nécessaire que le harcèlement ait été intentionnel de la part de son auteur.

En l'espèce, le tribunal accueille la preuve du plaignant qui porte qu'il a bel et bien exprimé ses préoccupations à ses supérieurs immédiats

14

relativement du moins à certains incidents sur lesquels repose sa plainte. Nous estimons que cela s'est fait de façon informelle, ce qui explique pourquoi les témoins de l'intimée ne s'en souviennent pas. Les témoins de l'intimée ont bien établi qu'à leur avis, à défaut d'une plainte ou d'une demande de redressement d'un grief déposée officiellement par écrit, l'objet des plaintes n'existait tout simplement pas.

Ni le tribunal ni M. Swan ne peuvent savoir comment les FAC auraient traité cette question si une plainte avait été portée officiellement. Le système n'a jamais été déclenché. Ceci dit, le tribunal estime que si la preuve n'indique pas de façon concluante que la victime a présenté une plainte soit à l'auteur de l'acte discriminatoire soit à son employeur pour permettre que soit prise une mesure réparatrice, ce fait doit être pris en considération dans la détermination de la réparation sollicitée dans l'action du plaignant.

LA RESPONSABILITÉ DE L'EMPLOYEUR

La question de savoir si l'employeur est responsable des actes de ses employés ou mandataires est visée par l'article 65 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui porte:

65.(1) Sous réserve du paragraphe (2), les actes ou omissions commis par un employé, un mandataire, un administrateur ou un dirigeant dans le cadre de son emploi sont réputés, pour l'application de la présente loi, avoir été commis par la personne, l'organisme ou l'association qui l'emploie.

La question de savoir si les FAC pourraient être responsables des actes d'employés de la G.R.C. affectés à des activités de formation pour les FAC a été soulevée dans la présente espèce à l'égard de deux incidents précis.

Le tribunal a conclu que l'un de ces incidents (celui qui impliquait Skinner) a bien eu lieu. Nous estimons que Skinner agissait à titre de mandataire des FAC pendant la présentation de son cours et que, partant, les FAC sont responsables de ses actions en vertu de l'article 65 de la Loi.

S'il arrivait que le tribunal se trompe dans sa façon d'appliquer l'article précédent, nous concluons subsidiairement que les FAC seraient responsables de l'incident en vertu du courant jurisprudentiel relatif à la responsabilité civile représenté par les affaires Mohammed c. Mariposa Stores Limited Partnership (1990), 14 C.H.R.R. C/215, et Toth c. Sassy Cuts (1987), 8 C.H.R.R. C/4376.

A notre avis, la jurisprudence confirme clairement la prétention selon laquelle les FAC sont responsables des actes de leurs employés et ce point n'a pas été sérieusement contesté.

L'article 65 de la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit aussi, au paragraphe (2), l'exonération de l'employeur dans certaines circonstances. Ce paragraphe porte :

15

65.(2) La personne, l'organisme ou l'association visé au paragraphe (1) peut se soustraire à son application s'il établit que l'acte ou l'omission a eu lieu sans son consentement, qu'il avait pris toutes les mesures nécessaires pour l'empêcher et que, par la suite, il a tenté d'en atténuer ou d'en annuler les effets.

Le tribunal estime que, dans les circonstances de l'espèce, le paragraphe 65(2) n'aide pas les FAC à se soustraire à leur responsabilité. Même si l'on ne peut certainement pas dire que les FAC ont consenti aux actions dénoncées par le plaignant dans sa plainte, le tribunal conclut que, durant la période visée par la plainte, les FAC n'ont pas fait preuve de toute la diligence nécessaire pour faire en sorte que les actes dont s'est plaint M. Swan ne se produisent pas.

Il ressort de la preuve que les FAC n'ont commencé à faire des efforts sérieux en vue de régler la question de la discrimination et du harcèlement en leur sein que vers la fin de 1988, soit après le départ de M. Swan des FAC.

Les FAC méritent des félicitations pour les efforts qu'elles ont déployés afin de régler cette question au cours des dernières années, et il se peut fort bien que ces efforts leur permettent dans certaines circonstances de se soustraire à leur responsabilité en faisant preuve de toute la diligence nécessaire dans l'application et l'exécution de leurs politiques.

La conduite des FAC après le départ de M. Swan est un facteur qui devrait être traité lors du règlement de la question de réparation.

LE DEVOIR DE L'EMPLOYEUR

La Loi prévoit que l'employeur est responsable (par. 65(1)) à moins qu'il ne puisse démontrer que l'exonération prévue au paragraphe 65(2) s'applique. L'étendue de l'obligation de l'employeur de répondre à des actes de harcèlement racial a été étudiée dans les décisions Hinds c. Canada (C.E.I.C.), (1988), 24 C.C.E.L. 65, aux pages 77 et 78, et Pitawanakwat c. Secrétariat d'État, (1992), 19 C.H.R.R. C/10 (portée en appel pour d'autres motifs).

Dans ces deux affaires, le tribunal a examiné l'omission de l'employeur de procéder à une enquête sérieuse sur les actes dénoncés, de même que le manque de délicatesse de l'employeur à l'égard du plaignant, et il a conclu à la responsabilité de l'employeur.

A notre avis, il est clair que lorsqu'une plainte de harcèlement est portée devant l'employeur, peu importe que l'auteur du harcèlement soit un employé ou un mandataire, l'employeur doit répondre avec promptitude et efficacité par une enquête approfondie, en faisant preuve de délicatesse à l'endroit de la victime.

Il ne suffit pas d'«atténuer» la plainte, ou d'insister sur le fait que la plainte doit être déposée officiellement pour qu'elle existe. Il

16

peut être nécessaire de poursuivre les démarches officielles si la question est jugée suffisamment importante. Il faut à tout le moins qu'un certain appui soit accordé au plaignant avant l'officialisation du processus.

A notre avis, c'est ce qui faisait défaut dans la façon des FAC de répondre aux plaintes de harcèlement déposées par M. Swan. Au lieu de le soutenir et de chercher à déterminer si ses plaintes était fondées, les FAC se sont contentées d'«atténuer» ses dénonciations ou d'insister sur le fait qu'elles devaient être officialisées avant que toute mesure ne soit arrêtée.

APPLICATION DE LA LOI AUX FAITS

En se fondant sur les motifs qui précèdent, le tribunal conclut que l'intimée est responsable :

  1. de harcèlement envers le plaignant du fait de sa race en ce qui a trait au refus d'une permission spéciale pour les funérailles et la veillée mortuaire de son neveu;
  2. de l'omission de fournir au plaignant un milieu de travail exempt de harcèlement en ne répondant pas de façon appropriée aux plaintes de harcèlement déposées par M. Swan et en n'agissant pas avec toute la diligence nécessaire pour faire en sorte que le milieu de travail soit exempt de harcèlement.

Tout en prononçant ces conclusions, le tribunal admet que l'employeur n'est pas tenu de maintenir un milieu de travail parfait et que certains milieux de travail sont difficiles à contrôler. L'employeur n'a d'autre choix que d'adopter et d'appliquer une politique de «tolérance zéro» en matière de harcèlement, ainsi que l'ont fait les FAC, bien qu'à un moment ultérieur à la période pertinente.

Il est évident pour le tribunal que les FAC traitaient la question du harcèlement d'une façon beaucoup plus cavalière avant la fin des années 1980. Depuis ce temps, elles ont fait des efforts dignes de mention pour faire face à ce problème. Il ne reste plus qu'à espérer que la situation vécue par M. Swan au cours de son service dans les FAC ne puisse se reproduire aujourd'hui.

RÉPARATION

Dans la détermination de la réparation appropriée, le tribunal a tenu compte des objets visés par la législation sur les droits de la personne, tels qu'ils sont décrits dans l'arrêt O'Malley (précité), à la p. 547 :

Le Code vise la suppression de la discrimination. C'est là l'évidence. Toutefois, sa façon principale de procéder consiste non pas à punir l'auteur de la discrimination, mais plutôt à offrir une voie de recours aux victimes de la discrimination.

et dans l'arrêt Robichaud (précité), à la p. 582 :

17

Elle est de nature réparatrice. Elle vise à déceler les actes discriminatoires et à les supprimer. Pour ce faire, il faut que les redressements soient efficaces et compatibles avec la nature «quasi constitutionnelle» des droits protégés.

Après avoir examiné ce qui précède et toutes les circonstances, le tribunal ordonne ce qui suit:

A) EXCUSES

Dans les affaires où le comportement de l'intimé a été marqué par le manque de délicatesse, les tribunaux ont ordonné à l'intimé de remettre une lettre d'excuses officielles au plaignant. Nous concluons qu'il en est ainsi en l'espèce.

Le tribunal ordonne qu'une lettre d'excuses soit remise au plaignant par le commandant en charge de l'ancien service de M. Swan.

B) PERTE DE SALAIRE

Comme nous l'avons signalé plus haut, le plaignant n'a pas maintenu les plaintes déposées à l'origine sous le régime des articles 7 et 10 de la Loi. Dans ses conclusions, il a toutefois demandé le versement de la rémunération dont il a été privé pendant une période de quatre ans. Compte tenu de ce qui précède, le tribunal estime ne pas avoir la compétence pour ordonner le versement du salaire perdu puisqu'il n'est pas saisi de cette question.

Advenant le cas où cette question serait portée en appel et que le tribunal serait reconnu compétent pour trancher cette question, voici quelle ordonnance il rendrait.

Pour trancher cette question, il faut d'abord se demander si le harcèlement dont M. Swan a fait l'objet a constitué un facteur dans sa décision de quitter les FAC. Nous estimons que tel a été le cas, mais qu'il s'agissait d'un facteur parmi d'autres dans sa décision. A notre avis, la question du harcèlement peut avoir hâté sa décision de partir, mais il l'aurait fait de toute façon.

Au cours des témoignages, le tribunal a noté qu'on parlait de [TRADUCTION] «rappel» et de [TRADUCTION] «rengagement». Si nous comprenons bien, les membres des FAC signent des contrats d'engagement pour des périodes successives de trois ou de cinq ans, ou pour d'autres périodes.

S'il s'avère que M. Swan a quitté son emploi au sein des FAC avant le terme normal de son dernier contrat d'engagement, le tribunal lui accorde une indemnisation pour perte de salaire pour la période inachevée de ce contrat, jusqu'à concurrence de quatre ans (aux termes de sa demande). La date officielle à laquelle M. Swan a été libéré des FAC et son droit à une pension et aux avantages sociaux et autres doivent être modifiés en conséquence.

L'indemnisation pour perte de salaire doit être réduite de toute rémunération d'emploi que M. Swan a reçue au cours de la période visée; à

18

cet égard, il est tenu en vertu de la présente décision de fournir aux FAC tous les dossiers pertinents pour la période visée. Aucune ordonnance n'est rendue à l'égard du remboursement des prestations d'assurance- chômage, mais les parties doivent se conformer aux articles applicables de la Loi sur l'assurance-chômage.

Si M. Swan s'est rendu au terme de son contrat d'engagement dans les FAC, le tribunal n'accorde aucun montant au titre de l'indemnisation pour perte de salaire. Nous estimons que, dans de telles circonstances, il n'y a pas lieu d'accorder une indemnité pour perte de salaire puisqu'il n'est pas question de réinstallation ou de réengagement.

C) INDEMNITÉ SPÉCIALE

Le tribunal conclut que le plaignant a souffert un préjudice moral et une certaine perte d'estime de soi lui-même par suite du harcèlement dont il a fait l'objet; il ordonne donc à l'intimée de verser au plaignant la somme de 2 500 $.

Pour fixer ce montant, le tribunal a noté les critères applicables de la décision Julius H. E. Uzoaba c. Service correctionnel du Canada, C.F. 1re inst. 7/94 (inédite), aux pages 94 et 95, et de la décision Morgan c. Forces armées canadiennes (1989), 10 C.H.R.R. D/6386, à la page D/6403, qui y est citée. En l'espèce, nous concluons qu'il y a eu preuve d'un préjudice moral et d'une perte d'estime de soi. Nous estimons toutefois que leur gravité n'atteint pas les seuils qui ont été examinés dans les affaires citées et qui justifieraient le versement d'un montant situé au sommet de l'échelle.

D) INTÉRETS

Il est bien établi dans la jurisprudence que des intérêts sont payables à la fois pour l'indemnité pour perte de salaire et pour l'indemnité spéciale.

Le tribunal ordonne que des intérêts soient versés sur les sommes adjugées par la présente décision conformément aux dispositions relatives au versement de l'intérêt avant jugement qui sont en vigueur au Manitoba.

Des intérêts seront versés à M. Swan sur les sommes adjugées par la présente décision à compter de la date réelle de sa libération, en octobre 1988. S'il y a adjudication d'une indemnité pour perte de salaire selon les présents motifs, les intérêts sur la perte de salaire seront calculés à compter de cette même date.

E) LES DÉPENS

L'alinéa 53(2)d) habilite le tribunal à indemniser la victime des dépenses entraînées par suite de l'acte discriminatoire. Après avoir examiné cette disposition en fonction des objets de la législation sur les droits de la personne dont il a été question plus haut, le tribunal conclut qu'il a compétence pour accorder les frais judiciaires à la victime puisqu'à notre avis, il s'agit d'une dépense entraînée par suite de l'acte

19

discriminatoire. Manifestement, la victime n'aurait pas retenu les services d'un avocat si elle n'avait pas été dans cette situation. Selon nous, cette position est appuyée par le jugement rendu dans l'affaire Thwaites (Procureur général du Canada c. Thwaites, 25 mars 1994, C.F. 1re inst., no du greffe T-1629-93 (inédit)).

Nous ordonnons donc à l'intimée de payer au plaignant les frais et dépens de son avocat qui doivent être taxés selon les règles de la Cour de la province du Manitoba.

F) CONSEILS PSYCHOLOGIQUES

Après avoir observé le plaignant et examiné son témoignage, le tribunal n'a constaté aucune indication ou manifestation de problèmes personnels qui pourraient justifier une ordonnance enjoignant à l'intimée de payer les frais de conseils psychologiques pour le plaignant. Le tribunal refuse donc de rendre une telle ordonnance.

G) PROGRAMME DE LIAISON (BOLD EAGLE) ET FORMATION INTERNE

Le tribunal conclut que la preuve qui lui a été présentée indique clairement que les FAC considèrent que la question du harcèlement racial est importante et qu'elles ont pris et prennent encore des mesures appropriées pour régler ce problème. Le tribunal ne rend aucune ordonnance à cet égard. Nous félicitons les FAC pour leurs efforts dans ce domaine et nous les encourageons à continuer à affecter des ressources dans ce domaine. On a beaucoup à gagner à prendre des mesures pour apprendre à connaître d'autres cultures et à en tirer profit.

H) TITRE HONORIFIQUE

Le tribunal ne pense pas qu'une ordonnance à cet égard serait appropriée, compte tenu de toutes les circonstances de l'espèce.

I) RÉPARATION VISANT LA POLITIQUE

Le tribunal a pu entendre abondamment parler de la nouvelle politique sur le harcèlement qui devrait être adoptée incessamment par les FAC. Celles-ci lui ont exposé en détail les raisons pour lesquelles elle a été formulée ainsi. Beaucoup de temps, d'efforts et d'argent ont été consacrés à ce processus, et le tribunal félicite certainement les FAC d'avoir affecté leurs ressources, qui sont déjà limitées, à cette question qui revêt certainement une grande importance mais qui est néanmoins trop souvent laissée de côté jusqu'à ce que de fâcheux incidents se produisent.

Le tribunal estime toutefois que la politique des FAC sur le harcèlement a été inspirée par la question du harcèlement sexuel, et que la formulation de la politique reflète cette priorité. Le projet de politique porte aussi sur d'autres formes de harcèlement, mais on a la nette impression que cela n'est que secondaire. A notre avis, la politique ne devrait pas assujettir une forme de harcèlement à une autre.

La Commission des droits de la personne, par l'intermédiaire de M. Aggarwal, a indiqué avoir certaines réserves à l'égard de l'approche qu'ont adoptée les FAC dans leur projet de politique, notamment en ce qui concerne la définition du harcèlement et l'apparence d'impartialité du

20

système. La Commission a demandé au tribunal de rendre des ordonnances particulières pour traiter de ces questions de politique; les FAC s'y opposent en faisant valoir que le tribunal n'a pas compétence à cet égard. Elles prétendent en outre que, en supposant que le tribunal ait compétence, nous devrions refuser de rendre un ordonnance parce que la nouvelle politique n'a pas été mise en pratique, et que, telle qu'elle est formulée, elle reflète les caractéristiques uniques d'un organisme militaire.

En ce qui a trait à la question de la compétence, le tribunal estime que les dispositions réparatrices de la Loi sont suffisamment larges pour lui permettre de rendre une ordonnance dans ce domaine; en outre, comme l'a souligné l'avocate de la Commission dans sa plaidoirie, la question de la politique a été adéquatement portée à l'attention du présent tribunal, qui peut donc à bon droit l'examiner. Nous invoquons les affaires Robichaud, ATF et Pitawanakwat à l'appui de cette façon de voir.

En ce qui concerne l'argument portant que le tribunal ne devrait pas rendre une ordonnance à l'égard du projet de politique avant qu'il ne soit attaqué, avec égards, nous exprimons notre désaccord. Il est bien établi par la jurisprudence que la Loi doit s'appliquer de façon préventive lorsque c'est possible et approprié. Nous estimons que ces deux conditions s'appliquent en l'espèce.

La dernière raison invoquée pour ne pas modifier la politique est que la politique est ainsi formulée parce que les FAC sont ce qu'elles sont, à savoir un organisme militaire. L'intimée a extrapolé cette position des affaires portant sur les «exigences professionnelles justifiées» ou sur l'approche du «soldat d'abord». Avec égards, le tribunal estime que la question des politiques et des procédures en matière de harcèlement se distingue clairement des affaires qui portent sur les «exigences professionnelles justifiées».

Eu égard à ce qui précède, le tribunal ordonne à l'intimée d'apporter les modifications suivantes à son projet de politique sur le harcèlement produit devant nous sous la cote R-60 :

  1. Réviser les définitions du harcèlement aux paragraphes 3 et 8 de façon à tenir compte des préoccupations exprimées par la Commission.
  2. Réviser la politique de façon à permettre une plus grande apparence d'impartialité en adoptant des dispositions prévoyant que l'enquête sur une plainte peut se dérouler à l'extérieur de la chaîne de commandement du plaignant chaque fois que cela est possible et pratique, eu égard à la situation de l'unité.
  3. Réviser la politique afin d'éliminer le pouvoir, ou l'apparence de pouvoir, du commandant d'influencer la décision de tenir ou non une enquête sur une plainte, les modalités de l'enquête ou ses résultats.
  4. Réviser la politique de façon à énoncer clairement les conséquences que peut entraîner pour le commandant l'omission de prendre les mesures qui s'imposent par suite d'une enquête et à lui retirer le pouvoir d'opposer son veto aux conclusions de l'enquêteur.
  5. Réviser la politique de façon à permettre d'interjeter appel ou de prévoir un mécanisme semblable à celui de la procédure de règlement des griefs.

Ces révisions de la politique doivent être complétées dans les quatre- vingt-dix jours du prononcé de la présente décision.

Toujours dans le cadre de cette question de la réparation visant la politique, le tribunal ordonne à l'intimée de modifier sa politique des permissions exceptionnelles de façon à étendre son application aux situations visant des membres de la famille étendue.

CONCLUSION

Pour les motifs énoncés plus haut, le tribunal conclut que les droits de M. Swan sous le régime de la Loi canadienne sur les droits de la personne ont été enfreints par l'intimée et ordonne les mesures suivantes :

  1. Que les FAC présentent à M. Swan une lettre d'excuses signée par le commandant chargé de l'ancienne unité de service de M. Swan, dans les trente jours de la présente décision.
  2. Que l'intimée verse à M. Swan la somme de 2 500 $ à titre d'indemnité pour préjudice moral.
  3. Que l'intimée paie l'intérêt sur les sommes adjugées par la présente décision conformément aux dispositions de la Pre-Judgment Interest Act du Manitoba (ou une loi semblable) à compter de la date de la libération de M. Swan en octobre 1988.
  4. Que l'intimée paie à M. Swan les honoraires de son avocat, qui doivent être taxés selon les dispositions législatives en vigueur au Manitoba.
  5. Que l'intimée modifie son projet de politique sur le harcèlement de la façon décrite plus haut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date de la présente décision.
  6. Que l'intimée modifie ses critères en matière de permissions exceptionnelles de façon à inclure les membres de la famille étendue, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date de la présente décision.

FAIT le vendredi 14 octobre 1994.

James D. Turner, président

Murthy Ghandikota, membre

Joseph A. Sanders, membre

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.