Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Tribunal canadien des droits de la personne

Entre :

Heather Lynn Grant

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

Commission

- et -

Manitoba Telecom Services Inc.

l'intimée

Décision sur requête

Membre : Sophie Marchildon

Date : Le 7 janvier 2011

Référence : 2011 TCDP 1

 


[1]               J’ai examiné attentivement les arguments des deux parties en fonction du principe d’équité et de la pertinence des preuves que l’intimée souhaite présenter. Une autre question importante en l’espèce est celle des répercussions de la requête sur le déroulement général de l’instruction.

La position de l’intimée se résume comme suit :

[2]               L’intimée soutient que la preuve présentée par son témoin additionnel vise directement un aspect important de l’affaire, soit le mauvais rendement de la plaignante, et que la preuve est donc pertinente. L’intimée précise qu’elle déposera des éléments de preuve prouvant que la mise à pied de la plaignante découlait d’une comparaison légitime des deux représentants régionaux de soutien des comptes à Brandon effectuée conformément à la convention collective. Le résultat de cette analyse a permis de conclure que les habiletés, les capacités, le rendement et les qualifications de la plaignante étaient inférieurs à ceux de l’autre employé et qu’il y avait une différence notable sur le plan du rendement entre les deux employés qui ont fait l’objet de la comparaison.

[3]               Dans ses arguments, l’intimée soutient que ses témoins qui figurent déjà sur la liste de l’audience ont effectué une comparaison légitime des employés et ont appris que la plaignante avait tendance à ne pas s’entendre avec ses supérieurs, y compris les gestionnaires de comptes. L’intimée souhaite appeler son nouveau témoin en réaction au témoignage de la plaignante, dans lequel elle a déclaré qu’elle [traduction] « s’entendait bien » avec ses gestionnaires de comptes et dans lequel elle a contesté la description faite dans ses évaluations de rendement de 2003 et de 2004 de la tendance de son rendement.

[4]               De plus, l’intimée soutient que des preuves seront présentées à l’appui de sa position selon laquelle l’un des aspects du mauvais rendement de la plaignante était son incapacité à s’entendre avec ses supérieurs, y compris ses gestionnaires de comptes. L’intimée fait aussi valoir que, comme sa position se fonde sur les arguments précédents, le témoignage du gestionnaire de comptes aidera le Tribunal à découvrir la vérité et prouvera le bien-fondé de l’argument selon lequel la plaignante ne s’entendait pas avec ses supérieurs.

[5]               Enfin, l’intimée soutient que, sans le témoignage du témoin additionnel, le Tribunal n’aura pour preuve que les évaluations de rendement, le témoignage de la plaignante et celui de son superviseur qui, selon l’intimée, témoignera que les évaluations ont été remplies de façon honnête et que la plaignante s’entendait bien avec le témoin additionnel.

Analyse

[6]               La question porte sur la crédibilité de la plaignante au sujet d’une déclaration qu’elle a faite à la barre des témoins quant au fait qu’elle s’entendait bien avec les autres, y compris le témoin additionnel que l’intimée souhaite appeler. L’intimée a contre-interrogé la plaignante. L’intimée avait déjà prévu prouver que la plaignante avait tendance à ne pas s’entendre avec ses supérieurs, y compris les gestionnaires de comptes. L’intimée aurait facilement pu anticiper l’argument ou le témoignage de la plaignante. De plus, l’intimée l’avait bel et bien anticipé et a envoyé une lettre à ce sujet à l’avocat de la plaignante le 28 octobre, avant que l’audience débute le 1er novembre. La lettre mentionnait que, si la plaignante contestait le contenu des évaluations de rendement, l’intimée présenterait une demande au Tribunal pour appeler de nouveaux témoins à la barre. L’intimée aura l’occasion de présenter ses preuves par les témoins qui figurent déjà sur la liste. À l’exception du commentaire au sujet du fait que le Tribunal n’aura pour preuve pour trancher la question que le témoignage de la plaignante, les évaluations de rendement et le témoignage d’un gestionnaire qui pourrait être d’accord avec la plaignante, l’intimée n’explique pas pourquoi les autres témoins qui se présenteront devant le Tribunal ne peuvent pas témoigner au sujet de ce point. De plus, même s’il s’agit d’un aspect de la question en litige, je ne crois pas qu’il y ait préjudice si la preuve n’est pas présentée par un nouveau témoin. Le préjudice que subirait le déroulement général de l’instruction l’emporte sur le préjudice possible que pourrait subir l’intimée.

[7]               La plaignante-témoin a terminé son témoignage et n’est plus sous serment. Je note les efforts que l’intimée a déployés pour détailler le résumé de témoignage anticipé et pour préciser les questions lorsqu’elle a demandé l’ajout d’un seul des deux gestionnaires de comptes, mais je ne souhaite pas retarder encore plus l’audience, ce que je devrais faire si je devais accueillir une requête en réouverture du témoignage de la plaignante ou en ajout d’un autre témoin.

[8]               L’intimée aura amplement l’occasion de présenter sa preuve et de contre-interroger le reste des témoins de la plaignante.

[9]               Le témoin additionnel que l’intimée souhaite appeler n’est pas disponible lors des dates d’audience déjà prévues et cela augmenterait le retard dans la tenue de l’audience.

[10]           Le Tribunal a le rôle d’évaluer le poids approprié à accorder à la preuve de la plaignante en fonction de toute la preuve. Compte tenu du témoignage de la plaignante que j’ai entendu et compte tenu des questions substantielles en l’espèce, je ne suis pas d’avis qu’il est essentiel d’entendre un autre témoin.

[11]           Le Tribunal a le pouvoir discrétionnaire, en vertu des Règles de procédure, de permettre, si nécessaire, l’ajout de témoins une fois l’audience débutée, mais il doit utiliser ce pouvoir discrétionnaire en fonction d’autres facteurs. Il faut examiner cette question en fonction de l’intérêt du public envers le traitement expéditif des plaintes de discrimination (Bell Canada c. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, (1997) A.C.F. no 207 (C.F. 1re inst.).

[12]           L’exercice du pouvoir discrétionnaire du Tribunal est assujetti aux règles de la justice naturelle et au régime prévu par la Loi canadienne sur les droits de la personne (la LCDP). L’intimée n’a pas démontré comment le résultat qu’elle souhaite obtenir répond mieux à la justice naturelle, ni comment il favorise les objectifs du processus d’instruction prévus par la LCDP, en particulier la célérité et l’obligation de donner à toutes les parties l’occasion pleine et entière de participer (LCDP, paragraphe 50(1)).

[13]           Pour tous les motifs qui précèdent, je rends l’ordonnance suivante :

La requête de l’intimée en autorisation et en ajout d’un nouveau témoin est rejetée.

Signée par

Sophie Marchildon

Membre du tribunal

OTTAWA (Ontario)

Le 7 janvier 2011

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T1452/7809

Intitulé de la cause : Heather Lynn Grant c. Manitoba Telecom Services Inc.

Date de la décision du tribunal : Le 7 janvier 2011

Comparutions :

R. Ivan Holloway, pour la plaignante

Aucune représentation, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Gerald D. Parkinson et Paul A. McDonald, pour l'intimée

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