Tribunal canadien des droits de la personne

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Canadian Human Rights Tribunal Tribunal canadien des droits de la personne

ENTRE :

LISE GOYETTE

la plaignante

- et -

SYNDICAT DES EMPLOYÉ(ES) DE TERMINUS

DE VOYAGEUR COLONIAL LIMITÉE (CSN)

l'intimé

MOTIFS DE LA DÉCISION

D.T. 14/01 2001/11/16

MEMBRES INSTRUCTEURS : Jacinthe Théberge, présidente

Athanasios Hadjis, membre

Marie-Claude Landry, membre

TABLE DES MATIÈRES

I. RÉSUMÉ DES FAITS

II. LES QUESTIONS EN LITIGE

III. LES ARGUMENTS PRÉSENTÉS PAR LA CSN

IV. LES ARGUMENTS DE LA PLAIGNANTE

V. DÉCISION DU TRIBUNAL SUR LA RÈGLE FUNCTUS OFFICIO

VI. DÉTERMINATION DU QUANTUM

VII. ORDONNANCE

I. RÉSUMÉ DES FAITS

[1] Le ou vers le 20 novembre 1991, la plaignante, Mme Lise Goyette déposait une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne alléguant qu'à compter du mois de janvier 1988, l'intimé, le Syndicat des employés de terminus de Voyageur Colonial Limitée (CSN), aurait agi de façon discriminatoire en appliquant, notamment, des lignes de conduite et en négociant des ententes qui limiteraient les chances d'emploi et d'avancement en raison du sexe, contrairement aux dispositions des articles 9 et 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP). (1)

[2] Le ou vers le 25 mars 1992, Mme Goyette amendait sa plainte datée du 20 novembre 1991 en modifiant la période où les actes discriminatoires allégués auraient été commis de la part du défendeur Syndicat des employés de terminus de Voyageur Colonial Limitée (CSN), en alléguant cette fois-ci que lesdits actes auraient été commis à compter du mois de décembre 1989;

[3] Ce Tribunal a été constitué et après une audience de sept jours, a rendu une décision en date du 14 octobre 1997, accueillant la plainte de Mme Goyette, en ces termes:

CONCLUSION

Le Tribunal en vient à la conclusion qu'en acceptant et concluant la convention collective de travail, signée le 7 décembre 1989, le syndicat des employé-e-s de terminus de Voyageur Colonial Limitée (CSN) a commis un acte de discrimination systémique à l'égard d'un groupe d'employés, les téléphonistes (majoritairement des femmes) les limitant dans leurs chances d'emploi et d'avancement.

Même si en général la façon de fonctionner des syndicats répond aux besoins de l'ensemble des travailleurs, le présent Tribunal ne peut entériner le fait que le syndicat des employé-e-s de terminus de Voyageur Colonial Limitée (CSN) ait négocié des conditions de travail censées s'appliquer à tous les employé-e-s en créant en parallèle un système défavorisant un groupe d'employés, membres du même syndicat, les téléphonistes (majoritairement des femmes) les privant des mêmes chances d'avancement au sein de l'entreprise.

[4] Compte tenu de ce qui précède, le présent Tribunal a condamné l'intimé, le Syndicat des employé-e-s de terminus de Voyageur Colonial Limitée (CSN). (2) Le Tribunal a également conservé sa compétence au sujet des modalités pour déterminer les montants alloués à titre de redressements, tel que requis par les parties et selon les termes exposés ci-après:

Pour les motifs énoncés dans les conclusions de notre décision, le Tribunal estime que les réparations suivantes sont appropriées en l'espèce et ordonne au syndicat des employé-e-s de terminus de Voyageur Colonial Limitée (CSN) de payer à la plaignante les montants suivants dans les trente (30) jours de la présente décision:

  1. Préjudice moral: conformément à l'article 53 (3) b) de la LCDP, le Tribunal conclut que la plaignante à [sic] droit à une indemnité de $5,000.00 pour le préjudice moral qu'elle a subi en raison de la pratique discriminatoire.
  2. Perte de salaire et d'avantages: conformément à l'article 53 (2) c) le Tribunal ordonne à l'intimé de rembourser à la plaignante le salaire et les avantages qu'elle a perdus pour la période du 7 décembre 1989 au 6 juin 1996.
  3. Frais supplémentaires: conformément à l'article 53 (2) d) de C.C.D.P., l'intimé doit payer un montant de $3,000.00 couvrant les dépenses liées au dépôt de la plainte et qui ont été effectuées par la plaignante en raison de la pratique discriminatoire, celle-ci s'étant représentée elle-même.
  4. Intérêts: la plaignante a droit à des intérêts simples sur les sommes accordées conformément aux paragraphes 2 et 3 précédants [sic], aux taux préférentiel de la Banque du Canada applicable au moment du dépôt de la plainte, depuis ce dépôt jusqu'à la date de la présente décision.

S'il y a un problème pour effectuer les calculs et que les parties ne peuvent s'entendre au sujet des modalités pour déterminer les montants, le Tribunal pourra se réunir à la demande de l'une ou l'autre des parties pour entendre la preuve à cet effet et résoudre le différent [sic]. (3)

[5] Le Syndicat a porté cette décision en révision devant la Cour fédérale, section de première instance, et la demande a été rejetée le 5 novembre 1991 par le Juge Pinard. Le Syndicat est en appel de cette décision devant la Cour d'appel fédérale actuellement.

[6] Le 20 mars 2000, la plaignante Lise Goyette a fait parvenir une lettre au Tribunal nous demandant de déterminer le montant concernant les perte de salaire et avantages, tel qu'ordonnés au paragraphe 2 de cet extrait ci-haut cité de la décision du Tribunal, puisqu'il y avait désaccord entre les parties.

[7] Le 3 avril 2000, Me Marie Pépin, avocate du Syndicat des employée-e-s de terminus de Voyageur Colonial Limitée (CSN), a avisé le Tribunal par écrit que le syndicat n'était pas d'accord avec les sommes réclamées par Mme Goyette parce qu'elles étaient trop élevées. De plus, Me Pépin nous a informé du fait que:

Aussi, l'entreprise Voyageur Colonial Ltée n'existant plus, ce syndicat n'a plus de membres.

Comme vous le savez, la cause est présentement en appel. Si le tribunal juge opportun de nous entendre à ce stage, j'en informerai le représentant du syndicat.

[8] Suite à la lettre de Me Pépin, le 28 avril 2000, le Tribunal a décidé de fixer une rencontre afin d'entendre les parties sur les points suivants:

  1. obtenir l'information nécessaire pour établir le quantum conformément au paragraphe 2, page 14, Perte de salaire et avantages, décision du Tribunal, rendue le 14 octobre 1997;
  2. obtenir le taux préférentiel de la Banque du Canada en date du 20 novembre 1991, afin de calculer les intérêts selon le paragraphe 4, page 14, de la décision D.T.8/97;
  3. entendre les soumissions de l'intimé suite à la lettre de Me Pépin du 3 avril 2000.

[9] Le 17 mai 2000 une lettre fut envoyée à Me Pépin et à Mme Goyette les convoquant à une rencontre à Montréal le 9 juin 2000 afin de discuter des points énumérés au paragraphe précédent.

[10] En date du 26 mai 2000, le Tribunal fut avisé que le défendeur Syndicat des employés de terminus de Voyageur Colonial Limitée (CSN) avait fait cession de ses biens en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité (4) et la firme Raymond Chabot Inc. agissait en qualité de syndic aux biens du syndicat défendeur.

[11] Le 8 juin 2000, le Tribunal, suite à la réception de l'avis de suspension de procédures, a décidé d'annuler la réunion prévue pour établir le quantum et a informé Me Pépin et Mme Goyette que conformément aux articles 121 et 135 de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, sa réclamation devrait être acheminée au syndic de la faillite.

[12] Le 6 juillet 2000, le Tribunal a reçu une demande du procureur de la plaignante, Me Marco Romani, dans le but de refixer une rencontre selon les termes suivants:

Ma cliente désire que la cause, ci-haut mentionné, [sic] soit refixé au rôle afin de pouvoir déterminer la somme exacte qui lui serait dû [sic] en vertu de la décision initiale. Nonobstant la faillite de la section locale ma cliente a l 'intention d'exercer la décision du tribunal contre la CSN afin d'être dédommagée. (nous soulignons)

[13] Suite à cette nouvelle demande de la part de la plaignante, le Tribunal a convoqué Me Pépin et Me Romani pour une rencontre à Montréal en octobre 2000 afin d'entendre les parties sur les soumissions de Me Romani concernant l'intention de Mme Goyette d'exécuter la décision du Tribunal contre la Confédération des Syndicats Nationaux (CSN).

[14] Le 11 octobre 2000, Me Pépin a adressé une lettre au Tribunal lui faisant part qu'elle serait absente à la rencontre du 23 octobre 2000, pour les raisons suivantes:

Dans le dossier mentionné en rubrique, le Syndicat intimé a fait cession de ses biens le 26 mai 2000. La firme Raymond, Chabot Inc. agit à titre de syndic et monsieur Christian Bourque est la personne responsable de l'actif.

Un avis de suspension des procédures a été émis le 6 juin 2000. Aucune requête en continuation des procédures n'a été présentée conformément à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.

Le syndic représente actuellement le failli. La soussignée n'est plus mandatée pour ce faire et, en conséquence, ne peut être présente à l'audience du 23 octobre.

[15] Suite à la réception de la lettre de Me Pépin, le 19 octobre 2000, le Tribunal a avisé le représentant du syndic, M. Christian Bourque, de la tenue de la réunion le 23 octobre 2000, à Montréal.

[16] Me Jean-François Cliche, procureur de la CSN, s'est présenté devant le Tribunal, à la réunion du 23 octobre 2000, alléguant que la CSN est une entité juridique totalement indépendante du Syndicat des employé-e-s de terminus de Voyageur Colonial Limitée (CSN) et a déposé les documents de constitution de leur organisme à cet effet. De plus, il y a eu un consensus à l'effet que le Tribunal ne pouvait reprendre les audiences sur le quantum tant que Mme Goyette n'aurait pas obtenu la permission de la Cour Supérieure de continuer les procédures conformément à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.

[17] En date du 7 mai 2001, Mme Goyette a fait signifier une requête en continuation des procédures en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Cette requête fut présentée le 23 mai 2001, et le même jour, Me Romani a avisé le Tribunal par écrit, que le Syndic a été libéré, en ces termes :

Cependant sachez que nous avons appris ce matin que le syndic a été libéré et que nonobstant la décision du tribunal nous pouvons continuer les procédures devant la Commission. La décision du tribunal de la faillite devrait refléter ce fait et je vous en transmets copie sur réception.

[18] Par conséquent, le Tribunal a adressé une lettre aux parties en cause en date du 15 juin 2001, indiquant ce qui suit:

Le Tribunal nommé à ce dossier a l'intention de re-fixer [sic] les audiences afin de pouvoir déterminer les sommes exactes dues en vertu de la décision initiale du Tribunal. Lors de cette audience, le Tribunal désire entendre les parties sur les points suivants:

  1. obtenir l'information nécessaire pour établir le quantum conformément au paragraphe 2, page 14, perte de salaire et d'avantages, décision du Tribunal D.T. 8/97 rendue le 14 octobre 1997;
  2. obtenir le taux préférentiel de la Banque du Canada en date du 20 novembre 1991, afin de calculer les intérêts selon le paragraphe 4, page 14, décision du Tribunal, D.T. 8/97;
  3. de plus considérant les représentations faites lors de la réunion du 23 octobre 2000, entendre les parties relativement à la participation de la CSN dans cette affaire.) (nous soulignons)

(…)

[19] En réponse à cette lettre du 15 juin 2001, Me Cliche, avocat de la CSN, transmettait une lettre au Tribunal canadien des droits de la personne écrivant notamment, en ce qui concerne la participation de la CSN dans cette affaire, ce qui suit :

[…]le Tribunal canadien des droits de la personne n'a aucune juridiction quant à cette matière. En effet, la plainte de madame Goyette ne fut pas dirigée à l'endroit de la Confédération des Syndicats Nationaux et d'autre part, en rendant sa décision en date du 14 octobre 1997 dans le présent dossier, le Tribunal canadien des droits de la personne est devenu functus officio, sauf quant à la détermination des montants pour lesquels le Tribunal s'est réservé expressément sa juridiction.

[20] Par la suite, les parties en cause ont reçu une lettre datée du 29 juin 2001 de l'agente de greffe du Tribunal canadien des droits de la personne dans laquelle on retrouvait les ordonnances suivantes:

Le Tribunal ordonne ce qui suit:

1. Question du quantum:

Le Tribunal est d'avis qu'il est prématuré de reprendre les audiences et de fixer le quantum avant que la plaignante ait obtenu la permission de la Cour supérieure de continuer les procédures contre le Syndicat des employé(es) de terminus de Voyageur Colonial Limitée (CSN). Lorsqu'une décision sera rendue le Tribunal établira, le cas échéant, des dates d'audience afin d'entendre les représentations des parties sur ce point.

2. Participation de la CSN:

Par ailleurs, le Tribunal possède la juridiction pour entendre les représentations des parties quant à la participation de la CSN dans ce dossier. Deux (2) journées d'audience sont prévues le 16 et 17 août 2001, à Montréal. Je vous ferai parvenir un avis de reprise d'audience indiquant le lieu exact de cette audience sous peu.

[21] Le 9 juillet 2001, un jugement de la Cour Supérieure fut rendu sur la requête en continuation des procédures dans lequel la Cour déclare ce qui suit:

ACCORDE la présente requête;

AUTORISE la poursuite des procédures en ce qui concerne le litige D.T. 8/97, pièce R-5, sans que la requérante ne puisse exécuter cependant ladite décision contre la débitrice, laquelle est libérée.

[22] Par conséquent, en date du 17 juillet 2001, le Tribunal transmit à la demanderesse un avis de reprise d'audience pour les 16 et 17 août 2001.

[23] Suite à l'ordonnance du Tribunal, ci-haut mentionnée, concernant la fixation de nouvelles journées d'audience en vue, notamment d'entendre les représentations des parties quant à la participation de la CSN dans ce dossier, la CSN a présenté une demande d'ordonnance de sursis à la Cour fédérale du Canada, alléguant que lorsque ce Tribunal a rendu sa décision le 14 octobre 1997, il est devenu functus officio, sauf quant à la fixation du quantum pour lequel il s'est réservé sa juridiction.

[24] Le 3 août 2001, le juge Lemieux de la Cour fédérale du Canada, section première instance, a rendu une ordonnance sur ladite requête concernant la tenue des audiences devant le Tribunal canadien des droits de la personne quant à la participation de la Confédération des syndicats nationaux dans ce dossier. La décision est à l'effet que cette demande de contrôle judiciaire est prématurée et que les cours de justice hésitent avant d'intervenir au stage préliminaire d'une procédure.

[25] Le juge Lemieux réaffirme le principe de droit que le Tribunal canadien des droits de la personne, étant un tribunal administratif, a comme but premier d'établir et analyser les faits lui permettant de les appliquer aux principes de droit pertinents. Il conclut que: (5)

La question que le tribunal doit résoudre est de savoir si dans les faits ou d'après le droit la CSN est responsable envers Mme Goyette du redressement prononcé contre une de ses filiales, maintenant en faillite.

Le tribunal ne s'est pas encore prononcé sur cette question. Le but de l'audience fixée est précisément d'instruire le tribunal sur les questions de faits et de droit qui lui permettra de statuer à ce sujet.

Il se peut que la CSN ait raison de prétendre que le tribunal est functus officio ou qu'elle n'est aucunement responsable des dettes du Syndicat en vertu du principe de l'équité procédurale ou, plus fondamentalement, parce qu'elle est une entité juridique séparée. Ces prétentions peuvent être soulevées par la CSN devant le tribunal.

II. LES QUESTIONS EN LITIGE

[26] Les questions en litige sont :

  1. Le Tribunal est-il devenu functus officio pour décider de la responsabilité de la CSN dans cette affaire ?
  2. Si le Tribunal n'est pas devenu functus officio relativement à la question ci-haut mentionnée, est-ce que la CSN peut être tenue responsable du paiement des dommages accordés à Mme Goyette, contre son syndicat affilié, le Syndicat des employé-e-s de terminus de Voyageur-Coloniale Limitée (CSN), lequel syndicat a fait faillite suite à la décision de ce Tribunal, accordant ces dommages?
  3. Le Tribunal ayant réservé sa juridiction relativement à la fixation du quantum, quels sont les montants pouvant être accordés à Mme Goyette, en vertu de la LCDP, à ce titre ?

III. LES ARGUMENTS PRÉSENTÉS PAR LA CSN

[27] Le Tribunal doit premièrement analyser les arguments de la CSN à l'effet que le Tribunal est functus officio avant de se prononcer sur ses prétentions à l'effet qu'elle est une entité juridique différente du Syndicat des employé(e)s de terminus de Voyageur Colonial Limitée (CSN) et qu'elle n'est en aucune façon responsable des dettes de ce syndicat affilié.

[28] Les arguments de la CSN, concernant la juridiction du Tribunal reposent principalement sur les éléments suivants: Mme Goyette a déposé une plainte contre le Syndicat des employé(e)s de terminus de Voyageur Colonial Limitée (CSN), alléguant qu'il avait agi de façon discriminatoire à son égard. Le Tribunal a rendu une décision sur le fond à savoir l'existence de discrimination. Il a rendu une décision complète, sous réserve de la détermination du quantum, et par conséquent est devenu functus officio quant à toute autre question pour laquelle il n'a pas réservé sa juridiction.

[29] En ce qui a trait à la question à savoir si le Tribunal est devenu functus officio, Me Cliche se réfère à l'arrêt de la Cour Suprême du Canada, dans l'affaire Chandler c. Alberta Association of Architects, (6) prononcé par la Cour Suprême du Canada qui résume en ces termes cette notion:

En règle générale lorsqu'un tel tribunal a statué définitivement sur une question dont il était saisi conformément à sa loi habilitante, il ne peut revenir sur sa décision simplement parce qu'il a changé d'avis, parce qu'il a commis une erreur dans le cadre de sa compétence, ou parce que les circonstances ont changé. Il ne peut le faire que si la loi le lui permet ou s'il y a eu un lapsus ou une erreur au sens des exceptions énoncées dans l'arrêt Paper Machinery v. J.O. Ross Engineering Corp. […]

[30] Il a été également soulevé qu'en ce qui concerne les tribunaux administratifs, les règles de procédure sont plus souples et que si la loi habilitante permet au Tribunal de rouvrir une décision parce qu'il a omis de décider sur une point soulevé dans les procédures, cela devrait être permis tel qu'énoncé dans l'arrêt Chandler : (7)

Par conséquent, il ne faudrait pas appliquer le principe de façon stricte lorsque la loi habilitante porte à croire qu'une décision peut être rouverte afin de permettre au tribunal d'exercer la fonction que lui confère sa loi habilitante. […]

De plus, si le tribunal a omis de trancher une question qui avait été soulevée à bon droit dans les procédures et qu'il a le pouvoir de trancher en vertu de sa loi habilitante, on devrait lui permettre de compléter la tâche que lui confie la loi.

[31] Dans cet arrêt, la Cour Suprême du Canada, a statué que la décision rendue par la «Practice Review Board de l'Alberta Association of Architects était entachée de vices, qu'elle était nulle et qu'en droit, elle équivalait à une absence de décision. Cette commission avait donc omis de se prononcé sur un des objets pour lequel elle avait été saisi, et par conséquent, la règle du functus officio ne s'appliquait pas.

[32] Le Tribunal, dans le présent dossier, doit se pencher sur la question de l'implication et de la responsabilité de la CSN dans cette affaire uniquement parce que le Syndicat des employé-e-s de terminus de Voyageur Colonial Limitée (CSN) a déclaré faillite au moment où la plaignante a voulu faire établir le quantum afin d'exécuter la décision rendue le 14 octobre 1997 en sa faveur.

[33] Me Cliche a soumis au Tribunal que les faits nouveaux qui surviennent après une décision n'empêchent pas l'application de la règle de functus officio et à l'appui de ses prétentions, il s'est réfère à l'arrêt Longia c. Canada. (8) Il a été établi, dans cet arrêt, que la Commission d'appel et d'immigration n'était pas compétente pour rouvrir une demande de statut de réfugié afin que soit entendue la preuve sur des faits nouveaux, car elle n'a pas une compétence qui se prolonge dans le temps et comme aucune règle de justice naturelle n'a été enfreinte, la demande a été rejetée par le Juge Lemieux dans ces termes:

Par conséquent, la Commission n'avait pas le pouvoir de reprendre l'audition de la demande afin de permettre au requérant de produire les renseignements qu'il souhaitait fournir, pas plus qu'elle n'avait le pouvoir de l'autoriser à mettre en preuve des faits nouveaux. (9)

[34] Le Tribunal a soumis à l'attention des parties l'arrêt Canada (Attorney General) c. Grover (10), dans lequel le tribunal de première instance a rendu une ordonnance de réintégration à un poste approprié en faveur d'un chercheur qui avait fait l'objet de discrimination basée sur la race. Le tribunal a réservé sa juridiction concernant le poste approprié afin de s'assurer de la bonne exécution de son ordonnance, vu la réorganisation de l'entreprise. Suite à des conflits, une demande de la part du plaignant est présentée pour que le tribunal détermine son poste, mais un jugement déclaratoire est demandé à la Cour fédérale, section de première instance, par l'intimée, portant sur le fait que ce tribunal est functus officio en ce qui concerne la plainte de M. Grover car une décision a été rendue.

[35] La question préliminaire étudiée était de savoir si le tribunal avait le pouvoir de réserver sa compétence à la fin de son enquête pour entendre d'autres témoins concernant l'exécution de son ordonnance. La réponse à cette question était la suivante:

Par conséquent, les pouvoirs en matière de réparation que lui confère le par. 53(2) doivent être interprétés comme incluant le pouvoir de réserver sa compétence sur certains points afin de veiller à ce que les plaignants jouissent effectivement de la réparation qu'il leur a accordée. Lui refuser ce pouvoir participerait d'un formalisme excessif et irait à l'encontre du but de la législation qui est fondamentalement réparatrice. Dans le contexte d'une ordonnance réparatrice assez complexe, il est logique que le tribunal demeure compétent à l'égard des questions de réparation afin de faciliter l'exécution de son ordonnance. Cette solution est conforme au but général de la législation et va dans le sens de l'application souple que préconise le Juge Sopinka dans l'arrêt Chandler, supra. Ce serait contrecarrer l'objectif de la législation que d'obliger le plaignant à demander l'exécution d'une ordonnance non ambigüe devant la Cour fédérale ou à déposer une nouvelle plainte pour obtenir la réparation intégrale accordée par le Tribunal. (11)

[36] En tenant compte que dans l'arrêt Grover, la Cour avait réservé sa juridiction de façon expresse et qu'elle était habilitée par sa loi de le faire, la Cour fédérale a confirmé que la règle du functus officio ne s'appliquait pas et a conclu: (12)

[…] c'est à bon droit que le tribunal a convoqué une nouvelle audience pour entendre d'autres témoins. Étant donné les problèmes qu'a posés la nomination de M. Grover, le Tribunal a valablement exercé son pouvoir en réservant à nouveau sa compétence au cas où d'autres éclaircissements seraient nécessaires après le 18 mars 1994.

IV. LES ARGUMENTS DE LA PLAIGNANTE

[37] Les prétentions de Me Romani, procureur de la plaignante, sont basées, entre autre, sur la définition d'une organisation syndicale, que l'on retrouve à l'article 9(3) de la LCDP, qui se lisait comme suit, avant les amendements à la loi, en 1998: (13)

9(3) Pour l'application du présent article et des articles 10 et 60, organisation syndicale s'entend des syndicats ou autres groupements d'employés, y compris leurs sections locales, chargés notamment de négocier avec l'employeur les conditions de travail de leurs adhérents.

[38] Étant donné que la plainte de Mme Goyette porte sur des faits qui sont survenus avant 1998 et que la décision a été rendue en 1997, ce sont ces dispositions de la LCDP, qui régissent la présente audition.

[39] Selon les prétentions Me Romani, la détermination de l'identité de la CSN est une question incidente et découle directement de l'application de l'article 9(3) de la Loi canadienne des droits de la personne en vigueur à cette époque.

[40] Lors de l'audition de la plainte, la question à savoir si la CSN était une organisation syndicale au terme de l'article 9(3) et responsable des agissements de son syndicat affilié n'a pas été soulevée. Il faut noter également que la Commission des droits de la personne lorsqu'elle a fait enquête et a accepté de déposer la plainte, l'a dirigée contre l'employeur d'abord et ensuite contre le Syndicat des employé(e)s de terminus de Voyageur Colonial Limitée (CSN).

[41] Me Romani demande au Tribunal de se prononcer sur l'identité de la CSN parce qu'il anticipe un problème d'exécution de la décision et ses prétentions sont à l'effet que compte tenu de la loi habilitante, plus précisément au paragraphe 53(2) de la LCDP, le Tribunal a le pouvoir de rendre les ordonnances appropriées et voir à leur exécution.

[42] Selon Me Romani la question en litige devant le Tribunal concernant l'application de la règle du functus officio n'est pas une question de droit mais plutôt une question de procédure. Il se réfère à l'arrêt Prassad c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), (14) pour appuyer ses prétentions:

Afin d'interpréter correctement des dispositions législatives susceptibles de sens différents, il faut les examiner en contexte. Nous traitons ici des pouvoirs d'un tribunal administratif à l'égard de sa procédure. En règle générale, ces tribunaux sont considérés maîtres chez eux. En l'absence de règles précises établies par loi ou règlement, ils fixent leur propre procédure à la condition de respecter les règles de l'équité et, dans l'exercice de fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, de respecter les règles de justice naturelle. Il est donc clair que l'ajournement de leurs procédures relève de leur pouvoir discrétionnaire.

V. DÉCISION DU TRIBUNAL SUR LA RÈGLE FUNCTUS OFFICIO

[43] Le Tribunal ne peut souscrire aux prétentions que la détermination de l'application de la règle du functus officio est une question de procédure. Il s'agit plutôt d'établir si le Tribunal a juridiction pour rouvrir le dossier et d'entendre des éléments nouveaux de preuve afin de faciliter l'exécution de sa décision, une fois le quantum établi.

[44] Le Tribunal, lorsqu'il a rendu sa décision le 14 octobre 1997 n'a fait aucun lapsus ou n'a pas omis de se prononcer sur un point soumis à son attention puisque la définition de la situation juridique de la CSN, n'a pas été soulevée à ce moment-là.

[45] Même si cette question est devenue une préoccupation de la plaignante, suite à des faits nouveaux survenus après la décision, soit la faillite du syndicat affilié, le Syndicat des employé-e-s de terminus de Voyageur Colonial Limitée (CSN), le Tribunal ne peut prolonger et étendre sa juridiction indéfiniment. Dans ce dossier, les règles de justice naturelle ont été respectées et le Tribunal ne peut tenir des audiences en vue de déterminer la nature juridique de la personne liée indirectement à la plainte puisqu'il a déjà exercé sa juridiction.

[46] Dans le présent cas, le Tribunal n'a pas réservé sa juridiction sur aucune autre question que la détermination du quantum. Si on se réfère à l'arrêt Grover, (15) la Cour fédérale a décrété que la règle de functus officio ne s'appliquait pas parce que le Tribunal avait réservé sa juridiction pour surveiller l'exécution de sa décision contrairement au cas en l'espèce.

[47] Considérant les arguments présentés par les procureurs respectifs et en nous basant sur la jurisprudence établie concernant la règle du functus officio, le Tribunal en vient à la conclusion que ladite règle du functus officio s'applique dans cette affaire et que le Tribunal n'a pas juridiction pour déterminer la responsabilité de la CSN.

VI. DÉTERMINATION DU QUANTUM

[48] Les parties ont reconnu que le Tribunal canadien des droits de la personne avait réservé sa juridiction quant à la détermination du quantum.

[49] Mme Goyette réclame dans un premier temps, une perte de salaire de base de 19 307,73 $ et des intérêts simples au taux de 8,50 %, basé sur le taux préférentiel des banques à charte en date du 20 novembre 1991, jour du dépôt de la plainte. Le montant de 19 307,73 $ a fait l'objet d'une admission de la part du syndicat intimé, seul le taux d'intérêt reste à déterminer.

[50] Mme Sylvie Vachon, économiste, ayant agi à titre d'expert pour le Syndicat des employé-e-s de terminus de Voyageur Colonial Limitée (CSN) est venue démontrer que le taux d'escompte de la Banque du Canada en date du 20 novembre 1991 était de 7,78 %. Elle a expliqué que le taux d'escompte de la Banque du Canada est aussi parfois appelé taux préférentiel de la Banque du Canada mais ne peut en aucun cas équivaloir au taux préférentiel des banques à charte, taux auquel la plaignante s'est référée.

[51] La décision du Tribunal concernant les intérêts payables à Mme Goyette consistait en des intérêts simples, au taux préférentiel de la Banque du Canada.

[52] Le Tribunal vient à la conclusion que Mme Goyette a droit à une indemnité pour perte de salaire de 19 307,73 $ à un taux d'intérêts simples de 7,78 % pour la période du 7 décembre 1989 au 6 juin 1996, totalisant en date du 7 décembre 2001 une somme de 35 831,28 $ (4,11 $ par jour).

[53] En second lieu, la plaignante réclame une somme de 7 976,00 $ pour des uniformes fournis aux employés de la billetterie et des commis aux bagages, ainsi qu'un montant de 398,80 $ représentant 5 % de cette somme pour le régime de retraite de la compagnie Voyageur Colonial Limitée. Elle demande également que des intérêts simples soient calculés sur ces montants.

[54] Les arguments de Mme Goyette sont à l'effet que des uniformes étaient fournis aux employés de la billetterie et aux bagagistes et que les téléphonistes devaient assumer le coût de leurs vêtements pour se rendre au travail. Elle effectue ses calculs en se basant sur les allocations de 8,00 $ par jour aux policiers de la Communauté urbaine de Montréal.

[55] M. Réal Daoust, représentant de la CSN, a témoigné en se référant à la convention collective signée en 1989, et plus précisément à la pièce P-1, art. 32 de ladite convention qui prévoyait que des uniformes étaient fournis aux employés travaillant avec le public uniquement. Les téléphonistes travaillaient au deuxième étage de l'édifice avec les personnes des services administratifs et aucun employé, travaillant à cet étage, n'avait d'uniformes fournis par l'employeur.

[56] Madame Goyette confirme lors de son témoignage que lorsqu'elle occupait un poste à la billetterie ou à titre de commis aux bagages on lui a fourni les uniformes conformément à la convention collective.

[57] Le Tribunal en vient donc à la conclusion que la plaignante ne peut demander une compensation pour des bénéfices sociaux qui ne lui étaient pas reconnus dans la convention collective qui gouvernait les téléphonistes. Les montants réclamés à ce titre de 7 976,00 $ et de 398,80 $ ne sont pas alloués par le Tribunal.

[58] La plaignante réclame des intérêts sur le montant de 5 000,00 $ accordé à titre de préjudice moral conformément à l'alinéa 53 (3) b) de la LCDP, lors de la décision rendue le 14 octobre 1997. Les parties s'entendent sur le fait que s'il y a lieu d'accorder des intérêts, ils seront calculés à compter de la date de la décision rendue en octobre 1997.

[59] Les arguments du Syndicat des employé-e-s de terminus de Voyageur Colonial Limitée (CSN) sont à l'effet que l'ordonnance ne prévoyait pas d'intérêts sur le préjudice moral contrairement à l'énoncé 4 de la décision qui spécifiait que la plaignante avait droit à des intérêts simples sur les items couverts aux paragraphes 2 et 3 soit les perte de salaire et avantages et les frais supplémentaires .

[60] En vertu de l'alinéa 53(3) b) de l'ancienne LCDP s'appliquant dans cette affaire, le montant, total de l'indemnité spéciale accordée à titre de préjudice moral, ne peut en aucun cas dépasser 5 000,00 $, à défaut de quoi le Tribunal outrepasserait sa compétence s'il accordait une indemnité supérieure à la limite prescrite.

[61] Dans la cause Green c. Canada (Commission de la fonction publique), (16) le Tribunal avait ordonné de verser des intérêts sur l'indemnité spéciale de 5 000,00

$ en vertu l'alinéa 53(3) b) de la LCDP et la Cour fédérale a invalidé cette décision en se référant à l'arrêt Rosin c. Canada (Forces Armées Canadiennes) (17) où la Cour d'appel fédérale avait adjugé qu'en cas de préjudice moral on peut autoriser le paiement des intérêts dans la mesure où l'indemnité totale, y compris les intérêts, ne dépasse pas 5 000,00 $.

[62] Par conséquent, le Tribunal a rendu une décision conforme à la Loi, en accordant à la plaignante le montant maximum de 5 000,00 $ prévu.

[63] La plaignante réclame également des frais légaux s'élevant à 6 354,79 $ qu'elle a assumés pour se faire représenter dans une demande contre la CSST, ainsi qu'une somme de 851,76 $, montant remboursé à la CSST le 18 mars 1998 pour perte de salaire ainsi que les intérêts sur lesdites sommes.

[64] Selon le témoignage de Mme Lise Goyette, en 1995, elle aurait fait une rechute due à son accident de travail en 1992, lorsqu'elle avait travaillé à la messagerie. Elle a fait une demande à son assurance salaire ETNA qui a été refusée. Elle a demandé à son syndicat de l'aider dans ses démarches auprès de la CSST et elle n'a pas eu gain de cause et a perdu de l'argent parce que la CSN a refusé de l'aider donc elle n'avait pas de crédibilité.

[65] Selon les explications fournies par M. Réal Daoust, représentant de la CSN, il y a eu un grief de déposer et une décision a été rendue dans ce dossier. Selon son témoignage, il s'agit d'une autre instance judiciaire qui n'a aucun lien avec le dossier devant cette instance.

[66] L'alinéa 53(2) d) de la LCDP permet au Tribunal d'ordonner selon les circonstances:

d) d'indemniser la victime de la totalité ou de la fraction des frais supplémentaires occasionnés par le recours à d'autres biens, services, installations ou moyens d'hébergement, et des dépenses entraînées par l'acte;

[67] La jurisprudence établie par le Tribunal est à l'effet que les frais réclamés en vertu de l'alinéa 53(2) d) de la Loi doivent découler directement de la discrimination dont la plaignante a été victime et non pas d'un conflit de travail ou rejet d'une demande à la CSST. Ces critères ont été établis clairement dans l'arrêt Pond c. Société canadienne des postes (18) et LeBlanc c. Société canadienne des postes. (19)

[68] Les frais réclamés par la plaignante n'étant d'aucune façon reliés directement à la plainte de discrimination présentée devant cette Cour, le Tribunal refuse d'accorder les montant respectifs de 6 354,79 $ et 851,76 $ mis en preuve par la plaignante.

[69] En dernier lieu, la plaignante demande le remboursement de ses frais judiciaires au montant de 10 850,85 $, représentant les dépenses supplémentaires pour le présent dossier, à partir du 15 octobre 1997 jusqu'au 21 septembre 2001.

[70] Le Tribunal doit tenir compte qu'une somme de 3 000,00 $ a été allouée en octobre 1997 pour les frais supplémentaires encourus par la cliente pour s'être représentée elle-même. Ce montant n'est pas remis en question et si on calcule les intérêts de 7,78 % sur ce montant depuis quatre ans, cela nous donne un total de 3 954,72 $ au 16 novembre 2001.

[71] Dans une décision récente relative aux frais juridiques, soit Nkwazi c. Service correctionnel Canada, (20) la présidente du Tribunal, Mme Anne Mactavish, après avoir procédé à l'analyse de la jurisprudence sur ce point, conclue au paragraphe 18 de la façon suivante:

Eu égard à tous ces motifs, je suis convaincue que le sens qu'on devrait donner au mot dépenses tel qu'il est utilisé aux alinéas 53 (2) c) et 53 (2) d) de la Loi canadienne sur les droits de la personne englobe les frais juridiques liés à l'audition de la plainte. Cela ne signifie pas que les plaignants qui ont gain de cause auront automatiquement le droit d'être indemnisés de leurs frais juridiques. Le paragraphe 53 (2) précise clairement que le Tribunal a le pouvoir de prendre les mesures de redressement qu'il juge pertinentes, compte tenu des circonstances qui entourent l'affaire.

[72] Le Tribunal canadien des droits de la personne n'a aucune juridiction pour accorder des frais supplémentaires ou des frais judiciaires en ce qui a trait aux dépenses encourues pour la Cour fédérale et la Cour de faillite. Seules les dépenses relatives à la fixation du quantum et à la détermination de la responsabilité de la CSN peuvent être considérées comme étant des conséquences directes de la plainte.

[73] Nous sommes convaincus que le cas présent fait partie des circonstances exceptionnelles reconnues par la jurisprudence vu les nombreuses difficultés encourues par la plaignante dans cette affaire soit: le retrait de la Commission canadienne des droits de la personne, les nombreuses démarches infructueuses de la plaignante pour se faire payer et la faillite du Syndicat des employé-e-s de terminus de Voyageur Colonial Limitée (CSN).

[74] Par conséquent, le Tribunal accorde un montant additionnel de 3 000,00 $ couvrant les honoraires de Me Romani et les dépenses encourues soit: les déplacements, stationnements et photocopies nécessaires pour la préparation des journées d'audition du mois d'août 2001 et du 20 septembre 2001.

[75] De plus, la plaignante réclame un montant de 5 400,00 $ représentant une compensation salariale pour les heures passées à préparer son dossier devant la Cour fédérale, division de première instance, la Cour fédérale d'appel et le Tribunal canadien des droits de la personne.

[76] Dans l'arrêt Lambie c. Canada (Forces armées canadiennes), (21) la Cour fédérale s'est penchée sur l'alinéa 53 (2) d) de la Loi et a conclu que le mot dépense ne pouvait englober le temps consacré aux préparatifs pour le dépôt d'une plainte qu'en des circonstances exceptionnelles.

[77] Si on se réfère à l'arrêt Morell c. Canada (Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada), (22) le Tribunal n'a pas ordonné le paiement du salaire que la plaignante avait perdu pour assister à l'audition:

L'avocat de la Commission a également demandé le remboursement du traitement perdu par la plaignante du fait de sa présence à l'audience. L'alinéa 41(2) d) permet l'indemnisation de la victime au titre des dépenses entraînées par l'acte discriminatoire. J'estime toutefois que cette disposition vise les dépenses liées directement au comportement discriminatoire et non pas celles qui découlent des instances introduites en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Dans ce dernier cas, il s'agit plutôt de coûts, dont la Loi ne prévoit pas le recouvrement. Par conséquent, je ne crois pas être habilité à ordonner une indemnisation au titre des dépenses liées à l'audience.

[78] Le Tribunal fixe le quantum dans le présent dossier en date du 16 novembre 2001, de la façon suivante :

a) Perte de salaire : 19 307,73 $ capital
  15 005,00 $ intérêts
Pour un total de : 34 312,73 $
   
b) Préjudice moral : 5 000,00 $ sans intérêt;
   
c) Frais supplémentaires accordés le 14 octobre 1997 : 3 000,00 $ en capital
  954,72 $ en intérêt
Total : 3 954,72 $
   
d) Frais additionnels pour les frais encourus depuis le 14 octobre 1997au 20 septembre 2001, Pour la présente instance : 3 000,00 $ en capital

[79] Quant au montant pour frais additionnels de 3 000,00 $, ce montant porte intérêts au taux de 7,78% à compter de la présente décision.

[80] Quant aux autres montants, à l'exception du montant de 5 000,00 $ accordé pour préjudice moral lequel ne porte pas d'intérêt, les intérêts continueront de courir au même taux de 7,78% par an, jusqu'à l'exécution.

VII. ORDONNANCE

[81] Eu égard aux motifs énoncés ci-dessus, le Tribunal ordonne au Syndicat des employé-e-s de terminus de Voyageur Colonial limitée (CSN) de verser à Mme Goyette les montants ci-haut mentionnés.

Jacinthe Théberge, présidente

Athanasios Hadjis, membre

Marie-Claude Landry, membre

OTTAWA (Ontario)

Le 16 novembre 2001

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO. DU DOSSIER DU TRIBUNAL: T431/1295

INTITULÉ DE LA CAUSE: Lise Goyette c. Syndicat des Eemployé(e)s deTerminus de Voyageur Colonial Limitée (CSN)

LIEU DE L'AUDIENCE: Montréal (Québec)

Les 16, 17 27 et 28 août 2001

Le 20 septembre 2001

DÉCISION DU TRIBUNAL EN DATE DÛ: Le 16 novembre 2001

COMPARUTIONS:

Marco Romani Pour Lise Goyette

Marie Pepin Pour le Syndicat des employé(e)s de Terminus Voyageur Colonial Limitée (CSN)

Jean-François Cliche Pour le Conseil des syndicats nationaux

Référence: D.T. 8/97

14/10/97

1. L.R.C. 1985, c. H-6.

2. (1997) 30 C.H.R.R. D/175

3. Ibid, aux paragraphes 27-28.

4. L.R.C. 1985, c. B-3.

5. Confédération des syndicats nationaux c. Goyette , (3 août 2001) T-1318-01 (C.F., 1re inst.).

6. Chandler c. Alberta Association of Architects 1989 2 R.C.S. 848, à la page 861.

7. Ibid, à la page 862.

8. 1990 3 C.F. 288 (C.A.F.).

9. Ibid, à la page 294.

10. (1994) 24 C.H.R.R. D/39 (C.F., 1re inst.).

11. Ibid, au paragraphe 32.

12. Ibid, au paragraphe 43.

13. Loi modifiant la Loi sur la preuve au Canada, le Code criminel et la Loi canadienne sur les droits de la personne relativement aux personnes handicapées et, en ce qui concerne la Loi canadienne sur les droits de la personne, à d'autres matières, et modifiant d'autres lois en conséquence, L.C. 1998, c. 9, art. 29.

14. [1989] 1 S.C.R. 560, aux pages 568-9.

15. Supra, note 10.

16. (2000) 38 C.H.R.R. D/1.

17. (1989) 10 C.H.R.R., D/6236, (T.C.D.P.), conf. [1991] 1 F.C. 391(C.A.F.)

18. (1994) 94 C.L.L.C. 17, 024 (T.C.D.P.).

19. (1993) 18 C.H.R.R., D/57, 92 C.L.L.C. 17, 043.

20. (29 mars 2001) No. T538/3399 (T.C.D.P.).

21. (1995) 95 C.L.L.C. 230-035 (T.C.D.P. tribunal d'appel), inf. (1996) 124 F.T.R. 303 (C.F., 1re inst.)

22. (1985) 6 C.H.R.R. D/3021 (T.C.D.P.), au paragraphe 24348.

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