Tribunal canadien des droits de la personne

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DÉCISION RENDUE LE 29 JANVIER 1982

D. T. 3/ 82

DANS L’AFFAIRE DE LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE S. C. 1976- 1977, C. 33, version modifiée

Et dans l’affaire d’une audience devant un tribunal des droits de la personne constituté aux termes de l’article 39 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

LITIGE METTANT EN CAUSE : SHERRY MACGILLIVRAY, plaignante, - et HUME’S TRANSPORT LIMITED, défendeur.

DEVANT : MARY LOIS DYER TRIBUNAL

DÉCISION DU TRIBUNAL

ONT COMPARU : RUSSELL G. JURIANSZ AVOCAT DE la plaignante ET de la Commission canadienne des droits de la personne
JOAN M. GILMOUR : Avocat de la société HUME’S TRANSPORT LIMITED, le défendeur

DATES DES AUDIENCES : les 4 et 26 juin 1981

INTRODUCTION

Le 17 mai 1980, Sherry MacGillivray a déposé une plainte contre la société Hume’s Transport Ltd., selon laquelle cette dernière aurait fait preuve à son endroit de discrimination fondée sur le sexe et la situation de famille. La plainte était libellée comme suit :

"Pendant que j’occupais un poste de commis de paye chez Hume’s Transport, la société a refusé de payer mes primes d’assurance- maladie de l’Ontario et celles de ma famille alors qu’elle payait celles des employés de sexe masculin qui étaient mariés. J’estime que cette pratique va à l’encontre de l’alinéa 7b) et de l’article 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne."

(traduction)

La plaignante et le défendeur étaient tous deux représentés par un avocat, et huit témoins ont comparu lors des audiences.

J’ai été nommée juge du tribunal des droits de la personne constitué dans la présente affaire en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne (S. C. 1976- 1977, C. 33).

Avant même que l’enquête sur le bien- fondé de la plainte ne commence, le défendeur a contesté la compétence du tribunal et de la Commission pour ce qui est de l’instruction de la plainte. Les avocats du défendeur et de la Commission ont débattu la question de vive voix. Le tribunal a longuement étudié les arguments des deux parties, a demandé aux avocats de présenter leurs arguments par écrit et a ensuite entendu la cause pour décider du bien- fondé.

La question de compétence sera étudiée en premier lieu.

QUESTION DE COMPÉTENCE

La situation se résume comme suit : Sherry MacGillivray (la plaignante) a travaillé à plein temps comme commis de paye au bureau du défendeur, la société Hume’s Transport Ltd. (la société Hume’s), du mois de février 1979 au mois de novembre 1979 inclusivement. Pendant cette période, la société Hume’s a retenu sur le chèque de paye de la plaignante les primes qui doivent être versées au Régime d’assurance- maladie de l’Ontario pour les services assurés, conformément aux dispositions de la Loi sur l’assurance- maladie (S. O. 1972, C. 91, Version modifiée) (les primes d’assurance- maladie). La somme de $280 a ainsi été retenue sur la paye de la plaignante.

Pendant la période visée, la société Hume’s s’occupait de transport interprovincial et avait à son service plus de 15 employés souscrivant au Régime d’assurance- maladie de l’Ontario.

La plaignante estime que la société Hume’s Transport Ltd. a enfreint l’alinéa 7b) et l’article 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne car pendant toute la période durant laquelle elle travaillait à plein temps, la société a refusé de payer ses primes d’assurance- maladie et celles de sa famille, alors qu’elle le faisait apparemment pour ses employés de sexe masculin. Les avocats de la Commission et de la société Hume’s ont accepté que seule la plainte ayant pour objet la discrimination fondée sur le sexe soit portée devant le tribunal.

L’article 65 de la Loi canadienne sur les droits de la personne stipule que : "65. Nonobstant la présente loi, sont irrecevables les plaintes déposées sous le régime de la Partie III, qui portent

  1. sur des mesures non aggravantes en matière de discrimination, prises dans les deux ans suivant la date d’entrée en vigueur de cette Partie, conformément à des dispositions, applicables à cette date,
    1. d’une caisse ou d’un régime de pensions fondés sur l’âge, le sexe ou la situation de famille applicables aux employés ou anciens employés, de ladite personne à l’entrée en vigueur de cette Partie et fondés sur l’âge, le sexe ou la situation de famille, ou
    2. d’un régime d’assurance fondé sur l’âge, le sexe ou la situation de famille applicable aux employés ou anciens employés de ladite personne à l’entrée en vigueur de cette Partie prévoyant le versement de rentes viagères ou d’indemnités en cas de décès, d’accident, de maladie, de grossesse, d’invalidité ou de chômage, ou à un régime d’assurance pour les soins dentaires ; ou
  2. sur les dispositions des caisses ou des régimes visés à l’alinéa a), dans les deux ans suivant l’entrée en vigueur de cette Partie.

Le Régime d’assurance- maladie de l’Ontario est un régime provincial destiné à protéger les personnes domiciliées en Ontario, moyennant le paiement de primes. Il a été établi aux termes de l’article 9 de la Loi sur l’assurance- maladie :

"9. Le régime d’assurance des services de santé établi par la Loi sur les services d’assurance- maladie et le régime d’assurance des soins hospitaliers établi par la Loi sur la Commission des services hospitaliers sont maintenus dans le régime par les présentes, aux fins d’offrir à tous les résidents de l’Ontario, sans but lucratif et selon des modalités et à des conditions uniformes et, conformément à la présente loi, une assurance contre les coûts des services assurés et d’offrir également d’autres avantages connexes relatifs à la santé."

Il est important de prendre note de la définition du mot assuré fournie dans la Loi sur l’assurance- maladie et de ce fait, des personnes qui sont admissibles aux services assurés conformément à l’article 15 de la Loi, dont les paragraphes 1 et 2 ont été abrogés et remplacés par les paragraphes 1, 2 et 2a) aux termes de l’article 4 de la Loi de 1974, chap. 60. L’article ainsi modifié se lit comme suit :

(2) Lorsque le nombre d’employés au service d’un employeur est égal ou supérieur à quinze, les employés qui résident en Ontario constituent un groupe à participation obligatoire.

(2a) Lorsque le nombre d’employés au service d’un employeur est supérieur à cinq mais inférieur à quinze, l’administrateur général peut, sur demande à cet effet, désigner les employés qui résident en Ontario en tant que groupe à participation obligatoire.

(3) Chaque personne qui est membre d’un groupe à participation obligatoire doit être un assuré conformément à la présente loi et aux règlements.

(4) L’employeur doit déduire de la rémunération de chaque employé de son groupe à participation obligatoire les cotisations requises aux termes de la présente loi ou la partie des cotisations sur laquelle l’employeur et son employé sont d’accord, mais chaque membre du groupe est responsable essentiellement du paiement de la cotisation.

(5) La déduction faite par un employeur sur la rémunération d’un employé faisant partie de son groupe à participation obligatoire et concernant la cotisation requise aux termes de la présente loi a pour effet de dégager cet employé de sa responsabilité première d’acquitter la cotisation ainsi déduite.

(6) Nul ne doit facturer de frais pour exercer ses fonctions à titre d’employeur d’un groupe à participation obligatoire."

Interprétation

L’argument et l’objection du défendeur reposent sur le paragraphe 65b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne et non sur le paragraphe 65a). Selon le défendeur, l’article 65 de la Loi stipule qu’est irrecevable toute plainte déposée en vertu de la Partie III qui porte sur les dispositions des régimes ou des caisses dans les deux ans suivant l’entrée en vigueur de cette Partie. En d’autres termes, les mesures provisoires prévues dans la Loi s’appliquent aux régimes d’assurance- maladie comme celui de l’Ontario, dont il est question dans la présente affaire.

L’objet de la Loi canadienne sur les droits de la personne est énoncé de façon explicite à l’alinéa 2a) de la Loi :

"a) Tous ont droit, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l’égalité des chances d’épanouissement, indépendamment des considérations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, la situation de famille ou l’état de personne graciée ou, en matière d’emploi, de leurs handicaps physiques."

L’article 11 de la Loi d’interprétation S. R. C. 1970, c. I- 23 stipule que :

"Chaque texte législatif est censé réparateur et doit s’interpréter de la façon juste, large et libérale la plus propre à assurer la réalisation de ses objets."

Au Canada, on reconnaît que la Loi sur les droits de la personne a été libellée et adoptée de façon à remédier aux effets néfastes des actes discriminatoires. A ce titre, la Loi doit être interprétée de façon juste et libérale de manière à atteindre les objectifs prévus dans les dispositions statutaires. Lorsqu’il y a ambiguïté, le doute doit être levé de manière à atteindre les objectifs de la Loi sur les droits de la personne plutôt qu’à s’en éloigner.

Dans l’affaire mettant en cause le Procureur général de l’Alberta c. Gares (1976) 67 D. L. R. (3e) 635, le juge MacDonald de la cour supérieure de l’Alberta fait état de ce principe à la page 687 de la décision :

"D’après le préambule, l’interdiction prévue à l’article 5 a pour but de protéger les droits de chacun... indépendamment des considérations fondées sur... le sexe..., ce qui me permet de conclure que, en cas d’ambiguïté, le mot embaucher qui figure au paragraphe 5( 1) devrait être interprété de la façon la plus libérale qui soit pour permettre d’atteindre les objectifs visés aux termes de cette loi."

(traduction)

L’importance des questions en litige nécessite une interprétation large de l’article 65, et toute ambiguïté doit être clarifiée et expliquée de manière à atteindre les objectifs de la loi réparatrice. Par conséquent, la Loi canadienne sur les droits de la personne devrait être interprétée, dans son ensemble, de façon très large pour mieux atteindre les objectifs qu’elle vise.

Cependant, il existe un principe d’interprétation selon lequel les exceptions à l’interdiction de toute discrimination dans une loi réparatrice sont très limitées. Dans cet ordre d’idée, je dois dire que j’approuve la décision de Sidney Lederman, qui agissait en qualité de commission d’enquête en vertu du Code des droits de l’homme de l’Ontario dans l’affaire Betty Ann Shack c. London Drive- Ur- Self Ltd., du 7 juin 1974, décision qui a suivi celle de la cour d’appel des États- Unis dans l’affaire Weeks c. Southern Bell Telephone Telegraph Company de 1969, 408 F. 2e 228. A la page 232 de la décision on retrouve le commentaire suivant :

"Enfin, lorsque l’affaire met en jeu une loi réparatrice à caractère humanitaire qui a un impact important sur la population, il est de rigueur de laisser la personne qui soutient qu’il y a exception à la règle de prouver ses affirmations."

(traduction)

J’en suis encore plus convaincue par le jugement rendu dans la cause Boyd c. Mar- Su Interior Decorators Ltd., qui a été entendue par la Commission d’enquête constituée en vertu du Code des droits de l’homme de l’Ontario, ainsi que par la décision de R. S. MacKay, C. R. du 22 février 1978 qui se lisait comme suit (page 4) :

"Même si la preuve concernant l’exception à l’alinéa 4c) était encore plus discutable, la décision demeurerait inchangée car il incombe à M. Grip de prouver que l’exception invoquée relativement à l’interdiction de tout acte discriminatoire, qui est en fait une mesure réparatrice, est applicable."

(traduction)

Comme l’article 65 de la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit des exceptions aux actes discriminatoires mentionnés à l’alinéa 7b) et l’article 10, il doit donc être interprété avec rigueur.

Examinons maintenant le régime d’assurance- maladie de l’Ontario puisque l’affaire porte sur ce sujet. En vertu de la compétence dans le domaine des droits civils et des droits de propriété que lui confère la constitution, l’Ontario se dotait, en 1972, d’un régime d’assurance- maladie en exécution de l’article 9 de la Loi sur l’assurance- maladie. L’article 4 de la Loi stipule que les employés de toute société qui compte plus de 15 personnes à son service constituent un groupe à participation obligatoire. Aux termes du paragraphe 15( 4) de ladite Loi :

"L’employeur doit déduire de la rémunération de chaque employé de son groupe à participation obligatoire les cotisations requises aux termes de la présente loi ou la partie des cotisations sur laquelle l’employeur et son employé sont d’accord, mais chaque membre du groupe est responsable essentiellement du paiement de la cotisation."

L’article 9 du Règlement de l’Ontario 323/ 72 stipule que les modalités de versement des primes d’assurance- maladie peuvent varier et sont généralement le résultat d’une entente entre employeur et employé. La Loi précise qu’une prime doit être versée, mais non quelles doivent être les contributions respectives de l’employeur et de l’employé.

L’alinéa 65b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne fait état des dispositions d’un régime d’assurance. Or, il est reconnu que le régime de l’Ontario est un des types de régimes prévus dans la Loi. L’importance de l’exception réside donc dans l’interprétation du mot dispositions.

Par le passé, les cours de justice au Canada se sont inspirées de la définition suivante tirée du Shorter Oxford English Dictionary : Chacun des points que règle une loi, un arrêté; l’acte juridique même qui prévoit certains recours dans des situations précises; une clause d’un acte juridique qui prévoit des conditions précises; une clause conditionnelle. (traduction)

(Dans l’affaire Jorgenson, (1923) 2 W. W. R. 600) Dans l’affaire la Reine c. Crow ex parte Staples, (1970) 10 D. L. R. (3e) 618, la cour supérieure de la Nouvelle- Écosse a aussi opté pour cette définition en déclarant qu’une disposition était une clause ou une certaine partie d’un acte juridique.

Je me base sur la définition donnée dans le Shorter Oxford English Dictionary, et plus particulièrement sur la partie qui définit une disposition comme étant une clause d’un acte juridique qui prévoit des conditions précises; une clause conditionnelle.

J’estime que l’emploi du mot disposition à l’alinéa 65b) s’applique aux clauses écrites du régime d’assurance- maladie de la province.

En quoi consistent ces clauses ? La Loi sur l’assurance- maladie et les règlements établis en vertu de cette Loi énoncent les diverses dispositions du régime. Ils prévoient, par exemple, quelles personnes sont assurées, quelles personnes sont exonorées du paiement des primes, le versement de primes, à qui celles- ci doivent être versées, ainsi que la définition d’un groupe. Les dispositions sont très explicites sur certains points, mais font abstraction de certains autres aspects du régime.

Ainsi, on ne précise pas quelle portion de la prime doit être payée respectivement par l’employé et par l’employeur, et aucun règlement n’est prévu à cet effet. Cependant, on affirme explicitement que la question doit faire l’objet d’une entente entre employeur et employé. Les diverses possibilités ne sont pas explicitées en tant que clause ou que condition du régime. J’en conclus qu’une telle entente entre employeur et employé, parce qu’elle n’est pas énoncée explicitement, n’est pas une clause conditionnelle et par conséquent n’est pas partie intégrante du Régime d’assurance- maladie de l’Ontario.

En fait, la décision relative aux contributions respectives de l’employeur et de l’employé au régime d’assurance- maladie de l’Ontario constitue un arrangement administratif dont on discute habituellement au moment de l’embauche. Tandis que certains employeurs paient le montant total de la prime, d’autres n’en prennent en charge qu’une partie et enfin, certains retiennent le montant total de la prime sur la rémunération de leurs employés.

Selon la plainte déposée par Sherry MacGillivray, son employeur s’est rendu coupable de discrimination fondée sur le sexe puisqu’il a refusé de payer ses primes d’assurance- maladie et celles de sa famille, alors qu’il payait celles des employés de sexe masculin qui étaient mariés. La plainte porte sur la pratique ou l’arrangement administratif adopté par la société de transport en ce qui concerne la partie de la prime d’assurance- maladie que doit payer l’employé.

Bref, j’estime que l’entente administrative portant sur les contributions respectives de l’employeur et de l’employé au régime d’assurance n’est pas prévue par le régime. J’estime également que ces arrangements n’entrent pas dans les exceptions énumérées à l’article 65 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Aucune disposition transitoire ne peut être invoquée pour soustraire ces arrangements administratifs au jugement du tribunal et, par conséquent, je déclare que ce tribunal a la compétence nécessaire pour instruire la plainte et en déterminer le bien- fondé.

LA PLAINTE

La plainte déposée le 17 mai 1980 par Sherry MacGillivray contre la société Hume’s Transport Ltd. a pour objet un acte présumément discriminatoire fondé sur le sexe et la situation de famille.

Il a été décidé conjointement par les avocats de la Commission et de la société Hume’s Transport que seule la plainte ayant pour objet la discrimination fondée sur le sexe serait portée devant le tribunal.

CONSTITUTION DU TRIBUNAL

La Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit une procédure spéciale pour l’examen, le règlement et le jugement des plaintes concernant les actes discriminatoires sur lesquels a juridiction le gouvernement fédéral. Conformément aux critères prévus aux articles 33, 35 et 36 de la Loi, la Commission canadienne des droits de la personne a procédé à l’instruction de la plainte déposée et signée par Sherry MacGillivray, et, au reçu du rapport d’enquête, a constitué un tribunal des droits de la personne en vertu de l’article 39 de la Loi. Le tribunal a siégé les 4 et 26 juin 1981.

Ayant statué sur la question de compétence, le tribunal va maintenant établir les faits, déterminer le bien- fondé de la plainte et rendre son jugement.

LES FAITS

Dans son témoignage, M. R. Keith Barrett, responsable de la section des souscriptions aux assurances collectives du bureau du Régime d’assurance- maladie de l’Ontario, a déclaré qu’une personne domiciliée en Ontario pouvait verser les primes soit directement soit par l’intermédiaire de son employeur. Il a poursuivi en disant qu’un groupe d’au moins 6 personnes pouvait souscrire à une assurance collective, que 15 employés ou plus constituaient un groupe à participation obligatoire, c’est- à- dire que l’employeur était alors obligé d’y inscrire tous les employés. A une autre question de l’avocat de la plaignante au sujet du paiement des primes, M. Barrett a donné les réponses suivantes (page 22 de la transcription) :

Q. L’employeur est- il obligé d’envoyer les primes au nom de ses employés, de ses autres employés ?

R. Oui.

Q. Dans le cadre du Régime d’assurance- maladie de l’Ontario, des mesures sont- elles prévues pour éviter que l’employeur ne demande à son tour aux employés de lui rembourser les primes ?

R. Il revient à l’employeur de s’entendre avec ses employés. Nous ne tenons aucun dossier sur les contributions respectives de l’employeur et des employés.

Q. Dans le cadre du régime, exige- t- on que les coûts soient partagés ?

R. Non. Nous exigeons tout simplement que les primes soient payées. Ce sont l’employeur et l’employé qui doivent décider qui versera les primes.

M. Juriansz a ensuite questionné M. Barrett au sujet de la protection offerte aux célibataires et aux personnes à leur charge (page 23 de la transcription) :

Q. Si un conjoint est assuré et que l’autre conjoint fasse également partie d’un groupe au sein duquel il pourrait aussi être assuré, est- il possible d’obtenir une exonération de prime ?

R. Les nouveaux employés doivent remplir une demande d’exonération de prime, informant ainsi leur employeur et le bureau du régime d’assurance- maladie - l’employeur nous envoie le formulaire - qu’ils ne sont pas inscrits au sein du groupe parce qu’ils sont assurés par l’employeur de leur conjoint.

En contre- interrogatoire, l’avocat du défendeur discute des arrangements administratifs avec M. Barrett (pages 26 et 27 de la transcription) :

Q. Oui, ce n’est pas à cela que je veux en venir. Je tiens tout simplement à déterminer qui est responsable du paiement des primes. Si l’assurance est à votre nom, est- il exact de supposer que vous êtes celui qui doit verser les primes pour tous les membres de votre famille ?

R. Nous avons une entente avec l’employeur et c’est lui qui doit verser les primes; l’employé n’y est pas obligé.

Q. Et l’employeur a le choix de payer les primes ou d’en retenir le montant sur la paye de l’employé ?

R. C’est exact.

Dans son témoignage, la plaignante, Mme MacGillivray, a déclaré avoir contracté mariage en 1967 et être mère de deux enfants. Elle n’a pas travaillé pendant un certain temps à la suite de son mariage et à l’époque, son conjoint était camionneur à la société Canada Packers Limited. Pendant les onze années et demie qu’il a passées au service de la Canada Packers, M. MacGillivray et sa famille étaient assurés par l’intermédiaire du groupe de la compagnie. En 1978, il a quitté la société Canada Packers pour entrer au service de la Robinson Evergreens.

Mme MacGillivray affirme qu’à cette époque le couple a connu certaines difficultés matrimoniales et qu’elle a quitté son mari. En septembre 1978, ils se sont réconciliés et Mme MacGillivray a postulé un emploi à temps partiel à la société Hume’s Transport, ce qui lui permettrait d’être près de chez elle pour prendre soin de ses enfants d’âge scolaire. Mme MacGillivray est entrée en fonction vers le 12 septembre 1978 en qualité de commis de paye à temps partiel. A cette époque, son mari était sans emploi. Répondant à la question de M. Juriansz au sujet de la protection offerte dans le cadre du Régime d’assurance- maladie de l’Ontario, Mme MacGillivray a fait la déclaration suivante (page 38 de la transcription) :

R. Lorsqu’il a cessé de travailler, il y a eu un intervalle d’environ trois mois parce que, si ma mémoire est bonne, on paie toujours trois mois à l’avance. Lorsqu’il a commencé à travailler à la Robinson Evergreens, il se pourrait qu’on lui ait retenu les primes pendant un ou deux mois, mais pas plus, si du moins cela a été fait. Je sais qu’il avait commencé à souscrire au régime, mais comme je vous l’ai dit, il n’est pas demeuré très longtemps au service de cette compagnie. Lorsque j’ai quitté mon mari, l’assistance sociale s’est automatiquement chargée de mes primes d’assurance- maladie et de celles de mes enfants. Au moment de notre réconciliation je crois que nous n’avions même aucune protection. Nous avons présenté une demande d’aide financière au bureau de l’assurance- maladie de l’Ontario.

Q. Et avez- vous obtenu l’aide financière demandée ?

R. Oui. Mme MacGillivray a ajouté qu’elle aimait son emploi à la société Hume’s, qu’elle travaillait très fort et qu’elle désirait être éventuellement embauchée à plein temps. Elle travaillait habituellement les lundi, mardi et mercredi et au besoin les jeudi et vendredi. Mme MacGillivray a déclaré qu’elle voulait obtenir un emploi à plein temps et que, sur le plan financier, elle en avait besoin. En février 1979, elle est devenue employée à plein temps à la société Hume’s Transport.

M. Juriansz a ensuite questionné Mme MacGillivray au sujet de la protection offerte par l’assurance- maladie (pages 39, 40 et 41 de la transcription) :

Q. Lorsque vous êtes devenue employée à plein temps, vous attendiez- vous à ce que la société Hume’s paie vos primes d’assurance- maladie ?

R. A vrai dire, c’est à peu près ce à quoi je m’attendais.

Je savais que je ferais plus d’argent si mes primes étaient également payées. J’estimais que lorsque je serais employée à plein temps, je n’aurais plus besoin de recourir à l’aide financière prévue par le régime, parce que dans de telles circonstances nous devons avertir les bureaux de l’assurance- maladie de tout changement.

Q. Est- ce que vous croyiez que tous les employés à plein temps de la société Hume’s étaient assurés ?

R. Oui, c’est bien ce que je croyais.

Q. Et que c’était l’employeur qui payait leurs primes ?

R. Oui. Mme MacGillivray a déclaré qu’avant de recevoir son premier chèque de paye, elle avait eu un entretien avec M. Bob Kristof, un employé de la société Hume’s, au sujet des primes d’assurance- maladie. M. Kristof l’avait alors informée que ses primes ne seraient pas payées par la compagnie. Le lendemain ou le surlendemain, Mme MacGillivray a demandé à M. Kristof de lui expliquer pourquoi ses primes ne seraient pas payées. Elle affirme se rappeler que M. Kristof lui avait alors répondu que c’était l’époux qui devait être responsable du paiement des primes. Elle affirme également avoir informé M. Kristof qu’elle était le soutien de famille car son mari était sans emploi à cette époque. Puis, suivant la suggestion d’un autre employé, Mme MacGillivray est allée voir M. Robert Hume pour obtenir des explications. Elle relate la discussion aux pages 43 et 44 de la transcription :

Q. (M. Juriansz) Et que s’est- il passé ?

R. Eh bien, comme je vous l’ai dit, je ne me souviens pas du moment exact de la discussion, mais j’étais en pause café dans la petite cuisine et je discutais de la question avec d’autres personnes. Certaines d’entre elles m’ont suggéré d’en parler à l’un des Hume. Nous étions en haut, je suis descendue et M. Robert Hume était en train de lire le journal. Je lui ai demandé s’il pouvait se renseigner - ce n’est pas là la formulation exacte - au sujet de mes primes d’assurance- maladie, de la raison pour laquelle je n’étais pas assurée par mon employeur et si la chose était possible. Il m’a tout simplement répondu qu’il en discuterait avec ses associés, mais je n’ai jamais eu de réponse à ce sujet.

Mme MacGillivray a déclaré qu’elle n’avait eu aucune autre conversation avec M. Hume, les autres associés ou les superviseurs. Ell a travaillé à plein temps pour la société de transport jusqu’à la fin de novembre 1979. A ce moment- là, Mme MacGillivray est tombée malade et a dû faire un court séjour à l’hôpital, suivi de deux semaines de soins à la maison. Elle est entrée à l’hôpital un vendredi et a averti M. Bob Kristof le lundi suivant qu’elle serait absente pendant deux semaines. Le mercredi de cette même semaine, M. Kristof l’a informée qu’elle avait été mise en disponibilité. Mme MacGillivray a déclaré qu’une fois rétablie, elle avait commencé à chercher du travail et qu’elle avait finalement obtenu un emploi en février 1980. Elle travaille pour cette société depuis lors, et son employeur paie une partie des primes et elle verse le reste.

A la fin de l’interrogatoire, M. Juriansz a posé les questions suivantes à Mme MacGillivray (page 47 de la transcription) :

Q. Saviez- vous que les primes d’assurance des familles des employés de sexe masculin étaient payées par la société Hume’s ?

R. Oui.

Q. Y avait- il, à votre connaissance, d’autres employés de la société Hume’s dont les primes étaient retenues sur le chèque de paye, à part vous bien entendu ?

R. Pas que je sache. En contre- interrogatoire, Mme MacGillivray a déclaré qu’elle croyait savoir qu’il était d’usage à la société Hume’s de ne pas payer les primes des employés à temps partiel. Elle a également fait remarquer que M. Kristof l’avait tout simplement informée qu’elle travaillerait désormais à plein temps à titre de préposée aux comptes à recevoir, mais qu’il n’avait été question ni de rémunération, ni d’augmentation de salaire ni de paiement des primes d’assurance- maladie à ce moment- là.

Mlle Gilmour a longuement interrogé Mme MacGillivray au sujet de sa conversation avec M. Kristof quant au paiement des primes, et la plaignante s’en est tenue à ses affirmations antérieures. Elle a avoué que c’était à la suite de discussions périodiques avec d’autres employés, qui ne faisaient pas partie des cadres, qu’elle en était venue à déduire que ses primes seraient payées par son employeur. Mme MacGillivray a également déclaré qu’elle savait que les primes de certains employés n’étaient pas payées par la société parce que ceux- ci étaient couverts par le régime de leur conjoint.

Il a ensuite été question du montant qu’aurait reçu la plaignante à son départ, mais Mlle Gilmour en a conclu que ce serait plus rapide de faire appel à d’autres témoins pour déterminer le montant remis à Mme MacGillivray.

M. Robert Kristof a déclaré qu’il était comptable chez Hume’s Transport depuis 14 ans et qu’il s’occupait notamment de la paye. Il a affirmé qu’il faisait les chèques de Mme MacGillivray. M. Kristof a déclaré qu’après avoir interviewé Mme MacGillivray et en avoir discuté avec la direction, il l’avait embauchée à temps partiel. C’est lui qui l’a par la suite informée qu’elle serait engagée à plein temps. M. Kristof ne pouvait se rappeler avec certitude quand il avait discuté des primes d’assurance- maladie avec Mme MacGillivray. A M. Juriansz qui lui demandait ce qu’il en avait été de son premier entretien avec la plaignante à ce sujet, il a répondu ce qui suit (pages 81- 82 de la transcription) :

R. Je sais que la situation était quelque peu ennuyante car Mme MacGillivray croyait que le statut d’employée de la société lui donnait par le fait même droit à tous les avantages, mais malheureusement les Hume sont les seuls à décider des mesures qui sont prises en ce qui a trait au régime d’assurance- maladie. J’admets qu’elle m’a parlé des primes et que je lui ai répondu A ce que je sache, c’est toujours le - eh bien, c’est le mari qui se charge des primes, mais vous savez je n’étais pas très bien renseigné sur les droits de la personne à ce moment- là et je faisais peut- être erreur. Mais je lui ai dit que seuls les directeurs pouvaient prendre une décision au sujet des primes, c’est- à- dire les Hume. Alors même si je lui avais promis ou dit quelque chose, mes affirmations ne comptaient pas. Je pouvais seulement donner mon avis ou des renseignements, mais je n’avais aucune influence sur les Hume, ce sont eux qui prennent les décisions et eux seuls.

M. Kristof a expliqué qu’il avait discuté avec M. Robert Hume de l’embauche à plein temps et du salaire de Mme MacGillivray et qu’il avait été décidé que l’on appliquerait simplement le taux de rémunération qu’elle touchait en qualité d’employée à temps partiel. Il n’avait pas été question des primes d’assurance- maladie.

L’avocat de la plaignante a ensuite questionné le témoin au sujet du paiement des primes des autres femmes mariées au service de la société de transport (pages 78 à 80 de la transcription) :

R. (M. Kristof) Eh bien, je ne me rappelle pas très bien, mais je peux vous affirmer que j’ai interprété la directive, probablement sans réellement avoir de bonnes raisons de le faire, mais cela s’est déjà produit, alors j’ai tout simplement fait ce que les Hume m’ont demandé. Des femmes mariées ont déjà travaillé pour la société Hume’s par le passé, mais nous ne payions pas leurs primes parce que leur conjoint s’en chargeait. Il y a eu deux exceptions : il y a environ 12 ans, une mère de 4 enfants a été engagée pour le travail de bureau et a accepté que ses primes soient retenues sur sa rémunération; par la suite, environ un an après son arrivée, les Hume ont décidé de verser les primes en son nom, et la question a été réglée de cette façon. Je disais donc...

Q. Vous souvenez- vous du nom de cette femme ?

R. Mme Davis.

Q. Mme Davis ?

R. Oui.

Q. Quel était le nom de l’autre femme ?

R. Je préfererais qu’il soit question de Mme Davis en premier lieu.

Q. D’accord. Que s’est- il produit dans le cas de Mme Davis ?

R. Et un jour M. Hume, M. A. E. Hume, le président de la société a décidé que les primes de Mme Davis seraient payées par la Hume’s Transport - je n’étais pas présent au moment où la décision a été prise, tout ce que je sais, c’est qu’on m’a simplement avisé qu’à l’avenir les primes ne seraient plus retenues sur son chèque de paye. On ne m’a jamais consulté à ce sujet et je n’ai aucunement participé à la décision. On m’a tout simplement fait part de la décision pour que je puisse aviser en conséquence. Et je crois que cette employée oui il est parti - elle est partie. Elle a quitté son emploi environ trois mois après cela.

Q. Vous avez mentionné qu’elle avait 4 enfants. Avait- elle un conjoint ?

R. Oui.

Q. Travaillait- il ?

R. Je ne le crois pas. Je ne pense pas qu’il - il avait été mis à pied. Elle avait donc adhérer au groupe d’employés et ses primes étaient retenues sur son chèque de paye, et nous en avons la preuve.

Q. Vous nous avez également parlé d’une autre employée ?

R. Oui, elle se nomme Evelyn Popowich. Je ne suis pas non plus responsable de la décision... son mari avait également été mis à pied et la direction m’a tout simplement avisé que la compagnie paierait ses primes.

Q. Lorsqu’elle est entrée en fonction à la Hume’s Transport, est- ce que la compagnie

R. Elle payait elle- même ses primes.

Q. Et par la suite...

R. La compagnie, pour une raison ou pour une autre, a décidé de payer ses primes. Je ne suis pas au courant des discussions qui ont eu lieu, j’ai tout simplement reçu des directives à ce sujet.

M. Juriansz a ensuite questionné M. Kristof sur le paiement des primes d’assurance- maladie des employés de sexe masculin (pages 83 à 86 de la transcription).

Q. Faites- vous aussi les chèques de paye des autres employés ?

R. C’est exact.

Q. Et ceux des nouveaux employés ?

R. Oui.

Q. Est- ce qu’il vous arrive de faire des entrevues ?

R. J’interviewe la plupart des candidats qui se présentent pour des postes dans le domaine de la comptabilité.

Q. Puis vous en discutez avec les Humes ?

R. Oui.

Q. Avez- vous déjà interviewé et embauché un homme ?

R. Oui.

Q. Un homme marié ?

R. Un célibataire.

Q. Avez- vous déjà engagé un homme marié ?

R. Autant que je sache, non, seulement des célibataires.

Q. Des hommes mariés ont déjà été embauchés par la société, n’est- ce pas ?

R. Je ne puis vous le dire comme ça... Non, je n’ai pas interviewé d’hommes mariés. Nommez- moi des gens, je vous dirai si je les ai interviewés.

Q. J. Glover.

R. Ah, cela fait 25 ans, je ne travaillais pas pour la Hume’s.

Q. H. Cante.

R. Il est à sa retraite.

Q. K. M. Bullock.

R. C’est avant que j’arrive à la compagnie.

Q. Et J. H. Henze ?

R. C’est le célibataire dont je vous ai parlé. Je l’ai interviewé, mais c’est Robert Hume qui a décidé de l’embaucher.

Q. D. Kramer ?

R. Il fait partie des services d’expédition et ce n’est donc pas moi qui l’ai embauché.

Q. Mais il a été embauché après vous...

R. Son cas ne me concerne pas.

Q. Vous préparez son chèque de paye ?

R. Oui, je prépare son chèque, mais son dossier ne me concerne pas. C’est un des Hume qui interviewe les candidats pour les services d’expédition.

Q. Alors quelqu’un d’autre l’a embauché ?

R. Oui.

Q. Et vous a avisé qu’il était un nouvel employé ?

R. C’est exact.

Q. Vous avez alors préparé son chèque de paye ?

R. Oui.

Q. Avez- vous retenu le montant des primes d’assurance- maladie sur sa paye ?

R. J’ai probablement obtenu une formule de transfert parce qu’il était sergent dans l’armée. M. A. W. Hume m’a remis la formule de transfert du sergent en me disant que tout était en ordre, c’est tout.

Q. Tout était en ordre pour que l’on paie les primes ?

R. Probablement.

Q. M. Hume vous a dit de payer les primes ?

R. Oui.

Q. Au lieu de les retenir sur le chèque de paie ?

R. Oui, c’est bien cela.

Q. Eh pour ce qui est de M. Don Perkins ?

R. Eh bien, cela fait 25 ans qu’il travaille pour la Hume’s, donc ce n’est sûrement pas moi qui l’ai engagé.

Q. Et un certain M. Cutajar, D. Cutajar ?

R. Cutajar, oui, il travaille de nuit aux services d’expédition. Ce n’est pas moi qui l’ai engagé.

Q. Mais vous avez préparé son chèque de paye lorsqu’il a commencé à travailler ?

R. Oui. La compagnie paie ses primes d’assurance- maladie.

Q. Avez- vous déjà discuté du régime d’assurance- maladie avec un autre employé ?

R. Non. M. Hume me donne des directives à ce sujet une fois qu’une décision a été prise.

Q. Dans chacun des cas, M. Hume vous a avisé de payer les primes ?

R. C’est exact. Ce sont eux les propriétaires... je ne fais que suivre leurs directives...

Q. Mais pour ce qui est de Mme MacGillivray, on ne vous a pas donné une telle directive ?

R. Non. A la page 87 de la transcription, M. Kristof a donné la réponse suivante à une question portant sur les discussions qu’il avait eues au sujet des directives touchant le paiement des primes d’assurance- maladie :

R. Eh bien, la société n’avait aucune directive écrite, mais autant que je sache, lorsque cette pratique a commencé, la moitié de nos employés étaient des femmes et tout le monde payait ses propres primes. Puis les syndicats se sont chargés de verser les primes, mais ils ont réussi à convaincre l’employeur d’assumer les frais. M. A. T. Hume a alors consenti à payer les primes de certains employés, mais la décision lui revenait et ce n’était que des ententes verbales.

Mlle Gilmour lui ayant demandé s’il était autorisé à prendre des décisions d’ordre administratif, M. Kristof a répondu par la négative, ajoutant qu’il n’en avait jamais pris. M. Kristof a nié le fait que Mme MacGillivray l’ait avisé que son époux était sans emploi (page 97 de la transcription). Il a également dit ne pas se rappeler avoir eu une conversation avec Robert Hume au sujet de la demande de Mme MacGillivray, ni avec cette dernière quant à la décision qui avait été prise au sujet de ses primes (page 98 de la transcription).

M. Kristof a ensuite déclaré qu’à son départ Mme MacGillivray avait reçu la somme de 154.89 $ à titre d’indemnité de congé (4 % de sa rémunération); 161.35 $, soit le taux de rémunération qu’elle touchait par semaine; 161.35 $ à titre d’indemnité de cessation d’emploi et 322.70 $ équivalant à deux autres semaines de rémunération, à titre d’indemnité de cessation d’emploi (pièce no R- 1, document préparé par M. Kristof donnant les détails de la somme versée à Mme MacGillivray au moment de son départ). M. Kristof a indiqué que les chiffres avaient été tirés des registres de paye.

M. Kristof a ensuite déclaré que Pat Davis avait quitté la société Hume’s Transport vers 1970 et que Evelyn Popowich était partie en 1977. Il a également fait observer que la société ne payait ni ses primes, ni celles de Mme MacGibbon parce qu’ils étaient tous deux assurés par l’intermédiaire de l’employeur de leur conjoint.

M. John Henze a déclaré qu’il était trésorier à la société Hume’s Transport et qu’il y travaillait depuis environ trois ans. Dans son témoignage, il a précisé qu’il n’avait rien à voir avec la liste de paye des employés de bureau. Le court témoignage qu’a rendu M. Henze n’est d’aucune utilité pour la présente affaire.

Mlle Donna Wilkie a déclaré dans son témoignage qu’elle occupait le poste d’enquêteur à la Commission canadienne des droits de la personne depuis 1978. Mlle Wilkie a été chargée de faire enquête sur la plainte déposée par Mme MacGillivray. Elle a téléphoné à M. Robert Hume le 12 décembre, a pris des notes durant la conversation et s’y est reportée de temps à autre pendant son témoignage. Les notes ont par la suite été produites en tant que pièce C- 7. Mlle Wilkie a affirmé se rappeler avoir téléphoné à M. Hume au sujet de la plainte déposée contre son entreprise et lui avoir expliqué quelles étaient les démarches de la Commission dans de telles circonstances. Voici le témoignage de Mlle Wilkie (page 109 de la transcription) :

R. (Le témoin) D’accord. J’ai téléphoné à M. Hume le 12 décembre pour l’informer qu’une plainte avait été déposée contre sa compagnie. Je lui ai expliqué brièvement les mesures que prend la Commission dans de telles circonstances et l’ai renseigné sur l’objet de la plainte. M. Hume m’a répondu qu’effectivement la compagnie payait les primes d’assurance- maladie de certains employés, mais qu’elle avait pour politique de ne pas permettre à ses nouveaux employés de changer le nom... je me reprends... qu’elle ne permettait pas aux nouveaux employés de mettre l’assurance à leur nom plutôt qu’à celui de leur conjoint pour que, de cette façon, leurs primes soient payées. Il a alors reconnu que cette pratique pouvait toucher plus directement les femmes, mais que tel n’était pas l’objet de leur politique. Nous avons également convenu de nous rencontrer le 14 décembre.

Mlle Wilkie a déclaré que, d’après ses notes, M. Hume avait mentionné que la société avait payé les primes de deux employés de sexe féminin parce que leurs familles n’étaient pas assurées par l’employeur de leur conjoint.

Dans son témoignage, Mlle Wilkie a relaté de la façon suivante sa conversation du 14 décembre avec M. Hume (page 110 de la transcription) :

R. Il m’a répété que l’objet de leur politique n’était pas de défavoriser un groupe par rapport à un autre et que les employés qui entraient au service de la compagnie étaient assurés seulement s’ils ne l’étaient pas déjà. Il a également déclaré qu’ils ne permettaient pas qu’une assurance au nom du conjoint soit cédée à l’employé travaillant chez eux, et que la compagnie payait le montant total des primes de ses assurés.

A ce moment- là, je lui ai parlé des deux personnes dont il avait fait mention lors de notre conversation précédente. Il a déclaré qu’une d’entre elles avait été remplacée par Mme MacGillivray et que ses primes étaient payées par la compagnie, mais qu’il ne se rappelait plus de l’autre femme. Il a mentionné une employée du nom de Phyllis qui travaille actuellement à la société Hume’s et qui est veuve. A la page 113 de la transcription, Mlle Wilkie a mentionné à nouveau ces faits, et ses notes manuscrites ont alors été inscrites en tant que pièce C- 4. Mlle Wilkie a également déclaré que M. Robert Hume lui avait dit que la compagnie aurait peut- être assuré Mme MacGillivray si elle avait été une employée exemplaire ou extrêmement compétente (page 115 de la transcription).

M. Juriansz a demandé à Mlle Wilkie si elle avait cherché à savoir auprès de M. Hume si la compagnie de transport aurait payé les primes de la plaignante en supposant que son conjoint ait eu un emploi mais n’ait pas été assuré par son employeur. Mlle Wilkie a répondu (pages 114 et 115 de la transcription) que M. Hume lui avait dit qu’il croyait savoir que M. MacGillivray travaillait et que pour ce qui était de l’hypothèse, cela dépendrait de la rémunération de M. MacGillivray. Mlle Wilkie a affirmé qu’aux dires de M. Hume, une personne qui touche 500 $ par semaine est en mesure de verser les primes d’assurance- maladie.

Une copie d’une lettre datée du 5 mai 1980 adressée à Donna Wilkie et signée par Robert Hume au sujet de la date d’entrée en fonction à plein temps de Mme MacGillivray et du paiement de ses primes d’assurance- maladie a été produite à titre de pièce C- 5. La copie d’une autre lettre de M. Robert Hume à Mlle Wilkie datée du 1er février 1980 et portant sur les états de service de Mme MacGillivray et sur la politique de la société Hume’s quant à l’assurance- maladie et aux avantages sociaux a été produite à titre de pièce C- 6.

En contre- interrogatoire, Mlle Wilkie a déclaré (page 123 de la transcription) que, dans une de ses lettres, M. Hume affirmait que la société n’avait ni brochure décrivant les avantages sociaux offerts par la Hume’s Transport Ltd., ni politique officielle à cet égard.

Lors de son témoignage, M. M. Robert Hume, vice- président de la société, a déclaré qu’il était responsable de la gestion du personnel de bureau ainsi que des ventes, de l’établissement des tarifs et de l’exploitation. Il a précisé que la société était divisée en deux secteurs, celui des employés de bureau, groupe dont faisait partie Mme MacGillivray, et celui des services d’expédition qui comprend la gestion des syndiqués et les services de rammassage et de livraison de la marchandise. Le syndicat regroupe non seulement les camionneurs, mais aussi les préposés à l’entretien et aux services. Il a ajouté que la gestion du personnel syndiqué et celle du personnel de bureau étaient assurées de façon distincte.

De plus, M. Hume a déclaré que Mme MacGillivray ne lui avait pas dit que son époux avait postulé un emploi de camionneur. Il a ajouté qu’il avait la responsabilité de fixer le taux de rémunération, d’embaucher et de congédier les employés de bureau, et de déterminer quels avantages sociaux leur seraient offerts. Il a également précisé que la société, tout en n’ayant pas de politique écrite concernant les avantages sociaux, avait l’habitude d’en discuter lors de l’entrevue avec les candidats, lorsque se posait la question de la rémunération.

M. Hume a poursuivi son témoignage en disant que Mme MacGillivray avait été embauchée à plein temps à un moment où la société avait besoin d’un plus grand nombre d’employés en raison de la charge de travail, et qu’il s’était entretenu de la rémunération de cette employée avec Bob Kristof. Il avait été décidé de rémunérer Mme MacGillivray pour le nombre d’heures comprises dans une semaine entière de travail, mais sans changer son taux de rémunération.

M. Hume a déclaré qu’on avait l’habitude, lors de l’embauche d’un employé, de fixer un prix pour le travail, de faire paraître une offre d’emploi dans le journal ou de faire faire des entrevues par une agence de placement, ainsi que de renseigner les candidats sur les fonctions du poste, sur la rémunération et sur les avantages sociaux.

Il a admis que le fait de devenir employé à plein temps après avoir travaillé à temps partiel, comme dans le cas de Mme MacGillivray, était chose rare et qu’il n’avait pas discuté avec elle de la rémunération qui lui serait offerte lorsqu’elle travaillerait à plein temps.

L’avocat du défendeur a questionné M. Hume au sujet du rendement de Mme MacGillivray. M. Hume a répondu (page 142 de la transcription) que M. Kristof l’avait informé que l’apprentissage de Mme MacGillivray était lent et qu’elle arrivait très souvent en retard au travail. Il a ajouté que ses associés n’étaient pas très contents du fait que Mme MacGillivray laissait parfois ses enfants au bureau de la réceptionniste avec tout leur attirail de patinage.

M. Hume a évoqué une conversation qu’il avait eue avec Mme MacGillivray dans son bureau, conversation durant laquelle elle lui avait demandé si la société envisageait de payer ses primes d’assurance- maladie. M. Hume se rappelle lui avoir répondu qu’il en discuterait avec ses associés, parce qu’il savait fort bien que la société n’était pas satisfaite du rendement de cette employée. Il a ajouté qu’il songeait à licencier Mme MacGillivray et qu’il ne voulait donc pas commencer à payer ses primes.

Puis, M. Hume a fait état de ce qui s’est produit par la suite (page 145 de la transcription) :

R. Eh bien, j’en ai discuté avec mes associés et nous avons décidé de ne pas payer ses primes parce que nous allions la congédier sous peu, mais nous ne l’avons pas fait tout de suite. J’ai laissé Bob s’en charger parce que si nous l’avions congédiée tout de suite, il aurait fallu la remplacer et Bob était trop occupé. Nous étions tous très occupés, alors nous l’avons gardée à notre service pendant un certain temps.

M. Hume a ensuite déclaré que lorsqu’une personne était fiable et que la société voulait la garder à son service, elle payait ses primes d’assurance- maladie (page 146 de la transcription).

M. Hume a signalé le cas de Mme Pat Davis (page 147 de la transcription). Lorsque son conjoint a été mis à pied, elle travaillait depuis un certain temps pour la société. Elle a alors demandé à M. Kristof si elle pouvait payer ses primes d’assurance- maladie par l’intermédiaire du groupe de la compagnie. Elle les a payées pendant les premiers mois, puis a demandé si la société pouvait en assumer les frais parce que son mari avait été licencié. Après en avoir discuté, les associés ont décidé que la société paierait les primes de Mme Davis parce qu’elle était une employée assidue. M. Hume a également mentionné (page 148 de la transcription) que Evelyn Popowich avait demandé à la direction si la société pouvait payer ses primes d’assurance- maladie. M. Hume a déclaré qu’elle était une excellente employée et qu’on avait immédiatement décidé de régler ses primes.

M. Hume a ensuite déclaré que, lorsque la décision de ne pas payer les primes de Mme MacGillivray a été prise, Bob Kristof avait été chargé d’en avertir l’employée. Il a ajouté que la décision de congédier Mme MacGillivray avait été prise au printemps mais exécutée seulement à l’automne parce que la société avait énormément de travail et que les activités ralentiraient à l’automne. De plus, on aurait alors entrepris l’installation d’un système informatisé qui, une fois terminée, aurait éliminé le poste de Mme MacGillivray. Il a poursuivi en disant que le rendement de Mme MacGillivray avait été insatisfaisant pendant toute la période durant laquelle elle avait travaillé à plein temps.

M. Hume a déclaré qu’une somme additionnelle de 322 $ avait été versée à Mme MacGillivray à titre d’indemnité parce qu’elle avait été malade pendant environ deux semaines au moment de sa mise à pied.

En contre- interrogatoire, M. Juriansz a produit une copie d’une lettre écrite par M. Robert Hume au sujet de Mme MacGillivray (pièce C- 8). M. Hume a déclaré que c’était la lettre de recommandation qu’il avait remise à Mme MacGillivray à son départ. Dans la lettre se trouvait la déclaration suivante :

"Pendant qu’elle était au service de notre société, Sherry s’est montrée consciencieuse dans son travail."

(traduction)

M. Juriansz a posé les questions suivantes à M. Hume (page 158 de la transcription) :

Q. Pouvez- vous me nommer un employé qui n’était pas consciencieux ?

R. L’ancien militaire que vous avez mentionné plus tôt, et que nous avons congédié.

Q. Comment s’appelait- il ?

R. Donald Kramer, je crois.

Q. La société payait- elle ses primes d’assurance- maladie ?

R. Je pense que oui.

En contre- interrogatoire, l’avocat de la plaignante a passé en revue avec M. Hume les conversations qu’il avait eues avec Mlle Wilkie au cours de l’enquête. M. Juriansz a analysé les diverses hypothèses avec M. Hume et lui a posé les questions suivantes (page 161 de la transcription) :

Q. Avez- vous dit à Mlle Wilkie que la société Hume’s avait pour politique d’interdire que l’assurance au nom du conjoint soit cédée à l’employé ?

R. Non, ce n’est pas ce que nous avons dit.

Q. Ce n’est pas ce que vous lui avez dit ?

R. Je lui ai dit à maintes reprises que nous n’avions aucune politique à ce sujet et quand elle m’a posé cette question, je lui ai répondu que je ne permettrais pas à tous les employés de mettre l’assurance à leur nom parce que c’était la compagnie qui payait les primes en entier. C’est ce que je lui ai répondu.

Q. Et comme vous le dites dans votre lettre, les primes d’assurance- maladie sont comprises dans la rémunération négociée avec chaque employé ?

R. C’est exact. Je crois que c’est très clair. Dans certains cas, les faux frais totalisent 50 p. 100 de la rémunération.

Par la suite, M. Hume a prétendu que Mme MacGillivray ne lui avait pas dit ouvertement que son mari était sans emploi, mais il a admis que sa demande ne pouvait se justifier que par l’inactivité de son mari ou par le fait qu’il n’était pas assuré.

Dans son témoignage, Mme Evelyn Popowich a déclaré qu’elle était entrée au service de la société Hume’s Transport Ltd. en janvier 1973 et qu’à l’époque elle était mariée depuis 1965. Elle a ajouté que John Glover, alors chef de bureau, l’avait interviewé et qu’ils avaient discuté de sa rémunération et de ses primes d’assurance- maladie. Elle avait alors informé M. Glover qu’elle était protégée par l’assurance de son mari qui, à titre de travailleur indépendant, versait les primes directement au bureau du Régime d’assurance- maladie de l’Ontario. Mme Popowich a ajouté qu’elle avait travaillé pour la société Hume’s pendant environ cinq ans. Quand on lui a demandé à quel moment la compagnie avait commencé à payer ses primes, elle a répondu que c’était au moment où elle avait été promue au poste de trésorière, soit deux ans après son arrivée. Cependant, Mme Popowich a cru bon de vérifier les registres de paye et a remarqué que la compagnie avait commencé à payer ses primes plusieurs mois après son entrée en fonction. Mme Popowich ne se rappelle pas avoir discuté avec ses employeurs avant que la décision ne soit prise.

Lorsqu’on lui a demandé si elle se rappelait avoir dit au téléphone à l’adjoint de l’avocat de la plaignante (M. Mark Charron) que, selon le chef de bureau, son cas était différent, Mme Popowich a déclaré qu’elle ne se souvenait pas vraiment de cette remarque, mais que c’est ce qu’elle avait cru comprendre. Elle a ajouté avoir supposé qu’on avait décidé de payer ses primes au lieu d’augmenter sa rémunération (page 179 de la transcription). Mme Popowich a ensuite déclaré (page 180 de la transcription) :

R. Je crois que le chef de bureau est venu me dire que désormais la compagnie paierait mes primes d’assurance- maladie. Jusqu’à ce moment- là, je versais directement les primes. Je m’étais jointe au groupe du bureau, car un jour une des employées m’avait laissé entendre que ce serait plus pratique de faire retenir les primes sur ma paye puisque de toute façon je les versais moi- même. Et, selon les registres de paye, mes primes ont été retenues sur mon chèque. Puis, la compagnie a décidé de les payer à titre d’avantage social. Je ne me rappelle pas que le chef de bureau soit venu m’en parler, mais il doit sûrement l’avoir fait.

A maintes reprises, Mme Popowich a mentionné qu’elle ne se souvenait que vaguement de ce qui s’était passé et qu’elle avait quitté la société Hume’s depuis huit ans déjà.

A la suite du témoignage de Mme Popowich, M. Robert Hume a été rappelé à la barre et Mlle Gilmour a produit une copie du registre dans lequel sont inscrits les gains de Evelyn Popowich (614, promenade Unions) pour l’année 1973 (pièce R- 2). D’après le registre, Evelyn Popowick est entrée au service de la Hume’s Transport le 2 janvier 1973. Les primes des mois de janvier et février ont été retenues sur sa paye; en mars, la compagnie a commencé à verser les primes au nom de Mme Popowich, et par conséquent ne les retenait plus sur ses chèques. En avril, Mme Popowich a reçu l’augmentation de salaire normalement accordée à la fin des trois mois de stage.

Après avoir étudié attentivement les témoignages, je suis portée à conclure que la pratique de la société Hume’s est de discuter des primes d’assurance- maladie avec les postulants au moment de l’entrevue. En d’autres termes, la règle est de payer les primes de tous les employés sauf de ceux qui sont protégés par l’assurance de leur conjoint, tout simplement, comme l’a fait remarquer M. Hume, parce que la société paie les primes au complet. S’il arrivait que des employés de sexe féminin ne soient plus protégées par l’assurance de leur conjoint, la société Hume’s réglait alors leurs primes. Elle versait également les primes de tous les employés de sexe masculin, à l’exception de ceux qui étaient assurés sous le nom de leur conjoint.

Mais lorsque l’on étudie les faits de façon globale, il paraît évident que la pratique habituelle n’a nullement été observée dans le cas de Mme MacGillivray. On retrouve de nombreux accrocs à la pratique qui est habituellement de rigueur à la société Hume’s pour ce qui est des primes d’assurance- maladie. Mme MacGillivray a déclaré à plusieurs reprises qu’elle avait informé MM. Hume et Kristof que son mari était en chômage. M. Kristof affirme ne pas s’en rappeler. Quant à M. Hume, il nie la déclaration de Mme MacGillivray, mais il a laissé entendre que seuls deux motifs pouvaient être à l’origine de la demande de son ex- employée : son mari était sans travail ou encore non protégé par l’assurance- maladie. La société Hume’s a déjà payé les primes de certaines employées dans cette situation. Par contre, le cas ne s’est jamais présenté chez les employés de sexe masculin parce qu’ils étaient tous assurés dès leur arrivée à la société de transport.

On a laissé entendre que Mme MacGillivray n’était pas une employée très assidue et que lorsqu’elle avait demandé que l’on paie ses primes, la société avait refusé parce que la chose équivalait à une augmentation de salaire alors que la direction avait l’intention de la congédier. De plus, presque neuf mois se sont écoulés avant que Mme MacGillivray ne soit effectivement licenciée. En fait, n’est- il pas étrange de garder pendant tout ce temps à son service une employée au rendement insatisfaisant ? De plus, il est illogique qu’à son départ, Mme MacGillivray ait reçu une lettre de recommandation favorable ainsi qu’une indemnité de cessation d’emploi assez importante. Enfin, il a été prouvé que la société avait payé les primes d’un employé dont le rendement était insatisfaisant et ce, dès son entrée en fonction.

De l’aveu même de MM. Hume et Kristof, la société payait les primes de tous les employés, même celle d’employés moins consciencieux comme Donald Kramer; en fait seules Mmes MacGillivray, Popowich et Davis faisaient exception à la règle.

Enfin, on a laissé entendre que la société n’avait aucune politique précise à ce sujet, et qu’il était de rigueur de discuter du paiement des primes dans le cadre de l’offre de rémunération faite lors des entrevues avec les candidats. Néanmoins, lorsque Mme MacGillivray a été engagée à plein temps, aucune discussion n’a eu lieu à ce sujet. Elle a supposé que son employeur se chargerait désormais de verser les primes, mais ce n’est pas ce qui s’est produit. Lorsqu’elle a questionné le vice- président de la société, M. Hume, il lui a répondu qu’il en discuterait avec ses supérieurs et qu’elle serait avisée de leur décision. La discussion a bel et bien eu lieu, mais Mme MacGillivray n’a jamais été informée de la décision prise et a continué à payer elle- même les primes.

Tous les faits dont nous disposons nous prouvent que la société de transport payait les primes de ses employés de sexe masculin qui étaient mariés, mais non celles de ses employés de sexe féminin qui se trouvaient dans la même situation.

Selon la transcription, les primes d’assurance- maladie de trois employées, soit Mmes MacGillivray, Popowich et Davis, étaient retenues sur leurs chèques de paye à leur arrivée à la société. Ces trois femmes mariées étaient les seules employées de la société Hume’s qui se voyaient obligées de payer leurs primes. Par la suite, la société a décidé de verser les primes de Mmes Popowich et Davis. Selon les faits, les femmes mariées sont donc défavorisées lorsqu’elles entrent en fonction à la société Hume’s car leurs primes d’assurance- maladie ne sont pas payées par l’employeur. Cette pratique réduit les chances des femmes en matière d’égalité d’accès à l’emploi.

DISCRIMINATION AUX TERMES DE L’ALINÉA 7b) ET DE L’ARTICLE 10

On a porté à mon attention l’affaire Martha Taylor v. Franklin Draperie Company, Inc. et al, dont fait état le paragraphe 8202 du volume 16 du Employment Practices Decisions. La décision rendue par un tribunal d’arrondissement des États- Unis portait sur une accusation de discrimination fondée sur le sexe, aux termes du Civil Rights Act de 1964, en matière de paiement des primes d’assurance- maladie. Était en litige le fait que la société en cause réglait les primes des employées tenues en haute estime, mais refusait de verser celles des autres.

A la page 5044 de la décision, on retrouve la remarque suivante :

"Les arguments invoqués pour justifier l’octroi d’avantages sociaux différents en fonction de certains stéréotypes concernant les responsabilités financières des hommes et des femmes et l’orientation de leur carrière ont toujours été rejetés par les tribunaux et par l’Equal Employment Opportunities Commission."

(traduction)

Dans son témoignage, le défendeur (la société Franklin) a précisé qu’il avait été décidé d’une façon générale de ne pas assurer les employés de sexe féminin parce que 80 p. 100 d’entre elles étaient protégées par l’assurance- maladie de leur conjoint. Le tribunal a statué que la décision avait été prise en fonction de stéréotypes que la loi a pour objet d’interdire. Le paiement des primes des employés ou les augmentations accordées peuvent avoir constitué un certain encouragement, mais à long terme, la décision a accentué les stéréotypes.

Le témoignage de M. Kristof laisse supposer que les femmes à l’emploi de la société Hume’s sont traitées selon un stéréotype. M. Kristof a précisé que la plupart des femmes mariées étaient protégées par l’assurance de leur conjoint et qu’à son avis, il revenait à M. MacGillivray de payer les primes d’assurance de sa femme. M. Kristof n’a pas nié que le taux de rémunération du conjoint était un facteur sur lequel se basait la compagnie pour décider si elle paierait les primes d’assurance. Les discussions que Mlle Wilkie a eues avec M. Hume au sujet de certaines hypothèses laissent supposer que celui- ci avait également tendance à se laisser guider par les stéréotypes que l’on retrouve dans l’affaire Martha Taylor.

On m’a également signalé l’affaire Willey S. Griggs et al v. Duke Power Company 401 U. S. 424, dans laquelle la cour suprême des États- Unis avait eu à se prononcer sur la décision rendue par la cour d’appel des États- Unis, quatrième circuit, relativement à une décision d’un tribunal d’arrondissement. Le juge en chef, appuyé à l’unanimité par le tribunal, a statué que le Civil Rights Act interdisait à un employeur d’exiger un diplôme d’études secondaires ou de faire subir un test d’intelligence normalisé aux postulants ou aux employés demandant une mutation a) lorsqu’aucune de ces exigences n’est étroitement liée au rendement de l’employé, b) lorsque ces deux exigences sont beaucoup plus préjudiciables aux noirs qu’aux blancs et c) lorsque les postes en question n’ont toujours été occupés que par des blancs qui se voyaient accorder systématiquement la priorité. La cour suprême a annulé la décision de la cour d’appel du quatrième circuit stipulant qu’aucune mesure ne pouvait être prise pour remédier aux actes discriminatoires résultant d’anciennes pratiques en matière d’emploi.

On m’a également mentionné l’affaire mettant en cause Jean Tharp et Lornex Mining Corporation Limited, entendue par une commission d’enquête constituée aux termes du British Columbia Human Rights Code en 1975. L’affaire portait sur l’égalité d’accès à l’emploi pour les femmes dans les camps de bûcherons et d’exploitation minière des régions isolées ainsi que sur les installations permettant de remédier à la situation. La plaignante faisait valoir que le fait de partager les installations comme les dortoirs et les salles de bains avec les hommes constituait un acte discriminatoire. La commission d’enquête a statué que le fait de traiter tous les employés sur le même plan, ce qui signifiait de se servir des mêmes installations, constituait un acte discriminatoire parce que les femmes ne jouissaient pas d’égales possibilités d’accès à l’emploi puisque elles ne disposaient pas d’installations auxquelles n’avaient pas accès les hommes. La Commission a déclaré (page 13 de la décision) :

"Il importe de se rappeler que la notion de traitement identique ne signifie pas nécessairement traitement équivalent ou absence de toute discrimination. Nous tenons seulement à ajouter que les éléments de la plainte illustrent parfaitement le fondement même de cette notion."

(traduction)

Je tire ici profit de la décision d’une commission d’enquête de la Colombie- Britannique du 17 avril 1979 dans l’affaire Foster v. British Columbia Forest Products Ltd. ainsi que de la décision d’une commission d’enquête de l’Ontario du 12 janvier 1979 dans l’affaire Colfer v. le Ottawa Board of Commissioners of Police. Les deux causes portaient sur les normes qui s’appliquaient aux hommes et aux femmes en matière de poids et de taille. Une seule norme avait été fixée dans la seconde cause, mais elle avait encore pour résultat d’exclure les femmes. La commission a déclaré (page 37 de la décision) :

"Une exigence en matière d’emploi qui est neutre en apparence, c’est- à- dire une exigence qui s’applique également à tous les employés éventuels, mais qui a pour résultat de défavoriser les femmes, est valable s’il est possible de prouver qu’elle a été adoptée de bonne foi et qu’elle est raisonnablement nécessaire pour mener à bien l’exploitation de l’entreprise."

(traduction)

En ce qui concerne la première affaire, la Commission a rendu la décision suivante (page 28) :

"Par conséquent, je déclare que les normes de la société quant à la taille et au poids ne sont pas raisonnables et qu’elles défavorisent les femmes."

(traduction)

Selon les faits, la société Hume’s payait les primes de tous les employés à l’exception de celles des trois femmes mariées mentionnées. Rien ne nous permet de croire que cette pratique n’avait pas été adoptée de bonne foi, mais de toute évidence elle s’est avérée extrêmement préjudiciable aux femmes mariées. Même les primes d’employés de sexe masculin jugés moins consciencieux étaient payées par la société de transport.

Aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne, les employeurs ne sont pas libre de négocier les conditions d’emploi sans tenir compte des dispositions de la Loi. Les normes en matière d’emploi doivent être conformes aux critères énoncés dans la Loi, et les lignes de conduite fixées ainsi que les ententes conclues par l’employeur sont soumises à des vérifications minutieuses visant à assurer qu’elles respectent les critères d’égalité des chances énoncés dans la Loi.

Il n’y a pas lieu de retenir l’argument de M. Hume voulant que la société ait craint que le paiement des primes fut considéré comme une augmentation de salaire. A la société Hume’s, tous les hommes mariés étaient assurés et les femmes mariées au service de la société auraient dû bénéficier des mêmes avantages. Le tribunal sait qu’il ne doit pas s’immiscer dans les affaires des employeurs pour ce qui est des pratiques justes et raisonnables en matière d’emploi, mais il doit protéger ceux qui ont été victimes de pratiques déraisonnables et injustes.

Par conséquent, compte tenu des témoignages entendus et des arguments juridiques avancés, je déclare que la plainte de Sherry MacGillivray est fondée. La société Hume’s a refusé de payer les primes d’assurance- maladie de Sherry MacGillivray alors qu’elle réglait celles de tous ses employés de sexe masculin, même les employés dont le rendement était insatisfaisant, pratique qui constitue à mon avis un acte discriminatoire. J’estime également que la pratique de la société en ce qui a trait au paiement des primes d’assurance- maladie n’est pas raisonnable et s’avère préjudiciable à l’endroit des femmes, même si ce n’est que temporairement dans certains cas. Cette pratique constitue donc un acte discriminatoire aux termes de l’alinéa 7b) et de l’article 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

J’ordonne au défendeur de mettre fin à cet acte discriminatoire et d’indemniser, aux termes du paragraphe 41( 2) de la Loi, Mme MacGillivray du montant total des primes d’assurance- maladie que son ancien employeur, la société Hume’s, avait retenu sur ses chèques de paye, soit de la somme de 280 $.

INDEMNITÉS

L’avocat de la plaignante m’a demandé d’étudier la possibilité d’accorder une indemnité de 500 $ à Mme MacGillivray aux termes de l’alinéa 41( 3) b).

On m’a demandé de tenir compte du fait qu’il avait été porté atteinte à l’amour- propre et à la dignité personnelle de Mme MacGillivray. Lorsqu’elle a porté plainte, elle subvenait à ses propres besoins ainsi qu’à ceux de ses deux garçons et de son mari qui traversait une période difficile. Elle a bien entendu subi une perte financière en ce sens qu’elle devait payer elle- même les primes. Mme MacGillivray a fort probablement connu certains troubles émotifs en raison des diverses démarches et difficultés résultant de l’instruction de la plainte.

L’avocat de la société Hume’s a fait valoir qu’à son départ, Mme MacGillivray avait reçu une indemnité de cessation d’emploi fort généreuse. La société lui a versé deux semaines supplémentaires de rémunération en plus de l’indemnité de cessation d’emploi. De plus, la direction a laissé entendre qu’elle n’était pas indifférente à la situation de Mme MacGillivray puisqu’elle lui avait remis une lettre de recommandation favorable qui l’aiderait à se trouver un autre emploi.

Je ne crois pas qu’il faille tenir compte de ces déclarations en ce qui concerne le préjudice moral et les pertes financières qu’a subis la plaignante. La société a traité Mme MacGillivray de façon irrégulière et lui a manqué de respect. M. Hume a lui- même déclaré qu’ils avaient décidé de la congédier au printemps, mais qu’ils ne l’avaient fait qu’à l’automne parce que la société est très occupée durant le printemps et l’été et qu’ils avaient besoin des services de Mme MacGillivray, ce qui prouve que la direction avait très peu de respect pour elle. M. Hume n’a jamais informé Mme MacGillivray de la décision de ses supérieurs, bien qu’il ait affirmé qu’il le ferait. Dans toute cette affaire, le défendeur a manqué de franchise et de respect envers la plaignante.

Je dois également songer aux mesures qu’a prises la société Hume’s afin d’indemniser Mme MacGillivray pour la perte de son emploi. L’indemnité de cessation d’emploi et le paiement d’une semaine de rémunération sont prévus aux termes de la Loi sur les normes d’emploi. La société lui a versé deux autres semaines de salaire parce que, selon M. Hume, Mme MacGillivray a été licenciée pendant qu’elle était malade. Elle n’a réussi à se trouver un autre emploi qu’au mois de février suivant. Compte tenu des circonstances qui entourent cette affaire, j’en conclus que le défendeur devra verser une indemnité spéciale de 250 $ à Mme MacGillivray, qui a souffert un certain préjudice moral par suite de l’acte discriminatoire dont a été trouvé coupable la société Hume’s Transport Ltd.

ORDONNANCE ATTENDU QUE la société Hume’s Transport Ltd. a été trouvé coupable d’avoir enfreint l’alinéa 7b) et l’article 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne; et

ATTENDU QUE Mme Sherry MacGillivray a subi des pertes financières par suite de l’acte discriminatoire; et

ATTENDU QUE Sherry MacGillivray a souffert un préjudice moral par suite dudit acte;

NOUS ORDONNONS PAR LA PRÉSENTE que la société Hume’s Transport Ltd. indemnise Mme MacGillivray des pertes financières subies en lui versant la somme de 280 $;

NOUS ORDONNONS ÉGALEMENT PAR LA PRÉSENTE que la société Hume’s Transport Ltd. verse la somme additionnelle de 250 $ à Mme Sherry MacGillivray;

ET NOUS ORDONNONS ÉGALEMENT PAR LA PRÉSENTE que la société Hume’s Transport Ltd. s’abstienne de commettre la même infraction ou une infraction semblable aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Fait à Ottawa, le 27 janvier 1982.

Mary Lois Dyer

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