Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Entre :

Richard Warman

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Canadian Heritage Alliance

- et -

Melissa Guille

les intimés

Décision sur requête

Membre : Pierre Deschamps
Date : Le 24 juin 2008
Référence : 2008 TCDP 28

[1] Les intimées, Mme Melissa Guille et la Canadian Heritage Alliance, ont présenté une requête au Tribunal en rejet de la plainte déposée contre elles dans le présent dossier, pour les motifs suivants : 1. les mesures prises par la Commission canadienne des droits de la personne en l'espèce (voir ci-dessous) sont contraires aux principes de justice naturelle et d'application régulière de la loi, garantis à l'article 7 et à l'alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés; 2. les mesures prises par la Commission violent aussi les droits des intimées à une audience équitable, droits qui sont aussi garantis par l'article 7 et l'alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés. Subsidiairement, les intimées demandent que l'affaire soit rouverte et que les témoins soient rappelés pour un interrogatoire au sujet du fait que le plaignant, M. Richard Warman, et la Commission ont affiché des messages sur les sites Web qui font l'objet de plaintes.

[2] Les intimées soutiennent qu'en l'espèce, la Commission n'a pas divulgué des renseignements portant sur le fait que ses enquêteurs s'étaient créés des comptes dans les forums de discussion qu'ils considéraient controversés. Elles ajoutent que le fait de ne pas divulguer ces renseignements constitue un manquement aux principes de justice naturelle et d'équité, en plus d'être un abus de procédure.

[3] Les intimées fondent leurs arguments sur une déclaration que Mme Margot Blight, l’avocate principale de la Commission, a faite dans l'affaire Warman c. Lemire. Elles soutiennent que Mme Blight a déclaré que la politique explicite de la Commission était de ne pas communiquer de tels renseignements dans les demandes d'accès à l'information et dans le cadre de leurs responsabilités légales de divulgation.

[4] De plus, en ce qui a trait à l'affaire Warman c. Lemire, les intimées font valoir que l'enquêteur principal de la Commission, Dean Steacy, a témoigné que la Commission n'avait pas de liste ni de registre central des comptes utilisateurs que la Commission et les services de police créaient dans les forums. En outre, les intimées soutiennent que M. Steacy a reconnu, pendant son témoignage, qu'une personne pouvait être tenue responsable du contenu que les policiers ou les enquêteurs avaient affiché sur les forums, puisqu'il n'existait pas de registre central. Les intimées expliquent que M. Steacy a déclaré que dans certains cas, seuls un autre employé de la Commission et lui-même étaient au courant de la pratique consistant à créer un compte d’infiltration sur les forums qui font l'objet d'une enquête.

[5] Les intimées soutiennent enfin que, compte tenu du fait que l'affaire en l'espèce [Traduction] peut donner lieu à l’imposition d’une lourde amende à une personne monoparentale qui a un faible revenu, ainsi qu'une interdiction, possiblement à vie, d'afficher des messages qui contreviennent à une loi ridiculement vague, la plainte devrait être rejetée.

[6] Le plaignant est d'avis que la présente requête n'est fondée sur aucune preuve et que le Tribunal ne peut pas rendre une ordonnance sans rouvrir l'affaire pour examiner les preuves.

[7] Quant à elle, la Commission est d'avis que rien dans les allégations des intimées ne justifie, de quelque façon que ce soit, le rejet de la plainte ou la réouverture de l'affaire. Elle soutient qu'il serait plus approprié d'examiner les allégations des intimées dans le cadre d'une contestation constitutionnelle, présentée par les intimées, que le Tribunal pourrait examiner une fois qu'il aura rendu une décision sur le fond en l'espèce. À ce sujet, la Commission fait valoir que la requête déposée par les intimées est prématurée, qu'elle est sans fondement et qu'elle a été présentée au mauvais tribunal.

[8] Le Tribunal n'a pas encore rendu de décision sur le bien-fondé de l'affaire. Il a déjà affirmé que, lorsqu'une décision serait rendue sur le fond, s'il est conclu que les intimées ont violé l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, il surseoirait à l'exécution de la décision et examinerait la contestation constitutionnelle des intimées.

[9] Le Tribunal est d'avis que, compte tenu de la nature des questions soulevées par les intimées dans la présente requête, c'est-à-dire les mesures prises par la Commission qui violeraient les principes de la justice naturelle et de l'application régulière de la loi, ainsi que le droit à une audience équitable, garantis par l'article 7 et l'alinéa 11d) de la Charte canadienne, il serait mieux de traiter ces questions dans le cadre d'une contestation constitutionnelle déposée par les intimées. L'avis de question constitutionnelle présentée par les intimées mentionne déjà l'article 1, les alinéas 2a), b) et d), ainsi que l'article 7 de la Loi comme fondement de leur contestation constitutionnelle.

[10] La proposition selon laquelle le Tribunal devrait rejeter la présente plainte en raison de témoignages entendus dans une autre affaire n'a pas de fondement juridique. De plus, rouvrir l'affaire pour entendre des témoignages supplémentaires à cette étape ne ferait que prolonger une procédure qui dure déjà depuis trop longtemps.

[11] Par conséquent, la requête des intimées en rejet de la plainte et, subsidiairement, en réouverture de l'affaire est rejetée. Les intimées pourront soulever à nouveau les questions présentées en l'espèce dans le cadre de la contestation constitutionnelle, que le Tribunal a déjà décidé d'entendre lorsque la décision sur le fond sera rendue.

Signée par

Pierre Deschamps
Membre du tribunal

Ottawa (Ontario)
Le 24 juin 2008

Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T1089/7005 et T1090/7105

Intitulé de la cause : Richard Warman c. Canadian Heritage Alliance et Melissa Guille

Date de la décision sur requête du tribunal : Le 24 juin 2008

Comparutions :

Aucune représentation, pour le plaignant

K.E. Ceilidh Snider, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Alexan Kulbashian, pour l'intimée, Melissa Guille

Paul Fromm, pour l'intimé, Canadian Heritage Alliance

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