Tribunal canadien des droits de la personne

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TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

MARGARET KELLY (STACEY)

la plaignante

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

CONSEIL DES MOHAWKS DE KAHNAWAKE

- et -

conseil des ainés

- et -

MINISTERE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD canada

les intimés

DÉCISION SUR REQUÊTE

2008 TCDP 18
2008/05/27

MEMBRE INSTRUCTEUR : Athanasios D. Hadjis

[1] Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada (le ministère) a déposé une requête par laquelle il demande au Tribunal d'exercer son pouvoir discrétionnaire pour refuser d'entendre la plainte actuelle de la plaignante au motif que la même question a déjà été tranchée définitivement entre les parties en 2003, quand elles ont signé un règlement dans le cadre d'une affaire impliquant les mêmes parties et soulevant des questions identiques (dossier du Tribunal no T683/7101).

Le contexte

[2] En 1999, la plaignante a déposé des plaintes relatives aux droits de la personne contre le Conseil des Mohawks de Kahnawake (CMK) et le ministère. Elle soutient que le CMK ne l'a pas acceptée en tant que membre de la bande en raison de sa situation familiale et que ce rejet a fait en sorte qu'on lui a refusé l'accès à des services du CMK. Elle prétend que le fait d'avoir été privée de ces services constitue un acte discriminatoire visé à l'article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. En outre, elle soutient que le ministère a également commis un acte discriminatoire à son endroit en continuant de subventionner le CMK pour la prestation des services qui lui auraient été refusés.

[3] En 2003, la plaignante a réglé à l'amiable ses plaintes contre le CMK et le ministère. Selon le règlement amiable (l'entente de règlement), la plaignante a accepté d'exonérer le ministère [traduction] de toute obligation relative aux actions, aux réclamations et aux demandes éventuelles, de quelque nature que ce soit à l'égard des faits allégués dans la plainte déposée contre le ministère.

[4] L'entente de règlement a par la suite été approuvée par la Commission, conformément au paragraphe 48(1) de la Loi, et a été assimilée, à la demande de la Commission, à une ordonnance de la Cour fédérale, en vertu du paragraphe 48(3) de la Loi.

[5] En 2005, la plaignante a déposé de nouvelles plaintes contre le CMK et le ministère. Elle a également déposé une plainte contre le Conseil des aînés dans laquelle elle prétend avoir été victime d'un acte discriminatoire contrevenant à l'article 5 de la Loi quand le Conseil a décidé, le 25 juillet 2005, qu'elle ne satisfaisait pas aux [traduction] critères d'appartenance pour être reconnue comme membre de la bande. Dans sa plainte déposée en 2005 contre le ministère, la plaignante soutient que l'acte discriminatoire commis [traduction] à son endroit par le Conseil des aînés était une [traduction] conséquence directe des actes du ministère, qui [traduction] autorisait ce type de discrimination et [traduction] n'intervenait pas pour l'empêcher. La plaignante tient également le ministère responsable du fait que le CMK l'a privée de certains services.

La question de la chose jugée

[6] Le ministère invoque la doctrine de la chose jugée pour soutenir que le Tribunal ne peut permettre à la plaignante de reprendre son action contre le ministère et de remettre en litige les questions qui ont déjà été soulevées dans sa plainte déposée en 1999 contre le ministère et qui ont été tranchées de façon valide et définitive par l'entente de règlement.

[7] Pour que la doctrine de la chose jugée s'applique :

  • les questions à trancher et les faits à l'origine de l'action doivent être les mêmes dans les deux instances;
  • la décision judiciaire invoquée comme créant la préclusion doit être une décision définitive;
  • les parties ou leurs ayants droit doivent être les mêmes.

(Voir O'Connor c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 2006 TCDP 5, au paragraphe 27.)

[8] En l'espèce, le ministère soutient que la plaignante a soulevé les mêmes questions ou allégué les mêmes faits dans les deux plaintes en insistant sur le pouvoir et l'obligation du ministère d'intervenir et d'empêcher les actes discriminatoires commis par le CMK dans la prestation de services et d'avantages.

[9] Le ministère soutient que son rôle n'a pas changé depuis le dépôt de la première plainte en 1999. Cependant, rien dans la preuve dont le Tribunal a été saisi n'étaye cette affirmation, à ce stade-ci de l'instruction. Les parties n'ont même pas encore déposé leurs exposés des précisions, comme le prévoient les Règles de procédure du Tribunal.

[10] En outre, la plaignante a déclaré dans sa plainte déposée en 2005 que les actes discriminatoires supposément commis par le ministère sont liés à la décision du Conseil des aînés refusant de reconnaître son appartenance à la bande. Le ministère soutient que les activités du Conseil des aînés peuvent être assimilées à celles du CMK et ainsi les parties aux plaintes de même que les questions soulevées seraient identiques en 1999 et en 2005. Toutefois, rien dans la preuve dont dispose le Tribunal au moment présent ne confirme cet argument.

[11] Qui plus est, la plaignante invoque, dans sa plainte déposée en 2005, une loi sur l'appartenance (Membership Law) que le CMK a adoptée en 2004 (après l'entente de règlement), qui a joué un rôle dans l'acte discriminatoire dont elle a été victime en n'étant pas reconnue comme membre de la bande. Le ministère répond que ce fait [traduction] nouveau n'est pas pertinent, car les principales questions soulevées dans les plaintes de 1999 et de 2005 sont les mêmes, à savoir si le ministère a le pouvoir, en vertu de la Loi sur les Indiens, d'agir quant à la reconnaissance du statut de la plaignante en tant que membre de la bande du CMK. Il est soutenu que cette question a été tranchée dans le règlement et que la doctrine de la chose jugée nous empêche de l'examiner à nouveau. Cependant, à mon avis, la question concernant la loi sur l'appartenance et ses répercussions en l'espèce est une question qui doit être tranchée à partir d'une preuve.

[12] Je conclus donc que le moyen préliminaire invoqué par le ministère est prématuré en ce moment. Je tire une conclusion semblable à l'égard de l'observation subsidiaire du ministère voulant que poursuivre la présente instruction constitue de l'abus de procédure. Je n'affirme pas que les allégations du ministère soient sans fondement, mais il me faut un dossier plus complet avant de me prononcer.

[13] Par conséquent, bien que je rejette la requête du ministère au moment présent, je conserve le droit au ministère de présenter une requête semblable à un moment ultérieur dans la procédure.

Athanasios D. Hadjis

OTTAWA (Ontario)
Le 27 mai 2008

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIERS DU TRIBUNAL :

T1268/8007, T1269/8107 et T1270/8207

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Margaret Kelly (Stacey) c. le Conseil des Mohawks de Kahnawake, le Conseil des aînés et le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada

DATE DE LA DÉCISION SUR REQUÊTE
DU TRIBUNAL :

Le 27 mai 2008

ONT COMPARU :

Julius H. Grey / Isabelle Turgeon

Pour la plaignante

Daniel Poulin

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Mary Lee Armstrong

Pour l'intimé (le Conseil des Mohawks de Kahnawake)

Aucune représentation

Pour l'intimé (le Conseil des aînés)

Virginie Cantave

Pour l'intimé (le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada)

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