Tribunal canadien des droits de la personne

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Canadian Human Rights Tribunal Tribunal canadien des droits de la personne

ENTRE:

EMILIE MARINAKI

Plaignante

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

Commission

- et -

DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES CANADA

Intimé

MOTIFS DE LA DÉCISION

D.T. 3/00 2000/06/29

TRIBUNAL: Anne Mactavish, présidente

Guy Chicoine, membre

Reva Devins, membre

[TRADUCTION]

TABLE DES MATIÈRES

I. INTRODUCTION

II. OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES

i) État psychiatrique de Mme Marinaki

ii) Le défaut d'identifier la base juridique de la cause de la plaignante

III. CONTEXTE

i) L'environnement de travail au début des années 1980

ii) L'empoisonnement du climat de travail à la fin des années 1980

ii) Départ de Mme Marinaki des Opérations internationales et retour

iii) Constatations concernant le contexte du retour de Mme Marinaki aux Opérations internationales

IV. ÉVÉNEMENTS PENDANT LE SÉJOUR DE MME MARINAKI AUX OPÉRATIONS INTERNATIONALES - SEPTEMBRE 1992 À AOÛT 1993

i) Le poste de CS-2 avec Pierre LaFrance

ii) Relation de Domenic Scarizzi avec Marie Thibeault

iii) Blagues sexistes et racistes de la part de Domenic Scarizzi dans les années 1990

iv) La confrontation du 15 décembre

v) Plainte présentée en décembre par Mme Marinaki à M. Thivierge

vi) Question des congés de maladie de mars

vii) Réponse de M. Thivierge à la lettre de Mme Marinaki

viii) La réunion du 28 avril

ix) Le harcèlement se poursuit

x) Levée du moratoire sur les PAS

xi) Le Dr Resnick intervient

xii) La question de travail aux admissions

xiii) L'incident du 7 juillet

xiv) La demande de référence

xv) La réunion du 14 juillet avec André Thivierge

xvi) Le concours de PM-3

xvii) La confrontation du 17 août au sujet des fonctions de l'admission

V. ÉVÉNEMENTS APRÈS AOÛT 1993

i) L'enquête relative à la plainte de harcèlement interne de Mme Marinaki

ii) Le rapport sur le harcèlement interne

iii) Réponse de DRHC à l'enquête sur le harcèlement interne

iv) Grief de Mme Marinaki

ii) Affectations données à Mme Marinaki pendant l'enquête interne

vi) Références d'emploi négatives

vii) Retour de Mme Marinaki aux Opérations internationales en février 1996

viii) Omission de remplir des formulaires

VI. PREUVES D'ORDRE PSYCHIATRIQUE

VII. CONCLUSIONS RELATIVES À LA CRÉDIBILITÉ

i) Conclusion concernant la crédibilité de Mme Marinaki

ii) Conclusion concernant la crédibilité de M.Scarizzi

VIII. PRINCIPES DE DROIT

IX. ANALYSE

i) Est-ce que Mme Marinaki a été victime de harcèlement sexuel?

ii) Est-ce que Mme Marinaki a été victime de harcèlement ethnique?

iii) Responsabilité de l'employeur

X. REPRÉSAILLES

i) Est-ce que DRHC a reçu un avis suffisant que des mesures de représailles étaient en cause dans la présente affaire?

ii) Est-ce que le présent tribunal a compétence pour examiner les allégations de représailles?

iii) Est-ce qu'effectivement DRHC a usé de représailles à l'endroit de Mme Marinaki?

XI. CONCLUSION

XII. ORDONNANCE

I. INTRODUCTION

[1] Emilie Marinaki travaille depuis longtemps au gouvernement fédéral. Elle se plaint que son gestionnaire, Domenic Scarizzi, l'a harcelé sexuellement et ethniquement. Elle allègue de plus que des représentants de son employeur, y compris son directeur, André Thivierge, n'ont pas donné suite de façon appropriée à ses plaintes au sujet de M. Scarizzi et ont usé de représailles à son endroit pour s'être plainte de M. Scarizzi.

[2] Selon la plainte de Mme Marinaki, M. Scarizzi l'a harcelé sexuellement en jurant contre elle en italien et il l'a harcelée sur le motif de son origine nationale ou ethnique en l'appelant une maudite Grecque à environ dix reprises. La plainte de Mme Marinaki précise qu'il y a eu plusieurs autres incidents, mais qu'ils étaient plus de nature personnelle. L'exposé des questions en litige préalable à l'audience par les avocats de la Commission canadienne de droits de la personne et de Mme Marinaki font référence à d'autres actes identifiés comme du harcèlement ou des représailles.

[3] Le Tribunal doit déterminer ce qui s'est produit au lieu de travail de Mme Marinaki et déterminer si ce qui s'est produit constitue du harcèlement sexuel ou ethnique. En outre, la question des représailles devra être examinée. Des questions de responsabilité de l'employeur et de recours se posent également si nous concluons que Mme Marinaki a été victime de harcèlement sexuel et/ou ethnique.

II. OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES

[4] La présente audience s'est déroulée sur plusieurs mois et a duré en tout 30 jours. Un certain nombre de facteurs ont contribué à sa longueur et à sa complexité. Ces facteurs soulèvent aussi des défis très précis pour le Tribunal lorsque nous évaluons les preuves et que nous appliquons les principes juridiques aux faits. Deux de ces facteurs nécessitent certaines explications au début de la présente décision :

i) État psychiatrique de Mme Marinaki

[5] Bien que nous traiterons des preuves psychiatriques en plus amples détails plus loin dans la présente décision, il faut signaler qu'il n'est pas contesté qu'au moment où elle a témoigné, Mme Marinaki souffrait d'une dépression majeure. Bien que rien ne laissait croire que Mme Marinaki n'était pas apte à témoigner, les répercussions de l'incapacité psychiatrique de Mme Marinaki étaient évidentes au cours des six jours qu'elle a été à la barre des témoins. Dans un effort de tenir compte de la situation de Mme Marinaki et de concert avec son avocat, le Tribunal a suspendu ses travaux fréquemment et a même ajourné l'audience lorsque Mme Marinaki avait besoin d'un répit. Une certaine latitude a été accordée à l'avocat de Mme Marinaki pour ce qui est des questions suggestives et pour pouvoir revenir sur le même sujet plus d'une fois, et ce, afin d'aider Mme Marinaki à présenter ses preuves devant le Tribunal. Malgré ces efforts, le raisonnement de Mme Marinaki semblait parfois diffus et son pouvoir de concentration était de toute évidence limité.

[6] Nous sommes conscients des restrictions imposées sur la capacité de Mme Marinaki d'exprimer sa pensée et nous sommes préoccupés qu'en raison de son incapacité, elle puisse ne pas avoir été en mesure de relater complètement ce qu'elle croit comprendre qui s'est produit dans son lieu de travail. Cette préoccupation s'est accrue lorsque nous avons examiné les déclarations préliminaires des avocats de Mme Marinaki et de la Commission canadienne des droits de la personne, déclarations dans lesquelles ils ont établi la base juridique de la cause. Dans ces circonstances, bien que nous ayons certainement tenu compte du témoignage oral de Mme Marinaki lors de l'audience, nous avons aussi examiné attentivement la documentation contemporaine produite dans le but de déterminer la véritable nature des inquiétudes de Mme Marinaki. En outre, nous avons tenu compte de l'incapacité de Mme Marinaki lorsque nous avons décidé si nous devions tirer des inférences négatives quand elle n'est pas parvenue à se rappeler de choses dont elle aurait dû autrement se rappeler et lorsqu'il y avait des écarts entre ses déclarations précédentes et son témoignage lors de l'audience.

ii) Le défaut d'identifier la base juridique de la cause de la plaignante

[7] La présente affaire a été marquée par un manque fondamental de précision dans l'identification de la base juridique de la cause de la plaignante. Par exemple, ce n'est que dans les conclusions finales de la plaignante qu'il est devenu évident qu'il n'était pas allégué qu'André Thivierge avait lui-même harcelé sexuellement ou ethniquement Mme Marinaki. Au lieu, l'allégation était que M. Thivierge n'avait pas réagi d'une façon appropriée aux plaintes de harcèlement dont Mme Marinaki disait être victime de la part de Domenic Scarizzi, et que M. Thivierge avait usé de représailles à l'endroit de Mme Marinaki pour avoir porté plainte. En conséquence, des journées entières d'audience ont été consacrées à un examen minutieux de questions qui en bout de ligne sont devenues accessoires, et qui n'auraient fait qu'ajouter à la crédibilité de M. Thivierge.

[8] Plus loin, dans la présente décision, nous traiterons des questions d'équité qui, selon nous, sont soulevées en conséquence de la nature fluide de la responsabilité alléguée de l'intimé dans cette affaire. Dès le départ, cependant, nous faisons remarquer qu'à mesure que nous examinions à fond les preuves, nous nous sommes retrouvés face à au moins deux obstacles qui découlaient de ce manque de clarté. Tout d'abord, tel que nous l'avons signalé plus tôt, une quantité énorme de preuves ont été entendues au sujet de questions qui sont devenues par la suite accessoires à la question centrale, à savoir si Mme Marinaki avait ou non été victime de harcèlement sexuel ou ethnique. Ces preuves, si elles sont toutes énoncées dans la présente décision, portent inévitablement à égarement dans la décision de la question centrale. Toutefois, il est fait mention de certaines de ces preuves lorsqu'elles sont pertinentes pour des questions de crédibilité ou lorsqu'elles permettent de faire la lumière sur la nature des préoccupations de Mme Marinaki relativement à son lieu de travail.

[9] Il est également difficile de comprendre de quelle façon certaines preuves étaient censées avoir trait aux arguments des avocats. La théorie changeante quant à la responsabilité alléguée de M. Thivierge a déjà été mentionnée. Pour illustrer encore davantage ce point, un grand nombre de preuves ont été présentées dans le but d'établir l'existence d'un climat de travail empoisonné dans le lieu de travail de Mme Marinaki à la fin des années 1980. Il a été allégué que le climat de travail malsain s'est même poursuivi dans les années 1990, ce qui a créé le contexte dans lequel il faut comprendre les expériences ultérieures de Mme Marinaki et par conséquence sa plainte. À l'opposé de cette position, l'exposé des questions en litige fait par Mme Marinaki indique que le harcèlement et la discrimination n'ont commencé qu'à la fin de l'été ou au début de l'automne 1992. Il n'est fait aucune mention d'une tendance continue de harcèlement ou de climat de travail empoisonné. De telles incohérences dans le fondement juridique de la cause de Mme Marinaki et de la Commission sont difficiles à réconcilier et posent des défis importants pour ce qui est de décider si Mme Marinaki s'est ou non acquittée du fardeau de la preuve.

[10] En conséquence du volume important de preuves présentées à cette audience et dans le but de fournir des motifs cohérents, nous avons résumé les preuves dans la mesure où elles ont trait à chacune des principales allégations dont il est fait mention dans la plainte de Mme Marinaki, et nous avons aussi identifié d'autres questions qui ont été soulevées au cours de l'enquête et de l'audience. Bien que chaque question soit examinée séparément, nous avons tenu compte de chacune des allégations dans le contexte des preuves dans leur ensemble, et ce, afin de déterminer une tendance évidente de conduite discriminatoire. (1)

III. CONTEXTE

[11] Mme Marinaki est née en Tanzanie, de parents grecs, et est venue s'établir au Canada avec sa famille en 1970. Après avoir terminé ses études secondaires et un programme au Collège Algonquin, Mme Marinaki a commencé à travailler dans le secteur privé.

[12] Mme Marinaki a commencé à travailler pour le gouvernement fédéral en 1979. Elle a occupé plusieurs postes pour une durée déterminée avant d'obtenir un poste pour une période indéterminée au ministère de la Défense nationale en 1983. Les évaluations de son rendement à compter de cette période indiquent que Mme Marinaki a travaillé avec ardeur et a fait un bon travail. Le dossier indique également que Mme Marinaki était très ambitieuse. (2)

[13] Au début des années 1970, le Canada a commencé à conclure des ententes avec des pays pour verser des prestations de sécurité sociale à des personnes venues d'autres pays et qui vivaient maintenant au Canada, et à fournir des avantages semblables aux Canadiens qui vivaient à l'étranger. La Direction des opérations internationales de la Direction générale des programmes de la sécurité du revenu de Santé Canada a été mise sur pied pour traiter les demandes de prestations en vertu de ces accords. (3)

[14] En 1983, Mme Marinaki a gagné un concours de préposée au règlement des demandes pour un poste d'une période indéterminée, de groupe et niveau CR-5, à la Direction des opérations internationales. Mme Marinaki a été engagée à titre de préposée ayant des connaissances linguistiques spéciales. Les préposés au règlement des demandes ayant des connaissances linguistiques spéciales parlaient couramment des langues tels le grec ou l'italien et aidaient au traitement des demandes de prestations de personnes originaires de ces pays.

i) L'environnement de travail au début des années 1980

[15] La Direction des opérations internationales était une nouvelle organisation au début des années 1980. Au dire de tous, c'était un endroit tout à fait intéressant pour travailler dans ses premières années d'existence. Bien qu'il s'agissait d'un milieu de production, les Opérations internationales offraient un nouveau service et faisaient oeuvre de pionnier.

[16] Un certain nombre des membres du personnel des Opérations internationales étaient assez jeunes et le climat de travail dans le bureau à cette époque était dynamique et cordial. Le personnel travaillait fort, mais avait beaucoup de plaisir à le faire. Il y avait de nombreuses fonctions sociales pour les employés et la camaraderie de travail s'est installée.

[17] Mme Marinaki excellait dans cet environnement. Ses évaluations de rendement dans les années 1980 étaient toutes positives. On y indiquait qu'elle était une travailleuse énergique et productive qui faisait preuve de beaucoup d'initiative et qui était prête à assumer des fonctions supplémentaires. Une fois de plus, son ambition se réflète dans les documents. (4)

[18] Nous avons entendu de nombreux témoignages quant à la personnalité de Mme Marinaki. Il est évident que Mme Marinaki avait une très forte personnalité et, à l'occasion, était argumentatrice, parfois peu serviable et aucunement effrayée de contester l'autorité. (5) En même temps, Mme Marinaki avait aussi de nombreux points forts : elle était brillante, elle travaillait fort et elle était productive. En effet, de nombreux collègues, y compris un certain nombre de collègues de travail appelés par l'intimé, ont décrit Mme Marinaki de façon favorable. (6)

[19] Bien qu'un certain nombre des évaluations de rendement datant de cette période indiquent que Mme Marinaki s'acquittait bien de ses tâches sous la pression, il est évident que Mme Marinaki avait de la difficulté à travailler sous pression. Tant Mme Marinaki que Mme McShabe ont fait référence à un incident qui s'est produit en mai 1986 alors que Mme Marinaki, insatisfaite de la répartition des dossiers entre les membres de son service, a quitté son lieu de travail en plein milieu de la journée, tellement fâchée qu'elle en a été malade pendant trois jours. (7)

[20] Mme Marinaki a agi à titre de superviseure suppléante pendant une certaine période en 1986-1987. En 1988-1989, elle a passé six mois dans un poste de vérificatrice, poste dans lequel elle était chargée de vérifier le travail des autres préposés au règlement des demandes. Cependant, malgré ses ambitions professionnelles, Mme Marinaki n'a pas gravi les échelons jusqu'à un poste de gestion.

[21] Mme Marinaki a quitté les Opérations internationales en 1989 pour occuper un poste à la section de la TPS de Revenu Canada dans le cadre d'une affectation de type PAS. Les PAS sont des affectations dans le cadre du Programme d'affectations spéciales qui permet aux employés d'avoir des affectations provisoires dans d'autres secteurs de la fonction publique de façon à les exposer à des environnements différents et de les aider dans leur cheminement professionnel.

ii) L'empoisonnement du climat de travail à la fin des années 1980

[22] Dans son témoignange, Mme Marinaki a indiqué qu'elle a décidé de quitter les Opérations internationales parce que le climat de travail avait été empoisonné par Domenic Scarizzi, un collègue préposé au règlement des demandes. L'avocate de l'intimé s'est opposée à la réception de preuves en ce qui concerne la conduite de M. Scarizzi dans les années 1980 étant donné que la plainte de Mme Marinaki concernant les droits de la personne porte uniquement sur la période commençant en 1992. Les avocats de la Commission canadienne des droits de la personne et de Mme Marinaki nous ont demandé avec instance de tenir compte des preuves à la seule fin de comprendre le contexte des plaintes ultérieures de Mme Marinaki. Le Tribunal a statué que les preuves admises à cette fin seraient limitées.

[23] Domenic Scarizzi s'est joint aux Opérations internationales à peu près en même temps que Mme Marinaki et une amitié s'est développée entre eux. Mme Marinaki a indiqué qu'elle aimait le sens de l'humour de M. Scarizzi, et nous avons entendu des témoignages faisant état de ces deux personnes qui riaient et avaient du plaisir au travail. Mme Marinaki et M. Scarizzi ont également noué des relations à l'extérieur du cadre professionnel. En effet, M. Scarizzi est un des collègues de travail qui a assisté au marriage de Mme Marinaki à Montréal en mai 1984.

[24] Selon Mme Marinaki, quelque temps après 1985, les rapports avec M. Scarizzi ont commencé à déraper. M. Scarizzi disait des choses telles allô beauté! lorsque Mme Marinaki passait près de lui. Si Mme Marinaki allait à la salle de bains, il lui demandait si elle était menstruée. Mme Marinaki a dit que M. Scarizzi passait des remarques sur ses vêtements et son corps. Mme Marinaki, dans son témoignage, a dit que M. Scarizzi lui parlait de sa vie sexuelle, lui disant qu'elle avait besoin d'une bonne botte.

[25] Mme Marinaki dit que Domenic Scarizzi faisait aussi des blagues et passait des commentaires au sujet de divers groupes ethniques. Par exemple, M. Scarizzi a dit à Mme Marinaki que les femmes grecques aimaient faire l'amour par l'arrière. M. Scarizzi et d'autres ont passé des remarques selon lesquelles les Grecs avaient beaucoup d'argent.

[26] Selon Mme Marinaki, M. Scarizzi tenait des propos inappropriés sur une base quotidienne pendant cette période. Elle dit qu'elle était choquée et blessée de ses actions. Lorsque M. Scarizzi disait ces choses, elle se choquait et lui disait de quitter son bureau.

[27] Mme Marinaki a dit qu'elle ne riait pas des farces et commentaires de M. Scarizzi et qu'elle n'utilisait pas non plus un tel type d'humour au lieu de travail. Elle a reconnu que son propre superviseur lui avait parlé de son langage vulgaire dans le lieu de travail.

[28] Mme Marinaki ne se rappelle pas si elle s'est plainte à quiconque du comportement de M. Scarizzi, mais elle croit que tout le monde était au courant étant donné que certaines observations de M. Scarizzi avaient été faites en plein lieu de travail, en présence de collègues de travail. Mme Marinaki croit aussi que les gens savaient qu'elle était choquée de son attitude. Elle a dit qu'au cours de cette période elle se renfermait sur elle-même; elle est devenue défensive et n'entretenait plus de rapports avec ses collègues de travail.

[29] Plusieurs collègues de travail de Mme Marinaki, dont Eugenia McShane, Neera Singh et Maria de Sousa, ont remarqué des changements dans le comportement de Mme Marinaki, mais pas avant les années 1990. Cependant, personne n'a remarqué les changements décrits par Mme Marinaki dans les années 1980.

[30] Mme Marinaki dit qu'un certain temps après 1986, Domenic Scarizzi a commencé à laisser des caricatures et des blagues sur son bureau. Un ensemble de documents a été identifié par Mme Marinaki comme étant une collection des blagues et bandes dessinées qu'elle a reçues à la fin des années 1980 (la collection de bandes dessinées). Inutile de dire que la plupart des documents sont de nature sexuelle et qu'un grand nombre sont de très mauvais goût.

[31] Dans son témoignage, Mme Marinaki a dit qu'elle a fait savoir à M. Scarizzi qu'elle n'appréciait pas du tout recevoir ces articles. Elle a indiqué qu'elle a mis les documents dans son sac à main et qu'elle les a apportés chez elle pour les montrer à son père.

[32] M. Scarizzi a confirmé qu'il aimait rire et faire des blagues au travail, mais a nié avoir fait des commentaires sexuels ou racistes inappropriés à l'endroit de Mme Marinaki ou de qui que ce soit d'autre. M. Scarizzi a nié s'être fait parler de son langage dans le lieu de travail. Il a nié catégoriquement avoir laissé des bandes dessinées ou des blagues de la collection de bandes dessinées sur le bureau de Mme Marinaki.

[33] Nous avons entendu des témoignages de plusieurs autres personnes qui ont travaillé avec Domenic Scarizzi, certaines appelées par la Commission et d'autres appelées par l'intimé. Tous s'accordent pour reconnaître que M. Scarizzi était un type dynamique, énergique et travailleur, quelqu'un qui essayait toujours de mettre un peu d'animation dans la journée de travail. Plusieurs témoins (y compris au moins un témoin appelé par l'intimé) ont entendu M. Scarizzi faire des blagues et des commentaires de nature sexuelle dans le lieu de travail. Plusieurs témoins avaient souvenir de M. Scarizzi qui faisait des blagues ou des commentaires de nature raciste. Dans son témoignage, Neera Singh a dit que M. Scarizzi l'avait traitée de Paki. Elle l'a aussi entendu faire une remarque dénigrante au sujet de clients grecs en présence de Mme Marinaki. Bien que Mme Singh n'ait pas mentionné à quel moment cela s'est produit, lorsque l'on examine tout son témoignage, il semble que c'était probablement à la fin des années 1980. Personne n'a confirmé avoir entendu une des observations précises attribuées à M. Scarizzi par Mme Marinaki.

[34] Plusieurs personnes nous ont dit qu'elles avaient été offusquées par le comportement de M. Scarizzi et lui avaient dit de cesser. Les blagues et les commentaires cessaient pendant un certain temps, puis reprenaient de nouveau.

[35] Les membres de la direction aux Opérations internationales étaient de toute évidence au courant du problème. Mme McShane a indiqué qu'elle a dû parler à M. Scarizzi à quelques reprises au sujet de commentaires inappropriés pendant la période où elle l'a supervisé dans les années 1980.

[36] Pour ce qui est des allégations générales de Mme Marinaki, de commentaires sexuels et raciaux inappropriés faits par M. Scarizzi au cours des années 1980, nous préférons le témoignage de Mme Sangiorgi, de Mme Singh, de Mme McShane et de M. Gratton à celui de M. Scarizzi, qui selon nous n'était pas un témoin crédible. (8)

[37] Nous concluons que M. Scarizzi a utilisé un humour racial et sexuel dans le lieu de travail sur une base régulière dans les années 1980 et que son comportement était offensant pour certains. Il n'est d'ailleurs pas surprenant de constater que M. Scarizzi n'agissait pas de cette façon avec tout le monde, mais choisissait plutôt son auditoire. En conséquence, les preuves présentées par un grand nombre de témoins de l'intimé selon lesquelles ces témoins n'ont jamais entendu M. Scarizzi faire usage de ce type de langage ne nous détournent pas de cette conclusion. Cependant, nous ne pouvons pas conclure que M. Scarizzi a tenu les propos précis que lui attribuait Mme Marinaki. Pour des motifs énoncés plus loin dans la présente décision, nous avons de profondes préoccupations quant à la fiabilité des preuves de Mme Marinaki. Personne n'a confirmé avoir entendu les commentaires attribués à M. Scarizzi, malgré le témoignage présenté par Mme Marinaki selon lequel certains de ces commentaires ont été faits en présence d'autres personnes. Aucun des documents préparés par Mme Marinaki en rapport avec sa plainte de harcèlement interne, son grief ou sa plainte concernant les droits de la personne fait mention de ces commentaires et il n'y a non plus aucune référence à ces commentaires dans la communication préalable à l'audience de Mme Marinaki ou de la Commission. En effet, la question du comportement de M. Scarizzi dans les années 1980 semble avoir été soulevée pour la première fois à la présente audience.

[38] Il faut se rappeler que les preuves concernant les actions de Domenic Scarizzi dans les années 1980 ont été présentées seulement pour établir un contexte de ce qui s'est passé entre Mme Marinaki et M. Scarizzi après le retour de Mme Marinaki aux Opérations internationales à l'automne de 1992. Compte tenu de toutes les preuves, nous ne trouvons pas que la conduite de M. Scarizzi dans les années 1980 aide particulièrement à comprendre son interaction avec Mme Marinaki dans les années 1990 pour les motifs suivants :

  1. Bien que Mme Marinaki dise qu'elle était très offusquée du comportement de M. Scarizzi, ses actions ne le confirment pas étant donné qu'elle ne s'est pas plainte à son chef immédiat, à ses collègues de travail ou à son syndicat. Il n'y a pas non plus de preuves qu'elle s'est plainte à qui que ce soit à l'extérieur des Opérations internationales, pas à sa famille, ni à ses amis ou à son médecin, ou encore à ses nouveaux collègues à Revenu Canada. Nous reconnaissons que les victimes de harcèlement sont souvent réticentes à porter plainte et que le fait de ne pas se plaindre en temps opportun n'est pas nécessairement une erreur fatale quant à une plainte ultérieure. Cependant, dans le présent cas, le fait que Mme Marinaki ne s'est pas plainte de la conduite de M. Scarizzi au moment où cela se produisait doit être examiné en fonction du fait que tout le temps qu'elle a travaillé pour l'intimé, Mme Marinaki était plus que prête à contester l'autorité et à affirmer son droit de se plaindre au sujet de ce qu'elle percevait comme un traitement injuste ou inapproprié dans le lieu de travail. (9) Outre les preuves relatives à plusieurs confrontations avec des collègues de travail lorsque Mme Marinaki estimait qu'elle avait été traitée de façon incorrecte, nous avons les preuves provenant de plusieurs griefs, de deux appels à la Commission d'appel de la fonction publique, d'une plainte de harcèlement interne, d'une poursuite au civil et de sa plainte concernant les droits de la personne, toutes entreprises par Mme Marinaki. Il faut particulièrement souligner le fait que Mme Marinaki était prête, consentante et capable d'entreprendre plusieurs actions contre M. Scarizzi dans les années 1990 - lorsqu'il était son supérieur - mais selon ses dires, elle a gardé le silence au sujet du grave écart de conduite allégué de M. Scarizzi dans les années 1980, lorsqu'elle était encore sa collègue.
  2. Il y avait des preuves de discussions que Mme Marinaki a eues avec Steve Shipley, le gestionnaire par intérim du service des relations du travail et de la rémunération de la Direction générale de la sécurité du revenu, et avec M. Thivierge, le directeur par intérim des Opérations internationales au début de 1992, au sujet de son retour prochain à la Direction générale. Rien ne laisse supposer que Mme Marinaki ait mentionné quelque préoccupation que ce soit au sujet de la conduite de M. Scarizzi à M. Shipley ou à M. Thivierge.
  3. Dans son témoignage, Mme Marinaki a dit que lorsqu'elle est revenue aux Opérations internationales de son affectation au PAS en 1992, on lui a dit qu'elle relèverait de M. Scarizzi, qui à cette époque occupait par intérim un poste de supervision. Mme Marinaki a dit qu'elle n'avait aucun problème avec cela. Cette réaction n'est pas conforme à la position qui est maintenant mise de l'avant.
  4. Lorsque Mme Marinaki a finalement porté plainte au sujet du comportement de M. Scarizzi, ses plaintes avaient trait à l'utilisation par M. Scarizzi d'un langage offensant à son endroit, dans des moments de colère, par opposition à des blagues ou des commentaires à caractère sexiste et raciste.
  5. Il y a eu une interruption temporelle importante entre le comportement attribué à M. Scarizzi dans les années 1980 et celui visé par la plainte de Mme Marinaki. Mme Marinaki a quitté les Opérations internationales en novembre 1989 et n'est revenue qu'en septembre 1992, soit presque trois ans plus tard.

[39] Bien que nous ne sanctionnons aucunement les blagues et commentaires sexistes et racistes de M. Scarizzi, nous ne pouvons pas conclure que sa conduite au cours des années 1980 a eu une influence ou une incidence sur l'interaction entre Mme Marinaki et M. Scarizzi dans les années 1990.

[40] Pour ce qui est des blagues et des caricatures supposément distribuées par M. Scarizzi, un témoin a confirmé avoir vu dans le lieu de travail les blagues et les caricatures du type de celles que l'on retrouve dans la collection de caricatures. Chantal Daigle a dit qu'à un moment donné en ou vers 1991, un collègue de travail, Michel Stocker, lui a montré un dossier qui renfermait ce matériel et lui a dit qu'elle pouvait en faire des copies si elle le voulait. Mme Daigle n'a porté plainte à personne et la conduite a cessé.

[41] Il est évident que le matériel écrit identifié par Mme Marinaki et Mme Daigle comme étant présent dans le lieu de travail est d'une nature qui aurait bien pu empoisonner le climat de travail, peu importe que le matériel en question provienne de M. Scarizzi ou de M. Stocker. Cependant, il faut se rappeler que, dans le présent cas, ce matériel a été admis dans le but limité d'établir un contexte à l'interaction ultérieure entre Mme Marinaki et M. Scarizzi. Dans ces conditions, il devient nécessaire de décider si Mme Marinaki a démontré qu'elle avait reçu le matériel de M. Scarizzi.

[42] Nous ne pouvons pas conclure sur la foi des preuves qui nous sont présentées que M. Scarizzi a effectivement donné à Mme Marinaki les blagues et les caricatures comme elle l'a prétendu. Outre les motifs cités antérieurement pour ce qui est des commentaires sexistes et racistes de M. Scarizzi, d'autres raisons nous permettent d'en venir à cette conclusion :

  1. De son propre aveu, Mme Marinaki a estimé que les documents étaient suffisamment importants pour qu'elle les apporte chez elle et les conserve pendant de nombreuses années. Cependant, elle n'a pas mentionné l'existence des documents au cours de sa plainte de harcèlement interne, de son grief relativement à ses allégations de harcèlement ou de sa plainte concernant les droits de la personne, qui ont tous trait directement aux allégations de comportement inapproprié de la part de M. Scarizzi. En effet, bien que Mme Marinaki ait eu à sa disposition des avocats en rapport avec ces questions pendant des années, elle n'a remis les documents à son avocat que la veille du début des présentes audiences. Mme Marinaki n'a pas fourni une explication crédible pour ne pas avoir produit les documents plus tôt. (10)
  2. Mme Marinaki dit qu'elle a mis les documents offensants dans son sac à main et qu'elle les a apportés chez elle. Nous avons examiné les documents originaux. Les documents sont dans un état remarquablement bon après toutes ces années. Leur apparence n'est pas conforme à un séjour dans un sac à main.

[43] En conséquence, nous ne croyons pas que les blagues et les caricatures aient été données à Mme Marinaki par M. Scarizzi.

iii) Départ de Mme Marinaki des Opérations internationales et retour

[44] L'affectation PAS de Mme Marinaki à la section de la TPS de Revenu Canada a commencé en 1989. Pendant son affectation à Revenu Canada, Mme Marinaki a travaillé en tant qu'analyste commerciale, aux groupe et niveau AS-2, un poste supérieur et plus rémunérateur que son poste d'attache de CR-5. Le travail de Mme Marinaki consistait à travailler avec les systèmes informatiques du Ministère, y compris la construction de profils des usagers, les tests offerts aux clients et la mise au point de systèmes. Elle participait à la vérification de programmes informatiques et elle veillait à ce que les employés de la TPS aient accès aux niveaux appropriés de renseignements protégés.

[45] Mme Marinaki s'est bien acquittée de ses tâches, recevant des évaluations positives dans ses deux évaluations de rendement effectuées pendant son séjour. On y notait qu'elle était créatrice et travaillait fort et qu'elle s'entendait bien avec ses collègues de travail. Mme Marinaki a de toute évidence aimé son travail à Revenu Canada et elle a excellé dans cet environnement.

[46] L'affectation de Mme Marinaki à Revenu Canada devait à l'origine être de novembre 1989 à mars 1991. Par accord, le mandat de Mme Marinaki a été prolongé deux fois, jusqu'à la fin de mars 1992, moment où il était prévu qu'elle revienne aux Opérations internationales.

[47] À certains moments au cours de son témoignage, Mme Marinaki a insisté sur le fait qu'elle n'a eu aucun problème à revenir à son poste d'attache aux Opérations internationales. (11) Cependant, en d'autres occasions, elle a reconnu qu'elle avait travaillé en tant que préposée au règlement des demandes pendant de nombreuses années, qu'elle avait appris toutes les facettes de son travail et qu'elle n'était pas enchantée d'y retourner. Son propre docteur de famille a noté dans une lettre datée de juin 1993 que Mme Marinaki avait été malheureuse de retourner aux Opérations internationales. À l'examen de toutes les preuves, nous sommes convaincus que Mme Marinaki n'avait plus rien à apprendre dans son ancien emploi aux Opérations internationales et qu'elle ne voulait pas y retourner pour cette raison.

[48] Steve Shipley, dans son témoignage, a dit qu'il a rencontré Mme Marinaki au début de 1992, à la demande de celle-ci. Mme Marinaki a fait savoir à M. Shipley que son mandat à Revenu Canada allait bientôt prendre fin et qu'elle ne souhaitait pas retourner aux Opérations internationales étant donné qu'elle y trouvait son travail ennuyant. Mme Marinaki a indiqué qu'elle était intéressée à poursuivre une autre affectation. M. Shipley a informé Mme Marinaki qu'elle devrait en discuter avec André Thivierge, qui était maintenant le directeur par intérim des Opérations internationales. Selon M. Shipley, Mme Marinaki n'a fait aucune mention pendant cette discussion de préoccupations au sujet de harcèlement ethnique ou sexuel aux Opérations internationales ou au sujet de l'existence d'un climat de travail empoisonné.

[49] Mme Marinaki ne se rappelle pas de cette réunion, quoiqu'elle n'ait pas contesté la version des événements fournie par M.Shipley.

[50] Mme Marinaki a également rencontré M. Thivierge au cours du mois de mars 1992. Mme Marinaki et M. Thivierge n'ont pas le même souvenir du déroulement de la réunion et de ce qui y a été discuté. Mme Marinaki s'en rappelle comme d'une rencontre fortuite au cours de laquelle M. Thivierge l'a informée qu'il ne prolongerait pas son affectation PAS, quoique plus tard elle ait dit qu'elle ne savait pas qui aurait pris la décision de ne pas prolonger son mandat. (12)

[51] Dans son témoignage, M. Thivierge a dit que la rencontre avait été de nature plus officielle et qu'elle s'était déroulée à la demande de Mme Marinaki. Selon M. Thivierge, dans le courant de la réunion, Mme Marinaki l'a informé qu'elle ne souhaitait pas du tout revenir aux Opérations internationales étant donné que le travail ne lui offrait aucun défi et que si elle était tenue de revenir aux Opérations internationales elle deviendrait cérébralement morte. Mme Marinaki voulait que M. Thivierge l'aide à trouver un autre emploi. Ce dernier a dit qu'il a fait plusieurs suggestions sur la façon pour Mme Marinaki d'essayer de trouver un autre emploi.

[52] Mme Marinaki reconnaît qu'elle a utilisé l'expression cérébralement morte pour décrire le travail aux Opérations internationales dans des discussions avec ses collègues de travail et ses supérieurs. Rien ne contredit qu'elle ait dit à M. Thivierge qu'elle deviendrait cérébralement morte si elle était obligée de revenir aux Opérations internationales à l'échéance de son mandat à Revenu Canada.

[53] Malgré les conflits dans les preuves de ce qui est arrivé à cette réunion, il est évident que Mme Marinaki n'était pas heureuse à l'idée de revenir aux Opérations internationales et qu'elle était intéressée à trouver un autre poste. Rien ne laisse croire non plus que Mme Marinaki ait mentionné avoir eu des préoccupations au sujet du harcèlement ethnique ou sexuel de la part de Domenic Scarizzi.

[54] Le 19 mars 1992, M. Thivierge a approuvé la demande pour une autre affectation PAS de Mme Marinaki (sous réserve des besoins du service). M. Thivierge dit qu'il inscrit cette réserve à chaque demande PAS qu'il approuve. Bien que Mme Marinaki semble considérer cela comme une preuve de mauvaise foi de la part de M. Thivierge en ce sens que cela lui donnait l'excuse pour ne pas autoriser un employé à entreprendre une affectation PAS, il faudrait comprendre que ce que M. Thivierge a fait, c'était de donner son accord, de principe, pour qu'un employé participe au programme PAS. Lorsqu'une telle autorisation était donnée, M. Thivierge ne savait pas si l'employé allait effectivement avoir une affectation, à quel moment l'affectation se déroulerait, ni où ni pendant combien de temps. De même, M. Thivierge n'avait aucune façon de savoir ce que serait la situation aux Opérations internationales au moment où l'offre d'affectation PAS allait en réalité se concrétiser. Dans de telles circonstances, l'inclusion d'une réserve au moment de l'approbation semble tout à fait raisonnable.

[55] Il semble que cette demande d'affectation PAS n'a pas débouché une autre affectation pour Mme Marinaki.

[56] Mme Marinaki a pris deux semaines de congé avant son retour prévu aux Opérations internationales. Le 10 avril 1992, son père est décédé. De toute évidence, Mme Marinaki entretenait des rapports étroits avec son père et son décès l'a beaucoup bouleversée.

[57] Après le décès de son père, Mme Marinaki a été en congé de maladie d'avril à septembre 1992. À l'origine, Mme Marinaki a prétendu qu'elle ne revenait pas au travail afin d'aider sa mère à surmonter sa peine et pour montrer à sa mère comment accomplir les nombreuses tâches effectuées jusque là par le père de Mme Marinaki. Nous concluons que le témoignage initial de Mme Marinaki à cet égard n'a pas été tout à fait franc.

[58] Sans tenir compte des questions que sa description initiale de la raison de son absence pourraient soulever, quant à savoir s'il s'agissait d'une utilisation appropriée des congés de maladie, il est devenu évident au contre-interrogatoire de Mme Marinaki et selon les certificats de médecin produits par la suite, que Mme Marinaki était absente parce qu'elle était elle-même malade. Plus particulièrement, le Dr Morris Resnick (le médecin de famille de Mme Marinaki) a indiqué dans une lettre du 29 juillet 1992 que Mme Marinaki pouvait revenir au travail le 1er septembre 1992, mais que …compte tenu du décès de son père et de l'impact émotif considérable que cet événement a eu sur elle, [elle] devrait subir le moins de stress possible au travail.

iv) Constatations concernant le contexte du retour au travail de Mme Marinaki aux Opérations internationales

[59] Nous concluons de tout cela que Mme Marinaki était une employée talentueuse et ambitieuse, qui n'avait plus aucun intérêt à exécuter les tâches répétitives associées à son poste aux Opérations internationales et qui était frustrée de son incapacité d'obtenir un poste de gestion. Elle avait essayé de trouver un poste plus stimulant à l'extérieur des Opérations internationales longtemps avant le moment qu'elle prétend que le comportement inapproprié de M.Scarizzi a commencé.

[60] Nous constatons que bien que Domenic Scarizzi ait eu une conduite inappropriée dans le lieu de travail avant le départ de Mme Marinaki, sa raison pour accepter une affectation PAS en 1989 avait tout à voir avec son avancement professionnel et rien avec le comportement de M. Scarizzi.

[61] Mme Marinaki trouvait son travail à Revenu Canada à la fois stimulant et motivant. Malheureusement, ce travail ne s'est pas transformé en un poste permanent et Mme Marinaki n'avait d'autre choix que de revenir aux Opérations internationales, à son grand déplaisir.

[62] Entre-temps, le décès de son père a de toute évidence provoqué une détresse émotive considérable chez Mme Marinaki, l'obligeant à s'absenter du travail pendant quelque 4 mois et demi. Il est évident d'après la lettre du 29 juillet du Dr Resnick qu'il ne prévoyait pas que les problèmes émotifs de Mme Marinaki seraient complètement réglés avant son retour au travail en septembre et qu'elle continuerait à être un peu fragile émotionnellement par la suite.

IV. ÉVÉNEMENTS PENDANT LE SÉJOUR DE MME MARINAKI AUX OPÉRATIONS INTERNATIONALES - SEPTEMBRE 1992 À AOÛT 1993

[63] Les choses avaient changé aux Opérations internationales pendant l'affectation de Mme Marinaki à Revenu Canada. Pat Iannitti avait été remplacé par André Thivierge au poste de directeur et Domenic Scarizzi occupait un poste de gestion par intérim. Des ententes avaient été signées avec d'autres pays, ce qui signifiait qu'il y avait encore plus de travail aux Opérations internationales et plus de pression pour le personnel.

[64] Lorsqu'il est devenu évident que Mme Marinaki reviendrait aux Opérations internationales en septembre 1992, les membres de la direction devaient décider du poste qu'on lui confierait. Il y avait deux services où l'on faisait le traitement des demandes en vertu de l'entente signée avec la Grèce, un de ces services était géré par Domenic Scarizzi. Dans son témoignage, M. Scarizzi a dit qu'il a offert de prendre Mme Marinaki dans son service étant donné qu'il croyait qu'ils entretenaient de bons rapports et qu'ils travailleraient bien ensemble.

[65] M. Scarizzi était conscient que Mme Marinaki avait été en congé de maladie pendant tout l'été de 1992, mais il ne connaissait pas la raison de son absence. On ne lui avait jamais remis copie de la lettre du 29 juillet du Dr Resnick et il n'était pas au courant de la fragilité émotive courante de Mme Marinaki ni de son besoin de subir le moins de pression possible.

[66] À son retour aux Opérations internationales, Mme Marinaki a rencontré André Thivierge, qui l'a informée qu'elle travaillerait sous la direction de Domenic Scarizzi. Mme Marinaki a dit dans son témoignage qu'elle n'avait aucun problème avec cela. Après quelques jours, Mme Marinaki a eu une réunion avec M. Scarizzi et M. Thivierge, réunion pendant laquelle elle a décrit son expérience à Revenu Canada et manifesté de l'intérêt pour une carrière aux Systèmes. M. Thivierge et M. Scarizzi l'ont encouragé à poursuivre cet objectif. Mme Marinaki était très heureuse du déroulement de la réunion, croyant qu'elle serait en mesure de se trouver un autre poste. Mme Marinaki a présenté sa candidature à de nombreux postes à l'automne de 1992, sans succès.

[67] Mme Marinaki a dit que peu de temps après cette réunion, Domenic Scarizzi est venu dans son bureau et lui a demandé de venir prendre un verre avec lui après le travail. Elle a refusé. Mme Marinaki ne sait pas si M. Scarizzi l'invitait pour aller à un événement social de bureau, ou si d'autres personnes du bureau seraient également présentes. M. Scarizzi nie avoir invité Mme Marinaki à aller prendre un verre après le travail. Compte tenu de l'incertitude de Mme Marinaki quant à la nature de l'invitation, nous ne sommes pas disposés à conclure quoi que ce soit de sa déclaration selon laquelle elle a reçu l'invitation ou du démenti de M. Scarizzi qu'il l'ait fait. M. Scarizzi pourrait très bien avoir essayé d'inclure Mme Marinaki dans une activité de bureau peu après son retour aux Opérations internationales et n'aurait eu aucune raison de s'en rappeler huit ans plus tard.

[68] Mme Marinaki a reçu de la formation de rattrapage concernant les procédures et pratiques courantes des Opérations internationales. Maria De Sousa, agente de formation aux Opérations internationales a donné la formation. Dans son témoignage, Mme De Sousa a dit que Mme Marinaki semblait frustrée et malheureuse d'être de retour aux Opérations internationales et semblait blâmer M. Thivierge pour l'avoir obligée à revenir. Selon Mme De Sousa, bien que Mme Marinaki se plaignait de sa frustration à l'égard du travail, elle n'a en aucun temps mentionné une préoccupation relativement à du racisme ou du sexisme aux Opérations internationales, ou à une conduite inappropriée de la part de Domenic Scarizzi.

[69] Mme De Sousa a dit que Mme Marinaki agissait comme si elle était trop bonne pour un poste de CR-5, ne manifestant aucun intérêt dans le cours de rattrapage. Mme Marinaki a raté plusieurs journées de formation et a eu une influence négative sur les autres stagiaires lorsqu'elle était à la formation. Mme De Sousa a dit que le langage utilisé par Mme Marinaki était très grossier et qu'elle jurait fréquemment.

[70] Mme Marinaki s'est rappelée d'avoir suivi le cours de rattrapage, mais bien peu de choses à ce sujet. Elle n'a pas contesté la description de sa conduite faite par Mme De Sousa.

[71] Chantal Daigle a témoigné au sujet de sa première rencontre avec Mme Marinaki. Mme Daigle a rencontré Mme Marinaki dans la salle de bains au travail. Mme Marinaki a demandé à Mme Daigle son nom, où elle avait travaillé avant de venir aux Opérations internationales. Selon Mme Daigle, Mme Marinaki lui a alors dit qu'elle devrait retourner à l'endroit d'où elle venait parce que les Opérations internationales, c'était l'enfer. Mme Marinaki n'a pas nié la description donnée par Mme Daigle de leur rencontre.

i) Le poste de CS-2 avec Pierre LaFrance

[72] Selon Mme Marinaki, tout allait bien jusqu'à ce qu'un incident survienne avec Pierre LaFrance. Mme Marinaki avait essayé de trouver un autre poste dès le moment où elle était revenue aux Opérations internationales. Elle dit qu'elle a rencontré M. LaFrance le 6 octobre 1992 et que lors de la réunion avec M. LaFrance, ce dernier lui a offert un poste de CS-2 pour une durée indéterminée au département des systèmes. Mme Marinaki a dit qu'elle n'a pas passé un examen, qu'elle n'a pas non plus participé à un concours quelconque pour le poste, à part l'entrevue. On ne lui a jamais remis un avis de concours, ni un énoncé de qualités, ni une description de poste ni une liste d'admissibilité en rapport avec l'emploi.

[73] Selon Mme Marinaki, après que M. LaFrance lui eut offert le poste, il lui a demandé s'il pouvait parler à M. Thivierge pour s'assurer qu'il approuvait cet arrangement.

[74] Mme Marinaki a dit dans son témoignage qu'elle a informé M. Thivierge qu'on lui avait offert un poste pour une durée indéterminée et que M. Thivierge avait refusé de la laisser partir. Voyant qu'elle n'avait plus d'autres nouvelles de M. LaFrance, elle a fait un suivi auprès de ce dernier et lui a demandé ce qui s'était passé. Mme Marinaki dit que M. LaFrance lui a dit qu'il avait parlé à M. Thivierge, quoiqu'il ait refusé de lui dire ce que M. Thivierge avait dit. Mme Marinaki n'a jamais obtenu de poste au département des systèmes.

[75] M. LaFrance confirme la réunion avec Mme Marinaki, mais contredit de nombreux aspects de la version des événements donnée par Mme Marinaki . Plus particulièrement, il nie lui avoir offert un poste CS-2, pour une durée indéterminée ou autre.

[76] M. Thivierge nie que Mme Marinaki lui ait dit qu'elle avait une offre pour un poste d'une durée indéterminée aux Systèmes, ou qu'il ait parlé à M. LaFrance pour quelque raison que ce soit reliée à Mme Marinaki. Il fait remarquer qu'il ne pourrait pas refuser d'autoriser un employé d'occuper un nouveau poste pour une durée indéterminée.

[77] La version des événements de Mme Marinaki est intrinsèquement opposée. Elle ne démord pas du fait que M. LaFrance lui a offert un poste de CS-2 pour une période indéterminée le 6 octobre 1992. Contrairement à une affectation PAS qui nécessiterait l'approbation du chef immédiat dans le poste d'attache, une offre d'emploi pour une période indéterminée ne nécessite pas l'approbation du chef immédiat. En conséquence, il n'aurait pas été nécessaire d'obtenir l'approbation de M. Thivierge pour que Mme Marinaki puisse occuper le poste aux Systèmes. En outre, le témoignage de Mme Marinaki selon lequel on lui a offert un poste pour une période indéterminée sans qu'elle participe à un concours, qu'elle n'a jamais passé un examen, ni vu un avis de concours, énoncé de qualités, description de poste ou liste d'admissibilité est complètement incompatible avec les pratiques de dotation établies à la fonction publique. Ce témoignage ne correspond pas non plus à celui de M. LaFrance lui-même ni à celui de M. Thivierge et nous préférons croire les témoignages de ces deux derniers plutôt que celui de Mme Marinaki.

[78] Bien que cette question ne soit pas mentionnée dans la plainte de Mme Marinaki concernant les droits de la personne, beaucoup de temps y a été consacré pendant l'audience. La question revêtait de toute évidence une importance considérable pour Mme Marinaki, qui n'a cessé d'être de l'avis depuis octobre 1992 qu'on lui a injustement refusé un poste de CS-2. Dans ses conclusions finales, M. Lister a soutenu que M. Thivierge avait contrevenu à la Loi canadienne sur les droits de la personne en ne traitant pas de façon appropriée les plaintes de Mme Marinaki concernant M. Scarizzi et en faisant usage de représailles à l'endroit de Mme Marinaki pour s'être plainte de M. Scarizzi. Lorsqu'il a été signalé que la première plainte de Mme Marinaki au sujet de la conduite de M. Scarizzi n'a été faite qu'en décembre 1992 - environ deux mois après les discussions entre Mme Marinaki et M. LaFrance - M. Lister a indiqué que la question du poste de CS-2 n'était pas mise de l'avant pour démontrer une responsabilité en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, mais portait sur la crédibilité de M. Thivierge. À notre avis, toute la question du poste de CS-2 a plutôt trait à la crédibilité de Mme Marinaki. Bien que nous acceptions que Mme Marinaki puisse sincèrement croire que M. LaFrance lui a offert un poste de CS-2 pour une période indéterminée en octobre 1992, nous ne pouvons pas conclure selon une prépondérance des probabilités que cette offre a eu lieu. Mme Marinaki voulait désespérément obtenir un emploi aux Systèmes et a d'une certaine façon transformé une discussion générale avec M. LaFrance en une offre concrète d'emploi. Son interprétation erronée de cette discussion soulève également une préoccupation quant à la fiabilité de la perception générale des événements de Mme Marinaki.

[79] La question du poste de CS-2 est importante pour une autre raison. Mme Marinaki croyait déjà que M. Thivierge était en quelque sorte responsable du non-prolongement de son affectation PAS à Revenu Canada après mars 1992, même si son avocat a reconnu qu'il n'y avait aucune preuve pour étayer cette opinion. Il est évident que Mme Marinaki était extrêmement irritée à ce qu'elle percevait être une ingérence injustifiée de la part de M. Thivierge dans ses ambitions professionnelles et que cette perception a eu une incidence négative sur sa relation avec M. Thivierge à compter de 1992.

ii) Relation de Domenic Scarizzi avec Marie Thibeault

[80] Nous avons entendu de nombreux témoignages au sujet d'une relation personnelle qui s'est développée entre Domenic Scarizzi et une préposée au règlement des demandes aux Opérations internationales, du nom de Marie Thibeault. Dans son témoignage, Mme Marinaki a parlé de diverses préoccupations qu'elle avait pour ce qui est de cette relation, de l'incidence négative qu'elle percevait qu'il y avait dans le lieu de travail et du favoritisme qu'elle croyait que M. Scarizzi manifestait à l'endroit de Mme Thibeault en raison de cette relation (13). Cependant, l'avocat de Mme Marinaki n'a laissé plané aucun doute dans ses conclusions finales que Mme Marinaki n'alléguait pas que la relation entre M. Scarizzi et Mme Thibeault constituait du harcèlement sexuel ou ethnique, mais que cela avait plutôt trait à la crédibilité et au jugement de M. Scarizzi. De même, l'avocat n'a pas essayé de se fonder sur ces preuves pour alléguer un traitement différentiel dans le cadre de sa plainte.

[81] M. Scarizzi et Mme Thibeault reconnaissent tous deux qu'ils étaient de bons amis pendant cette période. Rien ne laisse croire que la relation était quoi que ce soit d'autre qu'une relation consensuelle. Bien qu'il y ait un certain doute quant au moment où cette relation a débuté, les preuves à cet effet ne sont pas claires. En conséquence, bien que nous ayons d'autres préoccupations au sujet de la crédibilité et du jugement de M. Scarizzi, nous ne concluons pas que ces preuves sont particulièrement utiles à cet égard.

iii) Blagues sexistes et racistes de la part de Domenic Scarizzi dans les années 1990

[82] Dans son témoignage, Mme Marinaki a dit que Domenic Scarizzi n'a pas continué à faire des observations et des blagues racistes et sexistes après son retour de Revenu Canada. Bien que plusieurs autres témoins aient fait savoir que ce comportement s'est poursuivi sans relâche dans les années 1990, personne n'a été témoin d'observations faites en présence de Mme Marinaki au cours de cette période. Lorsqu'on lui a demandé une deuxième fois si le comportement avait continué, Mme Marinaki a répondu non, pas au début. Cependant, elle a poursuivi et donné des exemples de ce type de comportement qui se sont produits après son retour de Revenu Canada.

[83] Le démenti de Mme Marinaki selon lequel le comportement ne s'est pas poursuivi dans les années 1990 constituerait normalement la fin de la question. Cependant, le témoignage de Mme Marinaki au cours de l'audience n'était pas conforme à la base juridique établie dans les conclusions et dans les déclarations d'ouverture des avocats. Compte tenu de cette incohérence, du conflit entre le témoignage de Mme Marinaki et celui d'autres témoins de la Commission et de l'incapacité de Mme Marinaki, nous nous posons des questions sur l'exactitude de son témoignage oral. Nous avons examiné attentivement les descriptions écrites précédentes de ce qui s'était produit dans le lieu de travail afin de déterminer si elle avait déjà allégué que M. Scarrizi continuait de faire des observations et des blagues racistes et sexistes après son retour aux Opérations internationales. Elle ne l'a pas fait. Nous avons aussi examiné l'objet de la plainte de Mme Marinaki lorsqu'elle a discuté de ses problèmes au travail avec des collègues. Dans ce cas-ci, ses récriminations portaient sur sa perception que sa progression professionnelle était bloquée, en particulier par M. Thivierge (14)

[84] Nous acceptons les témoignages de Mme Sangiorgi, de M. Hunt, de Mme McShane et de Mme Singh et nous concluons que Domenic Scarizzi a continué de faire des observations et des blagues racistes et sexistes à plusieurs de ses collègues au cours des années 1990. Cependant, compte tenu des démentis précis de Mme Marinaki et de l'absence d'autres preuves fiables à l'effet du contraire, nous ne pouvons pas conclure que M. Scarizzi a continué d'agir de cette façon à l'endroit de Mme Marinaki.

iv) La confrontation du 15 décembre

[85] Mme Marinaki a consulté le Dr Resnick à toutes les deux semaines tout au long de l'automne de 1992. Elle dit qu'elle consultait le Dr Resnick pour discuter de ses propres progrès et de la façon dont elle se débrouillait avec sa mère à la suite du décès de son père. Bien que Mme Marinaki dise qu'en septembre 1992 elle était très heureuse et n'avait aucun problème, à l'examen de toutes les preuves, nous sommes d'avis qu'il est probable que Mme Marinaki continuait de souffrir à l'automne de 1992 des séquelles du décès de son père.

[86] Il n'y a eu aucune difficulté pour ce qui est des absences de Mme Marinaki de son travail pour ses rendez-vous avec le Dr Resnick jusqu'au 15 décembre 1992. Mme Marinaki dit que lorsqu'elle est revenue de son rendez-vous ce jour-là, M. Scarizzi a commencé à crier après elle, l'a appelée une maudite Grecque et a exigé qu'elle remplisse un formulaire de demande de congé pour son absence. Selon Mme Marinaki, M. Scarizzi lui a alors lancé le formulaire de demande de congé. Mme Marinaki dit que M. Scarizzi lui a dit qu'elle avait droit à seulement un rendez-vous chez le médecin par année et lui a montré une note de service à cet effet. Au cours de la confrontation, M. Scarizzi lui a dit des choses comme ne me donne pas cette merde et vaffanculo, que Mme Marinaki interprète comme voulant dire va te faire foutre en italien. Mme Marinaki a dit dans son témoignage qu'il s'agissait de la première fois que M. Scarizzi l'avait appelée une maudite Grecque ou lui avait dit vaffanculo. (15) Selon Mme Marinaki, il n'y a personne d'autre qui devait remplir de demande de congé de maladie pour des rendez-vous chez le médecin.

[87] La note de service est en réalité un procès-verbal d'une réunion de gestion qui a eu lieu le 9 septembre 1992, dans laquelle on signale que les employés ont droit à un rendez-vous chez le médecin et un rendez-vous chez le dentiste par année et que les autres rendez-vous doivent faire l'objet d'une demande de congé de maladie. Mme Marinaki dit qu'elle n'a jamais vu la note de service et qu'elle n'était pas non plus au courant de la politique. Elle indique que M. Scarizzi lui avait demandé d'inscrire ses rendez-vous chez le médecin sur le calendrier dans son bureau, ce qu'elle avait fait.

[88] Mme Marinaki dit qu'elle a rempli le formulaire de demande de congé et que le rendez-vous a été imputé à ses congés de maladie non utilisés. Bien qu'elle ait continué de consulter le Dr Resnick sur une base régulière, on ne lui a jamais demandé par la suite d'utiliser ses congés de maladie pour ses absences.

[89] Selon la déclaration d'août de Mme Marinaki, cet incident se serait passé en présence de plusieurs employés des Opérations internationales, dont Mme Sangiorgi. Cependant, on n'a posé aucune question à Mme Sangiorgi pendant son témoignage et on n'a demandé à personne d'autre de venir confirmer la version des événements de Mme Marinaki.

[90] Il n'est donc pas surprenant que M. Scarizzi se rappelle de cet incident d'une façon différente. Selon M. Scarizzi, Mme Marinaki s'est absentée du bureau deux ou trois fois par semaine tout au long de l'automne de 1992. Il a dit que Mme Marinaki le prévenait parfois qu'elle s'absenterait pour un rendez-vous chez le médecin, que d'autres fois elle ne se présentait tout simplement pas au travail et par la suite prétendait avoir eu un rendez-vous chez le médecin. M. Scarizzi dit qu'il n'avait aucune idée des raisons de tous ces rendez-vous. Bien qu'il ait essayé de faire preuve de souplesse à l'endroit de Mme Marinaki, M. Scarizzi dit qu'il a finalement demandé à cette dernière de remplir un formulaire de demande de congé parce que la situation prenait des proportions incontrôlables. M. Scarizzi dit qu'il a remis le formulaire de demande de congé à Mme Marinaki pour qu'elle le remplisse à la fin de décembre ou au début de janvier, lorsque les formulaires de présence ont été remis à tous les employés. Il nie catégoriquement avoir eu une confrontation avec Mme Marinaki au sujet des congés le 15 décembre ou à la fin du mois et nie aussi l'avoir traitée de maudite Grecque ou d'avoir utilisé le mot vaffanculo. M. Scarizzi admet qu'il peut avoir utilisé le mot vaffanculo dans le lieu de travail de temps à autre, mais il insiste qu'il ne l'a jamais utilisé à l'endroit de qui que ce soit (16).

[91] Le témoignage de M. Scarizzi selon lequel Mme Marinaki s'absentait du bureau deux ou trois fois par semaine tout au long de l'automne 1992 ne correspond pas au témoignage de Mme Marinaki et, ce qui est encore plus révélateur, à la description même des événements de M. Scarizzi. Dans la réponse que M. Scarizzi a préparée en rapport avec la plainte de harcèlement interne de Mme Marinaki, il a indiqué que Mme Marinaki avait eu environ sept ou huit rendez-vous entre septembre et la mi-décembre de 1992, ce qui est parfaitement conforme à la description même de Mme Marinaki quant à la fréquence de ses rendez-vous. Nous concluons que M. Scarizzi a exagéré la fréquence des absences de Mme Marinaki de son lieu de travail afin de renforcer sa propre position.

[92] Il y a d'autres problèmes avec la version des événements de M. Scarizzi : il a insisté dans son témoignage que sa demande polie que Mme Marinaki indique son absence le 15 décembre en tant que congé de maladie a été faite à la fin du mois, au moment où il remettait les formulaires mensuels de congé à tous les employés. Cependant, selon la déclaration qu'il a faite en février 1994, il a laissé le formulaire sur le bureau de Mme Marinaki avant qu'elle revienne au travail le 15 décembre. De même, il a dit dans son témoignage qu'il voulait que Mme Marinaki commence à remplir les formulaires chaque fois qu'elle allait à un rendez-vous et pourtant il n'est pas contesté qu'il s'agissait de la seule fois où Mme Marinaki a été tenue de remplir une demande de congé de maladie pour aller à un rendez-vous chez le médecin. Les explications de M. Scarizzi quant à ces incohérences ne sont pas satisfaisantes.

[93] Finalement, Mme Marinaki a dit dans son témoignage que sa première plainte à M. Thivierge avait été faite à la suite de cette confrontation. Mme Marinaki et M. Thivierge sont tous deux d'accord sur le fait que Mme Marinaki est venue voir M. Thivierge en décembre et a présenté ses récriminations au sujet de M. Scarizzi.

[94] Compte tenu de ce qui précède, tout comme nous avons rejeté le témoignage de M. Scarizzi selon lequel il n'avait jamais eu recours à de l"humour raciste ou sexiste dans le lieu de travail, nous rejetons son explication de cet événement dans sa totalité. Il n'est tout simplement pas un témoin crédible. Nous concluons qu'il y a eu confrontation entre M. Scarizzi et Mme Marinaki le 15 décembre au sujet de ses absences du travail et que M. Scarizzi a élevé la voix à l'endroit de Mme Marinaki au cours de cette confrontation.

[95] Ayant conclu que la confrontation avait effectivement eu lieu, qu'est-ce que M. Scarizzi a dit à Mme Marinaki? Cette dernière prétend que M. Scarizzi a crié après elle, l'a traitée d'une maudite Grecque et lui a dit vaffanculo. Cependant, la déclaration que Mme Marinaki a préparée en 1993 en rapport avec sa plainte de harcèlement interne porte sur cet incident de façon détaillée, mais ne fait aucune mention du commentaire maudite Grecque, quoique l'utilisation par M. Scarizzi du terme vaffanculo est mentionnée. De même, l'exposé des précisions de Mme Marinaki complétant sa plainte de harcèlement interne ne fait aucune mention de maudite Grecque. En effet, la première fois que Mme Marinaki allègue que Domenic Scarizzi l'ait traitée d'une maudite Grecque, c'était en septembre 1994, dans sa réponse au rapport provisoire de harcèlement interne. (17) Toutefois, d'après les observations de Mme Marinaki, le moment où ce commentaire aurait été fait n'est pas clair. Compte tenu de ces omissions et pour ce qui est de nos préoccupations générales concernant la fiabilité du témoigage de Mme Marinaki, nous ne pouvons pas conclure que M. Scarizzi a traité Mme Marinaki d'une maudite Grecque le 15 décembre 1992.

[96] Cependant, nous sommes convaincus que M. Scarizzi a utilisé le terme vaffanculo dans un moment de colère au cours de la confrontation. Le témoignage de Mme Marinaki à cet effet n'a jamais varié. M. Scarizzi a reconnu que c'était une expression qu'il utilisait à l'occasion et d'autres collègues de travail ont confirmé avoir entendu M. Scarizzi utilisé l'expression dans le lieu de travail. Bien que M. Scarizzi nie l'avoir dit au cours de cette confrontation, tel qu'on l'a indiqué précédemment, nous trouvons que M. Scarizzi n'est pas du tout crédible.

[97] Bien que ce ne soit pas explicitement allégué, nous devons aussi, à notre avis, déterminer si M. Scarizzi a particularisé Mme Marinaki pour un traitement différentiel en ce qui a trait à ses rendez-vous chez le médecin et, le cas échéant, si son sexe ou son origine nationale ou ethnique ont joué un rôle dans tout cela.

[98] M. Shipley a expliqué la politique en ce qui concerne les congés de maladie et a confirmé que les employés étaient autorisés à prendre jusqu'à concurrence d'une demi-journée par année pour des rendez-vous chez le médecin. Les rendez-vous ordinaires pour des conditions permanentes devaient faire l'objet d'une demande de congé de maladie, bien que la direction puisse user de discrétion pour autoriser un congé payé dans de telles circonstances. Il est évident d'après le témoignage de M. Shipley et d'autres personnes qu'on accordait beaucoup de latitude aux employés à cet égard et que la politique n'était appliquée que lorsqu'un employé s'absentait sur une base continue.

[99] Nous ne pouvons tout simplement pas conclure, sur la base des preuves dont nous disposons, qu'il y avait un lien entre le sexe ou l'origine nationale ou ethnique de Mme Marinaki et l'application sélective de la politique sur les congés de maladie par M. Scarizzi. (18) Les absences continues de Mme Marinaki du travail constituent une explication beaucoup plus probable des actions de M. Scarizzi. Il est évident d'après le témoignage même de Mme Marinaki qu'elle s'absentait du travail de façon régulière pour consulter le Dr Resnick. Les absences régulières d'un employé de son lieu de travail sont une question de préoccupation légitime de la part d'un employeur. Bien que M. Scarizzi n'ait de toute évidence pas du tout bien géré la situation, il n'en demeure pas moins que Mme Marinaki s'absentait de son travail plusieurs heures aux deux semaines à une époque où, au dire de tout le monde, les ressources aux Opérations internationales étaient étirées à la limite.

[100] Bien que toute cette situation pourrait éventuellement soulever des questions relativement au traitement des personnes handicapées, nous ne devons pas oublier qu'il ne s'agit pas d'une plainte fondée sur une incapacité, mais plutôt d'une plainte de harcèlement sexuel et ethnique.

v) Plainte présentée en décembre par Mme Marinaki à M. Thivierge

[101] Mme Marinaki et M. Thivierge s'entendent pour dire que Mme Marinaki est venue voir M. Thivierge en décembre 1992 pour se plaindre du comportement de M. Scarizzi.

[102] Selon Mme Marinaki, elle a d'abord consulté son syndicat qui lui a dit que la note de service contrevenait aux dispositions de la convention collective et qui lui a suggéré de parler à son directeur. Elle dit qu'elle est allée voir M. Thivierge. Il est intéressant d'examiner précisément la préoccupation principale de Mme Marinaki lorsqu'elle a rencontré M. Thivierge. Même si la rencontre de Mme Marinaki avec M. Thivierge a été précipitée par sa confrontation avec Domenic Scarizzi le 15 décembre 1992, le témoignage oral de Mme Marinaki et sa description écrite antérieure des événements ne laissent aucun doute quant à la principale question soulevée par Mme Marinaki lors de sa réunion avec M. Thivierge, à savoir que Mme Marinaki s'inquiétait de la relation entre M. Scarizzi et Marie Thibeault.

[103] Mme Marinaki dit dans son témoignage que lorsqu'elle est allée voir M. Thivierge, elle lui a dit que M. Scarizzi et Mme Thibeault étaient un peu plus que des amis et qu'ils nuisaient au travail au sein du service. Mme Marinaki dit qu'elle a aussi dit à M. Thivierge qu'elle voulait une mutation à l'extérieur du service parce que M. Scarizzi la harcelait et employait un langage offensant à son endroit.

[104] Selon Mme Marinaki, M. Thivierge lui a demandé pourquoi elle lui disait ces choses au sujet de M. Scarizzi et de Mme Thibeault. Il lui a alors dit allez vous voir dans le miroir espèce de stupide. M. Thivierge a confirmé que Mme Marinaki avait droit à un seul rendez-vous chez le médecin par année. Mme Marinaki dit que M. Thivierge lui a dit qu'il ne la muterait pas à l'extérieur du service avant le mois de septembre suivant. M. Thivierge a alors demandé à M. Scarizzi de se joindre à la réunion et a dit à Mme Marinaki de collaborer avec lui et d'écouter ce que M. Scarizzi avait à dire. M. Thivierge a dit que M. Scarizzi avait beaucoup de récriminations au sujet de Mme Marinaki, qu'il prétendait qu'elle avait une attitude négative et qu'elle ne collaborait pas avec lui. Mme Marinaki a dit que cette question n'avait jamais été soulevée auparavant et qu'elle a demandé à M. Thivierge des exemples de ce comportement, mais qu'il refusait de lui en donner. Selon Mme Marinaki, M. Scarizzi n'a rien dit au cours de la réunion, puis elle a quitté.

[105] M. Thivierge a dit dans son témoignage que Mme Marinaki est venue le voir à un moment donné en décembre. Il se rappelle l'objet de la réunion, qui était de discuter d'une affectation PAS éventuelle pour Mme Marinaki. M. Thivierge a expliqué à Mme Marinaki que les affectations PAS faisaient l'objet d'un moratoire provisoire. M. Thivierge ne se rappelle pas si la question des rendez-vous chez le médecin et l'utilisation des congés de maladie a été discutée, bien qu'il était au courant à la suite de ses discussions avec M. Scarizzi qu'il y avait une préoccupation au sujet des rendez-vous chez le médecin de Mme Marinaki.

[106] Selon M. Thivierge, Mme Marinaki lui a dit qu'elle n'était pas heureuse de travailler aux Opérations internationales étant donné que son travail ne lui offrait pas de défi. M. Thivierge se rappelle que Mme Marinaki a soulevé une question au sujet de la relation entre M. Scarizzi et Mme Thibeault et que du favoritisme était manifesté à l'endroit de Mme Thibeault, bien qu'il ne soit pas certain si c'est au cours de cette réunion que la question a été soulevée. Il dit que lorsque Mme Marinaki a soulevée la question auprès de lui, il lui a demandé de préciser et qu'elle a refusé de le faire.

[107] M. Thivierge dit qu'il a discuté avec M. Scarizzi de sa relation avec Mme Thibeault. M Scarizzi a assuré M. Thivierge que son amitié pour Mme Thibeault ne nuisait pas au travail et qu'elle n'obtenait aucun traitement particulier. M. Scarizzi a dit que Mme Thibeault était une employée enthousiaste, qui acceptait des affectations supplémentaires sur une base volontaire. M. Thivierge a dit dans son témoignage que cela était conforme à ses propres observations de Mme Thibeault en tant qu'employée et qu'il n'a pas approfondi la question.

[108] M. Thivierge nie que Mme Marinaki ait soulevé des préoccupations de harcèlement de la part de M. Scarizzi, ou qu'elle ait fait allusion à son emploi d'un langage offensant.

[109] Domenic Scarizzi ne se rappelle pas qu'il y ait eu une rencontre en décembre, bien que nous ne l'ayons pas entendu nier qu'une telle réunion pouvait avoir eu lieu. Il ne se rappelle de rien au sujet d'une telle réunion. M. Scarizzi nie que qui que ce soit lui ait parlé de sa relation avec Mme Thibeault et de l'incidence que cette relation avait sur le travail.

[110] Nous n'avons aucune difficulté à conclure que Mme Marinaki a dit à M. Thivierge qu'elle était perturbée par la relation entre M. Scarizzi et Mme Thibeault, et qu'elle voulait obtenir une mutation à l'extérieur du service. Il est également probable qu'au cours de cette réunion Mme Marinaki ait exprimé un mécontentement au sujet de la façon dont M. Scarizzi la traitait. Cependant, nous ne sommes pas en mesure de tirer une conclusion précise pour ce qui est de la nature même du traitement dont se plaignait Mme Marinaki. Plus particulièrement, nous ne pouvons pas conclure que Mme Marinaki s'est plainte du fait que Domenic Scarizzi faisait usage d'un langage offensant à son endroit. Mme Marinaki et M. Thivierge ont tous deux maintenu de façon constante leurs versions différentes de cette réunion, Mme Marinaki insistant sur le fait qu'elle a parlé du langage offensant à M. Thivierge et M. Thivierge maintenant de façon tout aussi catégorique que la question du langage offensant n'avait pas été mentionnée. Nous avons fait part de nos préoccupations au sujet de la fiabilité du témoignage de Mme Marinaki plus tôt dans la présente décision. Compte tenu de ces préoccupations et compte tenu que Mme Marinaki doit s'acquitter du fardeau de la preuve à cet égard, nous ne pouvons tout simplement pas conclure qu'il est plus probable que Mme Marinaki ait mentionné précisément à M. Thivierge l'emploi par M. Scarizzi d'un langage offensant au cours de cette réunion.

vi) Question des congés de maladie de mars

[111] Au début de mars 1993, Mme Marinaki indique qu'elle a eu une confrontation avec M. Scarizzi au sujet de l'état de ses congés de maladie. Le service de la rémunération et des avantages sociaux avait informé M. Scarizzi que Mme Marinaki n'avait plus de congés de maladie à son crédit. Mme Marinaki dit qu'elle a fait savoir à M. Scarizzi qu'il s'agissait d'une erreur administrative et qu'à ce moment-là il a commencé à crier après elle et il lui a dit qu'elle avait deux jours pour régulariser la situation, sinon il déduirait de sa rémunération le montant correspondant à l'excédent des congés pris. Mme Marinaki indique que M. Scarizzi a une fois de plus utilisé le terme vaffanculo au cours de la confrontation. Mme Marinaki ne sait pas si d'autres employés ont été informés qu'ils avaient apparemment un solde négatif de leurs congés de maladie.

[112] Mme Marinaki dit qu'elle a appelé au service de la rémunération et des avantages sociaux et qu'elle a obtenu une confirmation écrite qu'il y avait effectivement une erreur dans leurs dossiers. Le 15 mars 1993, Mme Marinaki a écrit à André Thivierge, lui acheminant une copie de la lettre qu'elle avait reçue de Rémunération et avantages sociaux et a demandé que les dossiers soient corrigés. Sa lettre se lit comme suit : …Compte tenu des circonstances, je souhaite demander une mutation à l'extérieur de mon actuel service. Mme Marinaki n'a pas expliqué à quelles circonstances elle faisait référence. Un double de la lettre a été envoyé au représentant syndical de Mme Marinaki ainsi qu'à M. Scarizzi.

[113] M. Scarizzi a dit dans son témoignage que le bureau du directeur général lui avait fait parvenir une liste de trois ou quatre employés de son service, dont lui-même, pour lesquels il semblait y avoir des anomalies dans les crédits de congé. M. Scarizzi dit qu'il a soulevé la question lors d'une réunion de service et qu'il a tout simplement demandé aux employés de vérifier l'état de leurs crédits de congé et de signaler toutes les anomalies avant la fin de l'exercice.

[114] M. Scarizzi indique qu'il n'était pas en colère lors de cette discussion et qu'il n'a jamais utilisé le terme vaffanculo à l'endroit de Mme Marinaki. Il a de plus ajouté qu'il n'a pas l'autorité de réduire la rémunération des employés. M. Scarizzi a reçu une copie de la lettre de Mme Marinaki adressée à M. Thivierge. Il n'avait aucune idée des circonstances auxquelles Mme Marinaki faisait référence. Il n'a plus entendu parler de cette question par la suite.

[115] Pour les mêmes raisons que nous avons invoquées à l'égard de nos conclusions concernant la confrontation du 15 décembre, nous acceptons le témoignage de Mme Marinaki qu'il y a eu une discussion animée entre elle et M. Scarizzi au sujet de l'état de ses crédits de congés de maladie et que M. Scarizzi a une fois de plus utilisé le terme vaffanculo à son endroit dans un moment de colère. Le témoignage de Mme Marinaki au sujet de cette question n'a jamais changé, ses déclarations écrites plus contemporaines décrivant l'incident dans des termes semblables à ceux utilisés lors de son témoignage oral. Il est aussi raisonnable de conclure que la lettre du 15 mars que Mme Marinaki a adressée à M. Thivierge découlait de la confrontation avec M. Scarizzi et de la détérioration ultérieure de leurs rapports.

[116] Bien que nous soyons convaincu que la confrontation ait eu lieu tel que l'a décrit Mme Marinaki, nous ne disposons pas de suffisamment de preuves pour conclure que Mme Marinaki était particularisée par M. Scarizzi sur la situation de ses crédits de congés de maladie en raison de son sexe ou de son ethnicité.

vii) Réponse de M. Thivierge à la lettre de Mme Marinaki

[117] M. Thivierge se rappelle avoir rencontré Mme Marinaki à peu près au même moment où elle lui a dit à quelle point elle détestait le travail aux Opérations internationales. Elle a dit qu'elle devenait cérébralement morte et qu'elle voulait une mutation à l'extérieur des Opérations internationales ou à l'extérieur de son service. M. Thivierge a dit qu'il encourageait Mme Marinaki à se mettre en valeur et à chercher d'autres possibilités. M. Thivierge a indiqué que les mois de mars et d'avril étaient la période la plus occupée de l'année aux Opérations internationales et qu'un changement de service à ce moment-là n'était pas possible. M. Thivierge prévoyait faire un remaniement des services dans quelques mois et a demandé à Mme Marinaki d'essayer de tenir le coup. M. Thivierge dit qu'il a reçu la lettre du 15 mars de Mme Marinaki peu de temps après sa discussion avec elle et étant donné qu'il venait tout juste de discuter de la question d'une mutation avec elle en personne, il n'a rien fait d'autre.

viii) La réunion du 28 avril

[118] Le 28 avril 1993, Mme Marinaki a assisté à une réunion avec M. Thivierge, M. Scarizzi et M. Shipley ainsi que son représentant syndical, André Gratton. Mme Marinaki se rappelle de bien peu de choses de la réunion. André Gratton n'a pas témoigné.

[119] M. Scarizzi, M. Thivierge et M. Shipley ont témoigné au sujet de la réunion du 28 avril. Tous se rappellent d'avoir discuté des fréquents rendez-vous chez le médecin de Mme Marinaki. M. Thivierge et M. Scarizzi se rappellent que Mme Marinaki se plaignait d'être traitée durement par la direction et que M. Scarizzi était sur son cas au sujet de ses rendez-vous. M. Shipley et Domenic Scarizzi se rappellent aussi d'une discussion portant sur l'accès aux affectations PAS. Les trois s'entendent à dire que Mme Marinaki n'a en aucun moment au cours de cette réunion parlé de préoccupations au sujet de harcèlement ethnique ou sexuel aux Opérations internationales. Il semblait aux représentants de la direction que la réunion avait été productive, que le climat avait été allégé et que tous s'entendaient. Mme Marinaki a indiqué dans son témoignage qu'elle ne partageait pas cet avis.

ix) Le harcèlement se poursuit

[120] Dans son témoignage, M. Shipley a dit qu'il a rencontré Mme Marinaki dans le couloir peu de temps après la réunion du 28 avril. Selon M. Shipley, Mme Marinaki lui a dit que le harcèlement se poursuit. M. Shipley a dit que la rencontre avait duré en tout de 15 à 20 secondes. Il ne sait pas à quoi faisait référence Mme Marinaki, ou qui la harcelait, et il n'a pas posé de questions. Il n'a pas assuré de suivi auprès d'elle par la suite pour essayer de découvrir ce dont elle parlait, se disant qu'elle pouvait l'appeler si elle le voulait. Il a aussi dit dans son témoignage qu'il y avait un processus de règlement des plaintes de harcèlement en place et qu'elle y avait accès si elle le voulait, quoiqu'il ne l'ait pas mentionné à Mme Marinaki et qu'il ne sait pas si quelqu'un d'autre l'a fait. Il ne sait pas si les gestionnaires ont été informés de la politique sur le harcèlement, mais il sait qu'elle n'était pas affichée sur les babillards du bureau.

[121] Au lieu d'assurer un suivi auprès de Mme Marinaki lorsqu'elle lui a dit que le harcèlement se poursuivait. M. Shipley a parlé au directeur de Mme Marinaki, André Thivierge, d'une situation potentielle. M. Thivierge a dit à M. Shipley qu'il s'agissait d'une question de rendement et M. Shipley n'a rien fait d'autre. M. Shipley a reconnu que, sans savoir de qui Mme Marinaki se plaignait, le fait de faire part à M. Thivierge des observations de Mme Marinaki avait le potentiel de mettre le feu aux poudres. Il a également reconnu, avec le recul, qu'il aurait pu revenir et assurer un suivi de la question auprès de Mme Marinaki.

x) Levée du moratoire sur le PAS

[122] Les employés des Opérations internationales ont été informés par note de service du 13 mai 1993 de la levée du moratoire sur les affectations PAS et que les demandes d'affectation PAS seraient examinées sur la base du premier arrivé, premier servi. Mme Marinaki a immédiatement présenté sa demande pour participer au programme PAS. Sa demande a été approuvée par M. Thivierge, encore une fois, sous réserve des besoins du service. Il est évident d'après l'exposé des faits préparé par Mme Marinaki à l'appui de sa plainte de harcèlement interne qu'elle considérait qu'il s'agissait d'une autre tentative par M. Thivierge de bloquer son avancement. Mme Marinaki n'a pas obtenu une autre affectation PAS.

xi) Le Dr Resnick intervient

[123] Le 25 mai 1993, le médecin de famille de Mme Marinaki, le Dr Morris Resnick, a écrit à M. Thivierge pour se plaindre des restrictions imposées à Mme Marinaki au sujet de ses rendez-vous chez le médecin. Le Dr Resnick indique que le fait de la limiter à une visite chez son médecin dans une année exerce une pression injustifiée sur elle et constitue une forme de harcèlement. Le Dr Resnick poursuit et fait remarquer que Mme Marinaki devrait être mutée à l'extérieur de la division, compte tenu du stress qu'elle y subissait. Finalement, le Dr Resnick a laissé entendre que Mme Marinaki pourrait être évaluée par un médecin de Santé et Bien-être social Canada si M. Thivierge le voulait.

[124] N'ayant pas reçu de réponse de M. Thivierge le 15 juin 1993, le Dr Resnick a écrit directement au Dr Mohanna, le directeur médical à Santé et Bien-être. Le Dr Resnick a fait remarquer que Mme Marinaki avait été malheureuse de retourner aux Opérations internationales et que M. Thivierge lui avait dit que si elle trouvait un autre poste ils allaient en discuter. Le docteur a indiqué que depuis, elle a eu cinq offres de mutation, au sein du ministère de la Santé et du Bien-être…mais que lorsqu"ils ont parlé à M. Thieverge (sic), il a bloqué toutes les demandes. Le Dr Resnick a alors demandé au Dr Mohanna d'évaluer Mme Marinaki et de suggérer des formes d'aide qu'elle pourrait obtenir pour la libérer de son intense stress. La lettre adressée au Dr Mohanna par le Dr Resnick ne fait aucune mention de conduite inappropriée de Domenic Scarizzi.

[125] M. Thivierge a répondu à la lettre du Dr Resnick le 29 juin, parce qu'il venait tout juste de recevoir la lettre du Dr Resnick. M. Thivierge a fait remarquer que si Mme Marinaki avait obtenu une offre de mutation, il n'aurait pas pu l'empêcher de partir. M. Thivierge a indiqué qu'il n'avait jamais refusé de donner à Mme Marinaki une lettre de référence et qu'il était disposé à tout mettre en oeuvre pour aider Mme Marinaki à obtenir une mutation permanente. M. Thivierge a dit qu'avant de recevoir la lettre du Dr Resnick, il n'était pas au courant que Mme Marinaki était soumise à un stress intense.

[126] Le Dr Resnick est décédé avant la présente audience et n'a donc pas pu témoigner. Cependant, il est raisonnable de supposer que Mme Marinaki était la source de ses renseignements. Nous ne savons pas quelles étaient les offres de mutation auxquelles faisait référence le Dr Resnick et Mme Marinaki ne nous l'a pas dit. En outre, rien dans les preuves accumulées nous laisse croire qu'en mai 1993 Mme Marinaki s'était faite dire qu'elle ne pouvait pas aller à ses rendez-vous chez le médecin. Bien que la description faite par le Dr Resnick de Mme Marinaki comme quoi elle faisait l'objet d'un stress intense à ce moment-là apparaît raisonnable, il semble que soit Mme Marinaki n'a pas été franche avec son médecin quant à ce qui se passait dans son lieu de travail ou, peut-être en raison de ce stress, qu'elle est devenue confuse ou a mal interprété ce qui s'était passé.

[127] Il est également évident qu'à compter au moins du mois de mai 1993 l'employeur de Mme Marinaki avait une connaissance de fait que Mme Marinaki suivait des traitements chez son médecin pour le stress.

xii) La question de travail aux admissions

[128] Dans les années 1990, les Opérations internationales avaient centralisé le système de la réception du courrier d'arrivée. Chaque semaine, un préposé au règlement des demandes était affecté au traitement du courrier d'arrivée du service, faisant correspondre ce courrier aux dossiers appropriés pour suivi. Les préposés au règlement des demandes étaient affectés à des fonctions d'admission ou de premier contact par roulement. Des dossiers étaient tenus quant à la correspondance qui se trouvait dans le secteur au début de la semaine, à la quantité qui avait été traitée au cours de la semaine et à ce qu'il restait le vendredi. Le travail qui n'avait pas été traité à la fin d'une semaine l'était alors sur une base prioritaire au début de la suivante.

[129] Vers le début de juin, Mme Marinaki est devenue inquiète du fait qu'elle semblait toujours suivre Mme Sangiorgi dans le secteur des admissions et que Mme Sangiorgi n'avait pas traité toutes les demandes à la fin de la semaine précédente, ce qui lui laissait du travail supplémentaire à faire. Mme Marinaki dit qu'elle a soulevé ces préoccupations auprès de M. Scarizzi plusieurs fois, mais que rien n'a été fait.

[130] Le 7 juin 1993, M. Scarizzi a envoyé une note de service à Mme Marinaki au sujet de leurs entretiens répétés sur les fonctions d'admission. La note de service de M. Scarizzi indique que la semaine précédente, Mme Marinaki n'avait pas du tout traité la correspondance qu'il restait de la semaine précédente et encore moins sur une base prioritaire. M. Scarizzi réaffirme que les fonctions d'admission faisaient partie des responsabilités de Mme Marinaki. Il devrait être noté que le ton de la note de service de M. Scarizzi est à la fois poli et professionnel.

[131] Le 9 juin 1993, Mme Marinaki a répondu à la note de service de M. Scarizzi en lui en faisant parvenir une. Dans sa note, Mme Marinaki fait remarquer que l'employé qui travaille au secteur des admissions la semaine précédente avait été absent et qu'aucune action de planification avait été prise pour la durée de l'absence de l'employé. Mme Marinaki poursuit dans sa note en donnant la consigne à M. Scarizzi que des plans de rechange doivent être élaborés dans de telles circonstances; et que la responsabilité ne doit pas reposer sur l'employé suivant. Non seulement le ton de la note de service de Mme Marinaki est agressif, il ne porte pas sur la préoccupation de M. Scarizzi au sujet du refus de Mme Marinaki de traiter le courrier qu'il restait sur une base prioritaire et effectivement confirme implicitement ce refus. (19)

[132] Il est difficile de comprendre la nature des préoccupations de Mme Marinaki pour ce qui est des fonctions dans le secteur des admissions. Compte tenu que le rendement était mesuré en fonction de la production, la quantité de correspondance qu'il restait au début d'une semaine donnée ne devrait faire aucune différence, l'important étant la quantité de correspondance que l'employé traitait au cours de la semaine. Au dire de tous, Mme Marinaki était un peu une perfectionniste et était très fière de se tenir à jour dans toutes ses tâches. Il se peut fort bien que le fait que son éthique professionnelle n'était pas partagée par les autres l'ait irritée. Il semble que Mme Marinaki peut également avoir exigé plus d'elle-même que ce que lui demandait son gestionnaire, en ce sens qu'elle voulait que tout ait été traité à la fin de son affectation au secteur des admissions. En conséquence, elle peut avoir considéré l'accumulation de travail comme un obstacle à l'atteinte de l'objectif qu'elle s'était fixé elle-même. Dans un cas comme dans l'autre, le stress dont elle était l'objet pour ce qui est des fonctions à l'admission semble être dans une grande partie de son propre fait.

[133] On laissait également entendre que les fonctions à l'admission n'étaient pas attribuées de façon juste et que les employés de sexe féminin peuvent avoir été particularisés plus que leur juste part en ce qui concerne cette tâche indésirable. Inutile de dire que nous ne disposons pas de preuves suffisantes pour étayer une telle conclusion.

xiii) L'incident du 7 juillet

[134] Mme Marinaki indique que M. Scarizzi l'a également traitée d'une maudite Grecque lors d'une confrontation qui serait survenue dans le secteur des admissions. Cet incident est décrit dans l'exposé des faits préparé par Mme Marinaki à l'appui de sa plainte de harcèlement interne comme s'étant produit le 7 juillet 1993. Bien que l'exposé narratif fait par Mme Marinaki semble laisser croire que ses collègues de travail avaient été témoins de l'incident, personne n'a dit dans son témoignage avoir observé cette confrontation.

[135] Il faut également signaler que même si la description de l'incident dans l'exposé écrit des faits de Mme Marinaki correspond étroitement à la description donnée dans son témoignage oral à de nombreux égards, l'exposé écrit des faits ne mentionne aucunement le commentaire de maudite Grecque. Il ne mentionne pas que Domenic Scarizzi a utilisé ses mots préférés, que Mme Marinaki a décrit ailleurs comme étant vaffanculo. Compte tenu que l'exposé écrit des faits a été préparé seulement quelques mois après l'incident en question, cette divergence suffit à elle seule pour laisser planer un doute sur le témoignage oral de Mme Marinaki plus de six ans après le fait. Lorsqu'on le conjugue au fait que personne d'autre n'ait appuyé la version des événements de Mme Marinaki, nous ne pouvons pas conclure selon une prépondérance des probabilités que M. Scarizzi a effectivement traité Mme Marinaki d'une maudite Grecque à cette occasion.

xiv) La demande de référence

[136] En recevant une copie de la lettre de M. Thivierge adressée au Dr Resnick, Mme Marinaki a décidé de prendre M. Thivierge au mot selon quoi il déploierait tous les efforts possibles pour aider Mme Marinaki. Le 12 juillet 1993, elle a écrit à M. Thivierge lui demandant que lui et M. Scarizzi lui fournissent une lettre de référence au plus tard le 16 juillet 1993. M. Thivierge n'a pas fourni à Mme Marinaki une telle lettre, indiquant qu'il n'était pas en mesure d'évaluer son rendement au travail et que ce qu'il savait du rendement de Mme Marinaki par M. Scarizzi n'était pas positif. L'explication de M. Thivierge relativement à ce recul apparent de son prétendu appui total pour Mme Marinaki exprimé dans sa lettre au Dr Resnick était quelque peu falacieux.

[137] M. Thivierge ne se rappelle pas d'avoir demandé à Domenic Scarizzi de fournir à Mme Marinaki une lettre de référence et rien dans les preuves fournies indique qu'il l'ait fait.

xv) La réunion du 14 juillet avec André Thivierge

[138] Mme Marinaki a rencontré de nouveau André Thivierge le 14 juillet 1993. Mme Marinaki a traité de cette réunion brièvement dans son témoignage oral, mais a donné plus de détails dans son exposé écrit des faits dans lequel elle indique qu'après avoir remis sa lettre du 12 juillet à M. Thivierge :

... J'ai aussi dit à André que j'étais malheureuse dans le service et que je voulais une mutation. Il m'a informé qu'il n'était pas disposé à m'offrir une mutation étant donné qu'il allait procéder à un remaniement des employés en septembre. Je lui ai alors dit que je ne peux pas endurer la situation - étant donné que vous êtes tout à fait au courant que Domenic sort avec Marie. J'étais passablement franche à ce sujet et je ne peux pas endurer la situation. Et je lui ai dit qu'il me suivait, que je savais que j'étais surveillée en tout temps et que je n'appréciais pas son attitude et la façon dont il me parle, lorsqu'il me parle. Il [M. Thivierge] a dit : Si vous n'aimez pas cela, démissionnez. J'ai dit je ne démissionne pas. Et j'ai dit : je ne suis pas ici pour entendre cela, je veux que vous trouviez une solution à la situation. Et il m'a informé que : je vais faire en sorte que vous serez ici pour les cinq prochaines années. Il s'est levé en colère et d'une démarche très ferme et aggressive, il s'est rendu vers les fenêtres, s'est retourné et m'a dit sortez au plus vite de mon bureau. (caractère gras ajouté).

À ce moment-là, Mme Marinaki a quitté le bureau de M. Thivierge et est partie chez elle. Mme Marinaki ne se rappelle pas si elle a vu M. Thivierge de nouveau après cette réunion et il n'y a aucune indication d'un autre contact direct entre les deux.

[139] M. Thivierge se rappelle que le principal objet de discussion lors de cette réunion était la convinction qu'avait Mme Marinaki que M. Thivierge l'avait empêchée d'obtenir une affectation PAS l'automne précédent. Il nie avoir élevé la voix et avoir dit qu'il s'assurerait que Mme Marinaki resterait aux Opérations internatioanales pour les cinq prochaines années.

[140] Compte tenu du conflit entre Mme Marinaki et ses supérieurs au cours des mois précédents, il est difficile d'imaginer que M. Thivierge serait encleint à aider Mme Marinaki aux Opérations internationales alors qu'elle ne voulait pas travailler là. De toute évidence, même si Mme Marinaki était une préposée au règlement des demandes talentueuse et productive, la vie aurait été beaucoup plus facile pour toutes les personnes concernées à ce moment-là si Mme Marinaki avait pu obtenir un emploi satisfaisant ailleurs. Même si nous acceptions la version de Mme Marinaki quant à cette réunion, il est évident de par la description même de Mme Marinaki de sa discussion avec M. Thivierge qu'à compter du 12 juillet 1993, ce n'est pas le harcèlement sexuel ou ethnique de la part de Domenic Scarizzi qui la dérangeait le plus, mais la relation entre M. Scarizzi et Mme Thibeault. Bien que Mme Marinaki ait fait remarquer qu'elle n'appréciait pas la façon dont M. Scarizzi lui parlait, c'est la relation avec Mme Thibeault qu'elle dit ne pas pouvoir endurer.

[141] Ce point de vue est confirmé lorsque, plus loin dans l'exposé des faits de Mme Marinaki, elle relate une discussion ultérieure avec M. Scarizzi :

Quelques jours plus tard, Domenic est venu me voir et il voulait savoir comment je me sentais et ce qui se passait, et je lui ai tout simplement dit que je n'aimais pas ce qui se passait et qu'il sortait avec Marie, et il me faisait me sentir mal à l'aise et que je voulais être mutée à l'extérieur du service…

xvi) Le concours de PM-3

[142] Au début de 1993, la direction des Opérations internationales a entrepris une mesure de dotation pour combler des postes vacants au niveau PM-3, pour des postes de gestionnaire. Mme Marinaki a participé à ce concours, tout comme Domenic Scarizzi et 20 autres candidats. Mme Marinaki a obtenu 19 points sur 90 possibles à l'examen écrit et n'a par conséquent pas été invitée à une entrevue. M. Scarizzi a obtenu 55 points, soit la norme minimum pour poursuivre et a été invité à l'entrevue. Les résultats du concours ont été publiés le 11 août 1993. M. Scarizzi était l'un des cinq candidats reçus et son nom a été porté sur la liste d'admissibilité découlant du concours. Mme Marinaki n'était pas heureuse des résultats du concours, croyant que le principe du mérite n'avait pas été respecté. (20)

xvii) La confrontation du 17 août au sujet des fonctions à l'admission

[143] Mme Marinaki indique qu'elle est devenue préoccupée par la fréquence de ses affectations au secteur des admissions. Elle dit qu'elle était affectée au secteur des admissions à toutes les deux semaines. Selon Mme Marinaki, lorsqu'elle a demandé à M. Scarizzi pourquoi les fonctions aux admissions ne faisaient pas l'objet d'un roulement parmi tous les employés, il a répondu qu'il voulait que ce soit elle qui le fasse et que c'était tout. Lorsqu'elle lui a répondu qu'elle n'allait pas le faire, M. Scarizzi lui a répondu Va te faire foutre.

[144] Mme Marinaki dit qu'elle était tellement choquée de la conduite de M. Scarizzi qu'elle a téléphoné à la Commission canadienne des droits de la personne. Apparemment, la Commission a référé Mme Marinaki à la Commission de la fonction publique, qui à son tour l'a référée au coordonnateur ministériel du harcèlement. Mme Marinaki a rencontré le jour même le coordonnateur du harcèlement. Mme Marinaki ne s'est pas présentée au travail les jours suivants, puis a déposé une plainte de harcèlement en vertu du processus interne des plaintes de harcèlement. Elle a également déposé un grief portant sur la même question.

[145] Dans son témoignage, Domenic Scarizzi a indiqué que l'horaire des affectations à l'admission avait été modifié tout au long de l'été pour tenir compte des vacances prévues des employés. Lorsque M. Scarizzi a demandé à Mme Marinaki de se rendre au secteur des admissions le 17 août, elle a refusé, lui disant de lui écrire une lettre. Mme Marinaki est par la suite allée au Personnel et n'est pas revenue au bureau.

[146] On nous a remis un copie du calendrier des affectations au service téléphonique et aux admissions pour juillet et août 1993. Au cours de cette période de neuf semaines, Mme Marinaki a été affectée aux admissions pendant deux semaines, tout comme un autre employé. Mme Marinaki a également été affectée pendant deux semaines au service téléphonique, tout comme Guida Sangiorgi. M. Scarizzi a indiqué qu'au cours de cette période il y avait sept préposés au règlement des demandes dans sa section. L'horaire laisse certainement croire qu'on demandait à Mme Marinaki de faire plus que sa juste part des affectations au service téléphonique et aux admissions au cours de la période en question. Cependant, on ne nous a pas remis d'horaire de travail pour aucune autre période visée par la plainte. Nous ne savons pas quels autres employés étaient en vacances, et pour combien de temps, et nous ne savons pas non plus si d'autres employés ont eu plus que leur part de fonctions au service téléphonique et/ou aux admissions au cours des mois qui ont mené à l'été de 1993. En conséquence, bien que nous nous fondions sur ce seul document, nous pourrions soupçonner que M. Scarizzi peut avoir confié à Mme Marinaki plus que sa part des tâches indésirables au cours de l'été 1993, mais nous ne pouvons pas conclure selon une prépondérance des probabilités qu'elle était particularisée pour un traitement différentiel sur la base de son sexe ou de son origine ethnique ou nationale.

V. ÉVÉNEMENTS APRÈS AOÛT 1993

i) L'enquête relative à la plainte de harcèlement interne de Mme Marinaki

[147] Le 23 août 1993, Mme Marinaki a déposé une plainte en vertu du processus interne des plaintes de harcèlement de DRHC, se plaignant de harcèlement, d'abus de pouvoir, d'intimidation et de discrimination pour des motifs fondés sur le sexe, la situation de famille et l'origine ethnique. Mme Marinaki a indiqué que les infractions avaient été commises par son gestionnaire (M. Scarizzi) et qu'elles étaient sciemment autorisées par son directeur (M. Thivierge). Bien que la lettre de plainte de Mme Marinaki soit imprécise, elle a par la suite fourni un enregistrement donnant les détails de sa plainte. L'exposé des faits transcrits reflète en grande partie les mêmes questions qui font l'objet de la plainte de Mme Marinaki concernant les droits de la personne.

[148] La politique sur le harcèlement de DRHC indique que, selon les circonstances, des mesures peuvent être prises immédiatement au dépôt d'une plainte pour séparer le plaignant ou la plaignante des personnes nommées dans la plainte, à la fois physiquement et hiérarchiquement. Dans le présent cas, la lettre de plainte de Mme Marinaki demandait qu'elle soit mutée dans un poste provisoire à l'extérieur des Opérations internationales et c'est ce qui a été fait.

[149] La plainte interne de Mme Marinaki a fait l'objet d'une enquête menée par deux employés de DRHC choisis par l'intimé. L'enquête s'est déroulée sur une période d'environ 14 mois. Dix personnes ont été interviewées et de la documentation, dont de la correspondance, des procès-verbaux de réunion, des dossiers de congé, des horaires de roulement du travail et des renseignements relatifs à la convention collective, a fait l'objet d'un examen.

ii) Le rapport sur le harcèlement interne

[150] Le rapport de l'enquête portant sur le harcèlement interne a été remis à Monique Plante, la sous-ministre adjointe de la Direction générale des programmes de la sécurité du revenu, le 11 octobre 1994. Le rapport faisait état de nombreux exemples de piètre gestion de la part à la fois de M. Scarizzi et de M. Thivierge, mais n'appuyait pas la plainte de Mme Marinaki.

[151] Pour ce qui est de la conduite de M. Scarizzi, les enquêteurs ont conclu que M. Scarizzi a utilisé un langage grossier ou offensant dans le lieu de travail et faisait régulièrement des observations à caractère raciste et sexuel. Les enquêteurs ont conclu que Mme Marinaki percevait à juste titre que les observations de M. Scarizzi s'adressaient à elle. Bien que ce ne soit pas clair d'après le rapport, il semble que les enquêteurs ont tout de même conclu que même si Mme Marinaki peut avoir perçu que le comportement de M. Scarizzi s'adressait à elle, en fait il ne l'était pas. La politique sur le harcèlement de DRHC définit comme suit le harcèlement : …tout comportement inapproprié par un employé qui s'adresse à un autre employé et qui est offensant, ou qui met en danger le travail d'un employé ou menace la survie économique de l'employé. (caractère gras ajouté) En conséquence, cet aspect de la plainte de Mme Marinaki n'a pas été confirmé.

[152] Les enquêteurs ont en outre conclu que la direction ne traitait pas de façon uniforme les employés pour ce qui est des rendez-vous chez le médecin et ne faisait pas preuve de sensibilité pour répondre aux besoins des employés en matière médicale. Malgré cette conclusion, les enquêteurs ont conclu que M. Scarizzi avait traité correctement Mme Marinaki, lui autorisant des visites fréquentes chez son médecin. Les enquêteurs ont conclu que rien ne vient étayer les allégations de Mme Marinaki au sujet de l'incidence négative de la relation entre M. Scarizzi et Mme Thibeault sur le lieu de travail. De même, l'enquête n'appuie pas les allégations de Mme Marinaki de favoritisme à l'endroit de Mme Thibeault.

[153] Finalement, l'enquête a écarté les allégations d'intimidation et d'abus de pouvoir faites par Mme Marinaki à l'endroit de M. Scarizzi étant donné qu'elles portaient sur les prétendues menaces de M. Scarizzi d'intercepter le chèque de paye de Mme Marinaki et de lui refuser l'accès à des affectations PAS. Les enquêteurs ont fait remarquer que Mme Marinaki ne semblait pas comprendre la différence entre des mutations, des déploiements et de nouveaux postes, ni la différence entre des affectations PAS et/ou des détachements.

[154] Pour ce qui est des allégations de Mme Marinaki à l'endroit de M. Thivierge, l'enquête interne a conclu que M. Thivierge n'avait pas pris les mesures adéquates pour atténuer la forte perception de traitement injuste aux Opérations internationales. Bien qu'il ne porte pas explicitement sur l'offre prétendue d'un poste de CS-2 par Pierre LaFrance, le rapport a conclu que la direction a agi de façon appropriée en établissant des règles justes au sujet des affectations PAS et que Mme Marinaki a mal interprété les actions de M. Thivierge pour ce qui est de lui trouver un nouvel emploi. Les enquêteurs n'ont trouvé aucune preuve pour étayer la prétention de Mme Marinaki selon laquelle M. Thivierge aurait employé un langage offensant à son endroit, mais ont constaté que M. Thivierge ne traitait pas les employés de façon uniforme. Pour ce qui est de la plainte de Mme Marinaki selon laquelle M. Thivierge n'a pas répondu de façon appropriée à ses plaintes au sujet de M. Scarizzi, les enquêteurs ont conclu que M. Thivierge a donné suite aux allégations de Mme Marinaki au sujet de Mme Thibeault, mais qu'il n'a pas assuré un suivi approprié pour ce qui est des plaintes de Mme Marinaki au sujet de l'utilisation d'un langage offensant par M. Scarizzi.

[155] Le rapport interne a fait remarquer que Mme Marinaki n'était pas heureuse de l'organisation du travail après son retour aux Opérations internationales en septembre 1992 et qu'elle a fait preuve d'une attitude négative et d'un comportement difficile et innaproprié par la suite. Les enquêteurs ont également fait remarquer qu'il y avait un manque de confiance chez certains employés à l'égard de la direction et que plusieurs employés avaient exprimé des inquiétudes au sujet de récriminations possibles pour avoir participé au processus d'entrevue. En effet, un employé a catégoriquement refusé d'être interviewé par crainte de répercussions négatives sur sa carrière.

iii) Réponse de DRHC à l'enquête sur le harcèlement interne

[156] Ed Tamagno a témoigné au nom de l'intimé. M. Tamagno était le directeur général des Prestations internationales et Affaires étrangères et à ce titre il était chargé des résultats de l'enquête interne de la plainte de Mme Marinaki. M. Tamagno a témoigné qu'à son avis les enquêteurs avaient conclu que les plaintes de harcèlement et de discrimination de Mme Marinaki n'étaient pas fondées. Bien que les enquêteurs de DRHC aient fait des constations négatives au sujet de la direction aux Opérations internationales, de l'avis de M. Tamagno les enquêteurs n'avaient pas compétence pour conclure comme ils l'ont fait et n'avaient pas interrogé suffisamment de personnes pour arriver à leur conclusion. Les résultats de l'enquête interne ne coïncidaient pas avec les propres observations de M. Tamagno du lieu de travail et par conséquent il n'a pris aucune mesure à la suite du rapport.

[157] En contre-interrogatoire, M. Tamagno a expliqué qu'il ne croyait pas que les enquêteurs de DRHC avaient compétence parce qu'ils n'avaient pas d'expérience de gestion. Cependant, M. Tamagno n'était pas au courant de l'ampleur de l'expérience de gestion des enquêteurs. Même si M. Tamagno croyait que les enquêteurs n'avaient pas interrogé suffisamment d'employés pour justifier leurs conclusions, il ne savait pas combien d'employés avaient été interrogés au cours de l'enquête interne, ni qui ils étaient. Il n'avait jamais pris connaissance des déclarations des divers témoins et il ne savait pas ce qui avait été dit aux enquêteurs. M. Tamagno a déclaré être au courant de ce qui se passait dans le lieu de travail et il s'estimait de toute évidence le meilleur juge des questions. Cependant, il n'était pas au courant des nombreuses difficultés entre Mme Marinaki et ses supérieurs au cours de l'année qui a mené à sa plainte de harcèlement interne.

[158] Une fois le rapport de harcèlement interne publié, M. Shipley a écrit à la sous-ministre adjointe Plante pour lui suggérer deux cours de formation particuliers qu'il estimait bénéfique pour les personnes concernées. La haute direction a par la suite été informée que tous les employés du groupe avaient suivi une formation sur les questions de harcèlement et que M. Scarizzi ainsi que M. Thivierge avaient en outre été sensibilisés en suivant deux cours de la Commission de la fonction publique sur le sujet. Plusieurs employés des Opérations internationales ont témoigné n'avoir jamais reçu de formation au sujet du harcèlement ou de la politique ministérielle sur le harcèlement. M. Scarizzi a indiqué qu'il ne se rappelait pas avoir suivi de cours conçus pour le sensibiliser aux questions de harcèlement. M. Thivierge a dit dans son témoignage qu'il n'a pas suivi les cours recommandés par M. Shipley, quoiqu'il a suivi un cours de relations de travail qui avait une composante sur le harcèlement. M. Thivierge et M. Scarizzi ont suivi un cours sur Survivre aux accusations de harcèlement conçu à l'intention des personnes accusées à tort de harcèlement. Inutile de dire que le cours, qui portait sur les stratégies pour combattre les allégations de harcèlement, ne pouvait être en aucune façon considéré comme un cours conçu pour sensibiliser les gestionnaires aux questions de harcèlement.

iv) Grief de Mme Marinaki

[159] Le grief que Mme Marinaki a déposé en rapport avec ces questions a été mis en suspens en attendant les conclusions de l'enquête de harcèlement interne. Une fois le rapport interne publié, diverses tentatives ont été faites pour résoudre la situation de Mme Marinaki, mais elles ont toutes échouées. Le 8 janvier 1996, Monique Plante a rejeté le grief de Mme Marinaki au dernier palier sur la foi qu'elle était satisfaite des résultats de l'enquête interne et qu'elle n'était pas disposée à intervenir dans la question.

v) Affectations données à Mme Marinaki pendant l'enquête interne

[160] La lettre de plainte de Mme Marinaki demandait qu'elle soit mutée dans un poste provisoire à l'extérieur des Opérations internationales. À l'origine, DRHC a trouvé un poste d'une durée déterminée de trois mois à Mme Marinaki à la Division des prestations nationales, au niveau de CR-5. La période déterminée a par la suite été prolongée et Mme Marinaki a passé en tout huit mois aux Prestations nationales. En mai 1994, Mme Marinaki s'est trouvée une autre affectation aux Services des affectations de DRHC, où elle est restée jusqu'en septembre de la même année, moment où elle a eu un accident d'automobile et s'est absentée du travail jusqu'en février 1995. À ce moment-là, l'enquête interne avait pris fin et le rapport d'enquête avait été produit. Cependant, le grief de Mme Marinaki était toujours en suspens et il a été décidé de ne pas la renvoyer aux Opérations internationales en attendant le règlement du grief. Mme Marinaki a par la suite occupé plusieurs postes temporaires, y compris une affectation de six mois à la Direction générale des systèmes. (21)

[161] Serge Rainville a remplacé Monique Plante à titre de sous-ministre adjoint de la Direction générale des programmes de la sécurité des revenus à la fin de l'été 1995. M. Rainville s'est engagé à négocier un règlement au cas de Mme Marinaki, mais sans succès. Lors des discussions entourant le règlement, M. Rainville a fait travailler Mme Marinaki à son cabinet pendant une période de trois mois à compter de novembre 1995. La journée complète de Mme Marinaki devait être consacrée à se trouver un autre poste. M. Rainville a consacré 5 000 $ à la formation de Mme Marinaki pour qu'elle se trouve un emploi. Il a par la suite accepté de lui fournir des références d'emploi, si de telles références étaient demandées. Dans son témoignage, M. Rainville a dit que si Mme Marinaki n'avait pas réussi à trouver un autre emploi dans les trois mois, sa position était qu'elle devrait retourner aux Opérations internationales.

[162] Mme Marinaki dit que pendant la période de l'enquête interne, les postes qu'elle a occupés étaient à la fois sans intérêt et insatisfaisants. Elle dit que pendant cette période elle n'a pas été tenue au courant de ce qui se passait et qu'elle était souvent affectée d'un poste à un autre à très court préavis. Mme Marinaki prétend que l'intimé surveillait son rendement et son utilisation des congés de maladie et tenait des dossiers de son rendement sans l'informer de l'existence de ces dossiers, en contravention des politiques sur les mesures disciplinaires de DRHC. Mme Marinaki dit que M. Thivierge a continué de participer aux décisions la concernant, contrairement à la politique sur le harcèlement de DRHC. Dans leurs conclusions finales, les avocats de la Commission canadienne des droits de la personne et de Mme Marinaki n'ont laissé plané aucun doute qu'ils considéraient toutes ces questions comme étant strictement des mesures de représailles à l'endroit de Mme Marinaki parce qu'elle s'était plainte de discrimination et de harcèlement. La question des allégations de représailles sera abordée plus loin dans la présente décision.

vi) Références d'emploi négatives

[163] L'exposé des questions en litige préalable à l'audience de Mme Marinaki indique que DRHC a sciemment et intentionnellement contrecarré ses tentatives d'obtenir un emploi à l'extérieur des Opérations internationales en fournissant des références injustes et inexactes concernant ses aptitudes et son rendement au travail. Dans son témoignage, Mme Marinaki a dit qu'elle croyait que cela avait été fait en guise de représailles pour les plaintes de harcèlement et de discrimination qu'elle avait déposées.

[164] Mme Marinaki a donné deux exemples précis où elle dit que cela s'est produit. Le premier avait rapport à l'offre prétendue d'un poste de CS-2 en octobre 1992, dont nous avons déjà traité. Il vaut la peine de répéter que tout cela s'est produit avant le dépôt d'une plainte de harcèlement ou de discrimination. Le deuxième exemple donné par Mme Marinaki avait rapport à un poste de AS ou de PM à la section des appels et des contrôles des Opérations internationales. Selon Mme Marinaki, elle avait posé sa candidature à un poste, mais n'a pas été convoquée à une entrevue. Lorsque Mme Marinaki a par la suite appris que le poste avait été comblé, elle a téléphoné à Kathleen Herb, qui de toute évidence avait participé à l'exécution du concours. Mme Marinaki a indiqué que Mme Herb lui a dit qu'elle avait été rejetée aux références. Mme Marinaki a dit dans son témoignage que Mme Herb lui avait dit que les trois personnes en référence avaient été consultées - une de M. Scarizzi, une de M. Haney (qui supervisait Mme Marinaki lorsqu'elle a quitté les Opérations internationales en 1993) et une d'une Mme Bordeleau. Selon Mme Marinaki, Mme Herb lui a dit que la référence de M. Scarizzi était négative - il a dit que Mme Marinaki n'était pas une membre d'équipe et qu'elle n'était pas fiable et qu'elle ne collaborait pas.

[165] Mme Herb n'a pas témoigné, ni Mme Bordeleau. M. Haney ne se rappelle même pas d'avoir parlé à Mme Herb, bien qu'il ne nie pas qu'il aurait pu le faire. M. Scarizzi nie avoir été contacté par qui que ce soit pour obtenir une référence au sujet de Mme Marinaki.

[166] Bien que nous n'ayons pas jugé que M. Scarizzi était un témoin crédible (22), compte tenu de nos préoccupations au sujet de la fiabilité de Mme Marinaki comme témoin et en l'absence de corroboration de ses preuves par ouï-dire, nous ne sommes pas convaincus selon une prépondérance des probabilités que M. Scarizzi ait en fait fourni à Mme Herb une référence négative concernant Mme Marinaki comme elle l'a prétendu. Il est par conséquent inutile de considérer la question de représailles à cet égard.

vii) Retour de Mme Marinaki aux Opérations internationales en février 1996

[167] Malgré tous les efforts déployés pour trouver un nouvel emploi à Mme Marinaki, ces efforts ont en fin de compte été infructueux. Des preuves démontrent que des postes étaient disponibles, même si Mme Marinaki dit que les postes n'étaient pas acceptables pour elle pour diverses raisons. Il est évident qu'à la fin de 1995, M. Rainville et d'autres personnes remettaient en question la sincérité des efforts de Mme Marinaki de trouver un autre emploi et la bonne foi de ses efforts de règlement.

[168] Le 8 janvier 1996, Mme Plante a rendu sa décision quant au grief de Mme Marinaki au dernier palier du processus de règlement des griefs. Maintenant que la plainte de harcèlement interne de Mme Marinaki et son grief avaient été rejetés et qu'aucun autre poste n'avait été trouvé à Mme Marinaki, M. Tamagno a pris la décision de ramener Mme Marinaki aux Opérations internationales. Après avoir été informée qu'elle devrait retourner aux Opérations internationales, Mme Marinaki est partie en congé de maladie. Le 1er février 1996, le Dr Blattel (le nouveau médecin de famille de Mme Marinaki)a écrit une note à M. Tamagno dans laquelle il informait M. Tamagno que Mme Marinaki pourrait revenir au travail le 19 février mais qu'elle …ne doit pas retourner à Place Vanier. Son ancien lieu de travail lui cause trop de stress et un retour à cet endroit pourrait précipiter une absence prolongée. Le 8 février 1996, l'avocat retenu par Mme Marinaki a écrit à M. Shipley et à M. Tamagno pour réitérer les préoccupations d'ordre médical concernant le retour de Mme Marinaki aux Opérations internationales.

[169] M. Tamagno a indiqué que les besoins du service l'obligeaient à ramener Mme Marinaki à son poste d'attache aux Opérations internationales. Pour ce qui est des préoccupations de santé exprimées par le Dr Blattel, M. Tamagno a indiqué qu'il n'avait aucune connaissance de sa condition médicale et aucune connaissance directe de la nature du stress causé par Mme Marinaki. Il ne savait pas si elle prenait des médicaments. Il n'a pas essayé de communiquer avec le Dr Blattel pour obtenir d'autres renseignements au sujet de la condition de Mme Marinaki, ni essayé d'obtenir une évaluation médicale indépendante de la condition de Mme Marinaki. M. Tamagno n'avait aucune expertise médicale. Néanmoins, il a conclu que le médecin de Mme Marinaki n'était pas en mesure de faire une telle détermination au sujet du risque pour la santé de Mme Marinaki et il a ordonné qu'elle retourne aux Opérations internationales.

[170] Mme Marinaki est revenue travailler aux Opérations internationales le 19 février 1996. Deux jours plus tard, elle subissait une crise de panique et a dû quitter le lieu de travail en ambulance. Mme Marinaki n'a pas travaillé depuis. Tel qu'on l'a indiqué plus tôt, elle souffre d'une dépression majeure et reçoit actuellement des prestations pour invalidité prolongée.

viii) Omission de remplir des formulaires

[171] Quelque temps après le départ de Mme Marinaki de son lieu de travail en février 1996, elle a décidé de présenter une demande de prestations pour invalidité prolongée et d'indemnisation des accidents du travail. Elle a fait face à d'importants retards avant que DRHC remplisse les formulaires nécessaires. Mme Marinaki n'a reçu un relevé d'emploi que quelque trois mois après avoir été radié de l'effectif de DRHC et n'a pu par conséquent retirer de prestations de congé de maladie de l'assurance-emploi. Les demandes de remboursements en vertu du régime ministériel d'assurance-maladie ont été retardées. L'avocat de Mme Marinaki a prétendu dans ses conclusions finales que les retards dans le traitement des formulaires de prestations de Mme Marinaki constituaient des mesures de représailles à l'endroit de Mme Marinaki parce qu'elle s'était plainte de harcèlement et de discrimination dans le lieu de travail. La question sera abordée plus loin dans la présente décision, ainsi que les autres allégations de représailles.

VI. PREUVES D'ORDRE PSYCHIATRIQUE

[172] La Commission a appelé la Dre Anna Maria Sokolowska, qui était qualifiée comme spécialiste en psychiatrie. La Dre Sokolowska a traité Mme Marinaki depuis juin 1997, à la suite d'une référence du Dr Blattel.

[173] La Dre Sokolowska a décrit les symptômes de Mme Marinaki en 1997 comme étant de l'anxiété et une dépression aiguë. Mme Marinaki souffrait de mauvaises structures du sommeil, de raisonnement diffus et de retrait social. La mémoire et la concentration de Mme Marinaki étaient affectées, elle estimait qu'elle était indigne et elle ne voulait pas vivre. Se fondant sur la présence de ces symptômes et mettant en application les critères diagnostiques tirés de DSM-IV, le manuel diagnostique de l'American Psychiatric Association, la Dre Sokolowska a diagnostiqué une dépression majeure avec anxiété chez Mme Marinaki. La Dre Sokolowska a traité Mme Marinaki à l'aide d'antidépresseurs majeurs et d'une thérapie axée sur la reconstruction de l'estime de soi.

[174] La Dre Sokolowska a témoigné aussi en ce qui a trait à la condition psychatrique actuelle de Mme Marinaki. Selon la Dre Sokolowska, Mme Marinaki est en piètre état. Elle est profondément anxieuse et peut être suicidaire. La Dre Sokolowska pense que cette condition se manifesterait dans le témoignage de Mme Marinaki par des pleurs, un raisonnement diffus et une incapacité de pleinement exprimer ses pensées.

[175] La Dre Sokolowska a décrit Mme Marinaki comme étant soupçonneuse et méfiante. Elle a indiqué que bien que Mme Marinaki soit toujours en contact avec la réalité, sa maladie peut affecter sa perception de la réalité.

[176] Au moment où elle a pour la première fois évalué Mme Marinaki en 1997, la Dre Sokolowska était d'avis que Mme Marinaki souffrait d'une incapacité et ne pouvait pas retourner au travail. Elle est toujours de cet avis aujourd'hui. Selon le Dre Sokolowska, une grande partie du potentiel de récupération de Mme Marinaki dépend du résultat des présentes procédures. Une fois que la présente audience sera terminée, Mme Marinaki aura besoin de temps pour décompresser, suivie d'une période de recyclage avant qu'elle soit en mesure de revenir au travail. Le retour au travail de Mme Marinaki devrait s'effectuer conformément à un programme de réintégration.

[177] La Dre Sokolowska a dit dans son témoignage que les troubles de dépression majeure sont causés par une perte, qu'il s'agisse de la perte d'une personne proche du patient ou de la patiente, ou d'une perte d'une autre sorte. La colère intérieurisée peut également mener à cette condition. Selon la Dre Sokolowska, les problèmes de Mme Marinaki ont été causés par du harcèlement dans le lieu de travail. La Dre Sokolowska fonde son opinion sur le fait qu'elle croit comprendre que Mme Marinaki n'avait pas d'antécédents de problèmes psychiatriques. La Dre Sokolowska a indiqué que bien que Mme Marinaki ait eu divers agents de stress dans sa vie telles la rupture de son premier mariage et la mort de son père, elle avait passé à travers ces situations et elles n'avaient pas affecté sa capacité de fonctionner.

[178] Nous acceptons le diagnostic de la Dre Sokolowska selon lequel Mme Marinaki souffre de dépression majeure. Ce diagnostic relève clairement du domaine d'expertise de la Dre Sokolowska. Le symptôme décrit par la Dre Sokolowska comme indiquant la présence d'une dépression majeure sont conformes au DSM-IV. En effet, l'intimé ne conteste pas le diagnostic en ce qui a trait à la condition actuelle de Mme Marinaki.

[179] Le Tribunal n'accepte pas l'avis de la Dre Sokolowska selon lequel la cause de la dépression de Mme Marinaki était le harcèlement en milieu de travail. En arrivant à cette conclusion, la Dre Sokolowska se fonde sur sa connaissance des antécédents de Mme Marinaki, qu'elle décrit comme étant essentiellement ordinaires avant le début de ses problèmes au travail. La Dre Sokolowska considère les autres agents de stress dans la vie de Mme Marinaki au cours de cette période comme non significatifs, étant donné que Mme Marinaki a continué de fonctionner, malgré ces événements. Il est devenu évident, cependant, que la connaissance par la Dre Sokolowska des antécédents de Mme Marinaki était incomplète. Ce qui est le plus significatif, c'est que la Dre Sokolowska n'était pas au courant que Mme Marinaki, entre avril et septembre 1992, avait été en congé de maladie en raison du stress résultant du décès de son père. C'était immédiatement avant le retour de Mme Marinaki aux Opérations internationales et ce que la Dre Sokolowska croit comprendre être le début de ses problèmes.

[180] La Dre Sokolowska a appris ces renseignements supplémentaires au sujet des antécédents de Mme Marinaki en contre-interrogatoire. Nous avons trouvé que ses réponses aux questions de M. Graham étaient insatisfaisantes. Ayant fait reposer son opinion quant à la cause des problèmes de Mme Marinaki sur les antécédents de Mme Marinaki, la Dre Sokolowska a ensuite essayé de minimiser l'importance de ces antécédents lorsqu'ils n'appuyaient pas sa thèse. Il nous est resté l'impression nette que l'objectivité de la Dre Sokolowska à cet égard avait subi l'influence de sa sympathie évidente pour Mme Marinaki et son désir de l'aider.

[181] Bien que les difficultés de Mme Marinaki au travail aient exacerbé sans aucun doute ses difficultés émotives, d'après les preuves dont nous disposons, nous ne pouvons conclure que sa maladie était attribuable au harcèlement en milieu de travail.

VII. CONCLUSIONS RELATIVES À LA CRÉDIBILITÉ

[182] Le résultat de la présente affaire dépend presque entièrement de notre évaluation de la crédibilité de Mme Marinaki et de M. Scarizzi. Un résumé de nos conclusions en ce qui concerne la crédibilité de chacun est donné ci-dessous. En parvenant à nos conclusions sur la question de la crédibilité, nous avons mis en application les principes énoncés par la cour d'appel de la Colombie-Britannique dans l'affaire Farnya c. Chorney. (23)

i) Conclusions concernant la crédibilité de Mme Marinaki

[183] Nous sommes d'avis que Mme Marinaki n'est pas un témoin fiable pour plusieurs raisons :

  1. Au minimum, Mme Marinaki se trompait sérieusement dans son souvenir qu'au cours des années 1980 M. Scarizzi lui a donné les blagues et caricatures produites à l'audience.
  2. Mme Marinaki n'a pas été tout à fait franche pour ce qui est des explications des motifs de son absence du lieu de travail au printemps et à l'été de 1992.
  3. Mme Marinaki n'a pas été sincère sur le fait qu'elle n'était pas heureuse de revenir aux Opérations internationales en septembre 1992.
  4. L'interprétation fautive de Mme Marinaki de ses discussions avec Pierre LaFrance à l'automne de 1992 soulève des doutes réels quant à la fidélité générale de sa perception des événements.
  5. La référence au fait que Mme Marinaki avait reçu cinq offres de mutation depuis septembre 1992 dans la lettre du 15 juin 1993 du Dr Resnick ne pouvait venir que de Mme Marinaki. Les preuves n'étayent pas cette assertion.
  6. Le témoignage du psychiatre même de Mme Marinaki indique que la perception de la réalité de la part des personnes qui souffrent d'une dépression majeure peut être affectée par la maladie. Cette constatation était conforme à nos propres observations à l'égard de plusieurs questions.
  7. Mme Marinaki semblait attacher une importance inquiétante à des événements qui nous semblaient plutôt anodins. Par exemple, dans son témoignage elle a dit que ses discussions avec des employeurs éventuels se terminaient souvent avec l'employeur éventuel qui lui demandait si elle demeurait toujours sur la promenade Riverside. Mme Marinaki était inquiète du fait que les personnes semblaient savoir où elle vivait, étant donné qu'ils n'avaient pas nécessairement une copie de son curriculum vitea et que les commentaires étaient souvent faits au cours de sa première rencontre avec l'employeur éventuel. Avec le plus grand respect, cela ne semble pas bien sensé. Il est difficile d'imaginer pourquoi un employeur éventuel serait le moindrement intéressé dans les détails de l'endroit où vivait Mme Marinaki. Un examen des documents permet de constater que Mme Marinaki utilisait souvent son adresse à domicile dans ses lettres de demande et que l'adresse de son domicile figure également dans son curriculum vitea. Un scénario beaucoup plus probable est que les employeurs éventuels avaient soit une lettre de Mme Marinaki, soit son curriculum vitea, et qu'ils ne faisaient tout simplement que confirmer qu'ils avaient une adresse à jour où ils pouvaient joindre Mme Marinaki.
  8. Tout au long des procédures, des thèmes récurrents ont ressorti comme sources importantes de mécontentement de Mme Marinaki. Elle semblait étrangement fixer sur la relation entre Domenic Scarizzi et Marie Thibeault et demeurait fermement convaincue qu'André Thivierge essayait activement de nuire à son avancement professionnel. En nous fondant sur notre examen de la preuve, ces deux préoccupations sont erronées et, tel que nous l'avons indiqué précédemment, fondées sur une mauvaise perception des événements.

ii) Conclusions concernant la crédibilité de M. Scarizzi

[184] Nous ne sommes pas du tout impressionnés par le témoignage de M. Scarizzi, que nous avons jugé dans l'ensemble égocentrique. Plusieurs motifs nous portent à conclure que M. Scarizzi n'était pas un témoin crédible :

  1. Au départ M. Scarizzi insistait sur le fait qu'aucun de ses supérieurs lui avait parlé de son emploi d'un langage grossier dans le lieu de travail. (24) Ce témoignage est contraire à celui de Mme McShane et à celui de M. Thivierge, un autre des témoins de l'intimé, témoignages que nous préférons à celui de M. Scarizzi. Inutile de dire que nous avons trouvé son témoignage sur la question tout à fait insatisfaisant.
  2. M. Scarizzi a indiqué que personne lui avait parlé de sa relation avec Mme Thibeault. Une fois de plus, le témoignage de M. Scarizzi est contredit par celui de M. Thivierge, que nous préférons.
  3. M. Scarizzi a nettement exagéré la fréquence des rendez-vous chez le médecin de Mme Marinaki à l'automne de 1992 de façon à la mal faire paraître et à justifier ses propres actions.
  4. Le témoignage de M. Scarizzi selon lequel il n'a jamais essayé de faire attribuer les dépens à Mme Marinaki en ce qui a trait à la révision judiciaire par la Cour fédérale était à la fois trompeur et calculé pour bien le faire paraître. (25)
  5. M. Scarizzi a omis de mentionner un certain nombre de détails pertinents pour ce qui est de ses antécédents professionnels et a exagéré l'importance de ses responsabilités de supervision dans son curriculum vitae. Bien que cela soit tout à fait collatéral aux questions dont nous sommes saisis, à notre avis cela reflète le manque de franchise de M. Scarizzi.

VIII. PRINCIPES DE DROIT

[185] L'article 14 de la Loi canadienne sur les droits de la personne stipule que le fait de harceler un individu constitue un acte discriminatoire s'il est fondé sur un motif de disctinction illicite. Le sexe et l'origine nationale ou ethnique constituent des motifs de distinction illicite.

[186] Le harcèlement sexuel est une forme de discrimination fondée sur le sexe. Dans Janzen c. Platy Enterprises Ltd. (26) , la Cour suprême du Canada a défini le harcèlement sexuel comme étant [`traduction] une conduite importune à caractère sexuel qui a un effet adverse sur le milieu de travail ou qui entraîne des conséquences adverses reliées au travail pour les victimes du harcèlement. La Cour a poursuivi et décrit le harcèlement sexuel comme étant [`traduction] une pratique dégradante qui constitue un affront profond à la dignité des employés qui sont obligés de l'endurer, une pratique qui [`traduction] attaque la dignité et l'estime de soi de la victime à la fois en tant qu'employé et qu'être humain. (27)

[187] Ces principes ont aussi été appliqués dans des affaires de harcèlement en raison de la race (28) et, de l'avis du Tribunal, s'appliquent également au harcèlement fondé sur l'origine nationale ou ethnique.

[188] Les victimes de harcèlement n'ont pas à démontrer qu'elles ont souffert de pertes pécuniaires. Janzen établit que le harcèlement englobe aussi les situations où les employés doivent endurer des propositions et des observations inappropriées sans conséquence économique. (29)

[189] Pour qu'un comportement devienne du harcèlement, il faudra une certaine répétition ou persistance, quoique dans certaines situations un seul incident grave peut suffir à constituer du harcèlement. Cette situation a été décrite comme étant la règle inversement proportionnelle. (30) En d'autres mots, moins la conduite et ses conséquences sont graves, plus il faudra démontrer qu'il y a eu persistance.

[190] Conformément à l'article 65 de la Loi canadienne sur les droits de la personnes, les actes ou omissions commis par un employé dans le cadre de son emploi sont réputés avoir été commis par l'employeur. Il existe une exception à ce principe général, c'est lorsque l'employeur établit que les actes ou omissions ont eu lieu sans son consentement, qu'il avait pris toutes les mesures nécessaires pour l'empêcher et que, par la suite, il a tenté d'en atténuer ou d'en annuler les effets.

[191] Finalement, pour qu'une plainte soit accueillie, il n'est pas nécessaire que des considérations discriminatoires soient le seul motif des actions en cause. Il suffit que la discrimination soit un fondement pour les actions de l'employeur. (31)

IX. ANALYSE

[192] Tel que nous l'avons fait remarquer précédemment, le résultat de la présente affaire dépend presque entièrement de notre évaluation de la crédibilité des principaux témoins et, en bout de ligne, de l'exhaustivité des preuves produites par la Commission et Mme Marinaki. En appliquant la norme juridique appropriée aux faits qui nous sont présentés, nous sommes conscients que le fardeau de la preuve incombe à Mme Marinaki et à la Commission qui doivent nous convaincre selon une prépondérance des probabilités que le bien-fondé de la plainte de Mme Marinaki a été prouvé.

[193] Lorsque nous examinons les preuves dans leur ensemble, elles nous portent à conclure qu'en 1992-1993, les Opérations internationales étaient une organisation où on subissait beaucoup de stress. Les employés s'estimaient surchargés de travail en conséquence de la réduction des effectifs à un moment où la charge de travail augmentait. Il y a des preuves relatives à un style de gestion généralement dur où dans le but de répondre à des objectifs de production, les superviseurs n'ont pas toujours fait preuve de professionnalisme dans leurs interactions avec les employés. Certains employés ont aussi une perception d'un traitement inégal par la direction. Cependant, la question posée au Tribunal n'est pas de déterminer s'il y avait des problèmes de gestion aux Opérations internationales, mais de savoir si le sexe de Mme Marinaki ou son origine ethnique ou nationale étaient des facteurs dans le traitement que lui réservait la direction.

[194] Nous avons divisé cette section de notre analyse en un examen de la question du harcèlement sexuel, suivi par un examen pour déterminer si Mme Marinaki a été victime de harcèlement ethnique. Dans ses conclusions finales, l'avocate de la Commission nous a demandé avec instance de tenir compte de l'intersection de motifs de distinction illicite et du fait que Mme Marinaki était une Grecque. Nous avons en effet tenu compte de cela dans nos délibérations, mais nous avons divisé notre analyse en sections distinctes à des fins de clarté.

i) Est-ce que Mme Marinaki a été victime de harcèlement sexuel?

[195] Il est évident qu'il y avait un conflit important entre M. Scarizzi et Mme Marinaki à l'époque où il était son superviseur. Les efforts déployés par M. Scarizzi irritaient cette dernière et M. Scarizzi ne la gérait pas très bien. Nous avons déterminé qu'il y a eu une série de confrontations entre M. Scarizzi et Mme Marinaki en 1992-1993 à divers sujets. Ces confrontations découlaient des tentatives de M. Scarizzi de gérer des questions relatives au travail et ni le sexe de Mme Marinaki ni son ethnicité n'ont joué un rôle dans la création du conflit. Cependant, nous avons constaté que lors de ces confrontations, M. Scarizzi s'est choqué avec Mme Marinaki, qu'il a élevé la voix à son endroit et qu'il lui a proféré des jurons. Plus particulièrement, nous avons accepté le témoignage de Mme Marinaki selon lequel M. Scarizzi a dirigé le terme vaffanculo à son endroit à plusieurs occasions lorsqu'il était en colère.

[196] La conduite de M. Scarizzi au cours de ces diverses confrontations était inappropriée. Elle était offensante, elle était non professionnelle. C'était de la mauvaise gestion, mais était-ce du harcèlement sexuel?

[197] En appliquant le critère Janzen, nous sommes convaincus que le comportement de M. Scarizzi constituait une conduite importune qui a eu incidence adverse sur le milieu de travail de Mme Marinaki. La question est de savoir si elle était de nature sexuelle.

[198] La question de savoir quel comportement sera considéré à caractère sexuel a été récemment examiné en détail par Mme la juge Tremblay-Lamer de la Cour fédérale dans l'affaire Franke (32), pour laquelle elle a fait remarquer qu'une relativement grande diversité de conduites peut être considérée à caractère sexuel. Le Tribunal devrait décider de la question au cas par cas, en se fondant sur le critère de la personne raisonnable dans les circonstances. (33)

[199] Dans son témoignage, Mme Marinaki a dit que sa compréhension du terme vaffanculo signifiait Va te faire foutre, tandis que M. Scarizzi a dit que pour lui la signification était de Ah, putain!. Nous n'avons reçu aucun témoignage qui nous porterait à croire que l'utilisation du terme italien a une signification ou un sens autre que ce que l'on entend par l'une ou l'autre des expressions anglaises correspondantes suggérées.

[200] À notre avis, une personne raisonnable ne considérerait pas l'utilisation de soit va te faire foutre ou de Ah, putain! dans un moment de colère, comme du harcèlement sexuel. Bien que le mot foutre puisse très certainement avoir une connotation sexuelle, dans le contexte dans lequel il a été utilisé ici par M. Scarizzi, c'était de toute évidence une expression de colère et de frustration et ce n'était aucunement à caractère sexuel.

ii) Est-ce que Mme Marinaki a été victime de harcèlement ethnique?

[201] Nous avons déjà conclu que M. Scarizzi n'a pas fait d'observations ou de blagues racistes dont Mme Marinaki aurait été au courant pendant la période visée par la plainte. La principale preuve qui relierait la conduite de M. Scarizzi à l'ethnicité de Mme Marinaki est l'allégation selon laquelle il l'aurait traitée d'une maudite Grecque. La plainte de Mme Marinaki indique que cela s'est produit à au moins dix reprises pendant la période où il était son superviseur, quoiqu'elle n'ait identifié que deux telles occasions dans son témoignage. (34)

[202] Même s'il a nié avoir utilisé l'expression, nous avons conclu que Domenic Scarizzi n'était pas un témoin crédible. Cependant, le fardeau de la preuve incombe à Mme Marinaki qui doit démontrer, selon une prépondérance des probabilités, que cela s'est produit. Bien qu'il soit possible que M. Scarizzi ait utilisé l'expression maudite Grecque à un moment donné en rapport avec Mme Marinaki, pour les motifs déjà indiqués, nous ne pouvons pas conclure selon une prépondérance des probabilités, qu'il l'a dit tel que l'allègue Mme Marinaki.

[203] Sur la foi des preuves devant nous, nous ne pouvons pas conclure que le conflit entre M. Scarizzi et Mme Marinaki ait quoi que ce soit à voir avec l'ethnicité de Mme Marinaki, ou que son origine nationale ou ethnique ait constitué un facteur dans le traitement que M. Scarizzi réservait à Mme Marinaki. En conséquence, nous ne pouvons pas conclure que Mme Marinaki a été victime de harcèlement en raison de son origine nationale ou ethnique.

iii) Responsabilité de l'employeur

[204] Compte tenu de notre conclusion que Mme Marinaki n'a pas été victime de harcèlement ethnique ni de harcèlement sexuel, il n'est pas nécessaire d'examiner la pertinence de la réaction d'André Thivierge et de DRHC aux plaintes de Mme Marinaki. L'article 65 de la Loi canadienne sur les droits de la personne n'intervient que lorsqu'il y a eu conclusion de harcèlement ou de discrimination pour des motifs de distinction illicite.

[205] Advenant que nous errions dans notre conclusion qu'il n'y a pas eu harcèlement pour des motifs fondés sur le sexe de Mme Marinaki ou son origine nationale ou ethnique, nous n'aurions aucunement hésité à conclure que la protection conférée par l'article 65 ne s'appliquait pas à DRHC pour les raisons suivantes :

  1. la politique de DRHC sur le harcèlement n'avait pas été communiquée aux employés ou ne leur était pas accessible;
  2. il ne semble pas que DRHC ait donné aux employés des Opérations internationales une formation en ce qui concerne les questions de harcèlement ou la politique sur le harcèlement avant que Mme Marinaki dépose sa plainte de harcèlement interne. Plus particulièrement, aucun effort n'a été fait pour informer les employés de la façon dont les plaintes pouvaient être déposées conformément à la politique.
  3. La direction de DRHC était clairement au courant de la conduite et du langague inapropriés de Domenic Scarizzi depuis la fin des années 1980 et n'avait pris aucune mesure significative pour veiller à ce que cela ne se poursuive pas.
  4. Mme Marinaki a dit précisément à Steve Shipley que le harcèlement se poursuit. Non seulement M. Shipley a omis de faire un suivi auprès de Mme Marinaki afin d'examiner ses préoccupations, il est allé voir son directeur et l'a informé du commentaire de Mme Marinaki, négligeant complètement tout devoir de confidentialité qu'il pourrait avoir à l'endroit de Mme Marinaki. Ce comportement est encore plus remarquable puisqu'il vient d'un représentant de la section des ressources humaines.
  5. Les quatorze mois qu'il a fallu pour mener l'enquête interne constituent une période totalement inacceptable. Non seulement c'est injuste pour toutes les personnes concernées par la plainte, c'est particulièrement injuste pour Mme Marinaki qui était mutée d'un poste à un autre. À notre avis, le fait de ne pas traiter des plaintes de harcèlement de façon opportune crée en soi un obstacle systémique à une bonne application d'une politique en matière de harcèlement et ne peut servir qu'à décourager activement les victimes de présenter des plaintes.
  6. Le fait que M. Tamagno n'ait absolument pas tenu compte de toutes les conclusions négatives contenues dans le rapport sur le harcèlement peut mener quiconque à se demander pourquoi DRHC s'est donné la peine de mener une enquête à l'égard de la plainte de Mme Marinaki pour commencer. Si on ne devait accorder aucune attention aux conclusions de l'enquête, il est difficile de conclure qu'elle était censée être une méthode significative pour traiter les allégations de harcèlement dans le lieu de travail.
  7. DRHC a omis d'assurer un suivi a l'égard des mesures de redressement après la production du rapport sur le harcèlement. Bien que des observations aient été faites à la haute direction pour ce qui est de la formation donnée au personnel, et en particulier à Domenic Scarizzi et à André Thivierge, il semble que cela n'a pas été fait.
  8. Un des aspects les plus perturbateurs de cette affaire a été les références répétées au climat de crainte et d'intimidation qui existe aux Opérations internationales. Non seulement cela a été constaté par les enquêteurs ministériels dans le rapport sur le harcèlement interne, dans le cours de la présente audience plusieurs témoins de la Commission ont manifesté des inquiétudes au sujet de répercussions possibles sur leur carrière pour avoir témoigné à l'encontre du ministère. La présence d'un tel climat n'est pas conforme à la diligence raisonnable dont doit faire preuve un employeur pour éviter le harcèlement et ne peut servir qu'à décourager effectivement la présentation des plaintes de harcèlement.
  9. La décision unilatérale de M. Tamagno de retourner Mme Marinaki aux Opérations internationales malgré l'avis médical précis de ne pas le faire, sans essayer de vérifier le caractère approprié de ce conseil, est d'une arrogance sidérante. Si M Tamagno n'acceptait pas l'avis médical du Dr Blattel, la mesure appropriée aurait été qu'il cherche à obtenir un deuxième avis, au lieu de tout simplement substituer son propre avis à celui du médecin traitant de Mme Marinaki.

X. REPRÉSAILLES

[206] Mme Marinaki et la Commission canadienne des droits de la personne soutiennent que DRHC a usé de représailles à l'endroit de Mme Marinaki parce qu'elle a fait valoir son droit à un lieu de travail exempt de harcèlement. Plus particulièrement, elles soutiennent que Mme Marinaki a été affectée à une série de postes sans intérêt et insatisfaisants pendant l'enquête interne en guise de représailles pour ses plaintes de harcèlement et de discrimination. D'autres exemples de comportements supposément en guise de représailles incluent le fait de ne pas avoir tenu Mme Marinaki au courant de ce qui se passait, et le fait d'avoir passé Mme Marinaki d'un poste à un autre sur court préavis pendant l'enquête interne. Mme Marinaki prétend que DRHC a surveillé son rendement et son utilisation des congés de maladie et a tenu des dossiers de problèmes apparents de rendement sans l'informer de l'existence de ces dossiers, en contradiction des politiques en matière de mesures disciplinaires de DRHC. Mme Marinaki indique que M. Thivierge a continué de participer aux décisions la concernant, contrairement à la politique ministérielle en matière de harcèlement. Enfin, Mme Marinaki prétend que DRHC a omis de remplir les divers formulaires et de traiter les demandes de prestations de façon opportune. Dans leurs conclusions finales, les avocats de la Commission canadienne des droits de la personne et de Mme Marinaki n'ont laissé plané aucun doute, ces questions ont été caractérisées strictement en tant que représailles.

[207] Mme Marinaki et la Commission canadienne des droits de la personne nous demandent avec instance d'appuyer la plainte de Mme Marinaki fondée sur ces mesures de représailles, même si nous concluons que sa plainte initiale de harcèlement n'a pas été prouvée.

[208] Ces demandes soulèvent plusieurs questions :

  1. Est-ce que DRHC a reçu un avis suffisant que des mesures de représailles étaient en cause dans la présente affaire?
  2. Est-ce que le présent Tribunal a compétence pour examiner les allégations de représailles?
  3. Est-ce que DRHC a effectivement usé de représailles à l'endroit de Mme Marinaki?

[209] Chacune de ces questions sera examinée ci-après :

i) Est-ce que DRHC a reçu un avis suffisant que des mesures de représailles étaient en cause dans la présente affaire?

[210] Tel que nous l'avons fait remarquer précédemment, la conduite de la présente affaire a été marquée dès le départ par un manque de précision dans l'identification de sa base juridique, y compris la caractérisation d'événements suivant le départ de Mme Marinaki des Opérations internationales après qu'elle eut déposé sa plainte de harcèlement interne en août 1993.

[211] Les événements qui sont survenus après août 1993 pourraient faire intervenir la Loi canadienne sur les droits de la personne de trois façons, chacune mettant en cause des articles différents de la Loi:

  1. En tant qu'actes continus de harcèlement sexuel ou ethnique, auquel cas l'accent serait mis sur un lien entre les actes en question et le sexe et/ou l'ethnicité de Mme Marinaki (article 14);
  2. En tant que preuve de l'omission par l'intimé de prendre les mesures appropriées pour atténuer les effets du harcèlement antérieur et ainsi priver l'intimé de la défense basée sur la diligence raisonnable (article 65);
  3. En tant qu'actes de représailles pour avoir déposé une première plainte, auquel cas l'accent serait mis sur l'établissement d'un lien entre les actes subséquents et la plainte antérieure (article 14.1 de la Loi d'après 1998).

[212] Évidemment, la façon que l'intimé pourrait choisir de se défendre quant aux événements survenus après août 1993 dépendrait de la façon dont les événements sont caractérisés.

[213] Comment ont-ils été caractérisés ici? La plainte de Mme Marinaki a été déposée en mars 1996 et fait référence uniquement à ses (environ dix) affectations à court terme à l'extérieur de sa section entre 1993 et 1995, et à son retour forcé au travail en février 1996. Il n'est pas clair d'après le formulaire de plaintes si ces questions sont mentionnées en tant qu'incidents de harcèlement, en tant que preuves d'une omission d'atténuer, ou en tant que représailles. Il n'y a aucune mention de la surveillance et de la documentation du rendement de Mme Marinaki ou de l'omission prétendue de la part de l'intimé de remplir les formulaires de Mme Marinaki de façon opportune. En effet, la question des formulaires n'a été soulevée qu'une fois que Mme Marinaki eut déposé sa plainte concernant les droits de la personne. Ni Mme Marinaki ni la Commission n'ont cherché à modifier la plainte afin d'inclure ces allégations supplémentaires.

[214] L'exposé des questions en litige préalable à l'audience de la Commission fait référence à la série d'affectations à court terme données à Mme Marinaki après le dépôt de sa plainte de harcèlement interne et à son retour forcé au lieu de travail en février 1996. La Commission caractérise les questions de l'affaire en deux volets : savoir si l'intimé a agi de façon discriminatoire envers Mme Marinaki en la harcelant sur la base de son sexe et de son origine ethnique, et savoir si l'intimé s'est exhonoré lui-même de la responsabilité à l'égard des actes ou des omissions de ses employés par la diligence raisonnable conformément aux dispositions de l'article 65. L'omission de remplir les formulaires n'est pas mentionnée en tant que question dans la divulgation de la Commission et il n'y a pas non plus de référence à une question de représailles.

[215] L'exposé des questions en litige de Mme Marinaki identifie la série d'affectations à court terme comme sans intérêt et insatisfaisantes, et indique que l'intimé a contrecarré sciemment et intentionnellement ses tentatives d'obtenir un poste à l'extérieur de son Ministère d'attache en fournissant à des employeurs éventuels des références injustes et inexactes. La question relative aux références est caractérisée comme étant survenue en représailles aux allégations de harcèlement de Mme Marinaki. Cette dernière fait également référence à son retour forcé aux Opérations internationales malgré l'avis médical, mais ne caractérise pas cet événement d'une façon particulière. Enfin, Mme Marinaki fait référence à l'omission de remplir les formulaires de façon opportune et caractérise cette omission comme la poursuite du harcèlement.

[216] L'intimé a reconnu que des représailles étaient en cause dans la présente affaire, ayant fait référence à l'article 14.1 de la Loi dans son exposé des questions en litige. Cependant, cela semble être en réponse à la référence de la plaignante relativement à la fourniture présumée de références négatives en guise de représailles. Il n'est pas clair d'après l'exposé des questions en litige de l'intimé que l'on ait compris que les allégations de représailles allaient au-delà de cette seule question.

[217] Enfin, M. Lister n'a en aucun temps dans ses remarques d'ouverture fait référence à des mesures de représailles. Mme Cheney a effectivement fait référence à des affectations artificielles, mais ne les a pas caractérisées comme des représailles. Il n'y avait aucune mention de l'omission prétendue de la part de l'intimé de remplir des formulaires, si ce n'est une référence en passant aux problèmes financiers de Mme Marinaki. Une fois de plus, rien ne laisse croire que les actes attribués à l'intimé constituaient des mesures de représailles.

[218] La jurisprudence ne laisse planer aucun doute. Les plaintes concernant les droits de la personne ne sont pas comme des accusations au criminel. Le formulaire de plainte est censé donner un avis général aux parties, et peut être modifié, à la condition qu'un préavis suffisant soit donné à l'intimé (35).

[219] De l'avis du Tribunal, la question principale est une question d'équité. Est-ce que l'intimé a reçu un préavis suffisant de la défense qui serait présentée? L'avocat de l'intimé répond par la négative. M. Graham a cru comprendre que les événements après août 1993 étaient avancés en tant qu'actes continus de harcèlement sexuel et ethnique, et que l'omission de remplir les formulaires de Mme Marinaki était clairement identifiée à ce titre par la plaignante dans son exposé des questions en litige. M. Graham dit qu'il aurait présenté une défense différente pour l'intimé si les questions avaient été caractérisées de représailles. Plus précisément, pour ce qui est de la question des formulaires, il aurait pu faire témoigner une personne de la section de la rémunération des avantages sociaux de l'intimé, et il aurait pu faire témoigner l'avocat au service de DRHC qui traitait de cette question à l'époque. En outre, des questions différentes auraient été posées aux témoins qui ont comparu et auraient porté plus précisément sur la question de représailles.

[220] De l'avis du Tribunal, la position de l'intimé se défend. Il appartient à la plaignante et/ou à la Commission de définir les enjeux et la base juridique de leur affaire. Il ne fait aucun doute que leur tâche a été rendue plus difficile en raison de l'incapacité de Mme Marinaki. Cependant, ce qui était requis dans le présent cas, ce n'était pas d'identifier les faits en cause, mais plutôt la caractérisation d'allégations factuelles dans un cadre juridique. Cela relève clairement de la responsabilité des avocats. Nous ne nous attendons pas à ce que la plaignante et/ou la Commission donne tous les menus détails de leur affaire préalablement à l'audience. Les affaires vont inévitablement évoluer et se modifier à mesure que les preuves sont présentées. Cependant, le souci d'équité exige que la base juridique générale de l'affaire de la plaignante soit articulée au préalable et que les articles pertinents de la Loi ou les fondements juridiques de l'allégation soient clairement identifiés. À notre avis, permettre à la plaignante de faire passer la base juridique de sa cause de harcèlement continu à des mesures de représailles, une fois que toutes les preuves ont été présentées, serait fondamentalement injuste pour l'intimé et ne devrait pas être permis.

ii) Est-ce que le présent tribunal a compétence pour examiner les allégations de représailles?

[221] Même si DRHC avait reçu un préavis suffisant que les mesures de représailles allaient être en cause dans la présente affaire, nous ne croyons pas avoir compétence pour examiner ces allégations ici. La plainte de Mme Marinaki a été déposée en 1996 et les actions en cause se sont déroulées entre septembre 1992 et la fin de 1996. La Loi canadienne sur les droits de la personne, telle qu'elle était libellée tout au long de cette période, interdisait toute menace, intimidation ou discrimination contre l'individu qui dépose une plainte, témoigne ou participe de quelque façon que ce soit au dépôt d'une plainte, ou parce que l'individu se propose d'agir de la sorte. Les personnes qui contreviennent à l'article 59 de l'ancienne Loi pouvaient être poursuivies avec le consentement du procureur général du Canada. Rien dans la Loi d'avant 1998 ne donnait compétence au Tribunal de traiter des allégations de représailles.

[222] Dans Lagacé c. Canada (Forces armées canadiennes) (36), le Tribunal des droits de la personne a conclu que le traitement différentiel adverse d'un employé parce que cet employé avait porté plainte à la Commission canadienne des droits de la personne de discrimination fondée sur un motif de discrimination illicite devrait constituer en soi un motif de discrimination illicite. (37) Respectueusement, nous ne pouvons pas être d'accord. Bien que nous acceptions que, pour une foule de raisons de politique, il est souhaitable que les allégations de représailles soient examinées dans le contexte de la plainte initiale (38), à notre avis, l'interprétation donnée par le Tribunal des droits de la personne de l'ancienne Loi dans l'affaire Lagacé est une interprétation que le libellé clair de la loi à ce moment-là ne peut tout simplement pas supporter.

[223] Contrairement à de nombreux codes provinciaux des droits de la personne, qui précisent que les représailles constituent un acte discriminatoire, l'ancienne Loi canadienne sur les droits de la personne ne le faisait pas, en faisant plutôt une infraction punissable par voie de déclaration sommaire de culpabilité. En tant qu'infraction punissable par voie de déclaration sommaire de culpabilité, il semblerait que le Parlement voulait que les allégations de représailles soient traitées dans un forum différent, soumises à une norme de preuve différente et à une application plus stricte des règles en matière de preuves que celles utilisées dans les procès du Tribunal.

[224] La Loi canadienne sur les droits de la personne a été modifiée en 1998 afin de faire précisément des mesures de représailles un acte discriminatoire, qui relevait ainsi de la compétence du Tribunal canadien des droits de la personne (39). Est-ce que cela aide Mme Marinaki? À notre avis, cela ne l'aide pas : appliquer la nouvelle disposition relative aux mesures de représailles de la Loi (40) à des actes qui sont survenus avant que l'article entre en vigueur serait d'accorder de nouvelles conséquences à des événements qui sont survenus avant la promulgation. On donnerait ainsi un effet rétroactif à la loi, ce qui n'est généralement pas admissible et ce qui n'est pas appuyé par le libellé de la loi.

[225] Pour ces motifs, nous sommes d'avis que nous n'avons pas la compétence pour tenir compte des allégations de représailles de Mme Marinaki.

iii) Est-ce qu'effectivement DRHC a usé de représailles à l'endroit de Mme Marinaki?

[226] Il n'est pas nécessaire de traiter de l'allégation voulant que Mme Marinaki ait eu des références négatives en guise de représailles pour avoir déposé des plaintes de harcèlement et de discrimination dans le lieu de travail, compte tenu du fait que nous avons conclu que Mme Marinaki n'a pas établi que des références négatives avaient effectivement été fournies.

[227] Compte tenu de notre conclusion selon laquelle DRHC n'a pas reçu un préavis suffisant pour se défendre correctement contre l'autre allégation de représailles, il ne conviendrait pas de tenir compte des mérites de ces allégations, même à titre subsidiaire.

XI. CONCLUSION

[228] Il s'agit d'une très triste affaire. Il est évident que Mme Marinaki est gravement handicapée et pourrait fort bien l'avoir pendant plusieurs années alors qu'elle était encore dans le lieu de travail. Les preuves présentées soulèvent des questions quant à la façon dont les gestionnaires de Mme Marinaki ont traité l'incapacité qui s'est développée chez elle. Cependant, cette plainte n'a pas été déposée ni présentée comme plainte de discrimination sur la base d'incapacité, mais plutôt comme une affaire de harcèlement sur la base du sexe et de l'origine nationale ou ethnique. Il ne fait toutefois aucun doute que nous serions parvenus au même résultat si nous avions statué qu'il s'agissait d'un cas d'incapacité. Cependant, nous devons tenir compte des preuves présentées en fonction de la plainte telle qu'elle a été formulée par la plaignante. Pour les motifs énoncés précédemment, nous ne pouvons pas conclure que Mme Marinaki a été victime de harcèlement sexuel ou ethnique.

[229] Bien que nous ayons conclu que Mme Marinaki n'a pas été victime de harcèlement sexuel ou ethnique, elle a néanmoins souffert beaucoup en raison de sa maladie. Il ne fait aucun doute qu'une piètre gestion de la part de l'intimé et que l'omission de l'intimé de reconnaître son incapacité d'une façon sensible et appropriée, et de prendre des mesures concernant cette incapacité, a exacerbé les souffrances de Mme Marinaki. Nous encourageons Mme Marinaki à essayer de mettre ces malheureux incidents derrière elle dans toute la mesure du possible et de concentrer son énergie et son attention sur son rétablissement. Elle est de toute évidence une personne talentueuse qui a beaucoup à offrir à un employeur.

XI. ORDONNANCE

[230] Pour les motifs susmentionnés, la présente plainte est rejetée.

«Originale signée par»


Anne L. Mactavish, présidente

Guy Chicoine, membre

Reva Devins, membre

OTTAWA (Ontario)

Le 29 juin 2000

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

AVOCATS COMMIS AU DOSSIER

NO DE DOSSIER DU TRIBUNAL : T520/1599

STYLE DE CAUSE : Marinaki c. Développement des ressources humaines Canada

LIEU DE L'AUDIENCE : Ottawa (Ontario)

(6-7, 9, 20-22 décembre 1999; 4-5, 7, 31 janvier 2000;

1-4, 7, 9-11, 21-24 février; 6-9 mars; 13, 18-20 avril 2000)

DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL : Le 29 juin 2000

ONT COMPARU :

Andrew Lister Pour Emilie Marinaki

Janice Cheney Pour la Commission canadienne des droits de la personne

J. Sanderson Graham Pour Développement des ressources humaines Canada

1. 1 Mme Marinaki, dans son témoignage, a fait allusion à un certain nombre d'incidents auxquels il n'est pas fait référence précise dans la présente décision. Bien que nous ayons tenu compte de chacune des allégations supplémentaires faites par Mme Marinaki, nous sommes venus à la conclusion qu'il n'y a pas suffisamment de preuves pour conclure de façon précise quant à certains des incidents, et que d'autres ne sont tout simplement pas pertinents. Nous remarquons que la plupart de ces incidents n'ont pas été retenus par les avocats de la Commission et de Mme Marinaki dans leurs conclusions finales.

2. 2 Par exemple, l'évaluation du rendement de Mme Marinaki en 1983, par le ministère de la Défense nationale, indique que Mme Marinaki a réalisé des progrès importants dans l'apprentissage de son nouveau poste, mais remet en question sa loyauté, notant qu'elle semblait à la recherche d'un meilleur poste dès son premier jour au travail. Le supérieur immédiat qui a fait l'évaluation du rendement a même indiqué que Mme Marinaki se servait de son poste comme tremplin en vue d'obtenir un meilleur poste, même avant qu'elle soit complètement au fait de son poste actuel.

3. 3 Les Opérations internationales faisaient à l'origine partie de Santé et Bien-être social Canada. En 1994, dans le cadre du remaniement de divers ministères fédéraux, les programmes de la sécurité du revenu sont passés de Santé et Bien-être social Canada à Développement des ressources humaines Canada. Afin de faciliter la référence, DRHC sera considéré l'employeur de Mme Marinaki dans le présent document.

4. 4 Dans sa toute première évaluation aux Opérations internationales en 1984, Mme Marinaki a manifesté le souhait de progresser vers un poste de gestion. Ce souhait se répète dans chacune des évaluations de rendement subséquentes. Nous savons que Mme Marinaki posait sa candidature à d'autres postes au cours de cette période : à sa première année aux Opérations internationales, Mme Marinaki a demandé à ses supérieurs immédiats de lui fournir des lettres de référence à l'appui de ses demandes.

5. 5 Plusieurs collègues de travail ont témoigné pour la Commission canadienne des droits de la personne : Gerry Hunt a décrit Mme Marinaki comme étant argumentatrice, belligérante et peu serviable; Neera Singh a fait remarquer que Mme Marinaki était vociférante; Eugenia McShane a dit que Mme Marinaki était une employée contestatrice qui allait à la limite. Mme McShane (qui a supervisé le travail de Mme Marinaki pendant un certain temps au milieu des années 1980) a décrit Mme Marinaki comme étant explosive, parfois contrariante, et qu'elle ne craignait pas de contester les gens. Mme McShane a également dit que Mme Marinaki pouvait être comme un chien avec un os pour certaines questions et parfois l'embêtait royalement. Les points de vue d'un grand nombre des témoins de l'intimé sont uniformes quant à ses évaluations.

6. 6 Pat Iannitti (le directeur des Opérations internationales dans les années 1980) a dit que Mme Marinaki était une bonne employée, qu'elle travaillait fort et qu'elle était très productive, qu'elle se souciait de ses clients et de ses dossiers. D'anciens superviseurs ont décrit Mme Marinaki comme une personne qui travaillait fort et qui était toujours prête à aider les autres (Michel Tremblay) et qui a abattu une bonne somme de travail, et ce, avec un taux minimum d'erreurs (Mario Gratton).

7. 7 Rien ne porte à croire qu'on a donné plus de travail à Mme Marinaki qu'aux autres en raison du sexe ou de l'origine ethnique ou nationale de Mme Marinaki. Au contraire, Mme McShane a confirmé qu'on avait tendance à donner aux employés productifs telle Mme Marinaki du travail supplémentaire parce qu'ils étaient en mesure de le soutenir.

8. 8 Les actions de M. Scarizzi sont au coeur même de la plainte de Mme Marinaki et, en conséquence, la question de sa crédibilité générale sera abordée de façon plus détaillée plus loin dans la présente décision.

9. 9 Dans ses conclusions finales, l'avocat même de Mme Marinaki a dit que …ce que l'on retient de la personnalité de Mme Marinaki tout au long des années 1980, c'est qu'elle réplique. Je ne pense pas qu'il soit possible de contredire quoi que ce soit de cela. Mme Marinaki n'est pas une personne à se laisser manger la laine sur le dos. Elle ne l'a pas fait dans les années 1980; elle ne l'a certainement pas fait dans les années 1990.

10. 10 L'explication fournie par Mme Marinaki est que les représentants de l'intimé lui ont dit qu'elle pouvait revenir seulement une année en arrière dans le cas de sa plainte de harcèlement interne. Mme Marinaki dit que la Commission canadienne des droits de la personne lui a dit que dans le cas de sa plainte concernant les droits de la personne, elle ne pouvait revenir qu'une année en arrière à compter de la date de la plainte. Cependant, un examen de la plainte déposée par Mme Marinaki auprès de la Commission canadienne des droits de la personne en 1996 indique que ses allégations remontent à environ quatre ans en arrière, jusqu'en 1992. Mme Marinaki ne se rappelle pas pourquoi elle n'a pas mentionné l'existence des documents dans le cadre de son grief.

11. 11 Évidemment, ce témoignage est difficile à réconcilier avec sa description des répercussions négatives que le comportement préalable de M. Scarizzi aurait eues sur elle.

12. 12 Dans ses conclusions finales, l'avocat de Mme Marinaki a reconnu qu'il n'y avait aucune preuve pour étayer les dires de Mme Marinaki comme quoi M. Thivierge aurait précipité le retour de Mme Marinaki aux Opérations internationales et cette question n'a pas été poursuivie. Cependant, le témoignage de Mme Marinaki est important étant donné qu'il semble marquer la genèse de la conviction de Mme Marinaki que M. Thivierge avait bloqué son avancement professionnel.

13. 13 Mme Marinaki n'était pas la seule à percevoir que Mme Thibeault recevait un traitement de faveur. Mme McShane a confirmé qu'il y avait une perception selon laquelle Mme Thibeault obtenait un traitement spécial en raison de sa relation avec M. Scarizzi et que cette perception avait une incidence sur le lieu de travail. Bien que cela puisse avoir été une perception d'un certain nombre d'employés, à l'examen de toutes les preuves, nous ne sommes pas convaincus que cela ait été en fait le cas.

14. 14 Guida Sangiorgi a effectivement dit que Mme Marinaki s'était plainte à elle des "remarques sexuelles" que faisait M. Scarizzi. Bien qu'elle croit que c'était dans les années 1990, Mme Sangiorgi n'était pas certaine du moment où cette plainte a été faite. En outre, il n'est pas certain si les propos de Mme Marinaki quant aux remarques sexuelles font référence au type d'observations et de blagues à caractère sexuel qui se seraient produites seulement dans les années 1980 selon ce qu'affirme Mme Marinaki, ou si elle voulait faire référence à l'utilisation par M. Scarizzi du terme Vaffanculo dans les années 1990, un terme que Mme Marinaki considérait être du harcèlement sexuel.

15. 15 À un moment donné, Mme Marinaki a dit dans son témoignage que M. Scarizzi a aussi tenu des propos au cours de cette confrontation selon lesquels les Grecs avaient beaucoup d'argent. Elle n'a pas mentionné cela lorsqu'elle a relaté pour la première fois les événements et cette mention n'a été faite qu'une seule fois dans son témoignage ultérieur. Il n'y a aucune référence de cette allégation dans les preuves et Mme Marinaki semblait confuse lorsqu'elle a laissé entendre que cela avait été mentionné ici. Compte tenu de toutes les circonstances, nous ne pouvons pas conclure qu'un tel commentaire a été fait au cours de cette confrontation.

16. 16 M. Scarizzi dit que sa compréhension de la signification du terme vaffanculo est Ah, putain!.

17. 17 Le résumé de l'entrevue de Mme Marinaki avec les enquêteurs de DRHC fait aussi référence au fait que Mme Marinaki ait été traitée d'une maudite Grecque. Cependant, on ne peut déterminer avec certitude d'après cette déclaration qui est censé l'avoir fait, ni où ni quand cela aurait été fait.

18. 18 Il est néanmoins intéressant de constater, bien que cela ne soit en aucune façon déterminant au sujet de la question, que Mme Marinaki décrit elle-même le comportement de M. Scarizzi comme du harcèlement personnel dans sa réponse de 1994 au rapport provisoire de harcèlement interne plutôt que du harcèlement sexuel ou ethnique.

19. 19 La note de service de Mme Marinaki indique que 296 articles de correspondance n'avaient pas été traités au début de la semaine et qu'elle avait été en mesure de ramener ce total à 156 articles, en plus de s'acquitter de ses propres tâches hebdomadaires. Cela semble confirmer que Mme Marinaki n'a pas traité la correspondance qu'il restait de la semaine précédente sur une base prioritaire, mais qu'elle le ferait uniquement lorsque ses tâches hebdomadaires courantes le permettraient.

20. 20 Mme Marinaki a fait appel de la sélection de Domenic Scarizzi en vue d'une nomination à la suite de ce concours, mais n'a pas contesté la sélection des autres candidats reçus. Bien que le comité d'appel de la Commission de la fonction publique ait donné raison à Mme Marinaki, M Scarizzi a fait appel à la Cour fédérale du Canada. Le juge Rothstein a accueilli la demande de révision judiciaire de M. Scarizzi, annulant la décision du comité d'appel et rétablissant la décision du comité de sélection. Le juge Rothstein a attribué les dépens à Mme Marinaki. En concluant qu'il existait des circonstances particulières justifiant une telle décision, le juge Rothstein a tenu compte du fait que Mme Marinaki n'avait rien à gagner personnellement des résultats du concours, ayant déjà été éliminée. Le juge Rothstein était d'avis que M. Scarizzi avait été particularisé par Mme Marinaki parmi les autres candidats reçus et que : le processus du comité d'appel n'est pas un mécanisme dont peut se servir une employée mécontente pour faire des difficultés à d'autres employés.

21. 21 Mme Marinaki avait depuis longtemps manifesté un souhait de travailler dans le secteur des Systèmes et M. Shipley a dit dans son témoignage que des efforts considérables avaient été déployés pour trouver un poste temporaire à Mme Marinaki dans ce domaine, dans l'espoir qu'il en résulterait un poste permanent. Malheureusement, cela ne s'est pas produit.

22. 22 Nous avons déjà déterminé un certain nombre d'exemples précis où le témoignage de M. Scarizzi posait des problèmes. La question de la crédibilité globale de M. Scarizzi est abordée plus loin dans la présente décision.

23. 23 [1952] 2 D.L.R. 354

24. 24 M. Scarizzi a admis plus tard que M. Thivierge pouvait lui avoir mentionné cette question.

25. 25 Le témoignage initial de M. Scarizzi n'a pas résisté compte tenu des motifs du juge Rothstein, qui a remarqué que M. Scarizzi a effectivement demandé que les dépens soient attribués à Mme Marinaki. Face à cette constatation, M. Scarizzi a été obligé de reconnaître que bien qu'il n'ait pas personnellement cherché à faire attribuer les dépens à Mme Marinaki, ses avocats l'ont fait en son nom.

26. 26 (1989), 10 C.H.R.R. D/6205

27. 27 Idem

28. 28 Voir, par exemple, Dhanjal c. Air Canada, 28 C.H.R.R. D/367 à D/412 confirmé [1997] J.C.F no 1599 (1re inst.), et Mohammad c. Mariposa Stores Limited Partnership, 14 C.H.R.R. D/215 à D/218 (B.C.H.R.T.)

29. 29 Janzen, supra, à la p. 6226

30. 30 Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Forces armées canadiennes) (en l'affaire Franke) [1999] J.C.F. no 757, [1999] 3 C.F. 653, (1999) 167 F.T.R. 216. Voir aussi M. Drapeau, Le harcèlement sexuel au travail, Cowansville (Quebec) : Les Éditions Yvon Blais, 1991, à la p. 102.

31. 31 Holden c. Chemins de fer nationaux (1990), 14 C.H.R.R. D/12 à la p. D/15

32. 32 Supra, note 30 en bas de page

33. 33 Mme la juge Tremblay-Lamer fait référence au débat dans les ouvrages et dans la jurisprudence quant à savoir si le critère normal de personne raisonnable convient effectivement, et à savoir si une telle norme ne pourrait pas servir à perpétuer des normes de comportement élaborées dans des lieux de travail traditionnels, à prédominance masculine. Certaines affaires laissent croire que la norme qui convient est celle de la femme raisonnable, tandis que d'autres laissent entendre qu'il s'agirait de celle de la victime raisonnable. Dans la présente affaire, on nous demande avec instance de tenir compte du fait que Mme Marinaki est une Grecque (bien que l'on ne nous ait fourni aucune preuve de norme culturelle propre à la collectivité grecque pour nous aider à cet effet). La décision Franke lie le présent Tribunal, nous utilisons par conséquent une norme de la personne raisonnable. Cependant, dans le présent cas, en supposant une perspective de caractère raisonnable, nous ne pensons pas que le recours à une autre norme aurait une incidence sur le résultat.

34. 34 Outre les deux occasions déjà mentionnées qui se seraient supposémment produites lorsque M. Scarizzi était son superviseur, Mme Marinaki a aussi indiqué que M. Scarizzi a marmonné l'expression lorsqu'il l'a croisée dans le couloir peu de temps après que Mme Marinaki eut quitté les Opérations internationales en 1993. Une fois de plus, M. Scarizzi le nie et il n'y a aucune mention de l'incident dans les déclarations précédentes de Mme Marinaki. Compte tenu de nos préoccupations quant à la non-fiabilité de Mme Marinaki, nous ne pouvons pas conclure, selon une prépondérance des probabilités, que cela se soit effectivement produit.

35. 35 Uzoaba c. Services correctionnels du Canada, (1994), 94 C.L.L.C. 17,021, confirmé (s.n. Canada (Procureur général) c. Uzoaba,) [1995] J.C.F. no 609, [1995] 2 C.S. 569, et Cousens c. Association des infirmières et infirmiers du Canada, (1981) 2 C.H.R.R. D/365.

36. 36 [1996] C.H.R.D. No 11

37. 37 Il faudrait aussi remarquer que l'affaire Lagacé se distingue de la présente sur la base de ses faits : pour la plus grande partie de la période au cours de laquelle on dit que les représentants de DRHC ont usé de représailles à l'endroit de Mme Marinaki, la Commission canadienne des droits de la personne n'avait été saisie d'aucune plainte, tandis qu'une plainte avait été déposée auprès de la Commission au cours de la période visée par la plainte dans l'affaire Lagacé.

38. 38 Voir Entrop c. Compagnie pétrolière impériale Limitée, (1994), 23 C.H.R.R. D/186 pour un examen de ces questions de politique.

39. 39 Il faudrait remarquer que le fait que la législation ait été modifiée ne signifie pas que la Loi était nécessairement différente avant l'amendement. (voir l'article 45 de la Loi d'interprétation). Cependant, dans le présent cas, pour les motifs donnés, nous sommes d'avis que l'amendement représente un changement dans la loi.

40. 40 Article 14.1

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