Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Entre :

Richard Warman

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Marc Lemire

l'intimé

- et –

Procureur général du Canada
Canadian Association for Free Expression
Canadian Free Speech League
Congrès juif canadien
Friends of Simon Wiesenthal Center for Holocaust Studies
Ligue des droits de la personne de B’nai Brith

les parties intéressées

Décision

Membre : Athanasios D. Hadjis
Date : Le 6 décembre 2006
Référence : 2006 TCDP 58

[1] M. Lemire a déposé une requête dans laquelle il demande le rejet de la plainte. Il prétend que les exposés des précisions de la Commission canadienne des droits de la personne et de M. Warman ne mentionnent pas assez de faits essentiels pour lui permettre de présenter une défense pleine et entière.

[2] Ce n’est pas la première décision que je rends en l’espèce concernant les précisions. Le 16 août 2006, j’ai rendu une décision ordonnant à M. Warman et à la Commission de relever les messages qui, selon eux, constituaient des messages haineux au sens de l’article 13 de la Loi (Warman c. Lemire, 2006 TCDP 32). J’ai souligné, au paragraphe 26 de cette décision, que si la Commission et M. Warman prétendent que chacun des messages figurant sur chacune des pages du site Web freedomsite.org constitue un message haineux, alors ils devraient le mentionner explicitement.

[3] À la suite de cette décision, la Commission a envoyé, le 2 octobre 2006, au conseiller juridique de M. Lemire, une lettre dans laquelle elle exposait sa position selon laquelle [Traduction] tous les messages figurant sur le site Freedom divulgués à [M. Lemire] sur copie papier et sur CD‑ROM constituent des messages haineux au sens de l’article 13 de la Loi. La Commission a ajouté que bien qu’elle ferait valoir à l’audience que certains messages figurant sur le site Web [Traduction] violent l’article 13 de façon plus explicite, comme le site Web [Traduction] ne traite que d’un seul sujet, elle demanderait au Tribunal d’ordonner que le site Web soit complètement fermé. La Commission a ajouté qu’elle invoquerait la preuve constituée par le contenu du site Web dans son ensemble afin que le Tribunal puisse [Traduction] évaluer pleinement la nature du site Web dans son ensemble et non pas évaluer uniquement quelques uns de ses aspects

[4] De même, le 2 octobre 2006, M. Warman a envoyé une lettre dans laquelle il exposait en détails les éléments de preuve qu’il entendait invoquer, notamment [Traduction] l’intégralité du babillard électronique du site Freedomsite; tous les autres exemples mentionnés dans sa plainte; le contenu intégral de jrbooksonline; le message intitulé le Poème de l’immigrant canadien affiché par M. Lemire sur Stormfront.

[5] M. Lemire prétend que les détails fournis dans les réponses de la Commission et de M. Warman sont insuffisants et ne satisfont pas à la décision que j’ai déjà rendue. Selon M. Lemire, ces circonstances font qu’il lui est impossible de préparer une défense car il ne sait pas quels arguments sont avancés contre lui.

[6] Je ne souscris pas à cette opinion. La Commission et M. Warman ont maintenant déclaré de façon explicite que, selon eux, le site Web freedomsite.org, dans son ensemble, viole l’article 13 de la Loi. Avant cette précision, la Commission et M. Warman avaient tout simplement produit, dans le cadre de leur divulgation de documents, un document de 133 pages composé de messages figurant sur le site Web sans mentionner lesquels parmi ces messages constituaient, selon eux, des messages haineux au sens de la Loi. La Commission et M. Warman ont maintenant précisé que, selon eux, chacun de ces messages viole l’article 13. Il ne s’agit que d’allégations. Il leur incombe de prouver ces allégations lors de l’audience.

[7] M. Lemire semble prétendre dans sa requête que ce ne sont pas tous les messages qui constituent des messages haineux au sens de la Loi et que rien ne justifie que le Tribunal ordonne la fermeture du site Web. Toutefois, c’est lors des observations finales qu’il convient de soulever ces arguments. Ceux‑ci n’ont aucune incidence sur la question des précisions. 

[8] M. Warman renvoie dans sa lettre du 2 octobre à jrbooksonline et à un message que M. Lemire aurait affiché sur un autre site Web. M. Warman souligne que ces documents ont déjà été divulgués. M. Lemire prétend que, en date du dépôt de sa requête, la Commission et M. Warman ne lui avaient remis aucune copie du site Web freedomsite.org dans son intégralité (notamment aucune copie du babillard électronique), ni aucune copie de jrbooksonline, dans le cadre de leur divulgation. M. Lemire prétend que, compte tenu de l’intention de M. Warman et de la Commission d’invoquer des éléments de preuve tirés des sites Web freedomsite.org et jrbooksonline dans leur intégralité, l’omission susmentionnée constitue une violation de l’obligation de divulgation qu’ont la Commission et M. Warman. Plus important encore, cette omission empêche M. Lemire de préparer une défense contre les allégations formulées contre lui.

[9] Selon l’article 6 des Règles de procédure du Tribunal, une partie n’est tenue que de divulguer les documents qu’elle a en sa possession et qui sont pertinents à un fait, une question ou une forme de redressement mentionnées par l’un ou l’autre des parties. Cette obligation de divulgation n’empêche pas une partie d’alléguer des faits et des questions qui sont étayés par des éléments de preuve tirés de documents qui sont en la possession d’une autre partie. En effet, il n’est pas inhabituel dans les instances en matière de droits de la personne que l’existence d’une pratique discriminatoire soit établie à partir d’éléments de preuve qui sont en la possession de l’intimé et qui sont divulgués dans le cadre du processus de divulgation du Tribunal (voir p. ex., Montreuil c. Banque nationale du Canada, (2004), 48 C.H.R.R. 436 (TCDP)).

[10] En l’espèce, si l’un des sites Web en question, freedomsite.org par exemple, appartient bel et bien à M. Lemire, comme le prétend M. Warman, il m’apparaît un peu déloyal que M Lemire prétende que le défaut de la Commission de lui fournir des copies du contenu de ce site Web constitue un traitement injuste. Il me semble que M. Lemire est la personne qui sait le mieux ce que contient ce site Web.

[11] Quoi qu’il en soit, l’article 9 des Règles de procédure du Tribunal permet de répondre à toute question qui peut se poser si une partie tente de déposer en preuve un document qui n’a pas déjà été divulgué.

[12] Enfin, je souligne que, dans ses observations, M. Lemire mentionne que les documents qui figurent dans jrbooksonline comprennent [Traduction] littéralement des dizaines de milliers de pages. J’ai l’impression que ceci est un renvoi aux écrits que j’ai ordonné à M. Lemire, dans ma décision la plus récente, Warman c. Lemire, 2006 TCDP 53, de mettre à la disposition de la Commission et de M. Warman pour que ceux‑ci puissent les consulter. Afin d’éviter que quelqu’un se fasse prendre par surprise, j’ordonne à la Commission et à M. Warman de mentionner à M. Lemire les écrits sur lesquels ils ont l’intention d’attirer l’attention du Tribunal lors de l’audience. Cet avis doit être donné à M. Lemire dans un délai d’une semaine après que les écrits auront été examinés comme il a été ordonné au paragraphe 11 de la décision susmentionnée.

[13] Pour tous ces motifs, la requête en rejet présentée par M. Lemire est rejetée.

Signée par

Athania
Membre du tribunal

Ottawa (Ontario)
Le 6 décembre 2006

Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T1073/5405

Intitulé de la cause : Richard Warman c. Marc Lemire

Date de la décision sur requête du tribunal : Le 6 décembre 2006

Comparutions :

Richard Warman, pour lui même

Giacomo Vigna, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Barbara Kulaszka, pour l’intimé

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.