Tribunal canadien des droits de la personne

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Contenu de la décision

Entre :

Connie Bushey

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Arvind Sharma

l'intimé

Décision

Membre : Athanasios D. Hadjis

Date : Le 5 juin 2003

Référence : 2003 TCDP 21

Table des matières

I. Les faits

A. Le point de vue de la plaignante

(i) Emploi et appartenance syndicale

(ii) Visites et appels de l’intimé au bureau de la plaignante

(iii) L’incident à l’extérieur de l’immeuble d’habitation de la plaignante

(iv) Les visites et appels de l’intimé deviennent de nature sexuelle

(v) La réaction des autres membres de l’exécutif du syndicat

(vi) Le congrès national du SEPC à London, en Ontario

(vii) Achat d’un nouveau canapé pour le bureau et de cadeaux pour

(viii) L’incident survenu le 18 avril 1998 au bureau de la section locale

(ix) La lettre du 19 avril 1998 de la plaignante à l’intimé

(x) Les changements dans le comportement de la plaignante

(xi) Poursuite des agissements de l’intimé après l’incident du 18 avril 1998

(xii) Événements postérieurs au retour de la plaignante du Collège

(xiii) Rencontre du 27 juillet 1998

(xiv) Mesures prises par la plaignante pour éviter tout contact avec l’intimé

B. Le point de vue de l’intimé

II. Le droit

III. Analyse

A. Question préliminaire – Compétence

B. Crédibilité de la preuve

C. La conduite de l’intimé était-elle de nature sexuelle?

D. La conduite de l’intimé était-elle importune?

E. La conduite de l’intimé comportait-elle un élément de persistance ou de gravité suffisant pour créer un milieu de travail hostile?

IV. Les mesures de redressement

A. Dépenses liées au déménagement de la plaignante

B. Lettre d’excuses

C. Préjudice moral

D. Conduite délibérée ou inconsidérée

E. Intérêts

F. Formation et conseils pour prévenir le harcèlement sexuel

G. Maintien de la compétence

[1] La plaignante et l’intimé sont des employés de la Société canadienne des postes (Postes Canada). La plaignante allègue que l’intimé l’a harcelée sexuellement pendant la période où ils étaient tous deux membres de l’exécutif de leur section locale du syndicat, c’est‑à-dire de février à août 1998.

[2] La Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) a été la seule partie représentée par avocat à l’audience du Tribunal. La preuve de la plaignante a essentiellement été présentée dans le cadre de la preuve produite par la Commission. L’intimé a présenté lui-même sa preuve.

I. Les faits

A. Le point de vue de la plaignante

(i) Emploi et appartenance syndicale

[3] La plaignante travaille à Postes Canada depuis 1982. En 1998, elle occupait le poste d’agent (conception et essais) au sein de la section de l’évaluation de la qualité du service. Cette section mesure le rendement en matière de livraison des produits de Postes Canada. La plaignante travaillait dans l’un des grands immeubles qu’occupe Postes Canada, près de l’intersection de la promenade Riverside et du chemin Heron à Ottawa. Son bureau était situé au troisième étage d’un immeuble de dix étages désigné comme étant la tour Est.

[4] L’intimé a été recruté par Postes Canada en 1991. En 1998, le poste régulier qu’il occupait était celui de superviseur – comptabilité du contrôle des opérations, au sein de ce qui constitue, somme toute, le service de facturation et de comptabilité de Postes Canada. En avril et mai 1998, il a été affecté à titre intérimaire à un poste supérieur, soit celui d’agent. Son bureau était situé deux étages au‑dessus de celui de la plaignante, au cinquième étage de la tour Est.

[5] Les deux parties étaient membres du Syndicat des employés des postes et communications (le SEPC), l’agent de négociation d’environ 3 000 employés de Postes Canada. Le SEPC est un élément de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’AFPC). La plaignante a commencé à s’intéresser à certaines activités du SEPC en 1994; en 1996, elle a été élue vice-présidente de sa section locale – no 70180 du SEPC (la section locale). Il s’agissait de la plus grande section locale du SEPC au pays. Elle comptait à l’époque environ 1 000 membres.

[6] Même si la plaignante et l’intimé travaillaient dans le même immeuble, leurs fonctions étaient tout à fait différentes. Ils se sont rencontrés pour la première fois en septembre 1997 au cours d’une réunion des membres du syndicat. Plusieurs jours après la réunion, l’intimé s’est rendu au bureau de la plaignante pour lui demander comment il pourrait s’impliquer davantage dans les affaires syndicales. Elle lui a conseillé de parler au président de la section locale de l’époque, M. Jim Fraser, ou au chef délégué syndical, M. Ken Zarichansky. Elle a également suggéré à l’intimé de songer à suivre plusieurs cours offerts par l’AFPC.

[7] La plaignante a affirmé dans son témoignage qu’entre octobre 1997 et février 1998, l’intimé est allé la voir à son bureau de Postes Canada environ une fois par mois. Elle était méfiante, même s’il n’y avait rien de particulièrement inquiétant dans la conduite de l’intimé. Elle trouvait bizarre qu’il continue de venir la voir alors qu’elle lui avait conseillé de parler aux autres membres de l’exécutif de la section locale pour déterminer comment il pourrait jouer un rôle accru au sein du syndicat.

[8] Le 19 février 1998, il y a eu une réunion générale des membres afin d’élire l’exécutif de la section locale. M. Fraser ne voulait pas briguer à nouveau la présidence, préférant se consacrer entièrement à ses autres fonctions de dirigeant à temps plein de la section locale (poste à temps plein rémunéré). Les membres ont alors élu la plaignante pour le remplacer au poste de président. Le poste de trésorier était lui aussi vacant. À ce moment‑là, M. Fraser et d’autres membres de l’exécutif précédent avaient déjà rencontré l’intimé. Ils le considéraient comme un bon candidat au poste de trésorier, car il possédait des compétences en comptabilité, exerçait des fonctions comptables à Postes Canada et avait suivi au niveau collégial des cours faisant partie du programme de comptabilité des comptables généraux licenciés (CGA).

[9] Ces membres de l’exécutif ont recommandé la candidature de l’intimé à la plaignante et suggéré qu’à titre de nouvelle présidente élue, elle propose elle-même sa candidature afin d’améliorer ses chances d’être élu. Dans son témoignage, elle a indiqué qu’elle s’était d’abord opposée à l’idée, en raison de l’inquiétude générale que suscitaient ses visites à son bureau. Elle a finalement accepté la suggestion de ses collègues et proposé la candidature de l’intimé au poste de trésorier. L’intimé a été élu.

[10] Essentiellement, les fonctions du trésorier consistaient à recevoir et déposer l’argent de la section locale et à établir les chèques pour payer les factures, notamment les chèques de paye du dirigeant à temps plein. En outre, le trésorier s’occupait de préparer les états financiers annuels et le budget. En ce qui concerne l’émission des chèques, il fallait obtenir la signature de deux des dirigeants suivants : le trésorier, le président, le vice-président ou le dirigeant à temps plein. Ce dernier n’était toutefois pas autorisé à signer son propre chèque de paye. Dix à vingt chèques tout au plus étaient émis chaque mois. La majeure partie des activités de l’exécutif avaient trait aux griefs des membres de la section locale et aux mesures disciplinaires. C’était surtout le dirigeant à temps plein qui s’occupait de ces questions en consultation avec le président et le chef délégué syndical. Ces tâches ne faisaient pas partie des fonctions du trésorier. On s’attendait toutefois à ce que le trésorier participe aux réunions de l’exécutif, qui se réunissait environ une fois par mois en soirée.

[11] La section locale avait loué de l’espace à bureau dans un immeuble situé à proximité appartenant au Congrès du travail du Canada (le CTC). L’édifice du CTC était à distance de marche du complexe de Postes Canada où travaillaient la plaignante et l’intimé. Tous les documents, y compris les documents financiers, étaient conservés au bureau de la section locale. L’accès au bureau était restreint, mais tous les membres de l’exécutif, y compris l’intimé, avaient reçu des clés et des cartes d’accès leur permettant d’y aller en tout temps, quel que soit le jour de la semaine. Dans son témoignage, la plaignante a affirmé qu’elle ne conservait aucun dossier financier ni même aucun dossier syndical à son bureau de Postes Canada. Elle ne s’occupait pas directement des paiements effectués par la section locale, si ce n’est qu’elle devait approuver les indemnités de kilométrage et d’autres frais extraordinaires. La plaignante allègue que l’intimé, au moment de son entrée en fonctions, avait reçu instruction de laisser les documents financiers et les chèques qu’elle devait signer dans le pigeonnier au bureau de la section locale. Une fois signés, les chèques étaient postés par le dirigeant à temps plein qui travaillait là‑bas tous les jours. En règle générale, elle se rendait elle-même chaque jour au bureau de la section locale, principalement pour vérifier si l’employeur avait envoyé des préavis de 24 heures concernant la tenue de réunions, conformément à la convention collective.

(ii) Visites et appels de l’intimé au bureau de la plaignante

[12] La plaignante allègue que très peu de temps après son élection au poste de trésorier, l’intimé a commencé à lui téléphoner ou à venir la voir au travail de façon répétitive. Elle se souvient qu’il téléphonait quatre ou cinq fois par jour et qu’il descendait la voir à son bureau tout aussi souvent. Compte tenu de l’étendue limitée des fonctions du trésorier et du degré minime d’interaction nécessaire avec d’autres membres de l’exécutif, il n’y avait pas vraiment de raison qu’il communique avec elle au travail.

[13] Au dire de la plaignante, ces appels et visites visaient initialement à discuter de moyens d’améliorer les opérations du syndicat. Cependant, la conversation dérivait vite vers des questions personnelles. L’intimé a commencé à fournir à la plaignante des détails au sujet de sa vie familiale. Il était né aux Indes orientales. Il lui a expliqué que son mariage avait été organisé, conformément aux coutumes propres à sa culture. Au dire de la plaignante, ces conversations la distrayaient dans son travail et devenaient très ennuyeuses. Elle lui demandait parfois de quitter mais, souvent, il restait devant sa porte et la fixait des yeux.

[14] En outre, l’intimé a parlé à la plaignante de son curriculum vitæ. Selon la plaignante, il a commencé, dans les cinq jours qui ont suivi les élections au sein de la section locale, à lui demander de s’asseoir avec lui pour examiner le document. Elle a accepté et ils se sont rencontrés à ce sujet dans le bureau de la section locale un après-midi après le travail. La plaignante allègue qu’elle a finalement passé deux heures avec l’intimé au bureau. Il était devenu évident à ses yeux qu’il ne voulait pas accepter certaines de ses recommandations simplement parce qu’il cherchait à prolonger la réunion pour passer plus de temps avec elle. Au cours des semaines qui ont suivi, il est revenu plusieurs fois à la charge afin qu’elle l’aide à nouveau à revoir son curriculum vitæ, même si elle lui avait dit qu’elle était trop occupée pour ce faire.

(iii) L’incident à l’extérieur de l’immeuble d’habitation de la plaignante

[15] Le 10 mars 1998, la plaignante allègue qu’il s’est produit un incident qui a modifié la nature de la conduite de l’intimé à son endroit : celle‑ci n’était plus simplement contrariante et revêtait désormais un caractère ouvertement sexuel. Ce jour‑là, les routes étaient glacées car il tombait de la pluie verglaçante. Elle avait marché jusqu’au bureau de la section locale sur le chemin du retour à la maison afin d’aller vérifier si elle avait reçu du courrier. L’intimé a téléphoné à la section locale et elle a répondu au téléphone. Il lui a dit qu’il allait venir pour exécuter certaines tâches comptables. Il lui a fortement conseillé de ne pas tenter de se rendre à pied jusqu’à son appartement situé près de là et d’attendre qu’il arrive, précisant qu’il la ramènerait chez elle en voiture. La plaignante a d’abord refusé, mais l’intimé a tellement insisté qu’elle a finalement accepté son offre.

[16] Au moment où la voiture est entrée dans l’allée menant à l’immeuble où habitait la plaignante, l’intimé lui a demandé où était son appartement et elle a pointé du doigt l’endroit. Il s’est alors tourné vers elle et lui a demandé s’il pouvait monter avec elle à l’appartement. Elle a dit que non, mais il a répondu qu’il n’y aurait pas de problème car il pouvait fort bien appeler sa femme pour lui dire qu’il travaillerait tard. Il a indiqué à la plaignante qu’elle pourrait lui offrir un verre. Dans son témoignage, la plaignante a affirmé qu’elle lui avait à nouveau dit non, qu’il ne pouvait monter à son appartement et qu’il devrait bien se comporter. Selon la plaignante, l’intimé lui aurait dit qu’ils pourraient avoir des relations intimes. Il aurait ajouter : [TRADUCTION] : C’est parfait si nous faisons l’amour et [TRADUCTION] Ne me donneras‑tu pas même un petit baiser?. Elle lui aurait à nouveau répondu non, ce à quoi il aurait rétorqué qu’elle n’aurait d’autre choix que de l’embrasser. Si elle refusait de le faire en privé, il créerait une situation où il lui faudrait l’embrasser en public. Elle est alors sortie de la voiture, fermant violemment la portière derrière elle.

[17] Elle était fâchée et bouleversée. Cependant, ce qui l’inquiétait le plus, c’est le fait qu’elle lui avait indiqué l’endroit où se trouvait son appartement au rez‑de-chaussée. Dans son témoignage, la plaignante a affirmé que, même si d’autres membres de l’exécutif et collègues de travail qui la connaissaient depuis des années l’avaient déjà reconduite à la maison, personne n’était jamais entré ni même n’avait demandé d’entrer dans son appartement.

(iv) Les visites et appels de l’intimé deviennent de nature sexuelle

[18] Selon la plaignante, les appels et visites impromptus de l’intimé n’ont pas diminué durant les semaines qui ont suivi. Habituellement, l’intimé lui rendait visite une première fois à 7 h 30, au moment de son arrivée au travail. Il lui rendait à nouveau visite entre 9 h 30 et 10 h. Il se rendait à son bureau une troisième fois à midi puis, une dernière fois, à la fin de l’après-midi. Il devenait plus entreprenant, affirmant à la plaignante qu’il était important pour lui qu’il la voie tous les jours. Il disait qu’il aimait telle ou telle robe qu’elle portait et demandait qu’elle la porte à nouveau afin que ses [TRADUCTION] fantasmes se réalisent. Il lui a dit qu’il continuerait de la pourchasser jusqu’à ce que ses fantasmes deviennent réalité. Il lui a également dit qu’il serait jaloux si elle avait une relation avec un autre homme. Il a lui conseillé de ne rien dire au sujet de leur relation et que, si elle s’avisait de le faire, il nierait la chose. Il lui a dit que c’était [TRADUCTION] un monde d’hommes, qu’elle n’avait pas de preuve et qu’on ne la croirait jamais. Elle s’employait à lui répéter qu’il n’y avait pas de relation entre eux et que sa conduite était inacceptable. Cependant, il continuait de lui téléphoner et de lui rendre visite.

[19] Dans son témoignage, la plaignante a indiqué que l’intimé veillait toujours à ce que personne d’autre ne puisse entendre ce qu’il disait. Lorsqu’il venait la voir tôt le matin, il n’y avait habituellement personne d’autre dans les parages. La section de la plaignante comprenait plusieurs bureaux délimités par des partitions. La preuve a révélé que le collègue qui occupait le bureau à côté du sien était légalement sourd. En outre, Richard Hudon, dont le bureau était situé de l’autre côté, a affirmé dans son témoignage qu’il était atteint à cette époque de plusieurs maladies et qu’il était très souffrant. Afin de moins sentir la douleur, il s’efforçait de se concentrer sur une chose à la fois, habituellement son travail, et réussissait souvent de cette façon à faire abstraction de tout ce qui se passait autour de lui.

[20] Cela dit, M. Hudon a indiqué dans son témoignage qu’il avait été témoin des visites fréquentes de l’intimé au bureau de la plaignante. Il a dit se souvenir que l’intimé rendait habituellement visite à la plaignante trois quatre fois par jour et qu’il conversait avec elle environ sept minutes chaque fois. Au début, M. Hudon présumait que les conversations portaient sur des affaires du syndicat; toutefois, après un certain temps, il a senti qu’il s’agissait de questions de nature plus personnelle et s’est délibérément efforcé de ne pas entendre ce qui était dit.

(v) La réaction des autres membres de l’exécutif du syndicat

[21] La plaignante a affirmé lors de son témoignage que le lendemain de l’incident survenu le 10 mars 1998 dans la voiture de l’intimé, elle avait téléphoné ou parlé en personne aux membres de l’exécutif suivants du syndicat pour se plaindre du comportement de ce dernier :

X Jim Fraser – dirigeant à temps plein et ex‑président de la section locale;

X Dave Vaughan – vice-président de la section locale;

X Tom Matchett – directeur régional, Ontario, du SEPC;

X Jim Murray – président national du SEPC.

Tous ont dit à la plaignante que sa réaction était excessive. Selon la plaignante, ils ne croyaient pas qu’un garçon aussi aimable et tranquille que l’intimé aurait pu faire ce genre de choses. M. Murray lui aurait même dit : [TRADUCTION] Ne trouvez-vous pas agréable d’avoir un petit ami?, ajoutant qu’il s’agissait d’une question personnelle qu’elle devrait résoudre elle-même, sans l’intervention du syndicat.

[22] Par conséquent, elle s’est rendu compte qu’elle n’obtiendrait guère de soutien de la part de ces hommes‑là et qu’il lui faudrait s’occuper elle-même du cas de l’intimé. Malgré cela, elle a peu après pris l’habitude de téléphoner à M. Fraser ou à M. Vaughan après les visites impromptues de l’intimé. Elle avait conclu que si ses collègues du syndicat ne voulaient pas l’aider à régler le problème du harcèlement à son endroit, elle ferait en sorte qu’ils subiraient eux-même en tant soi peu le même traitement.

[23] Les quatre hommes ont tous témoigné en l’espèce. Ils ont confirmé que la plaignante leur avait fait part de ses allégations. Tous ont reconnu qu’ils avaient plus ou moins bien compris ou saisi les problèmes soulevés par la plaignante. MM. Vaughan et Fraser se sont particulièrement excusés de la façon dont ils ont réagi à ses plaintes. Ils ont tous deux confirmé que la plaignante les avait appelés plusieurs fois par jour durant une certaine période pour se plaindre des dernières visites impromptues de l’intimé.

(vi) Le congrès national du SEPC à London, en Ontario

[24] En mars 1998, le SEPC a tenu son congrès national à London, en Ontario. Y ont assisté les délégués suivants de la section locale : la plaignante, M. Fraser, M. Vaughan et le chef délégué syndical, Ken Zarichansky. La veille de son départ d’Ottawa, la plaignante s’est rendue au bureau de la section locale après le travail pour vérifier si elle avait reçu du courrier. L’intimé s’est présenté au bureau pendant qu’elle s’y trouvait. Selon la plaignante, il lui a demandé si elle pourrait l’amener avec elle au congrès, ajoutant qu’ils pourraient rester dans la chambre d’hôtel et faire l’amour. Il a dit que, dans le cas où il n’irait pas là‑bas avec elle, il lui téléphonerait à l’hôtel après son arrivée pour s’assurer que tout allait bien. Elle lui a répondu qu’il ne viendrait pas avec elle et lui a dit de ne l’appeler ni à la maison ni à l’hôtel, puis a quitté le bureau.

[25] Lorsqu’elle est arrivée à la maison, elle a reçu un appel de l’intimé qui lui a dit que M. Zarichansky était au bureau de la section locale et qu’il voulait lui parler d’un grief. Elle a répondu à l’intimé qu’elle lui avait dit expressément de ne pas l’appeler à la maison et que M. Zarichansky pouvait lui-même l’appeler s’il voulait lui parler.

[26] Selon la plaignante, l’intimé était alors au stade où il était obsédé à l’idée de la voir. Par exemple, il se rendait très fréquemment, selon elle, au bureau de la section locale dans l’espoir de la rencontrer. Si la section locale recevait plusieurs factures à payer, l’intimé avait l’habitude de se rendre au bureau plusieurs jours d’affilée, préparant un chèque à chaque occasion, plutôt que de faire tous les chèques en même temps. Il s’était donc trouvé une justification manifeste pour se rendre au bureau souvent le soir.

(vii) Achat d’un nouveau canapé pour le bureau et de cadeaux pour la plaignante

[27] La plaignante allègue qu’à de nombreuses occasions, l’intimé a proposé à la section locale plusieurs achats douteux, notamment celui d’un nouveau canapé pour le bureau. Le bureau avait déjà une causeuse en bon état qu’il n’était pas nécessaire de remplacer. Selon la plaignante, l’intimé lui avait dit qu’il voulait qu’on achète un nouveau canapé, vraisemblablement plus long, sur lequel il pourrait faire l’amour avec elle et d’autres femmes.

[28] M. Fraser a indiqué dans son témoignage que l’intimé avait discuté avec lui aussi de l’idée d’acheter un nouveau canapé sur lequel il pourrait s’étendre. M. Fraser a dit à l’intimé qu’il serait inacceptable pour les membres qu’on dépense l’argent du syndicat pour acheter un nouveau canapé alors qu’on en avait déjà un. M. Fraser et d’autres témoins ont précisé lors de leur témoignage qu’il y avait, tant dans l’immeuble du CTC que dans les édifices de Postes Canada, des postes de soins infirmiers dotés de petits lits où les employés pouvaient se rendre s’ils sentaient le besoin de se reposer.

[29] Dans son témoignage, la plaignante a expliqué qu’à compter d’avril 1998, l’intimé a commencé à dire que la section locale devrait lui acheter une robe et des fleurs pour son anniversaire, qu’elle allait célébrer en mai. Il a également proposé que le syndicat organise une fête à l’occasion de son anniversaire. Elle lui a dit à maintes reprises que ses suggestions étaient déplacées.

[30] MM. Hudon, Vaughan et Fraser se souviennent d’être allés manger un jour dans un restaurant avec d’autres membres de la section locale, dont l’intimé et la plaignante. Pendant qu’ils étaient tous à table, l’intimé a dit que la section locale devrait acheter une robe à la plaignante et lui organiser une fête. Selon M. Hudon, la suggestion a été faite sur un ton sérieux et non à la blague. Il a précisé que la suggestion avait aussitôt mis fin à la conversation. M. Fraser et la plaignante ont dit à l’intimé que sa suggestion était déplacée.

[31] M. Fraser a aussi indiqué lors de son témoignage que l’intimé avait plusieurs fois évoqué l’idée d’acheter des fleurs et une robe à la plaignante. M. Fraser se souvient de s’être alors demandé comment l’intimé, qui était marié et père de famille, pouvait proposer d’offrir des cadeaux aussi personnels que des fleurs ou une robe.

[32] Selon la plaignante, la section locale n’a finalement pas donné suite à la suggestion de lui organiser une fête ou de lui acheter des cadeaux de cette nature.

(viii) L’incident survenu le 18 avril 1998 au bureau de la section locale

[33] Afin de moderniser ses pratiques comptables, la section locale avait fait l’acquisition du logiciel Quicken. Ce logiciel, qu’on trouve facilement dans les magasins de détail et qui permet à des utilisateurs non avertis de suivre leurs opérations bancaires et autres transactions personnelles, avait été installé sur l’ordinateur de la section locale. On s’attendait à ce que l’intimé, à titre de trésorier, utilise le logiciel en question.

[34] D’après la preuve, l’intimé connaissait fort bien en 1998 divers programmes informatiques utilisés à Postes Canada, lesquels étaient, à tous les points de vue, beaucoup plus complexes que Quicken. Le superviseur de l’intimé à l’époque, Franco Chiumera, a affirmé lors son témoignage que ce dernier avait passablement de facilité à se familiariser avec des programmes informatiques et qu’il était, en fait, plus doué que d’autres de ce point de vue. Entre 1999 et 2001, le superviseur de l’intimé était Alex Eloise. Dans son témoignage, ce dernier a affirmé que l’intimé était le membre de son équipe qui se débrouillait le mieux en informatique et qu’il était l’âme de la section au plan informatique. En outre, M. Eloise a confirmé que l’intimé pouvait maîtriser rapidement le fonctionnement de nouveaux logiciels.

[35] Au début d’avril 1998, l’intimé est allé trouver la plaignante pour lui demander de l’initier à Quicken au bureau de la section locale, après les heures de travail. Elle a refusé, expliquant qu’elle ne connaissait pas vraiment le logiciel elle-même. Il a néanmoins insisté pour qu’elle le fasse. Selon la plaignante, qui a depuis eu l’occasion d’utiliser Quicken, ce logiciel est tellement simple qu’elle a été en mesure d’en apprendre elle-même le fonctionnement en moins de dix minutes.

[36] La plaignante a parlé à une collègue de travail, Mary Sue Allen, qui connaissait déjà le logiciel puisqu’elle l’utilisait à la maison pour gérer les finances de sa famille, et lui a demandé de rencontrer l’intimé pour lui donner une certaine formation. Lorsqu’elle a communiqué pour la première fois avec l’intimé, Mme Allen lui a dit qu’il serait peut-être plus utile qu’il lise le manuel en direct ou suive un cours de formation professionnelle. Selon Mme Allen, il a rejeté sa suggestion et insisté pour qu’elle lui donne la formation. L’intimé et elle se sont donnés rendez-vous le samedi 18 avril 1998, à 13 h, au bureau de la section locale.

[37] Comme la date de la rencontre approchait, la plaignante prétend qu’elle a commencé à s’inquiéter de la sécurité de Mme Allen, compte tenu des commentaires antérieurs de l’intimé relativement à son désir de faire l’amour sur le canapé du bureau de la section locale. La plaignante a donc décidé de se rendre au bureau ce samedi‑là de façon à ce que rien de fâcheux n’arrive à Mme Allen. Ce que ne savait pas la plaignante, c’est que Mme Allen nourrissait elle-même des inquiétudes. Elle a affirmé dans son témoignage que l’insistance de l’intimé sur la nécessité qu’elle lui donne la formation lui avait mis la puce à l’oreille. Dans la matinée du 18 avril, elle lui a téléphoné et a annulé la rencontre.

[38] Ne sachant pas que la rencontre avait été annulée, la plaignante s’est présentée au bureau de la section locale vers 13 h, heure à laquelle devait débuter la séance de formation. L’intimé était alors assis devant le pupitre et avait devant lui une bouteille de bière ouverte. À en juger au ton de sa voix, il était éméché mais il n’était pas ivre. Il a dit à la plaignante que Mme Allen avait annulé la séance de formation. Alors que la plaignante s’apprêtait à quitter le bureau, l’intimé lui a dit qu’il avait découvert un problème en ce qui touche les demandes d’indemnité de M. Fraser. La plaignante a décidé de téléphoner à M. Fraser à ce sujet. Elle s’est assise au bureau et l’intimé se tenait debout derrière elle pendant qu’ils conversaient à l’aide du téléphone mains libres. M. Fraser a confirmé lors de son témoignage que cette conversation avait bel et bien eu lieu et avait duré une dizaine ou une quinzaine de minutes.

[39] Une fois la conversation terminée, l’intimé a demandé à la plaignante, qui était encore assise, de bouger sa chaise afin qu’il puisse avoir accès au tableau d’affichage derrière elle. Elle lui a fait un peu de place, mais il a poussé sa chaise vers l’avant, disant qu’il avait besoin de plus d’espace. Elle s’est alors retrouvée contre le pupitre, incapable de bouger ou de se lever. À ce moment‑là, il l’a empoignée par les avant-bras et a commencé à lui embrasser les cheveux, la tête et le cou. Elle lui a crié de lui ficher la paix, mais il n’a pas obtempéré. Il lui a dit qu’il était en amour avec elle et qu’elle devait accepter d’avoir une relation sexuelle avec lui. Elle lui a alors demandé à nouveau de lui ficher la paix et d’aller devant le pupitre. Il a à nouveau refusé. Après qu’elle eut menacé d’appeler la police, il a relâché son étreinte et s’est rendu de l’autre côté du pupitre. La plaignante lui a dit que sa conduite était déplacée et allait à l’encontre de la politique sur le harcèlement de l’AFPC et qu’il pourrait faire l’objet de mesures disciplinaires. Il a rétorqué qu’il allait la forcer à l’embrasser. Elle a répondu qu’elle ne l’embrasserait pas et qu’elle ne voulait pas avoir de relation sexuelle avec lui.

[40] À ce moment, l’intimé a confirmé à la plaignante qu’il avait cherché à obtenir le poste de trésorier uniquement parce qu’il voulait lui faire la cour. Il a précisé que, dans son pays d’origine, il n’y avait rien de mal à ce qu’il ait une relation avec elle. Il lui a également répété qu’elle pouvait parler de sa conduite à n’importe qui, qu’on ne la croirait pas et que c’était un monde d’hommes où la parole d’une femme n’importe pas. Elle lui a répété qu’il contrevenait à la politique sur le harcèlement de l’AFPC et qu’il devait cesser immédiatement ces agissements. Ensuite, elle a quitté le bureau. Lors de son témoignage, elle a dit qu’elle avait gardé son calme durant l’incident. Elle n’en était pas moins bouleversée. Lorsqu’elle est arrivée à son appartement, elle [TRADUCTION] s’est mise en boule et a éclaté en sanglots. Elle a songé à téléphoner à la police, mais elle a jugé que cela ne donnerait rien puisque ce serait sa parole contre la sienne. Selon la plaignante, l’intimé l’avait empoignée tellement fort qu’elle avait des meurtrissures sur les bras. En fait, M. Hudon se souvient d’avoir remarqué au travail que l’un des avant-bras de la plaignante était meurtri, mais il ne se souvent pas exactement à quel moment il a observé cela.

(ix) La lettre du 19 avril 1998 de la plaignante à l’intimé

[41] Comme ses avertissements verbaux n’avaient pas donné les résultats escomptés, la plaignante a décidé de prendre des mesures plus concrètes. Le dimanche 19 avril 1998, soit le lendemain de l’incident, elle a rédigé à son intention une lettre qu’elle a imprimée sur le papier en‑tête de la section locale et qui se lisait comme suit :

[TRADUCTION]

Objet : Commentaires de nature sexuelle importuns

Le 26 mars, le 18 avril et à plusieurs autres occasions, vous m’avez fait des commentaires de nature sexuelle importuns. Vous m’avez dit tantôt que j’étais belle, tantôt que je ne devais fréquenter personne d’autre, tantôt que je devais avoir une relation sexuelle avec vous.

Je vous ai dit au moins quatre fois de vous abstenir de faire ce genre de commentaires. Le 18 avril 1998, je vous ai expliqué que votre conduite contrevenait aux Statuts de l’AFPC et à la politique sur le harcèlement de l’AFPC. Vous trouverez ci‑joint copie de la politique sur le harcèlement de l’AFPC et de l’article 25 des Statuts de l’AFPC qui porte sur la discipline et qui décrit les mesures qui pourraient être prises si vous ne mettez pas fin à ce comportement.

Vos commentaires de nature sexuelle sont injustifiés et importuns. Étant donné que je vous ai demandé à plusieurs reprises de cesser votre manège et que vous ne l’avez pas fait, j’estime que vous me harcelez sexuellement.

Je m’attends à ce que vous vous comportiez désormais avec moi de façon professionnelle, car il est inconvenant que vous continuiez de me faire des commentaires de nature sexuelle.

Sincèrement,

[signature]
Connie Bushey
présidente, Section locale 70180

La lettre indique que des copies ont été transmises à MM. Vaughan, Fraser, Murray et Matchett.

[42] Dans sa lettre, la plaignante ne fait pas état du présumé incident – contact physique. Elle a expliqué au cours de son témoignage que le bureau du président de la section locale était un endroit très public et qu’elle tenait à ce que ses problèmes personnels demeurent privés. En outre, elle craignait qu’en disant qu’elle avait été agressée, l’on puisse se servir de cela contre elle, et que, comme il n’y avait pas de témoins, personne ne la croirait. Le lundi 20 avril 1998, la plaignante a remis la lettre à MM. Fraser et Vaughan en leur demandant de bien vouloir la transmettre à l’intimé, qui était ce jour‑là en congé annuel.

[43] Le mardi 21 avril 1998, l’intimé a téléphoné à la plaignante à son bureau tôt en matinée. Il lui a dit qu’il voulait lui parler au sujet de ce qui s’était passé samedi. Elle a répondu qu’elle ne voulait pas lui parler et qu’il devait la laisser tranquille et ne pas communiquer avec elle. Peu de temps après, l’intimé  lui a envoyé un courriel (à 9 h 11, selon l’heure indiquée) qui se lisait comme suit :

[TRADUCTION]

Je suis désolé. Souhaite-moi bonne chance pour mon examen. J’ai encore du respect pour toi.

Arvind.

[44] L’intimé devait se présenter plus tard ce jour‑là à un examen dans le cadre d’un concours. Selon la plaignante, il n’était survenu aucun problème jusqu’à ce moment‑là en ce qui touche le travail effectué par l’intimé comme trésorier et, par conséquent, ses excuses ne pouvaient concerner que l’incident du 18 avril.

[45] À 11 h, apparemment après que MM. Fraser et Vaughan eurent demandé de le rencontrer, l’intimé a téléphoné à la plaignante pour lui dire qu’elle n’avait pas le droit de leur raconter ce qui s’était passé. Il a affirmé que c’était lui qui était victime de harcèlement et a indiqué à la plaignante qu’on ne la croirait jamais. Elle a répondu qu’il avait continué à se conduire de façon inconvenante, malgré ses avertissements. Elle n’avait d’autre choix que de porter l’affaire à un échelon supérieur.

[46] MM. Fraser et Vaughan ont rencontré l’intimé le 21 avril à l’heure du déjeuner. Ils lui ont remis la lettre en lui disant que sa conduite à l’égard de la plaignante était importune. Ils lui ont conseillé de cesser ce comportement et, plus particulièrement, de ne plus communiquer avec elle pour d’autres choses que des affaires syndicales. L’intimé a nié avoir fait quoi que ce soit de répréhensible. Il a offert sa démission à titre de trésorier, mais MM. Fraser et Vaughan lui ont dit qu’il faisait du bon travail et qu’il n’était pas nécessaire qu’il démissionne. M. Vaughan se souvient que l’intimé a alors convenu de ne plus importuner la plaignante. On a indiqué à l’intimé qu’il serait peut-être de mise qu’il présente des excuses à la plaignante, tout en lui précisant qu’il devait s’abstenir de lui téléphoner ce jour‑là.

[47] Il y avait ce soir‑là une réunion de délégués syndicaux au bureau de la section locale. La plaignante a décidé de ne pas y assister. L’intimé était du nombre des participants. Vers 17 h 30, la plaignante a reçu un appel de lui à la maison. Il lui a dit qu’il assistait à la réunion, qu’on avait commandé d’autres pizzas et qu’elle devrait venir en manger. Elle lui a répondu qu’on lui avait enjoint formellement de ne pas lui téléphoner. Il a dit qu’il voulait s’excuser de son comportement et qu’il avait besoin d’entendre sa voix. Elle lui a dit de ne pas la rappeler et a raccroché.

[48] Le 22 avril 1998, la plaignante a reçu une lettre de l’intimé, qui se lisait comme suit (le texte n’a pas été modifié ni corrigé) :

[TRADUCTION]

Destinataire : Connie Bushey

Expéditeur : Arvind Sharma

Objet : Conduite importune

Connie, je suis très désolé et je veux m’excuser pour toutes les difficultés que j’ai pu te causer. Je vais tenter de mériter à nouveau ton respect. Je vais me conduire de façon professionnelle et respectueuse. J’espère que tu me pardonneras. Je ne sais pas ce que je devrais ajouter. Je voudrais te demander ton opinion de temps à autre; aide-moi, je t’en prie.

Salutations,

[signature]
Arvind

Le lendemain (23 avril), l’intimé est entré dans le bureau de la plaignante vers 7 h 30 du matin. Elle était occupée au téléphone. Il lui a laissé un message sur un papillon autocollant Post-It qu’il a déposé sur son pupitre. La note se lisait comme suit (texte intégral) :

[TRADUCTION]

Je t’en prie, appelle-moi, pour me dire que tu m’as pardonné. Connie, je ne te ferai jamais de mal.

Merci.

Arvind.

La plaignante a jeté la note dans la poubelle, puis l’intimé a quitté son bureau. Elle a ultérieurement récupéré la note, qui a été déposée en preuve à l’audience.

[49] Plus tard ce jour‑là, vers 15 h, la plaignante a rencontré MM. Fraser et Vaughan au bureau de la section locale. MM. Fraser et M. Vaughan ont téléphoné à l’intimé au moyen de l’appareil mains libres. MM. Fraser et Vaughan l’ont enguirlandé pour avoir téléphoné à la plaignante et lui ont répété qu’il devait cesser de communiquer avec elle pour des affaires qui ne concernaient pas le syndicat. Ils lui ont dit également qu’il devait retourner la carte d’affaires de la plaignante sur laquelle était inscrit son numéro de téléphone à la maison – non publié – et qu’elle lui avait remise au moment où il était devenu trésorier. L’intimé a alors convenu de mettre fin à son comportement répréhensible et de retourner la carte d’affaires.

[50] Le lendemain (24 avril 1998), l’intimé a écrit à MM. Fraser et Vaughan la lettre suivante (texte intégral) :

[TRADUCTION]

Destinataire : Confrère Jim/Dave

Jim, je voulais te parler mais j’étais avec mon patron, je suis désolé, Jim/Dave, je ne veux faire de mal à personne. Ne me prêtez pas d’intentions, je vous prie. J’ai une excellente réputation au bureau et je respecte les autres. J’ai en main la carte de Connie que je vous remettrai demain et je ferai en sorte de mériter son respect afin qu’elle me la redonne. Je n’ai rien fait de mal. Je ne téléphonerai pas à Connie lorsque je serai au bureau. Je prendrai rendez-vous et je me montrerai respectueux. J’espère que vous me comprenez. Je suis prêt à vous remettre la clé et le laissez-passer du bureau, si c’est ce que vous voulez.

Voilà, c’est tout. Croyez bien que je suis sincère. Je veux me montrer respectueux. Je ne suis pas mauvais.

Merci, Arvind.

Le lendemain, l’intimé a effectivement retourné la carte d’affaires de la plaignante. MM. Vaughan et Fraser n’ont pas demandé à l’intimé de remettre sa clé et son laissez-passer.

(x) Les changements dans le comportement de la plaignante

[51] La plaignante allègue que les faits et gestes de l’intimé l’ont contrainte à changer beaucoup de choses dans sa vie. Elle résidait à proximité de son bureau et avait l’habitude de marcher pour se rendre au travail. Après l’incident du 18 avril, elle a commencé à utiliser sa voiture pour se rendre au travail, craignant d’être agressée par l’intimé en cours de route.

[52] Elle était déterminée à ne jamais plus faire en sorte de se retrouver seule avec l’intimé. Elle a donc informé son chef, Gilles Séguin, des problèmes que lui causait l’intimé. M. Séguin lui a dit que si l’intimé se présentait à son bureau, elle pourrait quitter son cubicule et venir à son bureau ou se réfugier dans l’aire commune de la section. Tel qu’indiqué ci‑dessous, la plaignante allègue que l’intimé avait recommencé en mai 1998 ses visites quotidiennes à son bureau. Elle a alors commencé à quitter son bureau aux heures où il était susceptible de s’y présenter. Elle se rendait ailleurs, notamment à la cantine. Afin de compenser le temps perdu durant la journée, pendant qu’elle était ailleurs que dans son cubicule, elle devait rester au bureau après ses heures normales de travail.

[53] La plaignante allègue qu’elle a également cessé de se rendre seule au bureau de la section locale. En règle générale, M. Fraser terminait sa journée de travail vers 16 h. La plaignante devait désormais vaquer aux tâches syndicales au bureau de la section locale avant le départ de M. Fraser, ce qui l’obligeait souvent à partir plus tôt de l’immeuble de Postes Canada.

[54] Elle soutient que tous ces changements ont nui à son rendement professionnel ainsi qu’à sa capacité de s’acquitter de ses fonctions de présidente.

(xi) Poursuite des agissements de l’intimé après l’incident du 18 avril 1998

[55] La plaignante allègue que dans les jours qui ont suivi l’envoi de sa lettre à l’intimé et ses conversations avec MM. Fraser et Vaughan, au cours desquelles il avait convenu de ne communiquer avec elle que pour des affaires syndicales, ses visites, appels et autres communications impromptues au sujet de questions qui n’avaient rien à voir avec les activités de la section locale ont recommencé.

[56] Le 28 avril 1998, l’intimé a envoyé à la plaignante un courriel présentant les grandes lignes d’un cours de gestion offert aux femmes à l’Université Carleton. Au début du message, l’intimé affirmait qu’elle devrait aller suivre ce cours. À peu près à la même époque, il lui a téléphoné afin qu’ils aillent ensemble acheter deux classeurs pour le bureau de la section locale. Elle lui a dit qu’il n’était pas nécessaire d’acheter de nouveaux classeurs mais que s’il insistait sur la nécessité de cet achat il devait en discuter avec M. Fraser et se rendre avec ce dernier au magasin. Selon la plaignante, cette demande constituait une autre tentative de sa part pour se retrouver seul avec elle.

[57] En mai 1998, l’intimé a recommencé à lui rendre visite à son bureau. Elle allègue que ses propos lors de ces visites étaient habituellement de nature sexuelle. Il lui racontait ses fantasmes sexuels à son sujet, décrivait ses positions sexuelles préférées et demandait sans cesse d’avoir une relation sexuelle avec elle. Elle lui répondait toujours qu’elle n’aurait pas de relation sexuelle avec lui tout en lui rappelant qu’on l’avait averti qu’il devait cesser de se conduire ainsi.

[58] Au cours de son témoignage, la plaignante a affirmé que l’intimé s’était à un moment donné présenté à son bureau, qu’il lui avait dit qu’il voulait avoir une relation sexuelle avec elle et qu’il ne la laisserait pas tranquille tant qu’elle ne l’aurait pas fait. Elle lui a crié de déguerpir de son bureau et de cesser de se comporter de cette façon. Elle parlait tellement fort qu’elle a attiré l’attention de M. Hudon et que celui‑ci s’est levé pour venir voir ce qui se passait dans le cubicule adjacent. Lors de son témoignage, M. Hudon a dit se souvenir que l’intimé était passé à toute vapeur devant lui en sortant du bureau de la plaignante. Par contre, la plaignante a dit se rappeler que l’intimé était encore dans son bureau lorsque M. Hudon y a pénétré. Elle s’est retourné vers l’intimé et lui a dit : [TRADUCTION] Vas‑y Arvind, dis-lui, dis-lui que tu exiges de faire l’amour avec moi. L’intimé a nié l’accusation et est sorti du bureau prestement.

[59] Elle était tellement bouleversée que M. Hudon a dû s’asseoir à côté d’elle pour la calmer. Il se souvient qu’elle [TRADUCTION] pleurait avec des sanglots et que ses propos étaient quelque peu incohérents. Il a tenté de la réconforter; cependant, même s’il était un de ses amis assez intimes, il n’a pas jugé bon à ce moment‑là de s’enquérir de ce qui s’était passé.

[60] Au cours de son témoignage, M. Hudon a indiqué que l’intimé lui demandait où se trouvait la plaignante lorsqu’il venait pour la voir et qu’elle n’était pas à son bureau. M. Hudon refusait de répondre, la plaignante lui ayant expressément demandé de ne rien dire de ses allées et venues. Par conséquent, l’intimé laissait de nombreux messages dans la boîte vocale de la plaignante, disant souvent qu’il avait besoin de lui parler et d’entendre sa voix.

[61] L’AFPC a tenu une réunion à Hull durant un week-end de mai 1998. Y ont assisté quatre membres de l’exécutif de la section locale, dont la plaignante et l’intimé. La plaignante a amené tout le monde dans sa voiture. Sur le chemin du retour, l’intimé a fait plusieurs allusions à une série de cours du Collège des travailleurs que la plaignante devait suivre à l’Université d’Ottawa. Elle devrait résider sur le campus de l’université pendant la formation, qui devait durer un mois à compter du 25 mai. Le vice-président, M. Vaughan, devait assumer ses fonctions et responsabilités syndicales en son absence. L’intimé a indiqué qu’il voulait obtenir son numéro de téléphone et son adresse sur le campus afin qu’il puisse lui téléphoner le jour et venir lui rendre visite avec sa femme en soirée. La plaignante lui a dit qu’elle ne lui donnerait pas ces renseignements. Il l’a alors priée instamment de les lui fournir tout en faisant remarquer qu’elle réagissait de façon grossière et égoïste. Finalement, l’un des autres membres de l’exécutif, M. Zarichansky, est intervenu et a dit, sur un ton relativement ferme, que la plaignante avait manifestement dit non à la demande de l’intimé et qu’il devrait la laisser tranquille.

[62] À la fin du cours au Collège des travailleurs, il y a eu une cérémonie de remise de diplômes à l’université. Plusieurs membres de l’exécutif de la section locale y ont assisté, notamment M. Fraser, M. Zarichansky et l’intimé. Jetant un regard sur l’auditoire ce jour‑là, la plaignante a vu que l’intimé tenait dans ses mains un gros bouquet de roses. Elle craignait que l’intimé ait l’intention de lui offrir les fleurs dont il parlait depuis des mois et qu’il réussisse finalement à l’embrasser en public, comme il le lui avait dit lorsqu’il l’avait ramenée chez elle en voiture en mars. Elle était apeurée à l’idée de ne pouvoir éviter qu’il l’étreigne. Heureusement, la cérémonie a duré tellement longtemps que l’intimé a dû quitter pour aller célébrer l’anniversaire de son enfant. Il a remis le bouquet à M. Fraser. Selon le témoignage de M. Fraser, c’est l’intimé qui avait apporté le bouquet, qui n’avait pas été acheté avec l’argent de la section locale.

[63] L’intimé ne sachant pas comment la joindre à l’université, la plaignante n’a pas eu de ses nouvelles pendant toute la durée du cours de formation. Lorsqu’elle est retournée à son bureau de Postes Canada vers la fin de juin 1998, elle avait dans sa boîte vocale de nombreux messages de l’intimé indiquant qu’il avait besoin d’entendre sa voix et lui demandant de l’appeler. Elle avait également reçu un courriel en date du 12 juin 1998. Le message en question n’avait rien à voir avec les activités syndicales. Un fichier renfermant un jeu-questionnaire y était annexé. Le message comportait un commentaire de l’intimé indiquant qu’il était sûr que la plaignante obtiendrait un score de 98 % à ce jeu.

(xii) Événements postérieurs au retour de la plaignante du Collège des travailleurs

[64] L’intimé a recommencé à faire des appels à la plaignante dès son retour au travail. Chaque fois, elle lui répétait qu’elle ne voulait pas qu’il lui téléphone. Parfois, lorsqu’elle n’était pas à son bureau, l’intimé laissait des messages dans sa boîte vocale, demandant qu’elle le rappelle. Selon la plaignante, le ton de ces messages dénotait une certaine anxiété. Chaque fois qu’il réussissait à lui parler, il lui expliquait souvent que tout ce qu’il voulait, c’était entendre sa voix. Lorsqu’elle recevait des appels de l’intimé, la plaignante téléphonait immanquablement à M. Fraser et à M. Vaughan. Dans son témoignage, elle a indiqué qu’elle commençait à ce moment‑là à être préoccupée par le comportement de l’intimé et qu’elle en était venue à la conclusion qu’il était obsédé par elle. Elle a alors discuté avec M. Fraser et M. Vaughan de la possibilité de restreindre l’accès de l’intimé au bureau de la section locale en lui retirant son laissez-passer et ses clés; cependant, ils ont estimé que ce serait là une réaction excessive et peut-être une atteinte à ses droits.

[65] La section locale avait fait l’acquisition d’un nouvel ordinateur en juillet 1998. Un progiciel grandement utilisé à Postes Canada y a été installé. Ce progiciel comprenait le tableur électronique Lotus. L’intimé a téléphoné à la plaignante pour lui demander de l’initier au fonctionnement du tableur. Elle a carrément refusé, d’autant plus que le logiciel en question faisait partie d’un progiciel qu’il utilisait déjà vraisemblablement dans son travail à Postes Canada. Elle a vu dans sa demande une autre excuse pour se retrouver seul avec elle dans une pièce.

[66] L’intimé siégeait comme représentant syndical au comité mixte de santé et de sécurité. Ce comité devait notamment inspecter annuellement du point de vue de la santé et de la sécurité les lieux de travail des employés de Postes Canada. Le 16 juillet 1998, l’intimé et un représentant de la direction ont mené l’inspection annuelle à l’étage de la plaignante dans la tour Est. La plaignante allègue qu’à un moment donné, alors qu’elle était au téléphone, elle a levé les yeux et a vu l’intimé qui se tenait dans l’entrée de son cubicule et qui la fixait des yeux tout en écoutant la conversation. Il lui a dit qu’elle semblait de mauvaise humeur et a indiqué que le syndicat devrait lui acheter des fleurs pour lui remonter le moral. Elle lui a rappelé à nouveau qu’un tel achat serait inopportun et qu’elle lui avait déjà dit dans sa lettre de cesser de faire de tels commentaires.

[67] Ayant acquis la conviction que l’intimé était obsédé par elle, elle a commencé à craindre pour sa sécurité. Elle a alors apporté d’autres changements à son mode de vie. Par exemple, elle a cessé de faire de la marche et du jogging à l’heure du déjeuner, craignant de rencontrer l’intimé. Elle a également cessé d’aller au parc de Mooney’s Bay, qui était près de son appartement, sachant qu’il s’y rendait souvent avec sa famille. Elle a même songé à démissionner de l’exécutif de la section locale, tellement elle était frustrée par la réticence de ses confrères à intervenir.

[68] Son inquiétude a été avivée par certaines déclarations faites par l’intimé vers la fin de juin ou le début de juillet 1998 au sujet de son déménagement imminent. L’intimé a informé la plaignante qu’il envisageait de déménager à un endroit qui se trouvait à seulement dix minutes de sa résidence. Selon la plaignante, il lui avait dit qu’il résiderait tellement proche d’elle qu’il avait l’intention de venir la voir le week-end et le soir. Selon la preuve, l’intimé et sa famille ont bel et bien emménagé en août 1998 dans une maison appartenant au père de l’intimé qui était située à proximité de l’appartement de la plaignante.

[69] Le vendredi 17 juillet 1998, l’intimé a téléphoné à la plaignante. Il lui a dit qu’il la verrait le lendemain. Elle lui a fait remarquer que le lendemain était un samedi et qu’elle n’avait pas l’intention de le voir. Il a répondu qu’il envisageait de lui rendre visite. Elle a tenu pour acquis qu’il comptait se rendre à son appartement. Elle l’a averti de se tenir loin. Au cours du week-end, elle a fait en sorte de ne pas être chez elle, au cas où il tenterait de venir lui rendre visite. Le lundi suivant (20 juillet), l’intimé lui a téléphoné tôt en matinée pour lui demander si elle avait eu un bon week-end.

[70] Elle était alors très inquiète, estimant que l’intimé ne se contentait plus de la harceler au travail et empiétait sur sa vie privée. Elle a donc écrit une deuxième lettre à l’intimé (en date du 20 juillet 1998) qu’elle a imprimée sur le papier en‑tête de la section locale et qui se lisait comme suit (version originale intégrale) :

[TRADUCTION]

Le 20 juillet 1998

Arvind Sharma

Objet : Poursuite de la conduite importune

En avril 1998, vous avez reçu une lettre d’avertissement au sujet de votre conduite et de vos commentaires importuns à mon endroit. À mon avis, il n’y a pas eu au cours des trois derniers mois d’amélioration en ce qui touche vos commentaires ou votre conduite à mon endroit.

J’ai remarqué que vous vous rendez au bureau de la section locale plusieurs fois par semaine. J’ai personnellement constaté que vous allez là‑bas pour signer un chèque et que vous y retournez le lendemain pour exécuter une autre petite tâche. Si vous vous rendez aussi souvent au bureau, il me semble, c’est parce que cherchez l’occasion de vous retrouver seul avec moi. Compte tenu de votre premier écart de conduite, je ne me sens plus en sécurité lorsque je me rends le soir ou le week-end au bureau de la section locale. Cette situation est surtout attribuable au fait que je ne sais pas si vous serez là‑bas et, le cas échéant, quel genre de commentaires vous m’adresserez ou quel genre de comportement vous manifesterez à mon endroit. Votre comportement nuit à mon rendement en tant que présidente de la section locale ainsi qu’à l’efficacité du service que la section locale offre aux membres.

Vous m’avez adressé des commentaires à plusieurs occasions, mais c’est la semaine dernière que vous m’avez fait les commentaires les plus importuns et inquiétants. Lorsque vous m’avez dit qu’il fallait que je vous donne une formation sur l’ordinateur, je vous ai indiqué fermement et à plusieurs reprises que je n’entendais pas le faire. Vous m’avez répondu que je devais vous donner cette formation et que le formateur devait être moi-même. J’ai dit NON à plusieurs reprises, mais vous continuez d’insister. Vous devriez comprendre, car NON est un mot très simple. Comme vous êtes très versé en informatique et que vous savez vous servir d’un ordinateur, je ne crois que vous ayez besoin d’une telle formation. Je m’interroge vraiment quant aux raisons pour lesquelles vous insistez pour que je sois celle qui vous donne cette formation. À mon avis, c’est là le dernier plan échafaudé pour vous retrouver seul avec moi. Je ne veux pas que vous envisagiez ou imaginiez à l’avenir des situations où je me retrouverai seule avec vous.

Le jeudi 16 juillet, vous m’avez dit que la section locale devrait m’acheter des fleurs pour me remonter le moral. Cette situation s’apparente à celle où vous vouliez que la section locale m’achète des fleurs et une robe pour mon anniversaire. On vous a expliqué que moi-même et les autres membres de l’exécutif de la section locale jugeons une telle conduite très importune et inacceptable.

Le vendredi 17 juillet, vous avez dit que vous viendriez me voir durant le week-end. Je ne suis pas certaine des raisons pour lesquelles vous sembliez croire que vous me verriez. En fait, compte tenu de la façon dont vous avez formulé le commentaire, je ne suis pas certaine si vous aviez l’intention de me voir à la section locale ou si vous envisagiez de venir à mon appartement. Comme je n’avais jamais eu l’intention de vous voir ce week-end, je ne sais pas d’où vous teniez cette idée. Cela pourrait être perçu comme une forme de harcèlement criminel. Votre comportement compromet ma sécurité et met la victime (moi) dans tous ses états. En outre, cela m’incite à croire que vous cherchez à vous retrouver seul avec moi.

Le lundi 20 juillet, vous m’avez téléphoné et m’avez dit que vous vouliez savoir si j’avais eu un bon week-end. J’ai remarqué que vous ne téléphonez pas à Jim, à Dave ou à Ken. Est‑ce là votre façon de m’isoler afin que vous puissiez me parler tous les jours?

Vous devez cesser de vous comporter de cette façon, sans quoi je prendrai d’autres mesures. Je pourrais même déposer des accusations en bonne et due forme dans le cadre de la procédure disciplinaire et exposer ainsi au grand jour vos faits et gestes.

Sincèrement,

[signature]
Connie Bushey
Présidente, Section locale 70180, SEPC

La plaignante a transmis des copies de la lettre à MM. Murray, Matchett, Vaughan et Fraser. À la demande de la plaignante, MM. Vaughan et Fraser ont rencontré l’intimé pour lui donner la lettre en mains propres. Bien qu’il ait lu la lettre, l’intimé a refusé de la garder et l’a remise. MM. Vaughan et Fraser lui ont dit de cesser d’importuner la plaignante, ce à quoi il a apparemment acquiescer.

[71] Plus tard ce jour‑là, l’intimé a fait parvenir à M. Murray la lettre manuscrite suivante (texte original intégral) :

[TRADUCTION]

Cher confrère Jim Murray,

Conformément à notre conversation de cet après-midi, je tiens à préciser que la lettre fournie par M. Jim Fraser et M. Dave Vaughan est fausse et inexacte. Je n’ai rien fait de mal. Je ne téléphonerai pas à Connie au travail; j’appellerai plutôt au bureau de la section locale pour les affaires syndicales.

Je suis une personne honnête qui travaille fort et qui aide volontiers les autres. Je puis dire beaucoup de choses au sujet de quelqu’un, mais ça ne veut pas dire qu’elles sont justes.

Afin de résoudre la mésentente interne, je veux vous rencontrer avec Connie et Tom Matchett. Je travaille jusqu’à 15 h 30. Veuillez m’indiquer quand nous pouvons nous rencontrer. Je ne démissionnerai pas. Je veux tourner la page.

Plus tard cette semaine‑là, la plaignante a rencontré un responsable de la sécurité à Postes Canada. Cette personne l’a informée que le comportement de l’intimé, tel que décrit par elle, pourrait constituer une forme de harcèlement criminel. Il l’a également informée qu’elle pourrait porter plainte auprès de son employeur, du syndicat, de la police et de la Commission canadienne des droits de la personne. Toutefois, ayant déjà été avisée de la demande de réunion de l’intimé, elle a décidé d’attendre avant de porter plainte.

(xiii) Rencontre du 27 juillet 1998

[72] Tel que demandé par l’intimé dans sa lettre du 20 juillet, une réunion s’est tenue au bureau de la section locale le 27 juillet 1998. Y ont participé MM. Murray, Matchett, Vaughan et Fraser, ainsi que l’intimé et la plaignante. La rencontre était présidée par M. Matchett. Selon la plaignante, il était bien évident que la réunion, aux yeux des autres représentants du syndicat, avait pour objet de résoudre le problème en vue de la bonne marche des activités de la section locale. Le groupe n’était pas vraiment intéressé à régler la question du comportement de l’intimé. La plaignante a fait remarquer que la période des négociations collectives approchait à grands pas et que le SCEP ne pouvait se permettre qu’il subsiste des tensions au sein de sa plus grande section locale.

[73] La plaignante allègue que lorsqu’elle a raconté aux autres les incidents qui s’étaient produits, l’intimé n’a pas cessé de poser des objections et de crier que ce n’était pas vrai et qu’elle mentait. Lorsqu’il a nié avoir suggéré que la section locale lui achète des fleurs et une robe, M. Fraser est intervenu et a dit à l’intimé : [TRADUCTION] : Oui, vous l’avez fait. Cessez de mentir. Bien qu’il ait d’abord nié les accusations de la plaignante au sujet de ses sollicitations répétées de relations sexuelles, l’intimé a finalement admis : [TRADUCTION] Je n’ai pas demandé trois fois de faire l’amour avec toi, mais seulement une fois et j’étais ivre.

[74] En fin de compte, il a été proposé que l’intimé démissionne du comité de santé et de sécurité, qu’il s’engage à venir au bureau de la section locale seulement le mercredi et qu’il cesse de communiquer avec la plaignante. Les autres participants ont peut-être eu l’impression qu’il existait un consensus en faveur de l’acceptation de cette proposition pour résoudre le problème, mais la plaignante allègue qu’elle n’a jamais indiqué qu’elle était d’accord. Elle a fait remarquer que M. Matchett a clos la réunion en disant à l’intimé qu’il devait simplement continuer de faire son travail et qu’il lui a donné à elle instruction de cesser de lui écrire des lettres. Par conséquent, elle a perçu la proposition comme une approbation implicite du harcèlement criminel et des sollicitations sexuelles de l’intimé à son endroit.

[75] Déçue du résultat de la réunion, la plaignante a décidé de prendre des mesures contre l’intimé. Le 31 juillet 1998, elle a déposé une plainte auprès de la section des droits de la personne de Postes Canada. Le 4 août 1998, elle a déposé contre l’intimé, des accusations auprès de l’AFPC et du SEPC, conformément aux Statuts de l’AFPC et aux Règlements du SEPC. Elle a allégué que l’intimé avait eu une conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline au sein du syndicat et qu’il l’avait sexuellement ou personnellement harcelée.

[76] Le 10 août 1998, l’intimé a écrit à M. Murray pour l’informer de sa démission à titre de trésorier de la section locale, à compter de ce jour‑là.

[77] Le 31 août 1998, M. Fraser et la plaignante ont rencontré un enquêteur de la Police régionale d’Ottawa‑Carleton. Un dossier a été ouvert au nom de la plaignante au sujet de l’intimé de façon à ce que, si jamais elle estimait avoir besoin d’aide, la police connaisse déjà les antécédents de l’affaire. Pour plus de sécurité, la plaignante a communiqué le numéro de dossier de la police à son chef, M. Séguin.

[78] Le 30 octobre 1998, Postes Canada a communiqué les résultats de son enquête sur la plainte interne déposée par la plaignante auprès de la section des droits de la personne. L’enquête a été menée par Mme Leslie Hine, coordonnatrice des droits de la personne à Postes Canada, qui a indiqué lors de son témoignage qu’elle avait interrogé de nombreux témoins dans le cadre d’entrevues personnelles, dont la plaignante et l’intimé. Ni l’intimé ni la plaignante n’étaient présents lors des entrevues avec les autres témoins. Au cours de ces rencontres, Mme Hine a pris des notes. Dans la plupart des cas, les notes ont été montrées aux témoins et signées par eux. Postes Canada a conclu que le comportement obsessionnel de l’intimé et ses sollicitations sexuelles importunes étaient inacceptables et que la Société ne pouvait fermer les yeux sur ce genre de choses. L’employeur a donc ordonné à l’intimé de suivre un cours de sensibilisation aux droits de la personne, de présenter des excuses sincères à la plaignante et de s’abstenir complètement de communiquer avec elle. En outre, il l’a suspendu sans solde pendant deux semaines et a versé à son dossier personnel une copie de la lettre énonçant ces conclusions. Tout manquement aux conditions imposées entraînerait son congédiement immédiat. L’intimé a déposé un grief au sujet de la décision de l’employeur, mais il l’a ultérieurement retiré.

[79] Toujours le 30 octobre 1998, l’exécutif national du SEPC a mis la section locale sous tutelle en raison de [TRADUCTION] sérieux doutes quant à sa [TRADUCTION] capacité de fonctionner. La plaignante et les autres membres de l’exécutif ont été informés qu’ils n’étaient plus en poste. Lorsque la section locale a cessé d’être sous tutelle un an plus tard, la plaignante a été réélue présidente.

[80] Le comité créé par le syndicat pour enquêter sur les accusations de la plaignante contre l’intimé a conclu qu’elle avait été harcelée sexuellement et personnellement. L’exécutif national du SEPC a adopté le rapport du comité et, le 1er juin 1999, le Conseil national d’administration de l’AFPC a suspendu l’intimé pour une période de cinq ans, le privant ainsi de son titre de membre du syndicat.

[81] Le 23 décembre 1998, la plaignante a déposé la présente plainte contre l’intimé auprès de la Commission. Des plaintes distinctes ont également été déposées auprès de la Commission contre l’AFPC et le SEPC; dans ces plaintes, la plaignante a allégué que ces organisations syndicales ne lui avaient pas offert un milieu de travail exempt de harcèlement. Ces dernières plaintes ont été réglées quelques semaines avant le début de l’audience en l’espèce.

(xiv) Mesures prises par la plaignante pour éviter tout contact avec l’intimé

[82] Durant son témoignage, la plaignante a expliqué que l’une des principales craintes que lui inspirait la présumée conduite de l’intimé était que celui‑ci se présenterait à son appartement suite au déménagement de ce dernier à proximité de l’endroit ou elle résidait. Elle allègue qu’elle avait fait part au gérant et aux surintendants de l’immeuble des inquiétudes que lui causait l’intimé. Fait plus important, même si elle aimait l’appartement qu’elle occupait depuis son arrivée à Ottawa onze ans auparavant, elle a décidé qu’elle devait déménager le plus loin possible de la ville, afin qu’il soit difficile à l’intimé de lui rendre visite. Elle a commencé à chercher un nouveau logement en décembre 1998. En juin 1999, elle a emménagé dans une maison qu’elle avait achetée bien en‑dehors de la ville. Elle continue de travailler à Postes Canada et il lui faut maintenant une heure et demie pour se rendre à son travail. Elle doit utiliser sa voiture, alors qu’auparavant il lui était facile de marcher depuis son appartement. Elle a décidé de ne pas faire installer le téléphone dans sa maison et de n’utiliser qu’un téléphone cellulaire dont le numéro ne figure dans un aucun annuaire téléphonique.

[83] Depuis ce temps, la plaignante et l’intimé ont tous deux emménagé dans un nouveau bureau et dans un nouvel immeuble au sein du complexe de Postes Canada. Néanmoins, l’employeur a mis en place des mesures de sécurité spéciales. Le nom de la plaignante n’est affiché nulle part. Il ne figure ni à la porte de son bureau ni dans aucun répertoire d’employés. Son bureau est toujours situé dans une aire centrale et publique, loin des coins et des cages d’escalier. Il est interdit à l’intimé de mettre les pieds dans l’immeuble où travaille la plaignante.

[84] Dans son témoignage, la plaignante a reconnu que l’intimé ne lui a pas parlé et n’a pas communiqué avec elle depuis 1998. Lors d’une rencontre forfaite dans un magasin il y a un an, il a tourné les talons et s’est éloigné d’elle. La plaignante soutient que le changement de comportement chez l’intimé est attribuable à sa crainte de perdre son emploi s’il contrevient à l’ordre de Postes Canada de ne jamais entrer en contact avec elle.

B. Le point de vue de l’intimé

[85] L’intimé rejette la prétention de la plaignante voulant qu’il se soit joint à l’exécutif de la section locale afin de pouvoir être en sa compagnie. Il allègue qu’il a remarqué lors d’une réunion syndicale tenue en septembre 1997 que les groupes minoritaires visibles n’étaient pas représentés au sein de l’exécutif de la section locale et qu’il a pensé qu’il donnerait l’exemple en s’impliquant. En outre, il a vu cela comme une occasion d’améliorer sa connaissance de la langue anglaise et de rencontrer des employés d’autres services. Enfin, il a dit avoir été agréablement surpris d’apprendre que les membres de l’exécutif de la section locale recevaient une modeste rétribution.

[86] L’intimé admet avoir téléphoné à la plaignante et lui avoir rendu visite à l’occasion. Cependant, il soutient que leurs conversations avaient toujours trait aux activités syndicales. Par exemple, il venait régulièrement à son bureau pour lui faire signer les chèques de paye ou de remboursement de dépenses de M. Fraser. L’intimé apportait les chèques à la conjointe de M. Fraser, qui travaillait dans un immeuble voisin. Quatre ou cinq des quinze à vingt chèques établis chaque mois étaient faits à l’ordre de M. Fraser. L’intimé nie catégoriquement que ses appels et visites étaient aussi fréquentes que la plaignante le prétend. Il soutient qu’il lui rendait visite trois ou quatre fois par semaine tout au plus et que ces visites avaient été faites à la demande de la plaignante. En outre, il a dit qu’il s’était rendu souvent au bureau de la section locale après le travail parce que de nombreux livres et autres documents de la section locale n’étaient pas en ordre et qu’il lui avait fallu un certain temps pour corriger la situation.

[87] L’intimé souligne que ses fonctions ne lui permettaient pas de s’absenter de son bureau aussi souvent que l’a prétendu la plaignante dans son témoignage. Durant la période pertinente, il supervisait deux autres employés qui lui demandaient conseil. Il devait être à leur disposition en tout temps. Son superviseur de l’époque, M. Chiumera, a indiqué dans son témoignage qu’il n’avait pas constaté d’absences anormales. Cependant, en contre-interrogatoire, M. Chiumera a reconnu qu’il n’avait jamais surveillé les pauses ordinaires de l’intimé et que si ce dernier s’était absenté de son bureau, ne serait‑ce que pendant dix minutes, il ne l’aurait pas remarqué. M. Chiumera a admis qu’il suffisait de deux ou trois minutes pour se rendre à l’étage de la plaignante en prenant l’ascenseur. Mme Hine a interrogé M. Chiumera le 31 août 1998 dans le cadre de l’enquête menée par la section des droits de la personne de Postes Canada. Selon ses notes, qui ont été lues et signées par M. Chiumera à la fin de la rencontre, l’intimé s’absentait de son poste de travail ou était au téléphone plus souvent depuis qu’il faisait partie de l’exécutif du syndicat, mais la durée de ses absences et appels ne dépassait pas celle de ses pauses normales.

[88] En outre, l’intimé maintient catégoriquement qu’il n’y a pas eu de discussions de nature sexuelle entre la plaignante et lui. Ils ont eu des conversations amicales au sujet de certains aspects de leur vie personnelle, notamment à propos de son mariage organisé. Elle lui a elle aussi fait part de certains détails concernant sa famille. Cependant, il nie fermement s’être extasié sur sa beauté, lui avoir raconté ses fantasmes sexuels ou proposé de faire l’amour ou quelque chose du genre. Il qualifie ses rapports avec la plaignante [TRADUCTION] d’amicaux et qu’il la considérait [TRADUCTION] comme une sœur.

[89] L’intimé soutient que les seuls articles d’ameublement dont il a proposé l’achat au bureau de la section locale étaient des chaises, des classeurs et un pupitre. Il était d’avis, en outre, que le réfrigérateur devrait être remplacé. Cependant, il maintient qu’il n’a jamais proposé l’achat d’un nouveau canapé. Il prétend que la plaignante, M. Fraser et M. Vaughan étaient [TRADUCTION] contre lui et [TRADUCTION] mentaient lorsqu’ils ont affirmé le contraire dans leur témoignage.

[90] L’intimé a nié avoir jamais proposé que la section locale organise une fête à l’intention de la plaignante ou qu’elle lui achète une robe et des fleurs. De plus, l’intimé a fait remarquer que l’atmosphère dans le restaurant où il avait, semble‑t‑il, suggéré que la section locale achète à la plaignante une robe et organise pour elle une fête était tellement bruyante que MM. Hudon, Vaughan et Fraser  n’auraient pu entendre le soi-disant commentaire. Il a fait observer que ces témoins avaient été incapables de se souvenir de nombreux autres détails concernant cette sortie. En ce qui touche les fleurs qu’il avait en main lors de la cérémonie de remise des diplômes, l’intimé allégue que ce n’était pas lui qui les avait achetées mais plutôt la section locale et que c’est M. Fraser qui les avait amenées à la cérémonie. À un moment donné, M. Fraser les a données à M. Zarichansky, qui les a remises par la suite à l’intimé.

[91] Dans son témoignage, l’intimé n’a nié ni commenté en aucune façon les remarques qu’il a, semble‑t‑il, faites à la plaignante dans sa voiture lorsqu’il l’a ramenée chez elle le 10 mars 1998 et, fait plus important, il n’a nié ni commenté en aucune façon l’incident survenu au bureau de la section locale le 18 avril 1998 et au cours duquel il y aurait eu, selon la plaignante, contact physique.

[92] L’intimé reconnaît avoir rencontré le 21 avril 1998 MM. Vaughan et Fraser et que ceux‑ci lui ont alors présenté la lettre du 19 avril de la plaignante et lui ont dit de ne plus aller à son bureau. Leurs commentaires l’ont mis en colère et il a nié les allégations concernant sa conduite. Il a dit être contrarié par le fait que cette question n’ait jamais été abordée avec lui auparavant. L’intimé prétend que MM. Vaughan et Fraser lui avaient dit de venir au bureau de la section locale plus tard cet après-midi‑là pour rédiger une lettre d’excuses à l’intention de la plaignante et que l’incident serait clos. Ils menaçaient de rendre publiques les allégations en cas de refus d’accéder à leur demande. L’intimé a obtempéré et s’est présenté au bureau de la section locale, mais il nie avoir rédigé la lettre. Il prétend qu’il a simplement dactylographié la lettre que lui avait dictée M. Vaughan. Une fois la lettre imprimée et signée par lui, il l’a donnée à M. Vaughan pour qu’il la remette à la plaignante. MM. Fraser et Vaughan, qui ont été cités comme témoin par la Commission, ont tous deux affirmé dans leur témoignage qu’ils n’avaient pas participé à la préparation de la lettre d’excuses de l’intimé et qu’ils n’avaient pas aidé celui‑ci à la rédiger.

[93] En outre, l’intimé soutient qu’il n’a pas téléphoné à la plaignante chez elle plus tard ce soir‑là (21 avril) pour l’inviter à la réunion des délégués syndicaux. Cependant, il admet lui avoir téléphoné au travail trois jours plus tard pour lui parler de la lettre qu’il lui avait fait parvenir. Elle l’a invité à venir la voir à son bureau pour discuter de la question. À son arrivée, il a remarqué que la lettre d’excuses était sur son pupitre. Elle lui a dit qu’il n’était pas respectueux à son endroit et qu’il devrait s’excuser. Il a répondu qu’il avait déjà fourni des excuses, mais qu’il était disposé à faire plus. Afin de lui prouver qu’il la respectait, qu’il n’était pas mauvais et qu’il ne voulait pas lui faire de mal, il a rédigé le message sur l’autocollant Post‑It dont il a été fait état antérieurement et a apposé celui‑ci sur sa lettre d’excuses. Elle a jeté les deux documents à la poubelle et lui a dit de retourner travailler.

[94] Au cours des jours et semaines qui ont suivi, l’intimé a, selon ses dires, croisé la plaignante au bureau de la section locale. Il se sont échangés des plaisanteries, se sont demandés mutuellement comment ils allaient et comment allaient leurs familles, comment leurs week-ends s’étaient déroulés, et ainsi de suite. À part ces conversations, il s’en est tenu à des questions syndicales comme l’approbation de sa participation à une conférence du SEPC à Montréal. Ses rapports avec elle étaient de nature professionnelle.

[95] L’intimé soutient qu’au cours de cette conférence, tenue en mai 1998, aucun des autres représentants syndicaux présents, notamment MM. Hudon, Matchett et Murray, ne s’est plaint à lui de son comportement envers la plaignante. Cependant, il a admis ne jamais leur avoir demandé leur opinion à ce sujet.

[96] L’intimé prétend que la décision de sa famille de déménager n’avait rien à voir avec sa soi-disant tentative pour se rapprocher du lieu de résidence de la plaignante. L’intimé, sa femme et ses enfants habitaient dans une résidence unifamiliale au centre-ville d’Ottawa. Il n’y avait pas de cour arrière où les enfants pouvaient jouer et la famille était relativement à l’étroit. Le père de l’intimé possède plusieurs immeubles résidentiels dans la ville, dont celui où ils habitaient et celui où ils ont emménagé. Ce dernier logement est une résidence unifamiliale dotée d’une cour arrière qui est située à quelques minutes du lieu de travail de l’intimé. Elle a été achetée par le père de l’intimé il y a près d’une vingtaine d’années. Les locataires antérieurs ayant tardé à quitter la maison, l’intimé n’a pu y emménager qu’en juillet 1998.

[97] Selon l’intimé, plusieurs incidents permettent de démontrer qu’il n’a pas harcelé la plaignante et qu’elle a délibérément interagi avec lui. Il allègue qu’elle a demandé son aide au début d’avril 1998 pour qu’il l’initie au logiciel de préparation de déclaration de revenus appelé QuickTax. M. Hudon et lui avaient distribué des exemplaires du logiciel aux membres du syndicat afin de les aider à établir leur déclaration de revenus. De plus, l’intimé dit se souvenir que la plaignante avait demandé son aide dans le cas où elle se porterait candidate au poste de président national du SEPC et qu’elle avait promis d’appuyer sa candidature au poste de président de la section locale. Selon ses allégations, la plaignante lui a téléphoné pour lui demander d’envoyer par courrier électronique le jeu-questionnaire, ce qu’il a fait le 12 juin.

[98] En mai ou juin 1998, l’intimé et sa famille sont restés pris dans un ascenseur de l’immeuble du CTC dans lequel se trouvait le bureau de la section locale. Il a fallu l’aide du service d’incendie pour les sortir de ce mauvais pas. Lorsque la plaignante a entendu parler de l’incident, elle a invité l’intimé à son bureau pour discuter de la chose et des mesures à prendre. À une autre occasion (toujours en mai ou juin 1998), l’exécutif était réuni dans un restaurant. L’intimé se souvient que M. Fraser avait indiqué qu’il faisait bon de voir que la plaignante et l’intimé avaient mis de côté leurs différends et avaient à nouveau des relations amicales. La plaignante n’a pas tenté, semble‑t‑il, de le contredire. Au dire de l’intimé, ces éléments, jumelés au fait que la plaignante n’a porté plainte à aucune autorité entre février et juillet 1998, démontrent que leurs rapports étaient amicaux et qu’il ne l’a pas harcelée.

[99] Par conséquent, l’intimé s’est fâché lorsque MM Vaughan et Fraser lui ont présenté la lettre de la plaignante en date du 20 juillet 1998. Il était en désaccord avec le contenu de la lettre, bien qu’il n’en ait lu qu’une partie avant de la rejeter. À son avis, c’est lui qui faisait l’objet de harcèlement de la part de la plaignante. Il aurait clairement précisé aux deux autres qu’il ne signerait aucune nouvelle lettre d’excuses. L’intimé a offert de démissionner de son poste au sein de l’exécutif, mais MM. Vaughan et Fraser lui ont à nouveau conseillé de ne pas le faire. L’intimé a ensuite communiqué avec MM. Matchett et Murray pour leur demander de convoquer une réunion pour régler la question [TRADUCTION] une fois pour toutes.

[100] Cette réunion a eu lieu le 27 juillet. Selon l’intimé, une entente est intervenue. Il souligne que bien que la suggestion initiale de M. Fraser était que l’intimé ne se rende au bureau de la section locale que le mercredi, la plaignante est intervenue et a expressément demandé qu’on exige qu’il démissionne également du comité de santé et de sécurité. Par conséquent, l’intimé n’est pas d’accord avec sa prétention voulant qu’elle n’ait pas accepté la proposition présentée à cette réunion. Il fait observer qu’à la suite de la réunion, il s’est conformé à l’entente intervenue en démissionnant du comité, en réduisant le nombre de ses visites au bureau de la section locale et en cessant complètement de communiquer avec la plaignante.

[101] Par conséquent, l’intimé a été étonné d’apprendre que la plaignante avait déposé contre lui une plainte en matière de droits de la personne auprès de Postes Canada et du syndicat. Il s’est entretenu de la question avec son directeur et un agent des ressources humaines de Postes Canada. Après avoir consulté sa famille, l’intimé a décidé de démissionner de son poste au sein de l’exécutif de la section locale. Il a ultérieurement été interrogé seul sur une période de plusieurs jours par Mme Hine. Alors qu’il répondait à ses questions, Mme Hine prenait des notes. Le 20 octobre 1998, Mme Hine l’a rencontré et lui a demandé de prendre connaissance de ses notes. Il a refusé de le faire et n’a pas voulu qu’elle lui en remette un exemplaire, même s’il a signé et daté le document. L’intimé s’objecte à la manière dont Mme Hine a mené son enquête, précisant qu’elle n’a pas interrogé certaines des personnes qui, lui avait‑il dit, étaient des témoins importants. En outre, il en avait contre le fait qu’elle ne lui ait pas permis d’assister aux autres entrevues qu’elle avait menées. L’intimé nie un grand nombre des déclarations qui lui ont été attribuées selon les notes prises par Mme Hine lors de l’entrevue.

[102] Vers la fin d’octobre 1998, l’intimé a été informé de la décision de Postes Canada concernant la plainte en matière de droits de la personne au cours d’une rencontre avec Mme Hine, à laquelle ont également assisté son directeur et un représentant du SEPC. Il était en désaccord avec les conclusions de Postes Canada et a présenté un grief auquel il a ultérieurement renoncé. Selon ses allégations, il s’est conformé à toutes les recommandations énoncées dans la décision. À cause du stress auquel il a été en proie par suite des diverses plaintes portées contre lui, l’intimé prétend avoir plusieurs problèmes médicaux, mais aucune preuve d’experts n’a été présentée à l’appui de sa prétention.

[103] L’intimé a souligné tout au cours de son témoignage qu’il est une personne qui a une bonne réputation à Postes Canada et dans la collectivité en général. Il est un employé travailleur qui prolonge régulièrement ses heures de travail pour venir à bout de ses tâches. Il a servi le syndicat et ses membres, notamment en siégeant au comité de santé et de sécurité, en élaborant et en fournissant un logiciel aux membres du syndicat en vue de l’établissement de leur déclaration de revenus, en faisant des démarches en vue de la création d’un site Web pour la section locale et en administrant bien les fonds de la section locale. Il a supervisé d’autres employés et côtoyé des douzaines de collègues travaillant au même endroit que lui. Il a travaillé à des endroits où 50 à 80 % de la main-d’œuvre est de sexe féminin. Cependant, personne d’autre que la plaignante ne l’a jamais accusé de harcèlement sexuel ou d’autres méfaits. Selon lui, c’est la preuve qu’il n’a pas harcelé sexuellement la plaignante.

II. Le droit

[104] Aux termes de l’alinéa 14(1)c) de la Loi canadienne sur les droits de la personne[1] (la Loi), le fait de harceler un individu en matière d’emploi constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite. Le harcèlement sexuel est réputé être un harcèlement fondé sur un motif de distinction illicite (par. 14(2)).

[105] Comme l’a déclaré la Cour suprême du Canada dans Janzen c. Platy Enterprises Inc.[2], le harcèlement sexuel en milieu de travail peut être défini de façon générale comme une conduite de nature sexuelle non sollicitée qui a un effet défavorable sur le milieu de travail ou qui a des conséquences préjudiciables en matière d’emploi pour la victime. Le harcèlement sexuel en milieu de travail est une atteinte à la dignité de la victime et à son respect de soi à la fois comme employé et comme être humain.

[106] Dans l’arrêt Canada (CDP) c. Canada (Forces armées) et Franke[3], la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada a précisé cette définition. Elle a déclaré que pour qu’une plainte de harcèlement soit jugée fondée, il faut que soient réunies les conditions énoncées ci‑après :

  1. La conduite reprochée doit être de nature sexuelle. Les demandes de faveurs et les sollicitations sont de nature sexuelle et constituent une forme psychologique de harcèlement sexuel. Le harcèlement peut également se manifester sur le plan physique (p. ex., pincements, étreintes, caresses, baisers, regards concupiscents). Il peut également prendre la forme d'un comportement verbal (p. ex., insultes d’ordre sexuel, remarques sexistes concernant l’apparence d’une personne ou ses habitudes sexuelles). Pour déterminer les comportements de nature sexuelle, le tribunal se fonde sur le critère de la personne raisonnable dans les mêmes circonstances, compte tenu des normes sociales existantes.
  2. Les comportements faisant l’objet de la plainte étaient importuns. Autrement dit, il faut déterminer si la conduite du présumé harceleur était désirée ou sollicitée. Pour ce faire, on peut tenir compte de la réaction de la partie plaignante au moment où sont survenus les présumés incidents de harcèlement et déterminer si celle‑ci a expressément exprimé ou démontré par son comportement que la conduite était importune. Cependant, la Cour a reconnu qu’il n’est pas nécessaire de déterminer si un refus verbal a été exprimé dans tous les cas et que le fait d’omettre à maintes reprises de répondre aux commentaires suggestifs peut être une indication au présumé harceleur que sa conduite était importune. En pareil cas, la norme à appliquer en vue d’apprécier la conduite reprochée est celle de la personne raisonnable dans les mêmes circonstances.
  3. En règle générale, il faut, pour qu’il y ait harcèlement, un élément de persistance ou de répétition. Cependant, dans certaines circonstances (p. ex., agression physique) un seul incident peut suffire à créer un milieu de travail hostile. On se fonde une fois de plus sur le critère objectif de la personne raisonnable pour évaluer cet élément.
  4. Le dernier élément doit être pris en compte lorsqu’une plainte concernant la conduite d’un employé est déposée contre un employeur. L’équité exige que l’employé avise, à la première occasion, l’employeur de la présumée conduite offensante. Cet élément n’est pas pertinent en l’espèce, étant donné que le Tribunal n’a été saisi d’aucune plainte en ce qui touche la conduite de l’employeur.

[107] Dans Stadnyk c. Canada (Commission de l’emploi et de l’immigration), la Cour d’appel fédérale a indiqué que dans les cas où il bénéficie d’un témoignage d’expert qui confirme que l’interaction homme-femme pourrait être perçue différemment par les hommes et par les femmes, le tribunal devrait appliquer le critère juridique du harcèlement sexuel du point de vue de la femme raisonnable[4]. Toutefois, en l’espèce, aucun témoignage d’expert de ce genre n’a été présenté.

III. Analyse

A. Question préliminaire – Compétence

[108] Au début de l’audience, on s’est interrogé quelque peu à savoir si l’objet de la plainte tombait sous le coup de la Loi et si, par extension, il était du ressort du Tribunal. Selon l’article 2, la Loi s’applique à toutes les questions relevant de la compétence du Parlement du Canada. Le pouvoir de légiférer sur le service postal au Canada constitue l’un des pouvoirs dévolus au Parlement aux termes du paragraphe 91(5) de la Loi constitutionnelle de 1867[5]. Même si la plaignante et l’intimé travaillent tous les deux à Postes Canada, les rapports qu’ils ont entretenus s’inscrivaient dans le cadre de leur rôle respectif au sein du syndicat et non, à proprement parler, dans le cours de l’emploi.

[109] Cependant, la preuve démontre clairement qu’un grand nombre, voire la plupart, des présumés actes d’inconduite sont survenus au lieu de travail, durant les heures de travail. C’est le cas notamment des visites et appels répétés de l’intimé au bureau de la plaignante. En outre, même les actes qui sont présumément survenus ailleurs que dans les locaux de Postes Canada s’inscrivaient dans le cadre du travail fait par les parties au nom de l’unité de négociation, lequel est en soi inextricablement lié à leur emploi. Autrement dit, la plaignante et l’intimé n’aurait jamais été en contact l’un avec l’autre si leur statut d’employé de Postes Canada ne les avait pas amenés à s’occuper d’affaires syndicales. Il me semble qu’il n’est pas essentiel que les faits qui ont donné lieu à la plainte de harcèlement liée à l’emploi se soient produits au lieu de travail qui est soumis à la réglementation fédérale. Toute conduite –  peu importe où elle survient – qui s’inscrit d’une façon ou d’une autre dans le cadre d’un emploi sous réglementation fédérale tombe sous le coup de la Loi.

[110] Comme l’a indiqué la Section de première instance de la Cour fédérale dans l’arrêt Cluff c. Canada (ministère de l’Agriculture)[6], l’expression en matière d’emploi qui figure à l’article 14 de la Loi englobe les activités que l’on peut raisonnablement et équitablement considérées comme des activités accessoires à l’emploi ou liées à celui‑ci de façon logique et naturelle. À mon avis, les activités des parties au sein de la section locale répondent à cette définition et, de ce fait, l’objet de la plainte tombe sous le coup de l’article 14. Par conséquent, le Tribunal est habilité à trancher les questions soulevées.

B. Crédibilité de la preuve

[111] Je dois affirmer dès le départ que je privilégie, presque sur tous les points, la version des faits fournie par la plaignante par rapport à celle de l’intimé. Le témoignage de la plaignante a été exhaustif, détaillé, limpide et crédible. En revanche, les dénégations et allégations générales de l’intimé voulant que la plaignante et tous les autres témoins aient fabriqué une grande partie des éléments de preuve ne sont tout simplement pas crédibles.

[112] La plaignante a déposé en preuve des notes détaillées décrivant la conduite de l’intimé, notes qu’elle a consignées à l’époque où sont survenus les présumés actes. Ces notes sont conformes à son témoignage et à celui des autres témoins. La plupart des témoins qui connaissent la plaignante ont confirmé à quel point elle est méticuleuse et organisée, tant dans son travail que dans ses activités syndicales. Le fait qu’elle ait recueilli et tenu à jour ces renseignements et la façon dont ils ont été présentés cadre bien avec cette description de sa personnalité.

[113] Plusieurs des témoins qui ont comparu à l’audience (MM. Vaughan, Hudon, Séguin, Chiumera, Fraser, Murray et Matchett) ont été interrogés par Mme Hine. Fait intéressant, le témoignage de ces témoins a été presque en tout point conforme aux déclarations consignées par Mme Hine au cours des entrevues faites entre août et octobre 1998, peu après que le comportement reproché soit survenu.

[114] Mme Hine a elle-même été citée à comparaître par l’intimé. Elle a donné aux personnes interrogées amplement l’occasion de revoir et de faire corriger ses notes, et plusieurs témoins à l’audience ont indiqué qu’ils avaient effectivement fait modifier certains passages du texte après en avoir pris connaissance à l’époque. De plus, j’ai été impressionné par le fait que Mme Hine se souvenait d’un grand nombre des réponses données lors de ces entrevues, ainsi que par le soin avec lequel elle a indiqué durant son témoignage devant le Tribunal les passages de ses notes dont elle ne se souvenait pas de mémoire. Par conséquent, je suis convaincu que les notes de Mme Hine sont le reflet fidèle de ses conversations avec les personnes qu’elle a interrogées.

[115] Mme Hine a interrogé l’intimé. Ses notes indiquent qu’il a admis certains faits substantiels qu’on lui reprochait. Par exemple, selon les notes, il a reconnu avoir parlé de sexe avec la plaignante. Il a également affirmé qu’à une occasion, soit la fois où il était [TRADUCTION] ivre, [il] a peut-être été plus hardi que d’habitude avec la plaignante. Dans son témoignage, l’intimé a nié avoir fait ces commentaires durant l’entrevue.

[116] Contrairement à la plaignante, l’intimé s’est souvent montré vague lors de son témoignage et, fait particulièrement remarquable, n’a pas du tout répondu à certaines allégations importantes faites contre lui. Par exemple, l’intimé n’a pas commenté ni contredit les allégations de la plaignante concernant l’incident survenu le 10 mars dans sa voiture ainsi que les allégations concernant l’incident qui s’est produit le 18 avril au bureau de la section locale. Les éléments que l’intimé a décidé de réfuter dans son témoignage étaient accessoires par rapport aux aspects essentiels de la plainte, et son témoignage n’a pas contribué à ébranler la preuve de la plaignante.

[117] L’angle sous lequel l’intimé a décidé d’aborder la question de la lettre d’excuses du 22 avril illustre ce point. L’intimé a souligné plusieurs fois au cours de son témoignage que c’était M. Vaughan qui avait rédigé le texte. Je ne trouve pas la prétention de l’intimé convaincante. MM. Vaughan et Fraser, qui ont à mon avis présenté un témoignage crédible dans l’ensemble, ont tous deux nié avoir aidé l’intimé. Fait plus important, l’utilisation dans la lettre de l’expression time to time indique que c’est l’intimé qui a rédigé la lettre. L’avocat de la Commission a souligné que l’intimé a souvent utilisé cette expression de la même façon (c’est‑à-dire sans la faire précéder de la préposition from, comme le veut l’usage) au cours de l’audience. Le superviseur de l’intimé, M. Eloise, a mentionné dans son témoignage que l’anglais n’est pas la première langue de l’intimé, dont certaines aptitudes linguistiques laissent à désirer. En fait, c’est la raison pour laquelle l’intimé allègue avoir demandé de l’aide pour rédiger la lettre. Toutefois, la question à savoir si M. Vaughan a aidé ou non l’intimé n’a pas vraiment à voir avec celle qui consiste de déterminer s’il a commis les présumés actes discriminatoires. L’intimé a semblé vouloir insinuer que la lettre d’excuses ne pourrait être considérée comme un aveu de culpabilité s’il n’en était pas l’auteur. Cependant, peu importe qui a rédigé la lettre, l’intimé l’a signée et a affirmé, en fait, lors de son témoignage qu’il était d’accord avec son contenu.

[118] Quoi qu’il en soit, l’intimé a envoyé précédemment, par courrier électronique dans la matinée du 21 avril, un message d’excuses distinct dont il reconnaît être l’auteur. L’intimé n’a précisé dans aucun de ces deux documents de quoi il était [TRADUCTION] désolé, et la preuve indique qu’il s’était bien acquitté de ses fonctions de trésorier jusqu’à ce moment‑là. La plaignante soutient que, par conséquent, les excuses avaient forcément trait à ses actes de harcèlement, notamment à l’incident survenu le 18 avril au bureau de la section locale. Au cours de son témoignage, l’intimé n’a fourni aucune autre explication au sujet de la bévue qu’il aurait pu commettre. Par conséquent, la prétention de la plaignante n’a pas été contredite par l’intimé.

[119] Le fait que la plaignante ait expédié le 23 octobre 1998 à d’autres sections locales du SEPC un document dans lequel elle se plaignait de la conduite de l’exécutif du Syndicat, notamment de sa réaction à ses plaintes contre l’intimé, est un autre élément accessoire qui a préoccupé celui‑ci. Dans ce document, qui comptait plusieurs pages et auquel étaient annexées des photocopies des lettres échangées entre la plaignante et l’exécutif du SEPC, il est fait mention du prénom de l’intimé une fois, probablement par inadvertance, puisque toutes les autres références à lui dans le document ont été effacées. Cependant, l’intimé a consacré à l’audience beaucoup d’énergie à dire combien il était outré que son identité ait été dévoilée, et ce même si le document a été envoyé bien après les présumés incidents de harcèlement et était, par conséquent, peu ou pas pertinent à l’enquête sur le bien-fondé de la plainte.

[120] Je suis conscient du fait que l’intimé n’était pas représenté par avocat. S’il est vrai qu’il est important que le Tribunal donne aux parties qui ne sont pas représentées une certaine latitude dans la présentation de leur preuve, particulièrement lorsque la partie adverse a l’avantage d’être représentée par avocat, il reste qu’elles sont soumises aux principes de preuve qui s’appliquent à toutes les plaintes concernant les droits de la personne. Toutes les parties, qu’elles soient représentées ou non, si elles ont omis de présenter des éléments de preuve essentiels pour établir le bien-fondé de leurs arguments ou si elles n’ont pas répliqué à la preuve présentée doivent en subir les conséquences.

C. La conduite de l’intimé était-elle de nature sexuelle?

[121] À mon avis, la conduite de l’intimé était de nature sexuelle. Pour les motifs que je viens d’exposer, j’accepte dans son intégralité le témoignage de la plaignante au sujet des propos que l’intimé a tenus le 10 mars dans l’allée menant à l’immeuble où elle résidait, ainsi que de l’incident survenu le 18 avril au bureau de la section locale. Les commentaires formulés par l’intimé lors que ces deux incidents étaient manifestement de nature sexuelle et représentaient rien de moins que des sollicitations directes de relations sexuelles avec la plaignante. En outre, il y a eu contact physique lors du deuxième incident. Par ailleurs, les autres sollicitations au bureau de la section locale, au bureau de la plaignante ou au téléphone sont elles aussi manifestement de nature sexuelle. Cependant, l’intimé ne s’en n’est pas tenu à des sollicitations. Il a également manifesté certains des comportements qui, selon l’arrêt Franke, constituent d’autres formes de conduite de nature sexuelle, notamment le fait de regarder la victime fixement ou de manière concupiscente ainsi que ses commentaires répétés au sujet de son apparence. À mon avis, les attentions exagérées de l’intimé à l’égard de la plaignante, par exemple son désir que le syndicat lui achète des cadeaux et ses tentatives pour communiquer avec elle en dehors du lieu de travail, peuvent également être raisonnablement perçues dans les circonstances comme ayant une connotation sexuelle.

[122] Par conséquent, je suis convaincu que la conduite de l’intimé était de nature sexuelle.

D. La conduite de l’intimé était-elle importune?

[123] Je suis également persuadé que la plaignante a démontré à l’intimé que sa conduite était importune. Elle a indiqué on ne peut plus clairement dans ses lettres des 18 avril et 20 juillet qu’elle jugeait sa conduite inacceptable. Le niveau de détail avec lequel elle l’informe du caractère importun des actes est remarquable. Aucune personne raisonnable ne pourrait interpréter ses propos comme autre chose qu’une réprobation claire et nette de son comportement. Cependant, l’intimé n’a pas modifié son comportement, même après avoir reçu la première lettre. Il a semblé donner à entendre que sa lettre d’excuses du 22 avril avait réglé ce qu’il estimait être une mésentente entre lui et la plaignante. À son avis, il pouvait continuer de communiquer avec la plaignante aussi souvent qu’auparavant. En présumant qu’il ait pu avoir des raisons de penser ainsi, celles‑ci auraient dû être dissipées par l’appel téléphonique qu’il a reçu le 23 avril de la part de la plaignante et de MM. Vaughan et Fraser, au cours duquel on lui a donné instruction de cesser de communiquer avec elle. Cependant, plutôt que de modifier son comportement, il a recommencé au bout de quelques jours à lui faire des visites et à lui téléphoner.

[124] Par ailleurs, l’intimé possédait les connaissances nécessaires pour déterminer que sa conduite était importune, dès le moment où il se joint à l’exécutif de la section locale, en février 1998. L’intimé a reconnu au cours de son témoignage qu’il avait suivi en septembre un cours sur le harcèlement sexuel offert par l’AFPC. Tous les membres du SEPC, particulièrement les dirigeants faisant partie de l’exécutif de la section locale, disposaient d’une documentation concernant le harcèlement sexuel. Les Statuts de l’AFPC et les Règlements du SEPC, qu’on s’attend à ce que les dirigeants faisant partie de l’exécutif de la section locale connaissent, énoncent les politiques de ces organisations en matière de harcèlement sexuel. De surcroît, l’intimé a suivi en avril 1998 un cours sur le harcèlement personnel et sexuel donné par la section locale. Au congrès de mai 1998 du SEPC, tenu à Montréal et auquel l’intimé a participé, un atelier sur le harcèlement sexuel a été présenté. En juin 1998, l’intimé a suivi un cours sur les menaces et la sensibilisation comportementale. Compte tenu de cette formation qu’il a reçue et de l’information dont il disposait, l’intimé aurait raisonnablement dû comprendre que sa conduite était inacceptable. Eu égard au rejet constant par la plaignante de ses avances et à ses exhortations à lui ficher la paix, il aurait certes dû s’apercevoir que sa façon d’agir était considérée importune.

[125] Par conséquent, je suis persuadé que la conduite de l’intimé était importune.

E. La conduite de l’intimé comportait-elle un élément de persistance ou de gravité suffisant pour créer un milieu de travail hostile?

[126] À mon avis, la conduite de l’intimé était suffisamment grave et répétitive pour empoisonner le milieu dans lequel se trouvait la plaignante, tant au travail qu’à l’extérieur. J’accepte son témoignage voulant qu’elle se soit sentie obligée de déserter souvent son bureau et de recourir à d’autres tactiques évasives afin de réduire au minimum ses rapports avec l’intimé. Le fait que l’intimé ait persisté dans son comportement a amené la plaignante à craindre pour son bien-être physique. Le contact sexuel non souhaité survenu au bureau de la section locale le 18 avril a avivé son inquiétude. Même s’il est vrai que l’intimé a finalement relâché son étreinte et obtempéré à ses adjurations, sa façon d’agir ce jour‑là a été suffisamment grave pour créer un milieu hostile, particulièrement à la lueur de ses rejets clairs et non équivoques de ses avances sexuelles. Il n’y a aucune façon pour lui de prétendre qu’il y a eu méprise de sa part.

[127] Je suis persuadé que n’importe quelle personne raisonnable estimerait que la conduite de l’intimé a créé un milieu hostile pour la plaignante.

[128] Pour les motifs que je viens d’énoncer, j’ai conclu que l’intimé a sexuellement harcelé la plaignante, contrevenant ainsi à l’article 14 de la Loi.

IV. Les mesures de redressement

[129] Ayant conclu que l’intimé a sexuellement harcelé la plaignante, je dois maintenant déterminer les mesures de redressement qui s’imposent. si tant est qu’il y en ait. Les pouvoirs du Tribunal à cet égard sont énoncés à l’article 53 de la Loi, qui permet d’imposer des mesures destinées à prévenir des actes semblables et à indemniser la victime. L’indemnisation vise à remettre la victime dans la position où elle aurait été n’eût été de l’acte discriminatoire à l’origine l’obligation de la dédommager. Seule la partie de la perte qui est raisonnablement prévisible est recouvrable[7].

A. Dépenses liées au déménagement de la plaignante

[130] La plaignante a allégué que, par suite du comportement de l’intimé, qui, craignait-elle, était devenu une forme de harcèlement criminel, elle a été contrainte de déménager et d’aller résider bien en dehors d’Ottawa. Elle espérait que le fait de déménager à un endroit éloigné qu’il ne connaîtrait pas l’empêcherait, ou du moins le dissuaderait, de communiquer avec elle ailleurs qu’au travail. Sa décision a été provoquée en grande partie par le déménagement de l’intimé à proximité de l’appartement où elle résidait à l’époque. Elle demande donc d’être indemnisée des frais qu’elle a engagés à l’occasion de son déménagement ainsi que des frais supplémentaires de déplacement découlant de son éloignement d’Ottawa. La plaignante a indiqué dans son témoignage qu’elle était satisfaite de l’appartement où elle résidait et particulièrement du fait qu’il était situé à un endroit central, ce qui lui permettait de marcher jusqu’au travail. Avant que survienne les incidents de harcèlement sexuel, elle n’avait pas songé à déménager.

[131] Je suis persuadé que les craintes de la plaignante étaient légitimes et raisonnables, compte tenu du fait que l’intimé ne cessait de communiquer avec elle, malgré ses nombreuses demandes pour qu’il mette fin sans tarder à ce comportement. La plaignante a affirmé lors de son témoignage qu’un agent de sécurité supérieur de Postes Canada auquel elle avait demandé conseil en juillet 1998 lui avait dit que la conduite de l’intimé correspondait au profil courant des harceleurs criminels. Ce renseignement n’a fait que la conforter dans son opinion que l’intimé constituait une réelle menace à son bien-être mental et même physique, d’autant plus qu’il l’avait déjà physiquement agressée au moins une fois.

[132] Dans ce contexte, je suis persuadé que sa décision de déménager, prise en réaction à la menace qu’il posait, était raisonnablement prévisible et que les dommages-intérêts liés à cette décision sont, par conséquent, recouvrables. Toutefois, la partie plaignante a l’obligation de limiter ses dommages-intérêts[8]. En l’espèce, la plaignante demande qu’on lui rembourse les dépenses liées à l’achat de la maison unifamiliale dans laquelle elle a emménagé lorsqu’elle a quitté son appartement. Je n’ai aucune raison de douter de la sincérité de la plaignante, qui a allégué qu’elle n’avait aucunement l’intention de déménager ou de s’acheter une maison avant d’être victime de harcèlement de la part de l’intimé; cependant, il me semble qu’elle était dans l’obligation d’atténuer ses pertes en cherchant dans la mesure du possible à se reloger dans un logement comparable. Dans un tel cas, elle aurait été en mesure de réclamer les frais excédentaires au titre du loyer.

[133] Je n’ai été saisi d’aucun élément de preuve indiquant qu’il a été difficile, voire impossible, à la plaignante de trouver un logement locatif qui lui aurait permis de s’éloigner de l’intimé. À mon avis, il ne conviendrait pas que l’intimé soit obligé d’assumer les dépenses liées à l’acquisition par la plaignante d’un nouvel élément d’actif, qu’elle est susceptible de revendre un jour à profit. Autrement dit, même si le déménagement de la plaignante à un endroit éloigné de la résidence de l’intimé était peut-être raisonnablement prévisible, la décision d’acheter une maison ne l’était pas. Par conséquent, j’estime que la plaignante n’a pas droit au remboursement des dépenses liées à l’acquisition de sa maison en juin 1999.

[134] Les dépenses qu’elle a le droit de se faire rembourser sont les suivantes :

Dépenses liées au déménagement de ses meubles et autres effets personnels : 817,50 $
Frais de stationnement au travail (la plaignante n’habite plus à distance de marche de son lieu de travail) : 750,00
Avis de changement d’adresse postale : 32,00

Nouveaux raccordements aux services publics : 95,00
Dépenses accrues – téléphone cellulaire plutôt que conventionnel : 762,00
Dépenses supplémentaires liées au kilométrage accru pour se rendre au travail et en revenir : 4 200,00
Total : 6 656,50 $

[135] J’ordonne à l’intimé de verser à la plaignante la somme de 6 656,50 $, afin de l’indemniser des frais qu’elle a engagés par suite de l’acte discriminatoire commis à son endroit (alinéa 53(2)c) de la Loi).

B. Lettre d’excuses

[136] La Commission et la plaignante ont demandé une lettre d’excuses de la part de l’intimé. Au moment de l’audience, la Section de première instance de la Cour fédérale ne s’était pas encore prononcée sur l’affaire de contrôle judiciaire découlant de la décision rendue par le Tribunal dans Stevenson c. Service canadien du renseignement de sécurité[9]. La Cour fédérale devait déterminer notamment si le Tribunal canadien des droits de la personne est habilité à ordonner aux parties intimées de fournir des lettres d’excuses. Dans les circonstances, la Commission et la plaignante ont demandé le maintien de la compétence du Tribunal à cet égard en attendant que la Cour fédérale ait rendu son jugement.

[137] La Cour a prononcé son jugement le 24 mars 2003[10] . Elle a conclu que la Loi ne saurait être interprétée comme habilitant le Tribunal à rendre de telles ordonnances. Cette décision a un effet obligatoire pour ce Tribunal; par conséquent, la demande de lettre d’excuses est rejetée.

C. Préjudice moral

[138] L’alinéa 53(2)e) de la Loi précise que le Tribunal peut ordonner à la personne trouvée coupable d’un acte discriminatoire de verser une indemnité d’au plus 20 000 $ à la victime qui a souffert un préjudice moral. En l’espèce, la plaignante demande au tribunal d’ordonner à l’intimé de verser l’indemnité maximale.

[139] Cette disposition, de même que celle qui est prévue au paragraphe 53(3) traitant de l’indemnité à verser dans les cas où l’acte est délibéré ou inconsidéré et que j’examine plus loin dans la présente décision, est entrée en vigueur le 30 juin 1998. Étant donné que l’acte discriminatoire s’est poursuivi au‑delà de cette date, ces dispositions s’appliquent en l’espèce[11].

[140] Il ne fait aucun doute que le harcèlement dont la plaignante a été victime de la part de l’intimé a considérablement bouleversé sa vie et énormément influé sur son bien-être. Lors de son témoignage, elle a décrit les effets de la conduite de l’intimé sur son état affectif, notamment le fait qu’elle éclatait en sanglots à l’occasion, qu’elle était de plus en plus impatiente à l’égard de ses collègues de travail et d’autrui, qu’elle était hantée par l’idée de rencontrer l’intimé, qu’elle avait le sentiment d’être atteinte au plus profond de son être et qu’elle éprouvait de la gêne. Plusieurs témoins connaissaient bien la plaignante. Lors de leur témoignage, ils ont décrit l’esprit d’autonomie et la volonté qui l’animaient avant qu’elle soit victime de harcèlement de la part de l’intimé, et comment son caractère s’était manifestement détérioré durant la période où elle a été harcelée. Son rendement professionnel s’est aussi dégradé à cause du stress auquel elle était en proie et des mesures qu’elle a prises pour éviter d’entrer en contact avec l’intimé.

[141] Après quelques mois, la plaignante a réussi à revenir à une situation relativement normale. Cependant, ce n’est qu’après qu’elle eut décidé de s’éloigner de son lieu de résidence antérieur, et après qu’on eut adopté d’importantes mesures de sécurité dans son milieu de travail, lesquelles sont encore en place à ce jour, que ce résultat a été atteint.

[142] Compte tenu de toutes les circonstances pertinentes, j’ordonne à l’intimé de verser à la plaignante une somme de 12 000 $ pour compenser le préjudice moral qu’elle a souffert.

[143] Il semble que, dans le cadre de l’entente de règlement relative à la plainte déposée contre le SEPC et l’AFPC, la plaignante ait reçu une indemnité pour préjudice moral. Toutefois, mon appréciation des dommages-intérêts à cet égard est fondée strictement sur les éléments qui ont directement trait à l’acte discriminatoire commis par l’intimé. Ces dommages-intérêts peuvent être dissociés de ceux causés par la conduite des syndicats. Par conséquent, je suis convaincu qu’aucun problème de double indemnisation ne se pose et qu’il n’est pas nécessaire de défalquer des sommes accordées en vertu de la présente décision les indemnités que la plaignante a reçues de la part des syndicats.

D. Conduite délibérée ou inconsidérée

[144] La plaignante et la Commission demandent également l’indemnité maximale prévue au paragraphe 53(3) de la Loi, qui précise que le Tribunal peut ordonner à l’auteur d’un acte discriminatoire de payer à la victime une indemnité maximale de 20 000 $, s’il en vient à la conclusion que l’acte a été délibéré ou inconsidéré.

[145] Les éléments de preuve indiquant que la conduite de l’intimé était inconsidérée sont accablants. L’intimé a suivi plusieurs cours de sensibilisation au harcèlement sexuel et était, par conséquent, pleinement en mesure de comprendre que sa conduite était inacceptable, voire illicite. Cependant, il a couru le risque déraisonnable de manifester à l’égard de la plaignante une inconduite importune de nature sexuelle. En outre, l’intimé a continué de harceler la plaignante malgré ses exhortations et instructions répétées voulant qu’il cesse de se conduire de cette manière.

[146] Par conséquent, je suis convaincu que l’acte discriminatoire commis par l’intimé était non seulement inconsidéré mais aussi délibéré. Dans les circonstances, j’ordonne à l’intimé de verser à la plaignante la somme de 15 000 $ en guise de dommages-intérêts, conformément au paragraphe 53(3).

E. Intérêts

[147] Toutes les indemnités accordées conformément à la présente décision donnent droit au versement d’intérêts (par. 53(4) de la Loi). Les intérêts doivent être calculés à taux simple, sur une base annuelle, en se fondant sur un taux équivalant au taux d’escompte fixé par la Banque du Canada (données de fréquence mensuelle). En ce qui concerne l’indemnité pour préjudice moral et l’indemnité accordée à l’égard de l’acte délibéré ou inconsidéré, les intérêts courront à compter du 10 mars 1998, soit la date où l’intimé a sexuellement harcelé la plaignante dans sa voiture, et ce, jusqu’à la date du paiement. Les intérêts versés sur chacune de ces indemnités ne devront en aucun cas faire en sorte qu’on dépasse le maximum permis de 20 000 $[12]. Comme les dépenses liées au déménagement de la plaignante ont été engagées à divers moments, jusqu’à la date de l’audience, j’ordonne que les intérêts à payer à l’égard de ces dépenses courent à compter de la date de la présente décision, et ce, jusqu’à la date du paiement.

F. Formation et conseils pour prévenir le harcèlement sexuel

[148] L’intimé a suivi plusieurs cours de sensibilisation au harcèlement sexuel – la plupart avant ou durant la période où il a harcelé la plaignante. Le dernier cours qu’il a suivi s’inscrivait dans le cadre des réprimandes qu’il a reçues de Postes Canada après que Mme Hine eut déposé son rapport d’enquête. La Commission a soutenu qu’en dépit de cette formation, l’intimé n’a jamais modifié son comportement et continue encore de prétendre qu’il n’a jamais harcelé sexuellement la plaignante. La Commission a fait remarquer que les cours que l’intimé a suivis antérieurement étaient d’une durée relativement brève – jamais plus d’une journée. Par conséquent, elle a demandé que l’intimé soit contraint de suivre un ensemble de séances de formation générale et intensive, conformément à l’alinéa 53(2)a) de la Loi.

[149] Une telle formation est à mon avis justifiée. Par conséquent, j’ordonne que l’intimé suive un cours sur le harcèlement sexuel d’une durée d’au moins trois jours complets. Le cours sera choisi par la Commission. Les frais raisonnables pour suivre ce cours de formation seront à la charge de l’intimé.

G. Maintien de la compétence

[150] Je conserve ma compétence pour le cas où surviendrait un différend relativement à la mise en œuvre des mesures de redressement et au calcul des indemnités accordées en vertu de la présente décision.

Signée par

Athanasios D. Hadjis
Membre du tribunal

Ottawa (Ontario)
Le 5 juin 2003

Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T722/2702

Intitulé de la cause : Connie Bushey c. Arvind Sharma

Date de la décision du tribunal : Le 5 juin 2003

Comparutions :

Connie Bushey, pour la plaignante

Ceilidh Snider, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Arvind Sharma, pour l'intimé

[1] L.R.C. 1985, ch. H-6.

[2] [1989] 1 R.C.S. 1252.

[3](1999), 34 C.H.R.R. D/140, aux paragraphes 29 à 50 (C.F., 1re inst.).

[4] (2000), 38 C.H.R.R. D/290, par. 25 (C.A.F.).

[5] (R.‑U.), 30831 Vict., ch. 3, réimprimée dans L.C.R. (1985), App. II, No 5.

[6] [1994] 2 C.F. 176 (C.F., 1re inst.).

[7] Canada (Procureur général) c. Green (2000), 38 C.H.R.R. D/1, par. 142 (C.F., 1re inst.).

[8] Ibid.

[9] (2001), 41 C.H.R.R. D/433 (T.C.D.P.).

[10] Canada (Procureur général) c. Stevenson, 2003 CFPI 341 (C.F., 1re inst.).

[11] Nkwazi c. Canada (Service correctionnel)(no 3) (2001), 39 C.H.R.R. D/237, par. 257 à 270 (T.C.D.P.); Woiden c. Lynn (no 2) (2002), 43 C.H.R.R. D/296 (T.C.D.P.).

[12] Canada (Procureur général) c. Hébert (1995), C.H.R.R. D/375, par. 23 (C.F., 1re inst.).

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