Tribunal canadien des droits de la personne

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TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

JEAN-RAYMOND AUDET

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

l'intimée

DÉCISION

2006 TCDP 25
2006/05/16

MEMBRE INSTRUCTEUR : Athanasios D. Hadjis

[TRADUCTION]

I. LES FAITS AYANT DONNÉ LIEU À LA PLAINTE DE M. AUDET

A. Les antécédents de travail de M. Audet au CN

B. La crise convulsive subie par M. Audet le 10 septembre 2002

C. Le CN relève M. Audet de ses fonctions

D. Les relations de M. Audet avec le CN après qu'il eut été relevé de ses fonctions

E. Le CN invite M. Audet à subir des tests pour un poste de coordinateur du transport intermodal - en décembre 2003

F. Le CN offre à M. Audet un poste de commis au mouvement des trains - en juillet 2004

G. Le CN invite M. Audet à subir des tests pour un travail de bureau - en mai 2005

H. Le CN offre à M. Audet un poste de contremaître désigné en vertu de la règle 42 - le 13 octobre 2005

II. CE QUI DOIT ÊTRE DÉMONTRÉ POUR ÉTABLIR L'EXISTENCE DE DISCRIMINATION DANS LA PRÉSENTE AFFAIRE

A. La preuve prima facie

B. La justification du CN

C. L'application du critère de l'arrêt Meoirin

(i) La norme adoptée par le CN a-t-elle été adoptée dans un but rationnellement lié à l'exécution du travail en cause?

(ii) Le CN a-t-il adopté la norme en croyant sincèrement qu'elle était nécessaire pour réaliser ce but?

(iii) A-t-il été démontré qu'il est impossible de fournir un accommodement à M. Audet sans que cela constitue une contrainte excessive pour le CN?

a) M. Audet a-t-il fait l'objet d'une évaluation individuelle?

b) L'employeur a-t-il envisagé et rejeté raisonnablement toute forme possible d'accommodement?

c) Le fait de fournir un accommodement à M. Audet aurait-il constitué une contrainte excessive pour le CN?

d) M. Audet a-t-il entravé les efforts d'accommodement déployés par le CN?

1. La réaction de M. Audet à l'offre, présentée en juillet 2004, à l'égard d'un poste de commis au mouvement des trains

2. La prétendue omission du syndicat des TUT d'avoir facilité l'accommodement

3. La réaction de M. Audet à l'offre à l'égard d'un poste de contremaître désigné en vertu de la règle 42

III. LA CONCLUSION DE DISCRIMINATION

IV. LES REDRESSEMENTS SOLLICITÉS PAR M. AUDET

A. Une ordonnance prévoyant que le CN révise sa politique en matière d'accommodement

B. Le retour au travail

C. L'indemnité pour pertes de salaire

D. L'indemnité pour préjudice moral - l'alinéa 53(2)e) de la Loi 40

E. L'indemnité spéciale - le paragraphe 53(3) de la Loi 41

F. Les dépens

G. Les intérêts

H. La déclaration de compétence par le Tribunal

[1] Le plaignant, Jean-Raymond Audet, prétend que son employeur, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN), a refusé de continuer de l'employer et ne lui a pas fourni de mesures d'accommodement après qu'il eut subi une crise épileptique le 10 septembre 2002. Il soutient que le CN a par conséquent exercé de la discrimination à son endroit du fait de sa déficience, en contravention de l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[2] M. Audet et le CN ont participé tous deux à l'audience et ils étaient représentés par des avocats. La Commission canadienne des droits de la personne n'a pas participé à l'audience. Avant le début de l'audience, la Commission a conclu avec les autres parties une entente portant sur les [traduction] questions de politiques en cause dans la présente affaire quant à l'application des lignes directrices médicales de l'Association des chemins de fer du Canada. Les détails de l'entente n'ont pas été communiqués au Tribunal.

[3] Pour les motifs ci-après énoncés, j'ai conclu que le CN a exercé de la discrimination à l'endroit de M. Audet en refusant dans les faits de continuer de l'employer, en raison de sa déficience, sans un motif justifiable suivant la Loi, et que la plainte de M. Audet est par conséquent fondée.

I. LES FAITS AYANT DONNÉ LIEU À LA PLAINTE DE M. AUDET

A. Les antécédents de travail de M. Audet au CN

[4] M. Audet est âgé de 47 ans et il réside à Sudbury. Il a commencé à travailler au CN en mai 1988. En juillet 1989, M. Audet travaillait à titre de serre-frein, en poste au terminal du CN à Capreol, tout près de Sudbury. Une équipe de train typique de trois personnes se compose du conducteur de locomotive, du chef de train et du serre-frein qui assiste le chef de train. Les tâches du serre-frein incluent l'aiguillage des voies ferrées pour le déplacement des wagons d'un train et l'aide au triage des divers wagons.

[5] En août 1989, M. Audet a eu une crise convulsive à une seule reprise alors qu'il était au travail. Il a reçu un diagnostic d'épilepsie partielle complexe, également connue sous le nom d'épilepsie du lobe temporale. En raison de cette crise, M. Audet prend des médicaments contre les convulsions depuis ce moment.

[6] À la suite de la crise convulsive, le CN a relevé M. Audet de ses fonctions. M. Audet a reçu des prestations d'invalidité à court terme, puis des prestations d'assurance-emploi pendant qu'il était sans emploi. En 1992, le CN a réintégré M. Audet au travail dans un poste de triage au terminal MacMillan du CN à Toronto.

[7] En 1995, M. Audet s'est blessé au dos alors qu'il était au travail. Il a reçu des prestations d'invalidité et il a été affecté de temps en temps à des travaux légers. En raison de sa blessure, la Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents de travail (CSPAAT) de l'Ontario a imposé plusieurs restrictions de travail, et a notamment exigé qu'il ne travaille pas pendant des périodes prolongées, qu'il lève le moins possible des objets lourds et qu'il évite des mouvements répétitifs du dos.

[8] En 1997, le médecin chef du CN a établi certaines restrictions se rapportant à l'épilepsie de M. Audet qui devaient être respectées pour qu'il puisse reprendre un travail de serre-frein sur la voie ferrée principale. Le médecin chef a fait remarquer que M. Audet n'avait pas eu de crise convulsive depuis plus de cinq ans et il a conclu que la possibilité qu'il subisse de nouveau des crises convulsives était plutôt mince. Les restrictions prévoyaient que M. Audet ne devait pas travailler seul et qu'il devait toujours avoir un contact visuel ou un contact par radio avec un membre de l'équipe. Les membres de son équipe devaient être informés de la faible possibilité qu'il subisse soudainement une défaillance. Toutes les règles se rapportant aux périodes de repos devaient être strictement respectées. M. Audet ne pouvait pas faire des heures supplémentaires, sauf en cas d'urgence.

B. La crise convulsive subie par M. Audet le 10 septembre 2002

[9] Compte tenu de la lettre du médecin chef qui énonçait les restrictions applicables à M. Audet, ce dernier a pu reprendre le travail à titre de serre-frein en poste à Capreol, en 1998. Sur certains trains, lorsque les équipes n'étaient composées que de deux personnes, il travaillait en tant que chef de train, un poste pour lequel il avait été qualifié en 1992.

[10] Compte tenu de son rang relativement peu élevé sur la liste d'ancienneté des serre-freins et des chefs de train du CN en poste à Capreol, M. Audet a été placé sur le tableau de remplacement. Par conséquent, on l'appelait pour pourvoir des postes lorsqu'un employé permanent était absent ou lorsque aucun des employés permanents n'avait choisi de travailler sur un quart de travail donné. Ainsi, lorsque le CN avait besoin des services d'un serre-frein ou d'un chef de train pour un trajet, M. Audet et les autres employés figurant sur le tableau de remplacement recevaient par rotation un appel et étaient invités à effectuer le trajet. M. Audet était payé selon le nombre d'heures travaillées ou selon les milles parcourus, dépendamment des circonstances.

[11] M. Audet prétend que dans l'ensemble il n'y avait pas suffisamment de personnel à Capreol en 2002, de sorte qu'on lui a demandé de travailler un nombre plus élevé d'heures que jamais auparavant. Il soutient que la charge de travail l'a mis à rude épreuve et qu'à la fin de l'été il était passablement fatigué.

[12] Le matin du 10 septembre 2002, il est retourné à Capreol après avoir participé au cours de la nuit au retour d'un train en provenance de Hornepayne, en Ontario. Il est monté dans son véhicule à la fin de son quart de travail et il se dirigeait chez lui pour se reposer. Il s'était inscrit en repos pour 24 heures. En se rendant à la maison, il a senti ce qu'il décrit être comme une aura et il a immédiatement constaté qu'une crise convulsive était imminente. Il a rangé son véhicule sur le côté de la route. Il a eu une crise convulsive, mais il ne s'en souvient pas. Il se rappelle s'être réveillé dans une ambulance. Il a été conduit à l'hôpital, mais il a obtenu son congé plusieurs heures plus tard.

[13] M. Audet s'est rendu chez lui. Il n'a pas informé le CN de l'incident. Au cours de la soirée du lendemain, le 11 septembre 2002, le répartiteur du CN lui a téléphoné pour qu'il se présente au travail pour effectuer un trajet disponible, comme c'était la pratique habituelle. M. Audet a demandé, en prétendant qu'il ne se sentait pas bien, s'il pouvait être exempté de se présenter au travail. Le répartiteur a répondu que sans une note d'un médecin son absence ne pourrait pas être considérée comme un congé de maladie. M. Audet a témoigné qu'étant donné qu'il n'avait pas une telle note en sa possession, il estimait qu'il n'avait aucun autre choix que de se présenter au travail comme on lui demandait de le faire. Il a fait son trajet de train cette nuit-là et il est retourné à Capreol le lendemain, le 12 septembre 2002.

[14] Le superviseur de M. Audet, Gerald Nadon, qui occupait le poste de coordinateur de trains, a confirmé dans son témoignage que le CN considérait [traduction] défavorablement toute demande de congé de maladie faite à la dernière minute au répartiteur par des employés auxquels on demandait de se présenter au travail. Le coordinateur de trains de l'employé menait habituellement par la suite une enquête afin de savoir pourquoi l'employé avait dit être malade. Le CN s'attend à ce que les employés l'informent le plus tôt possible du fait qu'ils ne sont pas disponibles pour travailler en raison de maladie. Des notifications faites tardivement entraînent des problèmes de logistique pour le CN et causent ensuite des retards de trains.

[15] Pendant que M. Audet faisait son trajet de nuit, M. Nadon a entendu parler de la crise convulsive que M. Audet avait eue par les employés du CN à Capreol. M. Nadon a demandé à M. Audet de se présenter à son bureau dès son retour à Capreol. Lorsque M. Nadon lui a demandé directement si la rumeur était vraie, M. Audet a confirmé qu'il avait effectivement eu une crise convulsive. M. Audet a témoigné lors de l'audience qu'il avait l'intention d'informer le CN du fait qu'il avait eu une crise convulsive, mais qu'il voulait le faire seulement après avoir d'abord eu la possibilité de subir un examen par son médecin de famille et son neurologue.

C. Le CN relève M. Audet de ses fonctions

[16] M. Nadon a informé les services de santé au travail du CN (OHS) de la crise convulsive de M. Audet. La tâche des services de santé au travail du CN consiste à établir et à suivre toutes les politiques en matière de santé et d'aptitude au travail. L'aspect médical des fonctions des services de santé au travail a été confié à une entreprise extérieure, Medisys. Les renseignements fournis par M. Nadon ont été examinés par l'équipe de professionnels de la santé de Medisys qui à son tour a envoyé un message au bureau de la gestion des équipes par lequel il lui enjoignait de relever immédiatement M. Audet de ses fonctions et de ne pas l'affecter à du travail sur d'autres trajets, étant donné qu'il était considéré comme inapte à occuper son poste.

[17] La décision de Medisys était fondée sur les Lignes directrices médicales relatives à l'emploi dans un poste classifié comme essentiel pour la sécurité ferroviaire d'un individu souffrant d'épilepsie ou d'une autre forme de crise convulsive adoptées par l'Association des chemins de fer du Canada (les lignes directrices de l'ACFC). Selon le Règlement concernant les postes essentiels à la sécurité ferroviaire de Transport Canada, élaboré en vertu de l'article 20 de la Loi sur la sécurité ferroviaire, L.R. 1985, ch. 32 (4e suppl.), un poste essentiel à la sécurité est défini comme un poste directement relié à la marche des trains sur une voie principale ou dans le service de manoeuvre, ou un poste relié au contrôle de la circulation ferroviaire. Le CN considère que les serre-freins et les chefs de train font partie de cette catégorie.

[18] Le Règlement médical des chemins de fer pour les employés occupant des postes classifiés comme essentiels pour la sécurité ferroviaire (le Règlement médical des chemins de fer), également élaboré par Transport Canada en vertu de l'article 20 de la Loi sur la sécurité ferroviaire, exige que les employeurs évaluent l'aptitude médicale au travail des personnes qui occupent des postes classifiés comme essentiels pour la sécurité ferroviaire. Le médecin chef d'une compagnie ferroviaire peut, s'il estime lors d'une évaluation individuelle de l'aptitude médicale au travail qu'une personne constitue une menace à la sécurité de l'exploitation ferroviaire, interdire à cette personne d'occuper un poste classifié comme essentiel pour la sécurité ferroviaire ou la soumettre à d'autres restrictions lui interdisant d'accomplir certaines tâches des postes classifiés comme essentiels pour la sécurité ferroviaire (règle 6.1).

[19] Les lignes directrices de l'ACFC réaffirment le principe auquel souscrit le Règlement médical des chemins de fer de Transport Canada selon lequel les employés qui occupent des postes classifiés comme essentiels pour la sécurité ferroviaire doivent posséder les aptitudes physiques et mentales pour répondre aux exigences de leur tâche. Elles soulignent le fait que toute perturbation au niveau du rendement attribuable à un trouble médical pourrait menacer la santé et la sécurité des employés et de la population, et causer des dommages aux biens et à l'environnement. La section 4 des lignes directrices de l'ACFC énonce une série de critères à prendre en compte lors de l'évaluation de l'aptitude médicale au travail. Dans le cas d'une personne qui a reçu un diagnostic d'épilepsie qui a été traitée avec des médicaments contre l'épilepsie, les critères précisent que la personne ne doit pas avoir subi de crises épileptiques pendant une période de cinq ans. De plus, des séries d'électroencéphalogrammes (EEG) effectués au cours de la même période doivent démontrer que la personne n'a aucune activité épileptiforme.

[20] Après avoir appris que M. Audet avait subi une crise convulsive en septembre 2002, et en se fondant sur les critères précédemment mentionnés, le CN a immédiatement décidé qu'il serait relevé de tout poste classifié comme essentiel pour la sécurité ferroviaire et que ce retrait serait en vigueur pendant la période d'évaluation de cinq ans. Il a effectivement été relevé de ses fonctions de serre-frein et chef de train pour une période de cinq ans.

[21] En octobre 2005, lorsque le Tribunal a tenu l'audience à l'égard de la plainte en matière des droits de la personne présentée par M. Audet, ce dernier n'avait pas encore été rappelé au travail par le CN, que ce soit pour un poste classifié comme essentiel pour la sécurité ou non. Il a reçu des prestations d'invalidité jusqu'à la fin de juin 2005. Le CN n'a pas officiellement congédié M. Audet.

[22] M. Audet a subi trois autres crises convulsives après celle du 10 septembre 2002, (une en juin, une en septembre et une en novembre 2003). Après la dernière de ces crises convulsives, ses médicaments ont été modifiés et il n'a pas eu de crises convulsives depuis ce moment.

D. Les relations de M. Audet avec le CN après qu'il eut été relevé de ses fonctions

[23] M. Audet a témoigné qu'après avoir été relevé de ses fonctions, il a eu des rapports fréquents avec Medisys. Il a signé un formulaire autorisant Medisys à consulter ses dossiers d'hôpital. Le 1er novembre 2002, son neurologue a rempli un formulaire, délivré par l'Association des chemins de fers du Canada, se rapportant à l'évaluation de l'épilepsie ou d'une crise épileptique isolée subie par une personne qui occupe un poste classifié comme essentiel pour la sécurité ferroviaire. Le formulaire est essentiellement un rapport médical. M. Audet a transmis le formulaire à Medisys.

[24] Environ une semaine après avoir été relevé de ses fonctions, M. Audet a pris contact avec son représentant syndical des Travailleurs unis des transports (TUT), Glenn King, pour signaler la crise convulsive qu'il avait eue et pour examiner la façon selon laquelle il pourrait obtenir un accommodement quant à son emploi. M. Audet a témoigné qu'après avoir été relevé de ses fonctions, il se rendait encore régulièrement aux installations de Capreol et demandait aux membres du personnel de gestion du CN sur place s'ils pouvaient lui fournir un accommodement en lui donnant un autre poste. Une des personnes auxquelles il parlait était Brian Gillies, un coordinateur de trains aux installations de Capreol. M. Audet prétend que M. Gillies lui a conseillé de prendre contact avec les bureaux de gestion du CN à Toronto pour s'informer des possibilités d'obtenir un accommodement. M. Audet a suivi sa suggestion et a téléphoné au bureau de Toronto à plusieurs reprises entre 2002 et 2005. On lui disait toujours que quelqu'un examinerait sa situation et le rappellerait pour discuter de son cas. Personne ne l'a jamais fait.

[25] Après le 12 septembre 2002, M. Nadon n'a jamais reparlé à M. Audet quant à son emploi ou quant à quelque accommodement. Selon M. Nadon, il ne lui appartenait pas d'entreprendre des discussions à cet égard. Il s'agissait d'une tâche relevant du service des ressources humaines du CN et du bureau de gestion du risque du CN.

[26] M. Audet a fréquemment communiqué par téléphone avec June Sheppard, une infirmière autorisée travaillant chez Medisys, qui s'occupait du dossier de M. Audet. M. Audet l'a informé régulièrement de son état de santé, y compris des trois crises convulsives qu'il avait subies en 2003. Il a témoigné qu'il lui demandait souvent ce qui pouvait être fait en vue de lui fournir un accommodement. Elle disait toujours qu'elle examinerait la question, mais il n'a jamais reçu de renseignements quant à l'issue des démarches qu'elle faisait.

[27] Les mois passaient et M. Audet prétend que puisqu'il n'avait reçu aucune réponse du CN il a, le 21 août 2003, déposé une plainte en matière des droits de la personne dans laquelle il alléguait ne pas avoir obtenu un accommodement.

E. Le CN invite M. Audet à subir des tests pour un poste de coordinateur du transport intermodal - en décembre 2003

[28] Selon M. Audet, ce n'est qu'en décembre 2003, presque quatre mois après qu'il eut déposé sa plainte en matière des droits de la personne, qu'il a reçu pour la première fois des nouvelles du CN à l'égard d'un accommodement. Richard Theberge, qui était l'agent de gestion du risque du CN pour la région nord de l'Ontario, a pris contact avec M. Audet lui demandant de se présenter à une entrevue et de faire un test pour un poste bilingue de coordinateur du transport intermodal aux installations MacMillan à Toronto. M. Audet n'avait pas été préalablement consulté quant à ce poste. On ne lui avait jamais demandé s'il pensait être apte à occuper ce poste. Néanmoins, comme M. Theberge a mentionné dans une note de service de suivi à M. King, M. Audet semblait avoir hâte de se présenter à l'entrevue et de faire les tests.

[29] M. Audet s'est rendu à Toronto pour subir une entrevue et pour faire des tests. Il a témoigné qu'on lui a fait subir un test d'aptitude générale qui contenait ce qu'il décrit comme des éléments d'aspect [traduction] administratif ou de secrétariat. Par exemple, ses habiletés en dactylographie ont été évaluées. M. Audet n'avait aucune expérience de travail dans des postes requérant de telles habiletés. Il a eu de la difficulté à faire les tests, mais pas seulement parce qu'ils se rapportaient à des domaines dans lesquels il n'avait pas d'expérience et d'habiletés. Il prétend qu'il avait ce jour-là des maux de tête et de la pression près des yeux. Il avait des problèmes à se concentrer sur les questions, même s'il pouvait dire que certaines de ces questions étaient simples. Ses mains tremblaient.

[30] Les résultats de ses tests étaient très faibles, se situant entre les premier et cinquième centiles. Le résultat minimal requis pour ce type de poste était le 25e centile. On ne lui a par conséquent pas offert le poste. La personne qui faisait passer le test a écrit dans son rapport de suivi au service des ressources humaines du CN que M. Audet avait à de nombreuses reprises au cours du test fait des commentaires selon lesquels il sentait que les médicaments qu'il prenait à ce moment avaient un effet sur son rendement.

[31] Peu après les tests, un autre neurologue a pris la relève auprès de M. Audet quant à son traitement et il a immédiatement changé le dosage des médicaments qu'il prenait. Le 28 février 2004, le neurologue a écrit une note, qui a été transmise à Medisys, dans laquelle il énonçait que les difficultés subies par M. Audet au cours des tests avaient un lien avec les médicaments qu'il prenait à cette époque. Le neurologue demandait avec insistance au CN d'examiner la possibilité de faire passer de nouveau le test étant donné que ces difficultés étaient maintenant [traduction] réglées. M. Audet a témoigné que le CN n'a réagi d'aucune façon à la note. M. Audet n'a reçu aucune offre de subir d'autres tests avant mai 2005, environ cinq mois après que la Commission eut renvoyé au Tribunal la plainte en matière des droits de la personne.

F. Le CN offre à M. Audet un poste de commis au mouvement des trains - en juillet 2004

[32] Le 19 juillet 2004, M. Theberge a envoyé à M. Audet une lettre par laquelle il lui offrait un poste de commis au mouvement des trains (CMT) à l'édifice administratif au triage MacMillan. M. Theberge mentionnait que l'emploi lui était offert suivant le Programme de gestion des limitations fonctionnelles du CN. Le poste comportait du travail sédentaire, travail qui serait supervisé par l'équipe du programme de retour au travail, composée d'infirmières et de médecins de Medisys, de même que de kinésiologues. Une description des exigences physiques et des conditions de travail se rapportant à ce poste était jointe à la lettre. Cette description mentionnait qu'un CMT peut passer jusqu'à trois heures par quart de travail à conduire un véhicule.

[33] Le 21 juillet 2004, M. Audet a répondu par écrit à la lettre de M. Theberge. Il a expliqué qu'il n'avait pas de permis de conduire valide à ce moment. À la suite de la crise convulsive subie par M. Audet en novembre 2003, le ministère des Transports de l'Ontario avait suspendu son permis de conduire, suivant l'avis de son neurologue. Il n'était pas admissible à obtenir de nouveau son permis avant le début de 2005. M. Audet a ajouté dans sa réponse qu'il espérait que M. Theberge [traduction] puisse tenir compte de ces facteurs. M. Audet terminait sa lettre en fournissant son numéro de téléphone et en demandant à M. Theberge de prendre contact avec lui s'il avait des questions.

[34] M. Audet a témoigné qu'il n'a pas reçu de réponse à sa lettre, et qu'il a donc appelé M. Theberge. Ils se sont parlé le 4 octobre 2004. Selon M. Audet, M. Theberge a prétendu, au cours de leur conversation, que le CN avait renoncé à l'exigence quant au permis de conduire dans le cas de M. Audet et que M. Audet en avait été auparavant informé. M. Audet a répondu à M. Theberge qu'au contraire on ne l'avait jamais informé d'une telle renonciation. M. Audet a alors demandé, si effectivement l'exigence de détenir un permis conduire avait été levée, si le poste était toujours disponible. M. Theberge a répondu qu'il ne l'était pas.

G. Le CN invite M. Audet à subir des tests pour un travail de bureau - en mai 2005

[35] Le CN n'a pas pris de nouveau contact avec M. Audet quant à des possibilités d'emploi avant mai 2005. Le CN l'a invité à se rendre de nouveau au triage MacMillan à Toronto pour subir des tests. Suzanne Fusco, la directrice des ressources humaines pour l'Est du Canada, a témoigné qu'il s'agissait simplement de [traduction] tests pour du travail de bureau, qui ne se rapportaient à aucun poste en particulier. Les tests ont eu lieu le 25 mai 2005 et, selon M. Audet, ils portaient principalement sur des habiletés en secrétariat, encore plus que la première série de tests subis en décembre 2003. Il y avait de nouveau une évaluation des habiletés en dactylographie et de nombreuses portions des tests étaient à temps fixes. Plusieurs semaines plus tard, M. Audet a reçu un appel d'un représentant du CN l'informant qu'il avait eu un piètre résultat aux tests, sans lui donner d'autres détails. Aucun rapport de suivi ne lui a été fourni.

H. Le CN offre à M. Audet un poste de contremaître désigné en vertu de la règle 42 - le 13 octobre 2005

[36] Le 13 octobre 2005, seulement quatre jours avant le début de l'audience tenue par le Tribunal à l'égard de la plainte, l'avocat du CN a envoyé à l'avocat de M. Audet une lettre énonçant qu'il y avait au CN un poste disponible qui pourrait constituer un accommodement quant à ses diverses restrictions. Le poste était un poste de contremaître désigné en vertu de la règle 42, et le lieu de travail devait être la grande région de Toronto et le district des Grands Lacs. Il serait nécessaire que M. Audet fasse certains tests avant qu'il puisse obtenir le poste.

[37] Le 14 octobre 2005, l'avocat de M. Audet a répondu que le poste n'était [traduction] pas satisfaisant. Le lieu de travail était loin de son terminal d'attache à Capreol, et le salaire pour ce poste était considérablement moins élevé que le salaire qu'il recevait auparavant. Il y avait de plus certaines préoccupations à l'égard des heures et des tâches du poste qui pouvaient contrevenir aux restrictions de M. Audet établies par le médecin chef du CN en 1997. En outre, il s'agissait d'un poste relevant d'une autre unité de négociation, qui était représentée par un autre syndicat que les TUT. La possibilité que M. Audet puisse conserver ses droits d'ancienneté dépendrait de la coopération du nouveau syndicat. L'avocat de M. Audet a souligné que son client avait une attente raisonnable selon laquelle le CN ferait de plus grands efforts pour lui fournir un accommodement quant à sa déficience. Il a de plus souligné que M. Audet ne refusait pas catégoriquement l'offre d'emploi.

[38] À la fin de l'audience, M. Audet n'avait pas encore rejeté officiellement l'offre, mais au cours des observations finales, l'avocat de M. Audet a répété ses réserves précédemment mentionnées à l'égard du poste qui était offert.

II. CE QUI DOIT ÊTRE DÉMONTRÉ POUR ÉTABLIR L'EXISTENCE DE DISCRIMINATION DANS LA PRÉSENTE AFFAIRE

[39] Constitue un acte discriminatoire le fait de refuser de continuer d'employer un individu du fait de sa déficience (articles 3 et 7 de la Loi). Une déficience est définie à l'article 25 de la Loi comme une déficience physique ou mentale, qu'elle soit présente ou passée. Cette définition a été interprétée comme signifiant tout handicap physique ou mental qui occasionne une limitation fonctionnelle ou qui est associé à la perception d'un handicap (voir l'arrêt Desormeaux c. La Corporation de la Ville d'Ottawa, 2005 CAF3 11, au paragraphe 15). Le CN perçoit incontestablement l'épilepsie de M. Audet, qui a occasionné ses crises convulsives, comme une limitation à sa capacité d'occuper un poste qualifié comme essentiel pour la sécurité. Je suis par conséquent convaincu que son état de santé constitue une déficience au sens de la Loi.

[40] Le comportement de l'employeur ne sera pas considéré comme discriminatoire s'il peut être établi que son refus à l'égard de tout emploi découle d'exigences professionnelles justifiées (EPJ) (le paragraphe 15(1) de la Loi). Il doit être établi, pour qu'un acte soit considéré comme une EPJ, que le fait de répondre aux besoins de la personne ou d'une catégorie de personnes visées constituerait pour la personne qui doit répondre à ces besoins une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité (le paragraphe 15(2) de la Loi).

[41] La Cour suprême du Canada a énoncé dans l'arrêt Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. B.C.G.S.E.U., [1999] 3 R.C.S. 3 (arrêt Meiorin), la méthode devant être suivie pour établir s'il existe une EPJ. Le plaignant a le fardeau initial d'établir que la norme ou la politique adoptée par l'intimé est prima facie discriminatoire.

[42] Une fois que l'existence de discrimination a été établie prima facie, l'intimé peut justifier la norme contestée en établissant ce qui suit, selon la prépondérance des probabilités:

  1. L'intimé a adopté la norme dans un but rationnellement lié à l'exécution du travail en cause;
  2. l'intimé a adopté la norme particulière en croyant sincèrement qu'elle était nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail;
  3. la norme est raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail. Pour prouver que la norme est raisonnablement nécessaire, l'intimé doit démontrer qu'il est impossible de composer avec le plaignant sans que l'intimé subisse une contrainte excessive. Il appartient à l'intimé de démontrer qu'il a envisagé et rejeté raisonnablement toute forme possible d'accommodement (Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights), [1999] 3 R.C.S. 868 (arrêt Grismer)).

A. La preuve prima facie

[43] Bien que le CN n'ait jamais officiellement congédié M. Audet, il a incontestablement relevé M. Audet de son poste de serre-frein ou de chef de train immédiatement après avoir appris qu'il avait subi une crise convulsive le 10 septembre 2002. Le CN a décidé de tenir M. Audet à l'écart de son poste pendant une période de cinq ans, période après laquelle il pouvait reprendre son poste dans la mesure où il n'avait pas subi d'autres crises convulsives. Le CN ne l'a affecté à aucun autre poste ni à aucune autre tâches dans l'intervalle.

[44] Je suis convaincu que M. Audet a établi prima facie que le CN a effectivement refusé de continuer de l'employer du fait de sa déficience. Il appartient par conséquent au CN d'établir que son refus d'employer M. Audet était justifié.

B. La justification du CN

[45] Le CN prétend que le norme adoptée et le comportement qui s'en est suivi étaient justifiés. Compte tenu des restrictions importantes imposées à M. Audet sur le plan médical, qui incluaient non seulement celles se rapportant à son épilepsie, mais également celles se rapportant à sa blessure au dos, le CN prétend qu'il était incapable de lui fournir un accommodement individuel sans que cela constitue une contrainte excessive.

C. L'application du critère de l'arrêt Meoirin

(i) La norme adoptée par le CN a-t-elle été adoptée dans un but rationnellement lié à l'exécution du travail en cause?

[46] Le CN estime que les postes de serre-frein et de chef de train sont des postes qualifiés comme essentiels pour la sécurité. Les travailleurs qui occupent ces postes participent directement à la manuvre des trains. Comme le mentionnent les lignes directrices de l'ACFC, si le rendement des personnes qui occupent des postes qualifiés comme essentiels pour la sécurité est perturbé en raison d'un trouble médical, cela pourrait provoquer un incident qui mettrait en danger la santé et la sécurité des employés et de la population et causer des dommages aux biens et à l'environnement. Les individus qui occupent de tels postes qualifiés comme essentiels pour la sécurité doivent par conséquent être aptes sur le plan médical à exécuter leurs fonctions.

[47] Le CN a appliqué une norme qu'il a tirée des lignes directrices de l'ACFC selon laquelle, dans des cas comme celui de M. Audet où l'épilepsie est traitée au moyen de médicaments contre l'épilepsie, un employé sera considéré comme apte sur le plan médical à exercer un poste qualifié comme essentiel pour la sécurité s'il n'a eu aucune crise convulsive pendant une période de cinq ans. L'employé est sujet à une surveillance continue de son état de santé.

[48] À mon avis, il y a un lien rationnel évident entre d'une part le but qui consiste à éviter les incidents qui mettraient en danger la santé et la sécurité des employés et de la population et causeraient des dommages aux biens et à l'environnement, et d'autre part l'exécution des emplois de serre-frein et de chef de train. L'exploitation sécuritaire du système ferroviaire préoccupe de façon certaine le CN. La prévention d'un incident qui pourrait mettre en danger la santé et la sécurité des employés et de la population est rationnellement liée à l'exécution de tels postes qualifiés comme essentiels pour la sécurité.

(ii) Le CN a-t-il adopté la norme en croyant sincèrement qu'elle était nécessaire pour réaliser ce but?

[49] Je suis convaincu que le CN a adopté cette norme de bonne foi, en croyant qu'elle était nécessaire pour assurer l'exploitation sécuritaire de son système ferroviaire.

(iii) A-t-il été démontré qu'il est impossible de fournir un accommodement à M. Audet sans que cela constitue une contrainte excessive pour le CN?

[50] Pour démontrer qu'une norme est raisonnablement nécessaire (la troisième étape du critère de l'arrêt Meiorin), un employeur doit démontrer qu'il est impossible de fournir un accommodement à certains employés qui ont les mêmes caractéristiques que le plaignant sans s'imposer une contrainte excessive.

a) M. Audet a-t-il fait l'objet d'une évaluation individuelle?

[51] La Cour suprême, dans l'arrêt Meiorin, au paragraphe 64, conseille aux cours de justice et aux tribunaux administratifs de tenir compte des diverses manières dont il est possible de composer avec les capacités d'un individu. Un employeur devrait se renseigner sur la possibilité d'exécuter le travail de différentes manières tout en réalisant l'objet légitime lié à l'emploi que vise l'employeur. Les aptitudes, les capacités et l'apport potentiel du plaignant et de ceux qui sont dans la même situation que lui doivent être respectés autant qu'il est possible de le faire.

[52] Ces facteurs sont de plus reflétés dans les lignes directrices de l'ACFC elles-mêmes. La section 4 des lignes directrices de l'ACFC prévoit le critère général applicable à l'aptitude médicale dans des cas d'épilepsie, mais le paragraphe 6 précise que l'employeur ne devrait pas conclure qu'un individu n'est pas apte au travail sans avoir d'abord effectué une évaluation individuelle à l'égard du poste particulier de l'individu :

6. Évaluation individuelle

L'aptitude à occuper un poste spécifique des personnes atteintes d'épilepsie et de celles ayant été victimes d'autres formes de crises convulsives devra être évaluée individuellement. La nature des tâches et des responsabilités associées aux postes classifiés comme essentiels pour la sécurité ferroviaire devra être étudiée soigneusement avant de prendre une décision définitive concernant l'aptitude au travail des personnes qui désirent les occuper.

[53] Quels ont été les efforts déployés par le CN pour évaluer individuellement M. Audet quant à son aptitude à travailler à titre de serre-frein ou de chef de train? Rien ne démontre que le CN a tenté de faire une telle évaluation avant le 10 décembre 2003, presque quatre mois après que M. Audet eut déposé sa plainte en matière des droits de la personne auprès de la Commission, et exactement 15 mois après qu'il eut subi sa crise convulsive. Ce jour-là, le Dr Claude Lapierre, le médecin chef du CN, a écrit au Dr Guy Rémillard, un neurologue de Montréal, une lettre par laquelle il lui demandait son [traduction] avis professionnel sur la nature des troubles épileptiques dont [M. Audet] souffrait et la recommandation [du Dr Rémillard] à l'égard de son aptitude à occuper un poste qualifié comme essentiel pour la sécurité.

[54] Le Dr Rémillard n'a pas rencontré ou examiné M. Audet personnellement, et on ne lui a pas non plus demandé de le faire. Jackie Anderson, une infirmière dans l'équipe Medisys du CN, a témoigné que le [traduction] protocole normal consiste à faire un [traduction] examen sur dossier de l'état de santé d'un employé qui souffre d'épilepsie. L'évaluation est faite sur le fondement des renseignements fournis par les médecins et les spécialistes qui traitent l'employé. Mme Anderson a ajouté que l'évaluation est habituellement faite en consultation avec le médecin chef du CN. Dans certains cas complexes comme celui de M. Audet, on demande l'avis d'un spécialiste quant à l'état de santé afin d'établir si l'évaluation de Medisys est correcte.

[55] Après avoir examiné le dossier, le Dr Rémillard a discuté de la question avec le Dr Lapierre, qui à son tour a exposé le contenu de leur conversation dans un message de suivi envoyé par courriel à Mme Sheppard chez Medisys. Apparemment, la question de savoir si la crise convulsive de M. Audet avait été provoquée par le manque de sommeil associé aux exigences de son poste était au cur des discussions des deux médecins. Les lignes directrices de l'ACFC prévoient que lorsque la crise convulsive est provoquée, l'employé peut être jugé apte à occuper un poste qualifié comme essentiel pour la sécurité dès qu'un an s'est écoulé depuis la crise convulsive. Selon le Dr Rémillard, la crise convulsive de M. Audet n'avait pas été provoquée par un manque de sommeil, mais était plutôt survenue comme une récurrence de son épilepsie. Par conséquent, en tant que personne qui souffre d'épilepsie qui a subi une crise convulsive, M. Audet n'était pas apte à occuper un poste qualifié comme essentiel pour la sécurité pendant une période de cinq ans, compte tenu de la section 4 des lignes directrices de l'ACFC.

[56] Cependant, il n'y a pas de preuve quant à la question de savoir si le Dr Lapierre ou le Dr Rémillard avaient déjà étudié soigneusement la nature des tâches et des responsabilités associées au poste qualifié comme essentiel pour la sécurité qu'occupait M. Audet, comme le prévoyait le paragraphe 6 des lignes directrices de l'ACFC. Plutôt, en se fondant sur la conclusion selon laquelle la crise convulsive n'avait pas été provoquée, le Dr Lapierre estimait apparemment qu'aucune autre enquête n'était justifiée et il a retourné le dossier de M. Audet à Medisys.

[57] Je ne suis pas convaincu, selon la preuve présentée dans la présente affaire, que le CN ait fait quelque effort pour évaluer individuellement M. Audet en vue d'établir si son état de santé l'empêchait d'exécuter ses tâches et ses responsabilités dans ses postes de serre-frein et de chef de train. Le CN semblait se concentrer sur la question de savoir s'il était responsable d'avoir provoqué la crise convulsive de M. Audet en raison de la charge de travail qui lui avait été imposée au cours de l'été 2002. À cet égard, il est très révélateur que l'un des derniers commentaires faits par le Dr Lapierre dans son message envoyé par courriel soit que [traduction] M. Audet a très peu de chances de convaincre quelque tribunal qu' il avait seulement subi une crise convulsive provoquée. Aucune mention ne porte sur la question de savoir si M. Audet, en tant qu'individu, pourrait toujours de façon sécuritaire exercer ses fonctions et si non, comment il pourrait obtenir un accommodement à cet égard.

[58] En plus de vouloir établir s'il était nécessaire que M. Audet soit relevé de ses fonctions pour une période d'un an ou de cinq ans, il peut y avoir une autre raison pour laquelle l'attention du CN portait sur la question de savoir si la crise convulsive avait été provoquée par sa charge de travail. Des éléments de preuve ont été présentés quant à une longue dispute qui existait à ce moment entre le CN et le syndicat des TUT à l'égard de la charge de travail du personnel roulant, y compris des serre-freins et des chefs de train. Le débat portait principalement sur le droit des employés de s'inscrire en repos après avoir effectué leur trajet. Le syndicat des TUT avait adopté la position selon laquelle l'employeur avait soumis ses employés à des pressions afin qu'ils n'exercent pas complètement leur droit, en ayant pour objectif de les rendre disponibles plus rapidement pour effectuer un autre trajet. L'employeur ne partageait pas cette opinion et il prétendait qu'il essayait simplement d'éviter que certains employés s'inscrivent en repos de façon abusive et excessive. Je soupçonne que ces questions en suspens ont pu influencer le CN quant aux positions qu'il a adoptées à la suite de la crise convulsive subie par M. Audet et peuvent aident à expliquer pourquoi le CN semblait être si préoccupé de s'assurer qu'il n'avait pas provoqué la crise convulsive plutôt que de se concentrer à fournir un accommodement à son employé.

[59] Peu importe quels ont pu être les motifs du CN, le fait est qu'il n'y a aucun élément de preuve démontrant qu'une évaluation individuelle de M. Audet a été effectuée afin d'établir son aptitude à occuper un poste qualifié comme essentiel pour la sécurité. Il m'appert qu'une fois que le CN a appris que M. Audet avait subi une crise épileptique, il a appliqué les critères énoncés à la section 4 des lignes directrices de l'ACFC d'une manière habituelle et mécanique, sans aucun examen de sa situation individuelle ou de son état de santé. Le CN a simplement décidé que M. Audet ne pourrait pas occuper un poste qualifié comme essentiel pour la sécurité pendant une période de cinq ans, sans aucun autre examen de son aptitude individuelle à occuper son poste.

[60] Le CN prétend qu'il n'était pas nécessaire d'évaluer l'aptitude individuelle de M. Audet. La nature des tâches d'un serre-frein et d'un chef de train est telle que toute personne qui subit une crise épileptique, comme M. Audet, est immédiatement médicalement inapte à exécuter ces tâches qualifiées comme essentielles pour la sécurité.

[61] Cet argument ne me convainc pas. Le fait de permettre à un employeur d'invoquer des opinions à l'égard des déficiences de ses employés qu'il perçoit d'une certaine façon comme évidentes en elles-mêmes, donnerait à l'employeur une justification trop facile à l'égard d'un comportement qui pourrait autrement être discriminatoire. Comme la Cour suprême a mentionné dans l'arrêt Grismer, au paragraphe 19, la raison pour laquelle l'accommodement doit être incorporé dans une norme vise à s'assurer que chacun est évalué selon ses propres capacités personnelles plutôt qu'en fonction des présumées caractéristiques d'un groupe qui sont souvent fondées sur un parti pris et des préjugés de longue date. Une évaluation individuelle de l'employé est par conséquent une étape essentielle dans le processus d'accommodement (voir l'arrêt Grismer, aux paragraphes 22 et 30; et l'arrêt Meiorin, au paragraphe 65).

b) L'employeur a-t-il envisagé et rejeté raisonnablement toute forme possible d'accommodement?

[62] Même si l'opinion du CN quant à la nécessité d'effectuer une évaluation individuelle dans le cas de M. Audet était une opinion valable, la question qui devrait toutefois toujours être traitée est celle de savoir si le CN, après avoir établi que M. Audet était médicalement inapte à occuper son poste, a envisagé et rejeté raisonnablement tous les autres moyens possibles d'accommodement qu'il pouvait lui offrir. À mon avis, le CN n'a pas réussi à établir qu'il a satisfait à cette exigence.

[63] M. Audet a témoigné que lui et M. King avaient demandé à maintes reprises au CN de coopérer avec M. Audet afin de trouver une certaine forme d'accommodement qui lui permettrait de recommencer à travailler au CN. Ces tentatives étaient effectivement inscrites dans le registre que Mme Sheppard gardait à l'égard de ce qui se passait dans le dossier de M. Audet tenu chez Medisys. Dès le 17 septembre 2002, Mme Sheppard a noté, après avoir parlé à M. Audet, qu'il était préoccupé à l'égard du [traduction] dénouement futur de son affaire et de sa [traduction] capacité de travailler. Il y a plusieurs mentions des conversations de Mme Sheppard avec M. King à l'égard de ses tentatives de prendre contact avec le CN pour trouver une certaine forme d'accommodement pour M. Audet. Mme Anderson a témoigné qu'elle avait examiné les notes dans le dossier de M. Audet et elle a reconnu qu'il avait [traduction] manifestement parlé à Mme Sheppard à l'égard d'un accommodement quant à sa déficience.

[64] Comment le CN a-t-il réagi à ces demandes? Quels ont été les efforts déployés en vue de fournir un accommodement à M. Audet? Le CN a établi certaines directives qui doivent être suivies lorsqu'il s'agit de fournir un accommodement à des employés qui ont des besoins spéciaux (les directives quant à l'accommodement), dont des extraits se trouvent à l'onglet 31 de la pièce C-1. Les directives quant à l'accommodement prévoient que lorsque les superviseurs et les gestionnaires de l'employé sont conscients des besoins d'accommodement de l'employé, ils ont la responsabilité d'entamer la procédure d'accommodement, même si l'employé n'a pas fait une demande à cet égard (paragraphe 7.12.3). Les gestionnaires et les superviseurs du CN étaient de façon évidente conscients du besoin d'accommodement de M. Audet; ce sont les gestionnaires et les superviseurs qui l'ont d'abord relevé de ses fonctions parce que, selon eux, sa déficience le rendait inapte à occuper un poste qualifié comme essentiel pour la sécurité.

[65] Quelles sont les procédures entamées par le CN en vue d'offrir un accommodement? Le paragraphe 7.12.4 des directives quant à l'accommodement prévoit que la [traduction] première chose que l'employeur doit faire est de rencontrer l'employé et de lui permettre d'exposer le problème ou le besoin. Le représentant de l'employeur devrait poser à l'employé des questions afin de comprendre complètement la demande, et les deux personnes devraient alors ensemble discuter des solutions possibles.

[66] Le témoignage de M. Audet à cet égard n'est pas contesté. Aucun représentant du CN ne l'a rencontré, à aucun moment, encore moins à titre de [traduction] première chose qui ait été faite, pour discuter de sa déficience, pour poser des questions ou pour discuter de solutions possibles. M. Audet a tenté d'obtenir du CN tous les renseignements et toute l'aide possible, mais sans succès. M. Nadon, après qu'il eut relevé M. Audet de ses fonctions, ne lui a plus jamais reparlé de son emploi ou de quelque forme d'accommodement. Un autre coordinateur de trains, M. Gillies, a dirigé M. Audet au bureau du CN à Toronto pour ce qui est de ses demandes. Le bureau de Toronto a promis de rappeler M. Audet, mais ne l'a pas fait.

[67] En fait, il n'y a aucun élément de preuve donnant à penser que le CN ait déjà discuté avec M. Audet des possibilités quant à un accommodement à un moment ou un autre avant qu'il dépose sa plainte en matière des droits de la personne en août 2003. Environ quatre mois après que la plainte en matière des droits de la personne a été déposée, l'agent de gestion du risque, M. Theberge, a finalement pris contact avec M. Audet, mais non pas pour lui demander ses commentaires à l'égard de sa déficience ou pour discuter de solutions possibles, conformément aux directives quant à l'accommodement. M. Theberge a téléphoné à M. Audet pour lui présenter une seule possibilité - se rendre à Toronto pour subir une entrevue et pour faire des tests quant à un poste en particulier. Il n'y a eu aucune discussion avec M. Audet sur la question de savoir s'il avait les habiletés requises pour occuper un poste d'employé de bureau, par exemple un poste de coordinateur à la répartition.

[68] Même s'il s'agissait de la première offre d'accommodement à être en fait présentée à M. Audet, le CN a-t-il au moins examiné d'autres possibilités d'accommodement avant ce moment sans que M. Audet en ait eu connaissance? La preuve montre que les efforts du CN, même à cet égard, étaient au mieux minimaux.

[69] Mme Anderson, chef d'équipe chez Medisys, a expliqué que ce n'était pas la responsabilité de Medisys de trouver un poste pour fournir un accommodement aux employés du CN qui souffraient d'une déficience. Le rôle de l'équipe de Medisys à cet égard consiste simplement à prendre contact avec le service des ressources humaines du CN, avec l'agent de gestion du risque et avec les superviseurs de l'employé pour faire une demande afin que l'employé obtienne un accommodement quant à un emploi.

[70] Comme j'ai mentionné précédemment, Mme Sheppard, qui s'occupait du dossier de M. Audet chez Medisys, gardait un registre dans lequel était consigné ce qui se passait dans son dossier. Mme Sheppard n'a pas témoigné lors de l'audience. Ses premières inscriptions dans le registre après que M. Audet eut été relevé de ses fonctions se rapportent aux divers documents et autres renseignements recueillis à l'égard de son état de santé de même qu'aux traitements et médicaments qu'il recevait. Le CN reconnaît que M. Audet a toujours fourni sans délai à Medisys tous les documents demandés, de type médical et d'autres types.

[71] Le registre de Mme Sheppard consigne de nombreuses communications avec le CN, faites à l'initiative de M. Audet, de M. King et d'elle-même, au cours desquelles des demandes d'accommodement étaient présentées. Les demandes n'ont donné en fin de compte aucun résultat.

[72] Le 13 novembre 2002, Mme Sheppard a écrit dans son registre des notes portant sur une discussion qu'elle avait eue avec un agent de gestion du risque à l'égard de la nécessité de trouver un poste de remplacement pour M. Audet, compte tenu du fait qu'il ne pouvait occuper un poste qualifié comme essentiel pour la sécurité pendant une période de cinq ans. Le 4 décembre 2002, elle a consigné dans son registre qu'elle avait envoyé un courriel à l'agent de gestion du risque, dans lequel elle lui rappelait la restriction de M. Audet selon laquelle il ne pouvait occuper un poste qualifié comme essentiel pour la sécurité et demandait qu'il vérifie [traduction] s'il y avait quelque accommodement possible.

[73] Le 26 février 2003, Mme Sheppard a apparemment parlé du cas de M. Audet à un expert principal de La Great West, compagnie d'assurance-vie, le fournisseur de prestations d'invalidité du CN. Mme Sheppard a noté que l'expert s'était engagé à prendre contact avec le CN et à demander s'il y avait un poste qui ne serait pas qualifié comme essentiel pour la sécurité que pourrait occuper M. Audet.

[74] Quelques jours plus tard, Mme Sheppard a fait elle-même un effort semblable. Elle a inscrit dans son registre qu'elle avait envoyé un courriel au service des ressources humaines, à l'agent de gestion du risque, au directeur du service de santé au travail et au superviseur immédiat de M. Audet, les avisant des restrictions de M. Audet et de l'état actuel des prestations. Elle leur a demandé de lui fournir des commentaires quant à [traduction] toute offre d'emploi possible. Rien dans le registre de Mme Sheppard n'indique si l'un d'eux a répondu à cette demande et aucun élément de preuve à cet égard n'a été fourni lors de l'audience.

[75] Le 14 mars 2003, M. Audet a apparemment téléphoné à Mme Sheppard. Elle a consigné dans son registre qu'elle lui avait conseillé de demander directement au CN s'il y avait des postes qui n'étaient pas qualifiés comme essentiels pour la sécurité qu'il aurait pu occuper. Le lendemain, le 15 mars 2003, Mme Sheppard a noté qu'elle avait eu une discussion avec M. King, le représentant des TUT, qui lui a dit qu'il essaierait d'aider M. Audet à obtenir un poste pouvant servir d'accommodement [traduction] quelque part au CN.

[76] Cependant, il est clair qu'en date du 30 juillet 2003 la question de l'accommodement n'avait pas été réglée. Mme Sheppard a écrit qu'elle avait [traduction] discuté de nouveau avec M. King de la question de l'accommodement à offrir à M. Audet. M. King a dit qu'il discuterait de la question avec l'agent de gestion du risque.

[77] Les résultats n'ont de toute évidence pas été fructueux. Le 15 septembre 2003, Mme Sheppard a écrit qu'elle avait parlé de nouveau à plusieurs reprises à M. King quant à la possibilité que le CN offre un accommodement, en ajoutant qu'il n'y avait [traduction] pas eu de réponse de la part de la compagnie.

[78] Le 10 novembre 2003, Mme Sheppard a écrit qu'elle avait parlé de nouveau à M. King, qui lui a dit qu'il essayait de prendre contact avec M. Theberge, l'agent de gestion du risque, quant à un accommodement possible pour M. Audet.

[79] Le 18 novembre 2003, Mme Sheppard a reçu par courriel un message de Paul Bourque, le directeur des ressources humaines dans la région de M. Audet. Le message avait également été envoyé à plusieurs autres personnes, y compris à M. Theberge, à M. Nadon, et à la coordonnatrice des indemnités des accidents du travail, Louise Smolska. M. Bourque les informait que M. Audet avait déposé une plainte en matière des droits de la personne. Afin de préparer une réponse à la Commission, M. Bourque leur demandait de fournir tout renseignement se rapportant aux efforts déployés depuis le 11 septembre 2002 en vue de fournir un accommodement à M. Audet et en particulier de mentionner tout emploi qui avait été suggéré comme accommodement.

[80] La réponse de Mme Smolska au message envoyé par courriel par M. Bourque a été déposée lors de l'audience. Elle disait qu'[traduction] aucun emploi n'avait été suggéré par son groupe. Il n'y a aucun élément de preuve démontrant qu'il y avait eu des réponses des autres personnes qui avaient reçu par courriel le message de M. Bourque.

[81] Le 5 décembre 2003, M. Bourque a envoyé par courriel un message à plusieurs personnes au CN, qui avaient un lien avec le cas de M. Audet, les avisant qu'on avait trouvé deux postes (coordinateur à la répartition et commis au mouvement des trains) qui étaient appropriés pour une personne soumise à des restrictions. M. Bourque a demandé que des dispositions soient prises afin que M. Audet subisse des tests quant à ces postes. Rien n'indique que M. Audet et M. King aient été consultés d'une façon ou d'une autre avant que cette décision soit prise. Les tests mentionnés dans le message envoyé par courriel étaient les tests subis par M. Audet à Toronto en décembre 2003, pour lesquels il n'a pas obtenu une note de passage en raison en partie, selon ce qu'il prétend, du dosage de ses médicaments à ce moment.

[82] Le 13 avril 2004, Mme Sheppard a envoyé par courriel un message à M. Theberge et à d'autres personnes pour leur transmettre ce que M. Audet lui avait communiqué, à savoir que son état de santé était stable et qu'il serait capable de mieux réussir des tests. Mme Sheppard demandait s'il y avait une possibilité de lui offrir un accommodement quant à un poste qui n'était pas qualifié comme essentiel pour la sécurité. M. Theberge a simplement répondu que [traduction] quant à tout autre poste, il n'y rien de disponible à Capreol.

[83] Quel élément de preuve y a-t-il quant aux tentatives faites par le CN, si tentative il y a eu, pour trouver du travail à M. Audet à son terminal d'attache à Capreol? M. Nadon a témoigné qu'il ne connaissait pas l'exigence contenue dans les directives quant à l'accommodement du CN selon laquelle les gestionnaires de l'employé devaient le rencontrer afin de discuter du problème et des solutions possibles. M. Nadon a reconnu qu'aucune rencontre de cette sorte n'a eu lieu. Selon M. Nadon, offrir un accommodement à M. Audet était la responsabilité du service des ressources humaines et du bureau de la gestion du risque.

[84] M. Nadon se rappelait qu'on avait communiqué avec lui pour [traduction] voir si nous avions du travail ou un poste disponible pour [M. Audet] et nous n'avions rien dans notre service. Il a ajouté que Medisys et le service des ressources humaines avaient communiqué avec lui pour voir si [traduction] nous avions des tâches pouvant constituer un accommodement pour M. Audet. Compte tenu des restrictions qui empêchaient M. Audet d'occuper des postes qualifiés comme essentiels pour la sécurité, M. Nadon a déclaré ce qui suit : [traduction] Nous savions que nous ne pouvions pas modifier le poste [de serre-frein ou de chef de train] pour lui offrir un accommodement. Cela était évident. Il n'a pas envisagé la possibilité de fournir à M. Audet une formation qui lui permettrait d'obtenir des compétences pour occuper des postes pour lesquels il n'avait pas encore les compétences. Il n'a pas envisagé la possibilité de regrouper des tâches de plusieurs postes pour créer un nouveau poste pour offrir un accommodement à M. Audet. M. Nadon a reconnu qu'en somme son rôle à l'égard de l'accommodement devant être offert à M. Audet consistait à [traduction] tenir les yeux ouverts pour tout poste à pourvoir à Capreol qui respecterait les restrictions imposées à M. Audet.

[85] Le rôle limité de M. Nadon quant à l'accommodement offert à M. Audet soulève une question additionnelle. Dans l'arrêt Meiorin, la Cour a fait allusion à l'utilité en pratique, lorsque l'analyse en matière d'accommodement est effectuée, d'examiner le caractère approprié de la procédure adoptée par l'employeur pour évaluer la question de l'accommodement (voir l'arrêt Meorin, au paragraphe 37).

[86] La preuve appuie la prétention de M. Audet selon laquelle le CN a même omis de respecter les procédures exposées dans ses propres directives quant à l'accommodement et, de ce fait, a omis de lui offrir un accommodement sur le plan procédural. Par exemple, ni M. Nadon ni qui que ce soit d'autre au CN n'ont rencontré M. Audet pour discuter de sa déficience et pour examiner des solutions possibles, comme les directives quant à l'accommodement le prévoient.

[87] Les directives quant à l'accommodement énoncent de plus qu'il est [traduction] extrêmement important de conserver des notes quant à ces rencontres avec un employé, quant aux diverses solutions proposées et quant aux arguments utilisés pour accepter ou rejeter chaque possibilité. Il n'y a évidemment pas de notes quant à des rencontres avec M. Audet étant donné qu'aucune rencontre n'a eu lieu. Le CN n'a pas, cependant, produit de dossiers satisfaisants à l'égard de solutions qu'il a pu analyser à l'interne et rejeté par lui-même, sans la participation de M. Audet.

[88] Mme Fusco a déposé en preuve un Bulletin de l'Ingénierie, daté du 17 octobre 2005. Ce bulletin consiste en une liste qui énonce les postes qui étaient disponibles dans la région des Grands Lacs en Ontario, au moment de l'audience. M. Audet soutient qu'il aurait pu obtenir un accommodement dans un poste de signaleur qui était disponible à ce moment. Le CN prétend qu'aucun des postes figurant sur la liste n'était approprié pour M. Audet. Par exemple, le poste de signaleur comporte régulièrement des heures supplémentaires qui auraient constitué une violation des restrictions qui lui étaient imposées.

[89] Il importe toutefois de mentionner que le CN n'a déposé aucun Bulletin de l'Ingénierie ni aucun autre rapport similaire couvrant la période antérieure à octobre 2005. Il n'y a en preuve aucun document démontrant qu'après que M. Audet eut été relevé de ses fonctions, le CN a examiné et analysé d'autres postes que les postes de commis au mouvement des trains et de coordinateur à la répartition. En outre, même si d'autres postes ont en fait été examinés durant cette période, aucun dossier exposant les raisons pour lesquelles ils ont en fin de compte été rejetés n'a été produit.

[90] Les directives quant à l'accommodement du CN énoncent qu'une des façons suivant lesquelles l'employeur peut fournir un accommodement à des employés souffrant d'une déficience [traduction] sans créer de contrainte excessive, consiste à leur donner une [traduction] formation spéciale [...] pour réintégrer le travail. Le CN n'a jamais offert à M. Audet la possibilité de suivre une nouvelle formation. Mme Fusco prétend que le CN aurait offert à M. Audet une formation pour le poste à la répartition s'il avait réussi l'étape initiale des tests. Mais j'ai conclu que les tests portaient principalement sur des habiletés de travail de bureau qu'il ne possédait manifestement pas. Il avait besoin d'une formation à l'égard de ces habiletés qui avaient été précisément évaluées, qui à leur tour lui auraient donné une meilleure possibilité de réussir les tests de qualification pour les postes de remplacement. Mme Fusco a reconnu dans son témoignage que le syndicat qui représentait les employés des postes à la répartition ne se serait pas opposé à ce que M. Audet obtienne une formation avant de faire les tests.

[91] À mon avis, il s'agit là de seulement quelques exemples qui démontrent la façon selon laquelle le CN a omis de fournir un accommodement à M. Audet sur le plan procédural, étant donné qu'il a même omis de respecter les dispositions de base exposées dans les propres directives du CN quant à l'accommodement.

[92] Par conséquent, dans l'ensemble, quels ont été les efforts d'accommodement déployés par le CN au cours de la période de trois ans, entre le moment où la crise convulsive est survenue le 10 septembre 2002 et le début de l'audience le 17 octobre 2005? Le CN a fait en tout quatre propositions quant à l'accommodement à fournir à M. Audet à l'égard de sa déficience, à savoir :

  1. Décembre 2003 - Une invitation à faire un test qui permettrait à M. Audet de se qualifier pour le poste de coordinateur du transport intermodal au triage MacMillan à Toronto.
  2. Juillet 2004 - Une offre à l'égard d'un poste de commis au mouvement des trains au triage MacMillan à Toronto.
  3. Mai 2005 - Une invitation à subir des tests pour un travail de bureau.
  4. Octobre 2005 - Une offre à l'égard d'un poste de contremaître désigné en vertu de la règle 42 au triage MacMillan à Toronto.

[93] Ces efforts démontrent-ils que le CN a envisagé et rejeté raisonnablement toute forme possible d'accommodement? À mon avis, la réponse à cette question est négative.

[94] Le CN a appelé Mme Fusco pour témoigner à l'égard des efforts qu'il a déployés en vue de fournir un accommodement à M. Audet. Au cours de son interrogatoire principal, elle a déclaré que le CN avait examiné sérieusement à compter de septembre 2002 tous les postes vacants qui auraient pu être appropriés. Cependant, lors du contre-interrogatoire, elle a confirmé qu'elle n'avait participé à aucune tentative visant à lui fournir un accommodement avant 2004 et qu'elle ne pouvait donc vraiment pas témoigner à l'égard de tout effort d'accommodement déployé antérieurement. Elle a de plus reconnu qu'elle n'avait pas tenu de dossiers ou consigné de notes quant aux efforts d'accommodement auxquels elle avait effectivement participé. M. Nadon, comme je l'ai précédemment mentionné, a témoigné qu'il n'avait pas fait de véritables tentatives en vue de fournir un accommodement à M. Audet autre que simplement [traduction] tenir les yeux ouverts pour des postes vacants. Selon M. Nadon, il appartenait au service des ressources humaines et à l'agent de gestion du risque de prendre des dispositions pour fournir un accommodement à M. Audet.

[95] Le CN n'a pas envisagé la possibilité d'offrir à M. Audet une formation pour lui permettre de se qualifier pour d'autres postes. Il n'y a aucun élément de preuve démontrant que le CN a envisagé la possibilité de regrouper nombre des tâches d'un poste pour augmenter les possibilités d'emploi de M. Audet.

[96] Toutefois, le CN prétend encore qu'entre 2002 et 2005, les postes qui lui ont été offerts étaient les seuls emplois que M. Audet aurait pu occuper, compte tenu de ses restrictions, qui incluaient les restrictions imposées de la CSPAAT se rapportant à sa blessure au dos de 1995.

[97] Aussi récemment qu'en juillet 2005, cependant, le syndicat des TUT a proposé au CN de nombreux postes pour lesquels M. Audet était qualifié et qui étaient compatibles avec les restrictions de la CSPAAT de même qu'avec les restrictions se rapportant à son épilepsie. Ces postes incluaient les postes d'auxiliaire et de surveillant pour les incendies et la sécurité. Le CN a prétendu lors de l'audience que ces postes n'étaient plus disponibles lorsque le syndicat des TUT les a proposés. Le CN n'a pas, cependant, expliqué pourquoi ils n'avaient pas été offerts à M. Audet lorsqu'ils étaient disponibles.

[98] Un des autres postes proposés par le syndicat des TUT en 2005 était un poste de coordinateur de la circulation. Mme Fusco a témoigné que M. Audet ne pouvait pas être affecté à ce poste parce que ce poste était qualifié comme essentiel pour la sécurité. Toutefois, elle a reconnu que le CN n'a pas examiné la possibilité de modifier les tâches de ce poste afin qu'il soit compatible avec les restrictions de M. Audet. Elle a reconnu que le CN a dans le passé modifié des postes qualifiés comme essentiels pour la sécurité afin de fournir un accommodement quant aux restrictions d'un employé.

[99] Un employé en particulier avait reçu un diagnostic d'épilepsie alors qu'il occupait au CN un poste de chef de train qualifié comme essentiel pour la sécurité, tout comme M. Audet. Comme forme d'accommodement, le CN l'a affecté à un poste de contrôleur de la circulation ferroviaire qualifié comme essentiel pour la sécurité au terminal de Capreol. Ses tâches ont été modifiées afin de lui fournir un accommodement. Les contrôleurs de la circulation ferroviaire appartiennent à la même unité de négociation des TUT que M. Audet.

[100] À mon avis, il est évident que dans le cas de M. Audet, le CN a omis d'examiner de nombreuses formes possibles d'accommodement. En outre, il est manifeste que le peu de recherche que le CN a effectué n'a commencé qu'après que M. Audet eut déposé la plainte en matière des droits de la personne en août 2003. Avant ce moment, il n'y avait essentiellement pas eu d'efforts déployés en vue de lui fournir un accommodement.

[101] L'avocat du CN a avancé dans ses observations finales que le retard du CN à entreprendre des efforts en vue de fournir un accommodement à M. Audet était dû à l'incertitude se rapportant à la nature de sa déficience. Jusqu'à ce qu'on obtienne l'opinion du Dr Lapierre, la question de savoir si M. Audet avait eu une crise convulsive provoquée n'était pas claire.

[102] Cependant, cette incertitude n'est pas la question en cause. Que la crise convulsive ait été provoquée ou non, il reste qu'en date du 12 septembre 2002, le CN a relevé M. Audet de ses fonctions en raison de sa déficience. À partir de ce moment, le CN avait l'obligation de sérieusement chercher des façons de fournir un accommodement à son employé. Il n'était pas justifié qu'il y ait un retard à cet égard. Si le CN avait besoin de connaître les répercussions de l'épilepsie et de la crise convulsive de M. Audet, il aurait pu commencer par au moins rencontrer M. Audet et discuter avec lui de sa situation. M. Audet avait fourni son dossier médical à Medisys. Le CN avait plus que suffisamment de renseignements pour entreprendre ses efforts en vue de fournir un accommodement. De plus, la restriction de base imposée à M. Audet était qu'il n'occupe pas des postes qualifiés comme essentiels pour la sécurité. Le CN aurait facilement pu commencer à chercher un poste qui n'était pas qualifié comme essentiel pour la sécurité que M. Audet aurait pu occuper. Cependant, il n'y a pas d'éléments de preuve démontrant qu'il y ait eu de telles tentatives avant décembre 2003.

c) Le fait de fournir un accommodement à M. Audet aurait-il constitué une contrainte excessive pour le CN?

[103] Bien que j'aie conclu que le CN n'avait pas examiné plusieurs possibilités qui auraient fourni un accommodement à M. Audet, le paragraphe 15(2) de la Loi prévoit qu'un employeur peut néanmoins justifier son refus d'employer un individu en démontrant que le fait de répondre aux besoins de l'individu constituerait pour lui une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité. Le CN prétendait que les préoccupations liées à la santé et à la sécurité empêchaient M. Audet d'occuper des postes qualifiés comme essentiels pour la sécurité. En tenant pour acquis que ces préoccupations étaient valables, sur quoi le CN fonde-t-il sa prétention selon laquelle le fait de fournir un accommodement à M. Audet, d'une manière qui ne le placerait pas dans un poste qualifié comme essentiel pour la sécurité, constituerait une contrainte excessive? Comment le fait de regrouper plusieurs tâches de postes qui n'étaient pas qualifiés comme essentiels pour la sécurité en un seul poste ou comment le fait d'offrir une nouvelle formation à M. Audet, par exemple, constituerait-il pour le CN une contrainte excessive, du fait du seul facteur encore applicable suivant le paragraphe 15(2), à savoir les coûts?

[104] Je ne dispose d'aucun élément de preuve quant aux coûts qui résulteraient du fait de fournir ces formes d'accommodement à M. Audet. Mme Fusco a témoigné que dans le cas de M. Audet, l'argent ou les coûts ne constituaient pas pour le CN un obstacle pour lui fournir un accommodement. M. Audet a déposé en preuve un récit de la Presse canadienne daté du 21 juillet 2005, du journal North Bay Nugget, qui rapportait que les profits du CN au cours des premiers six mois de 2005 avaient [traduction] fait un bond pour atteindre 715 $ millions, alors qu'ils avaient été de 536 $ millions pour la même période en 2004. Les revenus du CN au cours de la première moitié de 2005 étaient de 3,54 $ milliards. On cite une déclaration du président du CN qui a dit ce qui suit : [traduction] Nos employés ont un excellent rendement et nous nous attendons à continuer à donner des profits importants aux actionnaires.

[105] Dans l'arrêt Central Alberta Dairy Pool c. Alberta (Human Rights Commission), [1990] 2 R.C.S. 489, au paragraphe 62, la Cour suprême a souligné que l'importance de l'exploitation de l'employeur peut jouer sur l'évaluation de ce qui représente un coût excessif. Le CN est assurément un employeur important. Mme Fusco a mentionné dans son témoignage que Medisys à elle seule s'occupe de 5 000 employés du CN. Le CN a mis en place une infrastructure interne pour traiter des besoins particuliers de ses employés. Des directives officielles établissant la façon selon laquelle on peut répondre aux besoins ont été adoptées. Mme Fusco a témoigné qu'en tout temps Medisys intervient activement dans jusqu'à dix pour cent des dossiers de ces 5 000 employés.

[106] Il appartient au CN de démontrer d'une manière réelle et concrète de quelle façon les coûts associés au fait de fournir un accommodement à M. Audet constitueraient pour lui une contrainte excessive. La Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Grismer au paragraphe 41, a reconnu que dans certaines circonstances, le coût excessif peut justifier le refus de composer avec les personnes atteintes de déficience. Une preuve, constituée d'impressions, d'une augmentation des dépenses ne suffit généralement pas. La Cour suprême a donné un avertissement selon lequel il faut se garder de ne pas accorder suffisamment d'importance à l'accommodement de la personne handicapée, parce qu'il serait beaucoup trop facile d'invoquer l'augmentation des coûts pour justifier un refus d'accorder un traitement égal aux personnes handicapées.

[107] Dans la présente affaire, on n'avait essentiellement pas présenté de preuve, constituée d'impressions ou d'un autre type, à l'égard des coûts associés au fait de fournir un accommodement à M. Audet et des conséquences pour le CN et son exploitation. Le CN n'a pas, par conséquent, établi que le fait de fournir un accommodement à M. Audet constituerait pour lui une contrainte excessive.

d) M. Audet a-t-il entravé les efforts d'accommodement déployés par le CN?

[108] Le CN prétend qu'il a déployé tous les efforts raisonnables en vue de fournir un accommodement à M. Audet et que c'est la propre inflexibilité de ce dernier qui a empêché qu'une solution soit trouvée. La Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Renaud c. Central Okanagan School District No. 23, [1992] 2 R.C.S. 970, aux paragraphes 43 et 44, a déclaré qu'un plaignant a l'obligation de faciliter la recherche d'un compromis. Ainsi, pour déterminer si l'obligation d'accommodement a été remplie, il faut examiner la conduite du plaignant. Lorsque l'employeur fait une proposition qui est raisonnable et qui, si elle était mise en uvre, remplirait l'obligation d'accommodement, le plaignant est tenu d'en faciliter la mise en uvre. Si l'omission du plaignant de prendre des mesures raisonnables est à l'origine de l'échec de la proposition, la plainte sera rejetée.

[109] Quels aspects de la conduite de M. Audet démontreraient qu'il est à l'origine de l'échec de la proposition raisonnable?

1. La réaction de M. Audet à l'offre, présentée en juillet 2004, à l'égard d'un poste de commis au mouvement des trains

[110] On a accordé beaucoup d'importance à la réaction de M. Audet à l'offre du CN de juillet 2004 quant à un poste de commis au mouvement des trains, au triage MacMillan à Toronto. Le CN prétend qu'il s'agissait d'une proposition raisonnable que M. Audet aurait dû accepter. Mais M. Audet a-t-il effectivement refusé l'offre? Il n'a pas dit qu'il la refusait dans sa lettre datée du 21 juillet 2004 adressée à M. Theberge. M. Audet a simplement communiqué le fait qu'il n'avait pas de permis de conduire. Le document exposant les exigences physiques et les conditions de travail pour le poste de commis au mouvement des trains, que M. Theberge avait envoyé à M. Audet, énonçait clairement que le poste comportait du travail [traduction] dans un véhicule (conduite). Les conditions du milieu pour le poste stipulaient que [traduction] selon les tâches, [l'employé] peut passer jusqu'à 3 heures [par quart de travail de 8 heures] à conduire un véhicule dans le triage.

[111] À mon avis, il était tout à fait raisonnable que M. Audet, après avoir vu ces conditions de travail se rapportant au poste proposé, ait informé le CN quant à un empêchement légal d'exécuter les tâches de l'emploi. Il ne s'agissait pas d'un manque de coopération de sa part. Au contraire, le fait qu'il communique ce renseignement au CN servait à s'assurer qu'on ne perde pas de temps à lui offrir un poste qu'il ne pouvait légalement pas exécuter. Qu'est-ce que cela aurait donné que M. Audet accepte le poste, sachant qu'il lui manquait une des qualifications nécessaires?

[112] Le CN semblait suggérer qu'il avait renoncé à l'exigence d'un permis de conduire dans le cas de M. Audet, mais il n'a présenté aucun élément de preuve au soutien de sa prétention à cet égard. Plutôt, c'est M. Audet lui-même qui a mentionné dans son témoignage que M. Theberge avait fait cette déclaration au cours d'une conversation téléphonique avec lui en octobre 2004. M. Audet nie qu'on lui ait déjà dit, avant cette conversation téléphonique d'octobre 2004, alors qu'il était déjà trop tard, que l'exigence quant à la conduite d'un véhicule avait été levée dans son cas. Son témoignage n'est pas contredit. M. Theberge n'a pas témoigné et aucun élément de preuve n'appuie sa déclaration à cet égard.

[113] Si le CN avait effectivement eu l'intention de renoncer à l'exigence quant à la conduite d'un véhicule, pourquoi M. Theberge n'a-t-il pas simplement répondu par écrit à M. Audet pour l'informer qu'il se trompait? Dans sa lettre, M. Audet avait, après tout, invité M. Theberge à prendre contact avec lui pour toute question. M. Audet avait même fourni son numéro de téléphone. M. Theberge n'a même pas eu la courtoisie d'appeler M. Audet. Je n'estime pas que la réaction de M. Audet à l'offre d'emploi de juillet 2004 soit à l'origine de l'échec de la proposition. En fait, l'échec de la proposition est dû au fait qu'elle était inappropriée comme forme d'accommodement, et à l'omission du CN d'avoir répondu et traité la préoccupation soulevée par M. Audet dans sa lettre et d'en avoir traité.

2. La prétendue omission du syndicat des TUT d'avoir facilité l'accommodement

[114] Le CN prétendait également dans ses observations finales que, dans le cas de M. Audet, le syndicat des TUT avait entravé la mise en uvre de l'accommodement. Il a été fait mention des cinq propositions du syndicat avancées en juillet 2005 en vue d'un accommodement. Le CN prétend que le syndicat n'a fait aucune proposition similaire avant ce moment, et que son omission de le faire démontre d'une certaine façon que le syndicat (et par extension M. Audet) ne s'est pas acquitté de son obligation de rechercher un accommodement.

[115] Cet argument est de façon évidente fondé sur une compréhension erronée de l'arrêt Renaud. La Cour suprême a été passablement claire à cet égard. L'obligation qui incombe au plaignant de faire sa part ne signifie pas que le plaignant a l'obligation d'être à l'origine d'une solution. L'employeur est celui qui est le plus en mesure d'établir la façon selon laquelle le plaignant peut obtenir un accommodement sans que cela constitue une contrainte excessive quant à l'exploitation de l'entreprise de l'employeur. Ce n'est qu'une fois qu'un employeur a présenté une proposition raisonnable que le plaignant est tenu de faciliter sa mise en uvre (arrêt Renaud, au paragraphe 44).

[116] Comment le syndicat des TUT et M. Audet peuvent-ils être accusés de ne pas s'être acquittés de leur obligation de faciliter les propositions d'accommodement alors que le CN n'a pas avancé une seule proposition d'accommodement avant décembre 2003, et n'a pas formellement fait une seule offre d'emploi avant juillet 2004, presque deux ans après qu'il a relevé M. Audet de ses fonctions? J'estime qu'il est fallacieux de la part du CN de suggérer que M. Audet et le syndicat des TUT ont d'une certaine façon tardé à traiter de l'accommodement. La preuve démontre clairement d'une part que M. Audet et M. King imploraient le CN d'entamer le processus visant à fournir un accommodement depuis 2002 et que le CN d'autre part n'a eu de réaction ou pris quelque initiative que ce soit que bien après que M. Audet ait déposé sa plainte en matière des droits de la personne.

3. La réaction de M. Audet à l'offre à l'égard d'un poste de contremaître désigné en vertu de la règle 42

[117] Bien que le CN ait pu omettre de traiter de la question de l'accommodement pendant une longue période, peut-on quand même prétendre que la décision de M. Audet de ne pas immédiatement accepter l'offre la plus récente du CN (contremaître désigné en vertu de la règle 42), faite le 13 octobre 2005, constitue un manquement quant à son obligation de faciliter la recherche d'un accommodement?

[118] Tout d'abord, je ne suis pas certain que cette offre jette une lumière sur la question de savoir si le CN a fourni à M. Audet un accommodement au point de constituer une contrainte excessive. Il m'apparaît que cette offre d'emploi devrait être décrite de façon plus appropriée comme une offre de règlement, puisqu'elle est survenue seulement quelques jours avant le début de l'audience. Deuxièmement, le dernier jour d'audience, M. Audet n'avait pas encore officiellement rejeté l'offre. De plus, à mon avis, les préoccupations soulevées par M. Audet ne sont pas déraisonnables. Par exemple, l'offre du CN n'établissait pas tout à fait clairement si les conditions de travail du poste respectaient les restrictions de travail de M. Audet. Effectivement, le CN lui-même n'a pu confirmer que lors de la toute dernière journée d'audience que le poste était conforme à ses restrictions de travail.

[119] La réaction de M. Audet à l'offre à l'égard d'un poste de contremaître désigné en vertu de l'article 42 ne révélait pas à mon avis qu'il avait entravé les efforts d'accommodement du CN.

III. LA CONCLUSION DE DISCRIMINATION

[120] Pour tous les motifs précédemment énoncés, je conclus que M. Audet a été relevé de ses fonctions du fait de sa déficience, en contravention de l'article 7 de la Loi. Le CN n'a pas établi que son refus de continuer d'employer M. Audet découle d'exigences professionnelles justifiées, suivant l'article 15 de la Loi. La plainte de M. Audet est par conséquent fondée.

IV. LES REDRESSEMENTS SOLLICITÉS PAR M. AUDET

A. Une ordonnance prévoyant que le CN révise sa politique en matière d'accommodement

[121] M. Audet sollicite une ordonnance, suivant l'alinéa 53(2)a) de la Loi, prévoyant que le CN prenne des mesures, en consultation avec la Commission, pour remédier à son omission d'avoir correctement fourni un accommodement à ses employés, comme sa propre affaire le démontrait. M. Audet reconnaît que le CN a une politique en matière d'accommodement, c'est-à-dire des directives quant à l'accommodement, et qu'il peut en fait s'agir d'une bonne politique, mais il prétend qu'elle n'est manifestement pas appliquée ou mise en uvre correctement.

[122] J'ai renvoyé dans ma décision aux directives quant à l'accommodement et j'ai établi que les personnes qui sont chargées au CN de leur mise en uvre ont effectivement omis de les suivre dans le cas de M. Audet. À mon avis, la demande de M. Audet est justifiée.

[123] J'ordonne par conséquent au CN de prendre des mesures, en consultation avec la Commission relativement à leurs objectifs généraux, afin de revoir sa politique en matière d'accommodement et de s'assurer que les individus et les groupes chargés de sa mise en uvre la respectent.

B. Le retour au travail

[124] M. Audet sollicite une ordonnance, suivant l'alinéa 53(2)b) de la Loi, prévoyant que le CN le replace dans son poste de serre-frein et chef de train, et apporte les modifications nécessaires aux tâches de ce poste afin de lui permettre d'exécuter son travail d'une façon sécuritaire et conforme aux restrictions qui lui ont été imposées. Il y a des éléments de preuve selon lesquels d'autres employés dans des situations similaires ont obtenu un accommodement, en particulier un employé de Capreol atteint d'épilepsie qui avait obtenu un accommodement par une modification apportée aux tâches dans son poste qui était qualifié comme essentiel pour la sécurité.

[125] Après avoir appris que M. Audet avait subi une crise convulsive en septembre 2002, le CN a appliqué automatiquement les lignes directrices de l'ACFC et a relevé M. Audet de ses fonctions sans évaluer son aptitude physique et mentale à occuper son poste particulier, comme le prévoyaient les lignes directrices de l'ACFC et les directives quant à l'accommodement du CN. L'alinéa 53(2)b) de la Loi énonce que le Tribunal, lorsqu'il juge la plainte fondée, peut ordonner à un intimé d'accorder à la victime de l'acte discriminatoire, dès que les circonstances le permettent, les droits, chances ou avantages dont l'acte l'a privée.

[126] Afin de fournir ce redressement dans la présente affaire, M. Audet doit d'abord être replacé dans son poste. J'ordonne par conséquent au CN de replacer M. Audet dans son poste de serre-frein et chef de train, au terminal de Capreol. J'ordonne de plus au CN de coopérer pleinement avec M. Audet et son syndicat, les TUT, lors de l'évaluation individuelle dont il a été privé au moment en cause, afin d'établir lesquelles de ses tâches, le cas échéant, devaient être modifiées pour s'assurer qu'il soit apte à exécuter son emploi de façon sécuritaire et sans risques pour lui-même, pour autrui et sans causer des dommages aux biens et à l'environnement.

[127] Si M. Audet, le CN et le syndicat des TUT établissent qu'il ne peut obtenir un accommodement de cette manière, j'ordonne au CN de coopérer pleinement avec M. Audet et le syndicat des TUT pour qu'il puisse obtenir un accommodement, dès que les circonstances le permettent, dans un autre poste à Capreol. Dans l'éventualité où il est établi qu'il n'y a aucun tel poste disponible à Capreol, alors j'ordonne au CN, dès que les circonstances le permettent, de coopérer avec M. Audet et le syndicat des TUT afin de chercher un accommodement quant à un poste approprié, ailleurs qu'à Capreol.

[128] À l'égard de tous ces efforts déployés en vue de fournir un accommodement, la priorité doit être axée sur des postes qui font partie de la même unité de négociation que celle de M. Audet.

C. L'indemnité pour pertes de salaire

[129] J'ordonne au CN d'indemniser M. Audet, suivant l'alinéa 53(2)c) de la Loi, pour toutes les pertes de salaire et d'avantages qu'il a subies depuis que le CN l'a relevé de ses fonctions le 12 septembre 2002. Les parties se sont engagées lors de l'audience à entreprendre des discussions en vue de conclure une entente à l'égard du calcul du montant de cette indemnité, dans l'éventualité où le Tribunal rendrait une telle ordonnance. Les parties prendront en compte tous les facteurs pertinents, comme les prestations d'invalidité reçues par M. Audet au cours de cette période et tous les intérêts applicables sur les sommes lui étant dues.

[130] M. Audet a témoigné à l'égard des efforts qu'il a déployés depuis 2002 pour trouver d'autre travail, pendant qu'il attendait que le CN lui fournisse un accommodement. Il prétend qu'il a fait des [traduction] centaines de demandes d'emploi et qu'il a été reçu en entrevue à des [traduction] douzaines de reprises. On lui demande souvent lors de ces entrevues pourquoi le CN l'a relevé de ses fonctions. Lorsqu'il dévoile que c'est en raison d'une crise épileptique, les employeurs le remercient généralement d'avoir manifesté de l'intérêt pour l'emploi qu'ils cherchent à pourvoir, mais choisissent de ne pas l'employer. Plus tôt dans sa carrière, M. Audet a obtenu les compétences requises pour travailler en Ontario comme infirmier auxiliaire autorisé et comme assistant en soins médicaux d'urgence. Il a témoigné que malgré ces certifications, il a été incapable de trouver du travail à quelque endroit dans la région de Sudbury.

[131] À mon avis, les efforts déployés par M. Audet en vue d'atténuer ses dommages ont été raisonnables, en particulier si on tient compte du fait que le CN ne l'a jamais officiellement congédié. Il était raisonnable qu'il s'attende à ce que le CN, conformément à ses propres directives et politiques, fasse une proposition en vue de lui fournir un accommodement à un certain moment après l'avoir relevé de ses fonctions.

[132] Je donne par conséquent aux parties la directive de tenir pour acquis, lors de leurs discussions à l'égard du calcul des pertes de salaire et d'avantages subies par M. Audet, que ce dernier s'est acquitté de son obligation d'atténuer ses dommages.

D. L'indemnité pour préjudice moral - l'alinéa 53(2)e) de la Loi

[133] M. Audet a témoigné à l'égard de l'impact émotionnel qu'il a ressenti du fait que le CN l'avait relevé de ses fonctions et du fait que le CN avait omis de lui fournir un accommodement. Son épouse, qui est une infirmière autorisée, est devenue le soutien financier principal de la famille. Après que M. Audet eut cessé de recevoir des prestations d'invalidité, elle a commencé à occuper un travail à plein temps, un travail qui comportait des quarts de travail de douze heures. La famille de M. Audet et de son épouse est composée de deux enfants d'âge mineur et d'une nièce âgée de 16 ans dont ils s'occupent. La pression que l'épouse de M. Audet subissait du fait d'avoir à assurer le soutien financier de la famille par elle-même a mis leur mariage [traduction] à rude épreuve. Il a eu besoin de suivre des séances avec un [traduction] conseiller. Il a témoigné à l'égard du fait qu'il ressentait avoir été abandonné après que le CN eut refusé de lui donner du travail. Cela a diminué son estime de lui et l'a fait sentir comme un [traduction] moins que rien. En prenant en compte toutes ces circonstances, j'ordonne au CN de payer à M. Audet une indemnité de 10 000 $ pour préjudice moral.

[134] M. Audet prétend que la crise convulsive qu'il a subie le 10 septembre 2002 a été provoquée par une charge de travail excessive, pour laquelle il blâme le CN. L'avocat de M. Audet prétendait que l'indemnité pour préjudice moral devrait être plus élevée afin que ce facteur soit pris en compte. Je ne partage pas son opinion.

[135] D'abord, je ne comprends pas pourquoi le préjudice moral subi par M. Audet devrait être évalué de façon différente, selon que la crise convulsive a été provoquée ou non. Il m'apparaît que l'évaluation objective d'un préjudice moral ne devrait pas être modifiée du fait du caractère soi-disant répréhensible du comportement de l'intimé.

[136] En outre, selon la prépondérance de la preuve, je ne suis pas convaincu, compte tenu de la preuve présentée lors de l'audience, que la crise convulsive a effectivement été provoquée. Aucun expert médical n'a témoigné, mais des photocopies de rapports préparés par divers médecins, qui concluaient tantôt que la crise avait été provoquée, tantôt que la crise n'avait pas été provoquée, ont été fournies par M. Audet et le CN. Il importe de noter que bien que la pression de la charge de travail semble avoir obligé M. Audet à prendre un congé de 96 heures en juin 2002, il n'a pas été établi que la charge de travail dans les mois qui ont suivi a été exceptionnelle. En outre, le Dr Remillard et le Dr Lapierre ont mentionné que les trois crises convulsives subies par M. Audet de 9 à 14 mois après avoir été relevé de ses fonctions sembleraient du moins jeter un certain doute quant à sa prétention selon laquelle la crise convulsive a été provoquée. En prenant en compte tous ces facteurs, je ne suis pas convaincu que la crise convulsive survenue le 10 septembre 2002 a été provoquée.

E. L'indemnité spéciale - le paragraphe 53(3) de la Loi

[137] Le paragraphe 53(3) de la Loi prévoit que le Tribunal peut ordonner à l'intimé de payer une indemnité maximale de 20 000 $ à une victime d'un acte discriminatoire si l'acte a été délibéré ou inconsidéré. L'avocat de M. Audet a prétendu que le CN a été [traduction] complètement inconsidéré dans la présente affaire. Il a mentionné le manque [traduction] incroyable de communication entre les divers services, l'[traduction] absence totale de direction, et l'omission d'avoir fait participer M. Audet et le syndicat des TUT au processus d'accommodement, comme le démontre la preuve présentée à l'appui de la prétention à cet égard. Il a en outre mentionné le fait que la CN a attendu quinze mois avant de déployer quelque effort pour lui fournir un accommodement et que, au cours d'une période de trois ans, seulement deux offres d'emploi ont été présentées. M. Audet n'avait pas les compétences requises quant à la première offre d'emploi, pour un poste de commis au mouvement des trains, parce qu'il n'avait pas de permis de conduire. La deuxième offre d'emploi a essentiellement été proposée par le CN au cours de l'audience. M. Audet demande qu'il soit ordonné que le CN paie l'indemnité maximale prévue suivant ce paragraphe.

[138] Je partage l'opinion selon laquelle le comportement du CN dans la présente affaire a été inconsidéré. Il est clair que le CN était au fait de son obligation de fournir un accommodement à ses employés souffrant d'une déficience. Le CN a adopté une politique en matière d'accommodement sous la forme des directives quant à l'accommodement qui énoncent les procédures à suivre à l'égard de tout employé qui a des besoins spéciaux qui requièrent un accommodement. Toutefois, les personnes qui au CN étaient chargées de la gestion du cas de M. Audet n'ont pas tenu compte des responsabilités qui leur incombaient suivant la politique et n'ont pas fait d'efforts en vue de lui fournir un accommodement pendant des mois et des mois, jusqu'à ce que finalement il ait forcé le CN à agir en déposant sa plainte en matière des droits de la personne. Le CN, après avoir été avisé que son comportement faisait l'objet d'un examen suivant la Loi, a déployé des efforts d'accommodement qui étaient toujours, au mieux, de maigres efforts. Cette ligne de conduite était, à mon avis, inconsidérée.

[139] Dans les circonstances, j'ordonne au CN de payer à M. Audet une indemnité de 10 000 $, suivant le paragraphe 53(3) de la Loi.

F. Les dépens

[140] M. Audet demande que ses dépens lui soient adjugés, sur la base avocat-client ou subsidiairement selon l'échelle de la Cour fédérale. Il fonde principalement sa demande sur les conclusions tirées par le Tribunal dans deux décisions récentes, à savoir : Brown c. Gendarmerie royale du Canada, 2004 TCDP 24, et Brooks c. Canada (Ministère des Pêches et des Océans), 2005 TCDP 14. Les deux décisions ont été présentées à la Cour fédérale en vue d'un contrôle judiciaire. Au moment de l'audience à l'égard de la présente plainte, la Cour fédérale n'avait pas encore rendu un jugement dans l'une ou l'autre de ces affaires.

[141] Après la fin de l'audience, la Cour fédérale a rendu sa décision dans l'affaire Brown, le 13 décembre 2005 (2005 CF 1683), et plus récemment dans l'affaire Brooks, le 21 avril 2006 (2006 CF 500). Dans les deux cas, la Cour a annulé les décisions du Tribunal.

[142] L'avocat de M. Audet a suggéré, au cours de ses observations finales, que la décision se rapportant à la question des dépens soit reportée jusqu'à ce que les contrôles judiciaires des décisions du Tribunal aient été tranchés. À mon avis, c'est là une façon judicieuse d'agir. Compte tenu de l'issue des contrôles judiciaires, des observations additionnelles des parties seront acceptées avec plaisir. Afin de réduire les délais, j'ai rendu ma décision, dans la mesure du possible. Les parties sont invitées à présenter au Tribunal, à leur convenance, toute observation de suivi. Comme je le mentionne ci-après, je demeure saisi de l'affaire pour traiter de toutes les questions de redressement qui pourront survenir par la suite, y compris de la question des dépens ou frais.

[143] Entre-temps, comme l'avocat de M. Audet avait également suggéré, la demande à l'égard des dépens pourrait être ajoutée à titre de sujet de discussion entre les parties, comme le calcul des pertes de salaire et d'avantages.

G. Les intérêts

[144] L'intérêt est payable à l'égard de toutes les indemnités accordées dans la présente décision (paragraphe 53(4) de la Loi). L'intérêt devra être de l'intérêt simple calculé sur une base annuelle à un taux égal au taux (série mensuelle) établi par la Banque du Canada. À l'égard de l'indemnité pour préjudice moral (alinéa 53(2)e) de la Loi) et de l'indemnité spéciale (paragraphe 53(3)), l'intérêt courra à compter de la date de la plainte. Toutefois, comme je l'ai précédemment mentionné, les parties se sont engagées à entamer des discussions à l'égard du calcul de l'intérêt dû sur les pertes de salaire et d'avantages.

H. La déclaration de compétence par le Tribunal

[145] Le Tribunal demeure saisi de l'affaire pour recevoir de la preuve, pour entendre d'autres observations et pour rendre d'autres ordonnances, si les parties ne concluent pas une entente à l'égard des questions en litige que je leur laisse discuter et à l'égard de toute autre question ou problème résultant de l'interprétation ou de la mise en application des redressements ordonnés. Comme je l'ai également mentionné, je demeure aussi saisi de l'affaire pour traiter de la demande de M. Audet à l'égard des dépens.

Athanasios D. Hadjis

Ottawa (Ontario)
Le 16 mai 2006

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T1030/1105

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Jean-Raymond Audet c. la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

DATE ET LIEU
DE L'AUDIENCE :

Les 17 au 21 octobre 2005
Les 25 et 26 octobre 2005

Sudbury (Ontario)
Toronto (Ontario)

DATE DE LA DÉCISION
DU TRIBUNAL :

Le 16 mai 2006

ONT COMPARU :

Denis Ellickson

Pour le plaignant

Aucun représentant

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

J. Curtis McDonnell

Pour l'intimée

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