Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Canadian Human Rights Tribunal Tribunal canadien des droits de la personne

ENTRE:

NADIA CAZA

la plaignante

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

TÉLÉ-MÉTROPOLE INC.

- et -

MANON MALO

les intimées

DÉCISION SUR LA REQUÊTE EN RÉCUSATION

Décision no 2

2002/04/29

MEMBRE INSTRUCTEUR: Roger Doyon, président

TABLE DES MATIÈRES

I. INTRODUCTION

II. REQUÊTE EN RÉCUSATION

III. ARGUMENTATION SUR LES TROIS (3) VOLETS DE LA REQUÊTE

A. Non respect par le membre instructeur d'un protocole d'entente intervenu entre les parties

B. Interventions multiples du membre instructeur au cours de l'interrogatoire et du contre-interrogatoire de Nadia Caza

i) Troisième journée d'audition

ii) Quatrième journée d'audition

iii) Cinquième journée d'audition

C. Propos tenus par le membre instructeur au sujet de Ben Laden

IV. ANALYSE

V. CONCLUSION

I. INTRODUCTION

[1] Madame Nadia Caza est à l'emploi de Télé-Métropole inc. Le 7 novembre 1996, elle a déposé une plainte amendée à la Commission canadienne des droits de la personne (La Commission) contre Télé-Métropole inc. Le 7 janvier 1999, elle a déposé une plainte à la Commission canadienne des droits de la personne contre Manon Malo, employée de Télé-Métropole inc.

[2] Dans ses plaintes, Nadia Caza allègue que Télé-Métropole inc. a exercé à son endroit de la discrimination fondée sur l'origine nationale ou ethnique (égyptienne et arabe) en la défavorisant en cours d'emploi et en ne lui assurant pas un milieu de travail exempt de harcèlement, contrairement aux articles 7 et 14 de la Loi canadienne des droits de la personne. Elle allègue également que Manon Malo a fait preuve de discrimination à son endroit en la harcelant en raison de son origine nationale ou ethnique (égyptienne et arabe), contrairement à l'article 14 de la Loi canadienne des droits de la personne.

[3] Un Tribunal a été constitué pour entendre ces plaintes et j'ai été désigné pour agir à titre de membre-instructeur.

[4] Des auditions ont été tenues les 15 et 16 janvier 2002 ainsi que les 22, 23 et 24 janvier 2002. La Commission était alors représentée par Me Giacomo Vigna et Me Monette Maillet. Les intimées étaient représentées par Me Nicolas Di Iorio. L'audition devant se poursuivre les 12 et 13 mars 2002.

[5] Lors de la reprise de l'audition, le 12 mars 2002, Me Daniel Chénard, mandaté par la Commission et avec l'accord de la plaignante, Nadia Caza, a déposé une requête en récusation visant à me faire déclarer inhabile à exercer la charge de membre-instructeur pour entendre ces plaintes.

II. REQUETE EN RÉCUSATION

[6] Cette requête en récusation comporte essentiellement trois (3) volets :

  1. Non respect par le membre instructeur d'un protocole d'entente intervenu entre les parties.
  2. Interventions multiples du membre instructeur au cours de l'interrogatoire et du contre-interrogatoire de Nadia Caza.
  3. Propos tenus par le membre instructeur au sujet de Ben Laden.

III. ARGUMENTATION SUR LES TROIS VOLETS DE LA REQUÊTE

A. Non respect par le membre instructeur d'un protocole d'entente intervenu entre les parties.

[7] Au soutien de sa requête en récusation, le procureur de la Commission allègue qu'au début de l'audition, soit le 15 janvier 2002, un protocole d'entente est intervenu entre les parties, protocole d'entente que je n'aurais pas respecté.

[8] Quelle était la nature du protocole d'entente allégué par le procureur de la Commission ? Au début de l'audition, le procureur des intimées a voulu connaître la position qu'entendait adopter la plaignante par rapport à celle adoptée par la Commission. (Volume 1, pages 5-9)

Me DI IORIO : ... Autre remarque, monsieur le président, nous avons besoin de savoir si madame Caza adopte une position qui diffère de celle de la Commission dans la présente instance. Ils ont eu l'occasion de se préparer, évidemment la déclaration ne peut venir que de madame Caza. C'est si elle adopte une position qui diffère de celle de la Commission, de nous en informer maintenant parce que nous, il va falloir qu'on le prenne en considération, ou si ce sont... évidemment, c'est maître Vigna qui va parler en son nom ?

Me VIGNA : Est-ce que j'ai la permission, monsieur le président, de lui adresser quelques paroles pour lui faire comprendre ce que ça veut dire ?

LE PRÉSIDENT : Oui.

Madame CAZA : Oui, j'adopte la même chose que la Commission.

LE PRÉSIDENT : Vous adoptez la même position que la Commission.

Madame CAZA : Que la Commission. Par contre, je me réserve le droit de questionner les témoins. Mais si, en cours de route, il y a quelque chose qui ne fait pas exactement, bien, j'aimerais avoir le droit de parole, si vous permettez.

Me DI IORIO : Mais je comprends que, à ce moment-là, madame va nous le dire immédiatement. Je m'explique, si quelque chose ne fait pas son affaire, elle va nous le dire à ce moment-là.

LE PRÉSIDENT : Oui, oui, elle va nous le dire au moment où l'incident qui ne lui plairait pas va se produire.

Me DI IORIO : D'accord.

LE PRÉSIDENT : J'imagine qu'elle va en discuter d'abord avec maître Vigna ou sa collègue, mais que son intervention va se faire sur-le-champ. Nous sommes d'accord là-dessus.

Madame CAZA: Oui.

Me DI IORIO : Parce que moi, évidemment, quand maître Vigna parle, je prends pour acquis qu'il parle aussi pour madame et ne pas avoir à lui demander à chaque fois : Avez-vous quelque chose à dire ? C'est pour fins de commodité que je faisais cette remarque-là ?

LE PRÉSIDENT : Oui, oui, je comprends. En principe, c'est maître Vigna qui... vous adoptez la position qui sera suivie par maître Vigna.

Madame CAZA : Oui.

LE PRÉSIDENT : Sauf exception. À ce moment-là, vous consulterez maître Vigna et vous déciderez si vous devez intervenir vous-même au moment précis ou les ...

Me DI IORIO : Sur-le-champ.

LE PRÉSIDENT : Sur-le-champ ou si vous allez laisser l'initiative à maître Vigna. Est-ce que ça vous va, madame ?

Madame CAZA : Oui. Et de garder le privilège de ...

LE PRÉSIDENT : Pardon ?

Madame CAZA: Et interroger, garder le privilège de pouvoir interroger les témoins.

LE PRÉSIDENT : Vous pouvez garder le privilège de pouvoir interroger un témoin, oui, mais au moment où il va témoigner.

Madame CAZA : Oui, absolument.

LE PRÉSIDENT : Ce qu'on fera, c'est que si vous êtes en face d'un témoin qui est produit par l'intimée, maître Vigna procédera au contre-interrogatoire et si vous jugez opportun de poser des questions après le contre-interrogatoire de maître Vigna, vous pourrez le faire.

Madame CAZA : Merci.

LE PRÉSIDENT : Ça vous va, maître ?

Me DI IORIO : Oui, ça me va. Et je ne surprendrai personne, monsieur le président, en disant que c'est sujet aux règles usuelles quand il y a plus d'une partie, ça ne donne pas lieu à une répétition des questions.

LE PRÉSIDENT : Exactement.

Me DI IORIO : Simplement des questions nouvelles sur des sujets nouveaux.

LE PRÉSIDENT : Sur des sujets qui n'auraient pas été traités par le contre-interrogatoire de maître Vigna. En d'autres termes, si maître Vigna pose une question à un témoin en contre-interrogatoire, que ce témoin-là donne une réponse, bien, vous pouvez ne pas être satisfaite de cette réponse-là, mais vous ne pourrez pas contre-interroger sur cette question-là. Sur d'autres questions qui pourraient vous apparaître pertinentes et que maître Vigna n'aurait pas couvertes par son contre-interrogatoire ou encore après en avoir discuté avec maître Vigna, vous pouvez lui laisser l'opportunité de le faire. Ça va ?

Me DI IORIO : Oui.

Madame CAZA : Merci.

[9] Le procureur de la Commission prétend qu'à chaque fois que la plaignante a tenté d'exercer son droit de parole, je ne lui ai pas permis de le faire et que je lui ai adressé des reproches à plusieurs reprises.

[10] Il cite les extraits de témoignages suivants :

A. (Volume 3, pages 557-558)

Me DI IORIO :

Q. Ici, on pourrait situer le Tribunal, quand vous êtes arrivée en 1989, Daniella Le Myre était la superviseure ?

R. Exact.

Q. Et en tant que superviseure, c'était non syndiqué, c'est une superviseure non syndiquée, c'est un cadre ?

R. Oui.

Q. Et elle est restée cadre jusqu'à la fin 1990, quand le poste a été aboli. Vous vous rappelez de ça ?

R. Il a été aboli au début 1991.

Q. On n'est pas loin de 1990.

R. Parce que mon père est décédé le 25, ça, c'est des dates que je peux pas oublier, le 25 mars 1991, puis Daniella était encore là.

Q. Quand vous dites je ne peux pas l'oublier, l'autre jour, vous l'avez oublié, en passant.

R. Pas le décès de mon père.

Q. Quand vous avez témoigné devant le Tribunal, vous aviez oublié la date du décès de votre père.

R. Ça m'étonnerait beaucoup. Ça m'étonnerait beaucoup parce que mon père, c'était mon père.

Q. Donc, fin, puis vous dites, d'après vous, ce serait avant le décès de votre père ?

R. Non, non.

Q. Tout de suite après que le poste a été aboli ?

LE PRÉSIDENT : Elle dit que lorsque son père est décédé en mars 1991, qu'au moment du décès de son père, madame Daniella Le Myre était toujours superviseure.

[11] Je ne crois pas que mon intervention empêchait la plaignante d'exercer son droit de parole ou pouvait constituer un reproche à son endroit. Elle visait toutefois à démontrer au procureur des intimées que la plaignante avait clairement répondu auparavant à la question posée.

B. (Volume 3, pages 623, 624 et 625)

Me DI IORIO :

Q. Louise Couillard et Carole Bédard ?

B. Bédard, oui.

Q. Vous ont demandé de retirer votre plainte ?

R. Exact.

Q. Elles vous l'ont demandé dans quels termes ?

R. Louise Couillard, elle m'a dit : Bon, nous autres là, on est du côté de Manon, tu ferais mieux de retirer ta lettre.

Q. C'est comme ça qu'elles se sont exprimées ?

R. Non, pas les deux. Carole était mon amie.

Q. Alors, c'est Louise Couillard qui vous a dit : Nous autres ?

R. Oui.

Q. Et Carole Bédard est présente ?

R. Non. Les deux toutes seules, chacune son tour.

Q. Chacune, à tour de rôle, vous a dit de retirer la plainte ?

R. Oui.

Q. Louise Couillard vous l'a dit dans quels termes ?

R. Louise, je m'en allais à l'imprimante, dans ce temps-là, il y avait deux, j'avais imprimé sur l'autre imprimante parce qu'il y avait des grandes feuilles qui sortaient sur l'imprimante à côté de mon bureau et j'avais été chercher des feuilles à l'autre imprimante, c'est là qu'elle m'a dit ça.

Q. Et c'était combien de temps après que vous ayez déposé votre plainte ?

R. Quelques semaines.

Q. Quelques semaines ?

R. Oui.

Q. C'était moins d'un mois ?

R. Peut-être quatre, cinq.

Q. Maximum de quatre ou cinq semaines?

R. Oui.

R. Qu'elle vous a dit ça ?

S. Oui.

Q. Et elle vous a dit : On est ...

LE PRÉSIDENT : Nous autres, on est du côté de Manon.

LE TÉMOIN : Oui. Tu ferais mieux de retirer ta plainte.

[12] Le procureur de la Commission me reproche d'avoir complété la question du procureur des intimées alors que je n'ai fait que reprendre la réponse que la plaignante avait déjà donnée dans les mêmes termes.

C. (Volume 4, pages 646-647)

Me DI IORIO :

Q. Et là, on voit ici : Découverte de l'origine de madame Nadia Caza par madame Malo. Et ca, on le situe à juin 1990 ?

R. Si vous voulez, sauf que je ne me souviens pas moi, comme je vous ai déjà dit.

Q. Mais vous avez parlé de mai, juin 1990, vous aviez dit on avait, c'était, je pense que vous aviez fait référence aux conditions climatiques extérieures et en situant ça à mai, juin 1990. Vous vous rappelez ? Vous voulez qu'on mette mai, juin 1990 ?

R. Non, non.

Q. Ça va ?

R. D'après moi, c'est le début, mais là je ne me souviens pas.

Q. Mais ça va, juin 1990 ?

R. Je pense que c'est beaucoup plus tôt que ça.

Q. Vous mettriez quoi, mai, juin 1990 ?

R. En tout cas. Comme je vous dis, je me souviens pas.

Q. Alors, on met mai, juin 1990, on le situe approximativement. Ça va ?

R. Parfait.

Q. Troisième période, donc celle qui va de la découverte à, on met région, voyez-vous qu'on met région, ce qu'on explique, c'est que...

LE PRÉSIDENT : Juste un instant, s'il-vous-plaît.

Me DI IORIO : Oui.

LE PRÉSIDENT :

R. Hier dans votre témoignage, vous avez dit que madame Malo avait découvert que vous étiez Arabe au milieu de 1990 ?

S. Ça se peut, mais je ne me souviens pas la vraie date.

Q. Non, non, non, sans vous souvenir de la vraie date, hier, c'est que vous avez mentionné.

[13] Le procureur de la Commission me reproche d'avoir interrompu le contre-interrrogatoire de la plaignante pour apporter une précision. J'estime que c'était mon devoir de le faire. En effet, le procureur des intimées tentait d'amener la plaignante à admettre qu'un événement était survenu en mai ou juin 1990. La plaignante ne voulait pas indiquer un mois précis parce qu'elle ne s'en souvenait pas. Comme elle avait déjà témoigné sur ce point auparavant, j'ai consulté mes notes. Il m'apparaissait tout à fait opportun de lui rappeler qu'elle avait déjà mentionné que l'événement s'était produit au milieu de 1990 sans apporter de précision quant au mois concerné. J'estime avoir agi dans le meilleur intérêt de la plaignante.

D. (Volume 4, pages 656-657)

Madame CAZA :

R. Moi, j'ai été insultée, maltraitée, puis là vous me demandez combien que ça génère le département des ventes. Qu'est-ce que c'est que ça vient à voir que ça génère 1 000 000 ou 200 000 000 ? On n'a pas le droit de m'insulter, je veux dire je ne comprends pas. C'est comme hier là, le nom de ma mère, le nom de mon père. Je ne comprends pas à quoi vous voulez en venir.

Q. Vous pouvez poser votre question, mais moi, je ne suis pas tenu d'y répondre. Alors...

LE PRÉSIDENT : Vous pouvez vous questionner là-dessus, sauf que vous ne pouvez pas empêcher maître Di Iorio de vous poser ces questions-là parce que vous êtes en contre-interrogatoire, madame.

LE TÉMOIN : Oui, je comprends, sauf que c'est ma plainte, ce n'est pas là.

LE PRÉSIDENT : Non, écoutez là, vous avez été interrogée par maître Vigna...

LE TÉMOIN : En ce qui concerne ma plainte, oui.

LE PRÉSIDENT : Et là, nous sommes à l'étape du contre-interrogatoire. Et à l'étape du contre-interrogatoire, le procureur de la partie adverse peut vous poser toutes les questions qu'il désire.

LE TÉMOIN : Même si ça n'a pas rapport avec...

LE PRÉSIDENT : Dans la mesure où on peut démontrer que ces questions-là ne sont pas pertinentes, maître Vigna va s'y objecter. Et dans la mesure où elles sont pertinentes, le procureur de l'intimée peut vous poser ces questions-là.

[14] Je pense qu'il était de mon devoir d'expliquer à la plaignante de quelle façon doit se dérouler le contre-interrogatoire d'un témoin et son obligation de répondre aux questions.

[15] Le droit de parole accordé à la plaignante auquel le procureur de la Commission fait référence suivant l'entente intervenue au début de l'audition ne lui conférait pas le droit de questionner le procureur des intimées.

E. (Volume 4, page 666)

Me DI IORIO :

Q. Expliquez étape par étape qu'est-ce que vous faites au Tribunal ?

B. Mais là, est-ce que je passe un examen pour les ventes locales ? Ça fait cinq ans que j'y suis plus ou est-ce que je suis ici pour me défendre d'avoir les mêmes droits que tout le monde à l'intérieur de la Compagnie ?

LE PRÉSIDENT : Madame, je suis désolé de vous le répéter là, mais vous allez devoir répondre aux questions qu'on vous pose. Si ces questions-là ne sont pas pertinentes, le procureur de la Commission interviendra pour vous le faire savoir. Mais jusqu'à maintenant, vous devez répondre aux questions qu'on vous pose.

LE TÉMOIN : D'accord. Voulez-vous répéter la question ?

F. (Volume 4, pages 837, 838 et 839)

LE PRÉSIDENT : Madame, est-ce que je peux vous dire quelque chose ?

LE TÉMOIN : Oui.

LE PRÉSIDENT : Détendez-vous un peu. Vous êtes aux aguets, vous avez peur...

LE TÉMOIN : Mais c'est normal.

LE PRÉSIDENT : ... que maître Di Iorio vous fasse des...

LE TÉMOIN : Des méchants coups.

LE PRÉSIDENT : ... des méchants coups. Vous avez dit vous-même cet avant-midi : On ne se trompe jamais quand on dit la vérité.

LE TÉMOIN : Oui, mais qu'est-ce que je ne comprends pas...

LE PRÉSIDENT : Prenez... Madame, écoutez-moi là. Maître Di Iorio, jusqu'à maintenant, a été très gentil avec vous. Et c'est parce qu'il est gentil...

LE TÉMOIN : Bien, j'espère qu'il ne sera pas plus méchant que ça.

LE PRÉSIDENT : ... parce qu'il est gentil avec vous, vous le craignez comme la peste. Ça paraît. Vous avez peur qu'on vous traque, ce n'est pas ça du tout.

LE TÉMOIN : Si vous aviez vécu qu'est-ce que j ai vécu là...

LE PRÉSIDENT : Ecoutez. Oubliez ça là, puis écoutez les questions qu'il vous pose, puis si vous n'êtes pas prête à répondre à une question, prenez le temps de réfléchir.

LE TÉMOIN : O.K. Mais il y a aussi qu'est-ce qui s'est passé hier puis ce matin, comme le vert dans le téléphone, le nom de ma mère. Je veux dire tout ça, je me demande qu'est-ce que c'est qu'il veut, lui. C'est ça que moi, je me dis.

LE PRÉSIDENT : Arrêtez de vous poser des questions, répondez aux questions, puis vous allez comprendre plus tard pourquoi il vous posait des questions.

LE TÉMOIN : D'accord.

LE PRÉSIDENT : Parce que là, vous essayez...

LE TÉMOIN : De m'en faire à moi-même.

LE PRÉSIDENT : Lorsqu'il vous pose une question, vous dites pourquoi il me pose cette question-là, puis vous essayez de répondre à la question en fonction de la réponse que vous venez de donner en vous disant pourquoi il pose cette question-là. C'est ça que vous faites.

LE TÉMOIN : Oui.

LE PRÉSIDENT : Concentrez-vous à répondre aux questions qu'il vous pose.

[16] Le procureur de la Commission me reproche d'avoir commenté l'attitude de la plaignante lors de son contre-interrogatoire. Ayant constaté que la plaignante semblait craintive, et elle l'admettait d'ailleurs, il était de mon devoir d'intervenir pour la sécuriser de manière à ce qu'elle se détende et soit en mesure de répondre adéquatement aux questions posées.

G. (Volume 4, pages 821, 822 et 823)

Me DI IORIO : Monsieur le président, nous avons les six noms des enquêteurs. Je vais laisser à mon associé le soin de les lire.

ME FILLION : Alors, il y a eu Françoise Girard.

LE TÉMOIN : Ce n'était pas un enquêteur Françoise Girard.

ME FILLION : Dans la divulgation, il y a une lettre d'ailleurs qui la nomme comme enquêteur pour remplacer, je crois que c'est monsieur Lapommeray, mais je ne suis pas certain. Ensuite, il y a ...

LE PRÉSIDENT : Françoise ?

ME FILLION : Françoise Girard. Il y a eu Jacques Lapommeray, Pierre Boileau.

LE TÉMOIN : C'est un superviseur.

ME FILLION : Martin Chaumont, Marie Laterreur.

LE TÉMOIN : Ils ont nommé son nom, mais elle n'a jamais enquêté, elle n'a jamais travaillé sur l'enquête.

LE PRÉSIDENT : Madame, écoutez, vous ne savez pas là.

LE TÉMOIN : Bien moi, ils m'ont envoyé une lettre comme quoi que c'était Marie Laterreur, puis tout de suite après, ils m'ont envoyé une lettre pour me dire que le dossier a été remis à Gino Richer. Donc, je n'ai jamais été questionnée par madame Laterreur.

LE PRÉSIDENT : Ce n'est pas ça la question, madame. La question, ce n'est pas de savoir par qui vous avez été questionnée. La question est de savoir combien il y a eu d'enquêteurs au dossier...

LE TÉMOIN : Qui ont enquêté.

LE PRÉSIDENT : ... qui ont enquêté.

LE TÉMOIN : C'est ça.

LE PRÉSIDENT : Bien, écoutez là, ce n'est pas parce que Marie Laterreur ne vous a pas questionnée que ça ne veut pas dire qu'elle n'a pas enquêté.

LE TÉMOIN : D'accord.

[17] Le procureur de la Commission prétend que, lorsque la plaignante tente d'expliquer qu'elle n'a jamais été questionnée par madame Laterreur, j'ai reproché à cette dernière de ne pas répondre à la question.

[18] Avec tout le respect pour l'opinion contraire, j'estime qu'après avoir constaté que la plaignante ne comprenait pas que l'on désirait mettre en preuve le nombre d'enquêteurs intervenus au dossier plutôt que l'identité de ceux qui l'auraient interrogée, il était de mon devoir de l'éclairer sur ce point. Il ne s'agissait nullement d'un reproche adressé à la plaignante de ne pas répondre à une question.

B. Interventions multiples du membre instructeur au cours de l'interrogatoire et du contre-interrogatoire de Nadia Caza

[19] Le procureur de la Commission prétend qu'en raison de mes nombreuses interventions au cours du contre-interrogatoire de la plaignante j'ai agi de manière à soulever une crainte raisonnable quant à mon impartialité.

i) Troisième journée d'audition

[20] Au cours de la troisième journée d'audition, soit le 22 janvier 2002, le procureur de la Commission me reproche 24 interventions qui sont les suivantes :

A. (Volume 3, page 478)

Me DI IORIO :

Q. Autre chose, madame Caza, est-ce que vous avez pris des notes au cours de la période que vous avez couverte dans votre témoignage, donc depuis août 1989 ?

R. Août 1989, il s'est absolument rien passé, tout allait bien. C'est à partir de 1990, quand madame a appris que j'étais Arabe que les choses ont commencé à se gâter.

Q. Ma question, c'est la période couverte par votre témoignage, ce qui veut donc dire d'août 1989 à tout récemment, donc une période de près, de plus de 12 ans...

R. Non, je me souviens...

Q. ... est-ce que vous avez pris des notes au cours de cette période ?

R. Je me souviens des faits, mais pas des dates.

LE PRÉSIDENT : Madame, écoutez bien la question que vous pose maître Di Iorio parce que là, vous ne répondez pas du tout à la question. Écoutez bien la question.

B. (Volume 3, pages 492, 493 et 494)

Me VIGNA : Monsieur le président, je pense que c'est des commentaires inappropriés de mon confrère qui commence à parler ...

Me DI IORIO : Monsieur le président, si on permet une chose, moi, je n'ai jamais interrompu maître Vigna et quand j'ai fini de parler, il va pouvoir parler, mais il n'a pas d'affaire à m'interrompre. S'il n'est pas d'accord avec ce que je dis, qu'il prenne des notes, puis qu'il le dise après qu'il n'est pas d'accord. Mais je ne suis pas en train de diffamer personne, puis il n'a pas d'affaire à m'arrêter.

Alors, je n'ai pas vu cette sensibilité-là. Alors, je ne veux pas qu'on prenne, et je suis en train de contre-interroger, j'ai le droit à une certaine latitude et je veux qu'on la respecte cette latitude-là.

LE PRÉSIDENT : À cet égard-là, maître Vigna, là, je pense que maître Di Iorio, dans votre interrogatoire, a respecté énormément votre façon de travailler, puis même à certains égards, vous savez que, moi, en tout cas, j'ai senti que vous étiez suggestif souvent, il n'est pas intervenu. Ce n'est pas mon rôle d'intervenir non plus, sauf que je pense qu'on a essayé, pour ma part en tout cas, de faire en sorte que madame puisse exprimer tous les points qu'elle prétend, toutes les embûches qu'elle prétend avoir rencontrées.

Elle a eu beaucoup de latitude et comme je l'avais dit au début de l'audition, au niveau de la preuve, j'avais fait une mise en garde à maître Di Iorio, je pense qu'il l'a très grandement respectée, à l'effet que quand on est en preuve ici devant le Tribunal, qu'on appelle un Tribunal des droits de la personne, qu'on est beaucoup plus libéral que dans les causes civiles et strictes où on applique la preuve du Code civil. Et là-dessus, je pense que maître Di Iorio a pris le message et rares ont été les interventions et les objections qu'il a faites.

Par contre, il est en contre-interrogatoire, là il pose des questions, il a peut-être un objectif en bout de ligne et ça, on ne le sait pas pour l'instant. Probablement qu'il ne pose pas ces questions-là pour passer le temps, il y a quelque chose en dessous de ça. Alors, ça, c'est le jeu du contre-interrogatoire puis je pense que vous devez le laisser aller.

Me VIGNA : Monsieur le président, c'est ma première objection, je n'en ai pas fait des tonnes, puis c'est peut-être parce qu'on s'embarquait dans la vie privée. Puis si vous me permettez une dernière remarque, je ne voulais pas interrompre mon confrère, mais quand on commence à parler de la Commission, puis des ressources, puis du gouvernement, je pense que ce n'est pas pertinent au débat. C'est juste ça que j'ai à dire, monsieur le président.

LE PRÉSIDENT : Parfait. Allez. Madame disait qu'elle avait une fille qui avait terminé des études universitaires et elle était comptable.

C. (Volume 3, page 508)

DI IORIO :

Q. Et que vous êtes partie de Alexandrie pour venir directement au Québec ?

R Oui, à Montréal.

Q. Donc, vous n'avez pas transité par d'autres pays ?

R. Bien, vous voulez dire arrêter ?

LE PRÉSIDENT : Séjourner.

LE TÉMOIN : Non.

D. (Volume 3, page 511)

Me DI IORIO :

Q. Et vous dites que votre mère n'est pas d'origine arabe ?

R. Oui, elle est d'origine arabe, mais elle est catholique.

Q. Si on prend votre père, depuis combien de générations sa famille était en Égypte ?

R. Elle a toujours été en Égypte.

Q. Toujours ?

R. Oui.

Q. Puis votre mère ?

R. Toujours aussi. Il y a des chrétiens puis des musulmans en Égypte, mais ils ont toujours été là. Je veux dire ils n'ont pas émigré d'ailleurs.

LE PRÉSIDENT :

Q. Votre père était Arabe, Arabe musulman, et votre mère était Arabe catholique ?

R. C'est ça.

E. (Volume 3, pages 516, 517 et 518)

Me DI IORIO :

Q. Et vous dites avoir changé de nom en Égypte ?

R. Exact. Excusez-moi, monsieur le président ?

LE PRÉSIDENT : Oui.

LE TÉMOIN : Moi non plus, je ne vois à quoi riment toutes ces questions. Je veux dire moi, j'ai signé une plainte à la Commission canadienne des droits de la personne pour ne pas avoir eu le même traitement que mes autres collègues. Alors, que je vienne de Égypte, c'est quoi le nom de mon père, de ma mère, de mon grand-père, je ne vois pas qu'est-ce que ça vient voir avec le fait que je n'ai pas eu le même traitement que tout le monde.

LE PRÉSIDENT : Je vais vous répondre moi. Une simple hypothèse, c'est une hypothèse que je fais. Tout à l'heure, maître Di Iorio vous a demandé est-ce que madame Malo était votre collègue de travail. Vous avez dit oui.

LE TÉMOIN : Oui.

LE PRÉSIDENT : Et vous avez mentionné, même au début de votre témoignage la semaine dernière, que vous aviez développé une certaine relation d'amitié avec cette dame-là.

LE TÉMOIN : Au début, oui.

LE PRÉSIDENT : Après ça, vous avez dit à maître Di Iorio que vous n'aviez jamais parlé avec madame Malo de vos affaires personnelles.

LE TÉMOIN : Exact. Je parle jamais à personne...

LE PRÉSIDENT : De votre vie privée.

LE TÉMOIN : Oui.

LE PRÉSIDENT : Si madame Malo venait témoigner, puis qu'elle nous disait : J'étais tellement intime avec madame Caza, que c'est elle qui m'a raconté que pour pouvoir quitter Alexandrie, elle avait changé de nom et elle s'était appelée Verdi.

LE TÉMOIN : Ça, ça m'étonnerait.

LE PRÉSIDENT : Ecoutez, madame, laissez-moi terminer là.

LE TÉMOIN : Oui, mais elle est là, elle entend qu'est-ce qu'on dit là.

LE PRÉSIDENT : Tout ceci pour vous dire que les questions qu'il vous pose, peut-être serviront-elles ou ne serviront-elles pas à vérifier la crédibilité de votre témoignage. C'est l'objectif qu'il poursuit, à tort ou à raison, mais il a le droit de le faire.

LE TÉMOIN : Oui, mais si je dis tout, c'est sûr que ça va être facile après de dire elle m'a dit ça et ça. C'est la première fois que je prononce ...

LE PRÉSIDENT : Il m'appartiendra de l'apprécier, madame, c'est à moi qu'il appartiendra de l'apprécier.

F. (Volume 3, pages 569, 570 et 571)

LE PRÉSIDENT : Juste un instant, maître Di Iorio.

Me DI IORIO : Oui.

LE PRÉSIDENT : Vous avez posé une question puis madame n'a pas eu le temps de répondre, ça a bifurqué. Vous avez posé la question : Est-ce que vous avez fait un grief parce que vous n'aviez pas obtenu le poste ?

LE TÉMOIN : Non.

LE PRÉSIDENT :

Q. Pourquoi vous n'avez pas fait de grief ?

R. Parce que qu'est-ce que ça aurait donné ? Pour commencer, je n'avais pas les preuves et je n'étais pas là pendant les entrevues. Deuxièmement, ça aurait rien donné, là en plus d'avoir Manon sur le dos, j'aurais eu deux fois plus Gilles sur le dos, puis Manon aurait dit à tout le monde : Bien, vous voyez, elle est jalouse, elle m'a piqué mon poste. Ça aurait mis de l'huile sur le feu. Donc, j'étais mieux de me taire et continuer.

Q. Mais comment vous faites pour anticiper : Elle aurait dit ça, comment vous faites pour savoir qu'elle aurait dit ça ?

R. Bien, c'est par ses actions.

Q. Vous le supposez ?

R. Par ses actions avant, de la façon qu'elle montait les filles contre moi. J'ai dit : J'ai menti, j'en veux à elle, j'ai parlé dans le dos de elle, puis là ça allait vraiment mal. Alors, je n'étais pas pour faire un grief, puis Gilles ne me voulait pas. Alors, ça aurait été ridicule de faire un grief pour l'avoir. J'ai fait un grief pour son remplacement de congé de maternité, je ne l'ai pas eu plus. Le poste a été désyndicalisé.

G. (Volume 3, pages 618-619)

Me DI IORIO : Vous permettez, monsieur le président, vous permettez, je veux juste vérifier ?

LE PRÉSIDENT : Oui, oui, oui.

COURTE SUSPENSION

Me DI IORIO : Excusez-moi, madame Caza.

LE TÉMOIN : Je vous en prie.

LE PRÉSIDENT : Pour se replacer dans le contexte-là, elle a dit que, vous lui avez posé la question : Comment vous faites pour savoir que monsieur Bertrand et madame Malo étaient au courant de la plainte ? Elle a dit qu'elle avait vu des documents qui démontraient que monsieur Bertrand avait été mis au courant par le président de la Commission.

Après ça, elle commençait à parler de deux personnes, des collègues de travail qui l'avaient informée qu'elles étaient au courant que la plainte avait été portée. Et elle a dit qu'elle a conclu que madame Malo avait répandu la nouvelle.

Q. C'est exact, madame ?

R. Oui. Et elles m'ont demandé de retirer la lettre.

Q. Bon. C'était qui les deux personnes ?

R. Carole Bédard et Louise Couillard.

H. (Volume 3, pages 620-621)

LE PRÉSIDENT :

Q. Est-ce que le président de TVA n'a pas envoyé une lettre à la Commission canadienne des droits de la personne dans laquelle il disait qu'il avait bien reçu la plainte et qu'il avait mandaté monsieur Bertrand, qui était le directeur des Ressources humaines ...

R. C'est ça.

Q. ... pour prendre l'affaire en main ?

R. Exactement.

Q. Bon. Et ça, c'est quand ?

R. En 1996.

Q. Oui. Mais, madame, vous avez porté votre plainte...

Me DI IORIO : Le 30 juillet

LE PRÉSIDENT :

Q. Le 30 août 1996.

R. Le 30 août.

Me DI IORIO : Le 30 août.

LE PRÉSIDENT :

Q. Le 30 août 1996, vous avez déposé votre plainte.

R. Oui.

Q. Bon. Vous faites référence à une lettre du président de TVA à la Commission canadienne des droits de la personne que vous avez vue. Bon. Elle était de quelle date cette lettre-là ?

R. Au mois de septembre probablement.

Q. Vous estimez que c'était du mois de septembre ?

R. Oui.

I. (Volume 3, page 630)

Me DI IORIO :

Q. Vous m'aviez indiqué tantôt que, mais attention là, il y a eu la plainte, alors je l'ajuste selon votre témoignage. Ça va ? O.K. Parce que ces périodes-là, moi, je ne vous les impose pas, j'essaie simplement de me situer dans le temps.

R. Non, c'est correct, c'est parce que vous écrivez, puis là, je ne veux pas que vous me dites après c'était ça la période.

LE PRÉSIDENT : Non, non, madame, il n'y a pas de danger de ce côté-là.

LE TÉMOIN : O.K.

LE PRÉSIDENT : Ce n'est pas l'identification des périodes par maître Di Iorio qui change quelque chose. Ce qu'il tente de faire, à partir des différentes périodes que vous reconnaissez exciter, de situer les événements à l'intérieur de chacune des périodes.

LE TÉMOIN : D'accord. Merci.

ii) Quatrième journée d'audition

[21] Au cours de la quatrième journée d'audition, soit le 23 janvier 2002, le procureur de la Commission me reproche d'avoir adressé 79 questions à la plaignante. Il réfère aux citations suivantes :

A. (Volume 4, pages 663-664)

Me Di IORIO :

Q. Madame Caza, vous avez été là pendant sept ans, est-ce que vous pouvez dire au Tribunal c'est quoi un client des ventes locales ?

R. Un client des ventes locales, c'est un client comme Circuit Ford, il annonçait juste à Montréal, lui. Il y avait aussi Créations Magiques, il était local et après ça, il est devenu aussi régional, les fameux sacs magiques. Et les petits clients qu'on a, Au Bon Marché. Même McDonald's, McDonald's, il est local et régional, Burger King aussi.

Q. Et qu'est-ce qui fait que McDonald's est un client local ...

LE PRÉSIDENT :

Q Il est national ou régional ?

R. National.

Q. C'est parce que vous avez dit régional.

R. Non, c'est national.

Q. Alors, un client de ventes locales, c'est celui qui achète de la publicité sur le réseau de Montréal seulement ?

R. Et tous les alentours.

Q. Et le client qui est national, il achète de la publicité pour l'ensemble de la province ?

R. Oui.

Q. Pour tous les réseaux de la province de Québec ?

R. Pas Québec, même ... oui. Maintenant, ça fait cinq ans là que je ne travaille plus là.

Me DI IORIO :

Q. Mais pourquoi vous dites ça ?

LE PRÉSIDENT :

R. Non, mais moi, je ne veux pas savoir ce qui se passe aujourd'hui. Ce qu'on essaie de savoir, c'est que dans le temps où vous travailliez là, que vous étiez préposée aux ventes locales, ce qu'on tente de savoir, c'est, c'est quoi un client pour les ventes locales et un client pour les ventes nationales ?

S. O.K.

B. (Volume 4, pages 681-682)

LE PRÉSIDENT :

Q. Est-ce que vous dites que ces deux personnes vous en voulaient parce que vous faisiez une partie...

T. Non, pas tant que ça, mais disons qu'elles n'étaient pas contentes parce que ça leur tombait dessus à la longue. Si moi, je le faisais, bien, tout le monde allait le faire. Ça n'aide pas dans ce temps-là quand déjà on n'est pas très acceptée dans le département. Mais j'aimais ça faire ça, j'aimais ça mon travail, ça me donnait une satisfaction.

Q. Mais ça déplaisait aux collègues de travail ?

R. Oui, mais pas aux représentants, ils m'amenaient souvent au restaurant, ils m'amenaient des cadeaux.

Q. Et ça déplaisait aux collègues de travail parce que votre tâche était une tâche syndiquée. À ce moment-là, à l'intérieur de votre description de tâches de préposée aux ventes, vous faisiez du travail ou une partie du travail...

R. Une partie.

Q. ... des représentants, ce que vos collègues vous reprochaient ?

R. Exact.

Q. Et ce n'était pas de nature à créer de bonnes relations entre vous et elles ?

R. Ça, c'est vrai, sauf qu'étant donné que les relations n'étaient pas bonnes du tout, j'avais rien à perdre, à part d'avoir la satisfaction d'accomplissement.

C. (Volume 4, pages 690-691)

LE PRÉSIDENT :

Q. Je vous arrête, madame.

R Oui.

Q. Moi, j'aimerais ça que vous répondiez à la question que maître Di Iorio vous a posée. Il ne vous a pas demandé combien vous en aviez, il vous a demandé qui prenait la décision du nombre...

R. C'est pour ça que je ...

Q. ... du nombre de représentants affectés à chaque préposé aux ventes, cette décision-là venait de qui ? On va répondre à cette question-là, puis après ça, vous nous raconterez le cheminement.

R. O.K.

Q. C'est quoi la réponse.

R. La réponse, c'est au tout début, Robert Lauzon.

Q. Qui était le directeur.

R. Quand je suis arrivée à TVA.

Q. Donc, c'était le directeur ?

R. À ce moment-là, oui.

Q. Du service...

R. Qui prenait la décision.

Q. ... des ventes locales ?

R. Oui. Mais comme je l'avais expliqué au tout début quand je suis arrivée, il y en avait plus de préposés et plus de représentants. Ça n'a pas duré longtemps.

Q. Et cette décision-là, a-t-elle toujours été prise par le directeur du service des ventes locales ?

R. Non. C'était, après ça, c'était madame Malo.

Q. Et par la suite, par le chef d'équipe ?

R. Oui.

D. (Volume 4, pages 714-715)

LE PRÉSIDENT :

Q. Madame, si vous ne le savez pas.

R. Non, je ne le sais pas.

Q. Bon, répondez : Je ne le sais pas.

R. O.K.

Q. Vous avez juste à dire : Je ne le sais pas.

R. O.K.

Q. Ce que vous avez dit jusqu'à maintenant, vous avez commencé par dire qu'on voyait la provenance, si c'était un appel qui provenait de l'interne ou de l'externe.

R. Oui.

Q. Après, les questions de maître Di Iorio, vous avez dit : Au début, on ne le voyait pas.

R. Exact.

Q. Alors, maître Di Iorio essaie de savoir si vous voyiez quelque chose. Si vous ne le savez pas, dites je ne le sais pas, madame.

R. Je ne le sais pas, je ne le voyais pas.

Q. Si, après ça, il vous demande : Quand est-ce que vous avez commencé à le voir, vous essaierez de nous dire quand. C'est tout. Répondez simplement à la question.

R. O.K. Non, je ne sais pas quand on a commencé à le voir, je ne me souviens pas là.

E. (Volume 4, page 741)

LE PRÉSIDENT :

Q. Mais vous n'avez pas dit à ce moment-là au syndicat, vous n'avez pas rapporté au syndicat les propos que madame Malo aurait dits ?

R. Non, je les ai rapportés plus tard

Me DI IORIO :

Q. Vous avez simplement dit : Je veux faire un grief pour racisme.

R. Oui, parce qu'elle ne m'aime pas parce que je suis Arabe.

Q. C'est ce que vous avez dit ?

R. Oui. Si j'ai bonne mémoire, oui.

LE PRÉSIDENT :

Q. Parce que quoi ?

R. Si j'ai bonne mémoire.

Q. Vous avez dit, vous avez dit que vous vouliez porter un grief pour racisme parce que ?

R. Dû aux traitements que je subissais, la différence était épouvantable. Il y avait quelque chose qui ne marchait pas.

F. (Volume 4, pages 757, 758 et 759)

Me DI IORIO :

Q. J'avais plus de preuves que j'ai fait de quoi. Vous rappelez-vous avoir prononcé ces paroles ?

R. J'avais fait … je n'ai pas compris.

Q. J'avais plus de preuves que j'avais fait de quoi. Vous rappelez-vous avoir prononcé ces paroles ?

R. Mais je ne comprends même pas la phrase. J'avais fait...

Q. J'avais plus de preuves...

LE PRÉSIDENT :

R. Plus de preuves...

Me DI IORIO :

S. ... que j'avais fait de quoi.

T. J'ai dit ça ?

Q. Oui.

R. À quel propos, je ne comprends pas. J'avais plus de preuves que j'avais fait de quoi.

Me DI IORIO :

Q. Vous ne vous rappelez pas avoir prononcé ces paroles ?

R. Ah, ça se peut. Si monsieur le président l'a entendu, j'ai dû le prononcer, mais je ne vois pas le sens, disons. Dans quel contexte j'ai dit ça ? Ça doit avoir un sens.

Q. Ça fait moins d'une minute que vous avez prononcé ces paroles-là, vous les avez adressées au président du Tribunal. Vous rappelez-vous de les avoir prononcées ?

R. J'essaie de comprendre pourquoi j'ai dit ça, si je l'ai dit.

LE PRÉSIDENT :

Q. Vous avez dit le 22 juillet, que vous étiez allée voir la Commission pour prendre des renseignements.

R. Oui.

Q. Que le 29 juillet, vous aviez vu madame Brière, que le 31 juillet, vous aviez fait un grief ; et que vous avez dit qu'au mois d'août, à la date du 31 août ...

R. Le 30.

Q. Du 30 août, vous avez dit : J'avais plus de preuves que j'avait fait de quoi. C'est ça que vous avez dit.

Me DI IORIO : Oui.

LE TÉMOIN : Bien, je veux dire je lui ai donné du temps, j'avais la preuve comme quoi je lui avais donné du temps. Ça faisait plus qu'un mois, donc j'avais fait de quoi avant de signer. Là, je comprends parce que là, je suis bien fatiguée puis nerveuse. Mais oui, j'ai dit ça. Mais c'est la façon que vous m'avez demandé la question, je ne la comprenais pas du tout.

G. (Volume 4, pages 799-800)

LE PRÉSIDENT :

Q. La question, madame, ce n'est pas de savoir ce qui s'est passé ou ce qui ne s'est pas passé...

R. Mais je n'ai pas dit à TVA que je m'appelais Verdi.

Q. On ne vous dit pas ça non plus.

R. Ah, O.K.

Q. On vous pose la question, on vous dit : quand on porte un nom italien et qu'on parle italien, est-ce qu'on peut, une personne raisonnable peut conclure que la personne est Italienne ?

R. Oui.

Q. Bon, c'est tout.

H. (Volume 4, page 804)

Me DI IORIO :

Q. Quel cégep ont fréquenté vos filles ?

R Pourquoi ?

Q. Quel cégep ont fréquenté vos filles ?

R. Est-ce que je peux savoir pourquoi ?

LE PRÉSIDENT : Madame, répondez aux questions. Ça fait plusieurs reprises que je vous le rappelle.

I. (Volume 4, pages 823, 824 et 825)

Me DI IORIO :

Monsieur le président, quand je fais référence au nombre d'enquêteurs, il faut bien que je donne un chiffre. Alors, je peux juste me fier à ce que la Commission a fait, elle a attitré six enquêteurs. Il y a eu six enquêteurs qui ont été attitrés à ça sur une période qui a débuté en 1996. C'est ça que j'ai affirmé et je ne pense pas que maître Vigna contredise cette affirmation-là.

Me VIGNA : Je ne veux pas m'embarquer dans un débat là-dessus, mais on dit six enquêteurs, je ne veux pas qu'on ait l'impression qu'il y avait six enquêteurs qui étaient tous en même temps en train de travailler sur ce dossier. Il y a beaucoup de turnover.

LE PRÉSIDENT : Non, non. Ce que maître Di Iorio veut vous dire, c'est que, pour faire cette enquête-là relative à cette plainte-là, il y a six enquêteurs qui ont travaillé dans le dossier. Ce n'est pas travailler six en même temps ça. Est-ce qu'ils ont travaillé deux en même temps ou trois en même temps, ce n'est pas ça la question. Combien d'enquêteurs ont été appelés à travailler relativement à l'enquête sur cette plainte-là, point.

Me VIGNA : Je ne dis pas qu'il dit ça non plus, je veux juste m'assurer qu'il n'y a pas de malentendu là-dessus. Puis il faut comprendre qu'il y a beaucoup de turnover, je ne connais pas l'expression en français...

LE PRÉSIDENT : De mobilité de main-d'oeuvre.

Me VIGNA : De mobilité de main-d'oeuvre à la Commission. Alors, ça se peut qu'il y a eu plusieurs mains qui ont eu à voir ce dossier. Il y a eu aussi deux procureurs, il y a eu mon collègue avant, il y a eu moi. En tout cas, je ne veux pas m'éterniser là, je pense que c'est...

LE PRÉSIDENT : Moi, je veux juste faire une petite parenthèse, c'est que je ne suis pas ici non plus pour juger du travail de la Commission. Ce n'est pas mon rôle.

J. (Volume 4, pages 828-829)

LE PRÉSIDENT :

Q. Madame, ne mêlez pas les choses là. On essaie de comprendre la continuité des événements.

R. D'accord.

Q. O.K. Maître Di Iorio vous a demandé : Quand madame Malo a-t-elle su que vous l'accusiez de racisme ? Vous avez dit qu'elle l'avait su officiellement au moment du dépôt de votre grief le 31 juillet 1996.

R. Oui.

Q. Et vous avez dit : Elle l'a su verbalement lorsque je lui ai dit.

R. Oui.

Q. Quand est-ce que vous lui avez dit ?

R. Je lui ai dit que si elle n'arrêtait pas là... non, pas comme ça. Ça, c'est après. Je lui ai dit : Je sais que tu ne m'aimes pas la face parce que je suis Arabe, mais ce n'est pas une raison de t'acharner comme ça sur moi. Tu me connaissais avant, j'étais correcte. Je suis la même personne. Ce n'est pas normal que quelqu'un s'acharne sur quelqu'un de cette façon-là.

Q. Et la question suivante de maître Di Iorio est la suivante : Quand avez-vous dit ça à madame Malo ?

R. En 1996, après avoir reçu deux, trois lettres. Je savais que madame Malo voulait que je quitte la compagnie à tout prix, c'est pour ça qu'elle m'a dit : Tu va décoller.

Q. Pardon ?

R. J'ai dit je savais que madame Malo voulait que je quitte la compagnie à tout prix puis c'est pour ça qu'elle m'avait dit : Tu vas décoller. Puis j'ai décollé des ventes aussi.

K. (Volume 4, page 852)

Me DI IORIO :

Q. Donc, vous vous en rappelez de votre baptême ?

R. Oui, oui. C'est vague là, mais... je veux dire mon père, il disait que toutes les religions étaient bonnes. Il y avait un seul Dieu et c'est toutes des ... comment on appelle ça, interprétations différentes.

LE PRÉSIDENT : C'est une question d'interprétation.

LE TÉMOIN : Oui.

iii) Cinquième journée d'audition

[22] Lors de la cinquième journée d'audition, soit le 24 janvier 2002, le procureur de la Commission me reproche d'avoir interrompu le contre-interrogatoire de la plaignante et de lui avoir adressé 184 questions. Il réfère aux citations suivantes :

A. (Volume 5, pages 879-880)

LE PRÉSIDENT :

Q. Qu'est-ce que vous dites d'habitude ?

R. Bien, je les rajeunis pour me rajeunir.

Q. Oui, mais vous nous avez dit que Josée était née le 18 février 1974 et Jamie le 15 août 1975 ?

R. Oui.

Q. C'est ça que vous nous avez dit ?

R. Oui.

Q. C'est quoi la vérité ?

R. J'ai regardé à la maison, c'est 1971 et 1972.

Q. Donc, Josée, c'est le 18 février 1971 ?

R. Oui.

Q. Et Jamie, c'est le 15 août ?

R. Le 15 août, oui, 1972.

Q. 1972.

B. (Volume 5, page 881)

Me DI IORIO :

Q. Et votre date de naissance à vous, est-ce que c'est la bonne, madame Caza ?

R. Oui, c'est le 17 mars 1942.

Q. Celle que vous avez donnée au Tribunal, c'est la bonne date ?

R. Oui, oui. Sauf que c'est sûr, ça non plus, je n'aime pas le dire.

LE PRÉSIDENT :

Q. Pardon ?

R. Je n'aime pas le dire l'année 1942. Puis au bureau, j'ai jamais dit mon âge ni l'âge de mes enfants. À part le service de personnel ou les assurances, et caetera.

C. (Volume 5, page 885)

Me DI IORIO :

Q. Elles ont vécu avec vous vos filles pendant qu'elles étaient au secondaire et au cégep ?

R. Oui, et à l'université.

Q. Toute la période ?

R. Oui.

Q. De manière non interrompue ?

R. Sauf Jamie, elle faisait du papa-maman.

Q. Elle allait vire chez son père ?

R. Oui.

Q. Donc, elle ne vivait pas avec vous ?

R. J'ai dit qu'elle faisait du ... elle allait chez son père, elle venait chez moi, elle allait chez son père.

LE PRÉSIDENT :

Q. En faisant ses études universitaires que vous avez dit ?

R. Oui, oui.

D. (Volume 5, pages 889, 890 et 891)

Me DI IORIO :

Q. Donc, au neuvième étage, il y a le sous-titrage ?

R. Il y avait, oui. C'est parce que là, je veux répondre tranquillement là parce qu'étant donné là ... je veux être claire pour ne pas après ça que vous me dites : Tu as dit, tu as dit. Comme l'âge de mes enfants, je ne voyais pas du tout le rapport, si je l'ai rapetissé.

LE PRÉSIDENT : Vous l'avez vu là à matin le rapport ?

LE TÉMOIN : Oui.

LE PRÉSIDENT : Rappelez-vous que, avant-hier, vous vous interrogiez sur ...

LE TÉMOIN : Pourquoi.

LE PRÉSIDENT : ... la pertinence de certaines questions.

LE TÉMOIN : Oui, là, je comprends.

LE PRÉSIDENT : Vous commencez à avoir les réponses.

LE TÉMOIN : O.K.

LE PRÉSIDENT : Alors, j'ai essayé de vous faire comprendre que ça ne vous donnait rien lorsqu'on vous posait une question de vous interroger jusqu'où on s'en va avec la question, vous allez avoir des difficultés, puis à ce moment-là, vous risquez des problèmes. Alors, concentrez-vous pour répondre aux questions et non pas vous demander pourquoi il vous la pose.

Q. Alors, vous dites qu'au neuvième étage, c'est là qu'on faisait le sous-titrage ?

R. Oui. Le bureau du sous-titrage était au neuvième étage. Puis la petite cuisine en question était au neuvième étage.

Me DI IORIO :

Q. Madame Caza.

R. Excusez-moi... Quand je montais porter le LCN, j'allais le porter au dixième étage, puis je me souviens que des fois. Là, c'était-tu au neuvième étage ou au dixième étage, est-ce qu'elle a changé d'étage avec Global ? Parce qu'il y Global là. Là, je ne suis pas certaine.

LE PRÉSIDENT :

Q. Ce que vous dites, c'est que vous n'êtes plus certaine et la petite cuisine en question se trouvait au neuvième ou au dixième étage parce qu'il est possible que vous ayez rencontré Carole Lapierre au dixième étage ?

R. C'est parce que depuis ce temps-là, il y a eu bien des rénovations, des changements, puis maintenant on a Global qui est au neuvième. Est-ce qu'elle était au neuvième puis elle est remontée au dixième ? Parce que là, je l'ai déjà vue au dixième quand j'allais porter le LCN, puis le LCN est au dixième. Donc, si c'est important l'étage là, c'est au neuvième ou au dixième. Il me semble que, dans ce temps-là, c'était le neuvième. Ils ont déménagé au dixième, là il faut que je fasse attention et préciser.

E. (Volume 5, pages 893, 894 et 895)

Me VIGNA : Monsieur le président, je ne comprends pas la question elle-même. Est-ce qu'on parle de ce qu'elle a vu ou ce qu'on lui a rapporté ? Ce n'est pas clair.

LE PRÉSIDENT : Ce qu'il dit, c'est ceci. Ce que maître Di Iorio dit, il dit à un moment donné, qu'on ne peut pas situer de façon précise dans le temps et dans le lieu, il y a un dîner auquel participent madame Caza et madame Lapierre. Ça va ?

Me VIGNA : Oui.

LE PRÉSIDENT : À l'occasion de ce dîner là, madame Lapierre raconte à madame Caza que, lors d'une rencontre avec Manon Malo, Manon Malo va dire quelque chose. Ça va ? Et là, maître Di Iorio demande : Est-ce que madame Lapierre, lorsqu'elle vous relate ça, elle vous dit qu'elle était, à ce moment-là, seule avec Manon Malo lorsqu'elle aurait dit quelque chose ? Et madame répond.

LE TÉMOIN : Non, c'était lors d'une réunion.

Me DI IORIO :

Q. Donc, il y avait d'autres personnes qui étaient présentes ?

R. Oui.

LE PRÉSIDENT : Comprenez-vous ?

Me VIGNA : Oui, monsieur le juge. C'est juste que si elle n'était pas là, c'est du ouï-dire.

LE PRÉSIDENT : Non, mais ça en est tout le temps du ouï-dire.

Me VIGNA : Ça va, monsieur le juge, je ne veux pas insister là-dessus.

LE PRÉSIDENT : C'est toujours du ouï-dire, sauf que ça implique, ça implique l'intimée.

Me DI IORIO : Je contre-interroge sur son ouï-dire, en passant.

LE PRÉSIDENT : C'est ça. C'est vous qui l'avez mis en preuve.

Me DI IORIO : C'est maître Vigna qui a demandé une question qui appelait une réponse de ouï-dire et je contre-interroge sur ça.

LE PRÉSIDENT : C'est vous qui avez mis en preuve que madame Lapierre aurait dit à madame Caza, aurait rapporté à madame Caza des propos tenus par madame Malo alors que, elle, madame Lapierre, les aurait entendus, semble-t-il. Et ce que maître Di Iorio veut savoir, c'est qu'au moment où ces propos auraient été prononcés, est-ce qu'ils ont été prononcés en présence uniquement de madame Lapierre ou s'il y avait d'autres personnes. C'est ça votre question ?

Me DI IORIO : Oui.

Me VIGNA : Ça va, monsieur le juge.

LE PRÉSIDENT : Je voulais m'assurer que j'avais bien compris aussi.

ME DI IORIO : Oui.

Q. Madame Caza.

LE PRÉSIDENT :

R. Alors, vous avez répondu non ?

S. Pardon ?

Q. Vous avez répondu que, lorsque madame Malo aurait prononcé, aurait dit des choses qu'aurait entendues madame Lapierre, ces choses-là ne se sont pas dites en présence uniquement de madame Lapierre et de madame Malo ?

R. Exact.

F. (Volume 5, pages 896-897)

Me DI IORIO :

Q. Vous ne vous souvenez pas si elle a ajouté de commentaires, mais vous vous souvenez qu'elle n'a pas dit que c'était raciste ?

R. Je ne me souviens pas si elle a dit que c'était raciste ou pas.

Q. Ça non plus, vous ne vous rappelez pas de ça.

R. Non, parce que c'était suite à ce que moi, je disais : C'est bien épouvantable, pourquoi qu'elle me fait ça ? Je lui ai jamais rien fait, qu'est-ce que c'est qu'elle a contre moi ? Là, elle m'a dit : Elle a dit que tu étais une Arabe, pas comme nous autres. Donc, c'est la conversation.

LE PRÉSIDENT :

Q. Et ce n'est pas dans sa culture d'aider les autres ?

R. Exact. Parce que là, elle faisait croire à tout le monde que je ne voulais pas les aider. C'est comme ça qu'elle a fait signer tout le monde le fameux papier.

G. (Volume 5, pages 902 à 906)

LE PRÉSIDENT :

Q. Cette conversation-là à laquelle on fait référence et pour laquelle madame Lapierre vous a dit quelque chose, ça survient quand déjà cette conversation-là ?

Q. 1994, alentour de 1994.

R. 1994, Et vous dites que probablement que le fait qu'on dise que ce n'était pas dans votre culture d'aider les autres, vous dites ça fait probablement référence au classement.

S. Oui.

Q. C'est ça ? Et vous dites que pour appuyer ça, vous dites que vous vous référez au document qui a été produit par la Commission, des personnes qui...

R. Produit par TVA.

Q Pardon ?

R. Produit par TVA à la Commission.

Q. Oui, d'accord, mais qui a été produit devant moi et dont vous aviez pris connaissance ?

R. Non. On me le disait : Déchire les contrats, juste les défaire ou bien : Fais mon classement. J'avais trois représentants. Moi, je voulais aider...

Q. Mais ce n'est pas ça ma question, madame. Je vous demande : le document dont on parle, puis c'est vous qui venez d'en faire référence, vous en aviez pris connaissance de ce document-là à ce moment-là ?

R. Par la suite, oui.

Q. Pardon ?

R. Par la suite, oui. Mais ils m'avaient demandé le classement, et caetera, avant. J'ai pris la connaissance du document quand il a été écrit, pas avant. Mais je ne comprends pas votre question.

Q. Vous dites que, en 1994, lorsque madame Lapierre vous a rapporté la phrase de madame Malo à l'effet que : Ce n'est pas dans sa culture d'aider les autres, vous avez dit : Ça faisait probablement référence au classement. ?

R. Oui.

Q. Bon. C'est ça que j'ai dit, au classement à ce moment-là, mais pas au classement en 1994. Madame Malo a dit cette phrase-là en 1990, 1991, alors probablement que, à ce moment-là : Elle n'aide pas les autres là. Je me dis quoi, aider les autres ? Ah, c'est ça qu'elle voulait dire, le classement puis déchirer les contrats. C'était une déduction que moi, j'ai faite.

R. Donc, madame Lapierre, cette phrase-là, à laquelle vous faites référence, elle vous a dit que cette phrase-là avait été prononcée par madame Malo en 1991. Elle vous l'a dit ?

S. 1990, 1991.

Q. Elle vous l'a dit que c'était en 1990, 1991 que madame Malo aurait prononcé cette phrase-là ?

R. Oui. Elle m'a dit que, lors d'une réunion, madame Malo a dit que je n'étais pas comme ... que j'étais une Arabe, je n'étais pas comme les autres. Et que dans ma culture ...

Q. Ce n'était pas dans votre culture d'aider les autres ?

R. Oui.

Q. Et quand madame Malo aurait-elle dit ça, en 1990, 1991, c'est ça que vous me dites ?

R. Oui.

Q. Et c'est madame Lapierre qui vous a dit que cette rencontre-là, au cours de laquelle madame Malo aurait prononcé ces phrases-là, c'est en 1990, 1991 ?

R. Oui, parce que madame Lapierre, son poste a été aboli ...

Q. Non, non, madame ...

R. Bien, c'est parce que j'essaie de faire les dates là.

Q. Moi, je ne veux pas savoir par quel moyen vous arrivez à la conclusion que. Ce n'est pas ça ma question. Je veux savoir si madame Lapierre vous a dit que la rencontre avec Madame Malo, et possiblement d'autres personnes, au cours de laquelle madame Malo a prononcé la phrase, appelons-la comme ça entre parenthèses pour ne pas la répéter à chaque fois, c'est en 1990, 1991 que cette rencontre...

R. Elle ne m'a pas spécifié de date. Elle m'a dit : Lors d'une rencontre, quand j'étais aux ventes locales, madame Malo a dit ça.

Q. À ce moment-là ...

R. C'est moi qui présumais que, j'essayais de voir vers quelle date. Non, elle ne m'a pas dit de date.

Q. Et quand elle vous a dit ça, elle n'était pas aux ventes locales ?

R. Non. Elle était au sous-titrage.

Q. Elle avait travaillé avec vous aux ventes locales ?

R. Oui.

Q. Est-ce que vous vous rappelez quand est-ce qu'elle a quitté les ventes locales ?

R. Bien, c'est ça que j'essayais de dire, alentour d'avril 1991.

Q. Bon. Donc, elle ne peut pas avoir entendu ça après avril 1991 ?

R. Exact. C'est ça que j'essayais, mais je m'enfarge dans mes mots.

Q. C'est ça que je veux savoir moi. Je veux savoir quand est-ce que ça s'est dit ça ?

R. O.K.

H. (Volume 5, pages 911-912)

LE PRÉSIDENT :

Q. Madame.

R. Je ne comprends pas qu'est-ce qu'il veut dire si je suis d'accord.

Q. Je vais vous la poser, moi, la question.

R. O.K.

Q. Juste un instant. Si je vous dis, madame, parce que vous êtes Arabe, vous êtes une Arabe, on s'entend là-dessus ?

R. Oui.

Q. Je dis vous êtes Arabe et ce n'est pas dans votre culture d'aider les autres. Je vous dis ça moi, est-ce que c'est exact ?

R. Non, ce n'est pas exact.

Q. Mais c'est ça la question qu'il vous demande.

R. Je m'excuse.

Q. C'est tout simplement ça. Est-ce que c'est exact ou ce n'est pas exact ?

R. Ce n'est pas exact que dans ma culture, on n'est pas habitué à aider les autres.

Q. Dans votre culture, ce n'est pas exact que vous n'aidez pas les autres ?

R. C'est ça.

Q. Ou que vous n'êtes pas enclins à aider les autres ?

R. Non, ce n'est pas vrai.

Q. Bon.

I. (Volume 5, pages 919, 920 et 921)

LE PRÉSIDENT :

Q. Madame, vous avez dit tantôt que la conversation que vous avez eue avec madame Lapierre, dans laquelle elle vous rapporte des propos de madame Malo en 1991 sont venus confirmer les doutes...

R. Oui, que j'ai toujours eus.

Q. Que vous aviez à l'effet que madame Malo ne vous aimait pas parce que vous étiez Arabe ?

R. Exact.

Q. C'est bien ça que vous avez dit ?

R. Oui.

Q Qu'est-ce qui vous avait amenée à douter que madame Malo ne vous aimait pas parce que vous étiez Arabe ?

R. Parce que, après que je lui avait dit que j'étais Arabe, son changement a changé comme le jour puis la nuit. Elle ne pouvait même pas me tolérer à côté d'elle pour juste, j'attendais qu'elle finisse avec la photocopieuse pour faire mes photocopies, elle prenait ses papiers puis elle partait. Bien, voyons ! Si j'allais à la salle de bain, elle sortait. Si j'allais à l'abreuvoir, elle m'évitait comme de la peste.

Donc, il y avait quelque chose de pas normal dans tout ça. Je dis à quelqu'un il est Arabe, après ça, il s'éloigne de moi. C'est suite à tous ces doutes-là. Puis quand j'ai été lui demander : Qu'est-ce que je t'ai fait ? Pourquoi, est-ce que je t'ai fait quelque chose ou dit quelque chose pour que tu aies un changement pareil ? Elle m'a répondu : Je ne t'aime pas la face, et caetera. C'est pour ça que je n'ai pas été la deuxième fois lui demander, je l'avais déjà demandé.

Q. Parce que dans votre témoignage, vous nous avez déjà dit qu'à partir du moment où madame Malo vous aurait dit qu'elle ne vous aimait pas la face, Christ, qu'à partir de ce moment-là, O.K., vous avez commencé à vous interroger sur le pourquoi ?

R. Oui.

Q. Et que vous ne saviez pas pourquoi elle ne vous aimait pas ?

R. J'avais des doutes, mais je ne le savais pas. J'avais de la misère à ...

Q. Vous dites aujourd'hui que vous aviez des doutes. Moi, j'ai relu mes notes et vous avez dit auparavant que vous vous interrogiez, puis vous vous demandiez pourquoi que c'est comme ça.

R. Oui.

Q. Qu'est ce que je lui ai fait, moi ?

R. Exact, oui.

Q. Donc, vous n'aviez pas de doutes, vous cherchiez la réponse ?

R. Oui.

J. (Volume 5, pages 930-931)

LE PRÉSIDENT : Ecoutez, ce n'est pas un reproche qu'on vous fait...

LE TÉMOIN : Non, je sais, mais c'est parce que je l'ai ...

LE PRÉSIDENT : ... c'est un constat. Ce que maître Di Iorio fait là, il résume en quelques phrases...

LE TÉMOIN : Il essaie de me passer pour une menteuse.

LE PRÉSIDENT : Ce n'est pas ça du tout.

Me DI IORIO : Bien, je n'ai pas compris ce que le témoin a dit.

LE PRÉSIDENT : Elle dit : Il essaie de me faire passer pour une menteuse. Ce n'est pas ça. Il prend vos réponses, il fait un résumé de vos réponses. Il dit : Vous m'avez dit A, B, C, D, E, oui ou non ? Il ne dit pas que vous êtes menteuse.

K. (Volume 5, pages 938-939)

Me DI IORIO :

Q. Alors, comment faites-vous pour dire que moi, je sais que vous rajeunissez vos filles ?

R. C'est une conclusion que j'ai faite.

LE PRÉSIDENT :

Q. Est-ce que c'est une conclusion ou ce sont des suppositions ?

R. Suppositions. C'est une supposition. Je m'excuse, moi, j'ai de la difficulté avec mes termes.

LE PRÉSIDENT : Il faut faire attention, madame, aux termes. C'est important si vous répondez que c'est une conclusion ou si vous répondez que c'est une affirmation...

LE TÉMOIN : Ce n'est pas la même chose.

LE PRÉSIDENT : ... si vous répondez que c'est une supposition, si vous répondez c'est une impression, si vous répondez c'est une certitude, c'est très important, vous comprenez ? Si vous dites : Telle personne a fait telle chose et qu'on vous demande sur quoi vous vous basez pour le dire ...

LE TÉMOIN : C'est une impression.

LE PRÉSIDENT : ... C'est une impression, vous allez comprendre que ça n'a pas la même force qu'une certitude.

LE TÉMOIN : Oui.

L. (Volume 5, pages 945-946)

LE PRÉSIDENT :

Q. Mais, madame, il y a de quoi que je ne comprends pas. Vous avez dit que vous avez eu une rencontre avec Carole Lapierre.

R. Le dîner, oui.

Q. Un dîner.

R. On mangeait nos lunchs.

Q. Et vous avez mentionné que Carole Lapierre vous a dit que ces paroles-là auraient été prononcées lors d'une rencontre...

R. Lors d'une rencontre.

Q. Un instant, laissez-moi terminer. Avec Manon Malo, à laquelle assistaient d'autres personnes ?

R. Exact.

Q. Maître Di Iorio vous a demandé : Quelles autres personnes ? Vous avez dit : Je ne le sais pas, elle ne me l'a pas dit. D'autres questions ont été soulevées et à mon tour, j'ai repris ce que je viens de vous dire parce que je voulais avoir une autre réponse et vous m'avez dit, vous m'avez répété une deuxième fois que madame Malo avait dit ça lors d'une rencontre avec d'autres personnes...

R. Exact.

Q. ... et que vous ne saviez pas qui était là.

R. Exact.

Q. Comment maintenant vous savez que monsieur Brault aurait été là ?

R. Bien, ça a été ...

Q. C'est ça la question.

R. Oui, O.K. J'ai déduit qu'il était là, je faisais le rapport avec la lettre que tout le monde a signée. Je me suis dit ça doit être cette journée-là ; les quatre personnes qui ont signé. Parce que j'étais au courant qu'elles avaient été voir monsieur Brault, puis avec la phrase, je pensais... D'ailleurs, j'ai jamais compris qu'est-ce qui s'est passé parce qu'il me dit oui, il me dit non, puis là, il me dit : Madame Malo n'était pas là cette journée-là. Donc, c'est sûr que je ne le mentionne pas en ce moment. Mais oui, j'étais sûre qu'il était là quant j'ai signé la plainte.

M. (Volume 5, pages 951 à 954)

LE PRÉSIDENT :

Q. Ecoutez, Madame, dans votre témoignage tantôt, vous avez dit que ce qui vous avait amenée à déduire que monsieur Brault pouvait être au courant de cette phrase-là ...

R. C'est la plainte.

Q. ... c'était la lettre qui avait été déposée dans laquelle vos collègues de travail vous faisaient des reproches.

R. Exact.

Q. O. K. ?

R. Oui.

Q. Et vous dites que cette lettre-là, monsieur Brault avait participé à la réunion qui avait amené cette lettre-là. C'est ça que vous avez dit ?

R. Moi, j'ai déduit qu'ils étaient là, sauf que s'il a participé ou pas, je n'étais pas là.

Q. Ils étaient là, c'est qui ?

R. Manon Malo, Bergeron, Riopelle et Carole Lapierre.

Q. Puis Brault ?

R. Moi, je pensais qu'il était là.

Q. Alors, vous pensiez que la rencontre qui a eu comme conséquence l'apparition de la fameuse lettre...

R. Exact.

Q. ... que les personnes qui ont signé cette lettre-là s'étaient rencontrées et que monsieur Brault était là ?

R. Oui, j'ai déduit ça.

Q. Et vous avez déduit également que c'est lors de cette rencontre-là que madame Malo aurait prononcé les paroles que vous rapporte Carole Lapierre ?

R. Exact.

Q. Ça, vous avez déduit ça ?

R. Exact.

Q. Et c'est après avoir fait cette déduction-là que vous êtes allée voir monsieur Brault et vous êtes tombée dans le mille ?

R. Oui, bien, j'ai fait la déduction logique d'après moi, j'ai été le voir puis c'est ça qu'il m'a dit.

Q. Et votre déduction logique là vous a amenée à aller voir monsieur Brault ?

R. Oui.

Q. Et est-ce que monsieur Brault vous a confirmé que ces paroles-là avaient été prononcées lors d'une rencontre à laquelle assistaient ces personnes-là et à laquelle il assistait lui-même et qui a résulté dans cette lettre-là ?

R. Non, non.

Q. Il ne vous a pas dit ça là ?

R. Non.

Q. Il ne vous a pas dit où, quand, comment ?

R. Non. Parce que la question que je lui ai posée...

Q. La question que vous avez posée, vous lui avez demandé : Est-ce que tu es au courant que ?

R. Oui.

Q. Est-ce que tu te souviens que ?

R. C'est ça.

Q. Et il vous a donné une réponse ?

R. Oui.

Q. Et vous ne vous lui avez pas demandé où, quand, comment, pourquoi ?

R. Non.

N. (Volume 5, pages 971-972)

LE PRÉSIDENT :

Q. Mais ça n'en était pas une certitude ce que madame Lapierre vous avait dit ?

R. Oui, mais je pensais que le président aussi l'avait entendue parce que madame Lapierre, je ne voulais pas le mentionner pour la protéger.

Q. Alors, ce que vous faites, vous voulez appuyer votre plainte non pas sur les propos de madame Lapierre, mais sur ceux du président du syndicat ?

R. Ce qu'il a entendu.

Q. Oui, mais madame Lapierre, elle l'avait entendue aussi ?

R. Oui, c'est vrai. Sauf qu'elle m'a dit : Je ne veux pas que mon nom apparaisse.

Q. Donc, vous appuyez votre plainte sur... le deuxième paragraphe de votre plainte s'appuie uniquement sur les propos que vous aurait tenus monsieur Brault ?

R. À ce moment-là, oui.

Q. Mais vous ne jugez pas à-propos d'indiquer dans votre plainte les propos antérieurs ou la conversation que vous avez eue avec madame Lapierre ?

R. Non. Je ne voulais pas la mettre là-dessus parce que TVA allait recevoir une copie. Alors, je n'ai pas mentionné madame Lapierre. Je l'ai mentionnée tout de suite après avec les enquêteurs dans des documents qui étaient supposés être confidentiels.

Q. Quand est-ce que vous avez ...

R. Demandé la confidentialité ? J'ai même demandé la confidentialité dans une lettre que j'avais écrite à madame Lucie Fortier.

O. (Volume 5, pages 990, 991 et 992)

LE PRÉSIDENT :

Q. Pour qu'on se comprenne bien là, vous prétendez que monsieur Bertrand a fait parvenir à la Commission un document à l'intérieur duquel il aurait déclaré que monsieur Brault disait qu'il ne s'en souvenait pas ?

R. Exact, de rien.

Q. Qu'il ne se souvenait de rien ?

R. Exact.

Q. Et après ça, vous faites état d'un autre document et que vous avez pris connaissance de ce document-là ?

R. Oui.

Q. Que vous appelez un document émanant de monsieur Bertrand ?

R. Oui.

Q. Et que, ayant cette information-là vous êtes allée voir monsieur Brault, et ça, c'est la deuxième rencontre ?

R. La troisième, parce que je l'avais vu deux fois avant à la cafétéria.

Q. Mais à la deuxième rencontre, lorsque vous le voyez monsieur Brault et que vous lui posez des questions, c'est à la suite de quoi qu'il devient nécessaire pour vous de le questionner ?

R. Ah, c'est vrai, c'est la deuxième fois. Parce que j'ai entendu qu'il ne se souvenait de rien suite à ce document-là, puis là, j'ai dit : Comment ça se fait tu ne te souviens pas ?

R. Bon. Et après ça, vous faites référence à un autre document que vous auriez vu ?

R. Oui.

Q. Sur lequel il était écrit quoi ?

R. Qu'il était écrit que Manon Malo a jamais dit ça.

Q. Bon. Puis qu'est-ce que vous avez fait après ça ?

R. Bien, j'ai appelé à l'enquêteur, puis je lui ai dit : Vous êtes sûr qu'il a dit ça ? Il dit : Oui, absolument. Là, il m'a dit : De toute façon, quand on l'a questionné, il n'était pas sous serment.

Q. Puis qu'est-ce que vous avez fait après ca ?

R. J'ai rien fait, je pouvais plus rien faire.

Q. Vous n'avez pas parlé à monsieur Brault ?

R. Oui, quand je l'ai vu par accident. Je m'en allais au dixième étage pour porter mon...

Q. Alors, c'est plus tard ?

R. Plus tard

S. Vous l'avez vu, qu'est-ce que vous lui avez dit à ce moment-là ?

R. Je lui ai dit : Comment ça se fait, je ne comprends pas comment ça se fait, tu m'as dit que oui, tu l'as entendue ? C'est pas moi qui lui ai dit : As-tu entendu telle affaire ? Je veux dire : Tu m'as dit : Oui, j'ai entendu ça, mais je ne me souviens pas qui l'a dit. Tu m'as aussi dit que tu avais pris ma part en me disant depuis le temps qu'elle est au Canada. Et ensuite, je suis revenue une deuxième fois et tu m'as dit : Je n'ai pas peur de personne, je vais dire la vérité. C'est là qu'il était mal à l'aise, puis il m'a dit que non, il n'a pas dit ça : De toute façon, cette fois-là Manon Malo n'était pas là. Je n'ai pas eu le temps de comprendre ça veut dire quoi cette fois-là.

P. (Volume 5, pages 999 à 1002)

LE PRÉSIDENT :

Q. Madame, sauf que, on va se comprendre, O. K. ?

T. Oui.

Q. Ce n'est pas dur de répondre aux questions que maître vous pose. Dans un premier temps, vous arrivez à la conclusion que monsieur Brault était présent à une rencontre au cours de laquelle madame Malo a dit une phrase.

R. Exact.

Q. Vous partez et vous allez rencontrer monsieur Brault. Nous avons appelé ça la première rencontre.

R. Exact.

Q. O. K. ?

R. Oui.

Q. Et suite à cette rencontre-là, vous déposez votre plainte ?

R. Oui.

R. Une fois que vous avez déposé votre plainte, vous prenez connaissance d'un document.

R. Il y a eu un échange de correspondances, oui.

Q. Suivez-moi là.

R. O.K.

S. Vous prenez connaissance d'un document que vous dites être un document transmis à la Commission par monsieur Bertrand.

R. Exact.

T. Et dans lequel document monsieur Bertrand écrit que monsieur Brault aurait déclaré qu'il ne se souvenait pas.

R. Exact.

Q. Étant informée de ça, vous avez une deuxième rencontre avec Monsieur Brault à la cafétéria.

R. Exact.

Q. Et c'est là que monsieur Brault vous dit qu'il n'a pas peur, puis qu'il va dire la vérité.

R. Exact.

Q. O. K. ?

R. Oui.

Q. Lorsque vous voyez monsieur Brault, vous lui dites : Est-ce que tu n'a pas dit que tu ne te souvenais pas ?

R. Oui, j'ai dit : À ce qu'il paraît, tu ne te souvenais pas.

Q. À ce qu'il paraît, excusez-vous, c'est ça que vous avez dit. Bon. Là, on a deux rencontres de faites. Il y en a eu une troisième.

R. Exact.

Q. Qu'est-ce qui a amené la troisième rencontre ?

R. Suite à la question de ...

Q. Suite à un document que vous avez vu ?

R. Exact

Q. Qu'est-ce qui est marqué sur ce document-là ?

R. Que Manon avait jamais dit ça.

Q. Et qui aurait dit ça ?

R. Monsieur Brault à l'enquêteur.

Q. Bon, que Manon aurait jamais dit ça.

R. C'est exact.

Q. Quand vous voyez ça, il se passe un certain temps ...

R. Oui.

Q. ... et vous avez une rencontre impromptue au dixième étage avec monsieur Brault ?

R. Exact.

U. Et c'est un certain temps plus tard, puisque LCN est en opération maintenant ?

R. Oui.

Q. Bon, vous arrivez face à face avec monsieur Brault ?

R. Exact.

Q. Qu'est-ce que vous lui dites ?

R. Là, je lui ai dit : Comment ça se fait que tu te souvenais de tout, tu m'as dit que tu allais dire la vérité, puis là tu dis à l'enquêteur que Manon Malo, elle a jamais dit ça ?

Q. Bon.

R. Là, il me répond que Manon Malo n'était pas là cette journée-là. Puis cette journée-là, moi, je n'ai pas compris ça veut dire quoi cette journée-là, est-ce que quelqu'un d'autre l'a dit ?

Q. (Volume 5, pages 1027-1028)

LE PRÉSIDENT :

Q. Mais la question, madame : est-ce qu'il est à votre connaissance...

V. Oui, ce qui est à ma connaissance.

Q. ... est-ce qu'il est à votre connaissance personnelle lorsqu'un grief est formulé, du cheminement du grief après qu'il ait été formulé ? C'est ça la question.

R. C'est des rencontres, ensuite, l'arbitrage, mais ce que je voulais expliquer à vous, monsieur le président, c'est que ça prend beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps.

Q. Donc, vous dites que c'est d'abord le grief ?

R. Oui.

Q. Que par la suite, il peut y avoir des discussions ?

R. Exact.

Q. Et que par la suite, il peut y avoir arbitrage ?

R. Exact.

Q. Ça, c'est à votre connaissance ?

R. Ça, c'est à ma connaissance.

R. (Volume 5, pages 1041 à 1044)

LE PRÉSIDENT :

Q. Mais mentalement, en 1996, ça vous affectait mentalement ?

R Oui, oui.

Q. Au point d'aller consulter des médecins ?

Q. Oui. Et je peux, je veux dire je peux vous ... comme je vous ai dit l'autre jour, la compagnie d'assurances Standard Life a toutes les demandes, et vous allez voir qu'il y avait du Prozac, du Ativan, des Rivotril depuis longtemps.

Alors, on ne prend pas ça pour le fun, sauf que mon dossier médical, si j'ai des bobos quelque part, non, je ne permets pas à personne d'aller regarder mon ... je peux produire la preuve que j'ai pris des médicaments.

R. Mais si, madame, ces médicaments-là, vous les prenez parce que votre état de santé mental résulte d'après ce que vos médecins constatent que c'est autre chose que ce que vous nous dites, comment on va faire pour le savoir ?

S. Bien, c'est pas mal compliqué, comme vous dites, parce que vous ne pensez tout de même pas qu'à chaque fois que j'ai été à la clinique pour voir un médecin, surtout c'est une clinique d'urgence qu'ils appellent là, une polyclinique, pensez-vous qu'à chaque fois, je vais raconter mon histoire au médecin. La première fois que j'ai raconté au médecin, puis ça m'a pris du temps pour parler, c'est à docteur Poirier.

Q. Et pour que le médecin vous prescrive des médicaments de la nature de ceux que vous nous dites, il fallait quand même que vous lui racontiez quelque chose pour qu'il pose un diagnostic ?

R. Oui. Je lui racontais qu'est-ce que je ressentais, que je ne dormais pas, que je me sentais très, très nerveuse. Il essayait de me demander la raison, je ne voulais pas le dire, donc il me voyait bien énervée. Là, il me prescrivait des médicaments, puis là il me disait d'aller le revoir. Quand je retournais à la clinique, parce qu'il y avait des secousses où je n'en prenais pas, bien je frappais un autre médecin. Alors, j'ai pris des médicaments, mais j'ai jamais raconté.

Même avec docteur Poirier quand j'ai rencontré en 2000, je n'avais pas été là pour lui raconter mon histoire. J'avais été là tout simplement parce que j'avais très mal à la gorge et à l'oreille, puis il m'avait prescrit des Pondocillin, c'est une sorte d'antibiotique.

Q. Lorsque vous dites que vous avez commencé à consulter le médecin en 1996 et que vous avez pris des médicaments, c'était de façon sporadique ?

R. Oui. Sporadique, ça veut dire quoi ?

Q. Ça veut dire que ce n'était pas tout le temps.

R. Exact. Exact.

Q. À quel intervalle les avez-vous pris ces médicaments-là et à quel intervalle avez-vous consulté des médecins ? Est-ce que vous êtes allée voir le médecin au mois de juillet 1996 puis il vous a donné des médicaments pour un mois, puis vous êtes retournée six mois après ?

R. Peut-être deux, trois mois après, mais je pourrais, avec la pharmacie, tout me souvenir. La pharmacie chez nous où j'achetais mes médicaments. On pourrait tout regarder les médicaments seulement concernant ça là. Je veux dire si j'ai eu un problème à l'orteil, je n'ai pas besoin de l'apporter.

R. Non, ça, je suis d'accord avec vous, c'est certain.

S. (Volume 5, pages 1047 à 1051)

LE PRÉSIDENT :

Q. Vous aviez quand même rencontré madame...

S. Oui. Ça, c'est pour me dire à moi j'ai tout essayé. Je voulais tout essayer, c'est ça que j'ai dit à la Commission le 22...

T. Comment elle s'appelle la dame déjà que vous avez rencontrée quelques jours avant de faire votre grief ?

Me DI IORIO : Marcelle Brière.

LE TÉMOIN : Oui, parce que je voulais le mettre officiel.

LE PRÉSIDENT : Madame Brière.

Q. Bon, vous rencontrez madame Brière le 29 juillet, si ma mémoire est fidèle ?

R. Exact.

Q. Et vous lui racontez tout ?

R. De A à Z.

Q. De A à Z. Vous nous dites que madame Brière vous promet qu'elle va s'en occuper ?

R. Oui.

Q. Lorsque madame Brière vous promet qu'elle va s'en occuper, vous avez confiance qu'elle va s'en occuper ?

R. Oui.

Q. À ce moment-là, malgré ça, vous faites un grief le 31, deux jours plus tard ?

R. Oui. Parce que, avec madame Brière, j'avais aucun document qui prouvait que je m'étais plainte parce que, dans le passé, disons que j'ai dit ça, je n'ai pas dit ça. Là, je voulais avoir quelque chose de prouvable.

U. Bon. Et après avoir fait votre grief, vous avez décidé un mois plus tard de déposer votre plainte ?

R. J'ai attendu, oui.

V. Un mois plus tard, avant de déposer votre plainte, est-ce que vous vous êtes informée aux gens du syndicat, à savoir qu'est-ce qu'il advenait de votre grief ?

R. Il advenait rien, c'est pour ça.

Q. Ce n'est pas ça ma question.

R. Oui, je me suis renseignée.

Q. C'est ça que monsieur...

R. Oui, je me suis renseignée, puis ...

Q. Maître Di Iorio, c'est ça qu'il vous demande.

R. O.K., c'est ça. Non.

Q. Vous êtes-vous renseignée ...

R. Oui.

Q. ... avant de déposer votre plainte sur le suivi qui avait été donné à votre grief ?

R. Exact.

Q. À qui en avez-vous parlé et quand ?

W. J'ai demandé ça à Théo St-Pierre.

Q. Alors, vous lui avez demandé ça dans les jours qui précèdent le dépôt de votre plainte ?

R. Oui.

Q. Et lorsque vous avez demandé ça à monsieur Théo St-Pierre, qu'est-ce qu'il vous a répondu ?

R. Il m'a dit : Non. Non, comme d'habitude.

Q. Qu'est-ce que vous lui avez demandé ?

R. J'ai dit : Puis, est-ce que vous avez des nouvelles, est-ce qu'ils vont faire quelque chose ? Bien, il dit : À date, il se passe rien.

Q. À date ..., qu'est-ce qu'il vous a répondu ?

R. À date, il se passait rien.

Q. Il se passait rien. Tantôt, vous avez dit que monsieur Théo vous avait dit que ça se discuterait avec d'autres griefs lors d'une réunion du comité de griefs ?

R. C'est en général les griefs se discutent.

Q. Mais est-ce qu'il vous a dit ça à ce moment-là ?

R. Non, pas à ce moment-là. C'est quand je parlais des autres griefs parce qu'il y a une secousse que je demandais au syndicat : C'est bien beau de faire des griefs, mais ça me donne quoi, moi ? Je veux dire, je signe un grief, puis ça va dans une filière. Il se passe quoi avec ces griefs-là ? C'est là que j'ai eu la réponse qu'on en règle. Même le nouveau syndicat, j'avais demandé la même question, puis ils m'ont dit qu'il y avait des comités de griefs, puis là, il y avait une rencontre, je ne sais pas quand là, puis ils réglaient certains griefs.

C. Propos tenus par le membre instructeur au sujet de Ben Laden.

[23] Comme troisième élément au bien-fondé de la requête en récusation, le procureur de la Commission me reproche des propos au sujet de Ben Laden.

[24] Il y a lieu de référer aux notes sténographiques pour bien établir le contexte de ces propos. (Volume 4, pages 849, 850 et 851)

Me DI IORIO :

Q. Alors, à un moment donné, est-ce qu'il y a quelque chose, un fait que vous voyez, que vous entendez et qui vient de Manon, donc vous voyez Manon ou vous entendez Manon, vous touchez Manon ou vous sentez Manon ou vous goûtez Manon, donc quelque chose qui se perçoit avec les sens, concernant Manon, qui vous fait conclure qu'elle n'aime pas les Arabes ?

R. Son attitude. C'est tout.

Q. C'est l'attitude. Mais il n'y pas de paroles qui viennent de Manon qui vous indiquent qu'elle n'aime pas les Arabes ?

R. Non, à part de : Hein, il était musulman. À part de ça non.

Q. Et vous convenez avec moi que : Hein, il est musulman, ce n'est pas un élément de racisme ça ?

R. Peut-être pas, mais ce n'est pas toujours qu'est-ce qu'on dit, c'est la façon qu'on le dit.

LE PRÉSIDENT :

Q. Ou la perception qu'on en a.

R. Oui, moi,, je peux dire, je ne sais pas moi, je peux faire une farce avec quelqu'un, il peut la trouver bien, bien drôle. Si je change de ton de voix, ce serait très insultant. Je vous dire ça dépend comment qu'on dit la chose, avec quelle raideur et…

Q. Madame, je peux vous dire en souriant cet après-midi vu que vous nous avez dit que vous êtes d'origine, que vous êtes musulmane, je peux quand même vous faire une blague en vous demandant si vous avez des affinités avec Ben Laden.

R. Ah bien ça, ce n'est pas pareil, Ça, ce n'est pas pareil, ça, c'est une farce.

Q. Bon. Si je vous dis par contre elle est pareille comme Ben Laden, c'est une pareille.

R. Oui, là, c'est différent.

Q. Là, c'est différent ?

R. Oui.

Q. On est d'accord ?

R. Oui.

Me DI IORIO :

Q. Vous n'êtes pas musulmane ?

R. Je l'étais musulmane, j'ai été baptisée, ma mère, elle m'a choisi Marie-Thérèse Nadia ou lieu de Nadia tout seul. Mais au fond, ça a l'air que le prêtre n'a pas accepté dans ce temps-là de mettre juste Nadia. Elle m'a baptisée en cachette parce qu'en Égypte, une musulmane ne peut pas changer de religion et elle ne peut pas marier un chrétien. C'est pour ça qu'on voulait partir. On est … c'est le père qui choisit le mari de sa fille.

Q. Vous dites que vous avez déjà été musulmane ?

R. Bien, je suis née musulmane. Quand on est d'un père musulman, on est automatiquement musulman, d'après la loi arabe, égyptienne.

Q. D'après les règles de l'Islam ?

R. Exact, d'après les règles de l'Islam.

IV. ANALYSE

[25] Les prétentions du procureur de la Commission sont à l'effet que, par mes interventions au cours du témoignage de la plaignante Nadia Caza, j'ai créé une crainte raisonnable de partialité justifiant le bien-fondé de la requête en récusation.

[26] Qu'est-ce que la crainte raisonnable de partialité ? Le Juge de Grandpré dans l'affaire, Committee for Justice and Liberty (1) définit le test applicable à la crainte raisonnable de partialité.

La Cour d'appel a défini avec justesse le critère applicable dans un affaire de ce genre. Selon le passage précité, la crainte raisonnable de partialité doit être raisonnable et le fait d'une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d'appel, ce critère consiste à se demander à quelle condition en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, M. Crowe, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste ?

Je ne vois pas de différence véritable entre les expressions que l'on retrouve dans la jurisprudence qu'il s'agisse de crainte raisonnable de partialité, de soupçon raisonnable de partialité ou de réelle probabilité de partialité. Toutefois, les motifs de crainte doivent être sérieux et je suis complètement d'accord avec la Cour d'appel fédérale qui refuse d'admettre que le critère doit être celui d'une personne de nature scrupuleuse ou tatillonne.

Telle est la façon juste d'aborder la question mais il faut évidemment l'adapter aux faits de l'espèce. La question de la partialité ne peut être examinée de la même façon dans le cas d'un membre d'un tribunal judiciaire que dans le cas d'un membre d'un tribunal administratif que la loi autorise à exercer ses fonctions de façon discrétionnaire, à la lumière de son expérience ainsi que de celles de ses conseillers techniques.

Évidemment, le principe fondamental est le même : la justice naturelle doit être respectée. En pratique, cependant, il faut prendre en considération le caractère particulier du tribunal. Comme le remarque, Administrative Law and Practise, 1971, à la page 220…

[Traduction] Tribunal est un mot fourre-tout qui désigne des organismes multiples et divers. On se rend vite compte que des normes applicables à l'un ne conviennent pas à un autre. Ainsi, des faits qui pourraient être des motifs de partialité dans un cas peuvent ne pas l'être dans un autre.

[27] Dans l'affaire R.D.S. (2), la Cour suprême énonce la façon dont une personne raisonnable doit aborder la question de crainte raisonnable de partialité :

Nous concluons que la personne raisonnable dont parle le juge de Grandpré et qu'ont adoptée les tribunaux canadiens, aborde la question de savoir s'il y a crainte raisonnable de partialité avec une compréhension nuancée et contextuelle des éléments en litige. Elle comprend qu'il est impossible au juge d'être neutre, mais elle exige son impartialité. Elle connaît la dynamique raciale de la collectivité et, en tant que membre de la société canadienne, elle souscrit au principe d'égalité.

Cette personne raisonnable ne conclurait pas que les actes d'un juge suscitent une crainte raisonnable de partialité sans une preuve établissant clairement qu'il a indûment fait intervenir son point de vue dans son jugement ; cette exigence découle de la présomption d'impartialité du juge. Il faut une indication que le juge n'a pas abordé l'affaire avec un esprit ouvert et équitable envers toutes les parties. La connaissance du contexte dans lequel l'affaire a eu lieu ne saurait constituer une telle preuve ; au contraire, elle est la marque de la plus haute tradition d'impartialité judiciaire.

[28] À la lumière des principes établis par la jurisprudence, j'entends analyser les trois (3) volets de la requête en récusation.

[29] Relativement au non respect d'une entente intervenue entre les parties au début de l'audition, il appert des citations soulevées par le procureur de la Commission et apparaissant à la preuve que la plaignante avait un droit de parole pour contre-interroger un témoin si elle le souhaitait après le contre-interrogatoire du procureur de la Commission. Elle pouvait également procéder au contre-interrogatoire d'un témoin après avoir consulté le procureur de la Commission si elle le jugeait à propos. La plaignante n'a pas encore eu l'opportunité d'exercer ce droit.

[30] Quant au droit de parole, je ne crois pas avoir empêché la plaignante de l'exercer dans le respect des règles qui régissent le contre-interrogatoire d'un témoin. J'estime que je me devais d'informer la plaignante de son obligation de répondre aux questions du procureur de la partie adverse. Un témoin peut certainement s'interroger sur les motifs qui animent le procureur qui le contre-interroge mais il appartient au juge de l'informer qu'il n'a pas à questionner le procureur sur ses intentions, sans que, pour autant, ces informations constituent une réprimande à son endroit.

[31] En conclusion sur ce point, j'ai la ferme conviction que les citations apportées par le procureur de la Commission et reproduites dans la présente décision ne démontrent d'aucune façon que je puisse avoir réprimandé la plaignante. Au risque de me répéter, je crois qu'informer la plaignante de son obligation de répondre aux questions qui lui étaient formulées par la partie adverse ne constituait aucune forme de réprimande à son endroit et aucune entrave à sa liberté de s'exprimer. J'estime qu'il était de mon devoir de le faire.

[32] En ce qui a trait au deuxième volet de la requête, le procureur de la Commission me reproche d'avoir interrompu le témoignage de la plaignante et mes nombreuses interventions de sorte que, par mes agissements, j'ai soulevé une crainte raisonnable de partialité.

[33] Je tiens à souligner que je ne connais pas de règle qui interdise à un juge d'interrompre le contre-interrogatoire d'un témoin ou d'intervenir pour lui poser des questions ou lui fournir des explications lorsqu'il lui apparaît nécessaire de le faire.

[34] J'ai relu avec beaucoup d'attention les citations à l'appui des reproches qui me sont adressés. J'ai constaté que j'ai dû intervenir pour faciliter ma compréhension à des réponses de la plaignante à des questions posées par le procureur des intimées. J'ai aussi constaté, qu'à plusieurs occasions, la plaignante n'avait pas compris les questions qui lui étaient posées. Je crois qu'il était alors de mon devoir d'intervenir pour m'assurer que la plaignante avait une bonne compréhension des questions qui lui étaient formulées. Je suis intervenu pour permettre à la plaignante de répondre clairement à des questions dont les réponses étaient ambiguës.

[35] Je ne crois pas que mes interventions aient privé la plaignante de son droit absolu à une audition équitable. J'estime que mes interventions n'ont jamais été défavorables à la plaignante et n'ont jamais visé à miner sa crédibilité.

[36] J'estime que mon attitude et mon état d'esprit au cours du témoignage de la plaignante ne peuvent permettre de conclure que j'ai dérogé à la règle de l'impartialité. Mes interventions visaient uniquement la recherche de la vérité afin de permettre que justice soit rendue.

[37] En ce qui concerne le troisième élément de la requête en récusation concernant mes propos au sujet de Ben Laden, le procureur de la Commission soutient que j'ai commis une erreur en affirmant que la plaignante était d'origine musulmane. Malheureusement, ce n'est pas ce que révèle la preuve. En effet, la plaignante a affirmé dans son témoignage qu'elle était née musulmane puisque son père est musulman.

[38] Le procureur de la Commission soutient que l'exemple que j'ai soulevé en disant : Je peux quand même vous faire une blague en vous demandant si vous avez des affinités avec Ben Laden était une remarque intempestive à l'égard d'un témoin qui est sous contre-interrogatoire. Il s'exprime ainsi:

Avez-vous des affinités avec Ben Laden, même en blaguant, c'est quelque chose qui est à mon sens intempestif. (Volume 5, page 1208)

[39] Il soutient également que ces propos que j'ai tenus, même à la blague, donnent l'impression à une personne extérieure, qu'il y a une distraction de la part du décideur qui écoute une cause concernant la plainte d'une personne arabe et on a en tête le fait que Ben Laden est une personne qui vient du monde arabe. (Volume 5, page 1211)

[40] Je ne peux suivre la pensée du procureur de la Commission. Lorsque les propos sont placés dans les circonstances où ils ont été prononcés, je ne crois pas qu'une personne raisonnable, bien au courant du processus judiciaire, puisse conclure que les propos en question créent une crainte raisonnable de partialité. Je ne crois pas non plus qu'une simple impression soit suffisante.

[41] Je ne crois pas non plus que mes propos étaient blessants et que la plaignante se soit sentie dominée par le décideur que je suis.

[42] Il ressort de la preuve que mes propos n'ont jamais soulevé de crainte chez la plaignante. Au contraire, la preuve démontre qu'elle était nerveuse suite aux questions du procureur des intimées. Je suis intervenu pour la rassurer et lui indiquer que mon rôle était de surveiller le comportement du procureur des intimées.

V. CONCLUSION

[43] J'arrive à la conclusion que le procureur de la Commission, qui avait le fardeau d'établir clairement que mes interventions puissent susciter une crainte raisonnable de partialité, n'a pas réussi cette preuve.

[44] J'estime qu'une personne raisonnable qui répond aux critères établis par la jurisprudence ne peut, après analyse des reproches qui me sont adressés, arriver à la conclusion que mes interventions suscitent une crainte raisonnable de partialité.

[45] En conséquence, la requête en récusation est rejetée.

Originale signée par


Roger Doyon, Président

OTTAWA (Ontario)

Le 29 avril 2002

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NOS. DES DOSSIERS DU TRIBUNAL: T633/2101

T634/2201

INTITULÉ DE LA CAUSE: Nadia Caza c. Télé-Métropole inc. Nadia Caza c. Manon Malo

LIEU DE L'AUDIENCE: Montréal (Québec)

(REQUÊTE EN RÉCUSATION) Les 12 et 13 mars 2002.

DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL: Le 29 avril 2002

COMPARUTIONS:

Nadia Caza Pour elle-même

Me Daniel Chénard et Me Monette Maillet Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Me Nicola Di Iorio et Me Stéphane Fillion Pour Télé-Métropole inc. et Manon Malo

1. 1 Committee for Justice and Liberty c. Office National de l'énergie [1978] 1 R.C.S. p. 369 aux pages 394 et 395.

2. 2 R.D.S. c. Sa Majesté la Reine [1997] 3 S.C.R. p. 484 à la page 509.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.